Initiatives diplomatiques et occupation de l'espace africain. le cas du golfe de guinée (2001-2008). une approche de usages géostratégiques de la diplomatie( Télécharger le fichier original )par Théophile Mirabeau Nchare Nom Université de Yaoundé II - DEA sciences politiques 2009 |
TITRE IIINITIATIVES DIPLOMATIQUES, INVARIANTS GEOSTRATEGIQUES ET THEATRALISATION DU GOLFE DE GUINEELa géostratégie, en tant que art et raisonnement sur la dimension géospatiale de la stratégie se fonde sur des composantes (distances, conditions climatiques, topographie, l'état des voies de communication, rapports de force) qui modélisent la réflexion et l'action des acteurs qui recourent à elle201(*). Et si l'objet est la transformation de l'espace au mieux d'un intérêt politique, l'analyse des stratégies à l'oeuvre se construit tant autour de ces composantes que sur des fondamentaux qui définissent tout action stratégique en l'occurrence la poursuite d'un but politique par des moyens rationnellement pensés, la dialectique des volontés, la loi de la réciprocité de l'action et la neutralisation de l'autre comme issue capital de la situation202(*). Ce sont ces principes que nous entendons par invariants géostratégiques. En ce sens, ce Titre cherche à montrer que les imitatives des grandes puissances dans golfe de Guinée s'inscrivent dans cette logique, amenant à voir un théâtre d'émulation géostratégique. Partant du fait que la géostratégie peut s'inscrire dans un référent spatiotemporel pré-conflictuel ou conflictuel ou encore servir plutôt à préparer les puissances pour une probable conflagration203(*), deux axes de réflexion structurent l'analyse ici. Le premier vise à analyser les stratégies de fixation des grandes puissances dans la région à partir du diptyque espace maritime/espace continental. Il fait l'objet du troisième chapitre intitulé ``Projections hégémoniques et ancrage géostratégique dans le golfe de Guinée : entre postures maritimes et postures continentales''. Le deuxième vise à montrer à partir de l'analyse de l'escalade des rivalités, des actions et réactions stratégiques à l'oeuvre dans l'occupation et le contrôle du cet espace-enjeu, qu'il constitue le nouveau glacis des puissances dominantes du système international. Il est le thème du quatrième chapitre titré ``De la ``glacisation'' du golfe de Guinée ». CHAPITRE IIIPROJECTIONS HEGEMONIQUES ET ANCRAGE GEOSTRATEGIQUE DANS LE GOLFE DE GUINEE : ENTRE POSTURES MARITIMES ET POSTURES CONTINENTALESUn ancrage est un dispositif qui assure la fixité d'un matériel, d'un ouvrage ou des éléments d'une construction soumis à une traction, à une pression interne ou externe204(*). Il vise l'établissement et le maintien à long terme d'un système suivant un objectif précis. Ce concept traduit la rationalité pragmatique à l'oeuvre dans les luttes hégémoniques que se livrent les puissances extra-africaines dans le golfe de Guinée. A cet effet, dans le but de cristalliser leurs acquis géopolitiques et fixer à long terme leurs projets hégémoniques dans cette région, elles recourent aux actions géostratégiques. Sur la base des données géospatiales des pays de la région, ces puissances orientent leurs initiatives vers deux postures : une géostratégie des mers et l'ancrage des positions maritimes (Section I) et une géostratégie continentale pour les positions terrestres (Section II). SECTION I : GEOSTRATEGIE DES MERS ET ANCRAGE DES POSITIONS MARITIMES DANS LE GOLFE DE GUINEELe golfe de Guinée forme un arc important de l'Atlantique Est. La Zone Economique Exclusive (ZEE) cumulée des seuls États de la CGG équivaut à un peu moins de la moitié des 519 000 milles carrés du domaine maritime du golfe de Guinée largo sensu c'est-à-dire de la Guinée Bissau au sud de l'Angola. Région d'importance stratégique, l'incapacité des Etats riverains à la mettre en valeur et en tirer le plus grand profit du point de vue du droit international de la mer les oblige à brader son contrôle aux