INTRODUCTION
L'élan politique mondial manifeste ces dernières
décennies autour de la lutte contre la pauvreté montre
l'acuité avec laquelle se pose la problématique du
développement pour le monde entier. Des sommets mondiaux sur le
développement se succèdent depuis des décennies sans que
la situation de certaines catégories sociales de certaines parties du
globe ne connaisse une quelconque amélioration. L'Afrique semble
à ce niveau se démarquer du reste du monde. S'inscrivant dans
cette dimension de développement, les pays qui le peuplent sont
caractérisés par tous les noms selon l'orientation
politico-idéologique des auteurs : pays du Tiers monde, pays sous
développés, pays en voie de développement (ou
émergents)..., et tout dernièrement pays pauvres très
endettés pour certains d'entre eux. Pourtant, l'Afrique s'est toujours
débattue pour se tirer de ce mauvais pas ; elle a toujours
composé avec le reste du monde dans l'optique de trouver les voies
susceptibles de la délivrer des mailles du filet du
sous-développement. Le continent reste un véritable laboratoire
où se sont expérimentées d'innombrables options de
développement. Des programmes et projets de développement pendant
les premières heures des indépendances (décennies 60 et
70) en passant par les PAS de la décennie 80, le souffle du vent de
l'Est de la décennie 90 et la politique de décentralisation
à l'entame des années 2000, l'Afrique croupit toujours dans la
misère et semble encore chercher sa voie. La problématique du
développement, qui est en même temps celle de la lutte contre la
pauvreté, reste un défi pour l'humanité. C'est dans le
souci d'une action concertée que le sommet du millénaire a
été organisé en septembre 2000 par les Nations Unies et a
défini un certain nombre de projets connus sous le nom d'Objectifs du
Millénaire pour le Développement (OMD). Ces mesures nouvelles qui
définissent des objectifs à atteindre et des
échéances pour leurs réalisations sont l'aboutissement de
multiples dispositions antérieures dont nous retiendrons seulement
l'initiative 20/201. Ces objectifs s'imposent à tous
'Mesure de lutte contre la pauvreté
proposée dans le rapport sur le développement durable de 1992 et
adoptée lors du sommet mondial sur le développement tenu à
Copenhague en Mars 1995 qui consiste en un engagement mutuel des pays en
développement et des donateurs à consacrer
les pays qui doivent mettre des moyens en oeuvre pour les
réaliser. Mais bien que la pauvreté soit un
phénomène universel, ses manifestations sont variables d'une
région à l'autre. Chaque pays en fonction de sa situation interne
définit sa politique de lutte, ses axes d'intervention. C'est dans cette
optique que le Burkina Faso, à la suite de ses pairs africains et sous
l'impulsion de certains organismes internationaux, a entrepris un certain
nombre de réformes socio-économiques. Le couronnement de cette
volonté se révèle être l'élaboration du cadre
stratégique de lutte contre la pauvreté devenue impérative
pour l'accès aux prestations des organismes d'aide au
développement. Il faut donc initier des politiques sectorielles en
ciblant certains secteurs piliers dont le développement
entraînerait celui du plus grand nombre.
Au regard du poids de l'agriculture dans l'économie
nationale, « les pronostics de tous bords et les proclamations tous
azimuts (allant des préoccupations gouvernementales aux sentences des
grands "maîtres d'aides") désignent l'agriculture comme le
pont-levis du développement économique présent et futur du
pays » (R. C. SAWADOGO, 1974, p.41). C'est ainsi que
l'Etat burkinabè s'est lancé dans la promotion des cultures de
rente (coton essentiellement), celles qui, capables de générer
des devises pour le producteur, permettent surtout d'amoindrir le
caractère déficitaire de la balance commerciale. Dès lors,
tous les espoirs restent portés sur le coton qui, pourtant est loin de
constituer une initiative nouvelle quand on interroge l'histoire.
L'arrière-plan historique de la production cotonnière au Burkina
Faso est fortement entaché de larmes et de servitude. En effet, le coton
était cultivé avant l'époque coloniale pour son
utilité socioculturelle, nous renseigne A. SCHWARTZ
(1993 a). La satisfaction des besoins vestimentaires, la satisfaction de
besoins rituels à travers la confection de linceuls mortuaires et
funéraires, la satisfaction de besoins économiques tels que la
fabrication des bandes tissées utilisées dans l'échange
contre le sel gemme en provenance des salines du Sahara ou la kola en
provenance de la forêt tropicale, voici la triade de fonctions à
laquelle était assignée la production cotonnière dont
l'égrenage, le filage et le tissage étaient faits sur place.
C'était une culture secondaire. Pendant la colonisation, à la
faveur du programme de mise en valeur des colonies initié par le
ministre français A.
respectivement au moins 20% du budget national et 20% de l'aide
financière à la réalisation de services sociaux de base.
(PNUD, 1998, p.192).
SARRAUT en 1921, le Lieutenant Gouverneur
Frédéric-Charles HESLING (alors gouverneur de la colonie de Haute
Volta) décida en 1924 de développer la culture cotonnière
et rendit sa production obligatoire au niveau villageois puis au niveau
individuel (4 ha pour 100 habitants à partir de la campagne agricole
1926/1927). Aussi, en interdit-il la consommation sur place à la faveur
de l'exportation. Cette mesure coercitive fut la cause majeure de la forte
migration des bras valides burkinabè vers les pays voisins (la
Côte-d'Ivoire et le Ghana surtout) dont la résultante fut la non
viabilité économique de la colonie avec pour conséquence
directe son démantèlement et son rattachement à ses
voisines du Niger, de la Côte- d'Ivoire et du Soudan en 1932. Voici
comment l'histoire du Burkina Faso se trouve liée à un moment
clé de son tournant à celle de la culture du coton. Mais aux
lendemains des indépendances, le nouvel Etat se retrouvait face à
un nouveau défi : créer des sources de revenus nécessaires
à son propre maintien et à l'essor de son économie. Au
bout de quatre (04) longues années de réflexion, une seule issue
fut trouvée au regard des caractéristiques écologiques du
pays: promouvoir encore la culture du coton, sous la direction de la Compagnie
Française de Développement des fibres Textiles (CFDT)
créée en 1949 pour la promotion de la production du coton
outre-mer. Nonobstant un début marqué par quelques balbutiements,
le coton a conquis sa place aujourd'hui dans les champs burkinabè.
Bénéficiant de l'effet conjugué d'un tel contexte
politique et d'une adhésion soutenue des acteurs actifs, la production
du coton gagne du terrain, s'imposant aujourd'hui comme la première
source de devise à l'exportation (60%) devant toutes les ressources
minières.
Et c'est en zones rurales, milieu où le coton est
exclusivement produit, que l'incidence de la pauvreté est la plus
grande, soit 52,3% contre 19,9% en milieu urbain (INSD, 2003
d). Pendant que les producteurs s'investissent de plus en plus dans la
culture cotonnière, la pauvreté maintient déployé
son voile sur eux, leur inaccessibilité aux activités
génératrices de revenus par rapport aux zones urbaines les
rendant plus vulnérables.
A travers notre thème : « Le développement
rural au Burkina Faso. Analyse de l'influence de la production
cotonnière sur la condition paysanne en milieu rural burkinabè :
cas du département de Diabo dans la province du Gourma», nous
projetons appréhender les effets d'entraînement de la culture du
coton sur les
paysans et leur environnement social dans leur lutte
perpétuelle pour se dégager des affres de la misère. Notre
ambition est de mesurer les implications du fait même de produire du
coton sur la faculté de la famille paysanne comme celle diabolaise
à satisfaire ses besoins fondamentaux sociaux de base.
Le choix de ce thème obéit à une logique
pratique. La lutte contre la pauvreté s'impose comme la
préoccupation prioritaire du moment au sein de la communauté
internationale. L'enjeu est comment enrayer cet « apartheid
international »2, autrement dit, trouver des voies et
moyens efficaces pour construire une société humaine plus juste
et plus équitable. C'est également en ces termes que se pose la
problématique du développement durable. La lutte contre la
pauvreté et le développement durable sont donc indissociables.
Pour de nombreux pays subsahariens confrontés à une nature
défavorable (en terme de ressources minières,
minéralières et énergétiques) et au regard des
besoins mondiaux du moment, le coton se présente comme la panacée
à tous leurs besoins plus spécifiquement en matière de
lutte contre la pauvreté. Le Burkina Faso en est le prototype. La
promptitude avec laquelle l'Etat a affronté et résorbé la
crise qui a secoué la filière coton lors de la campagne
1993/1994, résultante de l'effondrement des cours mondiaux du coton en
1992/1993 qui s'est traduit par une chute de la production témoigne de
la place que le pays confère à cette culture. L'institution de la
production cotonnière dans de nouvelles zones jugées aptes et le
renforcement orchestré dans les zones traditionnelles de production aux
lendemains de cette crise montre largement que du point de vue de nos
dirigeants, le coton constitue un appoint considérable en matière
de mobilisation de ressources ou de richesses, condition indispensable dans la
lutte contre la pauvreté.
En recherchant le fondement de cette considération, on
a de tout temps rencontré des arguments de la forme : « il est
évident ...», « méme en l'absence
d'enquête... ». Notre choix de ce thème est guidé
par la volonté de dépasser ces arguments spécieux pour,
à travers une démarche rigoureuse d'un point de vue scientifique,
saisir l'influence réelle de la culture cotonnière dans cette
lutte pour le bien-être individuel et social du monde paysan, acteurs
premiers de cette production.
2 Propos de M. Nitin DESAI, Secrétaire
Général du sommet mondial sur le développement durable.
Car d'aucuns considèrent cette option comme un
"trompe-l'oeil", donc un dérivatif à d'autres fins qui sont par
exemple le renflouement des caisses de l'Etat.
Le milieu rural zaoga, plus spécifiquement le
département de Diabo est notre zone d'étude. Le choix de ce lieu
est dicté par le fait que Diabo est l'un des plus grands centres
producteurs de la région cotonnière dont il relève (Fada)
faisant de cette dernière l'une des plus productrices du coton de toute
la zone cotonnière de l'Est (zone SOCOMA). Pourtant, nonobstant cette
forte production soutenue par une recrudescence du nombre de producteurs chaque
saison, la misère des paysans semble croissante et leur
vulnérabilité plus grande. En sus de cela, le choix de ce lieu
est guidé par des raisons linguistiques ou communicationnelles. Le fait
que nous parlons la langue en usage dans cet espace social nous permet de
saisir avec le moins de biais possible la teneur du discours des
enquêtés.
Le présent travail s'articulera comme suit :
après un premier chapitre consacré à la
problématique et un deuxième à la méthodologie, le
troisième chapitre présentera le milieu d'étude. Ensuite
le chapitre IV traitera des mécanismes de production cotonnière
et céréalière du département et le chapitre V
abordera la place du coton dans le milieu rural diabolais. Enfin, suivent le
chapitre VI qui s'intéressera au revenu du coton ainsi que de sa gestion
et le chapitre VII qui traitera de coton et développement durable.
CHAPITRE I : PROBLEMATIQUE
|
I.1. Problème général et question
générale de recherche
Le Burkina Faso est sans conteste l'un des pays les plus
pauvres au monde. La place qu'occupe le pays dans le classement du PNUD de
20073 témoigne de l'ampleur du sous-développement dans
lequel le pays est plongé, donc de la situation de dénuement de
la population qui le peuple, du moins de la grande majorité. Car selon
l'INSD, « au Burkina Faso, les 20% les plus riches disposent de
près de 60% du revenu national » (INSD 2005,
p.28). L'enquete burkinabè sur les conditions de vie des
ménages (EBCVM) réalisée par l'INSD en 2003 faisait
état d'une incidence de pauvreté atteignant 46,4%
(INSD, 2003 d). Alors qu' « une société
humaine fondée sur la pauvreté pour le plus grand nombre et la
prospérité pour quelques-uns, caractérisée par des
îlots de richesse entourés par un océan de pauvreté,
n'est pas durable »4. L'édification d'une
société durable passe donc par la réduction de la
pauvreté et c'est s'inscrivant dans cette logique que le PNUD a
lancé le défi de réduire la pauvreté de
moitié à l'horizon 2015. A défaut donc de redistribuer
équitablement les richesses du pays, il faut néanmoins fournir
aux uns et aux autres des conditions minima qui leur permettent de sortir de
leur condition de pauvreté. Avec une population à près de
87% paysanne (La Dépêche n°46, 2006), le développement
du pays semble nécessairement passer par celui de l'agriculture. Aussi,
cette enquête (EBCVM) montre-t-elle que c'est au sein de ces zones
rurales, donc agricoles que la pauvreté s'exprime avec plus de
visibilité avec une contribution à hauteur de 92,2% au seuil
national.
Etant donné l'appréhension de la pauvreté
sous sa variante monétaire, son éradication passe par la
création de revenu dans ces zones très touchées ou par
l'élévation de la productivité des sources de revenu
existantes. C'est donc dans cette optique globale de croissance du revenu
national et plus spécifique du revenu en
3 176eme sur 177 pays.
4 Déclaration du président Sud-africain
Thabo MBEKI lors de la cérémonie d'ouverture du sommet mondial
sur le développement durable tenu à Johannesburg du 26 Août
au 4 septembre 2002.
milieu rural que la production du coton a trouvé une
promotion jamais égalée dans l'histoire de l'agriculture
burkinabè. Ainsi, le coton concentre à lui seul une part
majoritaire de la recherche, de l'encadrement, de la vulgarisation et du
ravitaillement en intrants, de la commercialisation et du crédit
agricole. De l'aveu du Ministre burkinabè de l'agriculture, de
l'hydraulique et des ressources halieutiques (Salif DIALLO), « la
majorité des prêts accordés par les banques dans le secteur
agricole sont destinés à financer les équipements et les
intrants agricoles au bénéfice des groupements de producteurs de
coton (GPC) ou à l'achat de coton graine par la SOFITEX ; ces
préts à court terme s'élèvent à plus de 100
milliards de FCFA par an » (
www.abcburkina.net,
article : pauvreté rurale et commerce international : le
cas du coton, p.2). La promotion des cultures de rente,
notamment le coton, constituant l'axe primordial de la politique agricole du
Burkina Faso, est aussi une préoccupation des organismes internationaux
(la Banque Mondiale par exemple). Et depuis l'année 1995, la production
cotonnière gagne du terrain dans les champs burkinabé et cette
croissance spectaculaire permit au pays de déclasser ses pairs africains
pour se hisser au sommet des producteurs africains et à la
cinquième (5e) place au niveau mondial en 2005.
Concomitamment, l'INSD fait état d'une
paupérisation des conditions de vie de la population burkinabè
depuis 1998.
Ce constat contrasté amène à se demander
les vraies raisons qui motivent tant de soins autour du coton nonobstant ces
résultats plus que mitigés. On est donc tenté de
s'interroger sur l'efficacité du coton à entraîner le
développement rural. Serait-ce parce qu'il est un réel moyen de
lutte contre la pauvreté dans ces zones rurales au regard de leur
position dans le contexte socio-économique national, ou parce qu'il
génère de devises qui permettent de payer les dettes de ces pays
défavorisés par la nature ? La grande mobilisation des
gouvernements de l'Afrique subsaharienne face aux subventions accordées
par les pays du Nord à leurs cotonculteurs provoquant la distorsion des
cours mondiaux du coton ne fait que légitimer cette interrogation.
S'inscrivant toujours dans cette logique de lutte contre la pauvreté, on
pourrait aussi se demander sous quel angle la culture du coton en milieu rural
se présente-t-elle à l'aune des exigences du développement
humain durable ?
I.2. Revue de littérature
Entrant dans le cadre de notre préoccupation, la
communauté scientifique offre une abondante production à
même de nous guider sur les sentiers de notre recherche. Ces
différentes productions se recoupent en quelques grands axes
thématiques tels que nous le proposons aux lignes qui suivent.
I.2.1- Le développement rural en
question : un regard croisé sur les
stratégies
Le développement rural est un secteur qui a fait
l'objet d'une grande investigation de la communauté scientifique. Une
littérature abondante justifie ce point de vue. Au nombre de ces
études sur le développement rural, certaines oeuvres nous
éclairent par rapport à notre préoccupation.
. Le technicisme rampant contre les logiques
paysannes
M. LEVY (2002) constate que depuis quelques
temps, le développement rural est devenu une priorité sinon un
défi pour les différents pouvoirs centraux en Afrique. Mais les
politiques de développement initiés à cet effet n'ont
presque jamais abouti aux résultats escomptés. La raison vient du
fait que « le développeur public ou privé »
arrive au village en ayant circonscrit un champ restreint auquel il applique
« une pensée relativement homogène et unique
guidée par une logique technicienne et une idéologie du
progrès qui se traduit par une stratégie linéaire
planifiée qui gomme les dimensions conflictuelles de la
réalité locale » (p.143). Le fait donc que ces plans ne
s'inscrivent pas dans la réalité sociale des
bénéficiaires déclenche des mécanismes de
résistance. La logique techniquement rationnelle de l'action sur un
champ restreint se retrouve en déphasage avec les modes d'actions du
monde rural car, comme le note BARBEDETTE rapporté par
l'auteur, « cet acteur rencontre des acteurs paysans qui
opèrent en revanche sur plusieurs scènes et dans plusieurs champs
simultanément. Ils développent de ce fait une pensée
multiple et assument des logiques contradictoires qui déterminent chez
eux des stratégies du multiple jeu leur permettant de naviguer dans des
situations toujours potentiellement conflictuelles » (p.143).
En milieu rural, les acteurs sociaux évoluent dans des
espaces multiples qui servent chacun de système de
références, ce qui justifie la variation de leurs
stratégies et de leurs objectifs selon l'espace dans
lequel on les considère. Ainsi, un même paysan pense l'avenir
« en terme de survie sur l'espace familial, en terme de
développement d'activités autonomisantes sur les espaces
communautaires créés par les organisations paysannes, en terme
d'équipement sur l'espace villageois » (p.142). Ce nomadisme
mental, comme le qualifie l'auteur, impose au paysan un sens d'adaptation
très poussé et aiguise ses capacités tactiques. C'est sous
cet angle qu'il faut interpréter ou comprendre les comportements des
membres des organisations paysannes.
Ces groupements paysans sont généralement
perçus comme les pôles de développement du milieu rural,
comme des portes d'entrée de la modernité. De nouveaux rapports
sociaux y naissent et de nouvelles références normatives s'y
créent. Sur ces espaces, les logiques ne s'accordent pas toujours avec
celles en vigueur dans la société prise dans sa globalité.
Ainsi, l'auteur voit en l'organisation paysanne « un laboratoire
social où un "dépendant" peut devenir président, où
la femme s'autorise à parler publiquement, où une règle
coutumière ou moderne peut être détournée
» (p.148). Ces « meurtres symboliques » traduisent la prise
de conscience que dans le procès du développement
l'autorité doit etre fondée sur l'efficacité et la
compétence et non sur la séniorité ou le statut social
comme cela est en vigueur dans l'espace social global.
C'est d'ailleurs pour ces capacités de rupture et
d'innovations que les organismes de développement du monde rural optent
pour partenaires premiers les organisations paysannes, motrices de la dynamique
sociale. Mais comment appréhender les indicateurs du changement social,
acte nécessaire pour juger de l'emprise du projet ou programme de
développement ?
Dans cette optique, D. DESJEUX (1987),
consultant international pour diverses organisations dans le tiers monde,
guidé par ses huit (08) ans d'expérience en Afrique, propose la
méthode dite « des écarts ». Elle cherche à
mesurer les distances entre les objectifs de départ5 et les
réalisations sur le terrain. Une fois les objectifs inventoriés,
on relève les objectifs réalisés, ceux non
réalisés, les réalisations existantes mais non
prévues au départ, les essais abandonnés et les objectifs
réalisés mais transformés ou
réinterprétés.
5 Mais attention à un piège : les
objectifs livrés au moment du contact ne sont généralement
que les critères des financeurs, le projet ayant en fait d'autres
objectifs. Il s'agit là des "écarts anormaux" qui ne sont pas
eux, indicateurs du changement ou d'une dynamique paysanne.
Interprétation : les écarts ou les
réinterprétations sont considérés comme des
indicateurs des dynamiques sociales. Le choix d'accepter ou de refuser telle
innovation s'explique par une approche en terme d'intérêt et de
logique des systèmes d'action.
Ainsi, « la variété des
stratégies paysannes face à la variété des
innovations proposées confirme l'idée de "dynamique de dedans"
qui n'a rien de passif face à une éventuelle "domination
extérieure". Sélection et interprétation sont les deux
preuves de cette dynamique ».
J. M. ELA (1990) quant à lui pointe du
doigt le fait que selon la politique des Etats africains, le
développement rural semble passé par le développement de
la culture de rente. Etant donné la mesure de la pauvreté par le
critère monétaire, la culture de rente est supposée
procurer des revenus aux paysans, toute chose qui leur sortirait de la
pauvreté. C'est ainsi que l'Etat déploie ses agents pour la
promotion de cette pratique, agents dont l'auteur déplore la formation
insuffisante. Il remarque que « dans les villages reculés, un
grand nombre meurt d'ennui ou sombre dans l'alcoolisme qui se développe
dans les zones rurales. Les paysans ne sont réellement pris en charge
que dans les régions contrôlées par certaines
sociétés de développement qui assurent elles-mêmes
la formation de leurs agents » (p.108). L'auteur ne s'étonne
pas des résultats atteints : le statu quo demeure. De son avis, ce statu
quo est le résultat d'une option politique. En réalité,
l'Etat n'assure qu'une mascarade de promotion en zones rurales. Car, «
la plupart des interventions prévues par les plans quinquennaux sont
perturbées par des problèmes d'organisation et de gestion
» (p.108). La crise de l'environnement et l'archaïsme des
techniques culturales ne sont qu'un alibi. Avec ses projets de
développement agricole, « l'Etat impose ses objectifs et une
logique dont l'établissement met en cause les initiatives locales
» déclare l'auteur (p.113) qui qualifie cela de manipulation
de la force de travail et des stratégies d'extorsion de la plus value.
Les sociétés rurales sont incapables de se développer
selon une logique qui leur est extérieure et des productions dont les
intérêts leur échappent. Le fait de contourner les
assemblées de village pour donner une place importante aux « hommes
de savoir » chargés de l'encadrement étouffe la
créativité paysanne et organise la dépendance de la
paysannerie pour pouvoir se maintenir dans les lieux de production. De toute
façon, dans ces politiques agricoles où, très souvent,
l'avis des
agriculteurs ne compte pas, « le
bénéficiaire de la rente agricole est le pouvoir luimême
», conclut l'auteur (p.149).
R. CHAMBERS (1994), abordant cette même
question du développement rural, essaie une explication de
l'insuccès des projets de développement en ce milieu.
Introduisant le chapitre intitulé "Priorité aux travaux des
agriculteurs", il constate que la plupart des professionnels de l'aide au
développement font le diagnostic euxmêmes et partent de
l'hypothèse qu'ils savent ce que veulent et ce dont ont besoin les
agriculteurs ; mais ils se trompent souvent. Il préconise de mettre le
paysan au point de départ de toutes les actions. Partir de ses
préoccupations comme il l'exprime en fonction de sa propre vision et de
ses propres aspirations. Car « en méconnaissant les
priorités des agriculteurs et en ne donnant pas la
préférence aux travaux prévus par ces derniers, ils
risquent fort de mener leur recherche vers de faux problèmes. A
l'inverse, en mettant en lumière les priorités des agriculteurs
et en les aidant à les réaliser, ils favorisent l'adoption des
innovations » (p.97). Mais cette logique n'est pas adoptée par
les techniciens du développement pour plusieurs considérations.
De l'avis de R. BRUNCH développant le chapitre
"Encourager les expériences des agriculteurs (pp.99-100), deux
hypothèses fondamentales ont radicalement restreint l'efficacité
des projets de développement jusqu'à ces dernières
années. Selon la première hypothèse, « l'objectif
de base des projets agricoles devrait être d'enseigner aux petits
agriculteurs d'innovations qui augmenteront la productivité d'une
région » (p.99) pour qu'après avoir adopté ces
pratiques, les gens continuent à exploiter les terres à ce niveau
supérieur de productivité. Pour cela, il faut encourager un
processus qui permette aux populations de développer ellesmêmes
leur agriculture. En ce sens, « l'objectif d'un projet agricole
devrait être de former et de motiver les agriculteurs pour qu'ils
s'expliquent les uns aux autres les innovations apprises auprès du
personnel du projet et ensuite de les encourager à apporter
eux-mêmes des améliorations à ces innovations »
(p.99). Si cela n'est pas la démarche adoptée par les «
développeurs » c'est du fait de la croyance en la deuxième
hypothèse. Celle-ci serait que « les villageois sont incapables
d'inventer, de mettre au point et d'adapter de nouvelles techniques, et donc
d'assumer par euxmêmes des processus de développement agricole
» (p.100). Or, les succès que connaissent les groupements
paysans montrent que ces paysans savent faire une fine analyse de leurs besoins
et d'initier des moyens et techniques pour y subvenir.
Ce sont les considérations techniciennes qui bloquent
l'efficacité des initiatives de développement du monde paysan
rendant vaines les actions des organismes gouvernementaux et non
gouvernementaux ; car, « qui, mieux que moi, est bien placé
pour savoir ce qui est bien pour moi » (un adage populaire).
· Le développement
participatif
J. M. ELA (1994), revient à la charge,
toujours préoccupé par la question paysanne et privilégie
« l'approche par le bas ». « Pour faire échec
à la pauvreté et revaloriser l'espace rural, il faut donc
promouvoir la participation des paysans à leur propre
développement », écrit-il (p.38) avant de conclure que
c'est en renouant avec la créativité des groupes de base qu'il
nous faut affronter les défis d'aujourd'hui et de demain. C'est
seulement au prix de l'approche par le bas que la promotion du monde rural, cet
espace où « les groupes privilégiés ont tendance
à capturer l'Etat pour récupérer et détourner
à leur profit les interventions destinées à cette
promotion » (p.33) cessera de constituer un simple prétexte et
un alibi pour les interventions servant à renforcer les capacités
des classes dirigeantes. Affichant son opposition au déploiement de la
bureaucratie étatique en zone rurale, il résume toute sa
préoccupation en cette question : ne convient-il pas de confier aux
pauvres euxmêmes la recherche des solutions à leurs
problèmes de pauvreté ? Ces paysans dont il fait l'éloge
de l'intelligence en faisant sienne cette observation de Senghor : «
ce sont les paysans qui sont les plus intelligents. Quand on leur demande
ce qu'ils veulent, ils n'hésitent pas (...). Ces gens, de tout temps, se
sont battus contre la sécheresse. Ils ont besoin qu'on les aide, pas
qu'on pense pour eux »6
Dans ce même ordre d'idées, B. L.
OUEDRAOGO (1990) reprit A. DIOUF qui écrivait
aux colonnes de Le Soleil n°305 du 08 Mai 1971 dans un article
intitulé Négritude et développement :
« il est un fait indéniable qu'aucune société ne
peut se développer harmonieusement si elle ne prend l'option de batir
son propre développement sur ses propres valeurs de civilisation et ne
s'enracine » (p.29). Ici, le développement rural est
pensé comme devant être une action de la population rurale, lequel
développement doit s'enraciner dans les valeurs de la
société en question. Pour un développement rural effectif,
il faut donc rompre avec les options
6L'auteur a emprunté cette citation de
Léopold Sedar Senghor à René Dumont qui l'a reprise dans
son oeuvre l'Afrique étranglée, p203.
techniciennes à fondement économiste. Il faut
accorder une place primordiale aux initiatives locales et promouvoir les cadres
locaux et les réseaux sociaux déjà existants. C'est ce qui
peut susciter l'implication et la participation active de la population locale.
Cette stratégie est l'approche des groupements Naam qui l'ont
dénommée « Développer sans abîmer ».
B. L. OUEDRAOGO (1990) explique cette
approche comme une « dynamique de développement
organisée avec et par les intéressés. C'est un consensus
librement construit, sans heurts, sans conflits internes ni externes, avec le
consentement de toutes les catégories sociales en présence
» (p.7). Pour réussir le développement au profit des
ruraux, il faut :
- viser un objectif : la responsabilisation des villageois,
- utiliser une méthode : parler la langue du paysan, le
seul qui lui permet de s'auto responsabiliser.
L'animation se fait en partant de ce que le paysan est, de ce
qu'il sait et de ce qu'il vit (sa culture), de ce qu'il sait faire et de ce
qu'il veut. La tradition est donc une base solide pour un développement
sans heurts ni traumatisme des sociétés rurales.
I.2.2- La pauvreté rurale, un
cercle vicieux : approche analytique et stratégies
d'éradication
La pauvreté rurale est un phénomène du
moins difficile sinon impossible à juguler, du fait du cercle vicieux
dans lequel il s'inscrit. Cette conception pessimiste de M. CHAUVIN
(1991) laisse peu d'espoir quant à l'amélioration
qualitative des conditions de vie des populations rurales. En effet, l'auteur
adopte une approche statique du monde rural et soutient une
impossibilité de sortie de pauvreté en dépit des
différentes actions gouvernementales et non gouvernementales. Pour
expliquer l'enchevêtrement inextricable des facteurs de pauvreté
rurale, il fait sienne la théorie de l'économiste
américain J. K. GALBRAITH (1964) qu'il résume en
deux expressions : « l'équilibre de la pauvreté » et
« l'accommodation » (p.146). Ainsi, en zones rurales, explique
l'auteur, nous avons affaire à une vie proche du niveau de subsistance
d'où l'impossibilité d'épargner. Cette absence
d'investissement en capital ne permet pas l'amélioration de la
technologie agricole et du même coup se trouve compromise
l'élévation de revenu qui aurait favorisé
l'épargne. Le principe de « l'équilibre de la
pauvreté » s'explique par le fait qu'en campagne, tout
accroissement de revenu déclenche des forces qui l'annulent et
rétablissent le
niveau antérieur de la privation. L'illustration de cet
équilibre vient des projets ruraux. Conçus pour accroître
le revenu des populations, les investissements ruraux, s'ils
réussissent, n'ont pour conséquence qu'un boom
démographique, car « ils assurent la survie de ceux qui, sans
eux seraient morts, la naissance d'enfants qui ne seraient pas nés
» (p.146). Et comme les retombées de ces investissements
doivent désormais être réparties dans un effectif plus
nombreux, ces populations se retrouvent à la case de départ.
Après ces désillusions, ces espérances vaines, les ruraux
baissent les bras et se cantonnent dans l'acceptation de leur situation de
pauvreté : c'est le règne de « l'accommodation »
à la culture de la pauvreté ; on l'accepte. Alors, une
velléité de croissance de revenu en milieu rural est très
vite absorbée par des facteurs tels que l'accroissement de
l'espérance de vie, une forte natalité,...
Cette considération de la pauvreté
irréversible s'est développée dans une certaine classe ou
société qui considérait la pauvreté des autres
comme une fatalité, d'ordre divin (l'hindouisme et la loi du Karma ;
l'idéologie américaine de la réussite qui prévalut
jusqu'à la grande dépression des années 1930).
Ce cercle vicieux dans lequel se trouvent les ruraux est aussi
dépeint par R. CHAMBERS (1990) mais dans un panorama
plus neutre. Pour cet expert en développement rural, ce cercle vicieux
tient du fait de l'imbrication d'un certain nombre de facteurs tous
réversibles. L'auteur note que les populations rurales sont soumises
à cinq (05) préjudices qui se combinent pour les enfermer dans la
misère : la pauvreté proprement dite, la faiblesse physique,
l'isolement, la vulnérabilité et l'impuissance. L'impuissance des
populations rurales apparaît dans la facilité avec laquelle les
élites rurales font écran pour intercepter les avantages
destinés aux pauvres, la façon dont les pauvres sont
spoliés et trompés, leur incapacité à
négocier.
Le CIRD (2002) abonde dans ce même sens
de complexité de la pauvreté rurale. Ainsi, la pauvreté
rurale est un phénomène multidimensionnel incluant la faiblesse
des revenus, l'accès inégal aux moyens de production, aux
installations sanitaires et aux équipements scolaires,
l'insécurité alimentaire, les produits nutritionnels, la
dégradation des ressources naturelles. La dégradation de
l'environnement, à la fois cause et conséquence de la
pauvreté, s'aggrave dramatiquement dans ces zones amplifiant encore la
misère. C. B. GREENIDGE (l'auteur du dossier) fait le
double
constat contradictoire que l'économie rurale constitue
la base de la croissance des pays en développement et soutiendra leur
intégration dans l'économie mondiale ; alors que les
stratégies nationales de lutte contre la pauvreté ont tendance
à se concentrer sur la gestion macroéconomique et sur les
dépenses dans le secteur social et à négliger les besoins
spécifiques des zones rurales où vivent pourtant la
majorité des pauvres. Ce sont les populations urbaines qui sont
prioritaires dans les actions en raison de leur plus grande visibilité
et de leur plus grand poids politique. Pour corollaire, on note un
désengagement des gouvernements vis-à-vis de la situation des
zones rurales, des médiocres performances du secteur rural, de
l'échec des approches adoptées (non viables, fragmentaires).
