9
Sommaire
Dédicaces Remerciements
Introduction 8
PREMIERE PARTIE: LE CADRE THEORIQUE ET
METHODOLOGIQUE
11
Chapitre I : Cadre théorique 12
Chapitre II : Cadre méthodologique 42
DEUXIEMEPARTIE : LES POLITIQUES SANITAIRE 47
Chapitre I : Les politiques de promotion des soins de
santé 49
Chapitre II: Organisation du secteur de la santé et
régulation du système pharmaceutique au Sénégal
51
TROISIEME PARTIE : La vente illicite des
médicaments
ÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ.
62
Chapitre I : Le marché parallèle de «Keur
Serigne bi» 64
Chapitre II: Les différentes appréciations
sur la vente illicite des médicaments ...
83
Conclusion 103
Bibliographie 107
Annexe
Table des Matières 110
DIDICACES
Je dédie ce mémoire à mon pére
Serigne Camara Ë ma mére Anta DIOP Ë monfrére
Serigne Saliou CAMARA Ë son épouse Awa Diakhaté
CAMARA
REMERCIEMENTS
Aucun travail de recherche scientifique à proprement
parler ne peut s 'accomplir sans le concours d'autres personnes.
Pour ce mémoire de ma»trise, je tiens à
remercier toutes les personnes qui concouru à sa
réalisation.
Je tiens à remercier au premier chef, mon Directeur
de mémoire, Monsieur Lamine NDIAYE qui a accepté de diriger ce
travail et de m'apporter toute la rigueur scientifique que nécessite une
activité de recherche par son encadrement sans reproche.
Je voudrais en deuxiéme lieu remercier tous mes
encadreurs qui n'ont sans nul doute ménagé aucun effort pour
réalisation de cette Ïuvre.
Je voudrais mentionner Monsieur Sylvain FAYE qui a suivi
sans cesse tout leprocessus du travail du début à la fin, en
mettant à ma dimension une importante documentation. Sa
détermination et ses suggestion et critiques sans complaisance m'ont
permis de revêtir ce travail d'un habit scientifique.
J'aimerais remercier aussi Monsieur Paul DIEDHIOU qui,
depuis ma licence s'est intéressé à cette étude et
n'a cessé de m'apporter son soutien tant dans l'élaboration du
projet que dans le suivi du travail.
Je tiens à remercier trés sincérement
l'éminent sociologue Monsieur Boubacar LY qui a également lu mon
projet de recherche et guidé mes premiers pas dans la recherche. Je le
suis encore reconnaissant pour son soutien sans interruption aux
étudiants.
Mes remerciements vous aussi à l'endroit de tous les
professeurs qui ont contribué à ma formation de
sociologue.
Je remercie également infiniment le
CODESRIA (Conseil pour le Développement de la Recherche
en Sciences Sociales en Afrique) qui a trouvé un intérêt
à mon projet de mémoire et a accepté de subventionner les
charges de la recherche.
Je voudrais remercier singulièrement Docteur
Fatoumata Kiné HANE, Anthropologue de la Santé et Chercheure
à l'IRD. Elle a lu, corrigé ce travail et mis a ma disposition
une documentation non négligeable.
Ce travail ne serait jamais réaliser sans mon
père Serigne CAMARA et ma mère ANTA DIOP qui m'ont
toujours accompagné dans mes études sur le plan financier mais
surtout au plan moral. Je leur réitère ma profonde
gratitude.
Je voudrais honorer mon frère Serigne Saliou CAMARA
et son épouse Awa DIAKHATE Camara qui, depuis ma première
année au département de sociologie n'ont épargné
aucun effort encore un choux pour ma réussite en me mettant dans les
conditions idoines à tous les niveaux.
A ces remerciements, j'associe mes frères et
sÏurs, à toute la famille CAMARA.
Je remercie aussi mes condisciples et amis qui, de
près ou de loin m'ont toujours manifesté leur solidarité
et sympathie.
Je voudrais remercier les différentes structures
dont je suis membre. J'aimerai d'abord mentionner les structures estudiantines
: AEEMS (Association des Elèves et Etudiants musulmans du
Sénégal) qui a rendu aisée mon intégration dans ce
temple du savoir, l'ANES (Association Nationale des Etudiants en sociologie),
le GRASA (Groupe de Recherche et D'action en Sociologie et en Anthropologie),
le GRSAS (Groupe de recherche en Anthropologie de la Santé) dont
Monsieur le Professeur Sylvain FAYE dirige les ateliers hebdomadaires.
J'aimerai remercier et du coup honorer mes camarades du
MOUVEMENT CITOYEN et ceux de la JAMAATOU SALAMde Thiès qui ont toujours
fait ma réussite unepréoccupation à la dimension des
leurs.
Que toutes les personnes qui ont aidé à la
réalisation de cette entreprise soient remerciées.
INTRODUCTION
En 1977, la Trentième Assemblée Mondiale de la
Santé a pris la résolution de faire accéder en l'an 2000
tous les habitants du monde à un niveau de santé qui leur
permette de
1
mener une vie socialement et économiquement productive .
Ainsi, naquit le slogan, largement repris sur le continent africain, <<
la santé pour tous d'ici l'an 2000 >>.
On a souvent coutume de dire que l'offre de soins est
meilleure en ville qu'en campagneÉ Mais, cette offre de soins n'est bien
souvent que virtuelle: << tous les citadins n'ont pas le même
accès à ces soins, faute d'argent de couverture sociale, de
conscience de la gravité de certains maux voire plus scandaleusement
d'introduction pour entrer à l'hôpital >>2.
En effet, depuis plus d'une décennie, la vente illicite
des médicaments gagne du terrain avec le développement des
circuits offici eux d'approvisionnement. Cette pratique peut être
inscrite dans le registre de l'informel car, les soins prodigués
à domicile sans intervention d'un thérapeute, est devenu une
réponse thérapeutique à part entière, au même
titre que le recours au dispensaire et au guérisseur3.
Dés lors, elle se développe dans un contexte
d'automédication généralisée jumelée d'une
gestion bureaucratique du médicament . Pratique persistante, le commerce
illégal du médicament est différemment
appréciée par la population sénégalaise. Les
officines, lieux habilités à vendre des médicaments, sont
aujourd'hui concurrencées par les marchés parallèles. Dans
les circuits officieux, les acteurs s'autorisent à administrer des
médicaments à une bonne partie de la population dakaroise.
Parmi les lieux d'approvisionnement illicite en
médicaments, <<Keur Serigne bi>> (<< la maison du
marabout >>) reste l'un des plus remarquables à Dakar gr%oce
à sa position géographique (centre ville), la
disponibilité et l'accessibilité de certains produits
pharmaceutiques. Il est considéré comme la principale source de
ravitaillement en
1 Stratégie mondiale de la santé pour tous d'ici
l'an 2000, OMS Genève, 1981.
2 FASSIN et JAFFRE, In GRUENAIS, M. et POURTIER, R., 2000, La
santé en Afrique, Anciens et nouveaux défis, Afrique
contemporaine, trimestriel n° I95.
3 Faye S. et al. , 2005,<< Soigner les enfants
exclusivement à domicile en cas de paludisme en milieu rural
sénégalais : un effet de la pauvreté? >>
médicaments pour diverses catégories sociales et
pour beaucoup de vendeurs qui circulent dans la ville de Dakar et dans d'autres
localités au niveau national.
Face à cet épineux problème, les
pharmaciens s'organisent pour la sauvegarde des intéréts de leur
corporation et exigent des mesures répressives de la part des
autorités publiques tandis que l'attitude de l'Etat préte
à équivoque.
Dès lors, une approche socio-anthropologique s'impose
pour comprendre et expliquer les raisons qui sous-tendent la vente illicite des
médicaments à l'heure oü la problématique de
l'accès aux soins médicamenteux constitue un enjeu majeur des
politiques de santé.
Dans ce travail, nous nous intéressons aux politiques
sanitaires et particulièrement à l'initiative de Bamako. Nous
montrons aussi l'organisation du secteur de la santé, la
régulation du système pharmaceutique au Sénégal et
les limites des politiques de santé.
En outre, nous y abordons l'organisation de la vente des
médicaments à ÇKeur Serigne bi È en
présentant d'abord le cadre d'étude et son historique. Il s'agit
également de faire la carte des acteurs en identifiant la
clientèle de ÇKeur Serigne bi È et ses réseaux
d'approvisionnement. En sus, nous exposons les causes de la vente illicite du
médicament avant de nous intéresser à la position des
pouvoirs publics sur la pratique, à l'appréciation des
pharmaciens sur la position des autorités publiques. Enfin, nous
montrons les causes de la persistance de Ç Keur Serigne biÈ dans
le commerce illicite du médicament, les conséquences de la vente
illégale du médicament sur la profession pharmaceutique, les
mesures de lutte prises et/ou préconisées avant de titrer les
conclusions générales de cette étude.
PREMIERE PARTIE:
CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE
CHAPITRE I : CADRE THEORIQUE
1. La revue de la littérature
La recherche, qui s'inscrit dans une perspective de
continuité, autorise et encourage la confrontation, souvent
contradictoire entre les résultats des différentes recherches.
L'Anthropologie a commencé à investir le domaine de la
santé comme l'affirme J. DUFRESME : depuis quelques années,
lÕanthropologie a entrepris de scruter avec ses propres lunettes
conceptuelles méthodologiques populaire domaine de la santé
4
et le . En
effet, même si nous ne nous intéressons pas
spécifiquement à la santé dans sa
généralité, il est important de signaler que la
problématique de la vente illicite des médicaments et la
recherche de soins médicamenteux ne peuvent et ne doivent pas être
dissociées des problemes de santé. Des lors, l'étude de la
vente illicite des médicaments au marché parallele de « Keur
Serigne bi È s'inscrit en droite ligne dans la perspective de
l'anthropologie de la santé. Ainsi, comme le note F. LAPLANTINE, si
lÕinterprétation de la maladie est un phénoméne
social qui nÕest pas seulement le fait du spécialiste mais
dÕabsolument de tout le
4 DUFRESME J., DUMONT, F., et MARTIN, Y., in, Petite
bibliothèque dÕanthropologie médicale, BENOIT, J.,
2002, Karthala, p. 122.
monde5, la santé elle aussi est
l'affaire de tous. L'étude de la vente illicite des
médicaments au marché parallèle de Ç Keur Serigne
bi È nous a permis de faire une recherche documentaire ayant trait
à la recherche de soins médicaux et à la vente illicite
des médicaments en particulier.
Cette étude qui inclut des facteurs socio
-économiques autant que des facteurs politiques et juridiques exige une
approche globale et singulière en vue d'apporter une explication
objective. Ainsi, le sociologue ou l'anthropologue peut s'autoriser d'apporter
sa contribution pour la compréhension de tout phénomène
affairant au social. Certains chercheurs se sont intéressés aux
soins médicamenteux et aux différentes considérations qui
les entourent tandis que d'autres s'appesantissent sur la vente illicite des
médicaments.
GEEST V., et WHYTE R.6 cernent la dialectique qui
sous-tend le rapport aux médicaments et qui s'organise autour de
l'opposition entre la popularité et le scepticisme. Pour ces derniers,
les médicaments sont perçus comme des substances
séduisantes non seulement pour les professionnels de la santé
mais aussi pour les consommateurs. Selon eux, les raisons qui expliquent cet
engouement sont multiples.
De prime abord, leur efficacité éprouvée
par les populations et leur dimension tangible, permettent d'intervenir de
façon significative et matérielle sur le corps malade. Ensuite,
leur efficacité fournit aussi un moyen de localisation et
d'appréhension de la maladie que les consommateurs légitiment
ainsi. En outre, GEEST et WHITE affirment que l'origine étrangère
de certains médicaments contribue aussi à leur plus grande
attraction. Pour ces derniers, leur attirance est renforcée par les
campagnes de publicité, les modes d'emballage et leur apparence. Par
ailleurs, ils montrent aussi en tant que signes échangés, ils
contribuent au renforcement des relations sociales à travers des dons et
des contre-dons qu'ils
5LAPLANTINE F., 1986, Anthropologie de la
maladie, Paris, Payot, p.17.
6 GEEST S., WHYTE R. (dir), 1988, «The Context of Medicines
in Developing Countries Studies in
Pharmaceutical Anthropology», in Revue Anthropologie et
Sociétés, 2003, Université Laval.
impliquent. GEEST et WHITE soutiennent que le pouvoir des
médicaments dérive aussi de celui des professionnels de
santé qui les recommandent et les prescrivent. Ils ajoutent que leur
succès est également lié au fait qu'ils permettent de
court-circuiter certains des contrôles sociaux auxquels les individus
sont confrontés. Selon eux, leur usage privé ou secret, contribue
à l'autonomie dans les choix de vie et de traitement.
Pour GEEST et WHYTE l'ensemble de ces avantages
n'empêche pas cependant que les médicaments soient
également l'objet de perceptions négatives liées à
leur toxicité, leur agressivité et leurs effets secondaires. Les
résistances à l'égard des médicaments peuvent aussi
s'exprimer selon eux par des formes de non observance, reflet d'un scepticisme
face au corps médical. Elles résultent aussi du non respect des
prescriptions des médecins ou même d'une rébellion contre
ses diktats. Ces positions sont sous-tendues et alimentées par les
effets iatrogènes7 des médicaments et la critique de
leur commercialisation d'après ces auteurs. Ils affirment que le refus
des médicaments est signifié par le choix de médecines
alternatives, en particulier dans les pays en voie de développement.
Pour eux, il existe dans les pays en développement des traditions
médicales développées revendiquées comme
l'expression d'une connaissance spirituelle visant une harmonie et un
équilibre, absent dans les thérapies occidentales.
Leur analyse a le mérite de confirmer la
polysémie des médicaments et leur statut ambivalent sinon
problématique. Leur étude montre en outre que les
médicaments ont autant d'influence positive que d'impact négatif
sur la santé des individus. Ces derniers révèlent aussi le
rôle que joue le médicament dans les relations sociales.
Cependant, le choix d'une médecine alternative n'est
pas seulement l'apanage des pays en voie de développement si l'on sait
que dans certains pays dits Ç développés È,
certaines populations disposant d'un revenu faible pourraient faire recours
à une forme de thérapie qui ne dérive pas de la
médecine moderne voire de celle occidentale. En effet, la vente
illégale
7 Effets iatrogènes : ce sont les états
pathologiques liés à l'administration des médicaments.
de médicaments constitue une alternative pour certains
(vendeurs) qui s'y activent et d'autres qui se procurent au niveau du
marché parallèle du médicament.
8
L'anthropologue FAIZANZ S.s'interroge sur le rapport à
l'ordonnance et aux médicaments dans des trois groupes d'appartenance
religieuse différente et plus précisément sur la place des
médicaments dans l'espace privé. Elle s'intéresse
également à leurs modalités de rangement et de
consommation qui semblent être régies par des
référents culturels. Elle prend appui sur un terrain distinctif,
auprès de groupes de patients d'origines protestante, catholique et
musulmane du Sud de la France et dont l'appartenance socio-économique et
professionnelle est diversifiée. Pour FAIZANG, la consommation et le
rangement des médicaments par les patients dans l'espace domestique
témoignent d'une relation à soi, à son corps et à
l'Autre. Elle s'intéresse aux pratiques individuelles et familiales
relatives à la consommation médicamenteuse et à la
disposition des médicaments dans l'espace domestique des familles
observées. Elle montre que les pratiques ne sont pas le résultat
d'un choix personnel. Elles sont socialement construites, et cette construction
diffère selon l'appartenance culturelle des patients. En outre, elle
tente de découvrir les logiques symboliques qui sous-tendent ces
pratiques.
Son analyse indique en premier lieu, des distinctions entre
l'usage individuel ou collectif des médicaments. Ainsi, FAIZANG
décrit les rapports entre les patients et les médecins, et les
stratégies de dosage des médicaments par les patients. Pour elle,
le rangement des médicaments à domicile est aussi
révélateur de visions du monde contrastées. Les lieux
privilégiés obéissent à des choix différents
dans les espaces personnels (chambre ou bureau) et dans les aires collectives
(cuisine ou salle de bains). Cet état de fait, reflète pour
FAIZANG, le caractère plus individualisé ou plus collectif, selon
les cas du rapport aux médicaments. Elle dévoile la relation
établie entre médicament et alimentation. Pour elle,
8 FAINZANG S., 2001, Médicaments et
sociétés. Le patient, le médecin et l'ordonnance.
Paris, PUF.
une étude ethnographique fine du rangement des
médicaments dans l'espace domestique permet de comprendre comment
s'articulent les conceptions du corps et celles du lieu d'habitation. Selon
FAIZANG, les espaces collectifs et privés se recoupent dans des espaces
intermédiaires, qui sont aussi le reflet des rapports particuliers aux
médicaments, au corps et à la « collectivité
familiale ».
Bien qu'importante, l'étude de FAIZANG n'a pas
abordé les sources d'approvisionnement officieux en médicaments
de certaines populations qui pourraient elles aussi, illustrer le rapport ou
les rapports que ces derniéres entretiennent avec le médicament.
Cependant, son travail a le mérite de montrer le rapport de certains
individus aux médicaments qui peut orienter des pratiques
spécifiques d'approvisionnement.
Par ailleurs, VINCENT S.9 se propose de faire
une anthropologie du médicament et parallélement, une
étude sur les conditions de sa réappropriation par les individus.
Pour elle, la consommation du médicament se trouve au cÏur d'un
paradoxe car à priori tres contrTMlée, elle ne cesse
d'échapper aux experts qui devraient en avoir la charge afin qu'elle
soit réappropriée par les individus. Elle affirme qu'au
delà du choix et du déroulement des itinéraires
thérapeutiques, les usages du médicament sont extremement
normés. Elle ajoute que différents risques sont associés
à la consommation médicamenteuse. De façon
générale, la perception du danger structure les usages du
médicament dans l'espace domestique tant au niveau de son rangement que
de sa consommation. Elle soutient en ces termes que lÕachat des
médicaments est en théorie inséré dans un protocole
: le patient ne peut acheter de médicaments sans avoir consulté
un médecin et possédé une ordonnance10.
VINCENT, affirme, cependant, que ces normes se trouvent en
porte à faux avec les pratiques, beaucoup moins protocolaires que ne
l'impose la norme sociale. Selon elle, le choix d'un itinéraire
thérapeutique repose sur l'interprétation que se fait l'individu
de ses
9 VINCENT, S., 2004, Une anthropologie du
médicament, la consommation de médicaments chez les 20-40 ans en
France, Mémoire de ma»trise, Paris, Sorbonne.
10 VINCENT S., op.cit. p.13.
symptômes. Elle soutient que dans le cadre d'un recours
allopathique11, cette interprétation se divise
schématiquement en deux groupes. Premièrement, lorsque les
symptômes paraissent non dangereux mais bénins, le malade
préfère généralement se soigner par
automédication. En revanche, elle note que quand les symptômes
semblent être plus dangereux, le malade se tourne vers un
itinéraire beaucoup plus protocolaire en faisant appel au
médecin.
En effet, S.VINCENT s'est beaucoup plus appesanti sur les
itinéraires thérapeutiques que sur la problématique de la
vente illicite des médicaments. Son étude a le mérite de
montrer deux voies
importantes dans la recherche de soins médicamenteux
dans la société francaise à savoir: l'itinéraire
allopathique ou protocolaire (qui consiste à respecter les étapes
habituelles et conventionnelles de délivrance du médicament) et
l'automédication. Toutefois, l'automédication en ce qui concerne
le Sénégal n'est pas uniquement déterminée par la
nature des symptômes. En effet, l'insuffisance de moyens financiers
conduit certains individus à ne plus respecter l'itinéraire
protocolaire qui est considéré à leur niveau comme un
surplus de dépenses pour un malade qui vit dans une situation de
précarité économique. Dans son article S.
FAYE12 montre que l'automédication est aussi une
réponse à la pauvreté : elle constitue donc une
alternative pour les catégories socialement
défavorisées.
A la différence des auteurs précités, D.
FASSIN13 s'est intéressé à la
problématique de la vente illicite des médicaments au
Sénégal. Selon lui, la vente illicite des médicaments est
une réponse pour les catégories sociales
défavorisées qui ne peuvent pas accéder aux soins
médicaux par les voies officielles. Selon lui, quand la consultation
débouche sur des médicaments au coüt élevé que
doivent payer des familles ou des chefs de ménages aux revenus faibles,
il n'est pas étonnant que le système secrète des solutions
de remplacement. Pour FASSIN, certaines populations, ne disposant pas souvent,
la somme nécessaire à
11 Médecine scientifique qui emploie des
médicaments tendant à contrarier les symboles et les
phénomènes morbides.
12 Faye S., 2005, Ç Se soigner à
domicile: une réponse à la pauvreté? È.
13 FASSIN D., 1986, La vente illicite des
médicaments au Sénégal, économies
parallèles, Etat et société, Politiques africaines,
Paris, Karthala.
l'achat d'une boite entière sont obligées
d'aller vers les marchés parallèles pour se procurer des
tablettes voire des comprimés en fonction de leur bourse. L'une des
causes de la persistance de la vente illicite est liée à
l'incapacité du gouvernement à résoudre la question de
l'accès aux médicaments pour les plus démunis selon
FASSIN.
