Université Lyon
2
Master 2 Recherche
en Sciences de l'Information et de la Communication
Option : Médias et
Identité
La République tchèque : analyse de
son « retour à l'Europe »
ARNOULT Audrey
Sous la direction d'Isabelle GARCIN MARROU
Juin 2007
Université Lyon 2
Université Lyon 3 ENS
LSH
Université Lyon 2
Master 2 Recherche
en Sciences de l'Information et de la Communication
La République tchèque : analyse de
son « retour à l'Europe »
ARNOULT Audrey
Sous la direction d'Isabelle GARCIN MARROU
Résumé :
L'entrée officielle de la République
tchèque dans l'Union européenne le 1er mai 2004
constitue un événement historique majeur. Il marque le
« retour en Europe » d'un pays
séparé de l'Europe occidentale par quarante années de
communisme. Des discours médiatiques se sont saisis de cet
événement tout au long de l'année 2004 en proposant une
représentation stéréotypée de ce pays et en se
focalisant sur sa situation économique et sociale.
Mots clés : République
tchèque, Union européenne, identité nationale, opinion
publique
Abstract :
The official entry of the Czech Republic into the European
Union May 1st 2004 constitutes an historic event. It symbolizes the return in
Europe of a country separated from western Europe by forty years of communism.
The media made of the most this event during all 2004 giving a stereotyped
representation of this country and focusing on its economic and social
situation.
Mots clés : Czech Republic, European Union,
national identity, public opinion
Juin 2007
Université Lyon 2
Université Lyon 3 ENS
LSH
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier Isabelle Garcin-Marrou pour sa
disponibilité et ses précieux conseils.
Merci également à Caroline, Pauline, Florence et
Stéphanie pour leur relecture, leurs suggestions et leur soutien.
SOMMAIRE
INTRODUCTION
5
PREMIERE PARTIE : LA NATION TCHEQUE A
TRAVERS L'HISTOIRE
11
I. Constitution et évolution
de l'identité nationale tchèque
11
A. Définition des concepts
11
B. La renaissance nationale et la
constitution de l'identité nationale tchèque au XIXème
siècle
17
C. L'identité tchèque au
XXème siècle et XXIème siècle
23
II. Les opinions publiques et les
partis politiques face à l'élargissement
29
A. Les craintes des opinions publiques
française et tchèque : des craintes essentiellement
économiques et sociales
30
B. La position des partis politiques
tchèques face à l'intégration dans l'UE
37
DEUXIEME PARTIE : LA REPRESENTATION MEDIATIQUE DE LA
REPUBLIQUE TCHEQUE EN 2004 46
I. La représentation de
l'identité nationale tchèque
48
A. Le Monde : la
République tchèque, une nation
« politique »
48
B. L'Humanité :
une seule référence, l'histoire
49
C. Le Figaro :
une nation culturelle qui s'occidentalise
50
D. La Croix :
un pays attaché à son folklore
54
E. Libération :
un pays qui s'occidentalise
57
II. L'opinion publique et les partis
politiques tchèques face à l'intégration
61
A. La construction de l'opinion publique
dans les discours médiatiques
61
B. La désignation des partis
politiques et leur position par rapport à l'Europe
70
C. Les
« dérives » de la vie politique
78
III. La dimension économique
et sociale
85
A. Le Monde :
une économie intégré
86
B. L'Humanité :
l'économie tchèque, une économie fragile
88
C. Le Figaro :
une sanction ambiguë
90
D. La Croix :
une transition pas encore achevée
92
E. Libération :
une économie marquée par l'héritage communiste
96
IV. V. Havel, les
ambiguïtés de la mondialisation
100
A. Rationalité économique
versus dimension humaine
101
B. Les arguments invoqués
102
C. La place accordée à
l'auditoire
103
CONCLUSION 104
BIBLIOGRAPHIE 107
TABLE DES MATIERES 1
14
INTRODUCTION
Suite à l'effondrement du bloc soviétique, nous
devons « chercher un nouveau `chez-soi'1(*) en Europe et dans le monde, et
établir de nouveaux liens avec nos voisins. Nous ne voulons pas
redevenir le satellite de qui que ce soit. En même temps, nous ne voulons
pas exister dans le vide, croire que nous nous suffisons à
nous-mêmes et qu'il ne faudra pas prendre les autres en
considération. Nous aimerions encore moins former une zone de choc ou
le no man's land entre une immense Union soviétique dont
l'évolution est explosive et l'Europe occidentale
démocratique »2(*). Ainsi s'exprimait V. Havel en 1992, soulignant
l'importance du « retour à
l'Europe »3(*) pour les Tchèques. Il considérait ce
retour non pas comme l'intégration du peuple tchèque à
l'Europe mais comme la réintégration d'une nation qui a
« été privée de [ses] traditions, racines et
idéaux par la force »4(*). Elle retourne ainsi sur le chemin qu'elle avait jadis
suivi mais dont elle a été mise à l'écart suite
à la Seconde Guerre Mondiale. Le 1er mai 2004, ce
« retour à l'Europe » est devenu
réalité pour la République tchèque mais aussi pour
tous les pays d'Europe centrale. Cet événement, d'une importance
historique majeure, est celui sur lequel nous avons choisi de travailler, et ce
pour plusieurs raisons.
Ce sont à la fois des intérêts personnels
et des motivations « scientifiques » qui nous ont
poussés à nous intéresser à cet
événement. Après avoir vécu plusieurs mois en
République tchèque, nous avons constaté qu'il existait un
décalage entre la représentation que les Français avaient
de ce pays et la réalité quotidienne. La République
tchèque est en fait presque inconnue des Occidentaux qui l'associent aux
anciens pays communistes mais n'en savent pas beaucoup plus. Pour Miroslav
Hroch, la presse n'est pas étrangère à ce manque
d'information. Il pointe du doigt la presse occidentale dont les «
articles donnent implicitement l'impression au lecteur occidental que
l'arrivée de ces pays dans l'UE serait synonyme de désordre, de
déclin économique, voire d'augmentation de la criminalité
»5(*). Il va
jusqu'à comparer le traitement médiatique dont font l'objet les
pays d'Europe centrale dans la presse occidentale à un nouveau rideau de
fer : « Le « rideau de fer » fut
érigé en guise de ligne de démarcation destinée
à protéger le communisme face à la démocratie.
L'ironie du sort veut que, après la chute du communisme, ce ne soit pas
l' « Est », mais en premier lieu les médias
occidentaux (et la plupart des intellectuels) qui contribuent à
pérenniser la barrière mentale qui est le pendant spirituel du
« rideau de fer »6(*). Cette critique a retenu notre attention et il nous a
paru intéressant de comprendre le regard que portent les médias
sur la République tchèque au moment de son entrée dans
l'Union européenne (UE) et les logiques qui structurent leurs discours.
Outre son rôle d'information sur la situation économique,
politique et sociale de la France, la presse quotidienne est le principal
vecteur d'information concernant l'international. C'est pourquoi, au moment
où l'UE s'apprête à accueillir dix nouveaux pays membres,
cette réflexion sur les représentations que proposent les
journaux s'avère nécessaire. En effet, ces représentations
structurent notre imaginaire social et ont un impact sur la façon dont
l'opinion publique française appréhende l'élargissement de
l'Europe.
Au-delà de cette critique émise par M. Hroch,
d'autres raisons ont motivé notre choix. Notre objectif initial
était de travailler sur l'évolution de la représentation
de la République tchèque depuis sa naissance, c'est-à-dire
le 1er janvier 1993. Cependant, confrontés à un corpus
relativement important il n'était pas possible de mener à bien
cette recherche de façon pertinente. Nous avons donc choisi de nous
recentrer sur un moment précis, important dans l'histoire de ce pays et
propice à l'émergence de discours médiatiques dans
l'espace public français. L'élargissement de l'UE nous a donc
semblé être un événement relativement
intéressant. Comme le soulignait V. Havel, il consacre le
« retour à l'Europe » d'un pays qui
était autrefois lié à l'Europe par ses valeurs et sa
culture. L'entrée dans l'UE est aussi une date symbolique, qui
sanctionne la fin de la transition politique, économique et sociale des
anciens pays communistes. Enfin, au-delà du consensus et du
caractère « inévitable » de cette
réunification, l'élargissement de l'UE soulève certaines
questions et est porteuse de plusieurs enjeux. Tous les pays européens
sont confrontés à la question de l'identité nationale :
comment construire, bâtir une union économique, politique et
sociale sans diluer les identités nationales des pays membres ? La
question se pose avec encore plus d'acuité quand il s'agit des pays
d'Europe centrale. En effet, tous et dans le cas de notre étude, la
République tchèque, ont retrouvé leur souveraineté
et leur indépendance après la chute du mur de Berlin et
l'effondrement du système soviétique. Leur identité
nationale s'est progressivement redéfinie. L'intégration dans
l'UE représente un nouveau défi et pose à nouveau la
question de la définition de l'identité nationale.
