2.1. Organisation de la vente des médicaments
à « Keur Serigne bi »
Contrairement à ce que laisse entrevoir toute
observation superficielle, «Keur Serigne bi»est un cadre
structuré. Notre immersion dans ce milieu et discussion avec certains
acteurs nous ont permis de distinguer quelques catégories de personnes
qui s'activent dans la pratique.
2.1.1. Carte des acteurs
Dans cette partie, il s'agit de montrer l'ensemble des personnes
qui participent au trafic des médicaments à « Keur Serigne
bi » et le rTMle de chacun.
2.1.1.1. Les racoleurs ou rabatteurs
Les racoleurs peuvent etre considérés comme les
premiers réceptacles de la clientele. Ils se positionnent en dehors de
« Keur Serigne bi » sur l'avenue Blaise Diagne. Ils interceptent
toute personne arrivée à hauteur de « Keur Serigne bi
», qu'elle soit acheteuse ou non en lui demandant « lo b`g ?
garab È (que voulez-vous ? des médicaments). Ils
mémorisent pour la plupart le nom et le prix de beaucoup de
médicaments (prix à l'officine). Les racoleurs ou rabatteurs sont
« les plus actifs des acteurs », car sans cesse, ils cherchent
d'éventuels clients potentiels et d'autres personnes qui viennent
à « Keur Serigne bi » pour y écouler ou recycler des
médicaments. Leur stratégie consiste, aprés avoir pris
connaissance des médicaments que cherche l'acheteur, à lui
proposer un prix moins cher que celui offert dans les pharmacies. Chaque
rabatteur à son ou ses propres vendeurs avec qui il traite aprés
avoir proposé un cofit au client. Dans la vente des médicaments
à «Keur Serigne bi», les racoleurs disposent d'une zone
dÕincertitude pertinente dans le système de relations et
d'activités. Non seulement ils sont plus instruits que les vendeurs
à qui on interdit de sortir pour chercher des clients et dont la plupart
savent lire uniquement l'arabe, mais aussi
65 Serigne Mourtada Mbacké est fils de Cheikh
Ahmadou Bamba, fondateur de la confrérie mouride.
66 Touba fut un village crée par cheikh Ahmadou
Bamba. Actuellement il est considéré comme ville et l'appelle
aussi l « la capitale du mouridisme ».
ils monopolisent l'information car ils sont les premiers qui
accueillent la clientele. Un
rabatteur affirme : depuis que j'ai cesse de frequenter
l'ecole, je suis ici. Je ne connais que la vente de médicaments. Je
suis venu ici parce que mon grand frere est vendeur de medicaments ici, il
ne sait pas lire francais et puisque c'est necessaire, il m'a dit de venir
l'aider. Je travaille
ici depuis 1996...je m 'en sors bien67 .
La strategie des racoleurs est aussi rendue adequate et efficace par le fait
que beaucoup d'acheteurs ne veulent pas etre identifies comme etant des clients
de ce marche parallele. Par consequent, ils preferent discuter avec un
rabatteur qui se charge de chercher le medicament demande plutTMt que d'aller
negocier volontiers avec les vendeurs. L'%oge des racoleurs est compris entre
25 et 35 ans et on peut denombrer une trentaine de racoleurs reguliers (durant
nos enquêtes). En ce qui concerne le deroulement de
leur travail, les racoleurs affirment : si un client
vient, on regarde la liste des medicaments recherches et, on lui propose un
coat moins cher que celui des pharmacies mais benefique pour nous car on sait,
si par exemple le medicament coate 15.000f à l'officine, on peut l'avoir
à 10000f à l'interieur (de « Keur Serigne bi »). On
propose au client de donner 13500f et on
gagne 3500f. Neanmoins, pour etre racoleur ou
rabatteur, il faut conna»tre obligatoirement au moins un vendeur qui a
confiance et accepte de traiter avec toi68 soutient un
rabatteur. Il ajoute : il est difficile d'être vendeur ici si on
n'est pas de Touba parce que c'est un trafic delicat. Des lors, «
Keur Serigne bi » semble etre une structure hermetique, reservee aux
mourides et particulierement, à ceux originaires de Touba qui en
assurent l'organisation meme si beaucoup de racoleurs viennent des banlieues
telles que Pikine et Guediawaye. Il faut preciser que la presence de racoleurs
n'est pas seulement specifique à « Keur Serigne bi » mais le
propre de beaucoup de pratiques informelles.
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