L'alcali-réaction
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1: Aperçu Historique
En 1935, R.j Holden est le premier qui a observé
l'existence des réactions chimiques dans le béton, entre le
ciment et certains granulats. Ensuite Krammer et Carlson ont constaté
l'existence de désordres mais c'est l'américain Stanton qui a
précisé le premier, en 1940, la nature des réactions
causant les perturbations observées : ces réactions se
produisent entre les alcalins du ciment et certains types de granulats,
d'où le nom « Réaction Alcalis-Granulats »
(RAG).[1]
En France, l'alcali-réaction était
constatée, pour la première fois, vers la fin des années
70 au niveau de quelques ponts dans la région du nord.
Le Maroc n'a commencé à s'intéresser
à ce phénomène que dans les années 90, en adoptant
une démarche de qualification des granulats utilisés dans la
construction des barrages. [2]
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2: Définition
L'alcali-réaction est une réaction chimique entre
certaines formes de silice et de silicate pouvant être présentes
dans les granulats du béton, et les alcalins de la solution
interstitielle. Elle correspond à une attaque du granulat par la
solution basique du béton et provoque la formation d'un gel de
réaction (silicate alcalin), dont l'expansion engendre, sous certaines
conditions, un ensemble de désordres. [1][3]
Il existe trois grands types d'alcali-réaction : les
réactions alcali-carbonate (dolomitisation), alcali-silice et
alcali-silicate. La réaction alcali-silice est la plus
fréquente.
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3: Conditions d'apparition de l'alcali-granulat
Trois conditions doivent être simultanément
remplies pour que ces réactions puissent avoir lieu. Il faut que le
granulat soit potentiellement réactif, que l'humidité relative
excède 80 à 85% et que la concentration en alcalins
dépasse un seuil critique. [3]
I-3-1: Alcalins
L'établissement de la RAG nécessite la
présence d'un certain pourcentage d'alcalins dans le béton
(essentiellement K2O et Na2O). Ces alcalins proviennent
d'une part du ciment, et d'autre part, des autres constituants du béton
(granulats, eau de gâchage, adjuvants,..). Initialement, ils sont
présents à l'état diffus dans les phases anhydres, et ils
se dissolvent à l'état basique (K+OH-,
Na+OH-) lors de l'hydratation. [4]
Environnement
Eaux salines
Sels fondants
Alcalins
Béton
Additions minérales
Ciment
Granulats
Adjuvants
Eau de gâchage
Figure 1
: Schéma illustrant les différentes sources des alcalins
présents dans le béton (d'après Bérubé et
al. In Baron et Ollivier, 1992)
Lors de l'évaluation des risques de la RAG,
généralement, seuls les alcalins du ciment sont pris en compte.
Or, c'est la quantité totale des alcalins provenant du ciment et des
granulats qui est importante.
Pour l'évaluation de la teneur des alcalins d'un ciment,
on utilise généralement la notion d'alcalins équivalents
(Na2O équivalents) : % Alcalins
équivalents = % Na2O + 0.658 K2O
où 0.658 correspond au rapport des masses molaires Na2O/
K2O. [5]
I-3-2: Silice
La silice réactive, à laquelle on
s'intéresse, prend son origine des granulats. Toutes les
variétés de silice sont pratiquement insolubles dans l'eau pure.
Mais, en raison du caractère acide de SiO2, certaines peuvent
se dissoudre sous forme d'anions dans les solutions aqueuses fortement
basiques.[4]
La présence d'une silice solubilisable provenant des
minéraux sensibles pouvant réagir avec les alcalins, est
l'origine de la majorité des réactions alcali-granulats.
Le minéral le plus susceptible de réagir avec les
alcalins est l'opale ayant comme formule (SiO2, nH2O) ou
une silice amorphe. [1]
En général, la silice peut être
rencontrée dans les roches et alluvions siliceuses, dans les roches
carbonatées (sous forme d'inclusions) et dans les roches ou alluvions
silicatées polyphasées.
L'identification de ces roches n'est pas suffisante pour
permettre de caractériser un granulat comme réactif. Cette
première approche, absolument nécessaire, permet tout au plus
d'alerter sur l'existence ou non d'un risque. Dans l'affirmative, ce sont les
essais de stabilité dimensionnelle [6] qui permettent
la décision.
I-3-3: Environnement
L'expérience montre que les conditions d'exposition sont
à l'origine d'une évolution notable de la RAG :
l'humidité du sol sous l'ouvrage en contact, l'écoulement de
l'eau...A titre illustratif, on présente deux cas d'exposition:
L'exposition la plus favorisante de la RAG est lorsque les
constructions sont soumises à des cycles successifs d'atmosphère
humide puis sèche. Même si le béton est maintenu dans des
conditions d'humidité nulle, l'alcali-réaction reste potentielle,
mais dés la remise du matériau en contact avec l'eau, la
réaction se reproduit et les désordres auront lieu.
[7]
L'exposition des structures à des températures
élevées accélère aussi le processus de la RAG. En
effet, les sections massives et larges du béton dissipent lentement la
chaleur d'hydratation produite par la prise du ciment, ce qui favorise
l'apparition et le développement de la RAG. « Ainsi, une
atmosphère chaude et humide est un facteur aggravant
important ». [8]
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4: Mécanisme de l'alcali-réaction
Les mécanismes de l'alcali-réaction consistent,
généralement, en la dissolution de la silice par la solution
interstitielle alcaline du béton suivie de la formation d'un gel
gonflant.
L'alcali-réaction dépend de plusieurs facteurs
conditionnant les particularités de certains de ses mécanismes,
à savoir : [7] [8]
La structure : c'est-à-dire les facteurs
dépendant de la structure cristalline des minéraux
réactifs dont le réseau peut avoir des défauts. Ces
derniers sont en général dus à la destruction des liaisons
siloxanes . Ces anomalies constituent un site des réactions pour les ions
présents dans la solution (Na+, Ca2+,
K+, OH-).
