Initiatives diplomatiques et occupation de l'espace africain. le cas du golfe de guinée (2001-2008). une approche de usages géostratégiques de la diplomatie( Télécharger le fichier original )par Théophile Mirabeau Nchare Nom Université de Yaoundé II - DEA sciences politiques 2009 |
B- La projection par des sommets internationauxL'initiation des sommets à visée stratégique avec les chefs d'Etats africains repose sur la poursuite d'un primat réaliste et géostratégique au nom de la coopération et de la fonctionnalité libérale des relations internationales. Ces sommets sont des cadres stratégiques d'infantilisation, de satellisation et d'inféodation des leaders africains. L'enjeu est de leur proposer un partenariat en trompe l'oeil, construit comme le plus bénéfique. Dans cette perspective, en dehors des puissances qui disposaient déjà de ces cadres (la France avec le Sommet France-Afrique, le Japon avec le TIKAD), la Chine, l'Inde et le Brésil ont initié eux aussi des sommets avec les chefs d'Etats du continent. 1- La France et l'actualisation du sommet France-AfriqueLa France a été la première à expérimenter la stratégie des sommets internationaux avec les chefs d'Etats africains. Suites aux rivalités qui l'opposent dans son pré-carré golfe-guinéen aux Etats-Unis et aux puissances émergentes, elle n'a donc fait que remodeler les axes stratégiques qui le sous-tendent. Initié en 1973 sous la présidence Pompidou, le sommet France-Afrique avait pour vocation la satellisation autour de la France des chefs d'Etats des ex-empires coloniaux français et belge101(*). Cadre institutionnel d'affirmation et d'ancrage du paternalisme néocolonial français en Afrique, relayé par les logiques de la ``Françafrique''102(*), ce sommet est l'instrument majeur d'énonciation de la géopolitique africaine de la France103(*). Durant ces assises, la France profite pour réaffirmer sa tutelle sur ses anciennes possessions africaines dont les dirigeants ont été fonctionnarisés à travers les accords de coopération qui garantissent ses intérêts. Elle dicte les axes de sa coopération et les rassure de son soutien, sorte d'assurance vie pour leur régime. Face aux ambitions géopolitiques des Etats-Unis, du Brésil, de la Chine et de l'Inde, la France a donné plus de vitalité tactique au sommet franco-africain104(*). D'une part, l'enjeu est de se construire stylistiquement une image de partenaire traditionnel privilégié, disposé à défendre les intérêts africains sur la scène internationale et à soutenir ses efforts de développement, mais aussi et surtout, d'affirmer implicitement la détermination française à ne point se désengager des ses intérêts dans le continent d'autre part. Par exemple, du 3 au 4 décembre 2005 lors du 23e sommet à Bamako, la France, alors gouvernée par Jacques Chirac, avait adopté comme thème volontariste « La jeunesse africaine, sa vitalité, sa créativité, ses aspirations ». Dans son discours d'ouverture, Jacques Chirac affirma : « Ce qui ne changera pas, c'est l'engagement de la France en faveur de l'Afrique ». Apparemment, cette affirmation tendait à rassurer les leaders africains du soutien français. Or, elle traduisait plus la volonté de l'hexagone de ne point se départir de son pré-carré africain et de dire à ces leaders qu'ils avaient encore à gagner en demeurant inféodés à la France. De même à Cannes au 24e sommet, dernier du genre qu'il présidait, sur le thème « L'Afrique et l'équilibre du monde », il prononça un discours qui exultait les vestiges de la françafrique. Sujet à controverse dans plusieurs médias, le ministre délégué au développement, Brigitte Girardin, voulu répondre aux critiques, mais trahit encore plus le socle patrimonial des relations qu'entretenaient les chefs d'Etats africains avec Jacques Chirac :
(...) Ce que l'on appelle la "Françafrique" n'existe plus depuis longtemps. Nous avons désormais avec les pays africains une relation de partenariat. Nous n'imposons plus nos projets de coopération, nous en discutons. Néanmoins, il convient de ne pas négliger la dimension personnelle et affective des relations qu'entretenait Jacques Chirac avec les dirigeants africains, lesquels sont inquiets parce qu'ils ne veulent pas perdre le meilleur avocat qu'ils ont jamais eu105(*). * 101 Le rayonnement international de la Belgique s'étant effrité suites aux mauvaises fortunes des indépendances de ses ex-colonies, la France avait hérité de ses positions en Afrique en les intégrant dans son giron patrimonial.
* 102 Ce concept traduit les relations patrimoniales et indécentes que la France entretient depuis la décolonisation avec les chefs d'Etat de ses anciennes colonies d'Afrique. Lire à ce sujet : - Agir Ici et Survie, Jacques Chirac et la Françafrique : retour à la case Foccart ?, op.cit. - Samuël FOUTOYET, Nicolas Sarkozy ou la Françafrique décomplexée, Tribord, Bruxelles, 2009, 153p. - Baadikko MAMMADU, Françafrique : l'échec. L'Afrique postcoloniale en question, L'Harmattan, Paris, 2001, 365p. - Sayouba TRAORE et al, Dernières nouvelles de la Françafrique, Vents d'ailleurs, La Roque d'Anthéron, 2003, 223p. - François-Xavier VERSCHAVE, La Françafrique : le plus long scandale de la République, Stock, Paris, 1998, 379p. - François-Xavier VERSCHAVE, Noir silence : qui arrêtera la Françafrique ?, les Arènes, Paris, 2000, 596p. - Monsieur X et Patrick PESNOT, Les dessous de la Françafrique : les dossiers secrets de monsieur X, op.cit. * 103 Formulée par le général de Gaule et résumée en deux points par Alain FOGUE TEDOM: - Placer les anciennes colonies au service de la défense, du développement et du rayonnement international de la France ; - Faire jouer à la France le rôle d'avocat des plus faibles dans les affaires du monde dans le but d'engranger la sympathie de l'opinion internationale, indispensable dans une lutte inégale qui l'oppose aux grandes puissances. Voir Alain FOGUE TEDOM, « Géostratégie », op.cit. p.18. * 104 L'orientation donnée au 22e sommet en février 2003 l'illustre fort à propos. Lire le discours d'ouverture de Jacques Chirac dans http://www.sangonet.com/Fich5ActuaInterAfric/Discours_ouvertureJ2eS.html. * 105 Cité par Franck SALIN, « Le Sommet France-Afrique d'un président en fin de règne : Jacques Chirac fait ses adieux à l'Afrique », in Afrik, Jeudi 15 février 2007, http://www.afrik.com/article11207.html, consulté le 15 juillet 2009. La mise en perspective est de nous. |
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