La République tchèque : analyse de son "retour à l'Europe"( Télécharger le fichier original )par Audrey Arnoult Université Lyon 2 - Master 2 en Sciences de l'Information et de la Communication 2007 |
A. Les craintes des opinions publiques française et tchèque : des craintes essentiellement économiques et socialesAu-delà des résultats positifs des référendums d'adhésion qui ont montré une commune aspiration des pays d'Europe centrale à intégrer l'UE, il faut s'interroger sur les craintes que suscite l'élargissement à la fois dans les pays membres et les pays candidats. Nous préciserons le concept d'opinion publique avant de s'attacher à identifier ces craintes. Cela nous permettra de comprendre comment elles sont envisagées dans les discours médiatiques. 1. Le concept d'opinion publiquea) Naissance et évolution du concept d'opinion publiqueLa notion d'opinion publique est aujourd'hui assimilée aux résultats des sondages et les deux termes sont employés l'un pour l'autre. Cependant, ce qui fait aujourd'hui consensus résulte d'un ensemble de conditions sociales et politiques qui ont conduit à occulter certaines représentations de l'opinion publique pour n'en privilégier qu'une seule. A la fin du XVIème siècle, cette notion est employée pour désigner les idées et les jugements partagés par un groupe social et renvoie donc à la sphère privée. La conception moderne de l'opinion publique apparaît au milieu du XVIIIème siècle corrélativement à l'émergence de l'espace public habermassien. L'opinion « publique » désigne alors l'opinion publiquement exprimée par des élites intellectuelles qui débattent sur des questions d'intérêt général en faisant un usage critique de leur raison. C'est donc celle d'une fraction de la population qui se distingue de l'opinion du peuple. Avec la proclamation du suffrage universel en 1848 le sens du terme « opinion publique » évolue à nouveau. Le peuple entre dans le jeu politique et fait entendre sa voix. Il prétend incarner l'opinion publique, une opinion qui se manifeste par le biais de manifestations, pétitions... Enfin, l'apparition des sondages dans les années 30 constitue une nouvelle étape. L'opinion publique devient ce que mesure les sondages, une agrégation d'opinions individuelles. b) La confrontation des différentes représentations de l'opinion publiqueDans La fabrique de l'opinion : une histoire sociale des sondages, L. Blondiaux s'intéresse à la question de la représentation de l'opinion. Avant l'apparition des sondages, l'opinion publique est un « ensemble de paroles vivantes répercutées par de nombreux porte-voix et interprètes dans la société »91(*). Ainsi, différentes façons de représenter l'opinion coexistent. Avec l'introduction et le développement des sondages, un nouveau mode d'énonciation s'impose jusqu'à penser que « l'opinion publique est devenue ce que mesurent les sondages »92(*). Néanmoins, ces différentes façons de représenter l'opinion dans la société existent encore. L'éditorialiste, l'élu, l'historien ou encore le journaliste font « parler » l'opinion pour reprendre le terme de L. Blondiaux, à côté du sondeur. C'est bien entendu le rôle du journaliste qui nous intéresse ici. Il « s'efforce de faire parler une `majorité silencieuse' à partir de quelques interviews glanées ici et là sur un trottoir »93(*). C'est bien de cette représentation de l'opinion publique dont il s'agit dans notre corpus : les journalistes rapportent les propos de citoyens tchèques, une modalité d'énonciation de l'opinion qui se distingue de l'opinion publique sondagière. Cette dernière est « une entité fictive et cohérente formée à partir d'une multitude d'opinions individuelles, atomisées et réelles, mais qui ne font corps que dans la représentation qu'en donne le sondage »94(*). Par exemple, les Eurobaromètres réalisés par la Commission européenne tout au long du processus d'adhésion pour mesurer l'état de l'opinion dans les pays candidats relèvent de cette catégorie. L. Blondiaux précise que ces différentes représentations de l'opinion publique peuvent être en contradiction. Cette idée nous semble intéressante pour l'analyse de la représentation de l'opinion publique tchèque dans notre corpus. * 91 BLONDIAUX, Loïc, La fabrique de l'opinion : une histoire sociale des sondages, Paris, Editions du Seuil, 1998, p. 105 * 92 Idem, p. 11 * 93 Idem, p. 12 * 94 BLONDIAUX, [1998], p. 13 |
|