Notre étude consistera en une analyse synchronique des
discours médiatiques portant sur la République tchèque au
moment de son entrée dans l'UE. Elle nous permettra de comprendre
comment la presse s'est saisie de cet événement pour nous
proposer une représentation de la République tchèque. Nous
nous attacherons également à déceler les similitudes et
les divergences qui peuvent exister entre les différents journaux.
Notre travail repose sur les hypothèses
suivantes :
- La République tchèque est un pays
méconnu des Occidentaux. Au moment de son entrée dans l'UE, nous
pouvons supposer que les discours se contenteraient d'en proposer une
représentation stéréotypée, associant ce pays
à quelques grandes dates historiques telles que 1918, 1968 ou encore
1989. Cette représentation de la République tchèque se
réduirait à quelques traits typiques qui ne reflètent pas
la complexité de son identité nationale.
- Le « retour à l'Europe »
de la République tchèque est une évidence pour les
intellectuels et les hommes politiques tchèques. Leur pays est
lié par son passé à la culture et aux valeurs
occidentales, avant d'avoir été kidnappé pour reprendre
les termes de Milan Kundera7(*). Cependant, nous faisons l'hypothèse que loin
de mettre en avant les points communs entre ce pays et l'Europe occidentale,
les médias présenteraient la République tchèque
comme un pays encore marqué par quarante années de communisme
aussi bien au plan politique, qu'économique ou social.
- La nation française est considérée
comme une nation politique c'est pourquoi, nous pouvons supposer que c'est
à travers le prisme de la nation civique que la République
tchèque sera représentée dans les discours. Les journaux
nous préciseraient les éléments de son histoire en tant
que nation civique, occultant ainsi certains aspects fondamentaux de la nation
culturelle.
Corpus et méthode d'analyse :
Afin d'infirmer ou de confirmer nos hypothèses, nous
avons choisi de travailler sur des articles de presse quotidienne
française dans une perspective comparative qui nous permettra de
déceler les similitudes et les divergences qui existent entre les
discours médiatiques dont fait l'objet la République
tchèque. C'est pourquoi, nous avons choisi de travailler sur cinq
quotidiens aux orientations politiques différentes afin de pouvoir
dégager une analyse plus juste des représentations dont sont
porteurs Le Monde, Libération, Le Figaro, L'Humanité, et
La Croix. Nous avons sélectionné les articles qui
contenaient le terme « République tchèque »
dans le titre et ceux dans lesquels le terme « République
tchèque » était récurrent. Nous avons exclu de
cette sélection les articles relatifs au sport, qui ne nous semblaient
pas pertinents dans le cadre de notre sujet. En outre, nous n'avons pas retenu
les articles portant sur l'UE ou sur l'Europe centrale en général
dans lesquels la République tchèque était uniquement
citée. Enfin, nous avons pris comme limite temporelle l'année
2004 puisque l'entrée officielle dans l'UE s'est réalisée
le 1er mai 2004. Nous avons jugé intéressant d'inclure
les articles portant sur les élections européennes de juin 2004
car elles représentent la première participation des
Tchèques à la démocratie européenne.
Nous aurons recours à deux méthodes pour
analyser ces discours médiatiques. Dans un premier temps, l'analyse du
corpus sera une analyse essentiellement basée sur les champs lexicaux et
les termes utilisés par les journalistes, ce qui nous permettra de
comprendre les représentations que proposent les différents
quotidiens. Nous nous intéresserons donc principalement au contenu et
aux thèmes des articles pour cerner de façon la plus
précise possible les représentations médiatiques.
Nous compléterons l'analyse terminologique de notre
corpus par une analyse argumentative. En effet, dans plusieurs articles la
parole est donnée à des énonciateurs seconds,
tchèques. Nous avons donc jugé intéressant de
procéder à une analyse argumentative de leurs propos afin de voir
quels sont les arguments mobilisés pour justifier l'intégration
de la République tchèque dans l'UE.
Dans un premier temps, nous nous appuierons sur la distinction
établie par Ruth Amossy entre discours à visée
argumentative et discours à dimension argumentative qui permet de
dépasser l'opposition entre discours argumentatifs et discours
non-argumentatifs. Alors que la dimension argumentative est
« inhérente à de nombreux
discours », les énoncés à visée
argumentative sont moins nombreux et consistent en « une
entreprise de persuasion soutenue par une intention consciente et offrant des
stratégies programmées à cet
effet »8(*).
Les énoncés à dimension argumentative se contentent de
transmettre un point de vue sur des choses mais ne prétendent pas
« modifier expressément les positions de
l'allocutaire ». Cette distinction nous permettra de
départager les discours qui feront l'objet d'une analyse argumentative
des propos qui sont simplement cités par les quotidiens. Loin de vouloir
démontrer ou réfuter une idée, cette dernière
catégorie de discours « apparaît souvent comme une
simple tendance de donner à voir un pan de réel ; elle ne
désire pas prouver, et parfois même s'en
défend »9(*). Enfin, il nous faudra repérer et expliquer
pourquoi certains quotidiens recourent à des énoncés
à visée argumentative tandis que d'autres privilégient les
énoncés à dimension argumentative.
Afin d'analyser les énoncés à
visée argumentative, nous utiliserons la typologie de Chaïm
Perelmann qui vise à mettre au jour les types d'arguments
mobilisés par l'orateur afin de « provoquer ou
d'accroître l'adhésion d'un auditoire aux thèses qu'on
présente à son assentiment »10(*). Cette analyse ne
prétend pas juger de la validité des arguments ni évaluer
les moyens mis en oeuvre pour persuader l'auditoire mais s'attache
essentiellement à repérer les techniques argumentatives
employées. C. Perelman en distingue quatre : les arguments
quasi-logiques, les arguments fondés sur la structure du réel qui
« se basent sur les liaisons qui existent entre des
éléments du réel »11(*), les arguments qui fondent la
structure du réel et « qui à partir d'un cas
particulier connu, permettent d'établir un précédent, un
modèle ou une règle
générale »12(*) comme les raisonnements par le modèle et
l'exemple et enfin la technique argumentative « qui a
recours aux dissociations »13(*). Elle consiste à dissocier les un des autres
des éléments du réel pour aboutir à une nouvelle
organisation du donné. Nous appliquerons cette typologie aux deux
discours de notre corpus que nous avons isolés comme
énoncés à visée argumentative, afin de comprendre
quels moyens sont mis en oeuvre par des énonciateurs tchèques
pour convaincre les lecteurs français du bien fondé de
l'intégration de la République tchèque dans l'UE.
Ces deux méthodes d'analyse nous permettront de
confirmer ou d'infirmer nos hypothèses. Grâce à l'analyse
terminologique nous pourrons préciser la représentation de la
République tchèque comme nation politique ou nation culturelle
mais aussi comprendre comment les quotidiens décrivent la situation
économique, politique et sociale de ce pays. L'analyse argumentative et
les types d'énoncés employés nous sera utile pour voir
quels sont les propos des Tchèques que les médias choisissent de
rapporter et s'ils mettent l'accent sur les points communs entre leur pays
et l'Europe occidentale.
Dans une première partie nous nous intéresserons
à l'histoire de la nation tchèque du XIXème
siècle à son entrée dans l'UE. Cette étape est
essentielle pour comprendre les spécificités de cette nation et
l'enjeu que représente l'entrée dans l'UE. Cela nous
amènera également à aborder la position de l'opinion
publique et des partis politiques tchèques par rapport à
l'élargissement. Notre deuxième partie sera consacrée
à une analyse de contenu des discours de notre corpus pour mettre au
jour les représentations de la République tchèque
proposées par les quotidiens. Ainsi, nous pourrons mettre en valeur les
divergences et/ou les similitudes entre les discours des journaux mais
également mesurer l'écart entre les discours de presse et les
discours qui circulent dans l'espace public tchèque. L'analyse nous
permettra en dernier ressort d'infirmer ou de confirmer les hypothèses
exposées précédemment.
Avant de poursuivre, nous tenons à préciser que
nous utiliserons le terme « Europe centrale » pour
désigner les pays « qui s'étendent entre
l'Allemagne et les frontières de l'ancienne Union
soviétique »14(*). En effet, nous avons trouvé au cours de nos
lectures différentes expressions (Europe de l'Est, Europe
médiane, l'Autre Europe....) mais le terme « Europe
centrale » reste le plus courant.