Epousant la cause du monde rural, C. B.
GREENIDGE dénonce la stratégie imposée aux
ruraux, paysans, comme porte de sortie de leur situation de pauvreté,
qu'il qualifie de « stratégie de développement traditionnel
». Ce, parce qu'elles s'inscrivent dans la perspective de
développement adoptée au moment et peu après la
colonisation pour relancer les économies nationales des colonies. Ce
sont des stratégies centrées sur un model tiré par les
exportations de produits non transformés au détriment du
marché local. La plupart des stratégies de développement
rural résistent mal à cette donne. Les initiatives locales sont
étouffées ou meurent d'elles-mêmes par manque de promotion
ou sont sujettes à dénigrement.
Enfin, R. CHAMBERS (1990), lève le
voile sur le visage de la pauvreté rurale, du moins sur ses victimes :
un ménage pauvre n'a pas de bétail, ou alors quelques maigres
vaches, ou quelques poules, chèvres ou moutons, canards, cochons,~Il
possède peu de vêtements qu'il usera jusqu'à la corde. Le
travail familial a une productivité basse ; les réserves et les
flux alimentaires et monétaires sont maigres, incertains, saisonniers et
inadaptés ; la nourriture et l'argent obtenus satisfont des besoins
immédiats et sont consommés rapidement. Tous les membres de la
famille capables de travailler le font, à part les enfants de bas
âge, les vieillards, les handicapés et ceux qui sont gravement
malades. Les femmes font de longues heures de travail à la maison et
à l'extérieur.
ménages de 1994, 51,04% des pauvres vivaient en milieu
rural. Si cette incidence à fléchit pour se retrouver à
50,66% en 1998, elle reprit sa courbe ascendante les années suivantes et
atteignait déjà 52,3% en 2003 (INSD, 2003 b).
C'est dire donc que le milieu rural burkinabé est en pleine
paupérisation malgré une présence numériquement non
négligeable des projets de développement gouvernementaux et non
gouvernementaux et la mise en place d'un cadre stratégique de lutte
contre la pauvreté.
I.2.3- Le coton
Le Burkina Faso connaît la culture du coton depuis des
temps immémoriaux. Cultivé avant la colonisation pour des
impératifs plus sociaux qu'économiques, le coton sera promu
pendant la colonisation sur injonction du colonisateur pour la satisfaction des
besoins de ce dernier et après la colonisation cette fois-ci sur
encouragement du gouvernement. En 2005, le Burkina Faso est devenu le premier
(1er) pays producteur du coton en Afrique et le cinquième
(5ème) producteur mondial derrière les USA,
l'Ouzbékistan, l'Australie et le Brésil. La place que le coton
occupe dans le système de production global de nombreux pays africains
à l'image du Burkina Faso a suscité un certain nombre de
questionnements dont les positions sont parfois inconciliables.
- Les laudateurs du coton
Pour certains auteurs et observateurs, le salut de nombreux
pays du tiers monde passe par la production du coton qui leur permet de
s'intégrer dans le circuit économique mondial. L'émergence
du monde rural est liée à l'enracinement de cette
activité. C'est du moins le point de vue développé par le
sociologue de l'ORSTOM, A. SCHWARTZ (1987). Pour lui, le
développement de la culture de rente, notamment cotonnière, a
souvent permis une modernisation générale de l'agriculture. Elle
permet l'amélioration des techniques culturales et l'adoption de
nouvelles techniques, l'utilisation des intrants parfois étendue aux
autres plantes cultivées et la pratique de la culture attelée. Et
cela a pour corollaire une augmentation des possibilités alimentaires,
la culture attelée permettant une grande exploitation de surface en un
temps plus réduit. Aussi, les plantes vivrières qui
suivent le coton dans la rotation sur parcelle
bénéficient-elles de l'arrière effet engrais, soutiennent
J. PICARD et A. AL HADJI (2002); ainsi, il
devient possible pour le paysan de cultiver une parcelle sans trop
l'épuiser pendant un nombre d'années plus élevé.
Par rapport à la sécurité alimentaire, le
rapport sur le développement dans le monde de la Banque
Mondiale (1986) constate que les pays qui ont connu un
développement rapide de leur secteur agricole d'exportation sont en
même temps ceux qui ont préservé un secteur vivrier
dynamique. Dans le même ordre d'idées, S. DIALLO,
le Ministre burkinabé de l'agriculture, de l'hydraulique et des
ressources halieutiques, soutient qu'au Burkina Faso, « les zones
cotonnières sont également celles où la production
céréalière est structurellement excédentaire, du
fait du système de rotation des cultures, ce qui contribue à la
sécurité alimentaire au niveau national » (
www.abcburkina.net).
Outre ces avantages, le coton génère plus de devises qu'aucun
autre produit agricole. L'économie de nombreux pays africains repose sur
ce produit. Pour le cas du Burkina, soutient S. DIALLO, le
coton a permis l'émergence au niveau national de deux types d'industrie
: les industries textiles, de filature et de tissage et les industries
agroalimentaires (SHSB, SOFIB,...). Sur le plan financier, nous renseigne le
ministre S. DIALLO (ibid.), le coton contribue à la
formation du PIB pour 30% et 60% aux exportations.
Au regard de ces éloges et de ces chiffres
éloquents, certains préconisent la promotion de la culture
cotonnière comme porte de sortie des populations africaines surtout
rurales de leur pauvreté. Mais ces points de vue et ces prises de
position n'épuisent pas le débat autour du coton.
-Les détracteurs du
coton
S'inscrivant aux antipodes du développement
esquissé plus haut, d'autres auteurs pensent que la production du coton
est à l'origine de nombreux maux des sociétés africaines
et que ses effets néfastes dépassent de loin la satisfaction
qu'elle procure. Abordant la question dans le sens de la sécurité
alimentaire, des voix soutiennent que le coton est difficilement conciliable
avec la production vivrière. C'est dans cette logique que T.
LLOYD (1985) mentionne deux records atteints simultanément au
cours d'une même année dans cinq (05) pays sahéliens
à savoir le Burkina Faso, le Mali, le Niger, le Sénégal et
le Tchad. En effet, en 1984, année
de sécheresse au Sahel, le Burkina Faso a
réalisé une production jamais égalée de 154
millions de tonnes de coton. Au cours de la même année, il a
importé plus que jamais de céréales à hauteur de
1,77 millions de tonnes (pp25-26).
Le coton serait donc spoliateur des bonnes terres
reléguant les vivres aux sols infertiles.
Outre cette entrave vivrière, la production du coton
impliquerait des méfaits environnementaux. Les produits chimiques
nécessaires à la production du coton sont cause de
désertification dans le temps et de dégradation du sol à
court terme. G. BELLONCLE, repris par A. SCHWARTZ
(1997) remarque que « là où passe le coton, le
désert s'installe ». Cette remarque est prolongée par
E. Z. SANOU (2001) qui soutient que le Nord burkinabè
où il y a environ quarante (40) ans la culture cotonnière
était pratiquée se singularise aujourd'hui par sa
sécheresse.
Aussi, le coton accapare-t-il l'attention des chercheurs, des
crédits et de l'encadrement au détriment des autres cultures
vivrières.
R. DUMONT (1986) aborde la question sous
l'angle de l'extension de la surface cultivable qu'impose l'enracinement
croissant de la culture cotonnière. Toujours poussés à
produire davantage, les paysans empiètent sur la jachère qui
permettait le pâturage et la fertilisation du sol. « Le
résultat est la disparition de l'humus. Privé du seul
élément protecteur, la structure des sols n'a cessé de se
dégrader et s'est trouvée exposée à
l'érosion éolienne » (p.27).
D'autres encore s'insurgent contre le fait que c'est une
production "imposée" par les autorités gouvernementales du fait
des planifications en vigueur au bénéfice du coton ; et surtout
le fait que ces politiques nationales obéissent en réalité
à des impératifs du dehors. C'est dans cette optique que
R. C. SAWADOGO (1974) pointait du doigt le fait que « la
politique agricole -voire la politique économique voltaïque (...)-
relève de l'économie de traite coloniale dont la fonction
principale est de produire des matières premières à bon
marché pour ravitailler les industries métropolitaines
capitalistes dans le mépris calculé des produits alimentaires de
base des autochtones » (p.46). Abondant dans le même sens,
R. DUMONT (1986) « accuse la banque mondiale d'avoir,
jusqu'au rapport de Berg de 1981, préféré les cultures
d'exportation, "les seules qui permettent de rembourser les emprunts" au
dépend des cultures vivrières » (p.257). J. M.
ELA (1990) quant à lui nous informe
que « dans les régions où plane la
menace de la famine, l'abandon des cultures vivrières est allé de
paire avec l'extension de la culture du coton. Les dizaines de milliers de
morts paysans et nomades du sahel n'ont pas péri du manque de coton et
d'arachide » (p.111).
I.2.4. Le coton BT, une appréciation
controversée
A l'heure des subventions au coton au Nord avec son lot de
conséquences sur les filières cotonnières du Sud, il est
de nos jours de plus en plus question de coton OGM pour rentabiliser la
production et économiser les coûts de production. En effet, en
juillet 2003, le Burkina Faso devient le premier pays d'Afrique de l'Ouest
à expérimenter le coton transgénique, « sans
avoir défini au préalable un cadre réglementaire
conséquent pour protéger les populations et l'environnement des
risques liés aux Organismes génétiquement modifiés
», constate la Coalition des organisations de la
société civile pour la protection du patrimoine
génétique africain du Burkina Faso (COPAGEN/Burkina) (
www.lefaso.net/spip.php?article18398).
Selon la COPAGEN/Burkina, cette phase expérimentale s'est faite de
façon opaque sans actions conséquentes pour informer/sensibiliser
les populations sur le sujet. En juin 2004, un début de
régularisation avec la mise en place d'un cadre législatif par
l'adoption de règles nationales en matière de
sécurité en biotechnologie a été amorcé et
pas encore finalisé. La Coalition des organisations de la
société civile pour la protection du patrimoine
génétique africain du Burkina (COPAGEN/Burkina) pense que
l'introduction de cette variété au Burkina est «
précipitée, simpliste et dénuée de tout
réalisme ». Si le pays marque un tel empressement pour le
coton BT, c'est parce qu'il le présente comme une opportunité
pour les producteurs. Le ministre de l'Agriculture, de l'Hydraulique et des
Ressources halieutiques, Salif DIALLO, était en visite le mardi 26
septembre 2006, dans la ferme SOFITEX de Boni (près de Houndé)
dans la province du Tuy. Il a pris connaissance des avantages, surtout
financiers, que présente la production transgénique du coton. A
l'issue de sa visite, Sailf DIALLO a annoncé que dès 2007, les
producteurs de coton allaient se lancer dans la culture du Coton BT. "Nous
avons même nos réserves de semence" a-t-il dit. (
www.abcburkina.net/content/view/223/45/lang,fr/).
Parlant de la rentabilité économique du coton BT au Burkina Faso,
Salif Diallo affirme avec conviction que « pour avoir des gains, nous
diminuons nos coûts de production à travers la
stratégie
du coton OGM » (
www.lefaso.net/spip.php?article17514).
Le coton BT (pour Bacillus thuringiensis), une semence
génétiquement modifiée, permet la production d'une
protéine toxique résistante à certains
lépidoptères, principaux insectes nuisibles du coton. Le coton
biologique pour sa part est issu d'un système de culture
spécifique qui permet de favoriser les défenses naturelles afin
d'éviter l'utilisation des pesticides (
museum.agropolis.fr/pages/savoirs/cotontransgenique/index.htm).
Mais le BT suscite beaucoup d'interrogations pour la société
civile. Pour le moment, l'augmentation de la production du coton BT est de 28%
à 35%, donc une augmentation d'un tiers, mais la culture a
été faite par des spécialistes : un simple paysan
arriverait-il au même résultat ?
Des études indépendantes ont montré que
pour des petits paysans comme ceux du Burkina Faso (avec 2ha en moyenne), il
existe très peu de différence entre les frais de production du
coton BT et ceux du coton conventionnel qui sont parfois plus rentables. Si
l'on s'en tient à ces études, l'affirmation de Salif DIALLO n'est
valable que pour les promoteurs de l'agrobusiness qui transformeront les braves
petits paysans en ouvriers agricoles sur les terres de leurs ancêtres. Le
manque à gagner à travers l'utilisation des pesticides dont le
Ministre fait l'éloge, n'est pas aussi considérable selon les
études faites par Deccan Développement society
(Inde).C'est-à-dire que la réduction de l'investissement en
pesticides avec le coton BT reste infime par rapport au traitement du coton
conventionnel. La tendance est même d'augmenter les investissements en
pesticides avec le coton BT car il est évident que certains insectes
piqueurs-suceurs continueront à nuire aux plantes transgéniques
en comparaison avec les variétés conventionnelles. Pourtant,
l'entomologiste Blake Lay ton de l'Université de Mississipi (USA)
confirme que la nouvelle variété Mosanto, Bollgard II, ne peut
contrôler complètement les chenilles de la capsule. Pour lui,
« il est important de dire que sous forte pression, les chenilles
peuvent se développer à des niveaux néfastes ».
Par ailleurs, que faut-il penser de certaines affirmations du Ministre quant
à la rentabilité économique, aux questions
environnementales, à la garantie d'une fiabilité du coton BT
burkinabè, à la liberté de choix des
variétés par les producteurs ?
Une enquête faite par une firme semencière
conclut que le bénéfice par hectare est de 171 000 F, mais
d'autres enquetes parlent de 6.480 F ou 4.400 F ou 1 300 F (
www.lefaso.net/spip.php?article17514).
On parle même de perte.
Des récentes études sur la culture du coton
génétiquement modifié ont soulevé de nouvelles
inquiétudes quant à son innocuité tant dans l'alimentation
que dans l'habillement.
En Inde (état d'Andhra Pradesh, district de Warangal),
un rapport préliminaire publié à la fin du mois d'avril a
montré que des milliers de moutons sont morts après avoir
brouté des terres sur lesquelles du coton OGM avait été
cultivé. Les moutons et les chèvres ont commencé à
mourir après sept jours de pâture continue de feuilles tendres et
de cosses de coton BT (Bacillus thuringiensis) qui restaient dans les champs
après la cueillette.
En décembre 2005, une étude avait montré
que les cueilleurs de coton OGM présentaient de graves réactions
dermatologiques avec des démangeaisons et des cloques laissant une
décoloration de la peau qui perdurait après cinq mois.
L'Association médicale britannique avait déjà
signalé que les OGM pouvaient présenter certains risques parmi
lesquels la résistance aux traitements contre les maladies sexuellement
transmissibles due à l'utilisation de protections périodiques en
coton OGM. Les OGM peuvent aussi faire mourir de désespoir : les
cultures de coton OGM ont été suspendues en Inde à la
suite de nombreux suicides de personnes endettées pour payer ce coton
très coûteux. Cette réalité à poussé
le Comité indien d'approbation de génie génétique
(GEAC) à admettre, après trois ans de pratique, que la culture
des cotons Mech-184 BT, Mech-162 BT et Mech-12 BT de Mahyco-Monsanto
était un échec
(
http://www.abcburkina.net/content/view/223/45/lang,fr/).
C'est pourquoi la COPAGEN/Burkina exprime ses plus vives protestations face
à la manière dont le coton BT est introduit au Burkina Faso.
I.3. Problème spécifique de
recherche
Les développements que nous avons enregistrés
dans la communauté scientifique sont loin de nous fournir une
satisfaction quant à notre préoccupation. Ainsi, l'esquisse du
développement rural nous a permis de voir comment celui-ci peut
être cerné et nous offre, à la limite, des angles d'analyse
de notre problème de recherche. La partie pauvreté rurale nous
informe sur ce que nous avons affaire en abordant ce thème. Elle nous
apprend à reconnaître la situation de pauvreté en
milieu rural. Quant à la perception de la culture
cotonnière, elle élargit notre angle de vision et est à
même d'affiner notre analyse. En nous exposant les effets fastes et
néfastes de la production du coton, ce paragraphe éclaire notre
sens critique et nous appelle à être attentif, attendu que les
résultats du terrain peuvent nous conduire à l'un ou l'autre
bord.
Comme nous venons de le voir, les données disponibles
sur la question dans la communauté scientifique, même si elles
servent notre préoccupation, ne lui fournissent pas une réponse
complète. Elles ne nous permettent pas de saisir, par une
démarche rigoureuse, les implications de la production cotonnière
sur l'environnement social du monde paysan, tant dans ses sphères de
production, reproduction et stratégies de survie que dans ses
réseaux relationnels.
C'est donc dans le cadre du milieu rural diabolais et au jour de
ces appréciations controversées que ce problème sera
abordé dans la présente étude.
I.4. Question spécifique de recherche
Dans le présent travail, nous nous attèlerons
à répondre à la question spécifique suivante :
quelle est l'influence réelle (effective) de la culture
cotonnière sur la condition paysanne en milieu rural burkinabé,
particulièrement dans le département de Diabo dans la province du
Gourma ? En d'autres termes, la production cotonnière est-elle facteur
de développement durable ou, au contraire, contribue-t-elle à la
paupérisation du monde paysan en pays zaoga ?
Cette question centrale sera soutenue par d'interrogations
annexes à savoir :
? Le fait même de produire du coton ne compromet-il pas la
sécurité alimentaire des producteurs diabolais ?
? La production cotonnière ne constitue-t-elle pas un
obstacle à l'épargne sécurité dans le milieu rural
diabolais ?
? L'apparente opportunité qu'offre le coton de
s'enrichir dans ce milieu où tout semble compromis n'instaure-t-il pas
de pratiques à même d'affecter la cohésion familiale de ces
paysans ?
Les réponses à ces questions nous permettront de
statuer avec plus d'exactitude sur la question principale énoncée
précédemment.
I.5. Objectifs I.5.1. Objectif principal
Outre la satisfaction d'une curiosité intellectuelle,
l'objectif principal de cette étude est de saisir les
répercussions de la culture cotonnière sur les conditions de vie
du monde rural. Dit autrement, il s'agit de savoir si la production du coton
est un facteur d'émergence soutenable du monde paysan ou si, au
contraire, le coton est un facteur d'enlisement socio-économique des
paysans surtout du département de Diabo.
I.5.2- Objectifs secondaires
Comme objectifs secondaires, la présente étude
vise
d'abord à mesurer l'impact de la production
cotonnière sur la sécurité alimentaire des cotonculteurs
;
ensuite, à saisir son influence sur la faculté des
paysans à faire face aux chocs et autres risques ;
et enfin, à voir l'impact de l'essor de la culture
cotonnière sur les relations intra et inter familiales dans l'espace
social de référence.
I.6. Champs de recherche
Obéissant à la logique de l'enchevêtrement
des différents pans de la réalité sociale, ce thème
traverse de nombreux champs sociologiques.
? Il s'inscrit dans la sociologie rurale. En effet, la production
du coton, en tant
qu'activité agricole est une spécificité
rurale. C'est une activité qui s'insère dans des logiques et
stratégies propres au monde rural, qui obéit à un
système d'organisation, d'exploitation et de représentation
spécifique : celui du milieu paysan.
? Il relève aussi de la sociologie du
développement. Ici, la production
cotonnière sera pensée en tant que moyen
d'influence de la croissance du monde rural. Elle s'insère dans les
moyens développés en ces lieux pour promouvoir une
évolution qualitative des conditions de vie des producteurs que sont les
paysans.
? Aussi, ce thème s'inscrit-il dans la sociologie
politique du moment où il
abordera la production cotonnière comme une politique
développée par le pays pour parer à la pauvreté du
monde paysan dans le cadre de la politique de lutte contre la
pauvreté.
I.7. Intérêt
Cette recherche comporte des intérêts susceptibles
d'être regroupés en intérêt théorique et
intérêt pratique.
Sur le plan théorique, l'intérêt
réside dans le fait que cette étude permettra à la
communauté scientifique de se faire une idée sur les logiques
d'action du monde rural zaoga. Elle permettra aussi d'apprécier les
discours construits autour de la production cotonnière à tous les
niveaux de la hiérarchie sociopolitique par rapport aux
représentations réelles que le monde rural en fait. Elle pourrait
enfin servir d'appui à des études plus approfondies sur la
société zaoga ou sur le développement rural au Burkina
Faso voire le développement rural en général.
Sur le plan pratique, l'intérêt de cette
étude tient du fait qu'elle soulève une préoccupation du
moment. Aujourd'hui, la lutte contre la pauvreté tout comme la place du
coton dans le milieu rural concentre toute l'attention des décideurs.
Cette recherche pourrait d'une part, inspirer les décideurs ou les
« développeurs » dans le cadre du développement rural,
de comprendre certaines logiques qui guident les choix des producteurs
défiant les options techniciennes. D'autre part, elle aiderait à
repenser la place du coton dans la politique agricole du pays afin d'adapter
l'agriculture à son rôle de levier de développement rural
et national.
CHAPITRE II : METHODOLOGIE
|
II.1. Hypothèses
II.1.1.Hypothèse principale
Les opportunités de production et d'écoulement
qu'offre le coton font de celui-ci la première culture de rente du
Burkina Faso. Il est une source indéniable de revenu pour les
producteurs en général et ceux de Diabo en particulier.
Nonobstant une production importante et toujours croissante, le pays semble "
"refuser le développement " (incidence de pauvreté croissante),
du moins le milieu rural, et le département de Diabo ne fait pas
exception. A partir de là, la misère dans laquelle baignent les
cotonculteurs laisse percevoir que le coton, malgré tous ses attributs,
n'est pas un facteur de réduction de la pauvreté.
Ainsi, nous émettons l'hypothèse selon laquelle la
production du coton contribue à accroître la
vulnérabilité du monde paysan diabolais.
II.1.2. Hypothèses secondaires
De cette hypothèse principale découlent des
secondaires qui peuvent s'énoncer comme suit :
? L'enracinement de la production cotonnière menace la
sécurité alimentaire des paysans.
? La production cotonnière constitue un obstacle à
l'épargne sécurité en milieu rural diabolais.
? Le mirage cotonnier est un facteur de déstructuration
familiale.
II.2. Identification et définition des
concepts
est en question »7. C'est dans cette
optique que nous nous proposons de fournir un éclairage par rapport au
sens d'un certain nombre de concepts autour desquels sera bâti le
présent document. Ainsi notre conceptualisation portera sur : la
pauvreté, la paupérisation, la vulnérabilité, le
développement humain durable, la sécurité alimentaire, le
ménage agricole.
Pauvreté
Il n'existe pas de définition consensuelle reconnue du
concept de pauvreté en dépit d'une abondante littérature
sur le sujet. Qu'il s'agisse des courants économistes, des approches
sociales, culturelles ou anthropologiques, ou encore du point de vue des
institutions internationales, la pauvreté n'est jamais définie
par ellemême, mais en fonction d'autres concepts comme ceux du
bien-être, de besoins essentiels, de l'exclusion sociale, ~
Par ailleurs, de façon synthétique, le
PNUD considère que les individus, familles ou groupes
de la population peuvent être considérés en état de
pauvreté quand ils manquent de ressources nécessaires pour
obtenir l'alimentation type, la participation aux activités et avoir les
conditions de vie et de commodités qui sont habituellement ou sont
largement encouragées ou approuvées dans les
sociétés auxquelles ils appartiennent. La pauvreté c'est
aussi la condition dans laquelle se trouve un être humain qui est
privé de manière durable des ressources, des moyens, des choix et
du pouvoir nécessaires pour acquérir et maintenir son autonomie
économique et favoriser son inclusion active dans la
société.
A défaut de trouver une définition de la
pauvreté elle-même, beaucoup d'auteurs l'appréhendent
à partir de ses victimes. Ainsi, « peuvent être
considérés comme pauvres les individus ou les familles dont les
ressources (matérielles, culturelles et sociales) sont si faibles qu'ils
sont exclus des modes de vie minimaux acceptables dans l'Etat membre dans
lequel ils vivent » (A. BEITONE et al, 2002).
La diversité des références dans la
définition de la pauvreté amène à en distinguer
trois types : la pauvreté absolue, la pauvreté relative et
l'ultra pauvreté.
7 DURKHEIM, Emile in LOUBET DEL B.J.L, 1991
· La pauvreté absolue : être
pauvre au sens de la pauvreté absolue, c'est
disposer d'un revenu inférieur à un minimum
conventionnel en deçà duquel l'existence biologique est
menacée. Ce seuil est déterminé à partir d'un
panier de consommation minimal exprimé en unité physique dont on
calcule la valeur monétaire (PNUD, 1998).
· La pauvreté relative : être
pauvre au sens de la pauvreté relative, c'est se trouver en
deçà d'un seuil fixé en fonction du revenu moyen
médian de la population à laquelle on appartient. La
pauvreté est alors appréhendée comme un niveau de
ressource trop faible entraînant l'exclusion de l'individu ou du
ménage des modes de vie minimaux permettant une participation à
la vie sociale (A. BEITONE et al, 2002).
· L'extrême pauvreté : un
ménage se trouve en situation d'ultra pauvreté lorsqu'il n'est
pas en mesure de satisfaire à 80% des besoins calorifiques minimaux
définis par l'OMS et la FAO, et ce même lorsqu'il consacre 80% de
ses revenus à l'achat de produits alimentaires (PNUD,
1998.).
Dans le but d'appréhender la pauvreté et de la
mesurer sur toutes ses dimensions et aussi d'apprécier sa dynamique, des
outils ont été forgés. Au nombre de ceux-ci le seuil,
l'incidence et la profondeur de la pauvreté.
Le seuil de pauvretéIl indique
le niveau en deçà duquel les ressources économiques ne
permettent
pas de satisfaire les besoins minimaux en termes
d'alimentation. Il existe trois méthodes pour mesurer la pauvreté
alimentaire. Les pays en développement qui ont défini des seuils
de pauvreté nationaux utilisent généralement pour cela la
méthode de la mesure alimentaire de la pauvreté.
La méthode de la ration alimentaire consiste à
calculer le coüt d'un budget alimentaire permettant d'acheter des
éléments nutritifs en quantité tout juste suffisante. Si
l'on part de l'hypothèse que le coût des nutriments essentiels
représente le tiers (1/3) de la consommation totale d'un ménage,
le seuil de pauvreté sera fixé à trois fois le niveau du
coût des nutriments (PNUD, 1998).
Au Burkina Faso, le seuil de pauvreté a
été établi à 82.672FCFA par adulte et par an selon
la dernière EBCVM, notamment celle de 2003.
L'incidence de pauvreté
Elle est aussi appelée taux de pauvreté. C'est
une estimation de la proportion des personnes vivant en deçà du
seuil de pauvreté. C'est ainsi que l'on peut dire que, selon l'EBCVM de
2003, l'incidence de pauvreté au Burkina Faso est de 46,4%, ce qui
signifie que 46,4% de la population burkinabé ont moins de 82.672FCFA/an
(INSD, 2003 b).
L'acuité ou profondeur de la
pauvreté
C'est le revenu à ajouter au pauvre moyen pour qu'il
se présente au seuil de la pauvreté. Ce revenu manquant est
généralement rapporté à l'indicateur du seuil de
pauvreté pour l'exprimer en proportion. Ainsi, on peut dire que la
profondeur de la pauvreté au Burkina Faso est de 15,6%
(INSD, 2003b). On l'appelle aussi intensité ou
acuité de la pauvreté.
En plus du fait que l'incidence de la pauvreté est
plus importante en milieu rural, la pauvreté rurale semble se
singulariser par rapport à celle urbaine. En effet, selon le forum
européen sur la coopération sur le développement
rural8, la pauvreté rurale comprend les revenus bas, un
accès inéquitable aux biens de production, des connaissances
insuffisantes en matière d'hygiène et de nutrition, une
dégradation des ressources naturelles ainsi que
vulnérabilité et faible pouvoir politique. Pour notre part, la
pauvreté rurale traduit la situation de dénuement dans laquelle
se trouvent les populations rurales comprenant le bas revenu, l'accès
très limité aux services sociaux de base, ainsi que leur
vulnérabilité socio-économique.
Paupérisation
M. GRAWITZ (1994) définit la
paupérisation comme un processus d'appauvrissement et appelle à
distinguer la paupérisation absolue qui est un abaissement du revenu et
la paupérisation relative d'après laquelle les travailleurs ne
participent pas au progrès économique proportionnellement
à leur travail et à leur
8 Le courrier ACP-UE, n°194 septembre-octobre
2002, Développement rural. Réduction de la pauvreté
rurale : quelles solutions ? pp68-69
nombre. Nous entendons ici par paupérisation, celle
absolue telle que définie par GRAWITZ, autrement dit,
une dégradation continue des conditions d'existence, un appauvrissement
matériel et moral et une augmentation de la
vulnérabilité.
La vulnérabilité
Selon le PNUD, ce terme renvoie à
deux réalités : vis-à-vis de l'intérieur, il
représente le manque de moyen de défense face aux chocs, aux
tensions et aux risques et vis-à-vis du pauvre lui-même,
intérieurement, cette fragilité représente l'absence de
possibilité de faire face à des crises sans dommages
dévastateurs. Pour R. CHAMBERS (1990), la
vulnérabilité correspond à l'incapacité à
faire face aux imprévus, telles que les obligations sociales (dots,
mariages et funérailles), les catastrophes, l'incapacité
physique, les dépenses improductives et l'exploitation. Pour le cas du
Burkina Faso, l'institution qui s'occupe des études sur la
pauvreté (INSD) perçoit la vulnérabilité comme une
notion intimement liée à la cause de la pauvreté. Elle
traduit la non faculté d'un individu ou d'un groupe social à
faire face - à résister - à la survenance d'un
événement générateur de pauvreté, en
l'occurrence la cause. Les causes ordinaires et régulières,
celles que l'on vit au quotidien, ne sont pas toutes à considérer
d'emblée dans le cadre de l'analyse de la vulnérabilité.
Les causes à considérer à ce titre (chocs ou risques) sont
celles qui, par essence, sont ou deviennent une raison majeure
d'appauvrissement accru. En général, de par sa survenance
insolite, elle induit une grande incertitude dans la maîtrise de la
situation jusque-là vécue et également une
célérité dans la détérioration des
conditions de vie et du bien être. (INSD, 2003 c,
p.84).
Développement (humain) durable
La commission mondiale sur l'environnement et le
développement (commission Brundtland), qui consacra la naissance du
concept en 1987, le définit comme un développement qui
répond aux besoins du présent sans compromettre la
capacité des générations futures à répondre
aux leurs. Deux concepts sont inhérents à cette notion : le
concept de besoins et plus particulièrement des besoins essentiels des
plus démunis à qui il convient d'accorder la plus grande
priorité et l'idée de limitation que l'état de nos
techniques et de notre organisation sociale impose sur la capacité
de l'environnement à répondre aux besoins
actuels et à venir (Rapport Brundtland). Vingt-sept (27) principes ont
été reconnus dans la déclaration de RIO sur
l'environnement adoptée en juin 1992 au Sommet de la terre. Ces
principes servent à « guider les actions, les politiques, les
lois et les règlements permettant d'atteindre les trois (3) objectifs
fondamentaux du développement durable, c'est-à-dire maintenir
l'intégrité de l'environnement et l'utilisation durable des
espèces et des écosystèmes, améliorer
l'équité sociale et améliorer l'efficacité
économique » (
www.menv.gouv.qc.ca). Le
concept de développement durable (ou soutenable) a été
institué en opposition au développent
éphémère qui utilise les ressources jusqu'à leur
épuisement.
Le vocabulaire de la forêt définit le
développement durable comme une approche globale de gestion des
ressources naturelles dont le but est de satisfaire les besoins et les
aspirations de l'être humain en veillant à la conservation des
ressources énergétiques, au maintien de la biodiversité et
à la minimisation des effets nuisibles sur l'air, l'eau et le sol et ce,
tant pour le bien-être des générations actuelles que
futures.