La texture : les facteurs liés à cet aspect
concernent essentiellement la granularité, la microfissuration et la
microporosité. Ils conditionnent plus la cinétique des
réactions. Les surfaces d'échange des granulats en relation avec
l'état de microfissuration sont en croissance en fonction de leur classe
granulaire.
La composition chimique: on cite ici les facteurs : pH,
concentrations en K+, Na+, Ca2+, et la
quantité de la silice réactive.
La vitesse des réactions : dépend
essentiellement des facteurs structuraux, texturaux et des facteurs de
composition.
Le mécanisme général des réactions
alcali-silice est, généralement, présenté par un
processus en deux étapes fondamentales : [9]
Une première étape consistant à la
neutralisation des radicaux silanols Si-OH suivant une réaction du type
acide-base :
et
Figure 2: Illustration de la
première étape du mécanise selon A B Poole
[3]
Les charges terminales sont équilibrées par les
ions Na+, K+ diffusés. D'autres ions
OH- peuvent se présenter soit dans les trous de la structure
soit sur sa surface externe. L'accessibilité des OH- et de
Na+ est limitée par la dimension des trous et par leur
distance à la surface de la particule.
La deuxième phase, est une attaque des ponts siloxanes
Si-O-Si par les ions OH- :
Figure 3: Illustration de la
deuxième étape du mécanise selon A B Poole
[3]
Lors de cette réaction, on remarque la destruction de la
structure du minéral et la formation d'un gel silico-alcalin
polymérisé.
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5: Désordres dus à
l'alcali-réaction
La dégradation du béton des ouvrages
résultant du phénomène d'alcali-réaction a
été répertoriée dans de nombreux pays. En
général les désordres apparaissent à des
échéances variables de deux à dix ans ou plus.
La pathologie et les manifestations externes de la RAG se
signalent par un ou plusieurs des symptômes suivants :
- Une fissuration,
- Un faïençage à mailles plus ou moins
larges ou en étoile ou une fissuration orientée suivant la
direction de distribution des armatures,
- Des exsudations blanches formées de calcite et
parfois de gels siliceux translucides,
- Des pustules ou cratères avec des
éclatements localisés en forme de petits cônes
résultant de la réaction de gros granulats superficiels qui sont
visibles au fond des cratères d'éclatement,
- Des déformations,
- Des colorations ou décolorations.....
Figure 4: : Exemple de béton
dégradé par l'alcali-réaction. [2]
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6: Prévention de l'alcali réaction
I-6-1: Démarche préventive
[10]
En France, les premières études d'ouvrages
mettant en évidence l'alcali-réaction, comme source de
désordres, datent de la fin des années 70 et du début des
années 80. C'est à ce moment là que le gouvernement
français a pris conscience du grand risque que constitue ce
phénomène pour l'ensemble des ouvrages du pays.
Ainsi, un programme d'étude a été
lancé dans le but d'élaborer une démarche de
prévention contre l'alcali-réaction et d'assurer aux
différents maîtres d'oeuvres le pouvoir de construire sans risque
de dégradations ultérieures.
Cette démarche est représentée
actuellement par les différentes recommandations contre
l'alcali-réaction. Un premier document dit document provisoire, a
été publié par le LCPC en 1991. Sa version
définitive, toujours en vigueur, date de juillet 1994. Les ouvrages
intéressés par ces recommandations sont les ouvrages neufs
(à réaliser), alors que ceux existants sont exclus de son domaine
d'application.
La version de juillet 1994 propose une démarche
préventive, qui s'effectue en deux temps :
- Détermination d'un niveau de prévention
parmi trois cas possibles, selon la catégorie de l'ouvrage et sa classe
d'exposition.
- Orientation vers la (ou les) solution(s) possible(s),
en fonction du niveau de prévention retenu.
Au Maroc il n'existe pas encore une démarche nationale
pour la prévention contre l'Alcali réaction, l'ensemble des
mesures prises sont inspirées de la démarche française
actuelle.
Cette démarche recommande l'utilisation des ajouts
minéraux pour inhiber l'alcali-réaction. Parmi ces ajouts, elle a
mis le point sur les cendres volantes en encourageant leurs utilisations et les
études qui les valorisent.
I-6-2: Bilan des alcalins
Vu sa simplicité et son efficacité, cette
démarche est largement répondue dans le monde entier.
Son principe est de tenir compte des alcalins amenés
par tous les constituants du béton à savoir : le ciment, les
adjuvants, les granulats et l'eau de gâchage. Son but majeur est de faire
un bilan d'alcalins afin de limiter la teneur en Na2O
équivalent (= % Na2O + 0.658 K2O)
dans le béton à un seuil inférieur à 3.5
Kg/m3. [10] [11]
I-6-3: Utilisation des ajouts
minéraux
Des expériences ont montré que l'utilisation des
ajouts minéraux tels que : les cendres volantes, les laitiers de
haut fourneau et la fumée de silice ont un effet positif sur la
diminution de l'expansion du béton.
Le graphe suivant nous montre la variation de l'expansion en
fonction du temps, et ceci pour différents dosages de cendres volantes
et deux teneurs différentes en alcalins.
Figure 5 : Effet de l'ajout des
cendres volantes sur l'expansion du béton [2]
Des expériences similaires au niveau international ont
montré que les cendres volantes sont efficaces pour la diminution de
l'expansion et par suite, pour la prévention des désordres dus
à l'alcali réaction, d'où l'intérêt de
vérifier l'efficacité des cendres nationales.
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