PREMIERE PARTIE : LA
NATION TCHEQUE A TRAVERS L'HISTOIRE
Pour comprendre comment les médias français
représentent la République tchèque au moment de son
entrée dans l'UE, il est nécessaire de revenir sur la
constitution de la nation tchèque et l'évolution de son
identité. L'intégration dans l'Europe constitue un
événement historique majeur pour ce pays car il symbolise son
« retour à l'Europe ». Toutefois, cet
élargissement suscite des craintes à la fois dans les pays
candidats et les pays membres. Nous consacrerons donc une partie à
l'étude de l'opinion publique et de la position des partis politiques
tchèques par rapport à l'intégration, ce thème
n'étant pas sans lien avec la question de la constitution de la nation
tchèque.
I. Constitution et évolution de
l'identité nationale tchèque
Notre objectif est ici de comprendre le processus de
constitution de la nation tchèque et comment l'identité nationale
de ce pays peut-elle être définie, ce qui nous fournira des
éléments nécessaires pour comprendre les discours de
presse. Nous commencerons par définir les concepts de nation et
d'identité nationale. Puis, nous reviendrons sur la naissance du
sentiment national tchèque au milieu du XIXème
siècle. Enfin, nous envisagerons les événements qui ont eu
un impact sur l'identité tchèque au XXème et au
XXIème siècles. Nous aurons recours à
différents auteurs spécialistes de la question de la nation et du
nationalisme en Europe centrale, et plus particulièrement à la
typologie d'Anne-Marie Thiesse qui nous permettra de conceptualiser le terme
d'identité nationale.
A. Définition des concepts
1. La nation : un concept et deux
significations
Etymologiquement, le terme de nation vient du latin
nascere qui désigne un groupe d'hommes ayant une origine
commune. Au fil des siècles, la signification de ce terme a
évolué et il est désormais courant de distinguer deux
acceptions du terme « nation » : la nation civique qui
correspond au modèle français et la nation ethnoculturelle ou
ethnique qui correspond au modèle allemand. La plupart des auteurs
considèrent ces deux conceptions de la nation comme
antagonistes15(*) mais
certains rejettent cette dichotomie. C'est le cas d'Anne Marie Thiesse16(*) ou d'Alain Dieckoff17(*). Ils prétendent que
cette opposition doit être relativisée : tout mouvement
national résulterait de la dialectique entre culture et politique. Notre
but n'est pas de juger de la pertinence de cette dichotomie mais de souligner
les différences entre ces deux conceptions. Cela nous permettra de
comprendre la façon dont les médias français parlent d'une
nation d'Europe centrale considérée comme une nation
culturelle.
a) La nation civique ou politique
La conception française de la nation a
été développée en particulier par Ernest Renan en
188218(*) et se distingue
de la conception allemande théorisée par Herder. Dans sa
conférence du 11 mars 1882, E. Renan montre que la naissance des nations
est un phénomène nouveau dans l'histoire dont il veut comprendre
les ressorts. Il considère que la nation est un fait tangible qui n'est
fondée ni sur la langue, ni sur la religion, ni sur la race, ni
même sur le territoire. Il conçoit la nation comme une
entité politique qui naît du désir de vivre ensemble
exprimé par les individus et de la « possession en commun
d'un riche legs de souvenirs »19(*). Dans cette conception, l'Etat préexiste
à la nation. Il y a donc coïncidence entre les frontières de
l'Etat et celles de la nation. Le terme de « nation » est
souvent employé comme synonyme d' « Etat » et
réciproquement, d'où l'expression « Etat
nation ». Cette nation politique peut se définir comme
« une communauté d'égaux, de citoyens
détenteurs de droits, unis par l'attachement patriotique à des
pratiques et à des valeurs politiques
partagées »20(*). Dans ce modèle de la nation, l'appartenance
repose donc sur la citoyenneté et la libre adhésion aux
principes d'une communauté politique qui peut être rompue à
tout moment.
b) La nation culturelle ou ethnique
A l'inverse, dans la conception allemande
théorisée par Herder, la nation est fondée sur le sol et
assimilée à une communauté de langue et de culture.
Contrairement à la conception civique, elle n'est donc
« pas une affaire de choix ou de convention, elle n'est pas
constituée d'un ensemble plus ou moins accidentel de personnes
définies par leur domicile et par leur citoyenneté : c'est
une communauté tribale organique donnée de
« nature » ; l'individu y entre par naissance sans
l'avoir choisie et il y est soumis de façon permanente. La langue
nationale est la marque incontournable de la nation et de sa base
naturelle »21(*). Pour les romantiques allemands, la nation n'est que
la concrétisation d'une communauté culturelle et ne repose donc
pas sur l'appartenance à un Etat. Bien souvent, elle ne dispose pas de
structures étatiques et il n'y a pas de coïncidence entre les
frontières de la communauté ethnique et les frontières de
l'Etat. Dans cette acception du terme, la nation n'est pas un concept politique
puisque les individus ne sont pas considérés comme les citoyens
d'un Etat, détenteurs de droits mais un concept culturel, la langue et
la culture étant les critères d'appartenance à la nation.
c) La situation de l'Europe centrale au
XIXème siècle
Contrairement aux pays d'Europe occidentale, l'Europe centrale
se caractérise par la non coïncidence entre les frontières
ethniques et les frontières politiques. Ainsi, la conception
française de la nation, héritée du
XVIIIème siècle, ne permet pas de comprendre la
situation de l'Europe centrale au XIXème siècle
puisque les peuples ne sont pas les citoyens d'un Etat, mais sont unis par une
culture et une langue communes. A l'époque, les Tchèques sont
intégrés à l'empire des Habsbourg, un empire multinational
dans lequel ils coexistent avec les Allemands, les Hongrois, les Slovaques et
les Autrichiens, des peuples aux cultures et aux langues différentes
(cf. Annexe n°1). La nation tchèque et plus
généralement toutes les nations d'Europe centrale, sont donc
considérées comme des nations culturelles.
Comme le souligne A. Dieckoff, l'opposition entre nation
civique et nation culturelle doit être relativisée car la
réalité est plus complexe. Cependant, cette dichotomie constitue
un modèle théorique qui peut se révéler être
un outil d'analyse pertinent.
2. Le concept d'identité
nationale
Le concept d'identité nationale est également
une notion à laquelle de nombreux auteurs se sont
intéressés. Nous avons choisi de nous appuyer sur la
définition proposée par Anne-Marie Thiesse22(*). L'intérêt de son
analyse est d'avoir souligné les diverses composantes de
l'identité nationale sans avoir privilégié un
élément particulier.
a) Naissance et création de
l'identité nationale
Pour Anne-Marie Thiesse, la naissance des identités
nationales en Europe se situe autour du XIXème siècle.
La formation de l'identité nationale bouleverse les points de
repères des individus. Au lieu de s'identifier à un groupe
ou à une communauté locale, ils vont désormais
s'identifier à un collectif beaucoup plus vaste : la nation.
L'identité nationale n'est pas créée ex nihilo mais
résulte en partie d'une reconfiguration des identités qui lui
préexistaient. C'est ce processus de recomposition/création qui
va permettre la naissance des nations, des communautés imaginées.
A-M. Thiesse insiste sur ce travail de création qui est à
l'oeuvre dans la constitution de l'identité nationale. Il permet de
doter la communauté de nouvelles références auxquelles
chacun peut s'identifier. En effet, au XVIIIème
siècle, il existe peu de points communs entre un paysan et un
intellectuel tchèques. C'est la création d'une identité
nationale qui va leur permettre d'avoir le sentiment d'appartenir à une
même communauté.
b) Les composantes de la « check
list identitaire »23(*)
Pour A-M. Thiesse, toutes les identités nationales se
déclinent selon une liste commune : la « check list
identitaire » qui regroupe différents
éléments. Nous allons les détailler afin de voir à
quoi ils renvoient dans le contexte tchèque24(*) :
- Les héros : ils sont la première
composante de l'identité nationale. Ils incarnent des valeurs nationales
et sont choisis parmi toutes les figures importantes de l'histoire de la nation
quitte à la réinterpréter. Les héros
tchèques sont principalement des intellectuels (K. Havlicek
Borovský25(*),
Frantiek Palacký26(*), Tomá Garrigue
Masaryk27(*)), des
religieux (Saint Venceslas28(*), Jan Hus29(*)) et des écrivains dont les ouvrages sont
aujourd'hui considérés comme des chefs d'oeuvre nationaux. C'est
le cas de Jaroslav Haek, auteur du Brave soldat Chveik, un personnage
naïf qui incarne le peuple tchèque, et de Boúena
Nìmcova pour son roman La grand-mère.
