Initiatives diplomatiques et occupation de l'espace africain. le cas du golfe de guinée (2001-2008). une approche de usages géostratégiques de la diplomatie( Télécharger le fichier original )par Théophile Mirabeau Nchare Nom Université de Yaoundé II - DEA sciences politiques 2009 |
ABSTRACTEntitled ``Diplomatic initiatives and the occupation of the African space: the case of the gulf of Guinea (2001-2008). A geostrategic approach of diplomatic practices'', the present work focuses on the stakes of the outbreak initiatives of great powers in Africa. Having as target the study of the gulf of Guinea, blend to these initiatives since the beginning of 2000 years, it examines the geopolitical logics and the strategic rationality which channels them and observes that from 2001 to 2008 these hinge on the geographic and the geospatial configurations oh this region. Through a diversified documentation, the objective is to outline that the initiatives of the American, European and Asian powers in Africa soil, aims at placing this continent at the service of theirs political and strategic interests. Thus, it interest is that it permits to overstep oil, security and humanitarian stakes like studies has shown today, and analyse them like geostrategic modus operandi. In this line therefore, the gap between liberal logics put out to legitimate them and the realist objectives that they pursue shows that the gulf of Guinea is built-up by an interposition of several devices of projection, of the power strategies operatinalisation and the fixation. Her strategic position and the antagonisms coming from the multiplicity of powers that aim at occupying and controlling it lead to erect it and geostrategic glacis. After all, on the confluent of the globalisation in which the integration of Africa remain hypothetic despite the multiplicity of her resources and her strategic interest, this study enunciate as imperative strategic watch over, opposite the wonder and euphoria on which the African leaders welcome theses initiatives.
INTRODUCTION GENERALE
L'histoire de l'Afrique montre qu'elle a longtemps été l'axe majeur des projections géopolitiques et géostratégiques des grandes puissances1(*). De cette considération, la recherche des mobiles qui président à l'érection du golfe de Guinée en terre de prédilection des initiatives diplomatiques des grandes puissances justifie le choix et la pertinence de ce sujet. I- JUSTIFICATION DU CHOIX DU SUJET ET DE SON INTERETLe choix de ce sujet part de l'émerveillement avec lequel les pouvoirs publics africains accueillent les plénipotentiaires des puissances occidentales et asiatiques en projection dans leurs territoires. Or s'il est admis que la géostratégie - bien qu'ayant pour champ d'application initial la guerre - peut aussi être appliquée en temps de paix2(*) et que la diplomatie représente l'instrument privilégié des relations internationales dans ce contexte, il s'avère pertinent d'envisager les initiatives diplomatiques en terre africaine sous un angle géostratégique. En réalité, l'action géostratégique n'est plus le seul apanage des chefs militaires. En tant qu'étude, la préparation et la coordination stratégique et logistique des différents théâtres, envisagés dans leur relation avec les configurations spatiales3(*), la géostratégie peut aussi porter sur l'acquisition des facteurs géostratégiques par des transactions diplomatiques4(*) et des entreprises militaires qui, bien qu'étant parfois non-géostratégiques c'est-à-dire opérant sur un théâtre unique, peuvent poursuivre des objectifs géostratégiques5(*). De ce fait, l'inscription des initiatives diplomatiques dans des actions géostratégiques peut permettre l'explication des projections des grandes puissances tant dans les régions stratégiques ou sur les ressources stratégiques6(*). Dans cette optique, il est indispensable de réfléchir sur les usages géostratégiques de la diplomatie dans l'occupation d'un espace géopolitique donné. Cependant, si les usages géopolitiques de la diplomatie ont largement été étudiés, ceux de la géostratégie ne semblent pas avoir trop préoccupé les chercheurs. En réalité, privilégiant