Il montre que plusieurs réseaux d'importances très
inégales alimentent le commerce illicite des médicaments. Il
s'agit:
- avant tout, de la Gambie d'où les médicaments
achetés à faibles prix sont acheminés jusqu'à Touba
via Kaolack, par des camions chargés de paille ou de foin;
- du port de Dakar oü des médicaments sont
fréquemment pillés et autour duquel la vente illicite (gros et
détail) est particulièrement active.
- des hôpitaux, des dispensaires et des officines oü
le détournement par des employés donne lieu à une revente
en quantité modeste.
14
Dans Les enjeux politiques de la santé FASSIN,
s'intéresse aux politiques de santé. Selon lui,
appréhender les figures de la gouvernmentalité
particulière à la santé publique impose de saisir
l'ensemble réponses sociales 15
de ses . Pour lui, les politiques de
santé ne s'expriment pas uniquement à travers
les discours et les pratiques officiels des institutions internationales, des
ministères, des professionnels et des experts. Pour FASSIN, les
politiques de santé se manifestent aussi dans une multitude
d'énoncés et d'activités dont le statut va, de l'officieux
au clandestin. Il ajoute que son statut va également du
toléré au prohibé, et qui non seulement correspondent
à des réalités sociales et économiques importantes
en soi. Elles permettent également de faire une lecture négative
du secteur officiel dont elles révèlent les
ambigu ·tés et les contradictions. Il affirme que l'étude
de la vente illicite des médicaments au Sénégal montre
ainsi, comment les produits pharmaceutiques apparaissent comme des biens de
consommation particulièrement lucratifs. Il découvre
parallèlement ce qu'il appelle les liens mafieux entre la
confrérie
14 FASSIN D., 2000, Les enjeux politiques de la
santé. Etudes sénégalaises, équatoriennes et
francaises, Paris, Karthala.
15 FASSIN D., op.cit. p.17.
religieuse (mouride) qui en contrôle le commerce et
l'Etat qui en assure la régulation. Selon lui, la configuration spatiale
de la confrérie mouride s'avère propice pour le
développement de ce type d'activité. FASSIN pense que l'existence
d'un territoire désinvesti (Touba) par l'Etat appara»t comme une
condition qui n'est ni nécessaire ni suffisante, mais assurément
propice pour le dévelo ppement d'une économie
parallèle.
Son analyse a le mérite de montrer que la vente
illicite des médicaments ne doit pas être
appréhendée en dehors des politiques de santé. Il montre
que les politiques de santé ne répondent pas toujours aux besoins
des populations. Cette contradiction a été remarquée par
BONNICI16pour qui, la politique de la Santé, qui est par
essence, une politique de Santé publique, se heurte à une sorte
de Çmur d'argentÈ car selon lui, au marché des soins se
confrontent économiquement : une demande de soins et une offre de
Santé dans une optique marchande.
Les causes de la vente illicite des médicaments ont
fait l'objet d'une Thèse de Doctorat en pharmacie soutenue par DIAW
C.T.17. Selon ce dernier, l'une des principales causes de la vente
illicite des médicaments est la pénurie permanente de
médicaments qui caractérisent les districts sanitaires du secteur
public et leur incapacité à assurer la distribution des
médicaments à bas prix.
Selon lui, l'envoi direct des dons humanitaires de
médicaments aux populations participe aussi à
l'élargissement du marché parallèle. Il soutient que les
médicaments du marché parallèle semblent beaucoup plus
adaptés au contexte économique et social que ceux vendus dans les
officines.
A l'instar de FASSIN, il montre que la Gambie est la principale
source de ravitaillement du marché parallèle des
médicaments.
Toutefois, un autre facteur qui concourt à la vente
illicite des médicaments n'a pas était
16 BONNICI B., 1997,Les Politiques et Protection
sociale, Paris, PUF.
17 DIAW C. T., 1992, La vente illicite des
médicaments dans les marchés et rues au Sénégal.
Enquêtes effectuées dans les régions de Dakar, Kaolack, et
Diourbel., Thèse de Doctorat en pharmacie, UCAD.
souligné par C. DIAW. Certaines populations arrivant aux
termes de leurs traitements revendent (recyclent) souvent le reste de leurs
médicaments au niveau du marché parallèle.
Pour A. ANOI18, le commerce illicite des
médicaments est la résultante d'une combinaison de facteurs
socio-économiques. Selon lui, le prix élevé des
médicaments et des consultations et surtout de l'économie des
pays africains fondée pour la plupart sur des activités
informelles favorisent la consolidation des circuits informels. Ces
marchés communément appelés <<pharmacies
trottoirsÈ en Côte d'Ivoire, constituent pour lui une
véritable menace pour la santé des populations et la profession
pharmaceutique. En revanche, si les facteurs socio-économiques sont
importants dans l'explication du commerce illicite des médicaments,
d'autres facteurs non économiques pourraient contribuer dans la
compréhension du phénomène tels que : le déficit en
médicaments qui caractérise souvent le secteur public. Par
ailleurs, parmi les facteurs qui concourent à la vente illicite de
médicaments, il faut noter que certains fonctionnaires
bénéficiant d'un bon de médicaments dans les officines, en
prennent souvent certains produits pour les revendre au niveau du marché
parallèle.
En définitive, la revue de la littérature,
moment fort et crucial dans la recherche, nous a permis d'appréhender
les points de convergen ces et de divergences des différents chercheurs
abondant sur l'utilisation et la consommation du médicament en
général et la vente illicite des médicaments en
particulier. En r evanche, ces auteurs n'ont pas dévoilé le
rapport qui pourrait exister entre le système de soins et le commerce
illicite du médicament. En outre, ils n'ont pas montré la
position des pharmaciens, de la clientèle du marché
parallèle par rapport au commerce illicite du médicament. Ainsi,
nous remarquons qu'à la lumière de cette observation indirecte
que plusieurs facteurs se conjuguent dans l'explication du
phénomène de la vente illicite des médicaments. Cependant,
la vente illégale du médicament au marché parallèle
de <<Keur Serigne bi È requiert une analyse particulière
pour appréhender les différentes logiques et les enjeux qui
sous-tendent la persistance de << Keur
18 ANOI A., 1998, Le problème du marché
parallèle du médicament en Côte d'Ivoire, Thèse de
Doctorat en pharmacie, UCAD.
Serigne bi È dans le commerce illicite.
1.2. Problématique
Après la conférence d'Alma Ata en 1978(ex URSS),
les ministres africains de santé ont adopté en 1987 l'Initiative
de Bamako (IB) qui était une stratégie destinée à
renforcer les soins de santé primaires (SSP). Au cours du rapport de la
Consultation sur l'Initiative de Bamako (IB), le Directeur régional de
l'OMS, pour l'Afrique, a souligné que l'OMS avait pour mission de sauver
les vies des populations gr%oce à la promotion des soins de santé
primaires (SSP). Toutefois, il a noté que l'Initiative de Bamako qui
avait aussi pour objectif d'assurer les SSP et la fourniture des
médicaments essentiels a vu sa mission entravée par la
pauvreté, l'insuffisance des soins de santé, les catastrophes
naturelles et celles provoquées par l'homme19. L'étude
des faits de santé fournit alors un prétexte idéal.
L'usage du médicament a un sens et une signification
pour l'homme car il permet de lutter et de prévenir la maladie qui,
laisse entrevoir la mort dans l'univers des représentations de toute
société. Les produits pharmaceutiques du fait du danger qu'ils
pourraient représenter pour la santé publique, sont régis
dans leur préparation, leur prescription, leur délivrance et leur
utilisation par des lois à caractère protecteur. Le
médicament se révèle être un objet fortement
symbolique et polarisé. Positivement, il est un objet à fort
pouvoir de réassurance puisque sa seule présence suffit à
combler l'angoisse de mort. Négativement, il est source de crainte car
percu comme un objet dangereux, dangerosité percue proportionnellement
à son efficacité. Le médicament appara»t donc comme
un objet ambivalent, qui cristallise tout à la fois angoisses de mort et
confiance en la médecine, mais aussi comme un objet aux contours flous
20(S. VINCENT, 2004 ,). C'est la raison pour
laquelle l'ACAME (Association Africaine des Centrales d'Achat de
Médicaments Essentiels) fut créée le 19 juillet 1996 par
des responsables des centrales d'achat de médicaments
génériques de cinq pays que sont : le Burkina Faso, le Niger,
le
19 Rapport de la consultation d'experts sur l'Initiative de
Bamako sur les médicaments essentiels et la Médecine
traditionnelle africaine, Addis Abéba (Ethiopie) ,5-7 septembre 2005.
20 VINCENT S., op .cit. p.12.
Mali, le Tchad, et le Sénégal. Elle s'est
fixé comme objectif général d'assurer la
régularité et la sécurité de l'approvisionnement en
médicaments de qualité à des prix accessibles pour les
populations africaines21.
Au Sénégal, le Code de la Santé publique
précise qu'aucune autre personne en dehors du pharmacien n'a le droit de
délivrer ou de vendre des médicaments. Ainsi, il stipule en son
article L 517 que « quiconque se sera livré sciemment à des
opérations réservées aux pharmaciens sans réunir
les conditions exigées pour l'exercice de la pharmacie sera puni d'une
amende de 240.000 à 1.200.000 francs et en cas de récidive, d'une
amende de 420.000 à 2.400.000 et d'un emprisonnement de six jours
à six mois ou d'une
amende d'une de ses
peines seulement »22.
Pourtant, on assiste au Sénégal à
l'émergence et à l'expansion des marchés paralleles du
médicament avec des vendeurs fixes, semi fixes et ambulants.
Présentée comme marginale, le marché illicite du
médicament dépasse en volume les médicaments
écoulés dans les officines. D'apres certains, les mesures
répressives sont sporadiques, modulées et finalement inefficaces.
C'est fort de ce constat que B. S. NIANG, affirme dans sa these que compte
tenu du taux élevé de médicaments non conformes
retrouvés dans le secteur informel, des mesures devraient
nécessairement etre prises pour éradiquer ce
secteur23.En effet, en marge des circuits pharmaceutiques
légaux, on voit se multiplier l'offre sur le marché ou au porte
à porte des médicaments aux quantités chimiques douteuses,
aux posologies fantaisistes.24(GRUENAIS et POURTIER, 2000).
La ville considérée comme un lieu
privilégié en matiere de médicaments occulte souvent
21 M. BANSSE Lazare, Secrétaire permanent de L'ACAME dans
Jeune Afrique L'Intelligent, 12 mai 2007, N° 2417.
22 Le Code de la Sante publique, source, Direction de la
pharmacie et des médicaments.
23 NIANG M.B., 1997, Contrôle de la qualité des
médicaments antipaludiques utilisés au Sénégal :
étude prospective aux niveaux de cinq sites sentinelles
(Guédiawaye, Richard -Toll, Kaolack, Vélingara, Touba),
These en pharmacie, UCAD.
des disparités en matière de soins entre les
citadins. A Dakar, << Keur Sergine bi >>, (la maison du marabout)
constitue la principale plaque tournante de la vente illicite de
médicaments gr%oce à l'accessibilité et la
disponibilité de beaucoup de médicaments mais également de
par sa position géographique (centre ville). Ainsi, le quotidien
d'information l'AS dans sa livraison du 14 avril 2006
révèle l'arrestation d'un vendeur de médicaments de
<< Keur Serigne bi>> trouvé en possession de
médicaments d'origine frauduleuse. A chaque fois qu'on a
été volé, nous nous sommes aperçus que le
cheminement c'était Keur Serigne bi affirme le représentant
des grossistes répartiteurs25.
Par ailleurs, les pharmaciens dénoncent souvent le
commerce illicite du médicament et incitent les pouvoirs publics
à lutter contre cette pratique. Nouvellement élu, le
Président du syndicat des pharmaciens privés du
Sénégal déclare: ma première mission, c'est de
combattre les médicaments de la rue. Ces médicaments exposent nos
populations au danger et à des enjeux graves que personne parmi nous ne
peut ma»triser. Et nous demandons aux pouvoirs publics de nous aider dans
la lutte contre les médicaments de la rue, qui
font des ravages -développés 26
dans les pays sous .
Pratique illégale sans nul doute, elle se développe
davantage à Dakar à cause de l'action conjuguée de
plusieurs facteurs socio-économiques voire politiques.
Face à la demande grandissante des populations en besoins
médicamenteux, les vendeurs qui, conscients de l'inégalité
de cette pratique y persistent car ils y trouvent leur compte.
La persistance de <<Keur Serigne bi>> dans le
commerce illicite de médicaments peut être expliquée en
faisant abstraction de la nature des rapports complexes qu'entretiennent le
pouvoir politique et le pouvoir religieux dans la société
sénégalaise si l'on sait que «Keur Serigne bi»
constitue un << bastion >> mouride. Leur cohabitation souvent
stratégique interdit toute mesure répressive de la part des
autorités publiques pour lutter contre ce phénomène .
Cette alliance constamment renouvelée depuis, entre l'élite
d'abord sous tutelle coloniale et
25 Le Matin, 13 juillet 2007.
26 Le Soleil, 23 -01- 07.
27
ensuite au pouvoir et les chefs de confréries ne
s'est jamais rompue . Les chefs religieux musulmans jouent encore et sans nul
doute pour longtemps le rTMle de régulateur dans une
société gagnée par un profond malaise qui va en
s'accentuant. Mais tant que les marabouts détiendront selon l'adage
wolofÇ l'avoir Èet la compétence ou la capacité,
(am-am, kham- kh a m ak kataan) toute solution faisant appel à la
contrainte ou à la force serait suicidaire
pour le pouvoir 28 . Bien que clandestine,
la vente irrégulière des médicaments permet à une
bonne frange de la population sénégalaise en
général et dakaroise en particulier de s'insérer dans le
monde du secteur informel car elle n'exige aucune compétence de la part
des acteurs.
Dès lors, il urge pour nous de nous inscrire dans une
dynamique qui nous permettra de comprendre et d'expliquer la
problématique de la vente illicite des médicaments au
marché parallèle de Ç Keur Serigne bi È.
Ainsi, il est question de se demander si le marché
parallèle de ÇKeur Serigne biÈ demeure Ç
intouchable Èmalgré l'existence de textes qui interdisent
formellement la vente illicite des médicaments?
La nature des relations entre le politique et le religieux au
Sénégal est-elle déterminante dans l'explication de la
persistance de ÇKeur Sergine biÈ dans le commerce illicite du
médicament?
Quels sont les enjeux qui sous-tendent cette persistance?
La vente illégale des médicaments répond t-
elle à un besoin social?
Quelles sont les conséquences sur la profession
pharmaceutique ?
La vente illicite des médicaments résulte-elle de
l'inefficacité des politiques de promotion des soins
médicamenteux?
1.3. Justification de la pertinence du sujet
Au Sénégal, l'étude de la vente illicite des
médicaments est souvent laissée au monopole des pharmaciens qui
se contentent souvent de montrer ses conséquences sur la santé
27 MAGASSOUBA M., 1985, L'islam au sénégal.
Demain les Mollahs ? La question musulmane et les partis politiques au
Sénégal de 1946 à nos jours, Paris, Karthala,
p.55.
28 MAGASSOUBA M., 1985, Op., Cit., p.195.
publique et sur la profession pharmaceutique. Dés lors,
cette étude requiert une approche socio-anthropologique pour comprendre
les causes sous-jacentes qui sous- tendent cette pratique. En effet,
ÇKeur Serigne bi È, l'une des plateformes du réseau de la
vente illicite des médicaments à Dakar mérite une approche
holistique qui prend compte d es différentes logiques qui pourraient
également entrer dans la compréhension et l'explication de ce
phénomène. L'appellation «Keur Serigne bi»(maison du
marabout) a aussi suscité en nous une curiosité de savoir et de
découverte en ce qui concerne son origine. Nous cherchons en outre
à comprendre les raisons de sa persistance dans le commerce illicite des
médicaments. Voilà toute la pertinence d'une contribution
scientifique.
1.4. Objectifs
1.4.1. Objectif général
Il s'agit pour nous de:
v' Comprendre les causes qui sous-tendent la vente illicite des
médicaments et les motivations des différents acteurs ;
1.4.2. Objectifs spécifiques
Par ailleurs, nous cherchons à:
v' Comprendre l'organisation et le fonctionnement de la vente
illicite des médicaments à Ç Keur Serigne bi È en
identifiant ses di fférents acteurs;
v' Comprendre les causes de la persistance de ÇKeur
Serigne biÈ dans la vente illicite des médicaments malgré
l'existence de lois qui l'interdisent;
1' Comprendre les enjeux qui tournent autour du commerce
illicite des médicaments et ceux qui animent la logique des rapports
entre le pouvoir politique et le pouvoir religieux au Sénégal.
v' Montrer les conséquences de la vente illégale
sur la profession pharmaceutique;
v' Saisir l'organisation du secteur de la santé et la
régulation du système pharmaceutique sénégalais.
Tels sont les objectifs que nous nous sommes fixé.
1.5. L'univers conceptuel du phénomène en
question
1.5.1. Explication de certains termes : autour du
médicament.
Il convient de dÕélucider certains vocables qui
grav itent autour du medicament, afin de rendre plus aisée la
comprehension de notre travail.
Ç On entend par médicament
toute substance ou composition presentee comme possédant des
propriétés curatives ou preventives à
lÕégard des maladies humaines ou animales, ainsi que tout produit
pouvant etre administré à lÕhomme ou à
lÕanimal en vue dÕétablir un diagnostic medical ou de
restaurer ou de modifier leur fonction organique È29.
Traditionnellement est aussi medicament, des paroles
prononcées mais aussi des amulettes destinées à soigner ou
à protéger contre les maladies ou un mauvais sort. On parle de
ÔÔgarabÕÕ pour designer le medicament dans la langue
wolof, de ÔÔ poddeÕÕ en pular, de
ÔÔbooroÕÕ en socé et de
ÔÔteehÕÕ en sérere sine. Nous nous
intéressons dans notre etude aux medicaments en tant que produits
pharmaceutiques à usage thérapeutique.
La thérapeutique est la science des
indications resultant de lÕanalyse clinique ; elle est donc Ïuvre
essentiellement médicale et son exercice exige une intuition
pénétrante, un savoir étendu, à propos de tous les
instants, un souple bon sens capable dÕactualiser sur lÕheure
toutes les manifestations réactionnelles décevables et
prévisibles dÕun organisme malade selon Hervé
HARANT30. Toutefois, cette definition semble etre tres
réductrice car mettant seulement en exergue lÕanalyse clinique.
Pour le cas du Senegal, la thérapeutique est aussi science des
indications qui repose souvent sur des connaissances religieuses et
traditionnelles. Son usage peut résulter dÕune prescription ou
dÕune automédication.
LÕautomédication est une
pratique qui consiste à prendre des medicaments sans lÕavis
dÕun medecin. DÕapres la Grande encyclopedie medicale, il
sÕagit de Ç lÕutilisation
29L'article L .511 du code de la sante
publique.
29 HARANT H., 1972, Les medicaments usuels,
46' edition, Paris, PUF.
thérapeutique de médicaments,
décidée par le sujet, sans avoir consulté un
médecin È31.C'est un fait récurrent dans
l'itinéraire thérapeutique de certaines populations dans les pays
en développement. Nous pouvons aussi dire que l'automédication
dépend parfois d'un choix autonome de l'individu qui se dirige
temporairement vers certains lieux de vente de médicaments comme la
pharmacie.
La pharmacie est la science de la
préparation et de la composition des médicaments. C'est aussi le
lieu de vente des médicaments.
A la séance de la pharmacie en 1913, le professeur
GUIGNARD, Directeur de l'école supérieure de pharmacie de Paris
(devenue Faculté) la définissait ainsi:
Ç La pharmacie est à la fois une collection de
science, un art et une profession. Son histoire sera donc en méme temps
l'histoire des sciences physiques et naturelles, et accessoirement, celle des
doctrines médicales. Ce sera encore l'histoire de l'art pharmaceutique
proprement dit comprenant l'étude archéologique des instruments
qui lui sera servi; ce sera enfin l'histoire du pharmacien
considéré comme praticien et commercant dans ses rapports avec le
public, les corporations voisines, avec l'économie
générale d'une époque È. Elle exige la
pharmacovigilance.
La pharmacovigilance est la collecte et
l'analyse des observations sur les effets secondaires des médicaments,
effectuées pour éviter d'éventuels effets nocifs. Elle a
pour objet la surveillance des risques d'effets indésirables
résultant de l'utilisation des médicaments et produits à
usage de la médecine humaine définie par l'article L 511 du CSP
(code de santé publique). Ces attributions comportent le signalement
d'effets indésirables, le recueil de l'analyse d'informations dans un
but de prévention, la réalisation de toutes les études et
tous les travaux concernant la sécurité d'emploi des
médicaments. Elle définit également les conditions
idéales de conservation des médicaments destinés à
la vente.
L'existence d'une vente illicite suppose
celle d'une vente légale. Est vente illicite toute vente qui est
contraire à la loi. Cette vente est illégale et entra»ne la
déviance chez le
31 La grande encyclopédie médicale, 1981,
volume I, SEDES.
pratiquant. Ainsi, la vente illicite de médicaments est
celle qui ne respecte pas les normes (l'article L 511) qui déterminent
les personnes et les structures habilitées et reconnues par la loi pour
vendre le médicament.
