4.5- Usages des organes de D. oliveri dans le domaine
cultuel
4.5.1- Sève de D. oliveri utilisée
comme encens
Les investigations menées sur le terrain ont
montré que la sève de D. oliveri est utilisée
comme encens dans tous les Départements du Bénin. Dans les
Départements du septentrion, l'usage de la sève de D.
oliveri comme encens est reconnu par environ 46 à 56 % des
enquêtés. Par contre, dans les Départements du Sud, une
plus grande proportion de la population locale (60 et 70% au niveau des hommes
et 30 à 40 % au niveau des femmes) utilise la sève de
l'espèce comme encens (Tableau 9). Il ne peut en être autrement
quand on sait que l'encens porte le nom de `' Za likpo» (morve de
za) chez le groupe socioculturel Fon. L'encens étant
utilisé pour sa vertu spirituelle et thérapeutique, son usage se
fait sur les lieux de culte et aux domiciles des fidèles religieux
(Photo 8).
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L'EXPLOITATION DES PRODUITS DE DANIELLIA OLIVERI (ROLFE) HUTCH. &
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Tableau 9: Pourcentage des
enquêtés ayant connaissance de l'usage de la sève de D.
oliveri comme encens selon les groupes socioculturels
Départements
et groupe socioculturels
|
% (H) oui
|
% (F) oui
|
Zou (Fon)
|
66
|
34
|
Collines (Nago)
|
70
|
29
|
Plateau (Goun)
|
60
|
40
|
Borgou (Bariba)
|
42
|
9
|
Alibori (Peulh)
|
56
|
0
|
Donga (Yoa)
|
48
|
0
|
Atacora (Berba)
|
47
|
15
|
Légende : H= Homme F= Femme
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Photo 8: Sève séchée et
moulue de D. oliveri, utilisée Comme encens dans la Commune de
Djougou au Nord-Ouest du Bénin (Houéhounha, 2009)
Photo 9: Fagots de rejets de D.
oliveri, utilisés comme bois de feu dans la Commune d'Agbangnizoun
au Centre du Bénin (Houéhounha, 2005)
Photo 10: Tronc écorcé de D.
oliveri pour usage en pharmacopée dans la Commune de Zogbodomey au
Centre du Bénin (Houéhounha, 2005)
Photo 12: Fauteuils sculptés en bois
de D. oliveri dans la Commune de Zagnanado au Centre du Bénin
(Houéhounha, 2005)
Photo 11: Emballage de la pâte
lyo avec les feuilles de D. oliveri dans la Commune de
Bohicon au Centre du Bénin (Houéhounha, 2005)
Photo 13: Feuilles de D. oliveri,
utilisées comme fourrage dans la Commune de Parakou au Nord-Est du
Bénin (Houéhounha, 2005)
Conclusion partielle
Au Bénin, bien que les textes forestiers punissent la
mutilation d'essences protégées (loi 93-009 du 2 juillet 1993),
les comportements culturels accordent peu de valeur aux rejets de
végétations naturelles que le groupe socioculturel Fon,
traite de gbé, diminutif de gbé-han. Ce qui
signifie concrètement que l'espèce est envahissante et peut
être responsable d'insalubrité. Classés dans cette
catégorie, les rejets de D. oliveri au niveau de ce même
groupe socioculturel, font l'objet de plusieurs proverbes montrant `' la
gestion de bien sans maître» qui en est faite.
Ainsi, on entend dire :
`' Ta gni za ta bonou éhoo énonvozon aa»
; littéralement traduite,
l'expression signifie que la tête de l'homme n'est pas
comparable à la souche de D. oliveri qui rejette après
le fauchage. Une allusion faite à la protection de la vie humaine qui
une fois perdue, ne peut régénérer comme des souches de
D. oliveri.
Par ailleurs, parlant du droit de propriété, le
même groupe socioculturel fait parfois allusion aux feuilles de D.
oliveri en ces termes :
`'Nou tché gni zaman bo énon da ma bio
mèdé aa». En clair, l'expression signifie que les
feuilles de D. oliveri, sont considérées comme `'un
bien sans maître» et l'on peut en user sans être
inquiété par un propriétaire. Ici, c'est le
caractère inépuisable des rejets de l'espèce qui est
prôné.
Globalement, on peut retenir que c'est la fonction de D.
oliveri qui fait d'elle une espèce de grande portée
utilitaire au Bénin. Dans une approche physiologique, il est
généralement admis que c'est la fonction qui fait l'organe, mais
dans le cas précis, on peut constater que c'est plutôt la fonction
qui légitime l'espèce. L'espèce est d'une grande
utilité pour les différents groupes socioculturels du
Bénin et c'est cela qui fait
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toute sa particularité. Seulement que sous l'influence
de l'activité humaine et notamment de la dynamique des populations,
l'espèce est aujourd'hui menacée.
Cette situation est inquiétante d'autant plus que la
plupart des enquêtés en dehors des Peulhs ne sont pas
conscients du caractère épuisable de l'espèce. Sur le plan
diachronique, on peut signaler que les rapports entre D. oliveri et
l'Homme sont très anciens et que les pressions d'exploitation que
l'espèce subit sont révélatrices d'un
phénomène socio anthropologique et ethnobotanique majeur
(l'emballage de lyo avec les feuilles de l'espèce,
l'utilisation de l'encens, sont rapportés par des enquêtés
comme des pratiques ayant cours dans l'ancien royaume du
Danhomè).
A travers l'encens, par exemple, l'espèce
révèle la présence du sacré et du religieux.
L'usage multidimensionnel, voire global de l'espèce mérite
qu'elle soit protégée au regard des perceptions que les
enquêtés en font. L'espèce ayant une grande faculté
à rejeter naturellement, il est important dans une perspective de
développement durable, de prendre les mesures efficaces en vue de la
protéger. La conduite des rejets et la mise en oeuvre de plans simples
de gestion des peuplements sont visées.
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