grandes puissances qui s'attachent par des manoeuvres diverses à s'y positionner pour y faire valoir leur géopolitique. Ainsi, la configuration mouvante des rapports de forces entre ces puissances additionnée au basculement possible de leurs acquis dans la région rendent hypothétiques leurs positions; posant en impératif tactique l'intégration de la dimension maritime dans leur conduite diplomatico-stratégique205(*). Dès lors l'hégémonisation des espaces maritimes apparait comme une stratégie efficiente pour le contrôle du golfe de Guinée, érigé en front pétrostratégique. Paragraphe 1 : L'hégémonie sur les domaines maritimes comme stratégie de maîtrise et de contrôle des espaces ou l'application des théories de Mahan dans le golfe de GuinéeSur le plan géostratégique, les mers206(*) ne sont pas seulement ces étendues d'eaux qui couvrent 71% de la superficie du globe terrestre207(*). Au-delà de leurs enjeux géopolitiques, ils sont par essence géostratégiques208(*) et représentent de par leurs étendues et leurs configurations, des points de projection pour la transformation des espaces au mieux d'intérêts politiques et stratégiques, suivant les théories de l'Amiral américain Alfred Thayer Mahan (1840-1914)209(*). C'est ce qui justifie le quadrillage des domaines maritimes du golfe de Guinée par des forces navales de diverses nationalités. * 201 Hervé COUTEAU-BEGARIE, « Qu'est-ce que la géostratégie ? », op.cit., pp.3-8. * 202 Hervé COUTEAU-BEGARIE, Traité de Stratégie, op.cit., pp. 76-86. * 203Franck DEBIE et al, « A quoi sert la géostratégie ? », in stratisc, ISC/CFHM/IHCC, 2005, http://www.stratisc.org/strat_050_DEBIEAQUOI.html, pp.1-2, consulté le 17 août 2009. * 204 Grand dictionnaire encyclopédique Larousse, p.41. * 205 Lire Raymond ARON, Paix et guerre entre les nations, op.cit., pp.18-102 * 206Nous emploierons ce terme pour désigner les deux grandes espaces fluides du globe en l'occurrence les mers et les océans. * 207 C'est ce qui justifie l'appellation ``Planète bleue'' puisque sur un total de 510 millions de km2 que représente la superficie du globe dit ``terrestre'', les domaines maritimes s'étendent sur environ 361 millions, faisant prédominer le bleue du point de vue de l'espace. * 208 Voir Martin MOTTE, « Une définition de la géostratégie », op.cit., p.13. * 209 Considéré comme l'une des figures emblématiques de la géostratégie des mers, cet officier de la marine américaine est plus connu pour avoir conceptualisé la stratégie navale comme clé de l'hégémonie future des Etats-Unis dans le monde en référence à celle britannique de son époque. L'enjeu géopolitique qui guide ce projet est le contrôle exclusif des routes commerciales et des points stratégiques que constituent les domaines maritimes du globe. Comment y parvenir ? Telle est la valeur géostratégique de sa théorie. Ainsi, il recommande deux stratégies ; l'une bâtie sur la constitution de l'hégémonie navale américaine et l'autre bâtie sur les alliances. Pour ce qui est de la première, il préconise que la puissance industrielle (jusque là réservée à l'expansion terrestre) soit aussi mise au service de l'expansion maritime et que les Etats-Unis utilisent toute leur puissance économique, démographique et intellectuelle pour contrôler les points stratégiques maritimes tels que les golfes, les détroits et les canaux. Pour la deuxième, il recommande une alliance américaine avec la Grande Bretagne pour se rendre maître des mers et contrer les ambitions maritimes de l'Allemagne (terreur de l'Europe à cette époque) ou avec les pays européens acquis en sa cause pour contrecarrer l'impérialisme nippon en Asie orientale. L'expansionnisme et la propension hégémonique des puissances contemporaines sur les espaces maritimes puisent dans ses idées. Voir Hervé COUTEAU-BEGARIE, Traité de Stratégie, op.cit., pp. 543-544 ; Philippe MOREAU DEFARGES, Introduction à la géopolitique, op.cit., pp.44-45. |
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