1.5.2 La conceptualisation
Dans l'étude que nous nous proposons de faire sur la
vente illicite des médicaments, nous avons porté notre choix sur
le concept de deviance. Le caractère illégal de cette
pratique montre la non observance des normes et lois qui régissent la
vente des médicaments. Le choix de ce concept nous permet de
d'appréhender la frontière entre le légal et
l'illégal, du permis et du défendu et comment la vente la vente
illicite des médicaments et «Keur Serigne bi'' sont perçus
de part et d'autre.
Le concept de la déviance, apparut dans la Sociologie
américaine avec l'Ecole de Chicago depuis les années 1950, a fait
l'objet de beaucoup d'écrits en sciences sociales et
particulièrement en sociologie et en psychologie.
La déviance désigne les comportements
individuels ou collectifs qui en s'écartant des normes communes ou
collectives, créent des dysfonctionnements et donnent lieu à une
sanction 3233
. Expliquant les causes de la déviance, BREHMsoutient
que l'individu possède une palette de comportements qu'il peut utiliser
dans l'immédiat ou plus tard. Pour lui, il s'agit de potentiels de
comportements qui ont trait à sa manière de vivre la
liberté, et toute atteinte au sentiment qu'il peut en avoir produira une
réaction par laquelle il cherchera à la retrouver. Il parle ainsi
de reactance qu'il définit comme Çune résistance
individuelle aux pressions sociales È. Cette résistance s'exprime
par le développement d'une motivation négative liée au
sentiment d'une perte de son indépendance et qui se traduit par une
32 ème
FEEREOL G., CAUCHE PH., .DUPREZ J.P, (dir.) , 2004,
Dictionnaire de sociologie , Armand Colin, 3 édition.
33 BREHM J.W., 1966, A Theory of psychological Reactance, in
Concept fondamentaux de la psychologie sociale, 1996, Paris, Dunod, 2
ème édition.
tendance à vouloir retrouver sa liberté
perdue. C'est la raison pour laquelle certains auteurs l'ont
abordée sous l'angle de désindividualisation. Cette approche
repose sur l'idée selon laquelle les individus adoptent souvent en
groupe des comportements qu'ils n'auraient pas s'ils étaient seuls. La
déviance est dès lors relative et varie d'une
société à une autre. Selon Durkheim, elle correspond
à une Çblessure>> de la conscience collective, elle se
rencontre
34
dans tou tes les sociétés quel que soit le
degré de développement .
Le déviant se distingue donc du conformiste qui s'en tient
aux valeurs reconnues officiellement et utilise des méthodes licites
pour y parvenir.
Selon BECKER, tous les groupes sociaux instituent des
normes et s'efforcent de les faire appliquer, au moins à certains
moments et à certaines circonstances. Les normes sociales
définissent des situations et les modes de comportements
appropriés à celles -ci : certaines
35
actions sont prescrites (ce qui est bon), d'autres sont
interdites (ce qui est mal) . Selon BECKER, l'individu qui transgresse ces
normes est considéré comme étranger au groupe. Il parle
ainsi d' Outsider. Pour lui, la déviance n'est pas tout
simplement le fait de ne pas se conformer aux normes. BECKER soutient que le
processus de désignation (stigmatisation) n'est pas infaillible car,
des individus peuvent être désignés comme
déviants alors qu'ils n'ont transgressé aucune
norme36. La déviance selon lui est la conséquence
d'un processus d'étiquetage qui est collé au dos du
déviant par ceux qui le repèrent et le traitent comme tel.
GOFFMAN E.37 abonde dans le méme sens et parle de
stigmate à la place de l'étiquetage.
Cette conception de la déviance est ostensible dans la
problématique de la vente illicite des médicaments et surtout de
la part des pharmaciens qui ne doutent de l'illégalité du circuit
parallèle et, ils traitent les vendeurs comme des déviants qui
restent dans l'impunité. En outre, il faut noter que les pharmaciens et
les autres catégories sociales qui approvisionnent le marché
parallèle ou qui s'y ravitaillent sont également des
déviants car ce circuit Ç officieux>> n'est pas celui
indiqué par le Code de la santé publique.
34 Cité par FEEREOL G., CAUCHE PH., .DUPREZ J.P,
(dir.), 2004, Op., Cit.
35 BECKER H. S., 1985, Outsiders. Etude de
sociologie de la déviance, Paris, Métailié, p.25.
36BECKER, Op. Cit. p.33
37 GOFFMAN E., 1963, Stigmate. Les usages sociaux des
handicaps , Paris, Minuit, 1 ère édition.
38
Formalisée par LATANE
B. et NIDA S. , La théorie de l'impact social
montre qu'à l'intérieur d'un groupe, les normes ne sont pas
toujours rigides: les individus peuvent conserver une certaine liberté
et, dans ce type d'interaction, ils ont un impact les uns sur les autres. Dans
ces conditions, un déviant peut jouer sur cette situation et peut amener
par exemple, le groupe vers d'autres positions que celles qu'il avait
antérieurement. Plusieurs facteurs d'impact sont définis par
cette théorie:
- la quantité des influences différentes: plus il
existe de personnes ayant des opinions différentes, plus il est possible
d'influencer le déviant.
- le poids de l'influence: l'idée de poids est
liée à la reconnaissance de l'action d'un individu; ainsi, son
poids augmente lorsqu'il peut aider, offrir un statut social ou procurer du
plaisir à quelqu'un selon ces auteurs. Dès lors le
phénomène de la vente illicite des médicaments peut entrer
dans cette conception. Ainsi, le déviant-vendeur de médicaments
est à son tour capable d'influencer le comportement des autres. Par
ailleurs, cette pratique <<aide È les vendeurs à
s'insérer économiquement.
La déviance révèle en outre un conflit
latent ou manifeste entre un système de valeurs et un système de
normes résultant d'une part de l'ambigu ·té de la
réalité sociale. Cette dernière, place les individus dans
une situation de contradiction permanente entre les valeurs qu'elle propose et
les normes à partir desquelles elle sanctionne leurs conduites. Ceci est
perceptible dans la vente illicite de médicaments qui, en tant que
pratique illégale se trouve << toléré È voire
<< autorisé È implicitement.
Nous remarquons ainsi que le concept de la déviance
nous para»t opératoire dans l'explication de la
problématique de la vente illicite des médicaments. Il faut noter
cependant que devant cette gamme d'acceptions de la déviance, la
conception qu'en ont faite les théoriciens de l'impact social,
nous semble beaucoup plus opératoire pour rendre compte du commerce
illicite du médicament. Si le déviant, comme ils le soutiennent,
est capable de modifier le comportement des non déviants au point que
ces derniers le rejoignent, les
38 LATANE B. et NIDA S., <<Social impact Theory and Group
È, in Concept fondamentaux de la psychologie sociale, 1996,
Paris, Dunod, 2 ème édition, pp. 86-91.
vendeurs de médicaments se voient eux aussi, «
envahis » par une couche ou catégorie de la population qui vient
vers eux pour s'approvisionner ou pour recycler des médicaments.
Cependant, l'influence est plus que réciproque qu'unidimensionnelle :
les vendeurs et les acheteurs s'influencent.
L'acception qu'en donne BECKER a aussi le mérite de
montrer que l'appréhension de la déviance varie en fonction de
l'appartenance groupale. Car une personne peut etre considérée
comme déviante par un groupe alors qu'ailleurs, elle n'est pas
considérée comme tel. C'est l'exemple des musiciens de jazz qu'il
aborde dans « Outsiders 39 » qui sont
considérés, aux Etats-Unis, par certains groupes sociaux comme
des déviants.
En somme, le concept de la déviance nous para»t
important dans l'explication de cette pratique considérée comme
systémique en ce qu'il nous permet de comprendre l'appréciation
des différents acteurs sur la question.
En définitive, nous entendons par déviance toute
pratique contraire à un systeme normatif dans un milieu donnée et
à un moment donné et susceptible de sanction punitive diffuse ou
manifeste, écrite ou verbale. Cette déviance peut etre
considérée comme une « posture réfléchie ou
rationnelle » ou une stratégie développée par
certains pour répondre à des préoccupations individuelles
ou collectives.
1.6. Modèle d'analyse
Le choix d'un modele d'analyse est conditionné par son
opérationnalité à rendre compte d'un fait ou
phénomene social ou d'une réalité sociale mais aussi par
les objectifs et les hypotheses du chercheur qui en fait usage. Ainsi, nous
avons porté notre choix sur, l'approche stratégique et sur la
théorie des conventions ou le conventionnisme.
39 BECKER H. S., 1985, Outsiders. Etude de
sociologie de la deviance, Métailié, Paris.
1.6.1. L'analyse stratégique
Les auteurs convoqués au niveau de la revue de la
littérature ont pour la plupart appréhendé la question de
la vente illicite du médicament sous un angle fonctionnel. Toutefois,
méme si nous reconnaissons que leurs analyses revétent un grand
intérét, il faut signaler tout de méme que la vente
illicite des médicaments au marché parallèle deÇ
Keur Serigne bi È implique une approche stratégique pour
comprendre les différentes logiques des acteurs qui entrent en jeu.
En effet, dans l'étude que nous nous proposons de
faire, l'analyse stratégique est privilégiée non pas parce
qu'elle est la seule qui puisse rendre compte des différentes logiques
qui entrent en jeu dans l'explication du phénomène mais parce
qu'elle para»t à notre niveau, une, adaptée et
appropriée parmi d'autres qui ne sont pas sans pertinence.
Le concept de stratégie qui, dès ses premiers
usages renvoyait aux méthodes et aux techniques utilisées durant
les conflits et ou les guerres pour neutraliser l'adversaire en question, fait
aujourd'hui irruption dans les sciences sociales et particulièrement en
sociologie. Méme s'il existe plusieurs acceptions du concept, nous
porterons notre choix principalement sur la conception qu'en ont CROZIER et
FRIEDBERG.
Prenant pour point de départ l'étude du
phénomène bureaucratique, CROZIER et FRIEDBERG
élargissent leur étude au système social francais afin de
diagnostiquer l'organisation bureaucratique. Ils prolongent l'examen des
dysfonctionnements dans une perspective qu'ils qualifient eux-mémes de
fonctionnaliste pour aboutir à un modèle stratégique.
L'analyse stratégique, méme si elle
reconna»t que le système exerce une contrainte sur l'individu, elle
retient que l'individu n'est pas une marionnette qui agit au gré du
système. Pour CROZIER, l'individu dispose d'une marge de manÏuvre
si minime soit- telle dans l'exercice de son action.
ANSART P., montre l'objet de l'analyse stratégique de
CROZIER. Il affirme que: la polémique mettra ici en accusation la
tendance sociologisante à réduire l'acteur à n'être
que
le dépositaire, le support de structure, et prendra,
en particulier pour cibles les formulations extrêmes d'un certain
structuralisme sur l'éviction ou Ç mort du sujet È. Les
analyses de
CROZIER conduiront au contraire à majorer les
stratégies des acteurs, à s'interroger non
seulement sur les motivations mais sur les logiques
d'acteurs pour montrer comment, en fonction des conditions organisationnelles,
les acteurs répondent en adoptant des conduites qui leurs
sontfavorables40.
41
Selon CROZIER il n'y pas de systèmes sociaux
entièrement réglés ou contrôléscar les
acteurs individuels ou collectifs qui les composent ne peuvent jamais
être réduits à des fonctions abstraites et
désintéressées.
Pour CROZIER, la permanence de l'imprévu et de
l'incertitude quant à la résolution des problèmes font la
particularité de l'action collective. Il soutient que son approche ne
vise
42
pas à faire une sociologie des organisations mais
une sociologie de l'action collective . Par l'action collective
CROZIER entend: l'action organisée. Pour lui, ce sont les acteurs qui,
à l'intérieur des contraintes que leur impose
Ç le système È, disposent d'une marge de
liberté qu'ils utilisent de façon stratégique dans leurs
interactions avec les autres. Selon CROZIER toute analyse de l'action
collective doit mettre le pouvoir au centre de ses réflexions. Car
l'action collective n'est finalement rien d'autre que la politique quotidienne.
Le pouvoir est sa matière première43. Ce pouvoir
repose sur la ma»trise des zones d'incertitudes. Pour CROZIER, il
n'est au fond rien d'autre que le résultat toujours contingent de la
mobilisation par les acteurs des zones d'incertitudes pertinentes qu'ils
contrôlent dans une structure de jeu
44
donné pour leurs relations et tracta tions avec les
autres participants à ce jeu. Selon lui, ce pouvoir est une
relation réciproque, mais asymétrique qui ne peut se confondre
à l'autorité45.
Dès lors, la vente illicite des médicaments peut
être considérée comme une stratégie pour les
vendeurs de tirer leur épingle du jeu. Mais aussi, une pratique sur
laquelle certains individus se rabattent pour l'obtention de soins
médicamenteux car comme l'a souligné
40 ANSART , 1990 , Les Sociologies contemporaines
, Paris, 3 ème
P. Seuil, édition, p.65.
41 CROZIER M., FRIEDBERG E., 1977, L'acteur et le
système, Paris, Seuil.
42 CROZIER M., FRIEDBERG, op.cit. p. 95.
43 CROZIER M., FRIEDBERG E., op.,cit., p.25.
44 CROZIER M., FRIEDBERG E., op.cit., p.30.
45 3 ème
FEEREOL G., CAUCHE PH., DUPREZ J. M., (dir.), 2004,
Dictionnaire Colin,
de sociologie, Armand
édition.
VIDAL : l'individu déploie une faculté de
négociation et une inventivité lui permettant de s'adapter aux
situations les plus délicates46.
La persistance de « Keur Serigne bi »dans la
pratique peut aussi etre appréhendée sous l'angle de l'analyse
stratégique, symbolisée par des enjeux qui détermineraient
la complexité des relations entre le pouvoir politique et le pouvoir
religieux dont chacun est conscient de la ma»trise des zones d'incertitude
contrTMlées par l'autre. L'existence de deux pouvoirs, paralléles
: le pouvoir politique qui est le garant du respect des lois et
réglements et le pouvoir religieux qui jouit d'une certaine
légitimité sociale ne présage pas des mesures qui seront
de nature à fermer le marché paralléle de « Keur
Serigne bi » qui se trouve etre « protégé » par la
confrérie mouride.
En définitive, l'approche stratégique es t
utilisée dans le cadre de notre étude comme grille d'analyse afin
de mieux saisir la problématique du commerce illégal des
médicaments et la logique des différents acteurs. En outre, elle
permet de comprendre et d'expliquer le fondement des relations ent re le
pouvoir temporel et le pouvoir religieux autrement dit de faire une
anthropologie des relations du politique et du religieux au
Sénégal qui débouche souvent sur une Convention
.
1.6.2. La théorie des conventions ou le
Conventionnisme
Pour saisir davantage, la vente illicite des médicaments
au marché paralléle de « Keur Serigne bi », nous avons
fait appel à un autre paradigme : la théorie des
conventions.
Luc BOLTANSKI et Laurent THEVNOT, ont avancé Une
sociologie de la justification publique. Cette théorie s'est
élargie à une approche plus générale des
régimes d'action susceptibles de caractériser l'action des
individus dans la société. Elle donne naissance au courant de
l'économie des conventions47. Cette approche cherche
à comprendre les phénoménes d'action collective
particuliérement quand se manifestent des intérésts
46 Vidal L., 1996, Le silence et le sens. Essai
d'anthropologie du sida en Afrique, Paris, Anthropos.
47 L. THEVENOT et al. mars 1989, L'économie
des conventions, Revue économique, vol.40, n°2.
contradictoires entre des acteurs. Cet état de fait les
oblige ainsi à trouver un compromis. Ainsi de la dialectique des
légitimités, on passe à la cohabitation des
légitimités.
De justification 48
Dans la , BOLTANSKI et THEVENOT ont pris pour objet
les
disputes ordinaires dans les espaces publics. Ils partent de
l'hypothèse selon laquelle: au cours des débats publics
pèsent de très fortes contraintes de légitimité et
de généralité des arguments utilisables qui conduisent les
personnes concernées à dépasser la situation
particulière au sein de la quelle elles sont engagées. C'est dans
cette perspective qu'ils ont modélisé des registres
généraux de justifications utilisées aujourd'hui dans les
activités quotidiennes. Dés lors, chaque registre se
réfère à une à une conception différente du
bien commun et de la justice dans la cité.
BOLTANSKI ET THEVENOT identifient six registres de
justification publique en montrant au passage que chaque société
supporte une façon spécifique de mesurer la grandeur des
personnes d'où la notion d'économies de grandeur. Ils
identifient six formes justifications que sont :
· la justification civique basée sur la
volonté collective et sur l'égalité;
· la justification industrielle fondée sur
l'efficacité et la compétence;
· la justification domestique qui repose sur les relations
de confiance personnalisées liant à travers un ensemble de
chaines de relations les membres d'une collectivité;
· la justification de l'opinion basée sur la
reconnaissance des autres;
· la justification marchande basée sur le
marché et faisant recourt au contrat commercial;
· la justification inspirée qui établit un
lien immédiat entre la personne et une totalité: Dieu pour les
mystiques et l'Art pour les artistes.
Pour ces auteurs, chaque acteur dans la société
aurait accès à ces modes de justification qui feraient partie de
compétences partagées. Pour BOLTANSKI ET THEVENOT, ces
justifications ou légitimités sont contradictoires mais, la
cohésion du groupe et la nécessité
48 ère
Les Economies de la grandeur , 1987, Paris Gallimard, 1
éd.
d'être ensemble pour la satisfaction de besoins et
d'objectifs les astreignent à trouver un terrain d'entente, un
compromis, une convention.
En effet, une convention repose sur un accord collectif,
tacite ou explicite permettant aux acteurs d'arrondir leurs angles par
négociation dans une perspective de coordonner leurs
légitimités et Ç goüts È, contradictoires au
paravent. Ainsi, si dans la réalité sociale prévalent
plusieurs logiques de justification et de légitimation de l'action, il
apparait aussi que la persistance de Ç Keur Serigne bi Èdans le
commerce illicite de médicaments serait sous - tendue par une convention
tacite ou diffuse entre les pouvoirs publics et ceux qui s'y activent et, en
particulier, la confrérie mouride qui en assurerait la protection.
Par ailleurs, devant l'incapacité de l'Etat à
assurer les besoins en soins médicamenteux de certaines populations, le
commerce illégal des médicaments se voit Ç
toléré È, Ç autoriséÈ implicitement
afin que celles-ci, fort de la mission régalienne de l'Etat trouvent une
justification pour se s'approvisionner en médicaments à partir du
secteur parallèle du médicament. Ainsi, pour appréhender
les différentes logiques qui contribuent dans la compréhension et
l'explication de la vente illicite des médicaments, le choix du
Conventionnisme nous para»t important.
1.7. Hypothèses
Dans ce qu'il est convenu d'appeler la vente illicite des
médicaments, nous avons avancé les hypothèses
suivantes:
1.7.1. Hypothèse principale
v' Le marché parallèle de ÇKeur Serigne
biÈ persiste parce que les catégories socioprofessionnelles
telles que: des policiers, gendarmes, infirmiers, censées le
réprimer sont impliquées dans le trafic illicite du
médicament. Ainsi, les enjeux que recèle ce marché pour
ces catégories inhibent tacitement toute mesure qui serait de nature
à l'éradiquer.
1.7.2. Hypothèses secondaires
v' Le commerce illicite du médicament est aussi la
résultante de la défaillance du
système de soins, de politiques sanitaires inefficaces
et inadaptées au contexte sénégalais et de la
rareté de l'application de la loi qui criminalise la pratique.
v' Les rapports de clientélisme et l'influence
réciproque du pouvoir politique et du pouvoir religieux au
Sénégal est aussi l'une des causes de la persistance de
<<Keur Serigne bi >> dans la vente illicite du
médicament.
CHAPITRE II: CADRE MÉTHODOLOGIQUE
Ce moment du travail consiste à montrer les
méthodes que nous avons utilisées pour recueillir des
informations et des données qui ont trait à notre sujet. Pour ce
faire, plusieurs méthodes s'offrent à nous. La méthode
qualitative a été privilégiée.
En effet, toute enquête implique de la part du
chercheur une observation particulière des attitudes et des
comportements mais aussi des gestes qui font sens et significations pour les
acteurs.
1.2. Outils et Techniques de collecte des
données
1.2.1. L'observation participante
L'observation participante s'impose à nous.
Erigée en méthode incontournable en anthropologie par B.
MALINOWSKI, elle nous a permis de pénétrer << Keur Serigne
bi >> en portant <<trois casquettes>> : il s'agit de nous
présenter comme un racoleur (avec la complicité d'un rabatteur
qui nous guidait dans notre travail) pour saisir les différentes
tractations entre la c lientèle de <<Keur Serigne bi>> et
les vendeurs mais également entre acheteurs et rabatteurs qui sont des
éléments centraux dans le trafic illicite de médicaments.
Il s'agit en outre de porter tantôt la casquette d'un <<petit
client>> pour acquérir des informations sur les vendeurs mais
aussi, nous nous sommes présenté à plusieurs reprises
en qualité d'infirmier en dressant une liste de
médicaments et d'autres spécialités pour conna»tre la
source des médicaments et du coup identifier la clientèle de
ÇKeur Serigne biÈ en vue de comprendre le fonctionnement de ce
marché parallèle et ses réseaux différents
d'approvisionnement. Gr%oce à notre grille d'observation nous avons
également, observé et écouter discrètement les
différentes activités et négociations entre les
acteurs.
