La République tchèque : analyse de son "retour à l'Europe"( Télécharger le fichier original )par Audrey Arnoult Université Lyon 2 - Master 2 en Sciences de l'Information et de la Communication 2007 |
2. Une nation politique constituée contre le pouvoir de VienneLe journaliste part de cette tradition pour évoquer l'histoire de la construction de la nation tchèque. A plusieurs reprises nous retrouvons l'idée que l'identité tchèque s'est construite en opposition à un Autre, seulement cet Autre n'est pas l'Allemagne mais l'Autriche. La République tchèque « s'est construite contre le pouvoir de Vienne », François-Joseph « s'est opposé à l'autonomie des Tchèques ». De plus, La Croix mentionne l'indépendance en 1918 qui est d'ailleurs la seule date figurant dans l'article et qui correspond à la naissance de l'Etat nation tchécoslovaque. Enfin, les termes liés à l'Autriche sont récurrents : « empire austro-hongrois », « pouvoir de Vienne », « Autriche » (à trois reprises), « autrichiens » (à deux reprises) et « Autriche-Hongrie » alors que l'Allemagne n'est évoquée qu'une seule fois. Il est donc intéressant de noter que pour La Croix, l'identité tchèque s'est construite contre l'Autriche alors que pour les spécialistes de la République tchèque, c'est l'Allemagne qui constitue le miroir identitaire de la nation tchèque au XIXème siècle. La Croix envisage donc le passé du peuple tchèque d'un point de vue politique et non culturel ce que semble confirmer l'absence de tout vocabulaire appartenant au champ lexical de la nation culturelle. Rien n'est dit de la protection de la langue tchèque dominée par la culture allemande qui a constitué l'élément déclencheur du réveil national. Cette lecture politique de la nation est réitérée dans un article consacré à la naissance des Etats nations candidats à l'intégration168(*). En effet, le journaliste rappelle qu'avant de naître sur les décombres de l'Empire, « la Bohême et la Moravie étaient rattachés à la couronne des Habsbourg », une façon de dire que ce n'était pas un Etat souverain : c'est donc la naissance de l'Etat nation qui est mise en valeur. S'il mentionne les « mouvements nationaux » l'expression ne renvoie pas aux Eveilleurs à l'origine de la renaissance nationale mais aux partis politiques qui ont revendiqué la création d'un Etat nation autonome à la fin du XIXème siècle. Cela explique pourquoi les deux figures citées ne sont pas les intellectuels qui ont contribué à l'éveil de la conscience nationale tchèque au XIXème siècle mais des hommes politiques qui furent tout deux présidents de la Première République tchécoslovaque. Comme Le Monde, La Croix retrace l'évolution de la Tchécoslovaquie en tant qu'Etat nation dont elle énumère les grandes étapes : la naissance d'un « régime de démocratie parlementaire », « l'entrée des armées d'Hitler dans les Sudètes », puis la « domination soviétique » en 1945, l'« émancipation de la tutelle de Moscou » en 1989 et enfin le « divorce de velours » en 1993 qui constitue l'étape ultime de l'histoire de l'Etat nation tchèque. Toutes les dates citées correspondent là aussi à des étapes marquantes qui symbolisent la perte d'indépendance ou le recouvrement de l'autonomie et l'avènement de la démocratie. Enfin, il est intéressant de préciser que l'expulsion des Sudètes n'est pas évoquée dans une perspective identitaire mais comme un facteur d'homogénéisation ethnique, qui constitue donc une étape supplémentaire dans la constitution de l'Etat nation. * 168 La Croix, « Les frontières d'Europe centrale n'ont cessé de bouger. La plupart des nouveaux Etats sont nés il y a moins d'un siècle, au lendemain de la Première Guerre Mondiale, 30 avril 2004, p. 5 |
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