la coopération et la diplomatie sous réserve de l'utilisation de la force, la géopolitique a nourri plusieurs études scientifiques sur le déploiement des acteurs internationaux en relations internationales7(*). Il en est résulté une marginalisation systématique de l'inscription des logiques stratégiques dans la diplomatie8(*), soutenue par l'antinomisme déclarée de leurs fondements épistémologiques. Certains auteurs n'ont pas manqué de dresser une frontière assez rigide entre géostratégie et diplomatie laissant entrevoir la logique de belligérance et de coercition pour la première et celle de négociation et d'influence pour la deuxième9(*). Or « la diplomatie peut recourir à la violence et l'usage de la force n'exclut pas les transactions diplomatiques » 10(*). Remarquable à bien des égards, cette perception était donc réductive de la diplomatie à son stade classique où elle ne servait qu'à représenter le prince dans un tiers Etat11(*). De nos jours où la transnationalisation, induite de l'irruption de nouveaux acteurs internationaux et de la révolution des NTIC rendent caducs tout enfermement scientifique ou théorique, l'analyse laisse entrevoir dans l'enchevêtrement des évènements politiques, militaires, économiques et technologiques, l'impératif d'un renouvellement des usages et des pratiques. L'étiolement des frontières entre disciplines s'avère plus systématique et rend possible la mitoyenneté et la transhumance des usages d'une discipline dans une autre suivant les objectifs à atteindre. Les partenaires de l'Afrique semblent l'avoir mieux compris pour ce qui est des habillages de leurs projections géostratégiques qui passent désormais plus par des initiatives diplomatiques. Cependant, si la géostratégie est au préalable « un art et une discipline dont le but ultime vise la transformation de l'espace au mieux des intérêts de la puissance qui s'en sert »12(*), en temps de paix, elle raisonne en termes de glacis ou vise la réalisation des démarches géopolitiques d'un Etat, tout en empêchant l'aboutissement de celles des Etats adverses. Considérer les enjeux que représentent les facteurs géographiques dans la définition et la conduite des initiatives diplomatiques dans le golfe de Guinée présente de ce fait un intérêt euristique appréciable, tant elle amène à s'interroger sur les usages géostratégiques des initiatives diplomatiques en terre africaine. Au plan scientifique, à partir des postulats d'une géostratégie en temps de paix, elle permet d'appréhender les stratégies de projection, d'occupation et de contrôle de l'espace africain ; opérant ainsi une rupture avec l'opinion courante qui a tendance à les appréhender comme des initiatives d'altruisme destinées à renforcer ce que des slogans relayent comme ``coopération gagnant-gagnant'' ou encore ``coopération fructueuse''. Il s'agit de les appréhender comme des instruments de géopolitique et de géostratégie car « si la géopolitique dit ce qu'il faut acquérir ou conserver, la géostratégie dit si cela est possible, comment et avec quels moyens »13(*). * 1 Une lecture diachronique de ces projections révèle deux principales périodes : la première à travers des assauts militaires ayant pour objet l'assujettissement systématique du continent. Ici, on peut remonter à l'Antiquité gréco romaine où les assauts de Jules César et d'Alexandre le Grand aboutissent à la destruction de l'empire carthaginois ; l'annexion de l'Egypte pharaonique sous la dynastie des Ptolémée, puis les invasions Assyriennes et Perses qui mirent fin à cette brillante civilisation vers 322 avant notre ère. Durant le Moyen Age, les empires et royaumes soudano-africains furent soumis à plus de quatre siècles de traite négrière arabo-musulmane et transatlantique. Les progrès scientifiques et techniques du XVIIe et XVIIIe siècles et la révolution industrielle qui en résulta entraînèrent la colonisation du continent. La décolonisation fictive des années 1960 a ouvert la voie à la seconde période qui coure jusqu'à nos jours, marquée par des relations asymétriques que perpétuent de nouveaux instruments d'extraversion, d'exploitation et de mise en dépendance Voir