Le concept fait actuellement florès dans la
littérature des institutions internationales de développement. Le
défi se résume à comment répondre aux besoins
actuels sans limiter la capacité des générations futures
à satisfaire leurs propres besoins ? Le développement durable
vise l'équité entre les générations et
l'efficacité économique.
Le développement humain durable c'est toute forme de
développement qui a l'homme comme objectif principal mais aussi toute
recherche d'amélioration progressive et durable de la condition de vie
humaine surtout dans les milieux de vie les plus défavorisés
(SANOU, 2001). Tout en souscrivant à cette
dernière conception dans le présent travail, nous entendons par
développement durable une amélioration qualitative des conditions
de vie des populations rurales, une amélioration s'inscrivant dans la
durée et se caractérisant par une augmentation des ressources
matérielles et financières au moyen de stratégies et de
moyens pérennes qui resteront efficaces pour les
générations futures.
Le développement rural est un concept en vogue dans
les projets de développement et dans le lexique des différentes
ONG intervenant dans le monde rural. Il vise à permettre à la
collectivité d'atteindre une viabilité à long terme.
Ainsi, par développement rural, nous entendons toute forme d'action
visant à sortir le
monde rural ou paysan du cercle vicieux de la pauvreté
dans lequel il est maintenu, à réduire sa
vulnérabilité et à créer des conditions de vie
décentes.
Sécurité alimentaire
Le concept à sa naissance en 1974 signifiait le fait
de « disposer à chaque instant d'un niveau adéquat de
produits de base pour satisfaire la progression de la consommation et
atténuer les fluctuations de la production et des prix » (
www.fao.org). Le terme
est ainsi défini parce que le rapport final de la conférence sur
l'alimentation où l'expression a été employée
faisait état d'une augmentation des prix des produits alimentaires et la
résolution était d'encourager l'offre des denrées et de
réguler les stocks. Pour la Banque Mondiale, la sécurité
alimentaire consiste à l'accès à toutes les personnes
à tout moment à suffisamment de nourriture pour mener une vie
active et saine.
Nous nous inscrivons dans cette définition de la FAO
qui, par sécurité alimentaire, entend que la nourriture est
disponible en tout tant, que toutes les personnes ont les moyens d'y
accéder, que d'un point de vue nutritionnel, cette nourriture est
adéquate en terme de quantité et de variété, et
qu'elle est bien acceptée au sein d'une culture donnée.
Ménage agricole
Selon le service des Statistiques Agricoles de la Direction
des Etudes et de la Planification (DEP) du Ministère de
l'agriculture, de l'hydraulique et des ressources halieutiques, le
ménage agricole correspond concrètement au groupe
constitué par l'ensemble des personnes vivant, produisant et consommant
ensemble, qu'elles soient ou non unies par un lien de parenté. Mais ce
concept de "ménage agricole" renvoie scrupuleusement à la
définition synthétique que l'INSD donne au "ménage
ordinaire", à savoir « l'unité socio-économique
de base au sein de laquelle les différents membres sont
apparentés ou non. Ils vivent ensemble dans la même maison ou
concession, mettent en commun leurs ressources et satisfont en commun à
l'essentiel de leurs besoins alimentaires et autres besoins vitaux »
(INSD, 2006, pp.11-12). Une telle unité peut constituer
un ménage agricole (cas de famille
restreinte), elle peut aussi être un sous-multiple du
ménage agricole (cas d'une famille étendue, le ménage
agricole comprenant alors plusieurs ménages démographiques).
Dans le présent travail, nous entendons par
"ménage agricole " (ou ménage tout court), l'ensemble des
individus constituant une unité de production et de consommation.
II.3. Variables et indicateurs
II.3.1. Variables
indépendantes
Comme variables indépendantes, nous retiendrons celles
suivantes susceptibles d'expliquer certains comportements ou variations :
> L'age : l'age du chef de ménage agricole ou
de l'unité de production influe sur les priorités dans la gestion
du revenu de la production
> Le sexe : selon que le chef de ménage est
homme ou femme, la production
varie en quantité ainsi les allocations des
dépenses aux différents postes.
> Le statut social : être aîné
ou cadet (dépendant) et à la tête de l'unité de
production est déterminant dans la gestion du revenu du
coton.
> Le statut matrimonial : selon que l'on est
célibataire, monogame ou polygame, la problématique de la
sécurité alimentaire se pose différemment ainsi que la
superficie de l'exploitation.
> Le nombre de dépendants : cette variable
permet de saisir le nombre de personnes à la charge du chef de
ménage, ce qui est déterminant dans l'accès aux services
sociaux de base et à la sécurité alimentaire.
> Le nombre d'actifs : cette variable
détermine la quantité produite ainsi que la superficie
exploitée et témoigne aussi des relations intra familiale en
cours dans le ménage.
> Le niveau d'instruction : être
alphabétisé, analphabète ou scolarisé
détermine la réceptivité aux innovations, au suivi des
prescriptions dans l'utilisation des intrants et le choix du coton produit.
II.3.2- Variables dépendantes
A ce niveau, nous retiendrons celles suivantes :
> La production : il s'agit
d'appréhender les différents éléments qui entrent
en ligne de compte dans le processus dont l'aboutissement est l'obtention du
coton qui fera l'objet de paiement par la société. De cette
variable, on peut retenir les dimensions et indicateurs suivants :
· La superficie mesurée par le nombre
d'hectares exploitée aussi bien en coton qu'en produits vivriers.
· La période de semis en
référence au mois de l'année découpé en
trois décades.
· La technique culturale déterminée
par le labour, le scarifiage ou l'ensemencement direct.
· La nature des fertilisants mesurée par sa
composition en engrais chimiques (NPK, urée) ou organique (fumure)
· La quantité de fertilisants
mesurée par la proportion en engrais chimique ou en engrais
organique.
· Le nombre de traitement en
référence au nombre d'épandage des produits
phytosanitaires.
· La quantité de produit mesurée par
le nombre de litres d'insecticide utilisés.
· Les moyens de production
déterminés par l'usage de la daba, la charrue ou le tracteur.
· Le temps de travail mesuré par le nombre
d'heures passé sur la parcelle par jour et le nombre de jours.
· La quantité de production mesurée
par le nombre de kilogrammes produit.
· La qualité de production mesurée
par le classement au premier, deuxième ou troisième choix.
> Les dépenses : il
s'agit de noter les différents postes auxquels les ménages
affectent leurs dépenses. Seront retenus les dimensions et indicateurs
qui suivent :
· L'alimentation mesurée par la
quantité de vivre achetée ou le
montant de la somme utilisée à cet effet.
· L'investissement déterminé par les
réalisations pérennes entreprises ou l'acquisition de biens
durables.
· Les besoins sociaux mesurés par les
coûts des rituels sociaux comme les mariages, les funérailles, les
décès, ~
· L'épargne mesurée par les
allocations en guise de placement
· La santé mesurée par le montant de
la somme utilisée pour des soins de santé.
· L'éducation mesurée par le montant
de la somme allouée à l'instruction des enfants.
> Sécurité alimentaire
: il s'agit de mesurer la capacité du producteur à
subvenir en quantité et en qualité à ses besoins
céréaliers annuels. Nous retiendrons les dimensions et
indicateurs suivants :
· Couverture des besoins mesurée à
travers le nombre de mois couverts par la production
· Variété de la production
mesurée par la diversité des produits céréaliers
· Apport extérieur mesuré par la
quantité et la nature des produits acquis hors de sa production.
> Epargne sécurité
: par cette variable, nous pouvons percevoir les
stratégies mises en oeuvre par les paysans pour se parer à
d'éventuels risques ou chocs. Ainsi seront retenus les dimensions et
indicateurs suivants :
· Réalisations pérennes
mesurées par le montant consacré à l'acquisition de biens
pérennes.
· Epargne monétaire : mesuré par le
montant de la somme épargnée.
· Quantité de bétail acquise
mesurée par le nombre de tête de bétail acheté.
· Quantité de bétail
libérée mesuré par la quantité de
bétail vendue.
> Cohésion sociale : il
s'agit d'appréhender l'organisation et le
fonctionnement de la famille à travers les dimensions
suivantes :
· Taille de la famille
· Composition de l'unité de production
· Composition de l'unité de consommation
II.4- Population mère
L'étude s'applique au milieu rural diabolais. La
population mère est donc constituée de tous les paysans du
département (ou de la commune rurale). Le recensement
général de la population et de l'habitat de 2006 dénombre
43357 habitants. Ce qui est important de noter, c'est qu'à
l'opposé de la production vivrière qui est individuelle, la
culture cotonnière est conditionnée par l'appartenance à
un groupement de producteur de coton (GPC), condition sine qua non pour
accéder aux intrants et aux prestations du personnel technique
chargé de l'accompagnement du producteur. Cette appartenance conditionne
aussi la possibilité d'écoulement de la production sur le
marché ad hoc. Ces GPC, formés alors selon les réseaux
relationnels et d'affinité des producteurs, ne respectent pas
nécessairement les limites des villages. On dénombre au total 62
GPC ayant effectivement pris part à la production cotonnière lors
de la campagne 2006/2007 (notre campagne de référence) pour tout
le département. Les producteurs peuvent être regroupés en
deux (02) catégories : les grands producteurs, encore appelés
bons producteurs qui réalisent des bilans excédentaires et une
bonne marge de bénéfice à l'issue de chaque campagne
agricole et les petits producteurs qui alternent des campagnes
déficitaires et excédentaires avec une faible marge de
bénéfice.
II.5- Echantillonnage et échantillon
L'étude, rappelons- le, s'applique aux paysans du
département de Diabo, plus précisément les producteurs de
coton. Pour la formation de notre échantillon, la méthode
adoptée est celle du choix raisonné de manière à
conférer à notre échantillon une
représentativité catégorielle qui ne soit pas le fruit du
seul hasard. Les personnes considérées sont les chefs de l'UP du
ménage agricole. Notons que la perspective étant qualitative, la
représentativité de l'échantillon tient moins du
volume statistique de celui-ci que du respect de
l'hétérogénéité et de la diversité de
la composition du corps social. Ainsi, aucun nombre n'a été
fixé à l'avance comme taille de l'échantillon ; ce dernier
qui se veut raisonné est acquis à la faveur du double principe de
la diversité maximale et de la saturation maximale. Car comme nous
l'enseigne Claude JAVEAU (1997) dans sa leçon 116,
« le problème de la représentativité
peut-être résolu dans certains cas en recourant à la
technique de la saturation qui consiste à arréter le processus
d'entretien dès que le chercheur, de manière subjective, estime
que sur un problème donné, il n'a plus rien à apprendre de
nouveau d'un interlocuteur supplémentaire. Au bout d'un certain temps,
en effet, tout se passe comme si un éclairage nouveau n'était
plus possible au sein du méme groupe de personnes sollicitées
» (p.99).
S'inscrivant dans ce principe, notre enquête de
terrain a concerné :
· dix-huit (18) grands producteurs à travers deux
(2) entretiens collectifs de cinq (5) personnes chacun et huit (8) entretiens
individuels ;
· quatorze (14) petits producteurs à travers un
entretien collectif de quatre (4) personnes et dix (10) entretiens
individuels.
Soit un échantillon de trente --deux (32) producteurs.
Dans le but de mieux appréhender la part du coton dans
les situations observées, nous avons fait appel à une population
témoin. Ce volet a touché douze (12) personnes dont trois (3)
anciens producteurs, six (6) qui n'ont jamais produit du coton (dont 2 pasteurs
peulhs) et 3 dépendants notamment 2 femmes et 1 adolescent.
En résumé, notre enquête de terrain a
concerné :
population cible : 32 personnes ;
population témoin : 12 personnes ;
Soit un total de 44 enquêtés.
II.6- Méthode et technique de collecte et d'analyse
des données
Pour la collecte des données, nous avons exploité
plusieurs sources. Les outils retenus sont :
ouvrages méthodologiques aux ouvrages
spécifiques en passant par des ouvrages généraux et autres
articles de presse, nous avons essayé de mieux appréhender notre
objet de recherche, l'angle sous lequel il convient de l'aborder par rapport
aux travaux déjà existants sur la question, et pour affiner notre
analyse.
L'entretien : au regard du fait que
nous cherchions à comprendre des logiques de comportement, il nous a
paru judicieux de permettre aux enquetés de s'exprimer le plus librement
possible sur un certain nombre de thèmes. C'est ainsi que nous avons
retenu l'entretien de type semi-directif comme outil d'enquete. Un guide
d'entretien a donc été élaboré à cet effet
(cf. annexes) en fonction des différentes catégories retenues
dans l'échantillon.
L'observation : comme nous
l'enseigne ARNAUD P. (1969) « l'observation des faits
est la seule base solide des connaissances humaines. (...) Envisageant toujours
les faits sociaux non comme des sujets d'admiration ou de critique, mais comme
des sujets d'observation, elle (la science sociale) s'occupe uniquement
d'établir leurs relations mutuelles »9.
L'observation nous a permis de confronter les déclarations des
enquetés à leurs pratiques réelles, toute chose qui nous a
permis d'affiner notre analyse.
La technique d'analyse adoptée est celle de l'analyse
de contenu thématique des entretiens. Nous avons procédé
à un traitement manuel des données empiriques à travers
une lecture systématique et répétée des entretiens
pour dégager les thèmes centraux et récurrents
regroupés selon une convergence de sens. Ce qui nous a permis de
dégager un plan définitif d'analyse.
C'est dans une perspective compréhensive, celle de la
sociologie Wébérienne, que sont analysées les
données recueillies. Rappelons que pour M. WEBER et
ses
disciples, comprendre ("verstehen"), «c'est
saisir de la manière la plus objective quisoit, et en les
rapportant aux causes les plus vraisemblables de leur production,
les relations significatives que les individus établissent, en tant
qu'acteurs sociaux, entre leurs conditions d'existence et les actions qu'ils
accomplissent, en vue de réaliser les
9 Cité par GRAWITZ Madeleine, 1974, p.76
fins qui leur apparaissent plus ou moins clairement
» (C. JAVEAU, 1997, p.74). Dans la sociologie
wébérienne, nous rappelle M. LALLEMENT (1993),
le complément logique et nécessaire à la démarche
compréhensive est l'analyse causale. En effet,
«restituer le sens immanent à une action ne saurait
suffire, il est important de mettre à jour les enchaînements entre
les phénomènes. Expliquer consiste alors à percevoir
l'effet d'une action A sur une action B, à lier les actions causales par
des chaînes de causalité » (p.190). Cela va nous
conduire donc à établir des relations de causalité entre
les différentes actions, c'est-à-dire, rattacher chaque
phénomène à sa cause ou chaque cause à ses effets
induits conformément à la définition de l'explication
sociologique de DURKHEIM (E. DURKHEIM, 1999, p.124).
II.7- Difficultés rencontrées
Nos enquetes de terrain se sont déroulées du
mois de juillet au mois d'aoüt 2007, précisément du 06
juillet au 21 aoüt. Au regard de l'enracinement tardif de la campagne
agricole cette année, une des principales difficultés fut la
disponibilité des enquetés, occupés dans les travaux
champêtres. Ce relatif manque de temps s'est traduit par une moindre
loquacité de certains enquêtés et la difficulté de
rencontrer d`autres dont le point de vue sur la question nous semblait
important. L'autre principale difficulté fut l'impossibilité
d'avoir des données au sein de la société SOCOMA pour des
problèmes de calendrier (de l'hôte) malgré de nombreux
passages et la fourniture d'une lettre de recommandation comme exigée. A
côté de ces difficultés centrales, il y a la frustration de
certains producteurs suspendus expressément par la SOCOMA et la
sensibilité du thème à certains niveaux, notamment dans
les GPC (ou chez les producteurs) tombés en impayé et en pleine
tractation au moment de notre séjour, une population pas très
habituée aux enquêtes et habitée par quelques craintes,
surtout du fait de la solution policière qui était en train de se
dessiner pour le recouvrement des impayés. A ce niveau, la
difficulté majeure fut l'enregistrement des débats et des
entretiens, les enquetés exigeant la suspension de l'enregistrement lors
de certaines révélations. Il y a également notre
appartenance à ce groupe social, ce qui nous a valu des réponses
du genre « tu n'as pas besoin qu'on te dise la suite », ou
encore « toi-même tu sais comment ça se passe »
à certaines demandes d'explications jugées évidentes.
Toutes ces insuffisances ont eu des répercussions sur
l'étude du moment où nous n'avons pas pu vérifier
certaines déclarations de certains enquetés, toute chose qui nous
aurait permis de tirer des conclusions plus exhaustives. L'impossibilité
d'obtenir des données chiffrées auprès de la SOCOMA a
limité notre analyse statistique, nous privant d'une possibilité
d'approche longitudinale, notre analyse s'appuyant presqu'uniquement sur les
données des actuels techniciens du coton du département.
CHAPITRE III : PRESENTATION DU MILIEU D'ETUDE
La présente étude a pour terrain le
département de Diabo. C'est un ensemble de 63 villages qui vient
d'accéder au statut de commune rurale avec les élections
municipales du dimanche 23 avril 2006 à la faveur de la politique de
communalisation intégrale du territoire burkinabé (cf. carte p.
38). Les données que nous fournissons dans le présent chapitre
proviennent essentiellement de " la monographie de la commune rurale de
Diabo en 2005 " réalisée par la DRED.
III.1. Généralités
Le Burkina Faso compte trois zones climatiques. La situation
géographique de notre zone d'étude permet de saisir le type de
climat qui y prévaut de même que l'organisation administrative
nous renseigne sur son statut administratif.
III.1.1. Situation géographique
Suivant la division administrative du pays, Diabo est un
département de la province du Gourma (chef-lieu Fada N'Gourma) qui est
elle-même située dans la région de l'Est qui a pour chef-
lieu Fada. Diabo est situé à l'Ouest de la province (Cf. carte
page suivante). D'un point de vue décentralisé, il est l'une des
301 communes rurales qui ont vu le jour à l'issue de la communalisation
intégrale du pays. Il couvre une superficie de 656 km2 et est
limitée :
au Nord et Nord-Est par les communes rurales de Tibga et
Diapangou (province du Gourma)
à l'Est par la commune rurale de Fada (province du
Gourma)
à l'Ouest et au Sud-Ouest par les communes rurales de
Bissiga (province du Boulgou) et de Gounghin (province du Kouritenga),
au Sud par la commune urbaine de Comin Yanga (province du
Koulpélogo). Diabo, le chef lieu du département, se trouve
à 50 Km de Fada N'Gourma, chef lieu de la région de l'Est et
à 210 Km de Ouagadougou, capitale du Burkina Faso. Avec une
densité de 66,1 habitants au km2, la commune rurale de Diabo
reste la commune la plus peuplée de la province du Gourma après
celle de Fada. Le chef-
lieu Diabo est à 20 Km de la route nationale n°4
(Ouagadougou-Fada N'Gourma- frontière du Niger).
![](Production-cotonniere-et-developpement-rural-au-Burkina-Faso-controverses-et-realite-Cas-du-d1.png)
810000
|
DEPARTEMENT DE DIABO : CARTE
ADMINISTRATIVE
|
840000
N
|
|
|
|
|
|
Tibga
![](Production-cotonniere-et-developpement-rural-au-Burkina-Faso-controverses-et-realite-Cas-du-d3.png)
Diapangou
810000
825000
340000
Yarcetenga
Nabi -Raogo
Lanti
Tensouka
Tiabtamassogo Tiabga
Za m se Ninteng:.
Lantaono aLantaogo-Tamass
_
Sanewabo-Yarce Sabioken Yante
Pikoinse sZecca
Pohemtenga
Pissalbore
· IViocommtore
SiimiterlYa
Benkok
Bowl seiga
.Boudierghin
Tanlane. Lorgo
Pitenga Daboadin
.
·
· · Tangpiekm
Kandaga
· OilaVOUSSe
Dazo
· uri ·
.Sanewabo Bolgatenga
Boulyoghin
Pizonguin
· Diapangou-Peulh Piga
·
Gounghin
Yanwega
'Saatenga
'Kamona
Kabga
ZieIla
Echelle 1/200000
0 20 40Km
Zinknabbin
ornbembog
Zanre
III.1.2- Organisation administrative
C'est en 1964 que le territoire diabolais fut
érigé en poste administratif. Vingt (20) ans après, dans
le cadre du découpage du territoire national en 30
provinces10 intervenu en 1984, la province du Gourma a
été créée, avec Fada N'Gourma comme chef-lieu. Dans
le cadre de cette réorganisation du territoire, Diabo fut
érigé en département de la province du Gourma par une
ordonnance du 15 août 1984. Avec l'adoption du code général
des collectivités territoriales en décembre 2004, le
département de Diabo est érigé en commune rurale, qui
regroupe un ensemble de 63 villages administratifs dont Diabo avec cinq (5)
hameaux de culture.
III.2. Aspects physiques et naturels
Le rendement ou la productivité des différentes
variétés produites sont fortement tributaires des conditions
physiques et naturelles auxquelles elles sont soumises.
III.2.1. Le relief et le climat III.2.1.1.
Le relief
Le département de Diabo fait partie d'une vaste
pénéplaine qui occupe toute la partie centrale du Burkina. D'une
altitude moyenne variant entre 300 et 320 m, elle est relativement peu
accidentée, avec par endroits des affleurements de roches granitiques et
de buttes cuirassées. Cette pénéplaine est faiblement
entaillée par les lits des cours d'eau qui la parcourent.
III.2.1.2.Le climat
De par sa position géographique, le département de
Diabo se situe dans la zone climatique nord soudanienne, qui se
caractérise par deux saisons :
· une saison pluvieuse qui se manifeste
généralement de mai à octobre avec la remontée de
la mousson (vent chaud et humide d'origine océanique),
10 Ordonnance N° 84-003/CNR/PRES
· et une saison sèche de 6 mois
également ; il dure de novembre à avril avec la
prédominance de l'harmattan qui est un vent sec et poussiéreux
venant du Sahara.
D'une façon générale, la
pluviométrie du département est relativement importante avec une
moyenne de 800,14 mm d'eau et 48 jours de pluie, relevé au cours du
quinquennat 2000-2005. Les extrêmes varient entre 600 mm et 1000 mm/an.
Les ressources en eau dans le département sont importantes avec au moins
dix (10) barrages et six (6) retenues d'eau aménagés.
III.2.2. Les sols et la végétation
III.2.2.1- Les sols
Dans le département de Diabo, on distingue plusieurs types
de sols dont :
· les sols argilo-sableux qui résultent de
l'altération des roches granitiques. Ce sont des sols assez
légers, parsemés de blocs de granites. Ils restent dominants dans
les villages de Seiga, Zonatenga, Benkoko, DiapangouPeulh. Ces sols se
prêtent à l'agriculture (riz, coton, arachide, sorgho) et aux
activités pastorales.
· Les sols gravillonnaires, moins riches, se rencontrant
surtout sur les pentes. Leur valeur agronomique est assez faible. Toutefois,
ils sont exploités pour la culture du sorgho, des arachides et du
niébé.
· Les sols argileux, très peu répandus,
ils se rencontrent le long des cours d'eau où ils se prêtent
à la culture du riz, manioc, patate douce, à la culture
maraîchère. On les rencontre surtout dans les villages de Lorgo,
Yanméga, Sanwabo, Zing-naben.
· Les sols sablo-gravillionnaires, également
exploités pour la culture du sorgho, des arachides et du
niébé. On les rencontre surtout dans les villages de
Yanméga, Zecca.
Dans leur ensemble, ces sols sont assez dégradés
du fait de la pression foncière et des systèmes d'exploitation
extensifs, sans amendement conséquent des terres.
III.2.2.2- La végétation
Le couvert végétal présente des
formations naturelles de type savane arbustive à savane arborée
à dominance d'espèces utilitaires telles que le
néré, le karité, le résinier, et le tamarinier. Au
niveau des formations naturelles, il existe de petites réserves
forestières dans les villages de Saatenga et Zecca où elles
atteignent 10 ha, et dans le village de Combémbogo. Quelques vergers de
manguiers sont disséminés à travers les villages, surtout
le long des cours d'eau. On note également quelques bosquets
d'eucalyptus, de neem dans quelques villages. Ces plantations sont
réalisées sur de petites superficies de moins de 10 ha.
Le tapis herbacé est essentiellement fait de Penicetum
pedicelatum, et Anthropogon gayanus qui forment des touffes discontinues. La
végétation de la zone du département de Diabo reste peu
abondante et est fortement entamée par les activités
agropastorales.
III.3. Aspects humains
Le sol diabolais est peuplé de Zaossé (zaoga au
singulier) dans sa grande majorité et dans une faible mesure de
Peulh.
III.3.1- Esquisse historique des trajectoires du
peuplement
Le département de Diabo constitue une zone tampon
entre le plateau mossi à l'Ouest, le pays gourmantché à
l'Est et le pays bissa au Sud. Le peuplement de la zone a été
influencé par cette position géographique à l'interface de
trois peuples traditionnels. Plusieurs flux de populations ont abouti à
la création de cette entité. Ces différents flux anciens
de peuplement ont souvent été motivés par des divergences
politiques au niveau des villages d'origine.
Les éléments d'historiques des villages anciens
fournissent donc des informations spécifiques qui retracent les vagues
d'immigration sur l'ère diabolaise.
Le village de Diabo, qui compte actuellement 9 quartiers
répartis en 5 secteurs, aurait été peuplé par des
populations venues de Ouagadougou, Kaya, Koupéla et du Gobnangou. Diabo
signifierait en langue Gourmatchéma «le pays des hommes
courageux qui refusent toute forme de vidage».
Le village de Zonatenga au sud --ouest, qui compte
actuellement 6 quartiers, aurait été peuplé par une
population venue de Boussan Lorgo, à l'Ouest de Tenkodogo, sous la
conduite d'un certain Moyenga Kambado.
Le village de Saatenga au sud, qui compte actuellement 9
quartiers, aurait été fondé par le fils d'un certain
Trewendé venu de Tenkodogo. Il aurait trouvé le lignage
Yougbaré, originaire de Koulpissi qui était les premiers
occupants du terroir. La chefferie serait restée entre les mains du
lignage Zoetyenga.
Le village peulh de Boulyoghin au sud, qui compte actuellement
3 quartiers, aurait été fondé par Moussa Boly qui serait
arrivé de Rambo (Yatenga) à la recherche de pâturage.
Partant des éléments d'historiques ci-dessus,
il ressort une grande diversité de provenance des habitants du
département de Diabo. Le mouvement de peuplement s'est donc
effectué à travers plusieurs vagues. L'état actuel des
connaissances ne permet pas d'être formel sur la chronologie de
l'occupation spatiale du département. Mais selon le pouvoir traditionnel
central, les premiers occupants furent les MOYENGA qui fondèrent par la
suite Zonatenga (la terre du Chef des Zaossé ou la capitale des
Zaossé). Ce sont eux qui auraient accueilli et installé dans leur
quartier actuel les YONI qui incarnent aujourd'hui l'autorité la plus
importante du terroir.
III.3.2. Caractéristiques
démographiques
Selon les résultats provisoires du recensement
général de la population et de l'habitation de 2006, la
population de l'ensemble du département de Diabo est de 43357 habitants
repartis en 7 238 ménages, dont 19 969 hommes et 23 388 femmes soit
respectivement 54% de femmes et 46% d'hommes environ. Dans le
département, le rapport est de 85 hommes pour 100 femmes. Le
département s'étend sur 656 km2 avec une
densité de 66,1 habitants au km2.
III.4. 1 'aJLR fSa/'RLali/Pe
III.4.1. Les activités
agricoles
L'agriculture est la principale activité qui assure
des emplois et des revenus à la majeure partie de la population du
département de Diabo. Le système de production agricole est
caractérisé par deux facteurs essentiels : d'une part le statut
des droits fonciers traditionnels qui déterminent les attributions des
terres, l'accès à la terre, et d'autre part la notion de
subsistance. En effet le système foncier repose sur une base
lignagère. Le droit d'exploitation des terres se transmet de père
en fils sous la supervision du lignage. Sur ces espaces, aucun autre ne peut
accéder à la terre que seulement par emprunt. Les superficies
emblavées annuellement sont estimées à 36 500 ha environ.
Ces superficies sont réparties en petites exploitations familiales de 3
à 5 ha en moyenne. Mais ces superficies ne sont que de simples
estimations au regard du fait que la production vivrière ne
bénéficie pratiquement pas d'encadrement. Cette activité
demeure encore une agriculture de subsistance de type pluvial, largement
tributaire des aléas climatiques. Elle est basée sur les
céréales vivrières qui constituent plus de 80% des
productions. Les productions de rente sont drainées par le coton qui,
cultivé par quelques 2400 exploitants en 2006/2007 regroupés au
sein de 62 GPC, a occupé pourtant 2500 ha.
Le mode de production agricole dominant est la production
extensive ; même pour le coton malgré l'incitation à
l'intensification par la dotation en engrais. On note néanmoins une
intégration progressive des nouvelles techniques et technologies de
production : culture attelée, utilisation de semences
améliorées,... En dépit de cela, le niveau technologique
reste très faible. La daba constitue encore le principal moyen de cette
production.
En saison pluvieuse, tous les actifs travaillent
prioritairement dans le champ collectif où le choix des cultures est
généralement guidé par le souci de la subsistance sous
l'initiative du chef de ménage. Dans les champs individuels, c'est le
souci monétaire qui détermine le choix des productions. La
participation des femmes est aussi importante que celle des hommes. La campagne
débute vers mai --juin selon l'arrivée des pluies.
Les principales spéculations vivrières
demeurent le sorgho rouge et le mil. Le maïs, le riz, le
niébé et la patate sont relativement bien produits. Les
rendements des
différentes cultures varient selon les saisons. Le riz
et le maïs présentent les meilleurs rendements.
Les productions de rente sont destinées
essentiellement à la vente. Elles procurent annuellement des revenus
importants aux producteurs. Pour la campagne 2004-2005, ces revenus sont
estimés à plus de 246.000.000 de FCFA dans le Département
de Diabo. Elles sont constituées majoritairement de coton. Signalons
qu'à la faveur de la libéralisation du secteur coton
entamée par l'Etat en 2004, le lot B de la SOFITEX qui représente
la zone cotonnière de l'Est et tous ses actifs sont passés sous
la coupe de la société DAGRIS S.A, qui n'est rien d'autre que
l'ancienne CFDT. Le conseil des ministres en sa séance du mercredi 12
mai 2004 l'a déclarée provisoirement adjudicataire et la
signature d'un chèque de onze milliards cent cinquante millions (11 150
000 000) de francs CFA libellé au nom de la SOFITEX a fini de sceller
l'adjudication. Cette zone porte désormais le nom de zone SOCOMA
(Société Cotonnière du Gourma). Siège social : BP
265 Fada N'Gourma- Burkina Faso, S.A au capital de 6 000 000 000 F- RC : OUA
2004 B 2307- IFU 72 409 647 P- Division fiscale du Gourma- Régime du
Réel Normal.
III.4.2. Le pastoralisme
Le pastoralisme constitue le deuxième secteur
économique du département. L'élevage remplit plusieurs
fonctions dans la vie socioéconomique des paysans diabolais. Il est
d'une part facteur de fertilisation du sol surtout les parcelles
affectées au maïs. La participation des animaux à la
préparation et à l'entretien des parcelles en culture apporte un
peu de soulagement aux paysans. D'autre part, il constitue une sorte
"d'assurance vie" pour ces ruraux soumis aux incertitudes de la nature.
En 2005 la taille des éleveurs est estimée
à 8 375 personnes et le nombre de ménage d'éleveurs
à 4 679. Selon ces données, environ 10% de la population totale
pratiquerait l'élevage. Cependant les échanges avec les
populations font ressortir un nombre plus important de personnes pratiquant
l'élevage à des échelles différentes (gros ou
petits producteurs).
Deux modes d'élevage coexistent au niveau du
département de Diabo: le système traditionnel dominant et le
système amélioré. Le système traditionnel ou
extensif d'élevage est caractérisé par une faible
utilisation d'intrants ; pas de sous
produits agro-industriels, pas de vaccination ou seulement
pour une partie des bovins en cas de maladies déclarées. Ce
système qui dépend surtout des ressources naturelles est
confronté à plusieurs contraintes dont la compétition avec
une agriculture également extensive consommatrice d'espace. Chaque
année les parcours utilisables par le bétail se restreignent ce
qui complique les déplacements du bétail ; avec comme
conséquence un risque permanent de conflits entre agriculteurs et
éleveurs. La réduction des espaces de pâture et
l'insuffisance en points d'eau conduisent chaque année les gros
producteurs en transhumance de plusieurs mois vers Comin-yanga, le Togo et la
Côte d'Ivoire. Le système amélioré concerne
l'embouche intensive et semi intensive bovine et ovine
caractérisée par des investissements plus conséquents en
intrants et en temps de travail (fauche et conservation de résidus des
cultures...) ; ce qui permet d'obtenir une productivité plus importante.
