4.2. Discussion.
Le secteur d'étude a subi, de 1964 a 2007 une
profonde dynamique dans l'occupation des sols. Celle-ci serait liée a la
dégradation des conditions climatiques, combinée aux actions
anthropiques (ainsi qu'à la charge pastorale exercée sur le
milieu naturel) qu'a connu le secteur d'etude.
4.2.1. Dynamique des aires pastorales.
Dans le cadre de la présente étude, les
aires pastorales regroupent en leur sein toutes les formations
végétales naturelles : steppes herbeuse, arbustive,
arborée, et cordon ripicole.
Les aléas du climat et les actions anthropiques
paraissent etre les principaux facteurs des changements qu'ont connus les aires
pastorales.
4.2.1.1. Influence du climat sur la dynamique des aires
pastorales.
Avec les sécheresses récurrentes des
années 70 et 80, le climat a subi de profondes mutations, notamment la
baisse de la pluviométrie et sa mauvaise répartition
spatio-temporelle. En effet, le cumul pluviométrique moyen du
Département de Gouré a évolué en « dents de
scie » au cours des différentes périodes. L'analyse de la
série pluviométrique de 1936 a 2003 met en évidence trois
périodes bien distinctes: une période humide de 1936 a 1967, une
période seche de 1968 a 1987 et une période relativement humide
de 1988 a 2003 (Ozer et al, 2004).
De nombreux travaux ont montré que la
pluviométrie, au Sahel, présente des périodes humides et
seches. Selon Ozer et al, (2003), les sécheresses des années 70
et 80 mettent en évidence une diminution
généralisée des précipitations et un
déplacement des isohyetes vers le Sud, avec pour conséquences le
passage du Sahel a culture sous pluies au Sahel dit pastoral, dans plusieurs
Départements de l'Est du Niger, dont celui de Gouré. Cette baisse
de la pluviométrie a occasionné une réduction du couvert
végétal, (dont l'eau constitue l'un des facteurs limitants au
Sahel), et donc de la production fourragere.
Dans le Département de Gouré, les
déficits pluviométriques enregistrés ces dernieres
décennies ont contribué a la dynamique des aires pastorales, du
fait de la régression du couvert herbacé et ligneux, notamment la
diminution du taux de cette couverture végétale et sa
durée de vie.
Selon Zabeirou et al, (2007), l'importance de la
végétation et sa distribution sont liées a la
disponibilité de l'eau. Les fluctuations climatiques ont eu pour
conséquences : la régression considérable de certaines
especes caractéristiques des stations, une modification qualitative des
associations végétales, la diminution des stocks de graines dans
les sols entrainant la raréfaction continue de certaines especes
herbeuses. On assiste a la régression de la productivité totale
des especes ligneuses et herbeuse voire a la disparition d'especes
végétales souvent sans possibilité de
régénération. Pour Jahiel (1998), c'est la crise des
sécheresses qui aurait modifié le facies environnemental dans le
Sud-Est du Niger, avec comme conséquences une réduction
ou
modification floristique des surfaces pastorales
utiles, la disparition ou la raréfaction d'especes
végétales. De même, selon Bodart (2004) et Hountondji et
al, (2004), dans le Département de Gouré, apres une forte
dégradation environnementale contemporaine a la « Grande
sécheresse » (a la fin des années 60), l'augmentation
relative des précipitations ne semble pas entrainer une
amélioration environnementale notable. .Malgré les signes
annonciateurs de la fin de la sécheresse pluviométrique qui
sévit depuis une trentaine d'années (Ozer et al, 2003)
l'environnement sahélien ne parait se recouvrer que dans certaines
condition (Eklundh & Olsson, 2003 ; Hountondji et al, 2004). Ces travaux
confirment bien en partie les résultats et les grandes tendances qui se
dégagent de la présente étude, dont les statistiques
révelent, une régression généralisée des
ressources végétales a partir des années 70, a l'exception
de steppe arborée qui se s'est relativement accrue. Cependant, cette
dynamique affecte différemment les formations
végétales.