- Le mythe des ancêtres fondateurs : il permet
d'expliquer l'origine de la nation.
- L'histoire : elle joue un rôle important dans la
constitution de l'identité nationale et permet d'établir la
continuité d'une nation à travers les siècles.
L'élite intellectuelle privilégie certaines périodes, en
occulte ou en réinterprète d'autres dans le but d'écrire
une histoire glorieuse de la nation. Le règne de Charles IV (1316-1378)
est l'une des périodes clés de l'histoire tchèque. Roi de
Bohême et empereur du Saint empire romain, son règne est synonyme
de prospérité pour les Pays tchèques30(*) à la fois au plan
économique, politique et culturel.
- La langue : avant d'être nationale, il n'est pas
rare que sur un même territoire coexistent des langues différentes
parlées ou écrites comme fut le cas en Bohême
jusqu'à la fin du XIXème siècle. Les
élites prennent en charge l'élaboration d'une langue nationale.
Cette mission s'est traduite dans les Pays tchèques par la modernisation
de la langue, une production littéraire intense et la création
d'associations destinées à diffuser des oeuvres.
- Les lieux de mémoire : A-M. Thiesse ne
développe pas cette composante de l'identité nationale. Nous
pouvons supposer qu'elle renvoie aux lieux qui ont une signification symbolique
dans l'histoire de la nation.
- Les monuments historiques : la notion de patrimoine
naît avec l'élaboration de l'histoire nationale. Certains
bâtiments sont associés à l'histoire de la nation et
doivent donc être protégés.
- Le territoire : il constitue l'un des attributs d'une
nation, plus délicat à identifier. Souvent les peuples font
valoir des droits de propriétés ancestrales sur tel ou tel
territoire qu'ils auraient habité auparavant. Ainsi, tout au long du
XIXème siècle, les élites tchèques
exigent la reconnaissance des droits de la Couronne de Bohême31(*) pour délimiter le
territoire de la nation tchèque. Cette revendication est en partie
satisfaite par la création de la Tchécoslovaquie en 1918.
- Le paysage typique : il est choisi comme symbole de la
nation et représenté dans les oeuvres littéraires et
picturales.
- Le folklore : l'identité nationale se
matérialise au travers des coutumes, des traditions mais aussi dans les
costumes populaires propres à chaque région. L'auteur
précise qu'en Europe centrale et orientale, les costumes nationaux sont
revêtus par toutes les couches de la population lors de bals patriotiques
ou de fêtes publiques.
- La gastronomie et l'animal emblématique : ils
peuvent venir compléter cette liste mais restent secondaires.
- La religion : A-M. Thiesse exclut la religion car elle
considère que le dépassement des différences religieuses a
souvent été à l'origine de la création des nations.
Dans certains cas cependant, elle reconnaît que la religion a pu jouer un
rôle important comme en Pologne, quand l'identité nationale
était affaiblie ou menacée. A l'inverse pour les Tchèques,
ce sont des élites laïques et non ecclésiastiques qui ont
oeuvré pour l'éveil de la conscience nationale32(*).
Cette « check list identitaire »
« constitue [...] la matrice de toutes les représentations
de la nation »33(*). Il faut préciser qu'aucune des composantes de
cette liste n'est mise en avant par l'auteur. Il semble pourtant que ces
éléments n'ont pas un poids égal dans la constitution de
l'identité nationale du moins en ce qui concerne le peuple
tchèque.
c) L'Autre, une figure constitutive de
l'identité nationale
Pour A-M. Thiesse « la formation de ces
identités, contrairement à une opinion répandue, n'a pas
pour vecteur initial le sentiment d'altérité»34(*). Cela nous semble une
idée à nuancer. Si l'identité nationale résulte
bien d'un processus de création qui mobilise une élite
intellectuelle, la constitution de cette identité se fait
également en opposition à un « Autre ». Pour
Françoise Mayer « elle s'est construite par rapport
à l'autre [...]. Que cet autre peut changer au cours du temps, qu'il
s'agit en général de « l'autre », le plus
proche. Pour les Tchèques, historiquement, la question « Qui
sommes-nous ? » s'est d'abord posée par rapport aux
Allemands, ensuite aux Autrichiens, puis par rapport aux Russes et enfin aux
Slovaques. Aujourd'hui, elle se pose sans doute aussi de nouveau par rapport
aux Allemands et par rapport à l'Europe »35(*). La prise en compte de cet
« Autre » nous parait indispensable pour comprendre la
constitution de l'identité nationale tchèque au
XIXème siècle comme pour envisager les enjeux que
représente l'intégration dans l'UE. Les Tchèques ont
affirmé leur identité en s'opposant au peuple allemand
associé dans leur imaginaire à la figure de l'ennemi. En effet,
certaines périodes de l'histoire ont contribué à forger le
stéréotype de l'Allemand violent et dangereux dans la
mémoire collective. Aujourd'hui, il a tendance à
s'atténuer mais reste présent dans la plupart des esprits.
d) La dimension collective de
l'identité
A-M. Thiesse précise que la création de
l'identité nationale permet aux membres d'une même nation d'avoir
conscience de leur appartenance. Elle envisage ce sentiment d'appartenance
comme le résultat d'un processus alors qu'il constitue, à nos
yeux, un élément moteur dans la constitution de cette
identité. En effet, l'identité a une double dimension :
singulière et collective. Il n'est pas possible de la réduire
à l'une des ces deux composantes car « le propre de
l'identité est bien d'articuler notre appartenance et notre
singularité »36(*). La dimension collective se traduit par la
nécessité d'appartenir à un groupe, ici la nation. Cette
appartenance doit faire l'objet d'une représentation symbolique afin que
les individus puissent en prendre conscience et se sentir membres de cette
nation. Nous développons cette idée dans la partie suivante. Si
la « check list identitaire » d'A-M. Thiesse
permet de comprendre ce que recouvre le concept d'identité nationale, la
figure de l'Autre et la dimension collective de l'identité sont deux
éléments à prendre en compte dans la constitution de
l'identité nationale tchèque.
B. La renaissance nationale et la
constitution de l'identité nationale tchèque au XIXème
siècle
Nous avons choisi de nous concentrer sur le rôle de la
langue dans la constitution de l'identité nationale tchèque,
généralement considérée comme le principal facteur
de l'identité nationale. Nous comprendrons ainsi pourquoi le
nationalisme tchèque est qualifié de nationalisme linguistique et
le rôle joué par les Eveilleurs dans le réveil de la
conscience nationale. Enfin, nous consacrerons une dernière partie au
théâtre tchèque qui témoigne de l'importance de la
langue, et plus généralement de la culture, dans la constitution
de la nation tchèque.
1. La naissance de l'identité
nationale tchèque : un nationalisme linguistique
a) La langue : un facteur essentiel
de l'identité nationale
Du XIIème au XIXème
siècle, Tchèques et Allemands coexistent en Bohême sans
conflit majeur (cf. Annexe n°2). Jaromír Louúil parle
même d'une « identité commune ».
Progressivement, les deux communautés se développent de
façon asymétrique. Les Pays tchèques ont un poids
économique relativement important au sein de l'empire mais leur culture
et leur langue sont dominées par les Allemands. A cette période
« les Tchèques commencèrent à se
définir [...] vis-à-vis des Allemands de
Bohême »37(*). Il est nécessaire de préciser quelques
éléments pour comprendre le contexte de la naissance du
nationalisme linguistique tchèque. A la fin du
XVIIIème siècle, le tchèque est une langue
populaire parlée mais relativement peu écrite, les villes de
Bohême étant essentiellement allemandes. Ce n'est qu'à
partir du milieu du XIXème siècle que la langue va
faire l'objet d'une attention particulière. Influencée par le
romantisme qui affirme l'enracinement de la nation dans la langue et face aux
menaces du nationalisme pan-germanique allemand38(*), l'intelligentsia tchèque39(*) entreprend de préserver
la langue tchèque, de l'enrichir et de l'utiliser dans la sphère
publique. Contrairement à la langue allemande, la langue populaire
tchèque va jouer un rôle important dans la constitution du
tchèque moderne. Cette affirmation de la nation par la langue constitue
le début du réveil national40(*) que J. Louúil définit comme
« l'histoire d'une reconquête progressive de l'espace
linguistique, littéraire et culturel »41(*), trois qualificatifs qui
illustrent bien les spécificités du nationalisme en Europe
centrale.