Ce système permet également de réduire les conflits entre
agriculteurs et éleveurs et entre bergers et propriétaires
d'animaux. Cette activité est encore marginale, voire insignifiante
quand on la rapporte à la pratique extensive. Le faible niveau de
vaccination expose en permanence le cheptel à différentes
pathologies.
CHAPITRE IV : PRODUCTION DU COTON ET PRODUCTION
CEREALIERE
Une caractéristique essentielle de la pratique
agricole des paysans du département de Diabo est l'association
culturale. Sur une même parcelle, on trouve une pluralité
d'espèces ou de variétés culturales qui s'inscrivent
chacune dans un calendrier cultural bien défini. Ainsi, on pourrait se
demander comment le paysan qui les pratique à la fois arrive-t-il
à faire face aux exigences de cette diversification.
IV. 1. La gestion du calendrier cultural
Le paysage champêtre diabolais présente deux
(02) types de cultures : les plantes vivrières et celles commerciales ou
de rente. Au titre des cultures de rente, nous nous focaliserons sur le coton
qui constitue l'objet de ce travail.
IV.1.1. Le calendrier cotonnier
La campagne de production cotonnière s'inscrit dans un
cadre rigide qui conditionne sa réussite. C'est dire donc que le coton,
en tant que culture de rente, mobilise un encadrement technique du fait des
gros enjeux financiers que cette production soulève. Ainsi, il est
clairement codifié que pour « le démarrage de la
campagne les semis doivent être réalisés entre le 20 mai et
le 20 juin. Plus tôt, ils risquent de voir leur levée et leur
départ compromis et qu'en fin de campagne, leurs capsules s'ouvrent sous
la pluie. Plus tard, leur départ risque de subir des excès d'eau
et leur fin de cycle manquer d'eau à la suite de l'arrêt des
pluies » (INERA : Programme coton. Fiche coton n°3). Dans un cas
comme dans l'autre, la production s'en trouve négativement
affectée et les gros crédits contractés ne laissent pas de
choix aux producteurs. Aussi, ces semis doivent-ils impérativement avoir
lieu sur un sol propre, suffisamment ameubli et récemment affiné
en surface ou encore sur un sol suffisamment humide mais sans excès
d'eau. Ce sont là les recommandations du programme coton. Tous ces
impératifs constituent des conditions sine qua non d'une campagne
agricole réussie et le Correspondant Coton (CC) et ses Agents
Techniques Coton (ATC) veillent à l'application de
cette prescription. Une séance de fertilisation précède
ces opérations de préparation de sol et de semis. Mais ces
apports en fumier et autres terres de parc ne sont pas toujours effectifs chez
les producteurs diabolais qui se contentent d'un simple défrichage.
Après les semis à proprement parler, les resemis ou les
remplacements interviennent à partir du 10e jour dans le but
de corriger la densité du champ. C'est donc la dernière chance
pour avoir une densité correcte, et faits trop tard ils ne
réussissent pas. La phase d'entretien débute exactement
après cette séance de remplacement. La première
opération est le démariage11 qui doit être
terminé 20 jours après la levée. Après le
démariage, il faut recourir au binage même en l'absence d'herbe.
Le nombre de fois est dicté par la capacité du producteur. Puis
suivent les sarclages, d'abord manuel et attelé par la suite. C'est
aussi une opération décisive car tout sarclage tardif se traduit
par un irrémédiable effet dépressif sur le cotonnier.
Enfin interviennent les buttages.
Il faut garder à présent l'esprit que toutes
ces opérations ne sont pas aussi superposées comme ici
présentées. C'est ainsi qu'une seconde séance de
fertilisation commence avec l'apport de l'engrais NPK entre le 10e
et le 20e jour et celui de l'urée entre le 35e et
le 45e jour. Les opérations de traitement sont aussi
présentes à tous les niveaux de la production. En effet, comme
l'indique le Programme coton, guide des encadreurs, le cotonnier est une plante
très parasitée. Tous les efforts et toutes les dépenses
des producteurs seront perdus si les traitements (insecticides) ne sont pas
parfaitement exécutés. Ainsi, il est impératif que le
premier traitement intervienne dès le 50e jour, et à
partir de ce premier traitement, répéter l'exercice toutes les
deux (02) semaines. Outre ce chronogramme, il faut envisager des séances
de reprise en cas de survenance d'une pluie dans les douze (12) heures suivant
le traitement.
Les récoltes commencent donc au 5e mois
après les semis, c'est-à-dire à la fin de la phase
d'entretien. Selon le programme coton de l'INERA, le premier passage de
récolte a lieu vers le 130e jour (correspondant au mois
d'octobre), c'est-à-dire période où 50% du coton est bien
ouvert. Le second passage quant à lui a lieu vers le 30e jour
après, donc vers le 160e jour du cycle (correspondant au mois
de novembre), âge auquel, sauf cas exceptionnel, tout le coton est
ouvert. La récolte du
coton est une opération minutieuse car c'est elle qui
définit la qualité du coton à livrer sur le marché.
Ainsi, « il faut trier à chaque fois au fur et à mesure
de la récolte sur pied le coton parfaitement propre (première
qualité à coup sûr) du coton jaune ou gris (2e
qualité) ; faire systématiquement sécher sur des claies
qui isolent du sol et installer le coton récolté sur des nattes
tant au champ que chez le producteur ou au marché. Le producteur ne doit
pas se donner l'occasion d'avoir à ramasser du coton par terre (ce qui
implique un nettoyage qui ne sera jamais parfait) » (INERA :
Programme coton. Fiche coton n°7). C'est seulement au bout du
sixième (6e) mois (vers le 181e jour correspondant
au mois de décembre) que le producteur est à mesure de livrer son
coton sur le marché.
Cet agencement constitue la grille d'observation des champs
de coton par les agents d'encadrement qui prescrivent ces opérations en
temps opportun. Les techniciens veillent à l'application stricte de ce
canevas, et les producteurs déclarent le suivre autant que faire se peut
car, disent-ils, ils n'ont pas trop le choix.
Alors que concurremment, le producteur doit s'employer sur des
parcelles vivrières généralement plus vastes encore.
IV.1.2. Le calendrier vivrier
Si la production cotonnière obéit à une
codification officielle, le démarrage de celle vivrière est
individuel et certains rituels suivant les groupes sociaux sonnent le
début de la campagne. Il faut noter que les
céréaliculteurs ne se donnent aucun impératif mais se
guident seulement de l'avènement des premières pluies. A l'entame
de la saison hivernale, les paysans Diabolais commencent par apporter aux
terrains à exploiter de la fumure et autres ordures provenant des
poubelles. Ce sont notamment les champs de maison qui bénéficient
de ces apports. A cela s'ajoute le fumage des champs par les animaux, le gros
bétail notamment. La migration saisonnière étant
très développée dans cette zone du fait de
l'éloignement des champs, les champs de brousse n'ont d'autres
privilèges que le défrichage du moment où les paysans n'y
vont qu'à l'annonce de la saison des pluies. La préparation des
sols se fait de deux façons. Il y a d'une part le non labour si le sol
n'est pas trop envahi d'herbes ou si les disponibilités en force de
travail n'offrent pas d'alternative. Le semis se fait alors directement sur un
sol non travaillé. Nonobstant le fait qu'une part importante des paysans
du département disposent et utilisent la
force de traction animale, le semi direct occupe encore une
place très importante dans les champs diabolais. Ils ont
généralement lieu vers le mois de mai et pendant les deux (2)
premières décades du mois de juin. Après cet intervalle de
temps, la densité de l'herbe ne donne pas grande chance de succès
à ces semis dont les jeunes plants sont vite étouffés
dès leur apparition. Sur ces espaces non labourés, les semis
peuvent se réaliser à la volée ou en ligne par
l'utilisation de cordes, d'un triangle ou sur les anciennes buttes. D'autre
part, il y a le labour du terrain à ensemencer. D'entrée de jeu,
notons une quasi inexistence sur l'aire départementale de paysan
disposant d'un tracteur. De façon générale, le labour se
fait à la charrue. L'araire est tiré par une paire de boeufs. Il
permet un travail rapide mais exige un sol déjà ameubli par les
premières pluies. Le labour peut se faire aussi à la daba. La
houe manuelle exige une quantité plus importante de travail. Sur ces
espaces, les plants peinent à grandir par rapport aux autres espaces
labourés à la charrue ; ils sont plus sensibles à la
sécheresse et le rendement y est plus bas. Cette dernière
pratique est de plus en plus abandonnée, les paysans
préférant payer un labour à la charrue ou semer
directement sans labour quand ils ne disposent pas d'animal de trait. Il faut
noter aussi l'usage important des ânes comme force de traction.
L'attelage aux boeufs ou à l'âne offre les mêmes conditions
de réussite des semis.
La préparation des sols se fait en même temps
que les semis. De façon générale, les hommes labourent au
moyen des animaux pendant que les femmes et les enfants sèment à
leur suite. Le semis de toutes les variétés produites se font
presqu'au même moment ou du moins à un intervalle très
réduit. Tout commence avec le sorgho aux premières heures de la
campagne agricole et du riz dans les bas-fonds avant que ces derniers ne
s'engorgent d'eau. Suivent ensuite le petit mil qui se sème dans la
plupart des cas en association avec le haricot et enfin les autres
variétés.
Après le stade des semis vient celui de l'entretien.
Comme le témoignent les paysans du département, il n'y a pas de
date pour commencer le désherbage. C'est la levée des plants et
la disponibilité du paysan qui dictent tout. Les espaces semés
sans labour sont ceux qui accueillent les premiers le ménage. Le
sarclage dure autant de temps que le ménage peut prendre pour faire le
tour de ses parcelles. Après le sarclage, l'opération de buttage
est allégée dans la plupart des cas par la
participation des animaux. Anes et boeufs attelés sont
utilisés pour le buttage en ligne. Cette opération commence avec
les pluies torrentielles d'aoüt et ne prend fin que lorsque le paysan aura
fait le tour de son champ ou lorsque de nouveaux produits demandent à
être cueillis. De là commence la phase des récoltes. Le
maïs annonce les couleurs, suivi des arachides hâtives vers
mi-septembre. Ensuite suivent le sorgho et le haricot ainsi que le poids de
terre dès le mois d'octobre. A partir de cette date, la maturation
devient générale sur l'espace agraire excepté le petit mil
qui est encore à l'épiaison. De nouvelles granges (ou greniers)
sont alors construites pour ranger la nouvelle production.
IV.1.3. Les logiques de gestion
Comme nous le rappelle ce producteur, « on ne mange
pas le coton. Le producteur de coton est en même temps
producteur de céréales». C'est dire donc que les
cotonculteurs ont à gérer concurremment deux calendriers
culturaux dont les exigences sont à première vue difficilement
conciliables. Il est opportun de noter que dans les GPC où nous sommes
passés, personne ne produit exclusivement du coton et les techniciens du
coton du département nous confirment l'inexistence de cotonculteurs
exclusifs sur l'aire départementale. La gestion concurrentielle de ces
calendriers culturaux est donc un phénomène récurrent chez
tous les cotonculteurs du département. Pour faire face à cette
concurrence, des stratégies ont été
développées par ces paysans.
Un premier groupe de producteurs déclare semer d'abord
le sorgho dès l'entame de la saison des pluies, dès le
début du mois de mai et parfois même avant le début des
pluies. Ces producteurs réalisent à cet effet un semis direct sur
un sol non labouré généralement sur les anciennes lignes
dressées par le buttage de la campagne dernière. C'est une
stratégie qui permet de garantir un minimum de produits de subsistance
avant de se tourner vers la culture de marché qu'est le coton. Notons
que de toutes les variétés produites sur l'aire
départementale, seul le sorgho peut être semé à
cette date et résister dans de telles conditions. En paysans avertis,
ils ne sèment que ce produit. Quand l'hivernage s'installe normalement
et qu'ils entrent dans le calendrier normal, ils quittent ces champs de sorgho
pour commencer à labourer les parcelles de coton. « C'est quand
la pluie s'arrête pendant
quelques temps et que les conditions ne sont plus
favorables au semis du coton que l'on complète les champs de vivre
», témoigne un producteur. Dès lors, il est opportun de
noter que selon cette logique de gestion, en cette période
d'installation des cultures, une priorité est accordée au
programme du coton, celui vivrier occupant les intervalles de temps mort
correspondant aux périodes d'incertitude d'une réussite des
semis. Cette option est sous-tendue par les gros enjeux économiques que
la production cotonnière soulève, les milliers de francs de
crédit que le producteur porte sur ses épaules. Cela explique
aussi la forte pratique du semis direct sur un sol non labouré dans les
champs diabolais même chez les ménages disposant de charrue et
animaux de trait. Tous ceux qui déclarent pratiquer le semis direct
disposent d'au moins un âne ou une paire de boeufs qui lui sert de force
de traction. Par contre, dans tous les GPC qui nous ont servi de champ
d'observation, personne ne soutient avoir déjà planté du
coton sur un sol non labouré ou sec.
Un second groupe soutient réaliser le semis du coton
en même temps que celui des vivres. « Dans la matinée,
pendant que certains labourent les champs de coton, le reste des membres de
l'UP s'active en semis direct sur les parcelles de mil. Le soir, l'UP se
retrouve sur les parcelles de coton pour l'ensemencement »,
expliquent ses praticiens. Mais, précisent-ils, cette méthode
n'est praticable que dans les ménages nucléaires ou dans ceux
où l'autorité du chef de l'UP est très respectée.
Car les dépendants exploitent ces soirées pour ensemencer leurs
propres champs d'où ils tirent leurs revenus. Dans tous les cas, le mil
n'a d'autres privilèges que le semis direct car on ne laboure les champs
de mil que « quand le temps le permet. Quand on finit de fixer le
coton, on se tourne vers le labour des parcelles de vivres, avant que le coton
nous réclame à nouveau », explique ce jeune producteur
de plein pied dans sa troisième campagne cotonnière. La logique
qui anime ces producteurs c'est que vaut mieux un déficit en vivres
qu'un déficit en coton. Cet ordre de priorité se reproduit
à tous les niveaux de la production. A la phase d'entretien, on ne
cultive les champs de mil que « quand on attend une date pour
commencer une opération sur le champ de coton pour la plupart des temps
ou que lorsque l'herbe du champ de mil menace de neutraliser le
champ», soutient un producteur avant d'établir le constat
selon lequel « le mil ne craint pas l'herbe comme le coton
», certainement en référence à cette disposition
du programme coton qui prescrit un sarclage répété et
régulier car « tout sarclage tardif entraîne
irrémédiablement un effet dépressif sur le cotonnier
» (INERA : Programme coton. Fiche coton n°4). Au
titre de ces opérations d'entretien, les cotonculteurs
déclarent réaliser au minimum trois sarclages sur les champs de
coton, le tout couronné par un buttage. Sur les champs vivriers de ces
mêmes producteurs, la tendance est à un seul passage, soit une
opération de sarclage, soit un simple buttage. Quant aux non
producteurs, toutes leurs parcelles sont sarclées et le buttage conclut
le travail sur les parcelles de sorgho, du petit mil et du maïs.
La période de récolte est la plus
épouvantable pour les cotonculteurs qui « souffrent de voir
» certains produits menaçant de s'abîmer sous la
pression des différentes sollicitations. En effet, les produits vivriers
mürissent presqu'au même moment, mieux, à un intervalle de
temps très réduit. « Pendant que le producteur
récolte tel produit, il abandonne momentanément le coton. Au
moment où il est en passe de finir ce premier produit, un autre a
mûri alors que dans le même temps, le coton attend un sarclage ou
un buttage », explique un groupe de producteurs. Les cotonculteurs
diabolais prisent la production du sorgho parce que c'est un produit qui
résiste mieux à l'herbe et sa maturité a lieu
précocement par rapport au coton. Ainsi, le producteur peut le
récolter sans trop de difficultés du moment où
l'opération peut s'étaler dans le temps sans que le champ ne soit
menacé. La situation est plus délicate quand la maturation d'un
produit coïncide avec celle du coton. C'est le cas du petit mil. A ce
niveau, en dépit des entraides en oeuvre dans ces périodes,
témoigne un céréaliculteur, « il n'est pas rare
qu'un producteur arrivé dans son champ de mil n'ait plus grand-chose
à couper du moment où tout est à terre, les épis
à moitié rongés par les termites et transportés par
les fourmis, doublé des incursions animales en ces temps de vaines
pâtures » avec les conséquences dont nous traiterons
dans le sixième chapitre.
En somme, la concurrence des calendriers culturaux joue au
détriment du calendrier vivrier qui ne remplit que le temps non
indispensable aux champs du coton dont le calendrier est scrupuleusement
respecté, du moins autant que possible. Le démarrage vivrier est
centré sur les périodes post-semis du coton, période
où les conditions pluviométriques sont moins favorables à
une bonne levée des plants quelqu'ils soient. L'entretien de ces plants
vivriers se trouve aussi entravé par l'agencement codifié des
opérations dans les parcelles cotonnières. Les vivres, parfois
ensemencés sur un sol non labouré sous la menace d'une
révolution du
calendrier de semi, se contentent d'un seul désherbage
et le buttage devient un luxe pour certaines parcelles. A ce niveau, il nous
parait opportun de noter la multiplicité des prestations et le long
temps de travail qu'exige la production cotonnière, long temps qui
harasse proportionnellement le producteur annihilant les efforts de celui-ci
à investir d'autres parcelles. Le cotonculteur arrive sur son champ de
céréales tout incapable d'action significative. Le rendement
céréalier s'en trouve négativement affecté. Ainsi,
nous pouvons établir le constat selon lequel le coton constitue une
menace pour la culture céréalière chez les cotonculteurs
qui se trouvent être aussi des céréaliculteurs.
IV.2. De la couverture des besoins alimentaires
L'autosuffisance alimentaire est l'aspiration basique de
toutes les activités agricoles dans nos milieux ruraux. Longtemps
orientée vers l'autoconsommation, la production des champs diabolais ne
fournissait que des produits destinés à la consommation
immédiate des paysans. Aujourd'hui, c'est une agriculture tournée
vers le marché du fait d'importantes exploitations en produits de rente,
le coton notamment. Dans ce nouveau contexte, la place des vivres s'en trouve
modifiée. On pourrait alors s'interroger sur les répercussions de
cette orientation commerciale sur les disponibilités en subsistance.
IV.2.1. Du volume et de la diversité des
produits
« On ne peut pas produire du coton et produire
autant de mil que quand on ne produisait pas de coton. Ici, personne n'a son
grenier d'avant », constate un chef de ménage producteur de
coton qui prend à témoin tous les autres producteurs du GPC.
Pourtant, certains laudateurs du coton considèrent ce dernier comme
facteur d'une plus grande production céréalière.
J. PICARD et A. AL HADJI (2002) fondent leur argumentaire sur
la magie de l'arrière effet engrais. Pour ces auteurs, à la
faveur de la rotation sur parcelle, les plantes vivrières qui suivent le
coton bénéficient de l'arrière effet engrais qui contribue
à la hausse du rendement. Loin de vouloir réfuter ces effets, il
ne faut cependant pas perdre de vue que cette rotation sur parcelle n'est pas
expressément prescrite dans l'ambition de rentabiliser la production
céréalière. C'est tout simplement parce que le coton
n'aime pas ses anciens espaces. Cet
avantage collatéral correspond donc à ce que
R. BOUDON appelle le « paradoxe des conséquences
» ou les « effets pervers » de la production cotonnière
selon la terminologie weberienne. Au demeurant, cet arrière effet
engrais fait désormais partie intégrante des contraintes de
production auxquelles les cotonculteurs diabolais sont soumis. Tout porte
à croire que sans cet arrière effet engrais, la production
cotonnière serait compromise ; en tout cas elle n'aurait pas atteint son
envergure d'aujourd'hui.
En effet, de toutes les spéculations produites sur le
sol diabolais, le sorgho rouge et le maïs se présentent comme les
produits céréaliers les plus compatibles avec le calendrier
cotonnier. Ils offrent l'avantage d'une maturité précoce. Ainsi,
le producteur a le temps de mettre en lieu sûr ses moyens de subsistance
et de se consacrer à son coton qui, en ces moments, demande toute son
attention. Aussi faut-il rappeler que la première récolte du
coton a lieu au mois d'octobre, donc juste à l'issue de la
récolte du sorgho. Ce qui est également important à noter,
c'est que sur l'aire départementale, le sorgho rouge ne se produit que
presqu'exclusivement dans les champs de maison en prolongement des parcelles de
maïs, dans les bas-fonds ou encore sur les anciennes parcelles de coton.
C'est dire donc que le coton exige une certaine dose de fertilité. En
tant que tel, le sorgho tout comme le maïs s'intègrent bien dans la
logique de production cotonnière ; pas parce qu'ils
bénéficient directement de l'engrais alloué au coton mais
de l'arrière effet de cet engrais par le fait de la rotation obligatoire
qu'impose la production cotonnière. Ainsi, coton et sorgho sont
mutuellement dépendants. C'est ce qui explique que la
céréale de base est le sorgho rouge chez les cotonculteurs du
département. C'est dans cette logique que O. KABORE a
pu noter que « le petit mil est moins cultivé dans les zones
cotonnières que le sorgho et le maïs » (O.
KABORE, 2OO2, p.16). L'arrière effet engrais permet donc aux
cotonculteurs d'amoindrir le degré de concurrence du calendrier cultural
en saisissant l'opportunité de rentabiliser leur production
céréalière (sorgho et maïs).
Par moment, l'engrais destiné au coton sert
directement certaines plantes vivrières. Pratique quand même rare
chez les producteurs diabolais, c'est seulement le maïs qui en profite
parfois mais en faible dose, en tant que culture hâtive qui vient
généralement au secours des ménages en ces temps de
soudure. Les producteurs
préfèrent vendre le surplus ou simplement une
partie de leurs intrants sur le marché noir au bénéfice de
jardiniers et autres demandeurs.
Traiter de l'influence du coton sur le volume et la
diversité des produits vivriers revient aussi à mettre à
l'épreuve cette relation de cause à effet établie par le
sociologue de l'ORSTOM A. SCHWARTZ (1987). Selon lui, le
développement de la culture de rente notamment cotonnière permet
une modernisation de l'agriculture par l'amélioration des techniques
culturales ; et cela a pour corollaire une augmentation des possibilités
alimentaires, la culture attelée permettant une exploitation de surface
en un temps réduit. Il est incontestable que la culture
cotonnière a révolutionné la pratique agricole dans les
champs diabolais. Mais cette relative augmentation de la capacité du
producteur a-t-elle entraîné forcement une augmentation des
possibilités alimentaires ? L'utilisation de cette capacité
supplémentaire est orientée suivant les réalités
socioéconomiques de l'espace social. En effet, cette idée
d'augmentation des possibilités alimentaires peut être
appréhendée sous deux angles : en terme de quantité et en
terme de diversité (variété).
Parlant de quantité, il est à noter que
l'objectif d'une campagne agricole chez un producteur de coton n'est pas la
production de masse. La production céréalière est beaucoup
plus dictée par les besoins de consommation immédiate. Ceux qui
ont de grandes capacités techniques ne recherchent qu'à couvrir
les besoins alimentaires du ménage. Ils préfèrent donc
utiliser leur capacité additionnelle dans la production du coton pour
avoir plus d'argent. Cela s'explique prioritairement par la faiblesse du prix
des produits vivriers qui n'incitent pas à vendre. Outre cela, il faut
ajouter les moyens de stockage aléatoires et les difficultés
d'écoulement. Du moment où le prix des céréales est
très faible, le cotonculteur préfère, même avec des
moyens techniques conséquents, stabiliser sa production vivrière
autour de ses besoins de consommation et d'augmenter son champ de coton pour
accroître son revenu. Ces productions se limitent
généralement aux anciennes parcelles de coton où la magie
de l'arrière effet engrais permet des bilans parfois
excédentaires.
Entendue maintenant en termes de variété, elle
n'est vraiment pas recherchée par le producteur diabolais dont la
production obéit à une certaine logique. La maturation des
produits vivriers se fait de façon successive et faiblement
agencée.
On assiste dans la plupart des cas à une
interférence des étapes de maturation. Ainsi, une grande
diversification des produits induit une plus grande présence continue de
produits à récolter en parallèle avec le coton, toute
chose qui se révèle nuisible pour les deux (produits vivriers et
coton) car, le producteur ne pouvant être à ces tâches
simultanément et ne voulant pas perdre entièrement sur un
côté, ne prend le temps nécessaire sur aucune parcelle.
Ainsi, la diversification agricole joue en défaveur du producteur tant
au niveau du démarrage de la campagne (périodes de semis
confondues), de l'entretien des parcelles que des récoltes. La
rationalité paysanne consiste alors à concentrer les efforts sur
un nombre réduit de produits ayant mutuellement une faible incidence au
niveau de la maturation. C'est ainsi que la production vivrière chez les
cotonculteurs diabolais est centrée sur le sorgho et le maïs ;
alors que chez les non producteurs, elle est composée principalement de
petit mil avec du maïs, du sorgho et du haricot en proportion non moins
importante. Ainsi, comme nous pouvons le constater, il est clair que la
relation de cause à effet établie par SCHWARTZ
n'est pas toujours vérifiée dans le contexte du milieu rural
diabolais. Au contraire, le coton fait obstacle à la diversification des
produits vivriers. Ainsi se trouve donc confirmée notre première
hypothèse secondaire.
IV.2.2. De la sécurité
alimentaire
L'enracinement du coton, en limitant les possibilités
alimentaires en terme de variété, constitue une menace pour la
sécurité alimentaire des producteurs diabolais. Car entendue
comme nous l'avons définie dans le cadre de la présente
étude, la sécurité alimentaire ne porte pas seulement sur
la quantité mais aussi et surtout sur la possibilité de
diversification alimentaire capable d'induire une vie active et saine. C'est ce
qu'a perdu de vue S. DIALLO, ministre burkinabè de
l'agriculture, de l'hydraulique et des ressources halieutiques quand il
soutient que « les zones cotonnières sont également
celles où la production céréalière est
structurellement excédentaire (...) ce qui contribue à la
sécurité alimentaire au niveau national » (
www.abcburkina.net,
article : pauvreté rurale et commerce international : le
cas du coton). Il faut garder à l'esprit présent
que les différentes estimations se basent sur les bilans
céréaliers ce qui ne traduit pas la situation alimentaire
réelle des populations. C'est ainsi que le 13 novembre 2007, devant
l'Assemblée Nationale, et en réponse à un
député (Norbert Tiendrébéogo), Salif DIALLO
annonçait un bilan
céréalier national excédentaire à
hauteur de 777 200 tonnes. Par la même occasion, il soutenait mettre en
oeuvre des mesures de vente de céréales à prix sociaux
dans quinze (15) des quarante-cinq (45) provinces du pays qui souffrent d'un
déficit céréalier.
Une meilleure appréhension de la
sécurité alimentaire commande que l'on aille plus loin.
O. KABORE (2002) rapporte une enquête
épidémiologique sur les carences en micronutriments dans 15
provinces du Burkina Faso qui a montré que les provinces productrices du
coton sont plus durement touchées par les carences alimentaires que les
autres provinces. La prévalence de l'anémie franche est
supérieure à 5% chez les enfants de 0-10 ans et 35,9% des femmes
en âge de procréer sont anémiées dans la
majorité de ces provinces. Pour les trois principales provinces
productrices de coton au Burkina et où la production
céréalière est très élevée, la
situation nutritionnelle des enfants de 0-5 ans est jugée très
sévère (Houet : 15,6%, Sourou : 18,1% et Mouhoun : 12,3%). Ces
résultats montrent qu'il ne suffit pas de disposer de la nourriture pour
que sa sécurité alimentaire soit assurée. C'est pourquoi
l'auteur conclue que « la sécurité alimentaire dans les
zones cotonnières, malgré la disponibilité en
céréale n'est pas satisfaisante. Dans les différentes
zones cotonnières, les femmes en âge de procréer et les
enfants souffrent de carences en micronutriments dues surtout à une
alimentation non diversifiée. Il y a un antagonisme entre production du
coton et production céréalière » (O.
KABORE, 2002, p.26). Cela met en exergue la
place primordiale de la diversification alimentaire, condition indispensable.
Car les carences constatées dans ces zones s'expliquent par le fait que
les producteurs de coton, s'inscrivant dans une logique de non diversification
céréalière, fondent leur alimentation sur une gamme
très limitée de produits dont la production est compatible avec
les exigences du coton. Dans notre milieu d'étude, ce produit se trouve
être le sorgho rouge qui, sur toute l'aire départementale, se
démarque aussi comme le produit alimentaire le plus
dénigré. Mais c'est quasiment le seul produit qui nourrit les
ménages cotonculteurs toute l'année, le maïs ne tenant que
de septembre à décembre au plus tard. Cela nous conforte dans
notre conception selon laquelle la non diversification alimentaire est un
obstacle à la sécurité alimentaire.
Au regard de tout ce qui précède, nous pouvons
affirmer que la production cotonnière constitue un obstacle à la
production vivrière et une menace à la sécurité
alimentaire. Et en orientant l'objectif de la campagne vivrière vers la
production d'une gamme très limitée de variétés, le
coton fragilise la capacité de réaction des paysans face aux
aléas et autres imprévus les rendant plus vulnérables sur
le plan alimentaire que les céréaliculteurs. Le constat de ce
producteur est sans équivoque. En fait, « les
céréaliculteurs ont cet avantage que méme si la pluie n'a
pas été bonne et que les champs ne produisent pas bien, la
pluralité de leurs produits finit par les sauver. Même si chaque
variété donne un peu, ils finissent par couvrir leurs besoins de
consommation, en tout cas mieux que les producteurs de coton. Les petits champs
vivriers des cotonculteurs font que si par quelque événement le
cycle est perturbé, il n'y a pas d'espoir possible. Le problème
chez nous c'est que quand la campagne est un peu compromise, nos soucis portent
d'abord sur le coton. Dans la panique, les champs de mil sont de plus en plus
abandonnés pour pouvoir apporter le moindre soin au coton dans l'espoir
qu'il résistera mieux ».
CHAPITRE V : LE COTON DANS LE MILIEU RURAL
DIABOLAIS
Le coton constitue aujourd'hui la première culture de
rente du département de Diabo quelques dix (10) ans seulement
après sa vulgarisation en tant que culture commerciale.
V.1. Historique
L'historique de la production cotonnière dans le
département de Diabo s'inscrit dans celui global du Burkina Faso
dépeint par A. SCHWARTZ (1993a)12. Alors,
dans la région de l'Est dont relève le département, le
coton est antérieur à la loi SARRAULT et au programme de
promotion du monde rural (création des ORD, 1966 pour celui de l'Est)
initié aux lendemains des indépendances par le jeune Etat. Avec
pour mission de promouvoir une agriculture moderne en associant
étroitement cultures vivrières et cultures de rente, les ORD
constituaient des espaces de promotion et d'encadrement de la production
cotonnière. Ainsi, le coton s'est toujours produit dans la région
de l'Est et dans le département de Diabo même si l'ampleur et la
portée économique n'ont jamais revêtu les dimensions
actuelles. Pour ce qui est du département de Diabo, les années 90
constituent un tournant décisif vers la situation actuelle.