1.2.2 L'entretien
L'entretien a été utilisé pour collecter
des informations et des données auprès de certains groupes
stratégiques tels que : les pharmaciens d'officine privées, le
Président et Vice président du Syndicat des pharmaciens
privés du Sénégal. Il a été aussi
usité pour saisir les motivations des vendeurs, des racoleurs, des
acheteurs, et d'autres personnes qui fréquentent ce secteur. Nous avons
porté notre choix sur ces personnes parce qu'elles sont susceptibles
nous renseigner davantage sur le phénomène. Egalement, nous nous
sommes entretenu respectivement, avec le Directeur de la Pharmacie Nationale
d'Approvisionnement (PNA), au Directeur de Cabinet du Ministre de la
Santé.
Pour les deux premiers entretiens, les guides d'entretien
étaient sont relatifs à leurs appréciations du
phénomène et les mesures prises pour lutter contre ce
phénomène. Ces informations sont recueillies à l'aide d'un
enregistreur (Mp3).
Les thèmes abordés au cours des entretiens sont
relatifs aux causes de la vente illicite des médicaments, à la
position des pouvoirs publics et des pharmaciens par rapport à la
pratique et à ses conséquences sur la profession pharmaceutique.
Il était aussi question de saisir les raisons de la persistance du
marché parallèle de ÇKeur Serigne biÈ et les
mesures de lutte contre le commerce illicite du médicament. Ë
l'aide de cette méthode, nous avon s saisi les raisons de l'adoption de
la vente illicite de médicaments par ces derniers comme activité
professionnelle.
1.2.3. La population enquêtée
Nous avons gr%oce au Ç seuil de saturation
È, enquêté 10 personnes parmi la
clientèle de Ç Keur Serigne biÈ nous nous sommes entretenu
seulement avec 11vendeurs de ÇKeur
Serigne biÈ par lesquels on note des jeunes (moins de
40 ans) et des vieux (plus de 60 ans). Nous nous sommes limité à
ce nombre parce que, à un moment de notre étude, il fallait
arrêter même si le si seuil de saturation avait déjà
été atteinte pour ne pas éveiller la suspicion aux rangs
des vendeurs. Nous avons interrogé aussi 25 pharmaciens de sexe
différent pour savoir comment ils appréhendent la vente illicite
des médicaments et ses conséquences sur la profession
pharmaceutique. Nous n'avons pas fixé de critères pour les
choisir parce qu'il n'était pas évident d'en réunir
certains tels: l'hétérogénéité à
cause de la non ma»trise de leur emploi du temps.
La technique boule de neige (usitée souvent pour
acquérir des informations difficiles à obtenir) a
été également utilisée pour savoir la ou les
personnes les mieux indiquées pour comprendre l'historique du
marché.
1.2.4. L'enquête de terrain
L'enquête de terrain a commencé le 5 juillet 2007
et a terminé le 4 septembre 2007. Elle a concerné plusieurs
personnes parmi lesquelles nous pouvons citer:
- les pharmaciens d'officines privées ;
- le Directeur de cabinet du ministère de la
santé;
- le Directeur de la PNA (Pharmacie nationale
d'approvisionnement;
- les vendeurs de Ç Keur Serigne biÈ ; la
clientèle de Keur Serigne bi;
- la clientèle de Ç Keur Serigne biÈ
- des personnes ressources et groupes stratégiques qui
détiennent des informations
considérables pour la compréhension du commerce
illicite des médicaments car ils participent directement ou
indirectement à l'organisation et au fonctionnement du trafic. (vendeurs
qui étalent aux environs de ÇKeur Serigne bi È et
racoleurs);
1.2.5. Les vécus de terrain
Toute étude sur la clandestinité se heurte
à certaines difficultés parce que les acteurs sur lesquels porte
cette étude sont réfractaires pour la plupart à
l'enquête qui constitue
pour eux un dévoilement. L'observation devient ainsi un
espionnage pour eux. Des difficultés sont rencontrées à
plusieurs niveaux.
L'irrégularité des pharmaciens dans leurs
officines a été une entrave à l'enquête: certains
peuvent rester plus d'une semaine sans venir une seule fois dans l'officine, ce
qui représentait une difficulté par rapport à l'entretien.
Et, même si on les trouve dans l'officine, l'entretien reste toujours
incertain. Pour plupart, ils fixent un autre rendez- vous pour le
déroulement de l'entretien. En outre, il était rare d'interviewer
un pharmacien du début à la fin sans interruption dans la
discussion. Soit il s'adresse à un client en affirmant le plus souvent
que <<le client est roi È soit il répond à une ou
plusieurs appels téléphoniques, ce qui nous obligeait souvent
à lui rappeler la thématique.
En outre, certaines personnes parmi la clientèle de
<<Keur Serigne biÈ voient en l'entretien, une perte de temps parce
que plus préoccupées par leur maladie ou par leur malade. Nous
avons ainsi passé beaucoup de temps pour identifier les groupes
stratégiques sans lesquels nous ne pourrions avoir des données
scientifiques. Par ailleurs, certains manifestaient une réticence
à notre égard parce que craignant une éventuelle poursuite
judiciaire.
En outre, on a tardé à avoir des
réponses par rapport aux demandes d'autorisation d'entretiens avec le
président de l'ordre des pharmaciens, le directeur de la PNA et au
niveau du ministère de la santé. En sus, nous avions quelques
difficultés pour atteindre certaines cibles. Dans une étude
pareille, il est souvent difficile d'avoir la certitude de
bénéficier de la disponibilité de certaines cibles, et,
particulièrement les vendeurs et acheteurs de<< Keur Serigne bi
È. Par conséquent, nous n'avons enquêté que les
personnes disposées à s'entretenir avec nous quoiqu'elles
manifestassent souvent des réticences avant que nous n'installions le
climat de confiance.
Dès lors, cette étude s'inscrit dans la
perspective de s'ajouter au tableau des explications de la vente illicite des
médicaments et non point d'en boucler la liste.
DEUXIEME PARTIE:
LES POLITIQUES SANITAIRES
Note introductive
Dans cette partie, on aborde les politiques sanitaires au
niveau international et particulièrement, celles relatives à la
conférence d'Alma Ata et à l'Initiative de Bamako. On y aborde
aussi l'organisation du secteur de santé, la régulation du
système pharmaceutique et les limites des politiques sanitaires.
CHAPITRE I : LES POLITIQUES DE PROMOTION DES SOINS
DE
SANTÉ
L'Initiative de Bamako(IB)
En 1987 49, les pays africains ont adopté
ce qu'il est convenu d'appeler L'initiative de Bamako(IB). L'initiative de
Bamako a pour but d'accélérer l'accès des populations
africaines aux soins de santé primaires(SSP). En effet, les soins de
santé primaires ont rencontré beaucoup de difficultés
telles que:
- les difficultés liées au financement des
activités;
- la qualité des soins qui ne répond pas aux
besoins des bénéficiaires;
- la faible participation aux actions de développement
communautaire ;
- le manque de médicaments, le manque de ressources
humaines et matérielles.
49Rapport de la consultation d'experts sur
l'Initiative de Bamako sur les médicaments essentiels et la
Médecine traditionnelle africaine, Addis Abéba (Ethiopie) ,5-7
septembre 2005.
Face à ces problèmes, la décision de
renforcer les soins de santé primaires a été prise
à Bamako en 1987 lors d'une réunion à l'OMS qui regroupait
les ministres africains de la santé et les représentants de
plusieurs organisations. L'IB est basée sur l'autopromotion sanitaire
communautaire. Dès lors, les médicaments génériques
seront utilisés comme porte d'entrée de l'IB car
l'expérience a montré que les populations sont
généralement disposées à payer pour avoir les
médicaments nécessaires pour se soigner. Ainsi l'Initiative de
Bamako consiste à :
- mettre en place un système de financement et de
recouvrement des services de santé;
- rendre les médicaments essentiels disponibles pour les
communautés dans chaque centre de santé;
- assurer une marge bénéficiaire sur les ventes
de ces médicaments essentiels, qui couvrent les besoins
opérationnels (salaire du gérant, fourniture et carburant pour le
fonctionnement du dépôt,É);
- mettre en place un fond pour le développent
sanitaire qui doit servir en priorité au développement du stock
de médicaments, au financement des actions sanitaires et ensuite au
financement de l'entretien du professionnel de santé ;
- trouver d'autres sources et méthodes de financement
communautaires des actions de santé ;
- mettre en place une organisation communautaire qui assure la
gestion des activités et des ressources de la formation sanitaire.
L'IB vise principalement la participation des populations aux
dépenses de santé avec l'introduction de la tarification des
prestations de soins et la politique de recouvrement des coüts dont la
vente des médicaments. Cependant, sa mission se trouve
hypothéquée par certains facteurs tels que la marge
bénéficiaires que les structures sanitaires ajoutent souvent au
prix du médicament. Cet état de fait augmente son coüt
à tel enseigne que les
médicaments essentiels ne deviennent plus accessibles
pour les catégories sociales économiquement
défavorisées.
CHAPITRE II : Organisation du secteur de la
santé et régulation du
système pharmaceutique au
Sénégal
1. Organisation du système de santé
Le système de santé du Sénégal
est organisé depuis 1994 selon une structure pyramidale mise en place
par le Ministère de la santé publique et de l'action sociale qui
a procédé au découpage du territoire national en 54 zones
opérationnelles appelées districts. Ce découpage visait
à permettre un renforcement de la planification à la base afin
d'harmoniser les actions en matière de santé sur le plan
national. Ces zones opérationnelles comprennent chacune au minimum un
centre de santé. Cette structure est ainsi constituée:
· A la base, un niveau périphérique
appelé District sanitaire constitué de centres de santé et
englobant un réseau de postes de santé eux mémes
supervisant les cases de santé et les maternités rurales;
· A l'échelon intermédiaire ou niveau
régional, la structure de coordination est la région
médicale ;
· Au sommet, nous avons un niveau politique comprenant le
cabinet du Ministre, les directions et les services nationaux.
Pour son financement, le secteur de la santé compte en
premier lieu sur l'Etat et à un degré moindre sur les
collectivités locales et les ONG. Cependant l'analyse régionale
des financements permet d'identifier certains partenaires au
développement qui interviennent dans plusieurs domaines sanitaires
notamment dans les services, la surveillance
épidémiologique, l'appui institutionnel, le
développement des ressources humaines, le renforcement de la
santé de la reproduction.... Il s'agit notamment de partenaires
extérieurs comme le Canada, l'USAID, la Chine, l'OMS, l'UNICEF, l'UNFPA,
la Coopération japonaise JICA, la Coopération Francaise, la
Belgique, la DCE et la GTZ.
2. La régulation du système pharmaceutique
au Sénégal
Les médicaments essentiels occupent une place centrale
dans les soins de santé primaire car pour l'OMS, <<les
médicaments doivent être partout et pour tous È.
Le Sénégal a adopté, en 1990, une
politique des médicaments essentiels par arrété
ministériel fixant les conditions de mise à disposition des
médicaments au niveau des cases de santé, postes de santé,
centres de santé et hôpitaux régionaux. La notion de
médicaments essentiels combine les priorités de
l'approvisionnement avec les priorités de la santé publique. Elle
vise principalement à fournir à la plus grande partie de la
population des médicaments qui conviennent le mieux pour prévenir
et traiter les affections les plus courantes. Ces médicaments figurent
en principe sur une liste établie sur la base des besoins sanitaires
identifiés au niveau du pays.
En effet, cette politique des médicaments essentiels,
composante à part entière de l'Initiative de Bamako, vise
à renforcer les soins de santé primaires en vue
d'accélérer l'instauration de <<la sante pour tous
È avec une stratégie dont les objectifs sont les
suivants:
- minimiser les coüts des médicaments de
première nécessité pour accro»tre leur
accessibilité aux plus démunis;
- renforcer le processus de gestion du système de
santé et la disponibilité permanente de ces médicaments
essentiels au niveau des formations sanitaires publiques, surtout celles de
base;
- favoriser la participation des comités de
santé et un système de recouvrement du coüt des
médicaments essentiels pour renouveler les stocks de début mis en
place par les pouvoirs publics.
Les pouvoirs publics ont pour objectif dÕassurer une
disponibilité, une accessibilité et une utilisation rationnelle
des médicaments dans les secteurs publics et privés. La mise en
Ïuvre de la politique pharmaceutique est assurée par plusieurs
institutions publiques mais aussi plusieurs organisations privées y
participent. Nous avons :
La Direction de la Pharmacie et des Laboratoires (DPL) ;
Le Laboratoire National de ContrTMle des médicaments
(LNCM) ;
La Pharmacie Nationale dÕapprovisionnement (PNA) et les
pharmacie régionales dÕapprovisionnement(PRA) ;
LÕordre National des pharmaciens ;
Les grossistes répartiteurs ;
Les industries locales ;
Les officines ;
Les dépTMts ;
Parmi les institutions en charge de la regulation du systeme
pharmaceutique, nous retiendrons trois(3) qui semblent etre les plus
significatives: la Direction de la Pharmacie et des Laboratoires (DPL), la
Pharmacie Nationale dÕapprovisionnement (PNA) et le Laboratoire National
de ContrTMle des médicaments (LNCM).
La Direction de la Pharmacie et des Laboratoires est
lÕautorité nationale chargée de la
réglementation. Ses missions émanant du décret
2003-665 du 24 juin 2003 portant organisation du Ministére de la
Santé de lÕhygiéne et de la Prévention consiste
à :
- élaborer et à veiller à
lÕapplication des textes législatifs et réglementaires
relatifs à la pharmacie, aux médicaments, aux réactifs des
laboratoires dÕanalyses médicales, aux substances
vénéneuses, à lÕalcool et aux dispositifs
médicaux ;
-réglementer lÕexercice des professions
pharmaceutiques et à contrTMler les laboratoires dÕanalyses
médicales ;
- réglementer et dÕassurer la promotion de la
pharmacopée traditionnelle.
La Pharmacie Nationale dÕapprovisionnement (PNA) est
chargée de lÕapprovisionnement en médicaments essentiels
du secteur public. La PNA est devenue un Etablissement Public
de Santé (EPS) par lÕarrêté 99-851
du 27 aofit 1999, suite à la loi 98-012 portant creation, organisation
et fonctionnement des établissements publics de sante (EPS) et du
décret 98- 702 portant organisation administrative et financiére
des EPS. Sa mission première est dÕassurer aux populations les
plus fragiles lÕaccessibilité financiére et
géographique des médicaments et produits essentiels de
qualité.
Avec un effectif dÕune cinquantaine de personnes, la PNA
realise un chiffre dÕaffaires de lÕordre de 7 milliards de francs
CFA par an50.
Le Laboratoire National de ContrTMle des Médicaments est
chargé du contrTMle technique des médicaments, en relation avec
la Direction des Pharmacies et des Laboratoires (DPL).
Par ailleurs, lÕOrdre national des pharmaciens
intervient aussi dans la regulation du secteur car il est chargé de
contrTMler lÕexercice de la profession à travers le code de
déontologie et de donner des avis motives sur des aspects concernant la
politique pharmaceutique.
L'offre dans le secteur public.
La PNA avec ses dépTMts régionaux (PRA) est
chargée dÕapprovisionner les structures sanitaires publiques qui
à leur
tour vendent directement aux malades les médicaments
qui sont inscrits sur la liste nationale des médicaments essentiels.
Cette liste est élaborée par la Commission Nationale Permanente
dÕélaboration et de Revision de la Liste des Médicaments
Essentiels. La PNA est approvisionnée en médicaments par appel
dÕoffre
51
international et national dans une moindre mesure. Cet appel
dÕoffre concerne 500articles . La marge de vente est fixée
uniformément pour tous les médicaments dans le public et le
privé. Le district a un dépTMt qui est une centrale
dÕachat chargée dÕapprovisionner les dépTMts des
centres, postes et cases de sante. Le secteur public de distribution a
été confronts pendant longtemps à de nombreuses
difficultés. Suite à la dévaluation du franc CFA, la
promotion des médicaments essentiels a largement contribué
à sa rehabilitation.
50 Rapport final du Forum Civil sur la corruption dans le
système de Santé, 2005.
51 LÕaspirine et la nivaquine constitue chacun un
article
· L'offre dans le secteur
privé
Le secteur privé sénégalais concerne
plus de 70% en valeur du marché des approvisionnements. La structure de
prix en vigueur dans le secteur privé est la suivante: le prix grossiste
hors taxes (PGHT) est le prix de base accepté dans l'AMM (autorisation
de mise sur le marché). Nous avons des coefficients
multiplicateurs du PGHT:
· 1.32 pour les médicaments sociaux;
· 1.8586 pour les médicaments
ÇnormauxÈ ;
· 2.12 pour les médicaments à conditionnement
hospitalier.
La production locale est assurée par trois firmes :
Aventis Pharma, Pfizer Afrique de l'ouest pour l'essentiel avec Valdafrique et
l'institut Pasteur pour les vaccins.
Toutefois, nous assistons à une gestion
bureaucratique du médicament dont les failles militent
en faveur du développement du marché parallèle du
médicament. Ceci se manifeste à travers le mode
d'approvisionnement des structures sanitaires publiques si l'on sait que les
commandes des districts doivent passer d'abord au PRA avant que la PNA ne
puisse les délivrer. Cette lenteur dans la distribution entra»nent
des ruptures de stocks qui font que certaines populations font recours aux
réseaux d'approvisionnent illicite qu'elles considèrent comme une
alternative. Dés lors, la gestion du médicament montre ses
limites.
3. Les limites des politiques de santé
Depuis une trentaine d'années, les réformes se
sont succédé, les propositions se sont multiplié et,
pourtant, une grande insatisfaction persiste, tant du point de vue des
populations que des intervenants. Le sentiment est désormais largement
partagé qu'une
52
grande partie vient de l'offre de santé publique . En
1978, la Conférence d'Alma Ata sur les soins de santé primaires a
été organisée sur la base des principes de l'accès
universel, de l'équité, de la participation communautaire et de
l'action intersectorielle. En 1987, les ministres africains de la santé
ont adopté l'Initiative de Bamako qui était aussi, une
stratégie destinée à renforcer les soins de santé
primaires.
52 JAFFRE Y., DE SARDAN J. P. (dir.), 2000, Une
Médecine inhospitalière, les difficiles relations entre soignants
et soignés dans cinq capitales d'Afrique de l'Ouest, Paris,
Karthala, p.10.
En 2001, les chefs d'Etat et de gouvernement ont
proclamé 2001-2010, Décennie de la médecine traditionnelle
africaine. Cependant, nous constatons, de la Conférence d'Alma Ata
à l'Initiative de Bamako, que les politiques de promotion des soins de
santé primaires restent toujours d'actualité quoique les actions
entreprises soient non négligeables. Ces politiques ne se sont pas
traduites en un meilleur accès aux services de santé pour les
plus démunis, elles n'ont fait que marginaliser davantage certains
sous-groupes déjà très vulnérables au profit d'une
plus grande viabilité financière des structures et l'exemption
du
53
paiement pour les indigents est une solution viable mais
socialement non envisagée .
Même si son option première consiste à
rendre accessibles les soins de santé pour les populations les plus
démunis, l'Initiative de Bamako se heurte à certains
problèmes. La non gratuité des consultations aux niveaux des
structures sanitaires et l'exigence d'un honoraire pourraient constituer une
entrave pour les patients d'accéder aux soins médicamenteux.
Dès lors, la promotion des soins de santé primaires ne doit pas
se limiter uniquement à la facilitation de l'accès aux
médicaments essentiels. Parallèlement, elle doit passer de prime
abord par la gratuité ou du moins par la réduction du prix de la
consultation si l'on sait que cette dernière est la clé de
voute.
Par ailleurs, les politiques sanitaires et plus
particulièrement l'IB qui veut intégrer les agents de
santé communautaire se trouvent confronter à d'autres
problèmes liés au manque de formation et de
légitimité, à la corruption des certains agents et
comités de santé ou de gestion. Les comités de
santé, censés être les garants d'une participation
communautaire,
54
sont souvent loin de répondre toujours à cette
vocation qu'on leur a assignée . Les pratiques telles que les
corruptions et détournements ont été soulignés par
l'Inspecteur des affaires administratives et financières au
Ministère de la santé et de la prévention Médicale
qui s'intrigue du fait que les comités de santé se soient
détournés largement de leurs objectifs.
Il ajoute qu'Ils s'adonnent pratiquement à la
collecte des recettes générées par les activités
des structures, sans aucune contribution, par des activités
génératrices de revenus, au détriment
des activités promotionnelles. Les recettes sont
thésaurisées si elles ne sont pas détournées,
au
53 Santé Publique, 2004, Volume 15, N°1, p.
37.
54 JAFFRE Y., DE SARDAN J. P. (dir.), 2000, op. cit.
p.74.
moment ou les structures manquent de
ressourcesÉLes instances de décision de ces comités de
santé ne sont pas toujours renouvelées et ne sont pas
représentatives des populations. Les dépenses n'obéissent
à aucune clé de répartition objective et sans aucune
planification55.