La langue devient le ciment de l'identité nationale,
l'élément constitutif de la nation. Elle n'est plus uniquement
conçue comme un moyen de communication, elle devient un signe distinctif
d'appartenance à une communauté. La langue opère comme
signe de reconnaissance : parler tchèque c'est être
tchèque. Dès lors, la nation va être assimilée
à la langue. Cela explique que la majorité des conflits entre
Tchèques et Allemands, dans la seconde moitié du
XIXème siècle, soient de nature linguistique. Par
exemple, en 1882, les Tchèques obtiennent que l'Université
Charles, où les cours étaient jusqu'alors dispensés en
allemand, crée un département de tchèque. Les
étudiants peuvent donc, à la fin du XIXème
siècle, étudier dans leur langue maternelle. C'est pourquoi,
plusieurs intellectuels tchèques du XIXème
développent l'idée selon laquelle menacer la langue c'est menacer
la nation42(*). C'est bien
la langue qui va devenir le pôle d'identité du peuple
tchèque, et non pas les structures étatiques comme en Europe
occidentale. L'attachement à la langue est donc au coeur du sentiment
d'appartenance comme l'illustre le philosophe polonais Karolt Libelt :
« la nation demeure vivante tant que sa langue demeure
vivante » « sans langue nationale, il n'y a pas de
nation » puisque « la langue est le sang qui
circule dans le corps de la nation »43(*).
b) Le territoire, une autre composante
importante
La langue est un facteur identitaire fondamental en Europe
centrale. Toutefois, certains auteurs insistent sur un second
élément constitutif de l'identité nationale : le
territoire44(*). Ainsi, B.
Michel utilise l'expression « imaginaire du
sol »45(*)
qui dénote bien l'attachement des peuples d'Europe centrale à
leur territoire et permet de comprendre le terme de « patriotisme
territorial ». Ce patriotisme se distingue de l'attachement
patriotique à des pratiques et à des valeurs politiques
caractéristiques d'une nation civique. Pour un Tchèque, ce qui
importe avant tout, ce sont sa langue et son territoire. Quant à elle,
Maria Delaperrière écrit : « avant même
de s'attacher à des références historiques et sociales, le
sentiment d'identité nationale se construit par rapport à un
territoire et à un lieu d'origine »46(*). Pour les Tchèques, ce
territoire c'est la Bohême. De nombreuses oeuvres littéraires
illustrent cet attachement au territoire, la plus emblématique
étant l'hymne national tchèque (cf. Annexe n°3).
Composé en 1833-1834 par Frantiek kroup, il décrit un paysage
idyllique. Selon Maria Delaperrière, cela permet de cristalliser dans
l'imaginaire collectif le lien du peuple avec sa terre natale. Ce texte
participe ainsi à la constitution d'un sentiment identitaire.
c) Le nationalisme tchèque :
un nationalisme linguistique
Le nationalisme tchèque est donc un nationalisme
linguistique puisqu'il visait dans un premier temps à protéger la
langue tchèque face à l'expansion allemande, perçue comme
une menace pour la nation tchèque. Les Allemands ont constitué le
premier miroir nécessaire à la construction de l'identité
nationale tchèque, d'où le qualificatif
« défensif » que plusieurs auteurs
emploient pour définir le nationalisme tchèque47(*). Le nationalisme tel qu'il
s'est développé au XIXème siècle ne doit
pas être entendu dans une acception péjorative comme c'est bien
souvent le cas aujourd'hui. Pour B. Michel, il ne doit pas être
réduit à la xénophobie et au rejet de l'autre même
si ces comportements peuvent être une forme de nationalisme.
« Le vrai nationalisme est une recherche passionnée de
l'identité nationale qui ne peut être atteinte que par un effort
sur soi-même »48(*).
2. Le rôle des Éveilleurs
dans l'éveil de la conscience nationale tchèque
Le terme « Éveilleurs» est
employé pour désigner les intellectuels qui ont participé
à l'éveil de la conscience nationale et contribué à
renforcer la culture tchèque relativement appauvrie à la fin du
XVIIIème siècle. Les idées et les
théories qu'ils ont émises au XIXème
siècle sur la question de l'identité tchèque constituent
le socle de la pensée politique tchèque. Afin de comprendre le
regard que portent les dirigeants politiques du XXème et
XXIème siècles sur leur pays et sur la place de leur
nation en Europe, il convient d'évoquer les idées
diffusées par cette intelligentsia.
a) Une élite populaire
Bruno Drwêski souligne que
« l'identité tchèque a des origines sociales
particulières »49(*). Contrairement à la Pologne ou à la
Hongrie, ce n'est pas la noblesse tchèque qui est à l'origine de
l'éveil de la conscience nationale, mais une intelligentsia issue des
couches populaires. En effet, la plupart des Éveilleurs étaient
des fils d'artisans ou de paysans qui ont donc « eu une mission
spéciale puisqu'ils ont tenu dans cette société la place
d'une bourgeoisie et de classe moyenne qui n'existait
pas »50(*).
Ils se sont sentis investis d'un rôle particulier et le fait qu'ils
soient peu nombreux a contribué à renforcer leur sentiment de
responsabilité envers la nation. Cette précision permet de
comprendre le statut dont jouissent encore aujourd'hui les intellectuels
tchèques dans la société et notamment dans la vie
politique.
b) Joseph Jungmann et Frantiek
Palacký : deux figures importantes dans l'histoire de la nation
tchèque
Le philologue Joseph Jungmann (1773-1847) est l'un des
éveilleurs les plus connus. Fils d'un tailleur, il exerce comme
enseignant en province avant de devenir professeur à Prague. Il
définit l'identité nationale par la pratique linguistique :
« la langue, la nation, la patrie, sont la même
chose »51(*). Il y a donc deux nations en Bohême : la
nation allemande et la nation tchèque. Il est également connu
pour son dictionnaire tchèque-allemand qui marque l'accession de la
langue tchèque au rang des langues « nobles ». Les
différents intellectuels qui ont contribué à
l'élaboration de cet ouvrage ont créé une terminologie
tchèque pour diverses disciplines scientifiques.
Le second éveilleur à l'oeuvre
considérable est Frantiek Palacký (1798-1876). Fils
d'instituteur, il fait ses études dans une école
évangélique puis devient éditeur dans la
Société royale des sciences tchèques. A. Mares le qualifie
de « théoricien du réveil
national »52(*) puisqu'il est à l'origine, en 1827, de la
première revue scientifique tchèque. En outre, il fonde en
janvier 1831 la Matica ceska, une association dont le but est
de publier des livres en langue tchèque donc de préserver la
littérature nationale. F. Palacký est également connu pour
son ouvrage intitulé Histoire des Tchèques de Bohême et
de Moravie. Même si sa conception de l'histoire tchèque n'est
pas toujours très juste, cet ouvrage revêt une importance
considérable car il constitue la première tentative
historiographique en langue tchèque. Selon lui, l'histoire du peuple
tchèque est celle d'un conflit avec la nation allemande, un conflit qui
opposerait des Tchèques par nature démocrates à des
Allemands barbares53(*).
Nous voyons donc la place que revêt la figure de l'Autre, l'ennemi, dans
l'histoire d'une nation. La réalité est plus nuancée mais
dans le contexte du XIXème siècle, F. Palacký a
réussi à imposer une certaine vision du peuple tchèque qui
a marqué durablement les esprits.
c) Les associations, lieux de diffusion de
la conscience nationale
A partir de 1860 et sous l'influence des Éveilleurs,
les associations culturelles et patriotiques se multiplient. Elles contribuent
à diffuser et à défendre la culture nationale, à
réhabiliter la langue et éveiller une conscience nationale parmi
les Tchèques. Citons par exemple la Beseda, une association
culturelle et patriotique fondée en 1863 qui dynamise l'art, la musique
et la littérature tchèque. Les années 1860 sont aussi
celles de l'essor de la presse nationale tchèque : trois grands
journaux sont lancés dans lesquels écrivent des auteurs
renommés. Parallèlement à ces associations scientifiques
qui visent à préserver la langue, se développent des
associations de gymnastique à vocation nationale54(*). La plus emblématique
est le mouvement tchèque des Sokol (faucons), fondé en
1862. Son but est de développer la conscience nationale à partir
d'exercices physiques. Les gymnastes qui se comptent parfois par milliers,
exécutent ensemble les mêmes figures. Des rassemblements sont
organisés au niveau régional, mais ils sont avant tout une
célébration nationale. Chaque membre de l'association est un
athlète mais aussi « un militant
national »55(*). En effet, si la formation du caractère et la
maîtrise physique sont les objectifs premiers du mouvement,
« on aboutissait néanmoins à la conscience
nationale et à la volonté de la
défendre »56(*).
