Introduction
Amorcé dès les années 1970 dans les pays
anglo-saxons (Etats-Unis, Royaume uni), la mutation de l'environnement
financier désigne la profonde évolution des systèmes
financiers, qui s'apparente à la libéralisation du secteur
bancaire et financier. C'est à partir de 1980 que cette modification de
l'environnement financier va se manifester en Europe, et dans les années
90 dans les pays émergents. Dans les pays où des réformes
ont été mises en place, le mode de financement de
l'économie a évolué du financement indirect (financement
intermèdié) vers un financement direct (financement par le
marché) d'une part, et d'une approche de financement administré
vers une logique de marchés financiers libéralisés d'autre
part. En effet, sous l'égide des organisations
financières internationales (FMI, Banque Mondiale) et l'impulsion de la
globalisation financière, la libéralisation financière est
devenue une exigence incontournable pour amorcer une croissance et un
développement durable dans les pays en voie de développement.
En France, la mutation de l'environnement financier s'est
essentiellement caractérisée par une libéralisation
financière radicale et la création d'un vaste marché de
capitaux. Dès le milieu des années soixante-dix et plus encore
dans les années quatre-vingt de nombreux pays en développement
ont libéralisé leur système financier des contraintes
internes et l'ont ouvert sur l'extérieur en allégeant ou en
supprimant le contrôle des changes sur les mouvements de capitaux. Les
premières expériences, en Corée du Sud et à
Taiwan, ont été un succès. Elles ont
entraîné une forte augmentation des dépôts bancaires
et ont stimulé la croissance économique sans compromettre la
stabilité monétaire.
Par contre, la mutation de l'environnement financier en
Amérique Latine à la fin des années soixante-dix
(Argentine, Chili, Uruguay) et aux Philippines comme en Turquie dans les
années quatre-vingt peuvent être considérées comme
des échecs. En effet, elles se sont traduites par une hausse excessive
des taux d'intérêt réel, des entrées
spéculatives de capitaux et finalement par de graves crises de la
balance des paiements et du système bancaire.
Du point de vue théorique, l'on a assisté
à la naissance de «l'école de la libéralisation
financière», qui recouvre à l'origine les travaux de R.I Mc
Kinnon (1973) et E. Shaw (1973). Le paradigme de la libéralisation
financière a permis de mettre en évidence une différence
fondamentale entre l'approche néoclassique (Mac Kinnon et Shaw, 1973) et
l'approche néostructuraliste inspirée des analyses
Keynésiennes (Taylor et Van Wijnbergen, 1983). Pour les
néoclassiques, la libéralisation financière doit se
substituer aux contraintes qui pèsent sur la sphère
financière. Ils sont en effet persuadés que de nombreux Etats en
voie de développement font peser des contraintes tellement fortes sur la
sphère financière que celle-ci est incapable de se
développer à travers les forces du marché. Leur objectif
est la mobilisation de l'épargne domestique et l'amélioration de
son affectation dans des projets d'investissement plus rentables, qui
contribuent à la consolidation de la croissance économique.
Pour les neostructuralistes (Taylor et Van Wijnbergen, 1983),
l'accroissement du taux d'intérêt suite à une politique de
libéralisation financière ne peut qu'accroître l'inflation
et par conséquent, ralentir la croissance. Au Ghana, l'inflation
dépassait 20% par an lorsque les taux d'intérêt ont
été déréglementés et 100% en Zambie au
moment de la réforme (BCEAO, 2006). En effet, l'approche
neostructuraliste prend en compte l'existence d'un marché financier
informel dans leur modèle. Par conséquent des taux
d'intérêt faibles et administrés peuvent être
bénéfiques à l'investissement et stimuler la croissance.
Afin de se préparer à l'échéance
de la mondialisation du commerce des services et aux défis de
l'amélioration de leurs performances économiques, les pays de
l'UMOA ont amorcé depuis plus d'une décennie, un vaste mouvement
de réforme du secteur financier dans la perspective de son
intégration dans l'espace financier international. Celle-ci s'est
manifestée par un profond réaménagement des instruments de
gestion monétaire et un changement d'orientation dans la conduite de la
politique monétaire à partir de 1989. Dès lors, le
processus de libéralisation engagé, dans le secteur bancaire et
financier, a visé une plus grande responsabilisation des
établissements de crédit dans leurs relations avec la
clientèle et l'accroissement de la concurrence au sein du système
bancaire, d'une part, et la création d'un marché de capitaux,
d'autre part. La finalité de cette politique est de faciliter la
mobilisation de l'épargne et de favoriser le financement des
investissements productifs afin d'accroître la production des pays de
l'Union.
A l'instar des autres pays de l'Union, le système
bancaire et financier du Bénin, avant la mise en oeuvre de la reforme
financière, la Banque centrale et les banques commerciales accordaient
des concours directs au trésor public. Cette situation favorisait la
monétisation des déficits budgétaires. La forte
présence de l'Etat dans le système bancaire et financier a eu
pour conséquence, un faible développement du marché
monétaire, l'éviction du secteur privé, l'affectation des
ressources bancaires à des prêts improductifs et la
dégradation du portefeuille des banques (Rapport de la Banque Mondiale
,1994). Les crédits à l'économie octroyés par les
banques à la fin des années 80 se sont transformés dans
leur grande majorité en crédits en souffrance.
Au total, la politique financière interventionniste des
autorités publiques a favorisé l'établissement d'un
environnement d'instabilité macroéconomique et financière.
Il s'est donc avéré nécessaire pour le Bénin de
reformer son système bancaire en vue de favoriser son
développement et la croissance de son économie.
Plusieurs études empiriques sur la croissance ont mis
en évidence le rôle important du développement du
système financier comme facteur permettant de promouvoir la croissance
économique à long terme. (Voir par exemple, King et Levine
[1993]). La meilleure mobilisation de l'épargne, la diversification
efficace des risques et l'évaluation des projets d'investissement, sont
autant de fonctions remplies par le système financier qui peuvent
expliquer cette influence positive sur la croissance.
Mais au-delà de la controverse théorique
(l'approche néostructuraliste), du nombre d'années après
l'amorce du processus de libéralisation financière, et compte
tenu du caractère « opérationnel » de la
libéralisation du secteur financier, il convient de déterminer
si, oui ou non, cette politique financière a permis de résoudre
les problèmes de financement et du développement
économique du Bénin ; Quel bilan peut on
faire de la reforme ; Quelle est sa contribution aux performances
économiques du Bénin ?
Comme nous le signalions plus haut, les recommandations de Mc
Kinnon et Shaw ont très rapidement reçu un écho favorable.
Beaucoup y ont vu une manière simple et efficace de sortir un certain
nombre d'économies, notamment celles de l'UMOA, du sous
développement. De nombreuses études économétriques
ont essayé de vérifier empiriquement les impacts de la
libéralisation financière (Fry, 1995 ; Demetriades et
Luintel, 1997). La présente étude s'inspire des travaux de Ary
Tanimoune (2001), Amaira Bouzid (2003), de Mouldi et Mourad (2004) et de Hamdi
khalifaoui (2006, b).
Objectifs de recherche :
Objectif principal :
L'objectif global de
l'étude est d'évaluer la contribution de la mutation du
système bancaire et financier aux performances économiques du
Bénin.
De façon spécifique, l'étude vise
à :
§ Faire un point des mutations de l'environnement
financier dans quelques pays de référence et dans
l'UMOA ;
§ Tester la causalité entre les mesures de
libéralisation financière mises en oeuvre au sein de l'UMOA et
l'évolution des performances économiques du Bénin.
§ Faire des recommandations de politique
économique.
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