1-4 Clarification conceptuelle
L'étude du sujet « Enjeux et limites de la
microfinance dans un contexte de lutte contre la pauvreté : Etude
à partir du Crédit Populaire Sénégalais de
Diourbel » a nécessité une recherche du champ
conceptuel très vaste du secteur microfinancier. L'intérêt
sans cesse grandissant que suscite la microfinance a obligé l'apprenti
chercheur que nous sommes, à ne pas faire l'économie d'une
clarification des concepts qui structurent le sujet de recherche ainsi choisi.
La clarification conceptuelle constitue à nos yeux une étape
très importante dans toute démarche heuristique. C'est donc dans
le souci de répondre à une règle de méthode qui
veut que définition précède discussion pour lever toute
équivoque, que nous allons nous atteler à cette exigence. Ainsi
nous définirons successivement enjeu,
limites, services financiers, microfinance,
besoins, pauvreté. Après ces
définitions, nous mettrons ces concepts en relation pour tisser une
unité relationnelle afin de mieux nous situer par rapport à nos
objectifs.
Enjeu : Le dictionnaire
encyclopédique définit l'enjeu comme ce que l'on risque de gagner
ou de perdre dans une entreprise, une compétition.
C'est ainsi que l'on dit d'un combat qu'il n'a pas d'enjeu
lorsque son issue n'affectera nullement l'ordre déjà
établi.
Appliqué à notre contexte, nous pouvons dire que
les enjeux de la microfinance sont l'incorporation de plus des deux tiers de la
population du Sénégal dans le circuit productif par le moyen de
financement de leurs activités du fait de leur exclusion par le
système bancaire classique. Cette préoccupation est d'autant plus
pressante que la réalité fait apparaître un envahissement
des institutions de microfinance par des fonctionnaires c'est-à-dire par
des clients d'un type nouveau, ne souffrant pourtant pas comme les pauvres, de
garanties exigibles par les banques commerciales. Le risque est donc
réel de voir la microfinance s'éloigner de ses cibles
indiquées.
Limite : La limite est
définie par le dictionnaire encyclopédique comme le point
où s'arrête quelque chose, la borne. Cette définition
appliquée à notre contexte, nous amène à prendre
comme limite les obstacles qui se hissent sur le chemin de l'expansion de la
microfinance et notamment sa capacité à atteindre les objectifs
qui lui sont assignés en tant qu'instrument de lutte contre la
pauvreté.
Services financiers : Les
services financiers désignent les prestations faites par les
institutions de microfinance à l'endroit de leur clientèle. Ces
services peuvent être de l'épargne, du crédit, de
l'assurance, du transfert d'argent, le renforcement des capacités entre
autres.
Microfinance : Elle
est définie comme un ensemble de services financiers
généralement décentralisés distincts de ceux du
système bancaire, offerts aux populations défavorisées
dans le but de satisfaire leurs besoins économiques et sociaux.
Les services des institutions de microfinance sont entre
autres l'épargne, le crédit, l'assurance, le transfert d'argent,
le renforcement des capacités... (Tirés des notes de cours
d'économie sociale, Abdoulaye Thiam, ENTSS, 2005-2006).
Voyons cette autre définition tirée du portail
sénégalais de la microfinance pour qui la microfinance regroupe
une diversité d'acteurs financiers également appelés
systèmes financiers décentralisés (SDF) qui mettent
à la disposition des populations généralement exclues du
système bancaire, des services d'épargne et / ou de
crédit. Ce sont des structures alternatives de financement de
l'économie, diverses par la taille, le degré de structuration,
les moyens techniques, financiers et humains, mises en oeuvre pour les
populations à la base, avec ou sans le soutien de partenaires
extérieurs en vue d'assurer l'auto promotion économique et
sociale de ces populations.
Sans se contredire, les deux définitions se
complètent car la première met en avant le service en tant que
tel alors que la seconde donne une définition à partir des
acteurs intervenant. Somme toute, le secteur de la microfinance est
caractérisé par sa cible - les personnes pauvres ; les
services développés- épargne, crédit, transfert
d'argent, assurance.... ; la proximité.
Besoins : Le terme besoin a un
sens plurivoque. C'est ainsi que suivant le dictionnaire encyclopédique,
nous pouvons au moins retenir deux sens. Il désigne la sensation qui
porte les êtres vivants à certains actes qui leur sont ou
paraissent nécessaires. On dira par exemple qu'un tel n'a pas besoin de
prendre ses vacances cette année.
Mais il peut aussi signifier une privation du
nécessaire. C'est le cas quand on dit de quelqu'un qu'il est
réduit par le besoin à mendier.
Mais ces définitions bien que claires à
appréhender, relève du sens commun. Le concept de besoin couvre
des acceptions plus larges en sociologie et c'est pourquoi des
théoriciens comme Maslow, Paul Henry Chombart de Lauwe, Herzberg ou
encore Mayer et Ouillet l'ont particulièrement étudié.
Nous allons juste en voir quelques éléments.