Ces deux exemples illustrent bien l'importance des
Éveilleurs dans l'éveil de la conscience nationale et le
rôle joué par la culture et la langue dans la construction du
sentiment national tchèque.
3. Le théâtre : une
médiation qui a participé à l'éveil de la
conscience nationale
Le théâtre est un exemple assez
révélateur de la façon dont s'est constituée
l'identité nationale tchèque. Il renvoie à la fois
à la langue, au sentiment d'appartenance et à la figure de
l' « Autre ». Jusqu'en 1868, les Tchèques
partagent avec les Allemands un même théâtre. Puis, ils
réclament la construction d'un théâtre national afin de
promouvoir leur propre culture et de représenter la dimension collective
de leur identité. Cette revendication illustre bien la
nécessité pour un peuple de prendre conscience de son
appartenance à une même communauté et de la
représenter. Pour les Tchèques, le théâtre a
effectivement joué ce rôle de miroir social dans lequel la
société se montre à elle-même. Nous pouvons donc
considérer le théâtre comme une médiation puisque
celle-ci se définit comme « l'ensemble des formes et des
moyens par lesquels les acteurs individuels s'approprient leurs pratiques
sociales et par la mise en oeuvre d'un certain nombre de rites et de formes les
structures collectives caractéristiques et fondatrices de la
sociabilité »57(*). Ainsi, « le sens finalement de la
représentation théâtralisée de la
sociabilité, [...] est de rendre possible pour les spectateurs qui y
assistent la représentation et l'appropriation des formes du lien
social »58(*). C'est donc le théâtre comme
médiation culturelle et non les institutions politiques qui a permis aux
Tchèques de prendre conscience de leur identité. Il a
constitué « une structure de remplacement des institutions
politiques »59(*) pour reprendre les termes de Katerina Hala.
Si le théâtre a joué un rôle dans
la prise de conscience des Tchèques de leur appartenance à une
même communauté, il a aussi permis de diffuser la langue dans sa
version orale contribuant ainsi à sa protection et à sa
vulgarisation. Enfin, il a permis aux spectateurs de s'approprier
l'histoire60(*). Par
exemple, l'opéra Libue de B. Smetana est joué pour
l'inauguration du théâtre national de Prague en 1883. Il
célèbre le mythe fondateur de la nation (le mariage de la
princesse Libue avec le prince Premysl), puis revient sur les moments marquants
de l'histoire nationale tchèque. Pour terminer, nous pouvons mentionner
un dernier détail : la devise inscrite sur le fronton du
bâtiment est « la nation à
elle-même », ce qui confirme l'importance du
théâtre dans la constitution de la nation tchèque.
Pour conclure cette partie, nous pouvons préciser que
plusieurs auteurs61(*)
font état des ambitions politiques de l'intelligentsia tchèque.
Le nationalisme tchèque serait alors aussi un nationalisme politique au
sens où il viserait à doter la nation d'un Etat. Cependant, nous
n'aborderons pas cet aspect qui, à nos yeux, reste secondaire quant
à notre problématique de départ. Le politique est moins au
coeur de l'identité nationale tchèque que la culture qui
représente un enjeu vital62(*). Le phénomène du réveil national
est bien une reconquête d'un espace linguistique, littéraire et
culturel avant d'être celle d'un espace politique et économique.
C. L'identité tchèque au
XXème siècle et XXIème siècle
Nous avons choisi d'aborder la question de l'identité
nationale tchèque au XXème et XXIème
siècle à travers deux thématiques : la confusion
entre identité tchèque/identité tchécoslovaque et
le problème des Sudètes. Ces deux questions permettent de
comprendre le complexe de la petite nation auquel se trouve confrontée
la République tchèque en 1993 et les enjeux que soulève
l'intégration européenne.
1. La confusion entre identité
tchèque et identité tchécoslovaque
a) Un malentendu à la base de la
construction de la Tchécoslovaquie
Les traités de paix ratifiés à la fin de
la Première Guerre Mondiale ont donné naissance à
différents Etats nations dont la Tchécoslovaquie (cf. Annexe
n°4). Notre objectif n'est pas de retracer l'histoire de ce pays mais de
comprendre comment la nation tchèque s'est définie, une fois les
Tchèques intégrés dans un Etat multinational. Dans cette
optique, nous nous appuierons principalement sur l'ouvrage de
Frédéric Werhlé qui s'est intéressé à
l'origine du divorce tchéco-slovaque63(*). Il a notamment montré que les causes de la
séparation étaient en germe au moment même de la
constitution de cet Etat nation qui ne réunissait pas une mais deux
nations64(*) : les
Tchèques et les Slovaques. L'union de ces deux communautés
différentes à la fois sur les plans économique, culturel,
politique et social était une union stratégique, ensuite
mythifiée. En effet, « les dirigeants nationaux vinrent
à reléguer leur objectif premier - l'indépendance pour la
nation dont ils étaient ou se sentaient les représentants -
derrière le souci d'assurer la survie de leur
communauté »65(*). Les conditions géopolitiques ont donc conduit
les Tchèques et les Slovaques à délaisser leur
indépendance nationale pour créer un Etat commun, capable
d'assurer leur survie.
F. Werhlé montre que ces soixante-dix années de
vie commune entre les deux communautés se sont construites sur un
malentendu. Pour les dirigeants tchèques, inclure les Slovaques dans cet
Etat commun était un moyen de contrebalancer le poids de la
minorité allemande66(*) mais ils niaient l'existence de la nation slovaque. A
l'inverse, les dirigeants slovaques voyaient dans cet Etat la
possibilité d'affirmer leur identité nationale et d'être
protégé de la domination hongroise. Il est intéressant de
noter qu'à plusieurs reprises des hommes politiques
tchèques67(*) ont
affirmé que la nation slovaque n'existait pas. Les deux peuples ne
représentaient que les deux branches d'une même nation, la nation
tchécoslovaque. Pourtant, le terme « nation
tchécoslovaque » figurait dans la constitution et avait
été pensé par Masaryk dans son acception politique. Elle
devait réunir des citoyens et « non [pas être] une
nation nationale faite des membres des ethnies »68(*). Les dirigeants de ce pays
n'ont cependant jamais réussi à forger une nation politique au
sens occidental du terme car ni les Tchèques ni les Slovaques n'avaient
la volonté de partager leur avenir dans un même Etat. Il manquait
donc une condition nécessaire à la constitution de toute nation
civique pour que la Tchécoslovaquie soit une nation politique.
L'émergence du nationalisme slovaque et la confusion entre
l'identité tchèque et l'identité tchécoslovaque
sont deux éléments qui permettent d'illustrer
l' « absence » de nation civique.
b) Naissance du nationalisme slovaque et
absence du nationalisme tchèque
Le nationalisme slovaque naît sous la Première
République de Masaryk69(*) mais se consolide dans les années 1930.
Essentiellement dirigé contre la domination de Prague, il revendique une
égalité de traitement entre les deux nations et un cadre
étatique qui permette aux Slovaques d'être autonomes. Petr Pithart
compare ce nationalisme au mouvement national tchèque du
XIXème siècle : « si le
nationalisme tchèque fut un jour la réplique du nationalisme
allemand, le nationalisme slovaque allait ressembler au nationalisme
tchèque »70(*). Paradoxalement, durant toute l'existence de l'Etat
commun, aucun mouvement national tchèque ne s'est constitué au
sens où les Tchèques n'ont pas revendiqué la
création d'un Etat autonome71(*). La raison en est simple : ils
considéraient la Tchécoslovaquie comme leur nation et ils
n'éprouvaient donc nullement le besoin de revendiquer leur autonomie.
Ainsi, « le nationalisme tchèque tomba dans
l'oubli »72(*), ce que confirme Petr Pithart qui parle de
« somnolence repue »73(*) pour qualifier l'état
du nationalisme tchèque au XXème siècle. Cette
faiblesse du nationalisme tchèque et la confusion entre nation
tchèque et nation tchécoslovaque sont liées à la
centralité des Tchèques dans l'Etat commun. Profitant de leur
supériorité économique et de leur expérience
politique, les dirigeants tchèques ont occupé la plupart des
postes à responsabilité. Ils ont assimilé les
intérêts fédéraux aux intérêts
tchèques, refusant de prendre en compte les aspirations de la
communauté slovaque, notamment en terme d'organisation institutionnelle
(refus d'un Etat fédéralisé et maintient du centralisme).