V.1.1. Avant 1997
Jusqu'en 1997, la production cotonnière dans le
département de Diabo demeurait une activité marginale ;
c'étaient de simples petits lopins de terrains qui étaient
exploités à des fins purement domestiques notamment pour le
filage13 par les vielles femmes. Ces fils étaient
utilisés soit à la maison pour coudre ou raccommoder les vieux
habits et les calebasses brisées, soit confiés à un
spécialiste local pour le tissage, ou encore simplement vendus sur le
marché. Les bandes tissées, teintes ou non, se retrouvaient en
partie sur la place du marché pour les besoins de sacrifices
12 Voir Introduction.
13 Le filage est une activité exclusivement
féminine alors que le tissage est le domaine réservé aux
hommes.
ou autres rituels, l'autre grande partie confiée aux
tisserands pour la confection de pagnes et d'habits. Ces pagnes tissés
traditionnellement sont aujourd'hui encore prisés surtout par les
femmes. Les hommes qui les affectionnent aujourd'hui sont pour la plupart des
hommes de tradition, dont les chefs traditionnels qui se font toujours
vénérer sous ces accoutrements traditionnels. Sur les
marchés des villages, le coton ne se rencontrait qu'en infime
quantité se vendant, non pas au kilogramme, mais par poignée. Par
ailleurs, le coton offrait une potentialité alimentaire bien
négligeable. Les grains de coton artisanalement égrené
servaient de semence pour la campagne prochaine mais pouvaient aussi être
utilisés dans la préparation d'un plat local : le
gaonré. La proportion des grains était du quart (1/4)
par rapport à la quantité de haricot à laquelle il est
combiné pour la recette. Au regard donc de sa marginalité
économique et de sa faible marge alimentaire, la production
cotonnière n'était que le fait des femmes qui la
réalisaient à côté de leur lopin de gombo en culture
annuelle ou à l'abri d'un couvert végétal en culture
pluriannuelle pour leur besoin de filage pendant la saison sèche. La
culture pluriannuelle étant rendue possible par les
caractéristiques même de l'espèce Gossypium
Arboretum qui, avec sa taille imposante et un fort branchage, pouvait
subsister et rester productive pendant trois (3) à quatre (4) campagnes
agricoles. Au tournant des années 1997, cette culture va connaître
un nouvel élan qui va la propulser à la tête de toutes les
autres productions de rente du département.
V.1.2. A partir de 1997
C'est en 1997, le 07 juillet que le premier ATC est
arrivé dans le département de Diabo, un agent travaillant pour le
compte de la SOFITEX. Sa mission était de promouvoir la culture du coton
dans cette zone non productrice, du moins marginalement, en assurant
l'accompagnement technique et l'approvisionnement en intrants agricoles et
l'écoulement de la production. Cette mission s'inscrivait dans le cadre
du "plan d'actions pour la relance de la production cotonnière de
1995/96 à 2000/2001" initié par la SOFITEX et ses partenaires. Ce
programme de relance intervenait en réponse aux conséquences de
l'effondrement des cours mondiaux du coton en 1993. Cette crise a
particulièrement déstabilisé la filière coton du
Burkina Faso au plan financier et au plan de la production qui s'est
écroulée en 1993/94 à un moment où, par la
conjoncture de deux événements, les filières coton de la
zone du
FCFA retrouvaient l'équilibre et la
compétitivité sur le marché mondial. En effet, la
dévaluation du FCFA intervenue en janvier 1994 et le relèvement
des cours du coton sur le marché international ont bouleversé les
données du secteur coton en le faisant passer de secteur
structurellement déficitaire en un secteur susceptible de
générer une bonne croissance dans de bonnes conditions de
rentabilité. Ironie du sort, cet environnement favorable intervient
à un moment où le pays enregistrait son mauvais record de
production de coton graine, soit 116598 tonnes contre 163301 tonnes la campagne
précédente, c'est-à-dire 1992/93 (Plan d'actions pour la
relance de la production cotonnière de 1995/96 à 2000/2001,
annexe1). Dès lors, il est évident qu'il était de «
l'intérêt national que la récolte du coton graine
connaisse un essor important en volume et en quantité afin que le
Burkina, à l'instar de la majorité des pays africains de la zone
franc, puisse tirer profit du contexte économique
particulièrement favorable au coton » (Plan d'actions pour la
relance de la production cotonnière de 1995/96 à 2000/2001,
p.3)
Ainsi, l'Etat burkinabè, à travers le MARA, le
CNRST et le CRPA, s'est engagé aux côtés de la SOFITEX
appuyée par la CNCA, le Fonds de Développement et la CFD, pour
définir des axes d'intervention dans le but de tirer profit de cet
environnement plus que jamais faste. A l'issue d'un examen des origines de la
crise que traverse la filière coton, un certain nombre de pistes ont
été dégagées au nombre desquelles l'institution du
GPC comme niveau d'intervention en lieu et place du GV comme mesure
d'assainissement de la gestion des crédits, l'intensification de la
production dans les zones traditionnelles, et enfin l'extension de la culture
à de nouvelles zones de production potentielle. Et c'est suivant les
recommandations de cette nouvelle mesure que les provinces de l'Est du pays (la
région de l'Est) dont la province du Gourma et partant, le
département de Diabo ont été reconnues zones à
potentialités de production. Voilà pourquoi l'année 1995
peut être considérée comme l'année d'entrée
officielle du département dans la production cotonnière.
Dès lors, le coton devenait une activité économique. Du
fait de sa facilité d'écoulement, le coton a vite conquis les
espaces diabolais plaçant le département aux avant-postes des
grands producteurs de la province dès les premières heures de son
introduction. Déclassant les anciennes cultures de rente tels le soja,
le haricot et les arachides contrariées par l'incertitude du
marché, les difficultés de transport et de conservation, le coton
s'est imposé incontestablement comme la première culture de rente
du
département. Lors de sa visite au chef lieu du
département en 1995, le Président du Faso lui-même n'a pas
manqué de présenter l'extension de la production
cotonnière comme une opportunité de sortie de pauvreté
pour les pays et les inviter à s'y investir. Le tableau de l'annexe 7
montre l'évolution de la production cotonnière du
département depuis 1997. Lors de la campagne 2005/2006, sur l'aire
départementale, 62 GPC ont investi 2 500 ha de terrain qui ont produit 2
253 tonnes de coton soit un rendement moyen d'environ 900 kg/ha (Rapport du CC
du département). Ainsi, le plan d'actions pour la relance de la
production cotonnière de 1995/96 à 2000/2001 a consacré la
promotion du coton dans le département de Diabo en tant que culture de
rente, une production qui ne tarderait pas à faire ses preuves en tant
que facteur de mobilisation de ressources dans ce milieu rural.
V.2. Perceptions du coton
Depuis le début de la promotion cotonnière dans
le département de Diabo avec l'arrivée d'un agent technique
coton, le coton n'a cessé de séduire les paysans. Ce n'est
pourtant pas le fait d'une quelconque sensibilisation ; les techniciens du
coton n'ont toujours eu affaire qu'à ceux qui produisent
déjà. « Nous avons vu d'autres cultiver et
évaluer leurs attentes à l'issue des campagnes de
commercialisation et cela nous a attiré ». C'est ainsi que les
enquetés, autrefois ou toujours producteurs, justifient
généralement leur entrée dans la production
cotonnière. Sur le marché du coton, ce sont des sommes
impressionnantes qui sont annoncées à chaque producteur
après la pesée de son coton en présence d'autres curieux
venus se convaincre de la rentabilité de cette production. Comme
l'exprime cet habitué de ces marchés, producteur depuis six (6)
ans, « c'est le moment des sourires pour certains mais aussi des
grincements de dents pour d'autres qui, au regard du travail abattu et de la
quantité de la production, avaient cru avoir mieux fait ».
Ainsi, c'est pendant ces campagnes de commercialisation et celles de paiement
que le coton conquiert ses nouveaux producteurs charmés par la
grandiloquence des avoirs annoncés. Sur ces marchés et au
gré des conversations, la production cotonnière se positionne
comme une porte de sortie pour le paysan dont le caractère rural de
l'environnement limite les possibilités. Les motivations d'entrée
dans la production cotonnière se fondent aussi sur le désir de
participer à l'ambiance festive et à l'ostentation qui ont cours
chez les producteurs le lendemain des campagnes de paiement de l'argent du
coton.
Dans tous les cas, il apparaît que les producteurs ne
s'engagent pas dans la production cotonnière pour un réel
enrichissement. Les petits, tout comme les gros producteurs se rejoignent
à ce propos. Ils semblent convaincus que le coton n'offre pas une
réelle possibilité d'enrichissement mais demeure quand même
stratégique dans le contexte principalement céréalier de
la production champêtre du département. « Sinon ce n'est
pas parce qu'on voit des gens s'enrichir beaucoup dedans ; ici, il y a
très très peu de gens qui peuvent se vanter d'avoir pu faire une
grande réalisation avec le coton en dépit du fait qu'il y a des
gens qui produisent depuis près de dix (10) ans maintenant. Mais
ça te permet de te faire voir, de sortir de l'ornière pendant
quelques temps, de goutter un peu à la vie des riches quoi. Et puis
ça permet d'avoir des sous pour résoudre nos petits
problèmes pendant quelques temps », développe un
producteur de 36 ans, à l'entame de sa troisième campagne
cotonnière.
V.2.1. Un recentrage du débat autour du coton
Contrairement aux idées répandues et
généralement développées a priori dans certains
milieux, la production cotonnière ne semble pas se justifier par son
importance financière (importance du revenu), du moins dans le
département de Diabo. En effet, ce n'est pas parce que le coton permet
d'avoir beaucoup d'argent que les paysans s'adonnent à sa production.
« Les gens croient que nous produisons du coton
parce que nous gagnons beaucoup dedans. Ce n'est pas vrai. Ce n'est pas
l'importance intrinsèque de l'argent qu'on reçoit à la fin
de chaque campagne de commercialisation qui fait que les gens continuent de
cultiver du coton. Sinon les gens l'auraient abandonné depuis longtemps
car il y a des fois où tu es complètement déçu
à la perception de ton argent au regard de la souffrance de ton
ménage sur le champ. Ce qui fait que les gens continuent de produire,
c'est le fait que le coton s'achète globalement et qu'ils sont sUrs
qu'il va s'acheter quoi qu'il arrive. Et ce qui est important encore c'est que
l'argent est perçu globalement. En une journée, tu as l'argent de
ce que tu as produit hors subsistance entre les mains. Cela permet de faire
quelque chose de bon et de chasser tes soucis pendant quelque temps. Sinon en
mettant toute la quantité de
travail et les sacrifices qu'exige le coton dans la
production d'un autre produit agricole, je suis sUr qu'on gagnerait plus. Mais
tu n'es pas sUr de pouvoir le vendre. Tout le problème réside
dans l'écoulement. Si tu dois aller au marché chaque trois (3)
jours avec un sac sur ton vélo, tu risques d'atteindre la saison
pluvieuse sans même avoir tout vendu, doublé de la
fréquente fluctuation des prix ; sans oublier que tu dois bouffer dedans
chaque jour de marché, tu vas gâter et réparer ton
vélo vu l'état des routes et que tu vas résoudre au fur et
à mesure tes petits problèmes financiers. A la fin de ta vente,
tu ne te retrouveras plus avec quelque chose de conséquent et tu auras
le sentiment de n'avoir rien eu. Voilà pourquoi les gens produisent du
coton, il ne faut pas croire que c'est pour des millions ». Le
témoignage de ce producteur de la quarantaine d'age à la
tête d'une UP de six (6) actifs et entamant sa sixième campagne
cotonnière nous permet de pénétrer les logiques de
production et de percevoir la véritable assise du coton en milieu rural
notamment diabolais en dépit d'une rémunération
jugée franchement faible par tous les enquêtés au regard
des investissements du ménage autour de cette production. En
réalité, c'est parce que le coton s'inscrit dans une
stratégie de rassemblement de ressources qui s'avère plus
efficace dans ces milieux. Les motivations à la production ne sont donc
pas à rechercher dans l'importance de ces revenus mêmes, mais dans
certaines des caractéristiques du milieu qui rendent le coton plus
compétitif que n'importe quel autre produit agricole. La production
cotonnière obéit donc à une logique de mobilisation de
ressources qui ne s'avère plus efficace que dans le cotexte d'une
certaine défaillance structurelle de l'économie rurale. Ainsi, la
production cotonnière dans le département de Diabo repose
plutôt sur une option stratégique qu'économique. D'ailleurs
certains producteurs ne déclarent-ils pas user de ces intrants agricoles
pour faire face aux dures périodes de soudure en vendant une portion sur
les marchés locaux, pratique que confirme le CC du
département.
V.2.2. Le mirage cotonnier : la MARI
De prime abord, notons que dans le contexte
socioéconomique du paysan, le coton constitue une source de revenu
attrayante. La liquidité qu'il procure suffit à maintenir dans le
système un certain nombre de producteurs accoutumés à
boucler chaque campagne agricole avec des billets de banque. C'est le cas de ce
producteur dont les propos sont sans équivoque : « je ne sais
pas si je pourrai cesser un jour de
produire du coton. A chaque année où, au
regard du caractère harassant du travail et de ce que j'ai gagné
l'année passée je déclare produire ma dernière
campagne de coton, l'année suivante, je me retrouve plus motivé
que jamais avec le sentiment que j'aurais plus. En réalité, je
n'ai jamais gagné comme j'espère mais ce que je gagne aussi c'est
seulement au niveau du coton que je peux le gagner. C'est pas suffisant mais
ça résout mes petits problèmes ». Pour une
meilleure appréciation des retombées économiques du coton,
nous allons essayer d'évaluer le revenu du coton au producteur par
unité d'exploitation.
Evaluer le revenu du coton revient à déterminer
le compte d'exploitation au producteur ou, selon la terminologie de G.
RAYMOND14, la marge après remboursement des intrants
(MARI). Comme nous l'enseigne l'auteur, la MARI est calculée en
déduisant du revenu brut du paysan le coût des intrants à
sa charge. Signalons que les intrants agricoles sont mis à la
disposition des GPC avant le démarrage de la campagne agricole par la
société (SOCOMA pour ce qui est de notre zone d'étude)
à crédit déductible automatiquement sur la valeur de la
production du groupement à l'issue de la campagne de
commercialisation.
La MARI peut être appréhendée de deux (2)
manières. Cet indicateur peut l'être par référence
à une situation réelle : il correspond donc au revenu
monétaire dont dispose concrètement le paysan après avoir
déduit du revenu brut de sa production le coût des intrants
effectivement utilisés. On l'appelle MARI réelle. Il peut aussi
faire l'objet d'un calcul purement théorique : il correspond donc au
revenu monétaire dont peut espérer disposer le paysan dès
qu'il aura déduit du revenu d'une production escomptée le
coüt des intrants virtuellement nécessaires, en application des
recommandations techniques en vigueur, pour atteindre cette production. C'est
la MARI théorique. Ici, nous utiliserons cette MARI pour
apprécier, à l'échelle du paysan diabolais et pour la
campagne agricole 2006/2007, la rentabilité économique de la
culture du coton, aussi dans l'optique de faire connaître le
mécanisme par lequel on définit la valeur d'une production.
14 Nous empruntons cette technique a Alfred SCHWARTZ
qui l'a utilisée pour évaluer le revenu du coton (A SCHWARTZ,
1993b, p.8).
Le premier élément du calcul est le produit
brut de la production. Il est fonction de deux variables : la production
escomptable et le prix d'achat au producteur. La production escomptable est
aussi fonction du rendement : pour la campagne 2006/2007, le rendement fut de
900kg/ha. Le prix d'achat du kg de coton fut fixé à 165 FCFA pour
le coton premier choix, 145 FCFA pour le deuxième choix et 135 FCFA pour
le troisième choix. En admettant que la totalité de sa production
fut classée en premier choix, pour la campagne de
référence, le producteur diabolais pouvait espérer tirer
d'un hectare de culture cotonnière un produit brut de 148 500
FCFA.
Second élément du calcul : le coût des
intrants. Le producteur diabolais engage sur un hectare de coton, selon les
prescriptions officielles, les dépenses suivantes en intrants agricoles
:
· Un sac de semence à raison de 900 FCFA
· 4 sacs de NPK et Urée à raison de 12 950 F
CFA/sac de NPK et 14 400 F CFA/sac d'urée soit 66 200 FCFA
· 6 litres d'insecticides à raison de 4 342 F CFA/l
soit 26 052 FCFA
· 1 appareil à pulvériser à raison de
29 442 FCFA
· 4 sachets d'herbicides à raison de 1 370
FCFA/sachet soit 5480 FCFA Soit un total de dépense (crédit)
s'élevant à 128 074 FCFA.
Avec un produit brut de 148 500 FCFA par
hectare et des dépenses en intrants de 128 074 FCFA, la
MARI théorique s'établit à 20 426
FCFA15. Ainsi, un hectare de coton exploité par un
paysan diabolais lui rapporte un bénéfice de 20 426 F CFA. Une
telle marge fait du coton une culture attrayante.
Cette marge correspond à la MARI théorique
obtenue sur la base des prescriptions officielles. L'utilisation de la MARI
réelle apporterait plus de précision, mais le fait pour les
producteurs de ne pas pouvoir déclarer avec exactitude la
quantité des intrants effectivement utilisée dans la production,
le refus de déclarer le revenu perçu et l'absence de fiches
individuelles complètes chez les partenaires techniques ne
permettent pas cette évaluation. Ce qui est sür,
c'est qu'en situation réelle, les choses sont moins roses.
Rappelons que la MARI théorique se base sur une
observance stricte des recommandations et sur la propriété
privée des autres facteurs de production ; les dépenses ne
relevant que des intrants spécifiquement. Aussi, se base-t-elle sur le
principe selon lequel toute la production est classée premier choix.
Toutes ces considérations ne font pas recettes dans le milieu paysan
diabolais. Ainsi, notons que la "stratégie de dispersion des risques"
décrite par des experts du monde rural dont CHAMBERS
(1990) est omniprésente dans toutes les sociétés paysannes
surtout africaines et l'aire diabolaise n'en fait pas exception. Partant,
notons qu'il nous a été donné de constater que :
· il existe toujours un écart entre les
quantités d'intrants utilisées dans les champs et celles
recommandées, tous les enquêtés déclarant
posséder un restant à la maison. Selon les techniciens du coton,
les intrants livrés aux producteurs se retrouvent en quantité non
négligeable sur le marché noir, pratique que les producteurs
expliquent par les disettes et autres besoins financiers pressants, les paysans
témoins qui utilisent de temps en tant l'engrais pour corriger le
comportement de leur champ de mais déclarent s'en procurer chez les
voisins cotonculteurs ;
· le fait même de produire du coton
génère des besoins financiers. L'insuffisance de la force de
travail fait recourir à des prestations dispendieuses telle la gestion
de l'entraide lors du sarclage ou de la récolte. Il autorise aussi la
contraction d'autres crédits connexes ;
· certains réalisent des semis après les
dates indiquées, la déficience des moyens de production ne
permettant pas une navigation efficace entre les champs vivrier et cotonnier.
Ils finissent parfois par s'attacher les services d'un tiers.
conseillées entraîne la chute des capsules,
futures porteuses. Le non respect du calendrier influe sur la croissance des
plantes et de leurs ramifications (donc peu de capsules), alors que
l'endettement auprès des dépositaires des moyens de production et
des commerçants, payable après vente ne fait que grossir les
coûts de production. Ainsi, les producteurs s'inscrivent dans une logique
qui, tout en tirant le rendement vers le bas, révise les coûts
à la hausse. Ce qui est notoire, c'est que le "coton deuxième
choix" est non négligeable sur les marchés de coton du
département où les producteurs sont tiraillés par de
nombreuses sollicitations en cette période de maturité
générale des produits champêtres. Au regard de cela, il
faut noter qu'aux antipodes des chiffres affichés plus haut et fort
alléchants, beaucoup de producteurs diabolais se retrouvent avec des
miettes en fin de campagne à côté d'autres qui produisent
à perte. En réalité, le coton ne profite qu'aux
très grands exploitants. Chez les dix-huit (18) producteurs
excédentaires que nous avons enquêtés, la MARI
réelle varie entre 1430 FCFA et 182 215 FCFA (en ce qui concerne les
onze (11) enquêtés qui ont accepté déclarer leur
revenu ; le reste ayant marqué un refus par le biais de propos du genre
« en tout cas on s'en est tiré mieux que certains »).
Chez les petits producteurs (producteurs déficitaires), leur dette varie
entre 7865 FCFA et 134 425 FCFA (en ce qui concerne les six (6)
enquêtés qui ont accepté déclarer leur revenu).
L'ampleur des problèmes posés par cette dernière situation
nous renseigne sur la place du coton dans la lutte pour la survie de certains
ménages. Il ne leur reste plus rien après que la
société ait recouvré ses créances. Des cas existent
où la SOCOMA est incapable de recouvrer le coüt de ses intrants,
des créanciers se relayant à l'entrée de concessions
à greniers à moitié vides après seulement trois
mois de récoltes car, dit-on communément dans ce milieu, «
quand un champ de coton va mal, ce sont les vivres qui souffrent à
sa place ». C'est conscient de cette situation de déficit que
la société cotonnière ne travaille pas avec l'individu
mais avec la collectivité (le GPC) pour être sûr que le
surplus de certains producteurs comblera le déficit des autres. C'est la
caution solidaire. Des ménages se dépouillent de leurs
matériels pour combler le vide laissé dans leur GPC par leur
production déficitaire. Alors que le coton fait l'affaire de quelques
grands exploitants, il cause ruine et famine dans certains ménages et
affecte les rapports sociaux de certains groupes (groupements).
V.2.3. Les crédits connexes
« Des crédits, chez nous, c'est ce
qui marche le plus. Etant donné que pour qu'on t'aide à cultiver
ton champ tu es obligé de préparer du riz et faire une eau bien
sucrée et vu que les cotonculteurs ne disposent pas de liquidité
en saison pluvieuse, nous allons prendre des sacs de riz et des paquets de
sucre avec des commerçants garantissant le paiement par la vente du
coton. Le boutiquier, étant sûr que le coton s'achètera,
accepte le contrat moyennant une petite rélevation des prix ».
La situation ici dépeinte par ce producteur de la quarantaine d'age
résume la stratégie en oeuvre chez de nombreux producteurs. Il
existe en effet un endettement parallèle à celui des intrants
agricoles et qui entre pleinement en ligne de compte de la production
cotonnière. Si certains prennent directement avec des commerçants
des sacs de riz et du sucre, d'autres préfèrent de l'argent
liquide. « Là, c'est sans intérét que l'on
rembourse », nous informe un adepte de cette pratique, producteur
depuis quatre (4) saisons. Cet argent emprunté est soit utilisé
pour les besoins d'une entraide culturale, soit pour d'autres besoins
pressants. Leur dénominateur commun c'est le coton qui est indexé
comme garantie de paiement.
Par ailleurs, alors que les cotonculteurs se réclament
de cette pratique, les non producteurs s'en défendent. « Nous,
prendre des crédits avec des commerçants ! Aucunement. Ni en
espèce, ni en nature. Nous n'avons pas de raison de le faire et
d'ailleurs je ne suis pas sUr que si nous le voulions, ils auraient
accepté de nous accorder ces crédits car nous n'offrons aucune
garantie de solvabilité », soutient un non producteur. Des
raisons de le faire, les non producteurs déclarent ne pas en avoir du
fait que l'entraide dans les champs de vivres est sanctionné, soit par
le dolo (bière de mil) exclusivement, soit par la préparation du
tôt (pâte de mil ou de maïs) et d'une eau sucrée ou non
selon la capacité ou la volonté de l'hôte, chose qu'il sort
chaque jour de son grenier. Etant donné qu'ils n'ont pas d'argent en
vue, les non producteurs déclarent en conséquence « se
débrouiller pour sortir de la maison » de quoi faire face aux
besoins financiers en cette saison pluvieuse.
Ainsi, on peut dire de tout ce qui précède que
le coton constitue en réalité un mirage, un horizon fuyant
inaccessible auquel aspirent les producteurs. Bien que le coton se
présente comme un facteur d'enrichissement dans ce milieu paysan, la
MARI évaluée plus haut nous renseigne sur sa portée
financière réelle. Et si les
paysans le produisent encore, c'est en réalité
parce que le coton s'inscrit dans une logique de mobilisation ou de
rassemblement de richesse extra subsistance plus efficace. Après
déduction des coûts des facteurs de production et de
crédit, beaucoup sont les paysans diabolais qui nourrissent chaque
année le sentiment de campagne manquée.
CHAPITRE VI : REVENU DU COTON ET GESTION
L'adhésion des paysans à la production
cotonnière est motivée par un besoin purement financier, besoin
dont les voies de satisfaction sont minimes au regard du caractère
agricole du milieu. C'est ainsi que le coton se présente comme une
opportunité. Alors, on pourrait se demander quel est le degré
d'importance du revenu que procure le coton et selon quelle logique ce revenu
est-il consommé dans le milieu rural diabolais.
VI.1. Revenu du coton
Si la production cotonnière survit et même progresse
dans les champs diabolais, c'est que les producteurs y trouvent leur compte.
VI.1.1. Importance effective
Le mirage cotonnier fait rêver beaucoup de paysans qui
pensent avoir enfin trouvé la voie par laquelle se réaliser ou
devenir comme les autres. Car c'est par rapport aux autres que le paysan
diabolais se définit ; ce qui explique sans doute que la production
cotonnière ait fait tâche d'huile en si peu de temps. Les premiers
producteurs ont fait fortune, nous relaye-t-on. Cela leur a permis de sortir du
commun pendant quelques temps et de palper quelques importantes sommes. Au
début des années 2000, le kg de coton avoisinait les 250F et le
rendement, parce que les terres étaient neuves, avoisinait lui aussi les
1500 kg/ha. Cela laissait une grande marge bénéficière au
paysan après remboursement de ses intrants, nous fait remarquer un
ancien producteur. Ces hommes de coton comme on les y nomme ont
été vite enviés parce qu'ils ont été les
premiers à adopter de nouvelles pratiques culturales comme les semis en
ligne et les buttages attelés. Avant ces dates, la participation des
animaux aux travaux champêtres se limitait aux premières heures de
la campagne agricole notamment au moment du labour, le semis à la
volée ne permettant pas une intervention animale en dehors de cette
étape. Mais sur l'espace
diabolais aujourd'hui, les semis en ligne ont droit de
cité ; le semis à la volée ne se rencontrant que chez les
familles ne disposant pas de force de traction animale ou sur quelques
parcelles des autres. Hormis ces avantages collatéraux, l'importance
financière de cette culture de marché fait l'objet d'une
appréciation mitigée du point de vue des paysans, actuellement ou
anciennement producteurs.
VI.1.1.1. Les gains
La MARI calculée précédemment nous donne
une idée sur la façon dont on obtient le revenu d'un cotonculteur
et sur la teneur moyenne de cet avoir même si à cela il faut
ôter les coûts de production parallèles ou ajouter les
quelques francs que les paysans, par le truchement de certaines
stratégies, parviennent à augmenter leur marge
bénéficière. Certains paysans, notamment les bons
producteurs, arrivent généralement à tirer satisfaction en
terme financier de la culture du coton. S'inscrivant dans cette logique de
stratégie de mobilisation des ressources, la production
cotonnière offre à certains paysans des opportunités de
réalisation. « Sans le coton, je n'aurais peut-être pas
pu réaliser cette construction », nous fait remarquer ce
producteur en indexant deux maisons de dix (10) tôles à base de
banco dont l'une est utilisée pour stocker le coton en temps de
récolte ainsi que les intrants agricoles. Quand bien même les
producteurs sont réticents à déclarer le montant de leur
revenu du coton, certaines réalisations visibles suffisent à
témoigner que le coton fait des contents parmi les chefs de
ménage diabolais même si cet avoir est diversement
apprécié par les dépendants participant à la
production. Refusant de personnaliser le débat de peur de s'afficher
comme un dissident vis-à-vis de l'autorité familiale, certains
trouvent qu' « avec ce que les producteurs laissent sur ces champs en
terme de forces humaine et animale de travail, ils méritaient mieux que
ça ». C'est ce que nous a confié ce jeune homme de 21
ans, participant à sa troisième campagne sous l'autorité
de son père.
Ce sentiment d'un travail inutile voire ruineux est aussi
partagé par une autre catégorie d'acteurs pas dépendants
cette fois-ci, mais chefs de ménages.
VI.1.1.2. Les impayés
Aux antipodes de cette catégorie qui parvient à
tirer son épingle du jeu en fin de campagne (MARI réelle
positive), nombreux sont ceux qui produisent le coton à perte. Certains
producteurs se retrouvent en fin de campagne avec une production dont la valeur
monétaire ne couvre même pas le coût des intrants pris
à crédit pour les besoins de la production. La situation serait
moins criarde si elle était marginale et ne touchait que quelques cas
isolés. Mais en réalité, ces impayés internes
parviennent parfois à compromettre la capacité de tout un GPC
à s'acquitter de ses dettes vis-à-vis de la SOCOMA. Les agents
techniques utilisent l'expression " tomber en impayé" pour
caractériser la situation de ces gens ou de ces GPC dont la production
totale ne parvient pas à couvrir le coüt des intrants. A
l'échelle du producteur, cet impayé est difficilement perceptible
par l'observateur extérieur du fait que le surplus des uns comble le
vide laissé par la production déficitaire d'un membre. C'est la
caution solidaire fondée sur le principe selon lequel tous les membres
sont solidairement responsables de la dette du GPC. Selon ce principe, le GPC
fournit à la SOCOMA pour une nouvelle campagne une liste de ses besoins
en intrants bâtie sur les besoins spécifiques de chaque producteur
proportionnellement à sa superficie d'exploitation en coton. Ainsi,
feignant les détails, la société considère cette
dette calculée sur la valeur des intrants comme la dette du GPC.
Après la commercialisation, la société retient à la
source le montant de la dette du GPC sur la valeur totale de la production du
groupement. Le surplus qui correspond au bénéfice
réalisé par la production totale du GPC est remis aux
responsables du groupement qui, en fonction de la valeur des intrants
consommés par chaque producteur et de la valeur de sa production,
remettent à chacun son bénéfice ou réclament le
paiement de son déficit.
Le constat qui s'impose c'est qu'une situation d'impayé
se répercute sur l'avoir de tous les membres du GPC. Ceux-ci doivent
donc recourir à tous les moyens pour obliger les producteurs
tombés en impayé à rembourser le solde négatif de
leur production pour que chacun puisse être rémunéré
à juste titre. « La situation serait moins dramatique si en
produisant à perte on n'y laissait seulement que sa force de travail et
son dur labeur », déplore un producteur tombé en
impayé. Car, tous les producteurs déficitaires sont
obligés de retourner dans leurs concessions respectives chercher de quoi
s'acquitter de leur crédit. C'est ainsi que dans le département
de
Diabo, à la fin de chaque campagne, comme l'avait
remarqué le spécialiste de la question du coton A.
SCHWARTZ, « des paysans sommés par le GPC de
s'acquitter coUte que coUte de leur dette vont jusqu'à
décapitaliser, en vendant au plus offrant (le plus souvent à vil
prix comme cela se produit dans ces genres de situation), qui une charrette,
qui un boeuf de trait - voire les deux de l'attelage - qui une mobylette
» (SCHWARTZ, 1993). Ainsi, la situation des 200 000
cotonculteurs burkinabè de 2005 dépeinte par S.
DIALLO pour illustrer la rentabilité du coton travestit la
réalité. Soutenir que « les recettes nettes peuvent
être estimées à 45 milliards de FCFA, soit en moyenne 225
000 FCFA par exploitant (revenu trois fois supérieur au seuil de
pauvreté16) » (
www.abcburkina.net,
article : pauvreté rurale et commerce international : le
cas du coton, p.2) occulte des inégalités
abyssales entre les producteurs déficitaires et ceux qui
réalisent des bénéfices et l'extrême
précarité occasionnée par le coton dans plusieurs
ménages tombés en impayés. Ces impayés sont lourds
de conséquences pour tout le ménage producteur qui y laisse toute
sa force de travail et l'essentiel de ce qu'il avait de valeureux dans la
concession. Cette double perte, comme le qualifie un producteur, doublée
des vives pressions souvent exercées par des voisins ou des parents sont
causes de nombreuses tensions sociales.
La situation d'impayé maintient le GPC et ses membres
enfermés dans un cercle vicieux. Du fait de la compensation mutuelle des
crédits, certains producteurs ayant une production excédentaire
n'arrivent pas à récupérer l'intégralité de
leur avoir en dépit des pressions exercées sur les uns et les
autres. Car, comme il fallait s'y attendre, « il y a des producteurs
tombés en impayé qui n'ont rien à vendre pour rembourser.
Vous-mémes vous voyez qu'il aura de la peine à surmonter
l'année parce que son champ de mil n'a pas donné grand-chose,
explique un président de GPC. Alors on lui donne une chance de
se rattraper ». Cela consiste à lui fournir des intrants afin
qu'il produise dans l'optique de pouvoir rembourser, en plus du coüt des
intrants de la nouvelle production, son ancien crédit. Cette solution
fait parfois son effet, surtout si l'impayé était dü
à une cause conjoncturelle. Aussi, ceux qui devraient avoir de l'argent
et qui n'ont eu qu'une partie parce qu'ayant comblé le déficit
des autres ont-il initié une nouvelle stratégie
d'auto-remboursement. « Ils
16 Passage souligné par l'auteur
lui-même.
prennent beaucoup d'intrants, ce qui alourdit le
crédit du GPC, produisent peu et vendent le reste des intrants sur le
marché noir pour recouvrer un peu ce que les autres leur doivent
», explique le CC. Ainsi, le groupement évolue d'impayés en
impayés et ces impayés, d'abord internes (au niveau individuel),
finissent par devenir externes (à l'échelle du GPC), compliquant
davantage la situation et les rapports sociaux deviennent tendus.