Maslow est rendu célèbre grâce à la
pyramide des besoins qui porte son nom. Cette pyramide hiérarchise les
besoins selon cinq catégories :
1. Les besoins physiologiques
2. Les besoins de sécurité
3. Les besoins sociaux
4. Les besoins d'estime (estime de soi et estime des
autres)
5. Les besoins d'autoréalisation
De cette conception du besoin envisagée du point de vue
psychologique, le sociologue français développe une approche
sociologique et présente les stades d'évolution du besoin chez
l'être humain. Pour Chombart en effet, le besoin est classé en
quatre catégories différentes mais interdépendantes.
Le besoin - objet est pris comme un élément
indispensable au fonctionnement de l'organisme et à la vie sociale
(nourriture, logement, système de protection...).
La non satisfaction de ce besoin entraîne sa
transformation en tension, il prend alors la forme de besoin- état qui,
à son tour s'il n'est pas satisfait se transforme en besoin- aspiration
et enfin en besoin -obligation.
Quant à Mayer et Ouillet (1991) citant Barbier et Lesne
(1977) définissent le besoin comme un manque, un écart, une
différence et parfois un problème, retenons que c'est avant tout
un concept subjectif, relatif, qu'il est toujours inféré,
hypothétique, supposé, car « l'on ne rencontre jamais
que des expressions de besoins formulés par des agents divers pour
eux-mêmes ou pour d'autres » (cité par Marie Loup
Guérin Fall, ENTSS, 1999).
Le dictionnaire économique et social (Edition Hatier,
1990) définit le besoin social comme « l'ensemble des besoins
dont la satisfaction est considérée comme indispensable pour
assurer un niveau et un style de vie adaptés au niveau de
développement et au statut du groupe . »
Et c'est par cette définition que nous allons tenter de
définir ce que nous entendons par besoin dans le cadre de cette
recherche. Est considéré comme besoin, tout état
d'insatisfaction qui empêche un individu ou un groupe de participer
convenablement à la vie économique et sociale de son milieu.
Pauvreté :
L'encyclopédie multimédia Encarta 2006 définit la
pauvreté comme la situation dans laquelle se trouve une personne
n'ayant pas les ressources suffisantes pour conserver un mode de vie normal ou
y accéder.
Le dictionnaire distingue deux formes de
pauvreté : la pauvreté absolue et la
pauvreté relative.
La pauvreté est absolue quand le revenu perçu
est inférieur à un minimum objectivement déterminé,
elle est relative si les ressources sont inférieures à un certain
pourcentage.
Pour la Banque Mondiale, « est
considéré comme pauvre, toute personne dont le revenu est
inférieur à un dollar américain par jour.»
Le PNUD en ce qui le concerne donne à la notion de
pauvreté depuis 2000 une définition plus large en y incluant les
besoins essentiels qui tournent autour de l'accès à l'eau
potable, au logement, au droit à un cadre de vie décent, à
l'éducation, à la santé.
Depuis 2002, nous constatons avec la Banque Mondiale un
élargissement conceptuel de la pauvreté avec la reprise de la
définition du PNUD et ajoutant à celle-ci les notions de
sécurité, d'insertion à la vie économique et
d'opportunité. La sécurité met l'accent sur les crises
économiques et les catastrophes naturelles. L'insertion fait
référence au chômage et au sous-emploi. La notion
d'opportunité dans le sens de la Banque Mondiale se comprend comme la
valorisation des ressources humaines, le renforcement des capacités et
l'intégration de la dimension genre dans le développement.
De ce point de vue on peut dire que la pauvreté est un
concept dynamique qui inclut à la fois des facteurs économiques,
sociaux, environnementaux, politiques...
Une autre définition de la pauvreté a
également retenu notre attention, c'est celle du dictionnaire
encyclopédique qui la définit comme un le manque de biens,
l'insuffisance des choses nécessaires à la vie.
Ce tour d'horizon des différentes appréhensions
d'un même phénomène nous permet au moins de constater la
subjectivité qui caractérise la notion de pauvreté. Mais,
ceci n'enlève en rien le substrat qui fonde l'état de
pauvreté, c'est-à-dire le manque. C'est pourquoi nous allons avec
le Professeur Moustapha Mbodji (2006) dire que la pauvreté c'est
l'incapacité d'accès et l'impossibilité de la personne
à se mettre en orbite pour accéder aux services sociaux de
base.
Cette dernière conception de la pauvreté recoupe
parfaitement notre préoccupation dans la mesure où dans le cadre
de cette étude, nous nous intéressons à la relation entre
l'existant (les services financiers) et les capacités pour les cibles
à s'en servir.
Les concepts que sont enjeu,
limites, services financiers,
microfinance, besoins et
pauvreté entretiennent dans le cadre de notre recherche
des liens très étroits. En effet, l'inadéquation des
services financiers offerts par les institutions de microfinance par rapport
aux besoins de la population pauvre risque de faire déchanter tous les
acteurs au développement qui misent sur la microfinance pour
réduire la pauvreté de moitié d'ici à l'horizon
2015, comme c'est manifestement contenu dans la déclaration du
millénaire. Or un tel objectif ne peut être atteint que si tous
les acteurs (Etat, Bailleurs de fonds, populations bénéficiaires,
structures de financement décentralisés, collectivités
locales...) jouent pleinement leurs rôles pour lever les contraintes qui
peuvent l'être dans le secteur de la microfinance.
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