Ils ne comprenaient pas les revendications nationalistes slovaques
jugées anti-démocratiques. Nous pouvons donc considérer
que l'identité tchèque ou l'identité tchécoslovaque
s'est définie en réaction au nationalisme slovaque. Eprouvant le
besoin de justifier l'existence de « leur » nation, les
Tchèques se sont convaincus de leur mission civilisatrice envers les
Slovaques. En transmettant leurs valeurs et leurs traditions à la
communauté slovaque, il lui permettait de rattraper son retard culturel
et social pour se fondre dans la nation tchèque.
2. La question des Sudètes74(*) : une
« reformulation » de l'identité
La question des Sudètes est un
problème majeur qui a traversé l'histoire des pays
tchèques au XXème siècle. Aujourd'hui encore,
elle suscite des débats réactivés notamment au moment de
l'intégration de la République tchèque dans l'UE. Nous
utiliserons principalement des articles écrits par Anne Bazin,
spécialiste de la question des relations germano-tchèques, afin
de comprendre le rapport qu'entretiennent ces deux nations et comment son
influence sur l'intégration européenne. Avec la création
de la Tchécoslovaquie, Tchèques et Allemands coexistent à
nouveau sur un même territoire mais dans une configuration
différente de celle de l'Empire des Habsbourg dans la mesure où
les Tchèques sont désormais majoritaires. La cohabitation est
plutôt pacifique, même si certains allemands n'acceptent pas leur
situation et souhaitent être rattachés à l'Allemagne. La
signature des Accords de Munich en septembre 1938 marque un premier tournant
dans les relations entre les deux communautés. La région des
Sudètes est alors rattachée au Reich ce qui implique l'expulsion
des Tchèques vivant sur ce territoire. Une période de l'histoire
commune entre Tchèques et Allemands s'achève (cf. Annexe
n°5). A la fin de la Seconde Guerre Mondiale, la Tchécoslovaquie
retrouve ses frontières de 1938, y compris le territoire des
Sudètes. Par un décret, le Président Bene décide
l'expulsion de tous les Allemands de Tchécoslovaquie75(*) privant ainsi les
Tchèques de « ce miroir allemand qui a servi à
modeler une pensée et une image propre, une opposition et une
réaction »76(*).
Pendant la Guerre Froide, les relations entre les deux pays
sont réduites mais en 1989, la question allemande apparaît
à nouveau sur la scène politique. La réunification
allemande et la mise en place d'un régime démocratique en
Tchécoslovaquie créent un contexte favorable à une
normalisation des relations entre les deux pays. Malgré une reprise
rapide des échanges économiques, les contentieux politiques
ressurgissent et gênent les relations entre les deux pays. Dès la
fin 1989, un lobby radical défendant les intérêts
politiques des Sudètes en Allemagne ne cesse de présenter des
revendications au gouvernement tchécoslovaque77(*). Si au cours des années
1990, plusieurs traités bilatéraux sont signés dans
l'espoir d'une réconciliation entre les deux pays, le processus de
normalisation est relativement lent. Le 21 janvier 1997, une étape
symbolique est franchie dans le rapprochement entre les deux pays, avec la
signature d'une déclaration commune. Tchèques et Allemands y
reconnaissent leurs torts respectifs dans les événements survenus
entre 1938 et 1945 et promettent de mettre fin aux revendications politiques et
juridiques portant sur les questions du passé78(*). Néanmoins, la
portée de cette déclaration, plusieurs fois remise en
cause79(*), doit
être relativisée.
La question des Sudètes, officiellement close depuis la
signature de la déclaration commune en 1997, a eu un impact
considérable sur les relations germano-tchèques au cours du
XXème siècle. Elle doit être replacée
dans le cadre plus large de l'intégration européenne.
Malgré les avancées aux niveaux politique et juridique, il existe
un décalage entre l'opinion publique et les dirigeants politiques,
ceux-ci étant prêts à pardonner contrairement à la
population tchèque80(*). Ce décalage est intéressant dans la
mesure où il signifie que les Tchèques conservent une certaine
représentation de l'Allemagne. Dans leur imaginaire, ce pays est
associé à l' « Autre », à
l'Ennemi. Cette représentation peut peser dans la façon dont ils
appréhendent l'entrée dans l'UE, celle-ci impliquant une nouvelle
cohabitation entre les deux communautés. De plus, certains partis
politiques tchèques, comme l'ODS, instrumentalisent cette question et
dénoncent les dangers d'une dérive germanique de l'Union. C'est
pourquoi, il sera intéressant dans notre analyse de prêter
attention à la figure de l'Allemagne dans les discours
médiatiques.
3. 1993 et le retour de la question
identitaire : le complexe de la petite nation
a) Le complexe de la petite nation
« Le paradoxe de la tchéquité
contemporaine est de ne plus avoir à se confronter à des
minorités nationales depuis qu'elle a abouti à un Etat
uninational en 1993 »81(*). Cette phrase résume à elle seule le
problème auquel doit faire face la République tchèque
dès sa naissance, le 1er janvier 1993. La
Tchécoslovaquie multinationale de l'entre deux-guerres s'est
transformée en un Etat nation composé uniquement de
Tchèques. Sans Allemands et sans Slovaques, elle se trouve
confrontée à la redéfinition de son identité, ce
qui réactive un sentiment de fragilité caractéristique des
petites nations d'Europe centrale. Cette spécificité des nations
est-européennes est récurrente dans les ouvrages consacrés
à l'Europe centrale82(*) car elle est intimement liée à la
perception de l'intégration européenne. Les expressions pour
désigner ce sentiment de fragilité et d'insécurité
sont variées. Un auteur parle de « psychologie de
l'incertitude nationale »83(*), un autre du « complexe de la petite
nation » mais toutes ces expressions renvoient à la
même problématique. Ce sentiment d'insécurité est
lié à l'histoire chaotique des pays d'Europe centrale qui ont
dû lutter pour affirmer leur identité nationale et obtenir leur
indépendance. Il s'est traduit par une question récurrente dans
la philosophie politique tchèque, celle de la légitimité
de l'existence de la nation. Cette interrogation est perceptible dans les
écrits des intellectuels tchèques depuis le XIXème
siècle. La question « Qui sommes
nous ? » jalonne l'histoire de leur pensée et
s'accompagne d'une seconde interrogation : « Qu'est-ce que la
nation tchèque peut apporter aux autres et notamment à
l'Europe ? ».
b) Toma-Garrigue Masarýk et Jan
Patoèka, deux philosophes qui se sont exprimés sur le complexe de
la petite nation
T-G. Masaryk (1850-1937) est l'un des intellectuels qui s'est
intéressé à la question de l'identité
tchèque. Dans La question tchèque (1895), il se demande
ce qu'un petit peuple peut apporter aux autres. La réponse qu'il propose
découle de la dimension spirituelle qu'il confère à la
politique. Pour lui, la politique ne peut pas être réduite
à une lutte pour le pouvoir mais doit avoir une mission historique et
morale. Les Tchèques ont été les premiers à
défendre les concepts d'humanisme et de démocratie, ils doivent
donc transmettre ces valeurs aux autres. Il définit la démocratie
comme « la réalisation politique de l'amour
d'autrui »84(*). Pour lui, c'est le seul système de
gouvernement juste qui permet « une
régénération du peuple »85(*). Il s'appuie en partie sur
l'interprétation de l'histoire de F. Palacký : le peuple
tchèque est un peuple qui a une certaine grandeur. Il en découle
une attitude paternaliste envers les Slovaques : pour les Tchèques
leur mission était de les éveiller à la démocratie.
T-G. Masaryk considère que les Tchèques sont les fondateurs de
l'Europe moderne et qu'ils y ont leur place aujourd'hui.
J. Patoèka (1907-1977) défend l'idée que
la grandeur d'un peuple n'est pas liée à sa taille mais à
ce qu'il peut « prendre en charge dans le souci du
monde »86(*). Au sein de l'Europe, la nation tchèque ne
doit pas songer à se préserver car elle serait alors
« inutile, superflu et finalement
parasite »86(*). Son avenir dépend de sa
« capacité à s'attaquer à la tâche
collective [...] c'est-à-dire d'assumer une liberté responsable.
De [sa] capacité à dépasser la poursuite
égoïste des intérêts nationaux dans une
rivalité rancunière, et à démontrer ainsi leur
appartenance à la seule Europe qui puisse encore avoir un avenir,
c'est-à-dire à celle qui est fondée sur le programme du
`soin de l'âme'87(*) ». Les réflexions de ces deux
intellectuels tchèques se rejoignent dans la mesure où ils
cherchent à légitimer l'existence du peuple tchèque. Elles
reflètent aussi l'importance que revêt la question identitaire aux
yeux des Tchèques.