Lors des assises de la santé de l'an 2000 au
Sénégal, les autorités avaient introduit la notion de
« capital santé È. La santé doit être un
bien que chacun doit posséder et entretenir56.
En outre, les politiques de promotion des soins de
santé et les programmes de lutte contre certaines maladies n'arrivent
pas à gommer totalement les problemes d'inégalités devant
l'accès aux médicaments essentiels. En dépit des efforts
consentis par tous les partenaires de lutte, certains malades ont du mal
à accéder aux soins.
Dans le Programme National de Lutte contre la Tuberculose
(PNT), seuls 73% des malades sont encore pris en charge alors que le taux
n'atteint pas toujours l'objectif fixé par l'OMS qui est de 85%. En
effet, 12% des tuberculeux sont marginalisés et constituent un
réel probleme de santé publique. La représentante du
Programme National de lutte contre la Tuberculose (PNT) affirme que le taux de
dépistage est de 56% tandis que celui du traitement est de
73%57. La promotion de santé doit viser
l'égalité en matière de santé. Ses interventions
ont pour but de réduire les écarts actuels caractérisant
l'état de santé et d'offrir à tous les individus les
mêmes ressources et possibilités pour réaliser pleinement
leur potentiel de santé58 . Cependant, il
semble que le dispositif de prise en charge a du mal à couvrir ou du
moins à satisfaire la demande médicamenteuse de certaines
populations. On assiste souvent à la rupture de stocks sporadiques en
médicaments dans les structures sanitaires du secteur public et dans le
circuit officiel d'approvisionnement en médicaments.
55 Le Quotidien, 30 mars 2006, Journée du Forum national
sur la gouvernance et le systeme de santé au Sénégal.
55 Enquête, Mémoire, 2007.
56 SIDIBE M. F., Ethique et recherche en
santé, 2004, Dakar, Les Editions du Livre Universel(E.L.U), p.6.
57 Sud Quotidien, 22 mars 2007, Réunion
préparatoire de la journée mondiale de lutte contre la
tuberculose du 24 mars 2007.
58 OMS-Europe, 1986, Charte d'Ottawa pour la
promotion de la santé.
La Pharmacie Nationale d'Approvisionnement (PNA) souffre de
plusieurs types de dysfonctionnements qui font qu'elle n'arrive pas à
assurer sa mission principale qui est l'accessibilité financière
et géographique des médicaments essentiels:
· Il n'existe pas de pharmacie régionale
d'approvisionnement (PRA) dans toutes les régions du
Sénégal en dépit des améliorations de
couverture.
· Les ruptures de stocks sont fréquentes
· Les prix d'achat sont majorés de 20% et la marge
de 50% conseillée aux clients para»t excessive.
De même, plusieurs dysfonctionnements peuvent
être soulignés entre le Laboratoire National de Contrôle des
médicaments (LNCM) et les autres principales institutions publiques en
charge de la régulation du système.
· La collaboration semble difficile avec la PNA qui ne
prend pas en compte les préoccupations du Laboratoire National de
Contrôle des médicaments (LNCM) lors de l'élaboration du
cahier de charge pour les appels d'offre;
· Il n'existe presque pas de collaboration avec la DPL, ni
avec les industriels, les grossistes et les pharmaciens
hospitaliers59.
L'approvisionnement de certaines catégories sociales au
niveau du marché parallèle du médicament appara»t
alors comme un paradoxe pour les autorités qui affirment avoir beaucoup
fait pour faciliter l'accès aux soins. Le Directeur de cabinet du
ministre de la santé
et de la prévention médicale nous confie au
cours d'un entretien qu'aujourd'hui, le gouvernement est en train
de mettre en place beaucoup de moyens. On vend beaucoup de produits
génériques. Il fut un moment, pour acheter un paquet d'aspirine,
tu étais obligé de décaisser 1000f. Aujourd'hui, pour
avoir l'aspirine, tu n'achètes que ce dont que tu as besoin. Ë
100f, tu peux acheter le médicament dont tu as besoin dans une pharmacie
et te soigner avec toute la sécurité requise à ce
niveau60. Il semble que les raisons qui sous-tendent
l'approvisionnent de certains populations à partir du marché
parallèle du médicament échapperaient aux pouvoirs publics
et soulève un paradoxe pour eux.
59 Rapport du Forum Civil sur la corruption dans le
système santé, 2005, p.107.
60 Enquête, Mémoire, 2007.
En outre, les programmes de prise en charge tels que: le plan
Sésame qui assure la gratuité des soins aux personnes dites du
Ç troisième âge>> se heurte à un
problème lié à la non-conformité entre l'âge
réel du patient et celui mentionné au niveau de la carte
d'identité nationale. La plupart sont moins âgés sur le
Ç papier >>. Parallèlement, certaines structures sanitaires
sont confrontées à des difficultés de remboursement de la
part de l'Etat qui en garantit la prise en charge. A cela, s'ajoute ce que
JAFFRE et SARDAN appellent l'existence d'une Ç médecine
inhospitalière >>et les dysfonctionnements internes au
système public de santé. Ces facteurs constituent une des causes
de la fréquentation insuffisante des formations sanitaires et de recours
à d'autres systèmes de soins (en particulier
l'automédication), usagers 61
et d' insatisfaction des . L'approvisionnement de certaines
populations au niveau du Çmarché noir >>
soulève une contradiction quand on parle de promotion des soins de
santé primaires. Selon B. BONNICI, la promotion de la santé
constitue le processus qui vise à donner à l'individu et à
la collectivité la capacité d'exercer un meilleur contrôle
sur les facteurs déterminants de la santé et à
améliorer ainsi leur niveau de santé62. La politique
de santé par nature transversale se heurte donc à un certain
nombre de limites, d'ordre économique, budgétaire, financier, car
elle traverse un système de santé, soumis à la contrainte
générale d'un système d'économie marchande
déséquilibré63.
Le commerce illicite du médicament polarise
aujourd'hui, autant l'attention des pharmaciens d'officines privées que
celle des autorités publiques dont les premiers ne cessent de fustiger
leur attitude. Ainsi, il serait important pour nous de comprendre les causes
qui sous-tendent cette pratique et de saisir les raisons de la persistance de
ÇKeur Serigne bi>> dans la vente illicite des médicaments
en portant notre attention sur les motivations des différents
acteurs.
61 JAFFRE et SARDAN, 2000, Op., Cit, p.15.
62 BONNICI B. Op., Cit, p. 20.
63 BONNICI B., Ibid.
TROISIEME PARTIE:
LA VENTE ILLICITE DES MEDICAMENTS
Note introductive
Dans cette partie, nous montrons l'organisation du commerce du
médicament au marché parallèle de Ç Keur Serigne
biÈ en faisant la carte des acteurs. Cette partie aborde
également les différentes opinions sur la ven te illicite de
médicaments telles que: les causes de la vente illicite des
médicaments, les raisons de la persistance de Ç Keur Serigne
biÈ dans la pratique. Elle met aussi à nu les différentes
mesures de lutte contre le commerce illégal du médicament.
CHAPITRE I : LE MARCHé PARALLELE DE «KEUR
SERIGNE BI»
Le monde de Keur Serigne bi È.
Mosquée Vendeurs et Clients et vendeurs
Ç Keur Serigne biÈ Caisses de médicaments de
Keur Serigne bi
Ces photos sont prises à l'aide d'un
téléphone portable au cours de notre enquête.
1.1. Présentation du cadre d'étude
«Keur Serigne bi»(la maison du marabout) appartient
à la commune d'arrondissement de Dakar-Plateau et se situe au centre
ville de Dakar, sur l'avenue Blaise Diagne, à quelques
encablures du marché Sandaga. Elle est sous le titre
foncier de Serigne Modou Moustapha Mbacké64. Aujourd'hui, la
maison est sous le contrTMle de Serigne Cheikh Baumbaly, l'actuel khalife de
Serigne Modou Moustapha Mbacké.
A l'intérieur du site se trouvent un grand
bâtiment en dur jouxté par deux autres appartements à ses
cTMtés. On y trouve également d'autres logements en baraque qui
abritent pour la plupart de petits restaurateurs. Une mosquée d'une
superficie de 40 metres carrés d'environ, se situe à l'extreme
droite de l'enceinte. On peut également apercevoir une école
coranique aux confins de la demeure.
Ë la lumiere de cette présentation, nous notons
que « Keur Serigne porte une forte empreinte islamique. Mis à part
son aspect religieux, elle est aussi à l'image d'autres structures un
cadre informel mais également un lieu de sociabilité d'une
communauté idéologique. Il est des lors, un endroit où la
vente illicite des médicaments est tres active. Il constitue une
destination privilégiée pour beaucoup de personnes.
1.1.1. Historique du nom « Keur Serigne
bi »
« Keur Serigne bi » est construite en 1926 par
Serigne Modou Moustapha Mbacké fils a»né et premier khalife
de Cheikh Ahmadou Bamba, principal fondateur et guide religieux de la
confrérie mouride. L'appellation « Keur Serigne bi » date
selon les vendeurs du vivant de Cheikh Ahmadou Bamba. En effet, lorsque le
marabout devrait etre exilé au Gabon, en escale à Dakar, il avait
passé plusieurs jours dans ce milieu. Et, chaque jour, des fideles
venaient de partout, lui rendre visite pour lui manifester
fidélité et sympathie. En y allant, le visiteur disait :
« mangi dem Keur Serigne bi » (je vais à « Keur
Serigne bi »). C'est pourquoi l'on parle aujourd'hui de « Keur
Serigne bi ». Ainsi, Cheikh Ahmadou Bamba demanda finalement, de son
vivant, à son fils a»né, Serigne Modou Moustapha
Mbacké d'acheter la maison afin qu'elle soit la demeure de tous les
fideles et des sans abris en particulier qui n'habitent pas Dakar. Aujourd'hui,
« Keur Serigne bi » se révele comme l'une des plaques
tournantes du commerce illicite du médicament. Chaque jour, un bus de
64Serigne Modou Moustapha Mbacké est le fils
a»né de Cheikh A. Bamba.
feux Serigne Mourtada65 y prend départ pour
Touba66.
2.1. Organisation de la vente des médicaments
à « Keur Serigne bi »
Contrairement à ce que laisse entrevoir toute
observation superficielle, «Keur Serigne bi»est un cadre
structuré. Notre immersion dans ce milieu et discussion avec certains
acteurs nous ont permis de distinguer quelques catégories de personnes
qui s'activent dans la pratique.
2.1.1. Carte des acteurs
Dans cette partie, il s'agit de montrer l'ensemble des personnes
qui participent au trafic des médicaments à « Keur Serigne
bi » et le rTMle de chacun.
2.1.1.1. Les racoleurs ou rabatteurs
Les racoleurs peuvent etre considérés comme les
premiers réceptacles de la clientele. Ils se positionnent en dehors de
« Keur Serigne bi » sur l'avenue Blaise Diagne. Ils interceptent
toute personne arrivée à hauteur de « Keur Serigne bi
», qu'elle soit acheteuse ou non en lui demandant « lo b`g ?
garab È (que voulez-vous ? des médicaments). Ils
mémorisent pour la plupart le nom et le prix de beaucoup de
médicaments (prix à l'officine). Les racoleurs ou rabatteurs sont
« les plus actifs des acteurs », car sans cesse, ils cherchent
d'éventuels clients potentiels et d'autres personnes qui viennent
à « Keur Serigne bi » pour y écouler ou recycler des
médicaments. Leur stratégie consiste, aprés avoir pris
connaissance des médicaments que cherche l'acheteur, à lui
proposer un prix moins cher que celui offert dans les pharmacies. Chaque
rabatteur à son ou ses propres vendeurs avec qui il traite aprés
avoir proposé un cofit au client. Dans la vente des médicaments
à «Keur Serigne bi», les racoleurs disposent d'une zone
dÕincertitude pertinente dans le système de relations et
d'activités. Non seulement ils sont plus instruits que les vendeurs
à qui on interdit de sortir pour chercher des clients et dont la plupart
savent lire uniquement l'arabe, mais aussi
65 Serigne Mourtada Mbacké est fils de Cheikh
Ahmadou Bamba, fondateur de la confrérie mouride.
66 Touba fut un village crée par cheikh Ahmadou
Bamba. Actuellement il est considéré comme ville et l'appelle
aussi l « la capitale du mouridisme ».
ils monopolisent l'information car ils sont les premiers qui
accueillent la clientele. Un
rabatteur affirme : depuis que j'ai cesse de frequenter
l'ecole, je suis ici. Je ne connais que la vente de médicaments. Je
suis venu ici parce que mon grand frere est vendeur de medicaments ici, il
ne sait pas lire francais et puisque c'est necessaire, il m'a dit de venir
l'aider. Je travaille
ici depuis 1996...je m 'en sors bien67 .
La strategie des racoleurs est aussi rendue adequate et efficace par le fait
que beaucoup d'acheteurs ne veulent pas etre identifies comme etant des clients
de ce marche parallele. Par consequent, ils preferent discuter avec un
rabatteur qui se charge de chercher le medicament demande plutTMt que d'aller
negocier volontiers avec les vendeurs. L'%oge des racoleurs est compris entre
25 et 35 ans et on peut denombrer une trentaine de racoleurs reguliers (durant
nos enquêtes). En ce qui concerne le deroulement de
leur travail, les racoleurs affirment : si un client
vient, on regarde la liste des medicaments recherches et, on lui propose un
coat moins cher que celui des pharmacies mais benefique pour nous car on sait,
si par exemple le medicament coate 15.000f à l'officine, on peut l'avoir
à 10000f à l'interieur (de « Keur Serigne bi »). On
propose au client de donner 13500f et on
gagne 3500f. Neanmoins, pour etre racoleur ou
rabatteur, il faut conna»tre obligatoirement au moins un vendeur qui a
confiance et accepte de traiter avec toi68 soutient un
rabatteur. Il ajoute : il est difficile d'être vendeur ici si on
n'est pas de Touba parce que c'est un trafic delicat. Des lors, «
Keur Serigne bi » semble etre une structure hermetique, reservee aux
mourides et particulierement, à ceux originaires de Touba qui en
assurent l'organisation meme si beaucoup de racoleurs viennent des banlieues
telles que Pikine et Guediawaye. Il faut preciser que la presence de racoleurs
n'est pas seulement specifique à « Keur Serigne bi » mais le
propre de beaucoup de pratiques informelles.
2.1.1.2. Les vendeurs
Parmi les vendeurs nous distinguons quelques categories.
Les « grands vendeurs » : ils sont dans l'enceinte de
la maison. Chacun dispose de caisses en bois qui abritent des medicaments.
D'autres, à cote des caisses, ont des locaux
67 Enquete memoire, 2007.
68 Enquete memoire, 2007.
qu'ils appellent <<magasins È oü
ils gardent des médicaments et d'autres spécialités
médicales. Ils sont plus d'une cinquantaine de vendeurs fixes dont leur
âge est compris entre 35 et 70ans avec une prédominance des plus
40ans. Chaque vendeur fixe vers e une cotisation mensuelle de 1 000f pour
assurer les frais de la maison tels que: le payement des factures d'eau et
d'électricitéÉ Ainsi, cette structuration de l'espace
entra»ne l'établissement de règles informelles de
Convention. D'autres vendeurs s'installent aux abords de la maison à tel
point qu'on ne puisse appréhender la façade de <<Keur
Serigne bi È. Ces vendeurs, marchandent pour la plupart des insecticides
en poudre et en liquide et sont relativement âgés de plus 50ans
alors que d'autres, <<petits vendeursÈ déambulent à
l'intérieur avec des médicaments en mains (jeunes de 18 à
22 ans). Nous remarquons que les vendeurs dans leur écrasante
majorité se réclament du mouridisme comme appartenance
confrérique. Ils viennent pour la plupart de Touba et ont duré au
moins 10 ans (vendeurs fixes) dans le commerce hormis certains enfants qui y
sont avec leurs parents, vendeurs. Un vendeur que nous avons interrogé
sur ses débuts répond: J'ai été chauffeur mais
j'ai compris que la vente du médicament marche, c'est la raison pour
laquelle je suis entré dans la pratique. J'ai fait 15 ans ici. Un
autre, sur la même question réplique : je suis là
depuis 1998. J'ai des parents ici. Ç Alhamdoulillah mangi santÈ
(je remercie le bon Dieu).
Cette pratique peut être considérée ou du
moins envisagée comme une reproduction socioprofessionnelle si l'on sait
que beaucoup de vendeurs y sont avec certains de leurs enfants. En outre, les
vendeurs , pour << fidéliserÈ les acheteurs
n'hésitent pas à donner leur numéro de
téléphone dès le premier contact. Tous les vendeurs avec
qui nous avons négocié nous ont donné leur numéro
de téléphone portable.
2.1.1.3. La commission de discipline
Elle est composée de trois personnes (vendeurs) qui
sont chargées de faire respecter le système normatif. Ainsi,
toute personne qui se livre à des pratiques, attitudes ou comportements
(fumer à l'intérieur, dispute, injure, débauche, recherche
de clients en dehors de la demeure) contraires aux règles
établies sera passible à une sanction. En effet, La commission de
discipline interdit aux vendeurs de sortir dans l'enceinte de <<Keur
Serigne
bi » pour intercepter les clients. Selon les vendeurs,
elle l'interdit dans le but de permettre l'égalité des chances.
Ainsi, tout vendeur qui déroge à cette regle payera une amende de
1500f et se voit perdre son client au profit d'un autre. Un racoleur nous a mis
en rapport avec un vendeur pour qu'il nous fasse le devis d'une liste de
médicaments et de matériels hospitaliers. Apres avoir
discuté avec lui, sommairement, à quelque 100metres de «
Keur Serigne bi », il nous demande de lui devancer et de
l'attendre, à l'intérieur (de « Keur Serigne
bi »), sous la tente. Et , avant qu'on entame
les négociations, il affirme : je vous ai dit de me preceder parce
que si la commission de discipline me voyait entrer à la maison en votre
compagnie, jÕallais payer 1500f en guise dÕamendeÉ on nous
interdit de sortir pour chercher des clients dehors pour que tous les vendeurs
aient les memes chances de vendre leurs medicaments. Et, puisque ce commerce
nÕest pas legal, on veut que tout se passe à lÕinterieur
de la mais on mais ces gens (rabatteurs) nous mettent souvent en rapport avec
des personnes, dehors. CÕest normal quÕil existe une commission ;
vous voyez tout ce monde ! (vendeurs), sÕil
nÕy avait pas de reglementation ce serait du
nÕimporte quoi. Le systeme organisationnel repose sans nul doute
sur une convention entre les vendeurs quoique certains enfreignent souvent
cette regle pour tirer plus de profit. Nous conviendrons avec CROZIER que
l'individu quelle que soit la nature des contraintes du systeme
développe des stratégies diverses pour assouvir ses besoins. Il
n'y a pas de systemes sociaux entierement réglés ou
contrTMlés les acteurs individuels ou collectifs qui les composent ne
peuvent jamais etre réduits à des fonctions abstraites et
désintéressées69 .
Ce commerce de médicament donne lieu à d'autres
types de prestations dans l'enceinte de « Keur Serigne bi » : vente
de déjeuner, de petit déjeuner et de « café -
touba». « Keur Serigne bi » constitue en outre, la nuit, un abri
pour certains fideles mourides et d'autres personnes (Sans Domiciles Fixes) qui
ne voudraient pas dormir à la belle étoile.
2.1.2. La clientele de Keur Serigne bi : une clientele
hétérogène.
Parler de la clientele de « Keur Serigne bi » revient
à identifier ceux qui y viennent pour s'approvisionner en
médicaments et ou en d'autres spécialités
médicinales. Certains
69 CROZIER M., FRIEDBERG E., 1977, LÕacteur
et le système, Paris, Seuil.
vendeurs et rabatteurs affirment qu'ils ont une
clientèle qui regroupe toutes les catégories sociales et
socioprofessionnelles, qu'elles soient riches ou pauvres. Un racole ur nous
confie: ici ! Tout le monde y vient.
Moi, j'ai des clients avocats, policiers et tu verras
avant que tu ne rentres, affirme un autre. Notre immixtion dans ce milieu
nous a permis de comprendre que la clientèle de <<Keur Serigne bi
È est loin d'être homogène mais diverse et
variée.
Les acheteurs appartiennent à différentes
catégories sociales, contrairement à ce que pensent beaucoup de
personnes y compris certains auteurs à l'instar de FASSIN qui croient
que c'est exclusivement l'apanage des catégories sociales
économiquement défavorisées. Parmi ces acheteurs on peut
noter deux catégories: << la clientèle fidèle ou
potentielle È et << la clientèle de
circonstance ou occasionnelle È.
2.1.2.1. La clientèle fidèle ou
potentielle
Les acheteurs potentiels sont généralement des
gens atteints d'une maladie qui nécessite la prise quotidienne de
médicaments ou des personnes utilisant un ou des médicaments
spécifiques pour le traitement d'une maladie chronique. Certains d'entre
eux arguent que les médicaments sont chers aux niveaux des pharmacies et
que << Keur Serigne biÈ constitue une panacée. Une cliente
affirme: ce médicament, je dois l'acheter à chaque fin de
mois et je
n'ai pas toujours les moyens de l'acheter dans les pharmacies
parce que c'est cher. J'ai quelqu'un qui me le vend ici à chaque fois
que je viens.