Ainsi :
-la steppe herbeuse, localisée
généralement sur les sols sableux des espaces dunaires a vu sa
superficie régresser, de 7,03% en 1964 a 2,57% en 1986, a 1,79% en 1994
puis 1,18% en 2007. La disponibilité en eau étant un facteur
limitant pour les herbeuses, le déficit pluviométrique de ces
dernieres décennies aurait considérablement contribué a la
réduction de la superficie de la steppe herbeuse, notamment par la
réduction de son cycle végétatif complet.
Par ailleurs, une partie de cette superficie a
été colonisée par la steppe arbustive (a
Leptadenia pyrotechnica et Calotropis Procera), mais
aussi transformée par endroits en surfaces dénudées et
champs de cultures. Les changements les plus perceptibles se sont produits
surtout entre la période 1964-1986, soit une réduction de
4,46%.
-la steppe arbustive a aussi connu une dynamique de sa
superficie initiale en deux phases.
En 1964 celle-ci représentait 64,72%, du
secteur d'etude. Elle s'est accrue pour atteindre 66,69% en 1986, colonisant
ainsi une bonne partie des espaces occupés par la steppe herbeuse. C'est
a partir de cette période que cette formation végétale
commence a se dégrader pour chuter a 55,16% en 1994, puis 39,22% en
2007, et ce malgré l'amélioration des conditions climatiques
observée ces dernieres années. Le changement le plus marquant de
cette formation s'est produit entre 1986 et 1994, soit une régression de
11,53% et ce au profit des zones de cultures et des surfaces
dénudées, principalement sur les espaces dunaires sableux.
L'analyse de la courbe d'évolution de la pluviométrie montre que
cette période correspond a une transition entre la fin de la
sécheresse des années 80 et le retour a des conditions
pluviométriques meilleures des années 90. En
réalité, la dégradation serait amorcée des le
début de la sécheresse de 1980 et s'est poursuivie jusqu'en
début 1990. Toutefois, le croisement des cartes de 1964 et 1986 montre
une
évolution de la steppe arbustive en steppe
arborée, ce qui laisse dire que le climat n'est pas le seul facteur
influant la modification de cette unité
végétale.
-les cordons ripicoles : ils ont subit une
régression sensible de 1964 a 2007. Celle-ci semblerait liée a la
baisse de la pluviométrie, car la formation des cordons ripicoles est
étroitement liée aux conditions stationnelles crées par la
présence d'un cours d'eau permanent ou temporaire. De ce fait, le
déficit pluviométrique serait un des principaux responsables de
la régression de cette unité.
-la steppe arborée. Cette formation
végétale a connu une extension de plus en plus croissante sur
toute la période, dans le secteur étudié. L'analyse
diachronique des photographies Corona et images satellitaires du
Département de Gouré révéle cette tendance a
l'augmentation de la steppe arborée dans le secteur d'étude. Cela
suppose non seulement une évolution de la steppe arbustive en
arborée, mais aussi dénote la capacité d'adaptation de ces
espéces aux conditions climatiques contraignantes du milieu. En plus,
les conditions édaphiques et phréatophiles particuliéres
(sols argileux, faible profondeur de la nappe phréatique...etc.) ont
contribué a l'accroissement de certaines formations arborées
comme les palmiers, au vu des conditions stationnelles qui leurs sont
favorables. La steppe arborée, localisée
généralement dans les bas-fonds et les dépressions
interdunaires a évolué de 5,12% en 1964 ; a 6,62% en 1986 ; a
6,99% en 1994 ; pour atteindre 7,25% en 2007. Cette évolution serait
aussi liée aux interventions des projets, ONG ou de l'Etat, mais aussi a
la régénération naturelle, avec l'amélioration de
la pluviométrie. Un autre acteur ayant contribué a la
révégétalisation localisée
(régénération naturelle) fut le role joué par les
animaux (la zoochorie), car les zones de prédilection de cette
régénération, sont généralement les lieux de
pacage des troupeaux. L'analyse des images satellitaires et les statistiques
issues de leur traitement font ressortir que l'évolution la plus
sensible de la steppe arborée a commencé dans les années
90 et cette tendance s'en est maintenue jusqu'en 2007.