L'illustration nous vient du GPC Saatenga II de Saatenga où, la crise
battant son comble cette année, presqu'aucun membre du groupement n'a
reçu un sou. Pour améliorer le recouvrement de ces
crédits, il est interdit à ces genres de producteurs - ayant un
impayé - de changer de GPC ; le groupement qui le reçoit est
contraint au remboursement de l'impayé que le producteur doit à
son ancien groupement. Il faut noter qu'au moment de notre passage au sein de
ce GPC (dernier passage le 03/08/2007), des procédures judiciaires se
dessinaient pour obtenir le remboursement du plus gros débitaire qui se
trouve être le président dudit groupement.
VI.1.2. Les effets des subventions du coton : le
contexte diabolais
Les subventions accordées par certains pays
développés à leurs producteurs de coton font peser des
menaces sur les filières coton africaines du fait des distorsions
créées sur le marché mondial du coton. Ces subventions
entraînent un lot de conséquences sur les pays qui ne peuvent pas
se payer le luxe de subventionner leur agriculture. Il y a d'abord la
volatilité du cours du coton : les subventions poussent les pays
à produire davantage. La demande mondiale n'augmentant pas
proportionnellement à l'offre ne peut qu'entraîner une chute du
cours de la fibre. Ensuite, on peut noter la baisse des recettes à
l'exportation et des revenus des producteurs. Des sociétés
cotonnières ont vendu à perte leur fibre, le cours mondial
étant inférieur au prix de revient. Il y a enfin la baisse de la
croissance économique des pays producteurs. C'est se fondant sur ces
conséquences désastreuses que les pays producteurs du Tiers Monde
se sont alliés dans le cadre de l'OMC lors des deux conférences
à Hong Kong et ä Cancun dans le but de mettre fin à ces
subventions. . Pour le cas du Burkina Faso, cela a mis à mal la
filière qui a du recourir cette année à une
recapitalisation de son budget pour pouvoir faire face à ses besoins de
production. Sa répercussion sur l'avoir paysan est notable.
Avant l'année 2006, le prix du coton au Burkina Faso
était fixé à partir de 3 éléments essentiels
: le prix plancher d'achat du coton graine, le fonds de soutien au prix
plancher et la ristourne. Le prix plancher est le prix le plus bas auquel les
sociétés cotonnières achetaient le coton. Il était
fixé à 175F le kilogramme. Le fonds de soutien au prix plancher
est un fonds de lissage, une sorte de compte bancaire qui devait permettre
d'assurer la stabilité du prix d'achat aux producteurs lorsque le prix
sur le marché mondial est inférieur au prix de revient du
kilogramme de coton fibre (685 FCFA). Ainsi, un niveau de prix mondial
inférieur à 685 FCFA commandait que le fonds de soutien, qui
recevait l'argent des bénéfices de la SOFITEX, intervienne. Dans
le contexte de ces dernières années marquées par les
subventions du coton européen et américain qui ont
provoqué la chute des cours mondiaux, ce mécanisme s'est
révélé non viable pour les sociétés
cotonnières. Ainsi, un nouveau mécanisme de fixation des prix a
été adopté par l'AICB (Association Interprofessionnelle du
Coton du Burkina)17 en assemblée générale les
28 et 29 mars 2006. Il a mis fin à ce prix plancher de 175F et
supprimé le fonds de soutien (le Producteur n°013, novembre 2006,
pp17-18). Cela a permis le paiement du coton graine par les
sociétés cotonnières à 165 FCFA le kg au producteur
immédiatement la campagne suivante (2006/2007). Ce qui représente
un manque à gagner minimal de 9000 F/ha au compte du producteur
diabolais selon l'ancien mécanisme des prix qui venait d'être
supprimé quelque mois plus tôt. Ce manque à gagner est plus
important qu'il n'en a l'air quand on sait qu'il représente environ 44%
du bénéfice escomptable du producteur diabolais à
l'hectare et qu'à l'échelle du département, il correspond
à une perte de 22,5 millions de FCFA au moins pour le compte de cette
campagne 2006/2007 !
Dans ce nouveau contexte, l'or blanc est en train de perdre
ses attributs en milieu rural. A ce facteur de réduction du revenu du
producteur s'ajoute la hausse des coüts des facteurs de production. A
l'entame de la campagne agricole 2007/2008 (campagne en cours), le prix du sac
d'engrais NPK est passé de 12 950 FCFA à 13 200 FCFA.
Concomitamment, le kilogramme de coton graine est passé de 165 FCFA
à 145 FCFA. Dans ce nouveau contexte, chaque hectare de coton engage un
crédit de 129 044 FCFA (ou 99 602 FCFA sans frais d'appareil). Alors
17 Composée de l'UNPCB et de l'APROCOB
qu'avec les conditions pluviométriques capricieuses
(répartition très irrégulière et insuffisance) qu'a
enregistrées le département à l'image de l'ensemble du
territoire national, le rendement moyen prévisionnel tourne autour de
800 kg/ha. Dans ce contexte conjoncturel, le revenu net moyen se situe entre
-13 044 et 16 398 FCFA. Si l'on ne perd pas de vue que le rendement effectif
varie entre 1100kg/ha (des cas isolés) et 400kg/ha (où se
concentre la majorité), il est évident que le coton fera beaucoup
plus de malheureux à l'issue de cette campagne 2007/2008.
C'est conscient de cette perte de rentabilité du coton
que les producteurs de Diabo ont commencé à abandonner la culture
cotonnière. Sur 62 GPC à la fin de la campagne 2006/2007,
seulement 38 GPC ont effectivement produit en 2007/2008. En terme de
superficie, ce sont 924 ha cultivés contre 2500 ha la campagne
précédente soit une baisse d'environ 63% des superficies de
coton. C'est dire donc que 24 GPC, pourtant inscrits pour la campagne, n'ont
pas semé un seul millimètre carré de coton. Beaucoup ont
reçu la livraison en intrants mais ont jugé la situation
inopportune aux lendemains de l'annonce de la baisse du prix du kg de coton et
de la hausse du coût des intrants. Même au sein des GPC en liste
dans la production, beaucoup de producteurs ont désisté, ce qui
explique que sur une prévision de 1400 ha de production, seulement 924
ha ont été investis, soit un taux de réalisation de 66%.
L'autre facteur explicatif de ces 34% de non réalisation est la logique
de précaution qui consiste à limiter la production pour
réduire au minimum les effets d'une éventuelle non couverture des
crédits. C'est ainsi que le nombre de producteurs est passé de
2400 en 2006/2007 à 1150 à l'entame de cette campagne 2007/2008
soit un taux d'abandon de 52% environ et la moyenne de superficie par
producteur est passée de 1,08 ha à 0,81ha/producteur.
Conscient de la réduction inéluctable des
revenus des producteurs que commande cette nouvelle donne, la
société (SOCOMA) a « volontairement suspendu certains
groupements (GPC) petits producteurs d'ordinaire, ceux qui, même en
conditions plus fastes, tombent en impayés ou réalisent de petits
bénéfices, de
l'ordre de moins de 300 000FCFA, convaincu que ces GPC
seront dans l'incapacitéde couvrir les coûts des facteurs de
production maintenant», nous renseigne le C.C
du département. Les groupements ainsi suspendus sont
sommés de rembourser les coüts des intrants dont ils disposent
par devers eux, les cas d'impayés des
campagnes précédentes sont aussi exigés
auprès de ceux qui s'en sont rendus coupables. Face à la lenteur
des producteurs (du fait d'un manque de volonté ou d'une
incapacité à réunir au plus tôt les fonds
nécessaires à ce remboursement), la voie retenue pour le
recouvrement de ces fonds est la police qui parvient à contraindre le
déditaire à la vente de certains biens domestiques selon une
échéance sous peine d'emprisonnement, ce qui fait
généralement recette.
Les ristournes18 sont difficilement
comptabilisables en milieu rural diabolais. Sa valeur (montant attendue)
n'étant pas directement perceptible au niveau paysan, elles font l'objet
de fréquentes malversations de la part des responsables des GPC qui sont
en général les seuls lettrés dans un milieu rural
où le taux d'analphabétisme est très élevé
au niveau adulte (chef de ménage). A l'échelle de nombreux
producteurs enquêtés, ces ristournes constituent des sommes
insignifiantes quand elles parviennent entre leurs mains même si les
responsables enquêtés proclament une transparence
irréprochable dans leur gestion. Ce qui ne souffre d'aucun débat,
c'est qu'aucune réalisation (édifice ou matériel de
quelque usage collectif que ce soit) n'existe sur le territoire
départemental au nom des producteurs de coton. Sous d'autres cieux, ces
ristournes dont une partie est retenue par l'administration locale, ont permis
la réalisation de quelques infrastructures pour soutenir la
décentralisation. Jusque-là, les bénéfices du coton
s'apprécient au niveau strictement individuel dans le département
de Diabo.
C'est l'ampleur de ces effets occasionnés par le
nouveau contexte de subvention du coton du Nord qui a mobilisé les
dirigeants et producteurs des pays se sentant lésés lors des deux
derniers sommets de l'OMC (Hong Kong et Cancun). Mais les résultats
obtenus lors de ces sommets restent mitigés et les quelques acquis
connaissent des problèmes d'application. Le caractère
controversé de la question des subventions à l'agriculture n'a
suscité qu'un vain débat au sommet de Hong Kong en 2006,
tellement vain que le 24 juillet 2006, Pascal LAMY, directeur
général de l'OMC déclarait la suspension pure et simple
des négociations sur l'agriculture. Mais selon le Ministre
brésilien des affaires étrangères, les discutions se sont
poursuivies dans d'autres espaces et les signes d'une reprise des
pourparlers
18 Prix d'achat complémentaire lié
à l'évolution favorable des prix de la fibre sur le
marché
se multiplient. « Nous avons retiré le malade de
l'unité de soin intensif et il est à l'infirmerie »,
ironisait-il aux colonnes du journal Le monde.
VI.2. Gestion du revenu du coton
L'argent généré par le coton est
utilisé selon plusieurs trajectoires de consommation.
VI.2.1. Les principales allocations
Quoiqu'on dise, le coton injecte de l'argent dans les
ménages ruraux. Si d'un côté on peut noter les effets
dévastateurs d'une production déficitaire sur un ménage ou
sur un GPC entier, il convient aussi de noter que d'un autre côté,
les gros producteurs arrivent à se faire des bénéfices.
Alors, quel rôle joue cet avoir dans les ménages ?
Une ambiance de fête règne au sein des
ménages cotonculteurs le jour de la perception de l'argent du coton.
C'est le constat général qui se dégage chez les
producteurs qui entendent ainsi récompenser les membres de la famille
pour leur participation à la production du coton vendu. Les postes de
dépenses sont multiples et les chefs de ménage ne retiennent que
ce qui est notable. Par ailleurs, il nous est impossible de disposer du montant
des allocations par poste, les paysans euxmêmes s'étant
montrés incapables de l'estimer quand nous le leur avons
demandé.
Ainsi, l'argent du coton est utilisé dans la
construction. Les maisons (de 10 tôles surtout) ont
proliféré sur le sol diabolais ces dernières
années. Du fait du coût très élevé du ciment,
les producteurs déclarent se rabattre sur le banco, les briques ne
coütant aucun sou. Ces maisons, bien qu'abritant la famille, servent de
moyens de production pour ces cotonculteurs qui expliquent leur importance par
les besoins de stockage de coton, avant le transfère sur le
marché, contre les vents de saison sèche qui salissent le coton
et la rosée qui le rembrunit, toute chose qui affecte sa qualité.
Elles servent aussi de lieu de stockage des intrants ou du restant de ceux-ci
après la campagne de production. Ce qu'il convient de noter c'est que
cette tendance à la construction moderne n'est cependant pas le fait des
seuls cotonculteurs ; elle touche toutes les concessions en milieu rural
diabolais. En réalité, nous répond ce non producteur,
« c'est parce qu'il est devenu difficile
d'entretenir une maison en toit de chaume ». En
effet, la chaumière d'une maison nécessite un renouvellement tous
les ans, aux meilleures des conditions tous les deux ans sinon « quand
il vente, du sable provenant des nids des termites vous emplissent les yeux et
les oreilles, et l'eau de pluie s'infiltre à travers le toit vous
empêchant de dormir et abîmant vos effets», poursuit-il.
Avec la raréfaction des brousses des environs où le moindre lopin
est maintenant exploité ou en surpaturage, les paysans sont dans
l'incapacité de trouver les herbes indiquées pour ces toitures.
Et « comme le secco rivalise de coût avec les tôles (1500
FCFA le secco, renouvelable chaque année contre 2500 FCFA la tôle
non renouvelable), il est donc plus rationnel de construire avec les
tôles », fait remarquer ce chef de ménage de douze (12)
personnes.
Un autre domaine où s'affirment les producteurs de
coton est l'acquisition de moyens de déplacement. Ces moyens de
déplacement se résument pour l'essentiel aux motos (JC, Sanili,
Sukida, King, CG, TVS, et Mate dans la plupart des cas)
dédouanées ou non en provenance de Sinkansé. C'est un
domaine où les cotonculteurs ont la quasi exclusivité, plus
précisément les grands producteurs. Ces motos sont à
l'honneur pendant les premières heures de la récolte du coton,
moment aussi où elles font de nombreuses victimes accidentées,
nous apprend ce producteur propriétaire d'une moto Sukida. Mais
dès le mois d'avril ces motos disparaissent de l'aire
départementale pour ne plus sortir que très occasionnellement
marquant la fin de l'argent du coton. Pour l'acquisition de ces engins,
beaucoup d'autres biens sont vendus en complément, des biens parfois
acquis lors de campagnes agricoles précédentes au regard de la
modestie de l'avoir du coton par campagne.
Egalement, un lot essentiel de dépenses est
constitué par les funérailles et les mariages. En effet, les
funérailles et les mariages sont des manifestations où on
enregistre un grand étalage de faste. Le revenu de nombreux producteurs
reste dans l'une ou l'autre de ces manifestations où, dit-on, c'est
l'honneur qui est en jeu. Que ce soit les funérailles d'un membre de sa
famille ou de la belle-famille, il faut forcer l'admiration et l'estime des
autres. Tout se passe comme si l'argent du coton est par essence un facteur de
mégalomanie ou qu'il est destiné à être
utilisé pour se construire une image plutôt que pour la
consommation de tout le ménage. C'est ainsi que certains produisent du
coton une seule saison ou deux seulement parce qu'ils ont des
funérailles ou un mariage en vue. Ces cas sont légions dans le
département.
C'est pourquoi le statut de cotonculteur va de paire avec
l'ostentation, le faste et la vanité hors du cadre familial. Ce poste
concentre toutes les catégories de producteurs, les grands comme les
petits qui ont réussi une marge bénéficiaire.
Il y a enfin la scolarité des enfants, les besoins de
santé et les achats de bétail (remplacement
généralement) et de vivres. Pour ce qui est de la santé,
il faut noter une condition physique assez faible chez certains producteurs
(petits comme grands) surtout les membres qui traitent aux pesticides les
parcelles. La chose la mieux partagée chez ces gens est les maux de
tête, les maux d'yeux et les nausées du fait de l'inhalation par
les traiteurs des produits utilisés. Quoi qu'il en soit, les besoins de
santé n'occupent pas une place centrale dans l'allocation des revenus
des producteurs, pas plus que la scolarité des enfants. Ces maladies
étant récurrentes et généralisées au niveau
des producteurs, ils préfèrent rester à la maison dans la
plupart des cas. Le degré de scolarisation des enfants ne permet pas de
faire un distinguo entre les familles productrices et non productrices. On ne
peut vraiment pas dire que les ménages cotonculteurs ont plus
accès aux services de santé et à la scolarité que
les autres du moment où la disponibilité financière ne
dure que d'un ou deux mois au plus. Pour le restant de l'année, tous les
paysans sont soumis aux mêmes conditions de rareté et les non
producteurs ont parfois même de meilleures prédispositions que
certains producteurs déficitaires. Quant au bétail et au mil,
c'est aussi un domaine relativement marginal car de façon
générale, on n'achète de bétail que parce qu'on a
perdu un de trait ou qu'on n'en avait pas. Sinon pour le renouvellement, on
n'utilise pas l'argent du coton mais celui de l'ancien qu'on a vendu.
L'embouche n'est d'ailleurs pratiquée que par quelques
commerçants isolés qui ne sont d'ailleurs pas cotonculteurs. Pour
ce qui est du mil, il n'y a que ceux qui ont une production
céréalière visiblement déficitaire qui en
achètent dès perception de l'argent du coton, principalement les
petits producteurs.
Il est essentiel de faire le constat selon lequel chez tous
les enquêtés, les frais des réalisations à chaque
campagne ne touchent qu'une partie du revenu, à peine 75% de l'argent
perçu. Tous ont une même grille d'allocation : « tu
donnes un peu à chaque dépendant et tu gardes le reste pour un
usage à bénéfice collectif. Car si un problème
survient dans la famille, le dépendant n'est vraiment pas engagé.
C'est le chef de ménage qui doit régler. Mais si tu ne donnes
rien aussi, personne ne voudra
cultiver avec toi la campagne suivante »,
explique un chef de ménage producteur. Ce geste de redistribution se
résume « généralement [à] un billet de
mille (1 000) francs CFA ». C'est cette même modalité de
gestion que l'on rencontre chez tous les producteurs. Peut-on parler dans ce
cas d'épargne sécurité ? Aucunement. Aucun
enquêté ne déclare confier son argent à la Caisse
populaire de Diabo dont tout le monde sait l'existence. « Ce que nous
gagnons ne suffit même pas à nos besoins immédiats. Et puis
la caisse, ce n'est pas avantageux. Un truc qui n'augmente pas mais diminue au
contraire, ce n'est pas facile », développe un
enquêté. Pour preuve, à la date du 28 février 2006,
la caisse populaire de Diabo comptait 485 clients individuels dont 387 hommes
et 98 femmes (DRED : Monographie de la commune rurale de Diabo). Cette somme de
réserve reste donc sous la protection et à l'initiative du chef
de ménage. Pour certains, c'est pour que le chef de ménage puisse
régler ses petits problèmes et gagner de temps en temps quelque
chose pour renouveler sa force de travail. En réalité, cet argent
est consommé dans un cadre extra familial. Une autre partie de l'argent
va au remboursement des dettes annexes contractées pour le besoin de la
production ou pour autres besoins. Ainsi, le chef de l'UP, maître de la
production, reste maître de la gestion de son argent.
VI.2.2. De nouvelles pratiques sociales
Sur l'aire départementale, un nouvel environnement
social se développe avec la production cotonnière comme point de
rattachement. En effet, un mode de salutation s'est installé avec un
sens spécifique. A partir des campagnes de commercialisation, «
les cotonculteurs, pour saluer quelqu'un de loin, ne lui lèvent que
leur main gauche », nous confie ce non producteur de la quarantaine
d'age entre deux éclats de rire. La pratique serait
considérée comme une simple fantaisie si elle n'était pas
généralisée au sein des cotonculteurs et que les non
producteurs ne s'en défendaient pas. Cet état de fait a
trouvé confirmation chez tous nos enquêtés, producteurs ou
non. Pour les producteurs, c'est un moyen d'affirmer leur identité, de
se démarquer des autres paysans exclusivement
céréaliculteurs. «C'est parce que les cotonculteurs des
premières heures roulaient à moto, explique un cotonculteur
de la trentaine d'age, adepte de ce comportement. Et comme en conduisant on
ne peut pas soulever sa main droite, ils levaient leur main gauche pour saluer
les gens. Les gens en ont conclu que c'est pour dire qu'ils ont l'argent
maintenant qu'ils se
comportent ainsi. Alors, nous aussi, quand on prend
l'argent de notre coton, on reproduit le même geste de salutation de
la gauche même quand on marche. Là, tout
le monde sait que tu es cotonculteur et que tu ne crains
rien actuellement même siau fond tu n'as pas gagné
grand-chose dans cette production. Mais personne ne sait
combien tu as gagné ! Ça amuse certains non
producteurs, ça fâche d'autres mais on s'en fou ». Si
certains tiennent à afficher leur statut de cotonculteur, c'est parce
qu'il y a une certaine image valorisante qui accompagne ce statut. Si les non
producteurs n'exploitent pas cette grille identitaire c'est parce que du point
de vue de beaucoup d'entre eux, l'image du producteur de coton est
entachée de réalités non enviables. Les ménages
producteurs constituent à leurs yeux des lieux « de
misères en période de soudure, de mauvaises rations alimentaires
et d'instabilité permanente » occasionnée par l'argent
du coton et les écarts de conduite que cela occasionne.
A côté de cette nouvelle forme de salutation, on
note une résurgence et une nouvelle orientation de la polygamie et du
statut de la femme dans le ménage. Ce n'est pas un
phénomène universel chez les cotonculteurs mais a une proportion
non négligeable. La polygamie n'est pas non plus un
phénomène nouveau mais l'orientation est nouvelle. Au regard du
caractère extensif de la production, la quantité produite est
corrélée à la superficie exploitée à cet
effet. Ainsi, incapables de s'attacher les services d'une main d'oeuvre
rémunérée, les producteurs voient en la femme une
alternative avec ce double avantage qu'elle constitue une force de travail et
productrice de force de travail (les enfants). Ainsi, la femme, autrefois motif
de fierté, de prestige et de richesse, est devenue aujourd'hui un
facteur de production. C'est sans doute ce statut qui écarte la femme de
la gestion des revenus du coton, alors que sa participation est paritaire avec
celle de l'homme dans la production de ce revenu ; car il peut arriver qu'elle
ne gagne rien alors qu'elle participe à l'effort de sortie de crise dans
des situations d'impayés ou de disettes.
Il y a enfin ce que l'anthropologue R.
BENEDICT a appelé la "tendance à la paranoïa
mégalomaniaque"19. Sur l'espace diabolais, toutes les
opportunités d'affirmation de soi sont exploitées pour se
fabriquer une identité ou pour la
19 Claude MEILLASSOUX, 1997, p.182
réhabiliter. C'est ainsi que lors des
cérémonies de mariage « on fait danser des gens des
jours entiers avant et après la cérémonie. Si tu
prépares du riz local, les tentes de ta femme vont bouder et plier
bagages. Les gens ne vont pas manger et vont te chanter en guise de comparaison
lors de cérémonies plus somptueuses », témoigne
ce jeune producteur nouveau marié qui dit y avoir laissé
l'intégralité de son avoir cotonnier. Cette pratique n'est plus
le seul fait des cotonculteurs depuis ces trois dernières années.
Jusqu'à cette date, on se représentait différemment les
cérémonies des producteurs et des non producteurs avec des
attentes différentes. Mais aujourd'hui, tout le monde essaie de suivre
la tendance, d'emprunter cette voie de la grandiloquence pour ne pas s'avouer
inférieur. Chacun y joue son identité et son rang car «
le capital financier brûlé établit ou développe
le capital social, la renommée personnelle. Outre la hiérarchie
des pouvoirs et des fortunes, ces manifestations engagent la hiérarchie
de l'orgueil : chacun, qu'il veuille ou non, y joue son rang »
(VIDAL, 1991, p.10). Les gestes symboliques y ont acquis une
valeur vénale et les sommes symboliques se décuplent à
volonté. S'en est de même des funérailles et bien d'autres
rituels.
Ainsi, les cotonculteurs sont devenus des acteurs d'une
mutation sociale orientée vers la pleine monétarisation des actes
de la vie sociale. « On ne se marie plus quand on peut gérer
une femme mais quand on peut imprimer son mariage en lettre d'or dans la
mémoire collective. Là où il faut donner selon l'usage un
quartier de mouton, il faut y donner un mouton entier. Là, on s'en
souviendra ; et demain on en voudra à celui qui agira selon l'usage
», constate un vieux de 55 ans, chef d'un ménage
céréaliculteur avant de conclure que « c'est pour cela
que l'on dit que l'argent dénature l'homme, l'argent se substitue aux us
et coutumes. On ne fait plus ce que la société autorise mais ce
que sa poche autorise ».
En résumé, nous pouvons retenir que la
production cotonnière s'inscrit dans une logique stratégique dans
le milieu rural diabolais. Elle ne se justifie donc pas par la valeur
intrinsèque de l'argent qu'elle génère. Le constat qui
s'impose c'est que :
a. quand la production cotonnière est
déficitaire, c'est-à-dire que si la
production d'un ménage ne couvre pas le coüt des
intrants, le coton est source de ruine, de misère sociale et, en
expropriant le ménage de ses
biens qu'il brade pour s'acquitter de son crédit, le
ménage se trouve
enfermé dans une précarité pour de
nombreuses années.
b. quand la production couvre le coût des
intrants et que le ménage
réalise un bénéfice, cet argent du coton
se retrouve incapable d'améliorer les conditions de vie du ménage
; les dépenses étant orientées vers l'ostentation, le
prestige et le faste.
En tout état de cause, le coton n'est pas un facteur de
développement du monde rural diabolais. Au contraire, il est un facteur
de précarisation des conditions de vie des ménages producteurs
diabolais.
CHAPITRE VII : COTON ET DEVELOPPEMENT DURABLE
Au regard du caractère stratégique du coton en
milieu rural diabolais certaines conjonctures rendent sa production
nécessaire pour le ménage. C'est le cas des producteurs
occasionnels. Dans le contexte socioéconomique du milieu rural
diabolais, le coton se présente parfois comme le seul recours. Mais
quels enjeux le fait pour les paysans de se rabattre sur l'or blanc
soulève-t-il ?
VII. 1. Le coton à l'aune du développement
durable
Dans le milieu agricole, l'espace constitue le premier facteur
de production. Entendu comme surface, c'est la variable sur laquelle jouent
tous les producteurs en fonction des objectifs de la campagne au regard du
caractère extensif de la pratique agricole. En tant que tel, l'espace
constitue un enjeu majeur en milieu agricole diabolais où ses besoins
selon différents usages se sont accrus au cours de cette dernière
décennie.
VII.1.1. De la sécurité
foncière
Traiter de la consommation spatiale revient à
considérer deux phénomènes essentiels : d'un
côté les superficies exploitées ou le nouveau
système d'exploitation de l'espace dicté par la production
cotonnière, et de l'autre l'action de cette production sur les sols et
sur l'environnement rural en général. En effet, avant
l'enracinement de la culture du coton que l'on peut situer autour des
années 1997, la disponibilité des terres permettait aux paysans
de faire de longues jachères. De nouveaux champs étaient
défrichés mais en proportion avec l'ancienne parcelle qui vient
d'être libérée, ce qui était sans incidence sur les
superficies libres de toute activité agricole. C'était une
stratégie qui participait de l'organisation fonctionnelle de l'espace.
Cette organisation tournait autour de deux fonctions essentielles
complémentaires : l'agriculture et l'élevage. A partir de la
vulgarisation du coton en 1997 dans le département, de plus grandes
sollicitations sont observées sur l'aire départementale en
matière de terres cultivables. Les producteurs, éleveurs ou
non,
se rejoignent quant à la perception de la
raréfaction des espaces libres. En effet, « dès qu'un
paysan commence à goUter à la liquidité que procure le
coton et qu'il réussira à se procurer une force de traction
animale, il commence à étendre son champ pour augmenter ses
superficies en coton », constate un éleveur non producteur.
Ainsi, depuis le début des années 2000, de vastes
périmètres supplémentaires sont défrichés
dans les brousses diabolaises. Mus par le mirage cotonnier, de nouveaux
ménages se créent dans les familles étendues. Tous ces
nouveaux se lancent dans de nouvelles défriches de grande envergure
chaque année. La jachère devient impraticable dans cette
atmosphère de pression foncière.
Pour ce qui est de l'effet de la culture du coton sur les
sols, les paysans du département semblent en avoir la pleine mesure.
Pour eux, il est indéniable que le coton « tue » le
sol. Le phénomène semble plus important si l'on ne perd pas de
vue que ces paysans, sans expertise, ne se basent seulement que sur des
manifestations perceptibles à l'oeil nu et observables à court
terme, en l'espace de deux ou trois campagnes. Les éléments
reconnus responsables de la dégradation de ces sols sont l'engrais et
les produits phytosanitaires. En effet, il est donné de constater sur
les champs diabolais un durcissement des parcelles affectées à la
production cotonnière. « Les espaces où nous utilisons
de l'engrais durcissent sérieusement dès les campagnes suivantes
menaçant même de devenir une clairière. Le sol devient
lourd au labour et le travail à la daba très laborieux au bout de
quelques années », témoigne un producteur de la
quarantaine d'age au milieu de son champ de coton et qui nous apprend qu'il a
choisi cette parcelle pour son début dans la production
cotonnière parce qu'elle était molle et agréable à
cultiver, pour être sûr de ne pas manquer son entrée dans le
coton. Mais six (06) campagnes après, « cette parcelle est
devenue la plus dure de ma propriété et la plus sensible à
la moindre sécheresse », constate-t-il malgré sa
pratique de la rotation sur culture.
Des effets négatifs sur l'environnement, il n'y a pas
seulement que l'engrais qui les produit. Il y a aussi les autres produits
phytosanitaires. « Nous n'avons pas d'outils d'analyse mais il est
clair que les produits tuent nos sols. D'ailleurs les ATC déconseillent
l'utilisation de certains produits l'année suivante si vous les avez
utilisés cette année », argumente un producteur. Pour
les paysans du département, producteurs ou anciens producteurs, la
dégradation du sol par les produits
phytosanitaires ne souffre plus de débat. Certains
producteurs en veulent pour preuve le fait que les ATC prescrivent de limiter
la production cotonnière consécutive sur une même parcelle
à un maximum de deux (2) fois ; il faut changer obligatoirement de place
la troisième année. Ceux qui ont déjà enfreint la
règle déclarent avoir caressé le désespoir. Un
producteur s'en souvient en ces termes : « le coton se comporte
très mal, la plante elle-même est très malade et peine
à grandir quel que soit votre apport en engrais et les différents
traitements phytosanitaires. Tu vois profiler la ruine à l'horizon avant
méme la récolte. C'est la perte assurée ». En
réalité, c'est parce que le cotonnier est une plante pivotante.
Ses puissantes racines lui permettent d'aller chercher loin les nutriments
enfuis dans le sol. Deux années de culture successives suffisent au
cotonnier de puiser une bonne partie des composantes organiques du sol ;
composantes avec lesquelles l'engrais a besoin de se combiner pour produire son
effet. C'est pourquoi à la troisième année l'engrais se
trouve incapable de soutenir la plante, la faible teneur des composantes
organiques du sol ne favorisant pas une bonne combinaison. Quoi qu'il en soit,
cette situation nous renseigne sur les effets du cotonnier lui-même sur
les sols. C'est pourquoi, selon le C.C du département, «
prescription a été faite aux producteurs de brûler les
emballages après utilisation pour éviter de dégrader
l'environnement et d'intoxiquer l'entourage, et aussi d'éviter de laver
les matériels de pompe dans les marigots pour éviter
l'intoxication des hommes et des animaux ». C'est le volet
sensibilisation de la mission de son équipe.
Nonobstant cela, un producteur de 42 ans à la
tête d'une unité de production formée de sept (7) personnes
et en migration saisonnière dans une brousse à forte
densité cotonnière soutient être convaincu d'une chose :
«les malaises, les nausées et les maladies bizarres qui nous
attrapent pendant notre séjour au champ en saison pluvieuse et qui nous
poursuivent parfois même en saison sèche au village ont pour cause
les pesticides répandus dans les champs de coton et transportés
par les eaux de ruissellement vers le marigot où tout le monde puisse de
l'eau de boisson ». Il est conforté dans sa conviction par le
fait que les techniciens prescrivent de reprendre le traitement d'un champ de
coton en cas de survenance d'une pluie dans les douze (12) heures suivant le
traitement. C'est la preuve que les eaux pluviales sont efficaces dans le
lessivage des plantes de coton et que ce sont ces eaux provenant des champs qui
emplissent les marigots. Alors que pour l'ATC de Tangaye, «
ces
produits sont dégradables au contact avec la
nature. Les effets toxiques de ces eaux de ruissellement sont donc
réduits au néant parce que les toxines s'infiltrent dans le sol
». Ce qui est sûr, que ce soit le sol qui absorbe ces toxines
(et se dégrade) ou qu'elles parviennent au marigot et fragilisent
l'organisme humain, leur caractère offensif dans l'environnement rural
n'en est pas moins établi. Le producteur lui-même - ainsi que son
entourage - n'est pas à l'abri.
