Conclusion
Nous avons pu voir à quel point les différents
arguments employés traditionnellement pour distinguer l'homme du reste
du règne animal correspondent bien au schème naturaliste tel
qu'il est décrit par Descolla. Pourtant l'exclusivité de la
subjectivité humaine semble d'autant plus fallacieuse que la
majorité des arguments avancés en sa faveur ont
été, semble-t-il, les uns après les autres,
réfutés par les progrès de la biologie ou de la science en
général.
Le naturalisme occidental suppose d'emblée que toutes
les entités qui composent la nature sont soumises aux
mêmes lois, mais seulement en ce qui concerne la physicalité. Le
postulat d'une structure universelle du monde ne concerne que la matière
et éventuellement la finalité dont témoignent toutes les
entités vivantes, comprises comme des machines biologiques.
L'intériorité dont tout être humain témoigne pour
lui et qu'il peut communiquer à ses semblables n'est étendue que
très prudemment, et avec beaucoup de réserve, aux non-humains.
Sans preuve, on refuse l'intériorité ; et ni la finalité,
l'astuce, la communication, l'adaptabilité ni des comportements sociaux
ne semblent constituer de preuve aux yeux du naturalisme.
Au contraire on recherche ardemment des
propriétés strictement humaines, raison, langage, abstraction,
culture ou réflexivité, autant de caractéristiques
inextricablement liées aux modalités de communication humaines et
par conséquent quasiment impossibles à observer chez toutes les
autres espèces. On peut tout de même constater quelques pistes,
quelques traces embryonnaires de ces propriétés, mais cela n'est
jamais suffisant puisque tout peut être expliqué par les lois
universelles de la nature. Pourtant l'intériorité humaine
doit-elle, et peut-elle, également être expliquée à
partir de ces lois ? Notre expérience psychique semble être
davantage que cela. Le bénéfice du doute va donc immanquablement
dans le sens du maintien d'une continuité des physicalités et
d'une discontinuité des intériorités. On se retrouve bien
devant le problème métaphysique coexistant au naturalisme que
Descolla avait isoler : comment expliquer l'originalité relative de
l'intériorité humaine sur la base d'une universalité
physique de la nature ? Rien d'étonnant à ce que ce
problème hante perpétuellement le naturalisme puisque ses deux
tenants sont des postulats de ce schème de pensée.
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