Dans le secteur d'étude, l'hypothése
selon laquelle les variations climatiques ont contribué a la
dégradation des ressources végétales et au dela a la
désertification en général a été pendant
longtemps avancée. Mais l'analyse des données de séries
chronologiques satellitaires collectées tendent a indiquer un
reverdissement localisé du milieu, notamment l'évolution
croissante de la steppe arborée. Plusieurs travaux menés au Sahel
en général et au Niger en particulier ont confirmé les
résultats de la présente étude. Au-dela de toute
considération, il apparait sur la base de cette étude que la
végétation est entrain de s'améliorer (Mahamane S.,
Mahamane L., 2006). Selon Olsson et al, (2005) ; Hermann et al, (2005), des
zones importantes de reverdissement sont observées au Niger, notamment
dans les régions de Tahoua, Maradi et Zinder. Récemment, des
études menées par la DSCF, dans les Départements de
Gouré et MainéSoroa par Zabeirou et al, (2006) montrent une
évolution croissante de la steppe arborée. De
même, selon Reij et al, (2006), dans une
étude menée dans la région de Zinder, sur la
régénération naturelle assistée,
révélent un reverdissement significatif du milieu naturel,
notamment une évolution importante des ligneux. Tous ces
résultats concordent avec ceux de la présente étude.
Toutefois, si les sécheresses des années 70 et 80 paraissent
être l'une des causes de la dégradation des ressources
végétales, et par conséquent de la dynamique des aires
pastorales, l'amélioration des conditions climatiques enregistrée
depuis le début des années 90 n'est pas suivi,
proportionnellement par celle des ressources végétales. D'ou
l'hypothése selon laquelle, les activités anthropiques semblent
aussi influencer la dynamique des aires pastorales.
4.2.1.2. Influence des activités anthropiques sur
la dynamique des aires pastorales. L'influence de l'homme sur la
dynamique des aires pastorale s'exprime par son emprise sur les ressources
végétales (déboisement, friche, .etc.) d'une part, et les
pratiques pastorales de l'autre. La croissance démographique et
l'évolution de l'effectif du cheptel constituent une menace sur le
milieu naturel. En effet, la population du Département de Gouré,
estimée a 114098 habitants en 1977 est passée a 162275 habitants
en 1988, puis a 219802 en 2001.
Cette croissance a inéluctablement conduit a la
conquête de nouvelles terres de cultures, au détriment des aires
pastorales, a une surexploitation des ressources végétale : coupe
abusive de bois, défrichage, feux de brousse,...etc. Ce qui pourrait
sans doute influencer l'évolution des unités pastorales. Mais au
vu de l'immensité du Département de Gouré et la faible
densité humaine qui le caractérise, l'on est amené a se
demander si l'homme peut influencer sur la dynamique de l'environnement en
général et celle des aires pastorales en particulier. La
réponse a cette question, se trouve dans le fait que l'on est en face
d'un environnement trés fragile, et qui ne peut pas supporter les
interventions négatives de l'homme. Le pâturage, a l'instar
d'autres utilisations faites au milieu, peut causer une modification de la
composition floristique disponible sur les terrains de parcours, même si
les données relatives a une dégradation des terrains de parcours
sont difficilement quantifiables. La mobilité des pasteurs est en effet
une réponse a la répartition inéquitable et incertaine des
ressources naturelles végétales. Le mouvement constant permet
ainsi aux éleveurs de subvenir a leurs besoins pastoraux. Mais
l'exploitation exagérée de certaines formations
végétales conduit a leur raréfaction, voire leur
disparition a long terme.
Dans le cadre de la présente étude, les
statistiques de la dynamique des ressources naturelles végétales
composant les aires de pâturage montrent une transformation en partie de
ces unités en d'autres, notamment en zones de cultures. Ce qui
dénote l'influence de l'homme sur les entités pastorales. Des
travaux menés par Zabeirou et al, en 2006 dans le Département de
Gouré confirment cette anthropisation des aires pastorales, notamment
par la mise en culture de ces unités. Selon ces auteurs les terres de
cultures ont presque triplé entre 1986 et 2005,
avec un développement de la mise en culture des
terres de bas-fond. Selon Bodart, (2004) ; Hountondji et al,(2004), en
l'absence de déficit pluviométrique important,la pression
anthropique croissante parait etre actuellement le véritable moteur de
la dégradation des ressources naturelles dans le Département de
Gouré.
|