G. MOKHTAR (dir.), Histoire générale de l`Afrique, Vol. II, Afrique Ancienne, Paris, UNESCO, 1980, 925p ; Elikia M'BOKOLO, Afrique Noire et Civilisation, T.1et 2, Paris, L'Harmattan, 1994, 324&346 p ; Joseph KI-ZERBO, Histoire de l'Afrique Noire d'hier à demain, Paris, Hatier, 1988, 887p ; Joseph Vincent NTUDA EBODE, « De la décolonisation fictive à l'hypercolonialisme : les nouvelles formes de domination à l'aube du troisième millénaire » in Cahiers de l'UCAC, N°6, février 2003, pp.357-368. * 2 Alain FOGUE TEDOM, « La géostratégie », Cours de Maîtrise en Science Politique, Université de Yaoundé II, année académique 2006-2007, p.28. * 3 Martin MOTTE, « Une définition de la géostratégie », in stratisc, ISC/CFHM/IHCC, 2005, p.11, http://www.stratisc.org/strat_058_Motte_tdm.html, consulté le 12 août 2009. * 4 Comme illustration, Martin MOTTE cite le cas de la cession de Zanzibar à l'Angleterre par l'Allemagne en 1890 en échange d'Heligoland. Cette transaction relevait de la géostratégie puisque Heligoland permettait le contrôle de la "baie allemande", offrant des possibilités de sortie navale et d'intervention sur d'autres théâtres. Ceci lui permet d'opérer une distinction entre ``facteurs géostratégiques'' (position d'une île, d'un détroit, d'un golfe) et ``la mise en oeuvre géostratégique'', entant que méthode de guerre. Voir Martin MOTTE, « Une définition de la géostratégie », op.cit., pp.12-13. * 5 L'illustration ici est l'invasion du Koweït par Saddam Hussein ; opération limitée dans l'espace et dans le temps, conduite sur un seul théâtre et sans grand étirement des lignes de communications. Toutefois, son objectif était géostratégique dans la mesure où les dividendes du pétrole koweïtien auraient permis le renforcement du potentiel militaire irakien, donc sa capacité à frapper un jour sur plusieurs théâtres à la fois (Israël et les monarchies du Golfe par exemple). De plus, l'annexion du Koweït élargissait également le débouché de l'Irak sur la mer, susceptible de constituer un tiers théâtre contre les Émirats Unis. Ibid. p. 13. * 6 On entend par ressources stratégiques les ressources indispensables à la construction, au perfectionnement et au maintien de la puissance des Etats. D'après Sophie CHAUTARD, ces ressources sont d'ordres alimentaire (l'eau, le blé et le riz plus particulièrement) et énergétique (hydrocarbures, charbon, l'uranium, etc.). Voir L'indispensable de la géopolitique, Collection Principe- Studyrama, France, Jeunes Editions, 2004, pp.67-72. * 7 Voir Pierre M GALLOIS, Géopolitique. Voies de puissance, Paris, Plon, 1990, 474p; André GUICHAOUA, « Les nouvelles politiques africaines de la France et des Etats-Unis vis-à-vis de l'Afrique centrale et orientale. Afrique des grands lacs et République Démocratique du Congo », in Polis, Revue Camerounaise de Science Politique, vol.4, n°2, novembre 1997, CPSR, Yaoundé, pp.39-63. * 8 Très peu d'auteurs ont énoncé dans leurs publications la possibilité de concilier ces deux disciplines. Le seul auteur à notre connaissance est Raymond ARON avec ``la conduite diplomatico-sratégique''. Voir Paix et guerre entre les nations, 4e éd, Paris, Calmand Levy, 1962, pp.19-102. * 9 Voir par exemple Hervé COUTEAU-BEGARIE, Traité de stratégie, 2e éd., Paris, Economica/Institut de stratégie, 1999, p.95 et pp.685-878. Il a opéré un revirement dans ses publications ultérieures en admettant que la géostratégie (dont la définition demeure à pourvoir) peut aussi s'appliquer en temps de paix mais, on ne doit pas oublier que son champ d'application privilégié est la guerre sur plusieurs théâtres. Lire à propos son article «Qu'est-ce que la géostratégie ?», in stratisc.org, ISC/CFHM/IHCC, 2005, p.2, http://www.stratisc.org/strat_050_291-QU%27EST.html consulté le 17 aout 2009.
* 10 Guillaume DEVIN, Sociologie des relations internationales, Paris, La Découverte, 2002, p.74. * 11 Yvan BANZOUNI, Le métier de diplomate, Paris, l'Harmattan, 2005, pp.35-66. * 12 Alain FOGUE TEDOM, « La géostratégie », op.cit., p.30. * 13 Hervé COUTEAU-BEGARIE cité par Alain FOGUE TEDOM, « La géostratégie », op.cit., p.22. |
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