On note parmi eux, des hommes et des femmes mais ils
appartiennent à différentes catégories
socioprofessionnelles. On y trouve: des infirmiers, des ouvriers, des
boutiquiers,
70
des ménag ères et même paradoxalement des
gendarmes et policiersqui souvent en uniforme, se positionnent à
quelques encablures de la maison de peur d'être appréhendés
pour négocier, discrètement, avec un racoleur qui se charge
d'apporter le médicament demandé. Et, l'invraisemblance est que
parmi ces forces de l'ordre on y retrouve de <<fidèles clients
È. Un client, policier, à la recherche d'un médicament,
intercepté par un racoleur qui
70Nous les avons identifiés et avons même
participé aux négociations avec le racoleur qui me les
présentait comme son ami.
lui propose un prix (quÕil a jugs cher) lui dit :
c'est cher, tu me laisses donc voir mon client. J'ai un client qui me
vend ca à chaque fois que je viens ici. Ceci montre effectivement
quÕil est un habituel acheteur. Un autre, gendarme, en civil tenant une
ordonnance dÕune valeur de 13. 613(prix à lÕof ficine)
negocie avec un rabatteur avec qui il a lÕhabitude de negocier
afin quÕil lui donne les medicaments moyennant 7OOOf.
Le racoleur lui dit : ca ne m'arrange pas (7000f) mais je ne peux
qu'accepter parce que tu es mon client mais « baxul ci man » (ca ne
m'arrange pas).
Les infirmiers representent une part importante dans la
clientele de Ç Keur Serigne bi È comme le confirment les vendeurs
et nos observations. En effet, beaucoup dÕinfirmiers proprietaires de
structures sanitaires (privees) viennent sÕapprovisionner au
marché parallele « Keur Serigne bi È. Au cours de notre
enquete, nous avons pu identifier une infirmiere. Elle etait en compagnie de
son chauffeur qui se stationne à quelques 100 metres de la maison. Elle
reste dans la voiture et donne au chauffeur une liste de medicaments
quÕil cherche à lÕinterieur de Ç Keur Serigne bi
È. Apres lÕapprovisionnement, elle procede dÕelle -meme
à la verification avant de quitter. Beaucoup dÕinfirmiers se
ravitaillent à partir de Ç Keur Serigne bi » soit en
medicaments soit en dÕautres specialites medicales que nous
mentionnerons. Ainsi , nous notons parmi Ç la clientele fidele È
une part considerable de personnes censees de lutter contre le commerce
illicite de medicament. Ces categories socioprofessionnelles pourraient etre
considerees comme les Ç legalistes È cette pratique qui bien
quÕinterdite se voit ainsi toleree implicitement.
2.2.1.2. La clientèle circonstancielle ou
occasionnelle
A cote de cette clientele potentielle È ou fidele, nous
avons identifié une clientele occasionnelle ou de circonstance. Ce sont
generalement des acheteurs qui y viennent par contingence, à cause
dÕune ord onnance dont le cout, considers cher au niveau de
lÕofficine
les oblige à venir à Ç Keur Serigne bi
È moyennant une ré duction. Une acheteuse declare : On m'a
prescrit une ordonnance. Je suis allee demander le montant à la
pharmacie mais c'est cher pour moi et une amie m'a dit de venir ici parce que
c'est moins cher.
Un autre declare : c'est la première fois que je
viens là. Mais, il fallait que je trouve ce medicament car je souffre et
je n'ai pas 5000f pour l'acheter à la pharmacie. Il faut renseigner
que ces Ç acheteurs de circonstance È pour la plupart, ne
viennent à Ç Keur Serigne bi È que lorsque le montant des
medicaments à lÕofficine dépasse quatre mille francs
(4000f). En effet, si le cofit du médicament à
l'officine est égal ou supérieur à quatre mille francs
(4000f), l'écart entre le prix de l'article à l'officine et celui
de « Keur Serigne bi » varie entre 700 et 1500f. Plus le cofit de
médicament à l'officine est « cher » ou «
élevé », plus important est l'écart pour l'acheteur.
L'écart entre les prix évolue donc en fonction cofit du
médicament à la pharmacie. Ç Ce medicament coute 6550f
et pourtant je lÕachete à 5000f ici et parfois moins »
affirme un client.
2.2.1. 3. « Keur Serigne bi » vue par sa
clientele
Considérée comme l'une des plateformes de la
vente illicite des médicaments à Dakar, « Keur Serigne bi
» jouit d'une « bonne »réputation de la part de sa
clientele. Cette notoriété résulte principalement du fait
qu'elle est d'abord un lieu oil les médicaments se vendent à des
prix qui sont à la portée des bourses de certaines populations
qui ne peuvent pas accéder aux médicaments au niveau des
structures officielles d'approvisionnement. En effet, la clientele de «
Keur Serigne bi » dans sa globalité l'apprécie positivement
car les médicaments y sont plus accessibles soutient-elle. Ils (les
clients) affirment aussi que certains médicaments souvent en rupture
dans les structures officielles de vente y sont toujours disponibles et qu'ils
ont confiance en la qualité des médicaments qui y sont vendus (la
clientele fidele).
La clientèle soutient ainsi :
1 Ç Keur Serigne bi È est vraiment une bonne
chose pour nous Ç badoolo È qui nÕavons pas assez de
moyens parce quÕici, on peut négocier un medicament à un
prix largement inférieur à celui des pharmacies, soutient un
retraité de 6o ans environ .
2 Je ne vois que son utilité parce que moi,
cÕest ici oil jÕachete les medicaments que jÕutilise pour
me traiter et depuis, jÕai constaté une nette amelioration,
affirme une ménagere.
3 Les medicaments de ÇKeur Serigne bi » sont
de même qualité que ceux vendus dans les pharmacies. En tout cas
moi, jÕai confiance en la qualité des medicaments qui y sont
vendus. Pourquoi des infirmiers y viennent pour acheter des medicaments ?
CÕest parce que ces medicaments sont bons, argue un ouvrier.
A la lumière de ces appréciations, nous
constatons que Ç Keur Serigne jouit d'un écho favorable de la
part de sa clientèle. Cette audience ne dépend pas de la
qualité des médicaments méme si certains acheteurs
l'avancent mais du coüt moins élevé des prestations offertes
comparé à celui des pharmacies et de la disponibilité de
certains médicaments qu'on ne retrouve pas dans pharmacies.
3.1. Réseaux d'approvisionnement de « Keur
Serigne bi »
3.1.1. Schéma d'illustration des réseaux
d'approvisionnement de Ç Keur Serigne biÈ
Réseaux extérieurs Touba
(Dakar-BISSAU Dakar-Banjul), émigrés
cambrioleurs d'officine
des pays d'Europe
Keur Serigne
Personnes arrivées aux
Termes de leur traitement
(Recyclage)
Délégués médicaux
Pharmaciens, infirmiers
3.1.2. Carte des pourvoyeurs de Ç Keur Serigne bi
È
Le marché parallèle de Ç Keur Serigne bi
È, dispose de plusieurs sources d'approvisionnement. Il s'agit de
montrer l'ensemble des acteurs qui l'alimentent en
médicaments.
3.1.2.1. Des pharmaciens véreux ou les Ç
brebis galeusesÈ de la profession pharmaceutique
Les pourvoyeurs de <<Keur Serigne biÈ sont
multiples. Beaucoup de gens affirment que des pharmaciens <<nourrissent
È << Keur Serigne bi È. Les pharmaciens soutiennent qu'il y
a certains d'entre eux qui contribuent au développement du marché
parallèle du médicament. Ils affirment que ceux qui
approvisionnent le réseau parallèle sont animés par un
sentiment de cupidité et de recherche effrénée de profit.
Pour l'ancienne présidente du syndicat des pharmaciens privés du
Sénégal dans toute corporation, il y a des brebis galeuses.
Il y a des pharmaciens qui ont des yeux beaucoup plus gros que le ventre.
Certains affirment que l'Ordre des pharmaciens en a identifié:
il y a certains pharmaciens qui approvisionnent Ç Keur de Serigne bi
È, ils sont connus de vue lieu.
E. N confirme : des pharmaciens ont été pris
les mains dans les poches en train de vendre des médicaments à
Ç Keur Serigne bi È.
Selon le chef de la Division Administrative de la Direction de
la Pharmacie et des laboratoires71, certains pharmaciens avec la
complicité des grossistes répartiteurs du secteur formel font des
commandes de quantités très importantes de médicaments
dont le surplus atterrit au marché parallèle.
M. B pharmacien soutient: Il ya des infirmiers et des
médecins, il y a aussi des pharmaciens. Dans toute corporation il y a
des brebis galeuses È. Ë Touba, les pharmacies sont
entourées de dépTMts de médicaments et le prix du
médicament étant homologué, ils seront obligés de
se battre pour s'en sortir72.
Concurrencés par des vendeurs du marché
parallèle, certains pharmaciens, pour résister ou du moins
<<existerÈ développent des <<stratégies
perversesÈ ou marginales. Un autre
71 Consultation sous-régionale d'experts des pays membres
de la CEDEAO sur les stratégies de contrôle transfrontalier des
médicaments illicites, Ouagadougou du 06-08 juillet 2006.
72 Enquête Mémoire de Ma»trise, 2007.
corrobore en affirmant qu'il y a certains pharmaciens
véreux qui veulent s'enrichir à tout prix.
Dès lors, si on prête serment pour prendre et ou
respecter des engagements, certains
73
pharmaciens, après avoir prêté ce qu'il est
convenu d'appeler le Serment de Galien ne l'honorent guère.
Le discours critique des pharmaciens à l'endroit de leurs
confrères semble trouver sa justification dans ce Serment: Que
les hommes m'accordent leur estime si je suis
74
fidèle à mes promesses .
Que je sois couvert d'opprobre et méprisé de
mes confrères si j'y manque.
Les psychologues parlent d' « effet brebis
galeuse » qui désigne le fait que les sujets
évaluent plus négativement un membre de leur groupe qu'un membre
du hors-groupe lorsque celui-ci adopte des conduites déviantes ou se
révèle défaillant à une tâche et, dans un
cadre inverse, évaluent plus positivement un membre de leur groupe qu'un
membre du hors-groupe75. L'appât du gain prend ainsi le
dessus sur la probité, élément fondamental du Serment de
Galien. En outre, le fait que certains pharmaciens (de Touba) qui,
entourés par des dépôts de médicaments, grossissent
le marché parallèle peut être perçu comme une
stratégie pour eux de tirer leur épingle du jeu comme le confirme
un pharmacien. Ceci, conduit certains à être en contradiction avec
un des fondements du pacte d'allégeance : En aucun cas, je ne
consentirai à utiliser mes connaissances et mon état pour
corrompre les mÏurs et favoriser des actes criminels76.
Nous conviendrons dés lors avec M. CROZIER qu'il n'y
pas de systèmes sociaux entièrement réglés ou
contrôlés. Les acteurs individuels ou collectifs qui les composent
ne peuvent jamais être réduits à des fonctions
désintéressées et désincarnées. Ce sont des
acteurs à part entière qui à l'intérieur des
contraintes souvent très lourdes que leur impose le système
dispose d'une marge de liberté qu'ils utilisent de façon
stratégique, la persistance
73 Le Serment GALIEN est le discours que prononce tout pharmacien
arrivé au terme de sa formation et avant la réception de son
diplôme.
74 Serment de Galien
75 BOUCHET J. et al. 2004, Psychologie sociale, L'Individu et le
Groupe, p.194.
76 Serment de Galien
de cette liberté défait les règles les
plus savants77. Il apparait ainsi que certains pharmaciens
ravitaillent Ç Keur Serigne biÈ en médicaments. Toutefois,
certains affirment leur encrage et affirme méme avoir
décliné des propositions douteuses de certains pharmaciens.
3.1.2.2. Les infirmiers
Parmi les infirmiers, on trouve autant des pourvoyeurs de
ÇKeur Serigne biÈ que des gens qui s'y approvisionnent et
notamment ceux disposant d'une structure sanitaire privée. Les
infirmiers qui ravitaillent ÇKeur Serigne biÈ le font gr%oce aux
dons de médicaments qu'ils auraient détournés. Au cours de
notre étude, ils ont été plusieurs fois mentionnés.
Les vendeurs de ÇKeur Serigne bi È témoignent que
certaines spécialités pharmaceutiques leurs sont acquises par
l'intermédiaire des infirmiers.
3.1.2.3. Les délégués
médicaux
Parmi les ravitailleurs on peut mentionner des
délégués médicaux comme le confirment les vendeurs.
En effet, ces derniers disposent des échantillons gratuits pour
présenter de nouveaux produits ou faire la promotion de certaines
spécialités pharmaceutiques. Ces prototypes sont souvent vendus
au niveau du marché parallèle et notamment a Ç Keur
Serigne bi È.
3.1.2.4. Les recycleurs
Nous notons parmi les recycleurs des invalides de
l'armée qui bénéficient d'une prise en charge
médicale. Souvent dans une situation de précarité, ils se
font généralement prescrire une ordonnance (des antibiotiques en
générale) qu'ils reven dent à ÇKeur Serigne bi
È. Egalement, certains malades ayant terminé leur traitement
viennent recycler le reste de leurs médicaments au marché
parallèle de Ç Keur Serigne bi È. Ce recyclage ne concerne
pas uniquement les médicaments mais aussi, d'autres
spécialités sont aussi réinsérées à
ÇKeur Serigne biÈ le plus souvent par le personnel de
santé (infirmiers) comme le soutiennent les vendeurs.
77 M. CROZIER, op.cit .p.25.
3.1.2.5. Les cambrioleurs
Entre le 01 Aoit 2005 et le 31 mars 2006, une cinquantaine de
pharmacies ont fait l'objet de cambr suivi 14 autres durant premier 2007
78
iolage de le semestre de . Le president du Syndicat des
pharmaciens prives du Sénégal , à l'ouverture de
l'Assemblee generale extraordinaire des pharmaciens, declare Nous subissons
des agressions. Nous encaissons une depossession programmee de l'exercice du
monopole de la pharmacie avec le marche illiciteÉ Les pharmaciens font
l'objet d'une serie de vandalisme. Les auteurs continuent de beneficier d'une
impunite. Cela est inacceptable dans un pays de droit. Il ajoute :
Même si c'est l'Etat qui doit garantir la sécurité des
biens et des personnes, nous devons, de plus en plus, investir dans
79
le volet de la sécurité. Nous devons aussi
interpeller les parlementaires sur cette question .
Au cours de notre enquete, une pharmacienne nous dit
quÕelle nÕetait pas disposee de repondre à nos questions
parce quÕelle devait deposer une plainte contre les cambrioleurs de son
officine. Le marche parallèle de Keur Serigne bi È dispose
diverses sources de ravitaillement au niveau national mais egalement une
importante quantite des medicaments qui sont vendus provient hors du pays.
3.1.2.6. Les sources d'approvisionnent
exterieurs
Les pays concernés sont la Guinée Bissau, la
Gambie. Ce sont principalement les medicaments provenant de ces pays voisins
par lÕintermédiaire de voyageurs. Parallelement, certains colis
de medicaments sont acquis par le biais des émigrés des pays
dÕEurope, affirment les vendeurs de Ç Keur Serigne bi
È.
4. 1. Liste de quelques specialites et produits vendus
à « Keur Serigne bi » en dehors du medicament
Autres produits vendus à «Keur Serigne
bi»
78 Le Soleil, 28 juillet 2007.
79 Le Soleil, 28 juillet 2007.
Lits d'hôpitaux
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Tables d'accouchement
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Bo»tes à pinceaux
|
tensiomètre
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alcool
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seringues
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insecticides
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Contrairement à ce que croient beaucoup de personnes,
Ç Keur Serigne bi È n'est pas uniquement un lieu de
vente de médicaments. Hormis les médicaments, d'autres
spécialités médicinales y sont recyclées ou
vendues.
CHAPITRE II : LES DIFFERENTES APPRECIATIONS SUR LA
VENTE ILLICITE DU MEDICAMENT
2.1. Les causes de la vente illicite des
médicaments
Saisir les causes de la vente illicite des médicaments
revient à comprendre les différentes motivations des acteurs. Il
serait important de confronter les différents points de vue tels que :
celui des pouvoirs publics, des pharmaciens, et des personnes qui
sÕactivent dans ce commerce illicite en vue dÕappréhender
les raisons qui les sous- tendent. La triangulation des opinions sur la
question déduit que les causes sont de plusieurs ordres avec la
predominance à bien des égards de lÕéconomique dans
lÕexplication car le marché du médicament est un
marché juteux et beaucoup de gens qui nÕont pas de
métier sÕadonnent au commerce illicite.
- Les IPM ou causes originelles
Pour certains pharmaciens, les IPM (instituts de
prévoyance-maladie) sont à lÕorigine de la vente illicite
des médicaments. En effet, les IPM permettent à certains
fonctionnaires de bénéficier dÕune prise en charge
médicale et dÕavoir des bons de médicaments aux niveaux
des pharmacies. Certains pharmaciens affirment que beaucoup personnes qui en
jouissent sÕen profitent pour écouler au niveau du marché
paralléle du médicament. Je pense qu'il faut parler des
origines. Les dérives ont commence avec les IPM, affirme un
pharmacien. Des lors, les fondements historiques du trafic illicite du
médicament sont à rechercher dans les IPM.
- Les causes socioéconomiques
Pour beaucoup, la vente illicite des médicaments n'est
pas isolée de la situation précaire de certaines
catégories sociales. Elle appara»t comme une solution de rechange
non seulement pour les vendeurs mais aussi pour la clientele. C'est un
marché juteux et les gens ne baissent pas les bras sur quelque chose qui
rapporte, affirme un ph armacien .
M. O, racoleur confirme : la vente de médicaments me
rapporte beaucoup.
Pour le Vice président du syndicat des pharmaciens
privés du Sénégal, la cause principale de la vente
illicite des médicaments c'est la pauvreté et le manque de
couverture sociale des populations. Il soutient qu': en France vous ne
trouverez pas de vendeur illégal de
80
médicaments parce que les populations disposent
d'une couverture médicale . Même si l'économique est
déterminant, d'autres pensent par ailleurs que ce trafic est aussi
relatif à d'autres facteurs.
- Le manque d'information
Le Directeur de cabinet du ministre de la santé et de
la prévention médicale (MSPM), parlant des motivations des
vendeurs et de leur clientele soutient : Pour être honnêteje
suis en train moi-même de chercher. Ce sont des personnes mal
intentionnées (les vendeurs), l'appât du gain est tentantÉ.
Mêmes les personnes qui s'adressent au niveau du Ç marché
noir È, on se pose la question de savoir pourquoi elles s'adressent aux
niveaux de ces marchés. Ë quelle fin? Ils ne sont pas bien
informés. M.A pharmacien abonde dans le même sens. Il
déclare que les gens ont tendance à dire que les causes sont
économiques mais ce n'est pas seulement économique. On peut
retenir que la principale cause, elle est économique parce que ceux qui
y vont, ils y vont dans ce sens là. Mais je pense qu'il y a un grand
problème d'information. Globalement, situ prends les cents personnes qui
achètent ces produits, peut être 5% ou 10% seulement trouveront un
intérêt économique dans ça.
- La perméabilité des
frontières
80 Enquête Mémoire, 2007.
Elle est aussi l'un des principaux facteurs du
développement de la vente illicite des médicaments. Ë en
croire les vendeurs de « Keur Serigne bi », la plupart des
médicaments proviennent de Guinée -Bissau et de la Gambie.
Pour, le Directeur de la PNA, c'est l'environnement qui est
propice au développement du commerce illicite du médicament. Il
affirme qu' : aujourdÕhui nous nous trouvons dans zone
transfrontaliere où nous sommes plus ou moins enveloppes et oit les
frontieres nÕont pas
de barriere. Le pays nÕa pas de frontiere. La
plupart des produits viennent des pays voisins. Au
marche hebdomadaire de Diaobe (region de Kolda), on avait
arrete un camion chargé de medicaments81. Les reseaux
internes (du pays) lÕinterieur ne peuvent pas nous donner une quantite
qui depasse 50. 000f, la plupart nous viennent de Guinée -Bissau,
soutient un vendeur de « Keur Serigne bi ». Il apparait ainsi que la
part des médicaments provenant de pays voisins est plus importante bien
qu'il existe des réseaux à l'intérieur du pays qui
alimentent le marché illicite du médicament. Cet état de
fait témoigne le manque de surveillance et pose la problématique
du rTMle des pouvoirs publics dans la vente illicite des médicaments.
- La défaillance du systime de soins et du
réseau officiel d'approvisionnement.
Le systeme de santé sénégalais est
victime de plusieurs maux qui militent en faveur du développement
d'activités paralléles. Les dysfonctionnements réels du
secteur de soins biomédicaux n'encouragent pas les populations à
le fréquente mais les pousse à adopter des soins facilement
accessibles et peu cofiteux, surtout à domicile (FAYE S.)82.
Ë cela, il s'ajoute que la PNA qui approvisionne les structures sanitaires
publiques et parapubliques n'arrivent pas à couvrir l'ensemble des
besoins réels en soins médicamenteux des
83
populations si l'on sait qu'elle ne fait qu'une commande de
500 articles (l'aspirine, amoxicilline constituent des articles). Ceci pose un
réel probléme entre l'offre et la demande des populations en
matiére de médicaments.