Par ailleurs, les ATC conseillent aux paysans de « se
couvrir entièrement, se masquer et laisser les vétements qu'ils
ont utilisés pour le traitement loin des autres effets d'habillement
pour un nettoyage et se laver correctement après l'épandage des
pesticides ». Malgré cela, ces derniers causent migraines,
diarrhées et nausées à chaque séance de traitement,
lesquels maux se prolongent pendant quelques temps voire pendant toute la
durée de la campagne de production. Ce sont là du moins les maux
dont le producteur peut faire le rapprochement direct avec les produits
phytosanitaires sinon, témoigne un groupe de producteur, «
quand tu souffres d'un malaise et tu arrives au CSPS, on te dit : vous les
hommes de coton-là, c'est le coton qui va vous tuer. On sait qu'on a mal
mais on ne sait pas exactement ce qu'on a ». Il est à noter
qu'il n'existe pas pour les paysans un matériel de protection standard,
chacun se déguisant au gré de ses caprices et de ses
inspirations. Dans cette zone, chaque année, des paysans sont victimes
d'intoxication involontaire. « L'année passée, on m'a
transporté dans un état quasi cadavérique de mon champ
jusqu'au CSPS qui était à plus de 15 Km. Le voisin qui est
là (il indexe son voisin de derrière) a subi le
même sort. Dans notre brousse à Tampeelgo, il y a une famille de
sept (7) personnes qui a été terrassée par le produit.
Heureusement ils n'en sont pas morts mais en sont sortis très affaiblis
», témoigne un producteur de 38 ans sous des éclats de
rire des autres membres du groupe. Les situations dépeintes dans ce
témoignage, même si elles sont la résultante d'un manque
d'attention, n'illustrent pas moins que ces produits restent source de danger
et constituent un réel danger dans l'environnement rural diabolais. Le
BIT estime qu'environ quarante mille (40 000) personnes, quasi exclusivement
des paysans des Etats du Sud, meurent chaque année à la suite
d'une intoxication due aux pesticides et chiffre entre trois (3) et cinq (5)
millions le nombre de paysans gravement atteints (LE CLECH,
1998, p.106). L'Agronome français Bernard LE CLECH
(1998) dans ses recherches sur l'agriculture et l'environnement est parvenu aux
conclusions
selon lesquelles les intrants agricoles provoquent la
contamination des eaux (eau de surface ou aquifères profonds) par
ruissellement ou infiltration dans le sol, la contamination de l'air par
évaporation des produits phytosanitaires. Tout cela a de multiples
incidences sur la santé humaine : effets mytogène,
tératogène, perturbation du système immunitaire, baisse de
la fertilité (p.103).
Somme toute, nous pouvons établir le constat selon
lequel le département évolue vers une insécurité
foncière. L'invasion croissante des brousses du département, les
grandes défriches, en somme la grande consommation spatiale que commande
la production cotonnière d'une part et les effets que cette production a
sur ces grandes superficies en terme de dégradation d'autre part nous
confortent dans cette logique. La région du Bam autrefois zone à
forte intensité cotonnière et aujourd'hui timide en agriculture
même vivrière ou encore le Nord burkinabè où il y a
environ 40 ans le coton était produit constituent une illustration
parlante (SANOU, 2001). Les paysans diabolais eux-mêmes
semblent en avoir pris conscience. « Nous sommes sûrs que nous
connaîtrons un problème foncier à partir de quelques
années seulement, se soucie un producteur, nos champs se
dégradent. C'est clair. Mais nous espérons que cela freinera avec
une vulgarisation du fumure organique qui pourrait remplacer l'engrais chimique
». Ce témoignage montre que non seulement les producteurs ont
connaissance du phénomène mais aussi qu'ils en connaissent
l'origine. Ce producteur dit ne pas connaître Bobo mais « selon
ce qui se dit, les terres y sont complètement foutues à cause du
coton. Les rendements, autrefois très élevés, sont
aujourd'hui bas ». Cette situation de dégradation des sols des
Hauts Bassins par les engrais chimiques trouve confirmation chez YARO
(1986) qui s'est intéressé à
l'impact des cultures de rente dans l'ORD des Hauts Bassins. A ce niveau, il
faut noter la non utilisation de la fumure organique dans les champs de coton
à Diabo. Les fosses fumières sont quasi inexistantes et les
ordures ménagères ne profitent qu'aux champs de case, les seules
parcelles de maïs et de sorgho. Un autre fait important est la
fragilisation de l'environnement paysan. Il n'est aujourd'hui un secret pour
personne que le traitement aux pesticides est source de cancer à long
terme. Dans l'immédiat, les pesticides (les nausées et autres
maux de tête ou d'yeux) rendent vulnérables les ménages
producteurs et parfois non producteurs qui subissent indirectement les effets
de ces produits dans les champs de village.
Ainsi, la production cotonnière, en s'attaquant
à l'élément basique de l'organisation
socioéconomique du milieu rural, n'en est pas un facteur
d'émergence soutenable. Cet état de chose n'est pas
étranger au Directeur de la production de la SOCOMA - Ali COMPAORE,
aujourd'hui Directeur Général de la société - qui
parle d'« imposer d'autres modes de culture, promouvoir les semis
directs pour travailler moins le sol pour le dégrader moins ainsi que le
reboisement ou la revégétalisation des sols pour s'inscrire dans
le développement durable » (Interview diffusée sur les
ondes de la radio Pulsar FM de Ouagadougou le Samedi 17 Juin 2006 à 8h
30mn).
VII.1.1.1. De la sécurité
sociale
L'agriculture est une activité complètement
soumise au gré des caprices de la nature tels les aléas
climatiques, les invasions d'insectes et d'autres ravageurs. Pourtant la vie
sur ces espaces est centrée sur cette agriculture qui constitue à
la fois source de subsistance et de revenus. Pour se prémunir contre ces
éléments non prévisibles, des stratégies ont
été développées dans le milieu paysan diabolais. Il
s'agit notamment de la constitution de stocks de céréales et de
l'achat de bétail, les boeufs essentiellement. Cette épargne
sécurité pratiquée depuis des lustres sur cet espace
social a permis à cette communauté de surmonter des situations
imprévues qui auraient pu menacer son existence. Mais dans le nouveau
contexte d'expansion croissante de la culture du coton, cette stratégie
de survie se trouve mise mal à l'aise par la nouvelle logique de
production et de consommation que cette culture impose aux ménages sur
ces espaces.
VII.1.1.2. / IPSDUJ - sPFXUitP
L'enracinement croissant du coton s'est manifesté par
une croissance des superficies emblavées pour le besoin du coton d'une
part et par une croissance aussi spectaculaire du nombre de producteurs d'autre
part. Au regard des logiques de production que commande la production
cotonnière, la stratégie de prévention des risques se
trouve mise à mal. En effet, avant la conquête des champs
diabolais par le coton, soutient un groupe de paysans, on trouvait du mil vieux
de deux (2) ans sur les places du marché provenant directement de
greniers. C'est dire donc que toute la production de la dernière
campagne hibernait encore dans les greniers et constituait
une sorte d'assurance vie pour le ménage. Ce sont ces
réserves qui répondaient aux besoins socioculturels tels les
mariages, les funérailles, les actes de solidarité, etc. Ainsi,
le ménage est rassuré de pouvoir surmonter une campagne agricole
complètement manquée.
Deux facteurs concourent à l'explication de la
disponibilité de ces stocks. D'une part nous avons la faiblesse des prix
des produits céréaliers. En effet, la relative
généralité de la disponibilité ne peut que
maintenir les prix céréaliers à un niveau bas, ce qui
n'incitait pas à vendre. D'ailleurs, la disponibilité de ces
stocks constituait un prestige. Elle signait l'importance sociale et gouvernait
en partie les alliances matrimoniales. Les granges disposées à
l'entrée des concessions rendaient compte du degré d'aisance de
la famille. D'autre part, il y a la consécration totale du temps de
travail à la production vivrière. La concurrence dans le
calendrier cultural se trouve réduite au minimum. Ce sont certains
produits céréaliers (arachides, haricot notamment) qui
étaient offerts sur le marché pour répondre à
certains besoins financiers, l'autre partie destinée à la
consommation du paysan. D'ailleurs, les besoins financiers étaient
résolus par la vente du petit bétail. Le paysan concentrait donc
tous ses efforts et toute son attention sur les céréales dont il
ne limitait pas la production du moment où le surplus agricole
constituait un motif de fierté et une stratégie de survie. Mais
les moyens de stockage aléatoires rendent difficile la conservation des
vieux stocks de céréales pendant longtemps. Le second
élément de cette épargne sécurité consiste
en la vente de ces vieux stocks ou du simple surplus vivrier pour
acquérir du gros bétail, les boeufs notamment (du fait que ces
derniers sont moins attaqués par les maladies que le petit bétail
et comme un investissement à long terme) ; cela aussi pour
prévenir les menaces des feux de brousse dans les hameaux de cultures et
autres champs à migration saisonnière où sont
disposées certaines granges, ou encore dans le but de fructifier ces
réserves. Ces boeufs, même si certains les gardaient chez eux aux
bons soins de leurs enfants, la majorité de ces troupeaux étaient
confiés aux Peulh. Une relation d'interdépendance s'installait
ainsi, une forme de contrat. Il est opportun de noter que les Peulh du
département ne sont pas de producteurs vivriers à proprement
parler. Ils ne produisent que du maïs et une variété de
sorgho (appelée mil de Peulh) sur de petites superficies fumées
par le troupeau. Cette faible production parce que le ménage peulh dans
cette localité est essentiellement nucléaire, doublé du
fait que
même dans le nouveau contexte de mutation
socioéconomique, la femme peulh ne cultive pas la terre. Donc, c'est le
même berger qui est en même temps paysan en attendant d'avoir de
grands enfants qui soient à mesure de garder le nombreux troupeau. Au
regard de cet état de fait, le contrat consiste pour le producteur qui
confie son troupeau au Peulh à accorder prioritairement la vaine
pâture aux animaux de son berger et surtout à veiller à ce
qu'il ne meurt pas de faim en lui fournissant un peu de vivres de temps
à autre. En retour, le Peulh veille à la pérennité
du troupeau du paysan confié à sa garde et à fumer son
champ en saison sèche. Le paysan est aussi associé au
règlement des dommages causés par le troupeau de son berger.
C'est cette complémentarité qui régissait tant bien que
mal l'agropastoralisme du département jusqu'aux lendemains des
années 90 où le coton a commencé à s'affirmer.
Ce qu'il convient de noter, c'est le primat du symbolique sur
l'économique dans l'élevage des paysans de Diabo. Comme le
témoigne ce vieil agriculteur, « on n'élève pas
les boeufs pour vendre. Pour la vente il y a le petit bétail. Seule la
survenance d'un phénomène susceptible de menacer la survie du
ménage peut envoyer un boeuf au marché ». La possession
d'un parc de boeufs est un signe de grandeur et un motif de fierté :
c'est un prestige. Le troupeau joue aussi un rôle dans la force de
traction pour le labour et dans le maintien de la fertilité du sol dans
cette zone où l'engrais chimique n'est utilisé que pour le coton.
Seuls des commerçants isolés pratiquent l'élevage
commercial (l'embouche pour le marché extérieur, principalement
le Togo).
VII.1.2. La réorganisation
socio-spatiale
L'avènement, du moins l'adhésion massive
à la production de l'or blanc a des effets induits sur l'organisation
socio-spatiale du milieu rural diabolais. En effet, l'augmentation des
superficies pour les besoins du coton et l'investissement de nouveaux terrains
par les nouveaux producteurs ne sont pas sans incidence sur la distribution des
terres selon leurs fonctions. Cet état de fait a bouleversé le
système qui régnait il y a seulement une décennie. En
effet, peu avant l'implosion de la culture cotonnière, les longues
jachères étaient une stratégie au service du pastoralisme.
Notons que le pastoralisme est très développé dans cette
localité. Les
agriculteurs-éleveurs rivalisent de bétails avec
les Peulh, pasteurs par essence. Ces derniers, de par leur importance
numérique, participent à la réforme spatiale de ce
territoire. Ils font partie intégrante de la vie socioéconomique
du département.
En ne perdant pas de vue que le bétail ne se vend qu'en
extreme nécessité et que de nouvelles acquisitions sont faites,
il est indéniable que le cheptel du département croît.
Parallèlement, ne perdons pas de vue que le coton conquiert lui aussi de
nouveaux espaces chaque année sans en libérer d'anciens,
appuyés par les nouvelles pratiques culturales. Ainsi, le nouvel ordre
agropastoral diabolais est régi par deux (2) éléments
contradictoires : le cheptel est en augmentation alors que la surface des
paturages est en pleine diminution. L'élevage étant de type
extensif, il implique une possibilité de mobilité, un
déplacement des zones à fortes concentrations vers des zones
actuellement peu exploitées qui se trouvent être les zones
également recherchées par les producteurs. On assiste alors
à une occupation concurrentielle des terres, avec ses effets induits.
L'implosion du coton dans le département, rendant l'élevage
indispensable (besoins en force de traction dans l'attelage), le circonscrit
dans une logique de pression foncière (surpâturage) aux effets
environnementaux non négligeables. Des pistes pastorales sont investies
à des fins agricoles, toute chose qui est, directement et indirectement,
à l'origine des conflits récurrents dans le département
entre agriculteurs et éleveurs.
Au regard de tout cela, nous pouvons retenir que la production
cotonnière, fortement encrée dans cette zone, fait obstacle
à la constitution de stocks de sécurité et à
l'élevage en tant que stratégies d'épargne (de
sécurité ou de survie) de ces paysans au regard de l'incertitude
et des conditions précaires qui prévalent dans ce milieu. En
tenant compte du fait que l'épargne monétaire n'est pas
pratiquée par les paysans, le coton, même en procurant du revenu
à ces ruraux, affecte fortement leur capacité à
réagir face à la survenance d'un événement ou
risque naturel. Vue sous ce jour, la production cotonnière est un
facteur d'insécurité et de vulnérabilité du monde
paysan diabolais.
VII.2. Le phénomène coton dans la vie
sociale
Dans le nouveau contexte socioéconomique du
département, le coton occupe une place de choix dans les logiques de
production. En tant qu'activité commerciale, les opportunités
dont il bénéficie justifient le rôle secondaire que les
producteurs attribuent aux autres productions. Avec sa capacité
mobilisatrice de liquidité dans ces milieux, la production
cotonnière a révolutionné les moeurs et les usages de ce
groupe social.
VII.2.1. De l'exacerbation des fléaux
sociaux
Il est indéniable que le coton génère des
devises et que dans le département de Diabo, ces revenus sont aussi
importants au regard des caractéristiques économiques du milieu.
Mais l'argent généré par le coton est-il un facteur
d'émergence du monde rural diabolais ? Insuffle-t-il le
développement dans les ménages producteurs ? La
considération du mécanisme de gestion du revenu du coton est
primordiale dans l'appréciation des effets sociaux de cette gestion. En
effet, dès la perception de l'argent du coton, le chef de l'UP est
l'initiateur des allocations qui sont faites selon les différents postes
de dépense. Il reste le maître de l'argent. L'esquisse faite dans
le chapitre précédent20 nous situe sur les
modalités d'allocation des dépenses au sein des ménages
producteurs. En réalité, l'argent du
coton profite très peu à l'ensemble du
ménage. « Au regard de tes responsabilités,
situ veux leur joie par un partage égal, ils vont finir leur
argent et attendre encore de toiquand il y aura un besoin financier
dans la famille ; car c'est toi le chef de famille ».
Les propos de ce chef de ménage étayent la
logique de gestion. Le constat général qui se dégage est
qu'une grande partie de cet argent (généralement 50% au moins)
est géré sinon hors du ménage, du moins par le chef du
ménage à son seul bénéfice. C'est ainsi que l'on
note une récurrence de l'alcoolisme dans la zone (chez les non
musulmans) à partir des campagnes de commercialisation. En effet, «
imaginez quelqu'un qui ne pouvait avoir de l'argent qu'ayant sorti deux (2)
ou trois (3) assiettées de son mil de subsistance. Etant donné la
considération et la crainte qu'il a vis-à-vis des autres membres
de l'UP, il n'ose pas vendre à tout moment. Mais
20 Cf. IV.2.1. Les principales allocations, p.71
avec la liquidité du coton, il ne craint personne
puisqu'il ne touche pas au grenier et qu'il a l'argent sur lui. Il fait donc
chaque jour le tour des cabarets et boit plus que d'habitude. Et quand il
arrive la nuit à la maison (qu'il a quittée depuis le matin), il
ne fait que chercher la bagarre avec tout le monde et les empêche de
dormir. On voit du tout ici à partir de ce moment ». Ceci est
un comportement omniprésent dans les ménages producteurs non
musulmans diabolais que ce musulman de 34 ans déplore. Les producteurs
incriminés (producteurs non musulmans) confirment l'existence de
l'alcoolisme chronique et les effets sociaux que cela produit au sein des
familles même si ceux enquetés ont toujours soutenu l'observer
chez les voisins, chez "les autres" en fait. Ce refus d'assumer ces
comportements qui sont pourtant les leurs montre qu'ils sont conscients du
caractère néfaste de cette pratique, mais ne sont jamais parvenus
à s'en démarquer. D'ailleurs, l'alcoolisme ne semble pas toucher
les seuls non musulmans. Les témoignages de certains musulmans (dans un
entretien collectif) sont sans appel : « il y a beaucoup de musulmans
qui se laissent emporter par le mouvement d'ensemble et commence à boire
à partir de ces périodes post paiement. Ils ne fréquentent
pas les cabarets comme les autres mais ils consomment à la maison. Ils
sont nombreux ces gens-là ». Ce qui est sûr, tous
reconnaissent la récurrence du phénomène à partir
des campagnes de commercialisation et sont témoins de la misère
sociale que cela imprime au quotidien de beaucoup de ménages. C'est
ainsi que les producteurs en migration saisonnière dans les hameaux
prétextent le grand banditisme et les coupeurs de route pour revenir
dans les villages pour en réalité participer à l'ambiance
festive des cabarets de ces périodes.
Consécutivement à ce phénomène, il
y a le fait qu' « avec cet argent, les gens grouillent les femmes des
gens », argumente un non producteur, propos relayé par de
nombreux enquêtés producteurs comme non producteurs. Ce seraient
les cotonculteurs qui, « incapables de réaliser quelque chose
de bon, se livrent à leurs pulsions. Il y a toujours eu des "grouilleurs
de femmes" ; mais depuis ces quelques années où les gens ont
beaucoup adhéré à la culture du coton, le
phénomène a connu une ampleur indescriptible. Comme l'argent du
coton ne permet pas de grandes réalisations, les gens
préfèrent l'utiliser pour leur plaisir surtout que quand on a
gagné la dose (alcool), on se croit tout permis». Les
propos de ce non producteur ont trouvé confirmation auprès des
producteurs qui toutefois relativisent
la généralité de la pratique. A
côté de ces dérives liées à la gestion des
revenus, il y a d'autres fléaux qui naissent ou s'exacerbent pour le
besoin de la production cotonnière dans le département. En effet,
les enfants participent très précocement aux travaux
champêtres pour le besoin du respect du calendrier de semis doublé
du fait que toutes les parcelles de coton doivent impérativement
être labourées dans un laps de temps donné. Du moment
où l'attelage est quasiment le seul moyen de labour à la
disposition du producteur, les enfants sont activement sollicités
à un très jeune âge (dès 6-7 ans) pour tirer
(guider) la paire de boeufs ou pour la stimuler. Dans les ménages non
producteurs, cette situation existe mais la participation des enfants se limite
généralement à ce niveau. Alors que pendant la
récolte du coton, on retrouve encore ces enfants pour répondre au
besoin de finir très vite pour préserver la blancheur, donc la
qualité du coton en cette période où les vents de fin de
saison soulèvent les feuilles mortes des plantes et salissent le coton.
Ainsi le travail des enfants devient un fait et gagne en ampleur et en
intensité. Et en dépit du caractère rural du milieu,
l'individualisme est en train de prendre le pas sur le collectivisme.
En résumé, dans le contexte actuel de la culture
du coton dans le département, le malaise social devient plus visible et
plus menaçant. L'alcoolisme, le banditisme, l'individualisme et le
travail des enfants, autant de phénomènes qui gangrènent
le tissu social zaoga. Le mal serait moindre si, de par leur effectif, des
producteurs de coton n'étaient assez représentatifs et
disséminés pour que ces pratiques se vulgarisent et recrutent de
nouveaux adhérents dans les autres catégories notamment chez les
non producteurs. Ceci explique l'encrage croissant du coton en dépit de
sa faible capacité à améliorer les conditions de vie des
ménages ; l'essentiel c'est de ne pas rester à la traîne
des autres, c'est pouvoir faire comme eux, affirmer son égalité.
C'est aussi ce qui explique les ventes de vivres (mil notamment) par certains
chefs de ménages non producteurs, durcissant la période de
soudure de leur ménage. Ces ménages finissent par trouver
judicieux de produire un peu de coton pour les besoins du chef de ménage
dans l'optique de sauver leur moyen de subsistance. Car le mil se vend mal,
donc beaucoup pour peu de sous. Le coton, en instituant de nouveaux modes de
consommation en milieu zaoga, produit les conditions de son propre maintien et
de sa pérennité.
Il a entraîné le département dans une
économie de marché en l'espace de quelques temps, engageant les
ménages dans une logique de consommation que cette même production
cotonnière ne parvient pas à satisfaire. Les ménages
producteurs comme non producteurs se sont lancés dans une vente des
produits de subsistance accroissant leur degré de
vulnérabilité. Ainsi, l'argent généré par le
coton en milieu rural diabolais est source de misère sociale directement
dans les ménages producteurs avec les incartades que cela occasionne et
indirectement dans les ménages non producteurs qui se dépouillent
de leur subsistance dans l'optique de pouvoir faire comme les autres
(producteurs), de ne pas se marginaliser.
VII.2.2. Une fragilisation des liens
sociaux
Les manifestations des fléaux ci-dessus
évoqués se répercutent sur les liens sociaux qui unissent
les membres d'une même famille ou du groupe social en
général.
? A l'échelle de la famille
En milieu rural zaoga, une caractéristique essentielle
des familles est qu'elles sont étendues. En général, trois
générations cohabitent dans un même ménage. Le
patriarche est le chef du ménage qui peut être composé de
tous ses enfants mariés ou pas avec leurs enfants. En l'absence du
patriarche, le grand frère devient le chef du ménage. Tous
constituent donc une seule UP et une seule UC. Les familles nucléaires
étaient rares parce que mal appréciées (comme étant
une dissidence vis-à-vis de l'autorité parentale) et ne se
rencontrent d'ailleurs qu'à partir de ces dernières
années. D'ailleurs, selon les données du RGPH de 1996, la moyenne
d'habitants par ménage avoisinait les sept (07) habitants alors que
selon celui de 2006, cette moyenne atteint à peine six (06) personnes.
En effet, la monétarisation de l'activité agricole a
créé un climat favorable à la nucléarisation de la
famille. L'argent du coton divise les familles dans son mode de gestion. Chacun
ayant participé à la production, l'autorité du chef de
ménage est parfois remise en cause lors des temps de gestion des
revenus. Mu par l'appât du gain et le désir d'enrichissement
personnel, chacun préfère s'essayer l'année suivante avec
sa petite famille, d'abord sur un petit lopin de terrain qu'il exploite pendant
les heures
extra champêtres. Cela constitue toujours les
prémisses d'une autonomisation. Le groupe nucléaire finit par
s'exclure de l'autorité du chef de ménage pour former un
ménage à part entière et entièrement à part.
Cette démarcation s'accompagne nécessairement d'un
emménagement sur un nouvel espace. « Toutes les petites
concessions que vous rencontrez sont issues de ce processus », nous
explique un ancien producteur, autrefois à la tête d'une UP
comportant quatre (4) couples et aujourd'hui réduite à son
ménage nucléaire. Tant que le ménage s'investit
dans la production céréalière, il n'y a aucun
problème du moment où « chacun mange ce que tout le
monde mange », donc personne ne se sent lésé. Mais
sitôt que le ménage devient cotonculteur, les producteurs donnent
trois (3) ans pour qu'il se désagrège. « Si toi aussi tu
deviens grand jusqu'à prendre une femme et que tu cultives avec ta femme
pour de l'argent que quelqu'un d'autre va gérer sans que tu ne puisses
demander des comptes, vous voyez que c'est pas facile. Le problème c'est
que quand tu demandes où est entré l'argent, ça devient un
sérieux problème. Et si en présence de ta femme quelqu'un
va aller boire et revenir t'insulter ou te rendre la vie impossible, c'est pas
facile à supporter, fut-ce de la part de ton père »,
explique un nouveau chef de ménage entamant sa première campagne
agricole.
? Entre producteurs et non
producteurs
A côté de ces relations intrafamiliales, il y a
le fait que la production cotonnière soit parfois source d'autres
difficultés dans la cohabitation producteur--non producteur. En effet,
l'exploitation en coton de certains champs de village est source de nombreuses
tensions. Le traitement de ces champs aux pesticides rend l'air de certaines
aires familiales irrespirable suivant la direction du vent. Cela est cause de
fréquentes altercations dont les conséquences sont parfois
inimaginables. « Tu ne peux pas sentir le poison de quelqu'un alors
qu'il ne te laissera méme pas sentir l'odeur de son argent. Tu vas
attraper une maladie du coton alors qu'il n'y a pas l'argent de coton pour te
soigner. Et il ne te regardera méme pas », argumente un non
producteur. « Il y a surtout le fait que le coton est un facteur
d'appauvrissement pour nous les non producteurs. Si tu laisses quelqu'un
produire du coton près de chez toi, tu n'auras plus de chèvre
à vendre à la longue pour résoudre tes petits
problèmes alors que lui, il a l'argent de son coton. Toutes les
chèvres qui parcourent les champs de coton meurent pendant la
période de récolte. Généralement ce sont
en début de campagne de petites bétes que
l'on ne peut pas encore attacher. Mais si c'est un champ de mil, il n'y a pas
de problème », complète un autre. Au regard de ces
effets, tous les moyens sont bons pour contrarier ceux qui font la sourde
oreille. Etant donné l'usage de la culture attelée dans les
champs de coton, les animaux de trait piétinent inévitablement
les champs du voisinage. Les non producteurs acceptent volontiers que des
animaux labourant un champ de vivres piétinent voire tuent leurs plantes
vivrières. Mais même quand le voisin est un frère, la
tension monte quand il s'agit du labour d'une parcelle cotonnière dans
le champ de village.
? A l'échelle du GPC
A côté de ces désaffections familiales et
de voisinage, le problème le plus criard et récurrent dans tous
les groupements de producteurs de coton du département est
l'atmosphère tendue et conflictuelle qui sévit sur le
marché de commercialisation. Sur ce marché ad hoc, les causes de
conflits sont diverses. « Méme l'espace pour déposer ton
coton il faut bagarrer pour l'avoir ; il faut vous chauffer pour le nettoyage
du marché et après la sortie du coton sur le marché, la
pesée comporte aussi des problèmes. Il y a des gens qui aiment se
faire aider pour la pesée ou le chargement de leur production et qui ne
veulent pas aider les autres. Après la pesée de leur coton, ils
disparaissent. Nous avons prévu des sanctions pour cela qui est de
retenir 2 500 FCFA par jour d'absence sur le bénéfice de la
production des absentéistes. Il y a aussi le problème de
gardiennage du coton la nuit sur le site de commercialisation. Pendant toute la
durée de la commercialisation les producteurs sont en perpétuel
combat », nous confie un président de GPC. Et ces conflits ont
plus d'envergure que cela ne laisse transparaître. Certains perdent
d'importantes sommes déductibles sur un avoir déjà
insignifiant ; car ce sont les petits producteurs qui boycottent
généralement. « Imagine que tu produis 700 kg de coton.
En moins de quelques minutes, tu peux finir la pesée toi seul. A cause
de ce petit coton tu vas rester plus d'une semaine à peser et à
charger le coton des gens, tu vas souffrir autant que des gens qui ont produit
plus de 2 tonnes. Vous voyez que ce n'est pas normal. Non seulement tu ne
gagneras rien dedans, en plus tu vas travailler à mourir au même
titre que ceux qui gagneront de grosses sommes. C'est de l'exploitation que moi
en tout cas je ne peux pas accepter », se justifie un producteur
s'étant rendu coupable d'absentéisme lors de la dernière
campagne de pesée et dont les retenues faites sur
son avoir ont valu de fréquentes convocations du GPC.
Ces tensions sont rendues plus vives par le principe de la caution solidaire
où, selon les mots de ce producteur, « le
bénéfice est individuel mais la perte est collective ».
Les grands producteurs adoptent généralement une posture
condescendante, se présentant aux petits producteurs comme leur «
garantie », et en tant que tel, ils pensent avoir droit à une
certaine exonération dans la participation aux travaux physiques du
marché commercial. Toujours en rapport à ce principe de la
caution solidaire, les pressions que subissent les producteurs tombés en
impayé souvent de la part de voisins ou de parents ne peuvent que
dégrader l'atmosphère sociale. Le producteur se retrouve parfois
acculer de s'acquitter par tous les moyens et au plus vite de son crédit
auprès du GPC.
? A l'échell
A ce niveau, les tensions reposent sur des effets plus ou
moins indirects de la production cotonnière. En effet, la pratique de la
culture cotonnière dans une logique extensive a eu un effet notoire sur
la disponibilité spatiale et en tant que tel, a modifié la
relation agriculteurs - éleveurs. Les parcours ou les espaces
laissés au service du pastoralisme sont aujourd'hui entrain d'être
progressivement investis par les paysans. Le pastoralisme s'en trouve compromis
et les irruptions animales dans les champs deviennent
presqu'inévitables. Les dédommagements qui s'en suivent sont
source de problèmes du fait qu'il y a certains paysans qui supportent
avec le pasteur les frais.
Somme toute, nous pouvons retenir que la production
cotonnière n'est pas un facteur d'épanouissement des paysans
diabolais. Elle précarise le climat familial, social en
général. Les paysans vivent désormais dans une
insécurité sociale occasionnée par les difficultés
d'élevage en tant que système d'épargne
sécurité. Pour mieux apprécier la durabilité d'un
développement par le coton, il nous paraît opportun de rappeler
que la Déclaration de Rio sur l'environnement adoptée au Sommet
de la Terre en juin 1992 a défini trois (03) objectifs fondamentaux pour
le développement durable dont le premier est de maintenir
l'intégrité de l'environnement et l'utilisation durable des
espèces et des écosystèmes. Vu sous ce jour, la production
cotonnière n'est pas un facteur de développement durable ;
plus
encore il se présente comme une entrave au
développement. En s'attaquant à l'élément basique
de l'organisation socio-économique du milieu rural (la terre), il
compromet même la survie du monde paysan et accroît sa
vulnérabilité.
CONCLUSION
La problématique du développement s'est toujours
posée à toutes les sociétés humaines qui ont
toujours cherché à maximiser leurs capacités de
satisfaction de leurs besoins. Mais depuis le rapport de Berg de 1981, la
conception du développement a changé d'orientation en
intégrant une dimension déterminante : celle de la
durabilité des facteurs de développement. Dès lors,
l'enjeu devient : comment assurer son développement sans compromettre la
capacité des générations futures à assurer le leur
? C'est le principe du développement durable. Cette conception a pris
toute son importance au tournant de cette dernière décennie
où la lutte contre la pauvreté est au coeur des discours et
programmes politiques. Pour de nombreux pays africains confrontés
à une capacité d'actions très limitée,
l'éradication de la pauvreté demeure un gigantesque défi.
Pour le cas du Burkina Faso, au regard du caractère fortement rural de
sa population, la promotion du secteur agricole s'est présentée
comme un champ d'action capable d'insuffler une dynamique de
développement. C'est alors que la promotion de la culture du coton s'est
présentée comme une porte de sortie. A partir de 2005, le pays
est devenu le premier producteur d'or blanc en Afrique. Nous avons donc
jugé opportun de s'interroger sur l'influence effective du coton sur la
condition paysanne.
En abordant la présente étude, notre ambition
était de comprendre et d'expliquer les influences de la cotonculture sur
la vie et le développement du milieu rural burkinabè en prenant
appui sur le département de Diabo. Dans ce sens, nous avons émis
l'hypothèse selon laquelle la production cotonnière accroît
la vulnérabilité du monde paysan diabolais. Cette
hypothèse se trouve confirmée à l'issue de nos travaux.