81 Enquête, Mémoire, 2007.
82 Faye S. op., cit.
83 Entretien avec le Directeur de la PNA.
Les populations font recours au marché illicite du
medicament pour quatre raisons. Il signaler que le marché legal des
médicaments conna»t assez régulièrement des ruptures
de stocks ou de retrait de commercialisation de certains produits et par
consequent, les habitués à ces produits se retournent alors sur
le marché illicite.
Egalement, les marches Ç Occas et Ç Keur Serigne bi
È présentent une bonne disponibilité
84
de médicaments les plus couramment c ommercialisés
dans le secteur légal .
Par ailleurs, les pratiques telles que : les
détournements de dons humanitaires se révélent etre une
source non moins importante dans lÕapprovisionnement de Ç Keur
Serigne bi È en médicaments et en dÕautres
spécialités médicales.
Il faut noter aussi que le deficit en médicaments qui
caractérisent généralement les structures sanitaires et,
souvent décrié par les malades et les professionnels de sante est
également une des raisons qui expliquent lÕapprovisionnement de
certaines populations au niveau du marché paralléle.
2.2. Les Pouvoirs publics et la vente illicite du
medicament:
De la complaisance à la complicite de l'Etat
Le 22mai 2007 lors des journées pharmaceutiques, le
Ministre de la Santé et de la
Prevention Médicale (MSPM), parlant de la vente illicite
des m édicaments affirme que cÕest un phénomene
mondial. Ce qui suppose une approche multisectorielle de lutte et des
moyens importants pour éradiquer le phénomène
classé parmi les plus grands crimes à cTMte de la
drogue85. Par ailleurs, le Directeur de
cabinet du ministre de la Santé et de la Prevention Médicale
ne manque pas lui aussi de décrier lÕattitude des vendeurs de
médicaments
illicites. Pour lui, les vendeurs sont des personnes mal
intentionnées. Il soutient que la vente illicite des medicaments,
cÕest un vol. Toute vente illicite est un vol. CÕest de la
malveillance. CÕest à la limite un manque de civisme reel
dÕautant plus que les personnes à qui on vend ces produits, on
les expose. Il nÕy a plus de conservation normale des produits, il
nÕy a
84 Directeur de la pharmacie et des laboratoires.
85 Le Soleil, 23 mai 2007.
plus de politique de qualification, il nÕy a plus
un minimum de sécurité pour vraiment vendre ces produits. Or,
aujourdÕhui, le gouvernement est en train de mettre en place beaucoup de
moyens pour faciliter lÕacces aux medicamentsÉ Je me pose
toujours cette question ; pourquoi moi, je viens dans une pharmacie, je vole
les medicaments dÕautrui et je les vends dans le marché noir ?
Pourquoi moi on me donne des produits que je dois donner gratuitement parce que
je suis délégué medical je les vends. Il ajoute en
ces termes que : le gouvernement est en train des prendre les mesures
nécessaires pour éradiquer ce probleme. Sous peu de
temps,
vous verrez les actions que nous allons
mener86. Toutefois, cette position ambivalente sinon ambigu`
des pouvoirs publics sur le commerce illicite du medicament est
décriée par les pharmaciens qui pensent quÕils sont
regardants et à la limite complices. Pour eux, que lÕattitude des
autorités publiques semble militer en faveur du commerce illicite des
médicaments car elle nÕest pas de nature à lutter contre
cette pratique. Ils soutiennent que les pouvoirs publics nÕaffichent
aucune volonté politique pour lÕéradiquer bien
quÕils soient sensibilisés sur les consequences du
phénoméne. Les autorités ne sont pas assez
réceptives, ils se demandent sÕil nÕy a pas des
intérêts à sauvegarder par les autorités publiques
?
Pour madame M. I, malgré la mise sur pied, par
lÕancien premier ministre (Macky Sall) depuis lÕannée
2005, dÕun Comité de lutte contre la vente illégale des
médicaments, le phénoméne persiste parce que le
Comité nÕest pas fonctionnel. Pour elle, les mesures prises
par lÕEtat sont ponctuelles voire inefficaces pour eradiquer ce
commerce illicite. DÕautres pharmaciens soutiennent que lÕEtat
est complice, complaisant face à cette pratique. Et, certains pensent
quÕil y a des implications politiques entre le pouvoir temporel et le
pouvoir spirituel. Selon le Vice président du syndicat des
pharmaciens, lÕEtat est laxiste et immobiliste87
devant la vente illégale des médicaments.
P. A : Les autorités sont complaisantes. Tout le
monde sait que cÕest illegal. Nous -memes nous sommes au courant de
Ç Keur Serigne bi È à plus forte raison que lÕEtat.
Si on vendait de la drogue on serait traqué. Peut etre sÕils
vendaient de la drogue eux, ils seraient pris.
86 Enquete mémoire 2007.
87 Enque-te Memoire, 2007.
Pour certains, cette complaisance est synonyme
d'irresponsabilité de la part de l'Etat qui ne remplit plus sa mission
régalienne.
P.O : Un ministre nous a dit: Ç écoutez
ça, ça date depuis Senghor. Senghor ne l'a pas
réglé, Abdou Diouf ne l`a pas réglé, Abdoulaye Wade
n'en parle pas, ce n'est pas moi petit ministre qui va
leréglerÈ.
M.X: Depuis l'ancien régime jusqu'à nos
jours, les gens sont allés à plusieurs reprises voir le ministre
de la santé pour discuter avec lui... La preuve Issa MBAYE Samb, il est
ministre, iine peut pas dire qu'il ne connaitpas les
réalités; nous sommes de la même corporation ; tu ne l'as
jamais entendu mener une action dans ce sens. Donc les gens regardent.
Selon P. C: Les autorités ont montré leur
irresponsabilité. On a Ç Keur Sergine bi È non loin de
chez A. Wade. Si au vu au su et au dessus de l'administration, les mourides qui
sont à Ç Keur Sergine bi È arrivent à vendre des
médicaments; cela veut dire que l'Etat n'a pasjouer son rTMle. L'Etat a
une grande part de responsabilité sur le développent du
marché illicite.
Par ailleurs, d'autres pensent que c'est l'informel
qui est en train de s'ériger en règle dans tous les secteurs
à cause du non respect des lois et règlements qui
régissent la vente de médicaments. Nous sommes dans une
jungle oil les forts dévorent les faibles. C'est l'anarchie
88
totale personne ne respecte l'autorité. Par exemple
les Dakar DEM -DIKK , ils ont leur arrêt- b us mais les cars rapides y
stationnent. Qui sont ces gens ? Ce sont ces gens de l'informel. Vous qui
faites de la sociologie vous avez de la matière, je sais que chaque jour
vous pouvez être inspiré par un sujet à Dakar. Tu ne vois
rien de formel ici. Mais ce n'est pas une raison, il faut un Etat fort qui
réorganise, qui sanctionne. On ne gère pas un pays par des
sentiments.
Les pharmaciens n'approuvent nullement la posture de l'Etat
sur le commerce illégal de médicaments car, les pouvoirs publics
n'affichent aucune volonté tendant à éradiquer cette
pratique soutiennent-ils.
La position de l'Etat par rapport à la pratique est de
nature à formaliser l'informel et décriminaliser la vente
illicite des médicaments si l'on sait que les vendeurs ne redoutent pas
beaucoup la répression car certaines forces de l'ordre supposées
réprimer ce trafic s'en mélent souvent.
88 Dakar DEM-DIKK est une société de
transport.
Les autorités publiques mélent ainsi condamnation
et tolérance à tel enseigne que les vendeurs de ÇKeur
Serigne biÈ se trouvent autorisés à persister dans la
pratique.
2.4. Les causes de la persistance de «Keur Serigne
bi»
Appréhender les causes de la persistance de
ÇKeur Serigne biÈ revient à saisir les différents
enjeux qui tournent autour du commerce illicite du médicament et la
logique des différents acteurs.
Les implications politico-religieuses
Pour certains, l'explication de la persistance de Ç
Keur Serigne biÈ réside dans son appartenance religieuse qui lui
confère protect ion et assurance. Il y a des gens, au sommet de l'Etat
qui sont impliqués dans le trafic et qui l'entretiennent, c'est pourquoi
Ç Keur Serigne biÈ demeure intouchable. Ils se demandent pourquoi
une structure comme Ç Keur Sergine biÈ vend illégalement
des médicaments au vu et su de tout le monde, à
l'intérieur méme de Dakar, dans la capitale alors que la loi ne
lui donne pas le droit. Ils pensent qu'il y a des complices qui sont dans
l'Etat ou bien, c'est à cause de son appartenance religieuse qu'on n'ose
pas l'attaquer.
Pour le Directeur de cabinet du Ministre de la Santé et
de la Prévention Médicale (MSPM), la personne qui vend des
médicaments au niveau de ' Keur Serigne bi È neprend aucune
mesure de sécurité. Beaucoup de gens croient à tort ou
à raison que 'Keur Serigne bi È appartient au marabout de Touba.
Malheureusement, c'est à tort. Le marabout n'à rien avoir avec '
Keur Serigne bi È. Pour lui, les vendeurs de ÇKeur Serigne
biÈ sont obnubilés par l'appât du gain car
l'appât du gain est tentant. Le discours des pharmaciens sur les
causes de la persistance du marché parallèle de ÇKeur
Serigne bi È est ainsi véhiculé:
P. A : Ils ont des soutiens. Les gens n'osent pas dire
qu'ils les soutiennent mais en bas les gens les soutiennent. La
communauté mouride estpuissante. Peut être que lui-même(le
chef de l'Etat), il est mouride mais l'Etat doit prendre ses
responsabilités vis-à-vis de la vente illicite des
médicaments.
P. D : La persistance, elle est là. ' Keur Serigne
bi È, c'est quel Serigne ? Ce n'est un pas un Serigne tidjane mais, ce
n'est pas un Serigne layenne c'est quel Serigne ? Mouride. Il y en a même
quelques uns qui font la pratique. a, j'ai la preuve. Quelqu'un est venu me
proposer
un marché, jÕai refuse ; billahi ! Au nom de
mon boulot, il était mouride, trés bien mouride avec
lÕaccoutrement et tout. Je le connais personnellement. Il mÕa dit
: jÕavais pensé à toi, je lui ai répondu que je
nÕentre pas dans cette affaire.
P. E affirme que la seule explication plausible est celle
religieuse qui lui confère une sorte dÕassurance.
A la lumiere de l'appréciation des pharmaciens, il
semble que le pouvoir religieux et particulierement mouride, est tres
déterminant dans l'explication de la persistance de la vente illicite
des médicaments. La confrérie mouride se révele etre la
principale protectrice
de cette pratique pour beaucoup de pharmaciens. Un racoleur
soutient : nous savons que cette pratique est illégaleÉ Celui
qui travaille ici nÕa pas le droit dÕavoir peur parce que
cÕest le marabout (Serigne Saliou) qui nous protége. Si ce
commerce se pratiquait ailleurs, tu nÕaurais pas
lÕopportunité dÕen faire un sujet de
mémoire.
Un pharmacien affirme : à Touba, il y a 4 ans ou
5ans, les pharmaciens de Thiés, de Diourbel et de Touba sont
allés auprés de Serigne Saliou. Ils lÕont expliqué
tout le probléme du début à la fin. Il dit(le marabout) si
cÕestça, attendez, je vais donner un ndigueul 89 pour que les
gens ferment tout ce qui nÕest pas pharmacie à Touba, dans la
matinee. Ë 15 heures, ils (vendeurs de medicaments illicites) ont forme
une delegation, ils ont demandé une audience. Ils disent au marabout :
si vous nous sommez de fermer, on nÕaura pas de quoi donner nos femmes
et nos enfants. Et, comme le marabout est trés sensible aux enfants, il
dit : si cÕest ca, ce nÕest pas bon, donc rouvrez !
Nous conviendrons ainsi avec THEVENOT et BOLTANSKI que le
pouvoir religieux dispose d'une certaine légitimité qui lui
permette de «légaliser»ou de ou de «condamner»bien
qu' : interdire et autoriser relevent des prérogatives de
l'Etat. Cette posture de l'autorité religieuse repose sur ce que
THEVENOT et BOLTANSKI appellent : la justification de lÕopinion
basée sur la reconnaissance des autres. Cette justification
entraine alors, une convention. La convention selon THEVENOT et BOLTANSKI c'est
: un systéme dÕattentes réciproques et de
compétences, conçu comme allant de soi et pour allez de
soi90.
Par ailleurs, l'attitude des pouvoirs publics qui restent
« regardant È face au commerce
89 Un ordre provenant du khalife en général des
mourides dont l'application constitue un impératif pour tout fidele
(mouride).
90THEVENOT et BOLTANSKI, op.cit. p.213.
illicite du médicament est aussi sous-tendue par des
enjeux inavoués justifiant aussi la posture de l'Etat. Certains
pharmaciens sont convaincus que l'Etat ne veut pas éradiquer ce
phénomène car s'il le voulait, il le ferait sans
problème soutiennent-ils. Ils pensent que c'est l'appartenance
confrérique de Ç Keur Serigne biÈ qui explique sa
persistance dans le commerce illégal de médicaments.
Un pharmacien nous confie que Chaque année on a des
activités là-dessus. On a fait des propositions à l'Etat,
en 2002 ou en 2003, le président de la République nous avait dit
qu'il allait régler ce problème parce c'est un problème
crucial et croissant mais jusqu'à présent rien n'est fait. Mais,
le problème, il est facile à résoudre, il ne dépend
que d'une volontépolitique. Si aujourd'hui l'Etat se lève pour
régler ce problème, il le règle.
Par ailleurs, les vendeurs n'hésitent pas à
tirer sur la fibre religieuse pour infléchir des positions ou
décisions politiques. Il faut noter le fait que les vendeurs de
ÇKeur Serigne biÈ soient d'obédience mouride pourrait
être une des principales causes de la persistance du marché
parallèle. Les rapports entre le pouvoir politique et le pouvoir
religieux au Sénégal reposent sur les échanges de services
car la place de l'Islam dans la société Sénégalaise
définit, ses caractéristiques propres, voire sa
spécificité dégagée, son importance en tant que
politique, mieux en tant que système global de référence
reconnue, et le champ politique, qui
91
nous l'avons dit, a tendance recouper le champ religieux une
fois balisé . En effet, le politique et le religieux ont toujours
entretenu des rapports bien avant que le Sénégal n'accède
à la souveraineté internationale. L'Administration coloniale
francaise qui, fort de la légitimité sociale du pouvoir religieux
qui bénéficient de la jouvence et de l'assurance d'une bonne
partie de la population, ne manquait pas de le solliciter à chaque que
le besoin se faisait sentir. Cette alliance constamment renouvelée
depuis, entre l'élite d'abord sous
92
tutelle coloniale et ensuite au pouvoir et les che fs de
confréries ne s'est jamais rompue . Dés lors, face à ces
légitimités et zones d'incertitudes (synonyme de pouvoir selon
CROZIER) dont dispose chaque autorité (politique et religieuse), la
recherche de compromis ou de convention pour parler comme THEVENOT et
BOLTANSKI se pose et
91 MAGASSOUBA M., op.cit, p. 80.
92 MAGASSOUBA M., op.cit., p.55.
s'impose. Même s'ils ne sont pas toujours engagés
dans la scene politique, les chefs religieux ou confrériques ne manquent
pas de se prononcer souvent sur les questions affairant au jeu politique.
L'enjeu du pouvoir religieux est aussi de taille pour les politiques
sénégalais qui les courtisent souvent pour
bénéficier de leur soutien moral et spirituel mais surtout
électoral. Selon Momar Comba DIOP et Mamadou DIOUF, le soutien
maraboutique au gouvernement ne peut être efficace qu'à la
condition que la direction de la confrérie contrTMle bien ses membres,
ce qui seul est payant dans la mesure oil cela permet de mobiliser les fideles
dans le sens voulu par l'Etat. En le faisant, elle utilise son pouvoir au
93
mieux pour négocier sa pa rticipation à
l'organisation des élections . Nous conviendrons avec CROZIER et
FREIBERG que le développement de relations de pouvoirs paralleles
est la conséquence de l'impossibilité de délimiter
totalement toute zone d'incertitude et qu'autour de celles qui
subsistent, des relations de pouvoirs vont se développer et avec elles,
des phénomenes de dépendance et de conflits94.
L'histoire politique sénégalaise nous montre quoique les rapports
du politique et du religieux aient été parfois conflictuels, leur
cohabitation dialogique semble occulter certains moments de frictions. De cette
convention, chacun trouve son compte. C'est donc un échange de services
qui fait de chaque acteur un « prestataire- bénéficiaire
». Les marabouts apparaissent alors comme des « courtiers
indispensables »95. Cette posture de coutiers est
confirmée par Serigne Modou Bousso DIENG Président du collectif
des jeunes marabouts, lorsque Karim Wade rendait visite Serigne Saliou à
Touba. Il déclare en ces termes : Karim Wade n'est pas un
mourideÉ.c'est Abdoulaye Wade lui-même qui avait dit à
Tivaouane qu'il est mouride, mais son fils est tidjaneÉcomprenez bien
que la venue de Karim à Touba est électoraliste et rien
d'autre96. Ainsi, certains hommes politiques, à
certaines occasions (« Magal » ou « Gamou ») pour gagner
plus de sympathie, attestent leur « talibité» voire leur
« tidjanité » ou «
mouridité97 »
93 M. C. DIOP et M. DIOUF, 1990, Le
Sénégal sous Abdou Diouf, Paris, Karthala, p.322.
94 CROZIER et FRIEDBERG, op.cit. p.202.
95COULON CH., op.cit., p. 191.
96WALF GRAND -PLACE, le 03 Aofrt 2007.
97 Par« tidjanité » et
« mouridité » nous voulons dire :
fidélité manifestée par rapport aux confréries
tidjane et mouride.
aux chefs confrériques. Le président Wade qui
à tenu-dessein, dès son accession au pouvoir, à afficher
sa couleur confrérique en est pour quelque chose. Cette attitude vise
l'électorat mourideÉ. Ce recours constant aux religieux a fait
des émules chez les autres: Batilly, Tanor et landing, entre se
découvrent subitement des amitiés maraboutiques 98
autres, . Ainsi,
la persistance de ÇKeur Serigne biÈ dans le
commerce illégal du médicament est également sous- tendue
par le des rapports de clientélisme entre le pouvoir politique et le
pouvoir religieux. Dès lors le rapport entre le politique et le
religieux dans la société sénégalaise n'est pas
sans influence sur la posture de l'Etat par rapport aux mesures de lutte contre
la vente illicite des médicaments. Nous conviendrons avec Didier FASSIN
que le politique est dans tout et qu'il faut saisir le politique dans les
événements les plus insignifiants ou les faits les plus
quotidiens99.
· Les enjeux socioéconomiques
A coté de l'explication la plus répandue qui
consiste à analyser la persistance de ÇKeur Serigne biÈ
à partir des logiques qui animent les rapports entre le pouvoir
politique et le pouvoir religieux, d'autres facteurs participent
également à la compréhension.
L'adaptabilité financière des médicaments
qui y sont vendus entra»ne la ruée de nombre de populations. Par
ailleurs, le fait que certaines catégories socioprofessionnelles telles
que les infirmiers, les délégués médicaux, des
pharmaciens mais surtout des forces de maintien de l'ordre public (policiers et
gendarmes) soient impliquées dans le commerce illicite des
médicaments concourt considérablement à la persistance
deÇ Keur Serigne bi È. La multiplicité des acteurs qui y
trouvent leur compte et qui participent à son fonctionnement lui accorde
une reconnaissance implicite aussi bien de la part des vendeurs que de
certaines populations. JÕai toute sorte de clients: des policie rs,
des avocats, des infirmiers, affirme un vendeur. D'autres pensent que la
persistance de ÇKeur Serigne biÈ serait relative à
l'incapacité de l'Etat à trouver du travail pour les personnes
qui s'y activent car éradiquer ce marché parallèle revient
aussi à trouver des mesures de reconversion des vendeurs de
98 Babacar Gueye dans Nouvelle Horizon, n°410,
20-26 février 2004, p.16.
99 FASSIN. D, Les enjeux politiques de la sante,
op.cit. p.9.
médicaments illicites. A.M, pharmacien soutient: si
on pousse la réflexion, elle est économique également, on
va se dire que cette posture de l'Etat est économiquement explicable. Si
l 'Etat ne parvient pas à trouver du travail à une bonne frange
de la population, il ne sera prêt à l'interdire È.
Ceci est corroboré par la riposte des vendeurs qui occupaient
irrégulièrement certaines places publiques (que les médias
et pouvoirs publics appellent par inadvertance marchands ambulants) à
Dakar après une tentative de leur décampement par
l'Etat. Une partie de la presse n'a pas hésité
à parler de ÇreculadeÈ de la part de l'Etat
quirevient sur sa décision en affirmant que les mesures ne
seront effectives qu'après la fête de Tabaski. Ainsi, cette
attitude de l'Etat occulte des enjeux sous-jacents.
Toutefois, il faut signaler que certaines populations y
viennent non pas parce qu'elles n'ont pas de moyens financiers suffisants mais
parce qu'elles y trouvent des médicaments qui n'existent pas dans le
circuit officiel d'approvisionnement. Ces médicaments supposés
Ç efficacesÈ sont généralement acquis par les
vendeurs de ÇKeur Serigne biÈ par
l'intermédiaire de voyageurs dans la sous régions
ou d'émigrés des pays d'Europe. Ce médicament tu ne
trouveras jamais dans une pharmacie, ça vient de Guinée- Bissau
et les
clients l'apprécient bien, nous confie un
vendeur . La quantité importante de médicaments retrouvés
dans le circuit parallèle d'approvisionnement pousse les pharmaci ens
à s'intriguer de ses conséquences sur la profession
pharmaceutique.
2.5. Les conséquences de la vente illicite du
médicament sur la profession pharmaceutique: une image remise en cause
et un manque à gagner pour les pharmaciens
Les conséquences de la vente illicite des
médicaments font souvent l'objet de beaucoup de discutions et de mesures
de lutte. Pour les pharmaciens, le commerce illicite du médicament a bel
bien des conséquences sur la profession. Pour eux, les
conséquences sont de plusieurs ordres.
· Les conséquences
économiques
Les conséquences sont d'abord économiques parce que
le marché parallèle du médicament constitue un manque
à gagner pour les pharmaciens. Ils affirment que ce marché
est estimé à des millions de francs CFA. Les
pharmaciens déclarent que le commerce illicite des médicaments a
des conséquences négatives sur la profession pharmaceutique
telles que : une diminution des bénéfices, le probleme
d'insertion des nouveaux diplTMmés en pharmacie. Pour l'ancienne
présidente100 du syndicat des pharmaciens privés du
Sénégal, « les pharmaciens qui sont déjà
installés arrivent difficilement à joindre les deux bouts »
parce que beaucoup de personnes se rabattent sur le marché illicite du
médicament. Elle ajoute bien qu'ils soient des agents de santé
publique, leur corporation constitue aussi une
entreprise et l'entreprise doit être rentable. Un autre
affirme que Les consequences sont de deux ordres. CÕest
dÕabord economique. CÕest un manque à gagner dans le
developpement dÕune profession. Le marché parallele du medicament
est evalue à des millions de francs Cfa par mois. Les jeunes etudiants
qui veulent entrer dans la profession ne peuvent pas y entrer
parce que les autres ne peuvent pas avancer. Par
ailleurs, le Directeur de la PNA
soutient que le commerce illicite du médicament constitue
pour eux une barriere par rapport à leur chiffre d'affaire et surtout
pour le pharmacien d'officine101.
· La dévalorisation de la profession et
de l'image du pharmacien
D'autres pensent que c'est aussi la profession et l'image du
pharmacien qui sont ternies. Ils soutiennent qu'on peut décrier leur
corporation-ce qui entra»ne à son tour une
perte de valeur de la part du pharmacien. CÕest la
degradation de la profession, ca va beaucoup plus loin, il y a degradation
de lÕimage quÕon avait de la profession. CÕest comme
si on a perdu à aller etudier durant six annees dÕetude et
quÕon se retrouve au meme niveau que
ceux qui etaient au village, affirme un pharmacien.
Parallelement, les pharmaciens affirment sans ambages que les
conséquences au niveau sanitaire sont plus alarmantes. Ils pensent que
la vente illicite des médicaments pose un réel probleme de
santé publique. Pour le Vice président du syndicat des
pharmaciens privés, les vendeurs de médicaments illicites
vendent la mort sans le savoir102. Pour l'ancienne
présidente du syndicat des pharmaciens, beaucoup de cas de mort sont
liés à la
100 Entretien, Mémoire, 2007.
101 Entretien, Mémoire de Ma»trise,
2007
102 Enquête Mémoire, 2007.
consommation des médicaments issus du marché
parallele mais au Sénégal on ne fait dÕautopsie que
lorsq uÕil y a mort dÕhomme. Pour elle, l'Etat doit prendre
des mesures idoines pour mettre un terme à ce qu'elle appelle
Çle genocide Ècausé par ces médicaments.
Ainsi, même si l'on sait peu de la qualité des médicaments
vendus à « Keur Serigne bi », les vendeurs eux-mêmes
affirment qu'ils marchandent aussi des médicaments contrefaits. Qui plus
est, les conditions dans lesquelles ces médicaments sont vendus ne sont
pas celles préconisées si l'on sait que le siege du
médicament doit au moins avoir une température ambiante
inférieure ou égale à 25°c. Ainsi, nous admettons
avec Stéphanie Vincent que le médicament se révele
être un objet polarisé fortement symbolique aux contours flous, ce
qui implique des mesures de lutte contre la vente illégale de
médicaments.
2.6. Les mesures de lutte contre la vente illicite des
medicaments
Les pouvoirs publics autant que les pharmaciens ont
proposé des mesures de lutte contre la vente illégale de
médicaments.
Pour le Directeur de cabinet du MSPM, « Keur Serigne
bi È n'est pas une structure reconnue par l'Etat. Il affirme
que ce qui est stir dans les jours à venir, Ç Keur Serigne bi
È va fermer, on va mettre en place une brigade mobile.
Nonobstant cela, certains pharmaciens pensent qu'il faut sanctionner
séverement les personnes impliquées dans le trafic illicite de
médicaments et informer davantage les populations des risques qu'elles
peuvent encourir en consommant ces médicaments. Selon le
président du syndicat pharmaciens, il faut aussi réactualiser les
textes et les fortifier car ils datent de 1954. Pour d'autres, il faut observer
une greve en faisant « une journée sans médicament
È en fermant les officines voire ne pas s'acquitter du payement des
impTMts.
M. N declare apres la drogue, et les armes, cÕest
le trafic de medicaments qui est sfirement lÕun des plus rentables pour
bon nombre de malfaiteurs. Mais, il faudra que lÕon arrive à des
sanctions severes et proceder à des journees de destruction des
medicaments illicites saisies et barrer la route aux fossoyeurs de la
profession. Pour manifester cette volonte, je propose à
lÕAssemblee dÕaller vers une prochaine baisse des rideaux de
toutes les officines de pharmacies à travers les 35 departements du
pays. CÕest un signal manifeste pour indiquer à tous que
le
103
médicament n 'est pas une vulgaire marchandise .
Certains pensent qu'Il faut des mesures
de lutte draconiennes : rester une année sans payer
d'impôt. Un autre déclare: maintenant, c'est fini, le temps de
dialoguer. On va passer à une autre étape, ça peut
être n'importe quoi. A mon avis personnel, c'est de fermer les pharmacies
pendant quelques minutes, quelques heures. On va utiliser d'autresformes de
lutte.
Certains pharmaciens pensent qu'il faut sensibiliser davantage
les populations des risques qu'elles encourent en consommant ces
médicaments car l'approvisionnement serait
au niveau du marché parallèle serait lié
à un manque d'information car, il faut une bonne information,
informer les gens du danger des médicaments de la rue, des vendeurs, des
non professionnels mais on ne peut pas faire office de police
affirme-ils.
Il faut noter cependant que la lutte contre la vente illicite
des médicaments ne peut être effective que s'il existe des
brigades de contrôle incorruptibles. En outre, la porosité et le
déficit de contrôle de la frontière
sénégalaise sont parmi les facteurs principaux qui militent en
faveur du développement des réseaux d'approvisionnement officieux
du médicament. Les vendeurs et ra coleurs nous affirment que la part qui
provient de l'extérieur et particulièrement des pays limitrophes
du Sénégal est plus importante que celle provenant de
l'intérieur du pays. Lorsque nous négocions avec un vendeur sur
une liste de
médicaments et d'autres spécialités
(matériels d'hôpitaux) nous demande: laquelle des
amoxicillines 500mg (antibiotique) préférez vous ? Ily a
deux sortes d'amoxicillines: celle des pharmacies et celle provenant de
Guinée Bissau. Voici les deux tablettes; elles ne sont pas identiques.
Celle provenant des pharmacies est la vraie tandis que celle de
Guinée-Bissau est la
contrefaite(le garage de Dakar-Bissau se situe
à quelque 800mètres derrière ÇKeur Serigne bi
È). Pour les pharmaciens, il faut lutter efficacement contre cette
pratique afin qu'elle disparaisse une bonne fois pour toute en la
criminalisant et en prévoyant des sanctions qui
seraient de nature à l'éradiquer. Pour ce
pharmacien, le problème du marché parallèle est
un phénomène qui prend de l'ampleur dans la région
surtout à Touba. Il nécessite une synergie
103 Le Soleil, 28 juillet 2007.
d'actions en direction des professionnels du
médicament, des autorités juridiques et des forces de
sécurit. Selon le président du Syndicat des pharmaciens
privés, le marché illicite des médicaments se
développe de maniere exponentielle. Il déclare que : la
situation est telle quÕil faut criminaliser le délit. Nous
demeurons convaincu que seules des mesures de sanctions coercitives permettre
de résoudre les problèmes à ce fléau 104
pourraient liés . Selon le Directeur de la
PNA, les pharmaciens posent aujourdÕhui le probleme avec
acuité. Il faut
105
quÕon revienne sur les textes car il y a des sommes
dérisoires à payer .
Cependant, quoique le Code la santé publique stipule en
son article L 517 que « quiconque se sera livré sciemment à
des opérations réservées aux pharmaciens sans
réunir les conditions exigées pour l'exercice de la pharmacie
sera puni d'une amende de 240.000 à 1.200.000 francs et en cas de
récidive, d'une amende de 420.000 à 2.400.000 et d'un
emprisonnement de six jours à six mois ou d'une amende d'une de ses
peines seulement »106. Les vendeurs de médicaments
semblent etre dans l'impunité et seraient alors au « dessus de la
loi ». La posture des pouvoirs publics, par rapport aux vendeurs, que nous
qualifions de « tolérance douce » peut etre expliquée
par le fait que l'Etat se trouve confronté à un probleme
d'insertion professionnelle de beaucoup de personnes qui s'activent dans la
vente illégale de médicaments mais surtout par son
incapacité d'assurer l'acces aux médicaments à toutes les
populations : lÕEtat est donc à lÕépreuve de la
santé107 .
Dés lors, la lutte contre la vente illicite des
médicaments implique impérativement une politique adaptée
et efficace qui puisse répondre aux préoccupations et besoins
réels des populations en matiere de soins médicamenteux. Cette
politique passera nécessairement par la création de caisses de
sécurité sociale et le développement des mutuelles et
assurances maladies. Les politiques de protection sociale peuvent etre
envisagées comme une alternative qui puisse permettre aux
catégori es sociales défavorisées d'accéder aux
104 Le soleil, l'Assemblée
générale extraordinaire des pharmaciens, 22mai 2007.
105 Entretien Mémoire de Ma»trise,
2007.
106 Source, Direction de la pharmacie et des
médicaments.
107 FASSIN. D, Les enjeux politiques de la
sante, Op., Cit. p. 7.
médicaments essentiels. Il faut aussi souligner qu'il y a
un
manque réel de volonté politique de la part des
pouvoirs publics. Le D C du ministère de la santé au cours de
notre entretien bien qu'il affirme qu'ils vont prendre des mesures de lutte
contre Ç Keur Serigne bi È, il argue que c'est la sensibilisation
des populations qui est la meilleure forme de lutte. Toutefois, l'Etat, avec
ses prérogatives a la possibilité de Çguérir le mal
à la racineÈ en fermant toutes les structures
irrégulières dont l'existence n'échappe pas sa
connaissance. Il semble manifester sa ÇdébilitéÈ
face au développement du commerce illicite du médicament.
CONCLUSION
En définitive, notre étude révèle que
plusieurs facteurs participent dans l'explication du phénomène de
la vente illicite des médicaments. Les causes de la vente illicite
des
médicaments ne peuvent être percues qu'en faisant
une approche holistique tant au niveau économique et social qu'au niveau
politique.
La vente illégale de médicament n'est pas
simplement l'apanage des catégories socialement
défavorisées. Elle est le lit oü se rencontrent plusieurs
catégories sociales et socio professionnelles. Cet état de fait,
explique la multiplicité des acteurs et fait de la clientèle de
Ç Keur Serigne biÈ d'une clientèle variée.
Nos résultats révèlent l'importance des
facteurs socio-économiques dans l'explication de ce
phénomène qui entretient le développement d'une
Çéconomie parallèle È. Pratique illicite, elle est
la résultante de plusieurs facteurs.
L'adaptabilité sociale des médicaments
: la vente illicite des médicaments est d'abord une
réponse sociale pour certaines populations défavorisées en
matière de soins médicamenteux mais aussi pour d'autres agents de
santé qui désirent ouvrir des cliniques ou une quelconque
structure sanitaire privée.
La vente illicite de médicaments atteste que les
pouvoirs publics peinent à assurer les besoins des populations en
matière de soins médicamenteux. Elle résulte
également d'une certaine défaillance des structures officielles
qui se traduit par des ruptures de stocks et un manque de certaines
spécialités. Ainsi face à cet état de fait, il
n'est pas étonnant que le système sécrète des
solutions de remplacement soutient D. FASSIN.
La dimension politico-religieuse: la
spécificité d'un espace comme Ç Keur Serigne bi È
montre la complexité des relations du politique et du religieux, du
pouvoir temporel et du pouvoir spirituel au Sénégal. Même
si ce n'est pas le pouvoir religieux, mouride qui régente cette
pratique, il est sans nul doute le protecteur des vendeurs. L'existence de
pouvoirs parallèles, légitimes (légitimité sociale
pour les marabouts et politique pour les pouvoirs publics), conduit l'Etat
à observer une toléranceÇdouceÈ quoiqu'on note des
déclarations d'intention et des condamnations. Elle dénote non
seulement que son démantèlement pourrait entra»ner des
frictions entre le pouvoir politique et le pouvoir
maraboutique(confrérique) mais aussi une perte de sympathie et de
soutien électoral du pouvoir en place de la part des mourides dont
l'effectif est considérable. L'Etat mêle ainsi
condamnation et tolérance à telle enseigne que la
frontière entre le légal et l'illégal, entre l'officiel et
l'officieux devienne immatérielle.
Le contexte socioéconomique: beaucoup
de catégories sociales trouvent un intérêt dans le trafic
illicite des médicaments car c'est aussi une stratégie
d'adaptation ou une solution de remplacement ou de rechange pour certaines
personnes qui aspirent s'insérer économiquement dans le secteur
informel face aux difficultés de trouver du travail.
Par ailleurs, L'approvisionnent des certaines
catégories socioprofessionnelles et particulièrement celles qui
sont supposées être les garants de l'ordre social, (policiers,
gendarmes) <<légalisent>> doucement ou implicitement cette
pratique vieille de plus d'un quart de siècle.
En sus, même si l'on ne peut affirmer que tous les
médicaments sont contrefaits ou ne contiennent pas leurs principes
actifs, il est évident que les conditions de conservation de ces
médicaments ne sont pas celles idoines si l'on sait que les
médicaments sont enfermés dans des caisses en bois tandis que
d'autres sont enfermés dans des <<magasins>> non -
ventilés alors que le lieu qui abrite le médicament ne doit pas
dépasser 25°c. L'incertitude et le mystère entourent donc le
médicament et notamment sa qualité. Mis à part cet
état de fait, le médicament se trouve manipuler entre des
<<mains inexpertes >>, << profanes>> qui <<
subtilisent >>, les compétences et rTMles des spécialistes
en la matière.
Cette étude révèle également que
<< Keur Serigne bi>> constitue un lieu de <<
recyclage>> de médicaments apportés soit par des personnes
ayant épuisé leur traitement, soit par des infirmiers ou
délégués médicaux. Toutefois, il faut noter que
l'écrasante majorité des médicaments provient des pays
voisins aux rangs desquels viennent: la Guinée Bissau, la Gambie et
certains pays d'Europe via les émigrés dans une certaine mesure.
A l'intérieur du pays, nous pouvons identifier des pharmaciens qui font
des sur commandes pour vendre finalement le surplus aux vendeurs de
<<Keur Serigne bi >>. Mais également, des infirmiers
ravitaillent ce marché parallèle en médicaments provenant
le plus souvent des dons humanitaires.
Toutefois, le trafic de médicaments à <<Keur
Serigne bi>> occulte celui d'autres
spécialités et plus particulièrement
celui du matériel d'équipement des structures sanitaires (que
nous n'avions jamais imaginé son existence à ÇKeur Serigne
bi È). Il s'agit: de lits d'hôpitaux, des tables d'accouchement,
tensiomètres, seringues, des pinceauxÉ que l'on ne peut savoir
que si l'on en fait la demande. Selon les vendeurs, ce matériel est
acquis par l'intermédiaire de personnels de santé.
Contrairement à ce que révèlent beaucoup
d'études, les infirmiers n'y viennent pas uniquement en tant que
approvisionneurs, ils y viennent aussi pour se ravitailler soit en
médicaments ou en d'autres spécialités médicinales.
Le marché de ÇKeur Serigne biÈ est donc une structure
d'approvisionnement, de distribution et de recyclage des produits
pharmaceutiques mais également il est un réseau parallèle
de spécialités médicinales.
En définitive, cette étude peut servir de
prétexte pour appréhender la relation qui pourrait exister entre
le commerce illicite de médicaments et l'automédication, une
autre réalité sénégalaise.
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Articles de presse Las, 14 Avril 2006.
Le Soleil, 23 mai 2007. Le soleil, 22 mai 2007. Le Soleil, 28
juillet 2007.
Table des matières
INTRODUCTION 14
PREMIERE PARTIE: CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE
16
CHAPITRE I: CADRE THEORIQUE 17
1. La revue de la littérature 17
1.2. Problématique 26
1.3. Justification de la pertinence du sujet 29
1.4. Objectifs 30
1.4.1. Objectif général 30
1.4.2. Objectifs spécifiques 30
1.5.1. Explication de certains termes : autour du
médicament. 31
1.5.2 La conceptualisation 33
1.6. Modèle d'analyse 36
1.6.1. L'analyse stratégique 37
1.6.2. La théorie des conventions ou le Conventionnisme
39
1.7. Hypothèses 41
1.7.1. Hypothèse principale 41
1.7.2. Hypothèses secondaires 41
CHAPITRE II: CADRE MÉTHODOLOGIQUE 42
1.2. Outils et Techniques de collecte des données 42
1.2.1. L'observation participante 42
1.2.3. La population enquêtée 43
1.2.4. L'enquête de terrain 44
1.2.5. Les vécus de terrain 44
DEUXIEME PARTIE: LES POLITIQUES SANITAIRES 47
Note introductive 47
CHAPITRE I: LES POLITIQUES DE PROMOTION DES SOINS DE
SANTÉ 48
·L'Initiative de Bamako(IB)
48
CHAPITRE II : Organisation du secteur de la sante et regulation
du systeme pharmaceutique au Senegal 50
1. Organisation du système de sante 50
2. La regulation du système pharmaceutique au Senegal
51
3. Les limites des po litiques de sante 54
TROISIEME PARTIE : LA VENTE ILLICITE DES MEDICAMENTS 59
Note introductive 60
CHAPITRE I : LE MARCHÉ PARALLELE DE «KEUR SERIGNE
BI» 61
Le monde de « Keur Serigne bi ». 61
1.1. Presentation du cadre d'etude 61
1.1.1. Historique du nom « Keur Serigne bi » 62
2.1. Organisation de la vente des medicaments à «
Keur Serigne bi »63
2.1.1. Carte des acteurs 63
2.1.1.1. Les racoleurs ou rabatteurs 63
2.1.1.2. Les vendeurs 64
2.1.1.3. La commission de discipline 65
2.1.2. La clientele de Keur Serigne bi : une clientele
heterogene. 66
2.1.2.1. La clientele fidele ou potentielle 67
2.2.1.2. La clientele circonstancielle ou occasionnelle 68
2.2.1. 3. « Keur Serigne bi » vue par sa
clientèle 69
3.1. Reseaux d'approvisionnement de « Keur Serigne bi
» 71
3.1.1. Schema d'illustration des reseaux d'approvisionnement de
« Keur Serigne bi » 71
Reseaux exterieurs Touba 71
Personnes arrivees aux 71
3.1.2. Carte des pourvoyeurs de « Keur Serigne bi »
71
3.1.2.1. Des pharmaciens vereux ou les « brebis galeuses
» de la profession pharmaceutique
72
3.1.2.2. Les infirmiers 74
3.1.2.3. Les delegues medicaux 74
3.1.2.4. Les recycleurs 74
3.1.2.5. Les cambrioleurs 75
3.1.2.6. Les sources d'approvisionnent extérieurs 75
4. 1. Liste de quelques spécialités et produits
vendus à ÇKeur Serigne bi È en dehors du
médicament 75
CHAPITRE II: LES DIFFERENTES APPRECIATIONS SUR LA VENTE ILLICITE
DU MEDICAMENT 77
2.1. Les causes de la vente illicite des médicaments 77
2.2. Les Pouvoirs publics et la vente illicite du
médicament: 80
De la complaisance à la complicité de l'Etat 80
2.4. Les causes de la persistance de «Keur Serigne bi»
83
2.5. Les conséquences de la vente illicite du
médicament sur la profession pharmaceutique : une image remise en cause
et un manque à gagner pour les pharmaciens 88
2.6. Les mesures de lutte contre la vente illicite des
médicaments 90
CONCLUSION 93
BIBLIOGRAPHIE 97
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