En effet, le constat qui se dégage est que la
production cotonnière est organisée sur un modèle
monocultural. Elle commande une action répétée du
ménage et à des intervalles constants, une minutie et un soin qui
limitent la possibilité des paysans à diversifier leur production
vivrière. Les crédits inhérents à cette production
qui constitue la seule source et la seule garantie de paiement
n'autorisent pas des prises de risques de la part des
producteurs qui voient systématiquement leurs biens domestiques
bradés au plus offrant pour compenser une production déficitaire.
De cette façon, la concurrence dans le calendrier cultural ne peut que
jouer au détriment des autres cultures tant au niveau des semis, de
l'entretien que de la récolte. La diversité agricole se trouve
donc compromise, ce qui limite la possibilité de variation alimentaire
du paysan avec comme résultante une ration alimentaire
déséquilibrée, quand la production arrive à couvrir
les besoins. La disponibilité alimentaire ne protège donc pas les
paysans contre l'insécurité alimentaire dont les indices sont les
situations d'anémies qui sévissent dans les grandes provinces
productrices du pays.
Aussi, les nouvelles logiques de production que
l'avènement du coton a instituées sur l'espace social diabolais
ne permettent-elles pas de dégager un surplus substantiel à la
fin d'un cycle agricole. Du coup, le ménage se retrouve dans une
incapacité de réaction face à l'avènement d'un
phénomène inattendu, à des crises sans grands dommages
dévastateurs, conformément aux traits que le
PNUD (1998) donne au ménage vulnérable. Cette
insécurité des ménages est accrue par l'entame de plus en
plus croissante faite à l'élevage dont la fonction
stratégique n'est plus discutable. Etant de type extensif, il est
aujourd'hui confronté à la réduction des surfaces
pastorales par la conquête des espaces libres et mêmes des pistes
à bétail. Ce qui, en plus d'entraver l'épargne
sécurité des paysans, est source de nombreux conflits dont les
dimensions prennent des allures préoccupantes. Dans le
département, le massacre entre producteurs et éleveurs qui a fait
plusieurs dizaines de victimes à Baléré en 2005 a
marqué les esprits et est assez illustratif de l'ampleur de la conquete
des brousses diabolaises et de l'envergure de leurs effets. Des conflits du
même genre mais de moindre portée abondent dans le
département, mais trouvent pour la plupart des cas un dénouement
à la Préfecture qui est l'organe de régulation. D'autres
zones productrices de coton ont aussi enregistré ces genres d'incidents
en 2007 (Sidéradougou, Boromo...). Mais au regard de l'orientation que
l'on donne à la cotonculture, le coton semble avoir encore de beaux
jours devant lui dans le département en dépit du fait qu'il
constitue une source de rémunération jugée modeste par
ceux qui en profitent et source de ruine pour les autres. Chez ceux qui
réalisent de bilans positifs, il y a en général plus
étalage de faste que d'investissements productifs. Dans tous les cas, le
constat qui se dégage c'est que
l'argent généré par le coton en milieu
rural diabolais n'induit aucunement le développement de la zone. Au
contraire, il est à l'origine d'une décomposition sociale et de
nombreux conflits sociaux qui fragilisent les conditions de vie
déjà précaires des ménages.
En sus de cela, les conditions de production du coton ne font
pas de ce dernier un facteur de développement soutenable. Les
pesticides, nécessaires à sa production, fragilisent
l'environnement rural et accroissent sa vulnérabilité. La
dégradation des sols dont les producteurs du département font
eux-mêmes l'expérience au fil des années et les nombreux
exemples qui nous sont offerts ailleurs sur le territoire national
(Région de Dori, du Bam, de Bobo...) et international (interdiction du
DDT en Europe) doublée de la menace qui pèse sur
l'équilibre écologique de l'écosystème rural et sur
l'homme lui-même (de nombreux cas d'intoxication chaque année)
suffisent à témoigner du caractère non durable de toute
forme de développement centrée sur le coton. En s'attaquant
à la première ressource vitale du monde rural (toute la vie
socio-économique en milieu rural repose sur la terre !), c'est la survie
même des générations futures du monde rural qui est en voie
de compromission. C'est ce qu'a perçu ce producteur quand il
s'inquiétait en ces termes : « maintenant, nous ne savons pas
si le durcissement de nos sols aura pour conséquence le refus du coton
et la réussite du mil, en tout cas c'est ce que nous souhaitons pour
notre progéniture. Mais ce qui est vraisemblable, c'est qu'en se
durcissant, et refusant du coton, ces sols à moyen ou long terme, vont
refuser le mil compromettant ainsi la survie de nos descendants». En
durcissant ses sols et en s'attaquant à son environnement
immédiat, le coton accroît sa vulnérabilité. Somme
toute, la culture du coton sur le département de Diabo se
présente comme un obstacle au développement durable de cette
société.
Dans ce nouveau contexte de subvention de la production
cotonnière avec son lot de conséquences, la FAO présente
le coton transgénique BT comme le salut des pays en voie de
développement malgré les rapports d'études antinomiques de
plusieurs organismes de recherche21 autonomes ou financés par
la FAO elle-même
21 Le rapport de la Coalition d'Andhra Pradesh,
intitulé « Le coton BT a-t-il encore échoué en Andhra
Pradesh en 2003-2004 ? » a étudié les cas de164 petits
agriculteurs de trois districts d'Andhra Pradesh pendant la saison 2003-2004et
a montré que l'avoir des agriculteurs du coton BT a baissé de
9%.
(/
www.abcburkina.net/content/view/110/45/).
Le 26 Septembre 2006, Salif DIALLO, Ministre burkinabè de l'agriculture,
de l'hydraulique et des ressources halieutiques, présentait à son
tour le coton BT comme une aubaine pour le Burkina Faso et annonce le
début de sa production pour la campagne 2007/2008. Dans le même
temps, la COPAGEN/Burkina dans sa déclaration du 3 novembre 2006
invitait les organisations de producteurs, les ONG en activités, les
organisations de consommateurs à la vigilance permanente pour
empêcher la prise en otage de l'agriculture africaine et burkinabè
en particulier et partant, la réduction des paysans à la
pauvreté et à la misère.
Au regard de l'engouement que le Burkina Faso,
devançant l'ensemble des pays ouest-africains, manifeste pour cet OGM et
considérant les conclusions des études y relatives ci-dessus
référées, on ne peut que se demander quels lendemains
réserve-t-on à la condition paysanne burkinabè et à
notre patrimoine écologique ?
Selon l'étude menée par l'ONG South African NGO
Biowatch, le problème de l'endettement est tellement grave que Vunisa
Cotton et la Landbalk (la compagnie finançant le coton BT) se sont
retirés du projet sur le coton BT parce que les agriculteurs ne
pouvaient pas rembourser leurs dettes.
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2e édition, bordeaux, 344p
LEVY Marc (dir.), 2002 : Comment réduire
pauvreté et inégalités. Pour une méthodologie des
politiques publiques, Karthala, Paris, 248p.
MEILLASSOUX Claude, 1997 : théories et terrains,
Paris, 344p
OUEDRAOGO Bernard Ledea, 1990 : Entraide villageoise et
développement. Groupements paysans au Burkina Faso, L'Harmattan,
Paris, 177p.
PREMIER MINISTERE : Moderniser la société et
vaincre la pauvreté, 224p.
VIDAL Claudine, 1991 : sociologie des passions (Côte
d'Ivoire, Rwanda), Karthala, Paris, 180p.
Ouvrages méthodologiques
BERTHIER Nicole, 1998 : Les techniques d'enquete.
Méthodes et exercices corrigés, Armand Collin, Paris,
254p
BONTE Pierre et IZARD Michel, 2000 : Dictionnaire de
l'ethnologie et de l'anthropologie, Paris, Quadrige/ PUF, 842p
BOUDON Raymond, BERSNARD Philippe, CHERCKAOUI Mohamed, LECUYER
Bernard Pierre (dir.), 1996 : Dictionnaire de sociologie,
Paris, Larousse, 280p
DURKHEIM Emile, 1999 : Les règles de la
méthode, PUF, Paris, 149p
GRAWITZ Madeleine,
1993 : Méthodes des sciences sociales, 9e
édition, Dalloz, Paris, 870p
1994 : Lexique des sciences sociales, 6e édition,
Dalloz, Paris, 402p .
JAVEAU Claude, 1997 : Leçons de sociologie,
Armand Colin, Paris, 228p
LOUBET Del B.J.L., 1991 : Introduction aux méthodes
des sciences sociales, Toulouse, Privat.
MUCCHIELLI Alex (dir.), 1996 : Dictionnaire des
méthodes qualitatives en sciences humaines et sociales, Armand
Collin, Paris, 275p.
QUIVY Raymond et CAMPENHOUDT Luc Van, 1995 : Manuels de
recherche en sciences sociales, Paris, nouvelle édition, DONOD,
287p
Ouvrages spécifiques
HAZARD Eric, 2005 : Négociations commerciales
internationales et réduction de la pauvreté : le livre vert sur
le coton, Dakar, 164p.
PICARD J., AL HADJ, 2002 : Le coton, un concurrent devenu
trop dangereux pour les cultures vivrières ? Le débat est-il
pertinent pour les paysans du Nord Cameroun, UMR PRODIG, Université
de Ngaoundéré (Cameroun)
SAWADOGO Ram Christophe,
1974 : La politique de développement agricole en Haute
Volta hier et aujourd'hui, Notes et documents voltaïques, pp.41-59
2003 : La politique agricole de la Haute Volta coloniale
et précoloniale : appréciations contrastées et
interrogations, in MADIEGA Yenouyaba Georges et NAO Oumarou (dir.), 2003
: Burkina Faso. Cent ans d'histoire, 1895-1995, Tome II, Karthala,
PUO, Paris, pp.1443-1476
SCHWARTZ Alfred :
2003 : La politique cotonnière du Gouverneur
Hesling et la dislocation de la colonie de Haute Volta en 1932. Et si
l'empereur Sol s'était trompé in MADIEGA Yenouyaba Georges
et NAO Oumarou (dir.), 2003 : Burkina Faso. Cent ans d'histoire, 1895-1995,
Tome II, Karthala, PUO, Paris, pp.1289-1310.
1987 : la culture de rente se nourrit-elle de la famine en
Afrique ? L'exemple du coton au Togo, in GESCHIERE P. et SCHLEMMER B
(dir.) : Terrains et perspectives, l'anthropologie face aux transformations
et aux idéologies des sociétés rurales, aux politiques et
aux idéologies du développement, Paris, ORSTOM, pp. 25-36
1993 a : Brève histoire de la culture du coton au
Burkina Faso, Sepia, ADDB, Paris, pp. 207-237
Rapports
BANQUE MONDIALE,
1968 : Rapport sur le développement dans le monde,
260p
2000 : Réduire la pauvreté par une croissance
équitable soutenue. Evaluation de la pauvreté, Ouaga, BM,
122p
INSD :
1998 : Recensement général de la population
et de l'habitat au Burkina Faso du 10 au 20 décembre 1998 : population
résidente des départements, communes, arrondissements et
provinces, Ouagadougou, 46p.
2000 : Profil et évolution de la pauvreté au
Burkina Faso, Ouagadougou, 145p.
2003 a : Analyse des résultats de l'enquete
burkinabé sur les conditions de vie des ménages,
Ouagadougou, 268p.
2003 b : Burkina Faso : la pauvreté en 2003,
Ouagadougou, 70p.
2003 c : Evaluation participative de la pauvreté :
processus systématique de consultation, Ouagadougou,
173p.
2003 d : Enquêtes sur les conditions de vie des
ménages, Ouagadougou
2006 : Manuel de l'agent recenseur, 46p
KABORE Ousmane, 2002 : Impact de la production du coton
sur la production céréalière et la sécurité
alimentaire au Burkina Faso, Ouagadougou, 26p.
MINISTERE DE L'ECONOMIE ET DU DEVELOPPEMENT, 2004 : Burkina
Faso : cadre stratégique de lutte contre la pauvreté,
Ouagadougou, 124p.
PNUD :
1986 : Rapport sur le développement dans le monde,
462p
1998 : Rapport sur le développement humain durable.
Burkina Faso, 250p
2003 : Rapport mondial sur le développement humain.
Les objectifs du millénaire pour le développement : un pacte
entre les pays pour vaincre la pauvreté humaine, Paris, Economica,
367p.
INERA : Programme coton. Fiches coton
SOFITEX, 1996 : Plan d'actions pour la relance de la
production cotonnière de 1995/1996 à 2000/2001.
Articles de presse
CIRD, 2002 : Le courrier n°195, dossier : Le
développement rural, pp31-61
KABORE Martin in La Dépêche n°46.
Emploi et lutte contre la pauvreté, le programme de
développement économique, p.25
Le Producteur, novembre 2006, bulletin trimestriel d'information
n°013 : le nouveau mécanisme de fixation des prix, p.17
Le courrier ACP-UE, n°194 septembre-octobre 2002 :
Développement rural. Réduction de la pauvreté rurale :
quelles solutions? pp68-69
Mémoires
COMBASSERE Clément, 1982 : Contraintes et
problème d'équilibre entre cultures cotonnière et
céréalière au sein des exploitations du secteur de
Houndé (ORD des Hauts Bassins), mémoire de maîtrise
d'ingénieur agronome, Ouagadougou, ISP, 133p.
SANOU Zakaria Emmanuel, 2001 : Développement de la
culture cotonnière et promotion de la femme dans le département
de Ouarkoye, province du Mouhoun, mémoire de maîtrise de
sociologie, Université de Ouagadougou, 68p.
SAWADOGO Yassia, 1997 : Approche de la condition
socio-économique des producteurs du coton dans l'aire cotonnière
du Burkina : étude de cas de Faramitana dans la province du Houet,
Mémoire de maîtrise de sociologie, Université de
Ouagadougou, 76p.
TRAORE Sa Sylvanus, 1992 : Systèmes de culture et
impact économique de la production cotonnière : étude
comparative sur quelques exploitations de deux villages du Sud-Ouest du Burkina
Faso, Dimolo et Kayao, 72p.
YARO Seydou, 1986 : Impact des cultures de rente (coton
arachide, sésame) sur le milieu paysan dans l'ORD des Hauts
Bassins, mémoire de maîtrise de science économique,
ESSEC, Ouagadougou, 68p
Sites web
www.abcburkina.net
www.agriculture.ch/franz/aktuel
www.dagris.fr
www.ddsindia.com
www.ecologiste.org
www.fao.org
www.grain.org/research/btcotton.cfm
www.infogm.org
www.inforoute-communale.gov.bf
www.lefasonet/sprp.php?article3288
WWW.lemonde.fr/web/depeches
www.liberationafrique.org
www.matd.gov.bf
www.menv.gov.qc.ca
www.ogmdangers.org
www.org/poverty/voices
www.primature.gov.bf
www.riddac.org
www.ruralforum.info
www.toile.org/psi
www.wikepedia.org
www.wto.org/french/news.fr
museum.agropolis.fr/pages/savoirs/cotontransgenique/index.htm
www.lefaso.net/spip.php?article17514
http://www.abcburkina.net/content/view/223/45/lang,fr/
www.lefaso.net/spip.php?article18398
LISTE DES ANNEXES
Annexe 1 : Fiche d'identification des producteurs
Annexe 2 : Guide d'entretien à
l'adresse de la population cible
Annexe 3 : Fiche d'identification des non
producteurs
Annexe 4 : Guide d'entretien à
l'adresse de la population témoin
Annexe 5 : Fiche d'identification des
partenaires techniques
Annexe 6 : Guide d'entretien à
l'adresse des partenaires techniques
Annexe 7 : Tableau de l'évolution
de la production cotonnière du département de Diabo de 1997
à 2006
Annexe 8 : Situation du coton BT dans la
région
ANNEXE 1 : FICHE D'IDENTIFICATION DES PRODUCTEURS
Caractéristiques du champ : maison brousse
![](Production-cotonniere-et-developpement-rural-au-Burkina-Faso-controverses-et-realite-Cas-du-d4.png)
![](Production-cotonniere-et-developpement-rural-au-Burkina-Faso-controverses-et-realite-Cas-du-d5.png)
Date : Heure :
IDENTIFICATION DE L'ENQUETE Nom :
Prénom :
![](Production-cotonniere-et-developpement-rural-au-Burkina-Faso-controverses-et-realite-Cas-du-d6.png)
![](Production-cotonniere-et-developpement-rural-au-Burkina-Faso-controverses-et-realite-Cas-du-d7.png)
Age :
Sexe : Masculin Féminin
![](Production-cotonniere-et-developpement-rural-au-Burkina-Faso-controverses-et-realite-Cas-du-d8.png)
Statut social : aîné dépendant
Statut matrimonial : célibataire monogame
![](Production-cotonniere-et-developpement-rural-au-Burkina-Faso-controverses-et-realite-Cas-du-d9.png)
polygame veuf/ve divorcé
![](Production-cotonniere-et-developpement-rural-au-Burkina-Faso-controverses-et-realite-Cas-du-d10.png)
![](Production-cotonniere-et-developpement-rural-au-Burkina-Faso-controverses-et-realite-Cas-du-d11.png)
Nombre de dépendants : Nombre d'actifs :
![](Production-cotonniere-et-developpement-rural-au-Burkina-Faso-controverses-et-realite-Cas-du-d12.png)
Niveau d'instruction : analphabète
alphabétisé
![](Production-cotonniere-et-developpement-rural-au-Burkina-Faso-controverses-et-realite-Cas-du-d13.png)
coranique primaire
secondaire supérieur
![](Production-cotonniere-et-developpement-rural-au-Burkina-Faso-controverses-et-realite-Cas-du-d14.png)
Religion : animiste catholique
![](Production-cotonniere-et-developpement-rural-au-Burkina-Faso-controverses-et-realite-Cas-du-d15.png)
protestant aucun
Ancienneté dans la production :
![](Production-cotonniere-et-developpement-rural-au-Burkina-Faso-controverses-et-realite-Cas-du-d16.png)
![](Production-cotonniere-et-developpement-rural-au-Burkina-Faso-controverses-et-realite-Cas-du-d17.png)
![](Production-cotonniere-et-developpement-rural-au-Burkina-Faso-controverses-et-realite-Cas-du-d18.png)
Statut de producteur : grand moyen petit
IDENTIFICATION DE L'ESPACE
Localisation : Village : Hameau :
Nom du groupement :
ANNEXE 2 : GUIDE D'ENTRETIEN A L'ADRESSE DE LA
POPULATION CIBLE
1- Engagement dans la production cotonnière.
Année
Motivations
2- Perceptions de la culture cotonnière. Conditions de
travail (temps) Importance réelle du coton Effets environnementaux
3- Culture du coton et production
céréalière Gestion du calendrier cultural Incidences
réciproques de ces opérations et stratégies de gestion
Arrière effet engrais
Rapport hiérarchique
4- Conséquences de cette concurrence sur la production
finale.
En termes de quantité (coton et vivres)
En termes de qualité (coton) En termes de
diversité (vivres)
5- Gestion du revenu du coton.
Date de l'enlèvement du coton Date de perception des
revenus Nature (postes) des dépenses Montant par poste
Place du l'UP dans cette gestion Montant des placements
6- Stratégies de survie (pour faire face à
d'éventuels chocs ou caprices naturels).
Avant la production cotonnière Avec la production
cotonnière
7- Place de l'élevage dans le milieu rural. Perceptions
de l'élevage
Conditions d'exercice
Conséquences de cette pratique
8- Elevage et culture du coton.
Points de compatibilité et d'incompatibilité
Place du Peulh / Pasteur
9- Production du coton et relation sociale. Entre les membres de
l'UP
Au sein de la famille
Au sein du groupe social
Entre groupes sociaux
Entre producteurs et non producteurs
10- Culture du coton et nouvelles pratiques sociales ou
comportements Sur les espaces de production Sur les espaces de consommation Sur
la famille
Sur l'espace social
Dernier mot
Remerciement
ANNEXE 3 : FICHE D'IDENTIFICATION DES NON PRODUCTEURS
Date :
Heure :
IDENTIFICATION DE L'ENQUETE Nom :
Prénom :
Age :
![](Production-cotonniere-et-developpement-rural-au-Burkina-Faso-controverses-et-realite-Cas-du-d19.png)
![](Production-cotonniere-et-developpement-rural-au-Burkina-Faso-controverses-et-realite-Cas-du-d20.png)
![](Production-cotonniere-et-developpement-rural-au-Burkina-Faso-controverses-et-realite-Cas-du-d21.png)
![](Production-cotonniere-et-developpement-rural-au-Burkina-Faso-controverses-et-realite-Cas-du-d22.png)
![](Production-cotonniere-et-developpement-rural-au-Burkina-Faso-controverses-et-realite-Cas-du-d23.png)
Sexe : Masculin Féminin
![](Production-cotonniere-et-developpement-rural-au-Burkina-Faso-controverses-et-realite-Cas-du-d24.png)
Statut social : aîné dépendant
Statut matrimonial : célibataire monogame
![](Production-cotonniere-et-developpement-rural-au-Burkina-Faso-controverses-et-realite-Cas-du-d25.png)
polygame veuf/ve divorcé
![](Production-cotonniere-et-developpement-rural-au-Burkina-Faso-controverses-et-realite-Cas-du-d26.png)
Nombre de dépendants : Nombre d'actifs :
![](Production-cotonniere-et-developpement-rural-au-Burkina-Faso-controverses-et-realite-Cas-du-d27.png)
Niveau d'instruction : analphabète
alphabétisé
coranique primaire
![](Production-cotonniere-et-developpement-rural-au-Burkina-Faso-controverses-et-realite-Cas-du-d28.png)
secondaire supérieur
Religion : animiste catholique
![](Production-cotonniere-et-developpement-rural-au-Burkina-Faso-controverses-et-realite-Cas-du-d29.png)
![](Production-cotonniere-et-developpement-rural-au-Burkina-Faso-controverses-et-realite-Cas-du-d30.png)
protestant aucun
IDENTIFICATION DE L'ESPACE
Localisation : Village : Hameau :
Caractéristiques du champ : maison brousse
ANNEXE 4 : GUIDE D'ENTRETIEN A L'ADRESSE DE LA
POPULATION TEMOIN
1- Perceptions de la production cotonnière.
Importance effective Motivation des producteurs
Conditions de travail
2- Raisons du non engagement personnel.
3- Culture céréalière chez les non
producteurs.
Gestion du calendrier cultural
Variétés culturales Conditions de travail Etat de
l'avoir final Gestion du produit
4- Coton et culture céréalière des
cotonculteurs
Rapport hiérarchique
5- Gestion des revenus du coton par les producteurs
Nature des dépenses Appréciation de ces
allocations
6- Appréciation comparative de la sécurité
alimentaire chez les producteurs et les non producteurs.
Disponibilité en quantité
Disponibilité en diversité
Le surplus et sa gestion
7- Effets d'entraînement de l'encrage croissant du
coton.
Sur l'espace (l'écosystème)
Sur l'environnement social
8- Epargne sécurité et production
cotonnière (stratégies de survie). Nature de l'épargne
chez les non producteurs Nature chez les producteurs
9- Elevage et culture du coton
Perceptions de l'élevage
Condition d'exercice
Place du berger
10- Production du coton et relations sociales. Entre producteurs
et non producteurs Au sein du groupe social
Entre groupes sociaux
Dernier mot Remerciement
ANNEXE 5 : FICHE D'IDENTIFICATION DES PARTENAIRES
TECHNIQUES
Date :
Heure de début: Heure de fin :
IDENTIFICATION DE L'ENQUETE
Nom :
Prénom :
Statut (fonction) :
Ancienneté dans la fonction :
Ancienneté dans la zone :
ANNEXE 6 : GUIDE D'ENTRETIEN A L'ADRESSE DES
PARTENAIRES TECHNIQUES
1- Perceptions de la culture cotonnière. Importance
effective Conditions de travail Effets environnementaux et sanitaires
2- Culture cotonnière et production
céréalière
Gestion du calendrier cultural
Rapport hiérarchique Influences réciproques
Sécurité alimentaire chez les producteurs
3- Revenus du coton et gestion. Temps de perception Efficience
de ces revenus Allocations de ces revenus et appréciation
4- Gestion des risques (de l'incertitude) Stratégies et
difficultés
5- Place de l'élevage dans le milieu rural diabolais.
Perceptions de l'élevage
Rôle de l'élevage dans le milieu agricole
Conditions d'exercice dans le nouveau contexte de l'encrage
cotonnier Conséquences qui en résultent
6- Mutations des comportements. Les relations familiales La
gestion de l'espace Les pratiques matrimoniales
7- En résumé, angle d'appréciation du coton
dans le milieu rural
Annexe 7 : Tableau de
l'évolution de la production cotonniqre du département de Diabo
de 1997 à 2006.
Campagne agricole
|
Quantité en tonnes
|
1996-1997
|
262
|
1997-1998
|
274
|
1998-1999
|
310
|
1999-2000
|
206
|
2000-2001
|
311
|
2001-2002
|
445
|
2002-2003
|
767
|
2003-2004
|
1668
|
2004-2005
|
2988
|
2005-2006
|
2952
|
2006-2007
|
2253
|
Source : SOCOMA
TABLE DES MATIERES
DEDICACE.................................................................................................I
REMERCIEMENTS......................................................................................II
SOMMAIRE...............................................................................................III
SIGLES ET
ABREVIATIONS.........................................................................V
INTRODUCTION.........................................................................................1
CHAPITRE I :
PROBLEMATIQUE..................................................................6
I.1. Problème général et question
générale de recherche~~~~~~~~ ~ 6
I.2. Revue de littérature~~~~~~~~~~~~~~.~~~~~~~~.~ ~8 I
.2.1. Le développement rural en question : un regard croisé sur
les stratégies.8 I.2.2. La pauvreté rurale, un cercle vicieux :
approche analytique et stratégies
d'éradication~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~.~~~~~ 13 I.2.3. Le
coton~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ ~.16
I.2.4. Le coton BT : une appréciation
contrastée~~~~~~~~~~~~.~ 19
I.3. Problème spécifique de
recherche~~~~~~~~~~~~~~.~.~~ 21
I.4. Question spécifique de
recherche~~~~~~~~~~~~~~~~.~~22 I.5.Objectifs ~~~~~ ~~~~~~~~~.~~~~~~~~~.~~~~.23
I.5.1. Objectif principal~~~~~~~~ ~~~~~~~~~~~.~~~~~.23 I.5.2. Objectifs
secondaires~~~~~~~~.~~~~ ~~~~.~ ~~~~23
I.6. Champs de recherche~~~~~~~~~~~.~~~~~~~~~~~~23
I.7. Intéret~~~~~~~~~~~~~~~~.~~~~~~~~~~ ~~~ 24
CHAPITRE II : METHODOLOGIE .25
II.1. Hypothèses ~~~~~~~~~~~~~~~~.~~.~~~~~~~~~25
II.1.1. Hypothèse principale ~~~~~~~~~~~~~~.~~~~~~~~.25 II.1.2.
Hypothèses secondaires~~~~~~~.~~~~~~~~~~~ ~ 25
II.2. Identification et définition des concepts~
~~~~~~ ~~~~~~~ 25
II.3. Variables et indicateurs ~~~~~~~~~~~~~~..~~~~~~~~32
II.3.1. Variables indépendantes ~~~~~~~~~~~~~ ~~~~~~.~32 II.3.2.
Variables dépendantes~~~~~~~~~~~~~~~~~.~.~ .~.33
II.4. Population mère (cible)~~~~~~~~~~~~~~~.~~~~~
~~35
II.5. Echantillonnage et échantillon 35
II.6. Méthode et technique de collecte et d'analyse des
données 36
II.7. Difficultés
rencontrées~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ 38
CHAPITRE III : PRESENTATION DU MILIEU ' i( 78' (
40
III.1.
Généralités~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ ~40
III.1.1. Situation géographique~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ 40
III.1.2. Organisation administrative 44
III.2. Aspects physiques et naturels~~~~~~~~~~~~~~~~ ~~ 44
III.2.1. Le relief et le climat ~ 44
III.2.1.1. Le relief ~~~~~~~~~~~~~ ~~~~ ~ 44
III.2.1.2. Le climat~~~~~~~~~~~~~ ~~~~~~~~~~~~~ 44 III.2.2.
Les sols et la végétation~~~~~~~ ~.~~~~~~ ~~~~~~45 III.2.2.1.
Les sols~~~~~~~~~~~~~~ ~~~~ ~ 45
III.2.2.2. La végétation~ ~~~~~~~~~~~~~~. ~~~~~~~
~46
III.3. Aspects humains 46
III.3.1. Esquisse historique du peuplement 46 III.3.2.
Caractéristiques démographiques~~~~~~~~~~~~~~ ~~.47 III.4. L'agro
pastoralisme~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~.~~ ~.47
III.4.1. Les activités agricoles~~~.~~~~~~~~~~~~~~~~~.~
48
III.4.2. Le pastoralisme~~~~~~~~~~~~~~.~~~~~~~~~.~ 49
CHAPITRE IV : PRODUCTION DU COTON ET PRODUCTION
CEREALIEREg1 IV.1. La gestion du calendrier
cultural~~~~~~~~~~~~~~~~ ~~ 51 IV.1.1. Le calendrier
cotonnier~~~~~~~~~~~~~~~~~.~~~~~51 IV.1.2. Le calendrier
vivrier~~~~~~~~~~.~~~~~~~~~~~ ~~53 IV.1.3. Les logiques de
gestion~~~~~~.~~~~~~~~~~~~.~~.~.55 IV .2. De la couverture des besoins
alimentaires~~~~~~~~~~.~~~~.58 IV.2.1. Du volume et de la diversité des
produits~~~~~~~~~~~~~.~58 IV.2.2. De la sécurité
alimentaire~~~~~~~~~~~~~~~~ ~~ ~ .61
CHAPITRE V : LE COTON DANS LE MILIEU RURAL
DIABOLAISggggg=4 V.1. Historique~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ ~.~.~64
V.1.1. Avant 1995........................... 64
V.1.2. A partir de 1995 ~~~~~~~~~~~~~.~~~~~~~~.~~~.65 V.2.
Perceptions sur le coton~~~~~~~~~~~~~.~~~ ~~~.~~.67 V.2.1. Un recentrage du
débat autour du coton~~~~~~~~~.~~ ~~68 V.2.2. Le mirage cotonnier : la
MARI ~ 69
V.2.3. Les crédits connexes~~~~~~~~~ ~~~~~~~~~~~~~ 74
CHAPITRE VI : REVENU DU COTON ET GESTION
76
VI.1. Revenu du coton~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ ~~~ 76 VI.1.1.
Importance effective~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~..~.~76 VI.1.1.1. Les
gains~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~.~~ ~~77 VI.1.1.2. Les
impayés~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~.~.~~ 78
VI.1.2. Les effets des subventions du coton : le contexte
diabolais~~~~
~.80
|
|
VI.2. Gestion du revenu du coton~~~~~~~~~~~ ~~~~.~~
|
~
|
84
|
|
VI.2.1. Les principales allocations~~~~~~~~~~ ~~~~~~~
|
~
|
84
|
VI.2.2. De nouvelles pratiques sociales~~~~~~~~~~~~~~.~
|
~~87
|
CHAPITRE VII : COTON ET DEVELOPPEMENT DURABLE
...............................91
VII.1. Le coton à l'aune du développement
durable~~~~~~~.~~~~ ~ 91
VII.1.1. De la sécurité foncière~~~~~
~~~~~~~~~~~.~~~~ ~.91
|
VII.1.1.1. De la sécurité
sociale~~.~~~~~~~~~~~~~~.~~~
|
~
|
..96
|
VII.1.1.2. L'épargne sécurité~~~~~~~~~~~~~~~
~~.~~~
|
~
|
..96
|
VII.1.2. La réorganisation
socio-spatiale~~~~~~~~~.~~~~~~~
~
|
|
98
|
VII.2. Le phénomène coton dans la vie sociale~~~
~~~~~~~~.~ .~
|
100
|
VII.2.1. De l'exacerbation des fléaux
sociaux~~~~~~~~~.~~~~~~~100 VII.2.2. Une fragilisation des liens
sociaux~~~~~~~~~~~~~~ ~~~103
CONCLUSION.........................................................................................108
BIBLIOGRAPHIE.....................................................................................112
LISTEDES
ANNEXES..............................................................................120
TABLE DES
MATIERES............................................................................130
|