La question de l'identité tchèque est constante
depuis le XIXème siècle, ce qui explique que
« la question de l'adhésion à l'UE aboutit
systématiquement au débat sur la préservation de
[l']identité, signe évident d'une fragilité voire d'un
complexe, sans cesse aliments par le rappel du passé et l'histoire des
menaces extérieures »88(*). Il nous a donc semblé important de mentionner
cette idée récurrente car elle peut avoir un impact sur la
façon dont l'élargissement est perçu par l'opinion
publique et les partis politiques tchèques. Elle peut également
constituer un facteur explicatif de la réticence ou de
l'indifférence de l'opinion publique et des partis politiques que nous
étudierons dans la deuxième partie.
Pour conclure cette première partie sur la question de
l'identité tchèque, nous constatons que l'intégration
représente un enjeu majeur. Les Tchèques se retrouvent en effet
confrontés aux Allemands et aux Slovaques qui jusque là n'avaient
été que le miroir de leur identité et avec qui les
relations étaient basées sur le conflit. L'élargissement
offre aux Tchèques la possibilité de redéfinir leurs
relations avec ces deux pays. Il faut donc maintenant comprendre comment
l'opinion publique tchèque et les partis politiques envisagent
l'intégration de leur pays dans l'UE.
II. Les opinions publiques
et les partis politiques face à l'élargissement
L'élargissement de l'UE représente un
événement majeur dans l'histoire de l'Europe mais aussi pour les
populations des pays candidats. Il faut donc s'interroger sur l'état
d'esprit de l'opinion publique au moment de l'intégration et en
particulier sur les craintes exprimées par les citoyens tchèques
car c'est bien de cela dont il s'agit dans les discours médiatiques. En
outre, ayant inclus dans notre corpus les articles portant sur les
élections européennes de juin 2004, il est nécessaire de
présenter la position des principaux partis politiques tchèques
face à l'élargissement. Ces éléments nous
permettront d'analyser par la suite les représentations proposées
par les journaux.
Dans un premier temps nous confronterons les craintes des
opinions publiques tchèque et française face à
l'élargissement de l'UE. Comment cet événement est-il
perçu par les citoyens d'un pays membre et d'un pays
candidat ? Puis, nous nous intéresserons à la position
des deux principaux partis politiques tchèques, l'ODS89(*) et le ÈSSD90(*). Ces deux formations
politiques ont eu un rôle clé au cours du processus
d'adhésion et figuraient parmi les partis candidats aux élections
européennes. Nous consacrerons également une partie à la
vision de l'UE développée par Václav Havel qui fut l'un
des premiers partisans de l'intégration.
A. Les craintes des
opinions publiques française et tchèque : des craintes
essentiellement économiques et sociales
Au-delà des résultats positifs des
référendums d'adhésion qui ont montré une commune
aspiration des pays d'Europe centrale à intégrer l'UE, il faut
s'interroger sur les craintes que suscite l'élargissement à la
fois dans les pays membres et les pays candidats. Nous préciserons le
concept d'opinion publique avant de s'attacher à identifier ces
craintes. Cela nous permettra de comprendre comment elles sont
envisagées dans les discours médiatiques.
1. Le concept d'opinion publique
a) Naissance et évolution du
concept d'opinion publique
La notion d'opinion publique est aujourd'hui assimilée
aux résultats des sondages et les deux termes sont employés l'un
pour l'autre. Cependant, ce qui fait aujourd'hui consensus résulte d'un
ensemble de conditions sociales et politiques qui ont conduit à occulter
certaines représentations de l'opinion publique pour n'en
privilégier qu'une seule. A la fin du XVIème
siècle, cette notion est employée pour désigner les
idées et les jugements partagés par un groupe social et renvoie
donc à la sphère privée. La conception moderne de
l'opinion publique apparaît au milieu du XVIIIème
siècle corrélativement à l'émergence de l'espace
public habermassien. L'opinion « publique » désigne
alors l'opinion publiquement exprimée par des élites
intellectuelles qui débattent sur des questions d'intérêt
général en faisant un usage critique de leur raison. C'est donc
celle d'une fraction de la population qui se distingue de l'opinion du peuple.
Avec la proclamation du suffrage universel en 1848 le sens du terme
« opinion publique » évolue à nouveau. Le
peuple entre dans le jeu politique et fait entendre sa voix. Il
prétend incarner l'opinion publique, une opinion qui se manifeste par le
biais de manifestations, pétitions... Enfin, l'apparition des sondages
dans les années 30 constitue une nouvelle étape. L'opinion
publique devient ce que mesure les sondages, une agrégation d'opinions
individuelles.
b) La confrontation des
différentes représentations de l'opinion publique
Dans La fabrique de l'opinion : une histoire sociale
des sondages, L. Blondiaux s'intéresse à la question de la
représentation de l'opinion. Avant l'apparition des sondages, l'opinion
publique est un « ensemble de paroles vivantes
répercutées par de nombreux porte-voix et interprètes dans
la société »91(*). Ainsi, différentes façons de
représenter l'opinion coexistent. Avec l'introduction et le
développement des sondages, un nouveau mode d'énonciation
s'impose jusqu'à penser que « l'opinion publique est
devenue ce que mesurent les sondages »92(*). Néanmoins, ces
différentes façons de représenter l'opinion dans la
société existent encore. L'éditorialiste,
l'élu, l'historien ou encore le journaliste font
« parler » l'opinion pour reprendre le terme de L.
Blondiaux, à côté du sondeur. C'est bien entendu le
rôle du journaliste qui nous intéresse ici. Il
« s'efforce de faire parler une `majorité silencieuse'
à partir de quelques interviews glanées ici et là sur un
trottoir »93(*). C'est bien de cette représentation de
l'opinion publique dont il s'agit dans notre corpus : les journalistes
rapportent les propos de citoyens tchèques, une modalité
d'énonciation de l'opinion qui se distingue de l'opinion publique
sondagière. Cette dernière est « une entité
fictive et cohérente formée à partir d'une multitude
d'opinions individuelles, atomisées et réelles, mais qui ne font
corps que dans la représentation qu'en donne le
sondage »94(*). Par exemple, les Eurobaromètres
réalisés par la Commission européenne tout au long du
processus d'adhésion pour mesurer l'état de l'opinion dans les
pays candidats relèvent de cette catégorie. L. Blondiaux
précise que ces différentes représentations de l'opinion
publique peuvent être en contradiction. Cette idée nous semble
intéressante pour l'analyse de la représentation de l'opinion
publique tchèque dans notre corpus.
c) « L'opinion publique
n'existe pas »95(*)
Les discours médiatiques donnent la parole à des
Tchèques de façon individuelle, chacun argumentant ou donnant
simplement son opinion sur l'intégration de la République
tchèque dans l'UE. C'est par le biais de la critique que fait Pierre
Bourdieu aux sondages d'opinion que nous aborderons ces énoncés.
Il considère que l'opinion publique telle que la construisent les
sondages n'existe pas. C'est un artefact qui résulte de
l'agrégation statistique d'opinions individuelles. Il remet en cause les
trois postulats sur lesquels reposent les enquêtes d'opinion :
- Les sondages supposent que tout le monde peut avoir une
opinion alors que les personnes interrogées n'ont pas forcément
les connaissances suffisantes pour pouvoir se prononcer sur tous les sujets.
Par conséquent, tout le monde n'est pas capable d'exprimer une opinion
puisque la production d'une réponse dépend notamment de la
compétence politique « qui n'est pas universellement
répandue »96(*).
- L'opinion publique sondagière résulte d'une
agrégation d'opinions individuelles, elle postule donc que toutes les
opinions se valent alors que les opinions recueillies n'ont pas
« la même force réelle »97(*).
- Interroger toutes les personnes sur un même sujet
suppose qu'il y a un consensus sur les questions qui méritent
d'être posées. En réalité, il n'y a pas de
« problème omnibus » pour reprendre le
terme de Bourdieu. En effet, les questions posées n'interpellent pas les
individus de la même façon. Chacun accorde une importance plus ou
moins grande au problème soulevé et l'interprète en
fonction de ses intérêts.
Ces trois critiques nous paraissent intéressantes pour
aborder les discours médiatiques. Le fait que toutes les opinions ne se
valent pas se traduira peut-être dans les discours de presse par la
prédominance d'un certain type d'opinion. De même, le manque de
connaissances suffisantes pour se forger une opinion pourrait se traduire par
des aveux d'indifférence par rapport à l'intégration.
Enfin, si chacun interprète l'entrée dans l'UE selon ses
intérêts, les différentes représentations de
l'opinion proposées par les quotidiens seront peut-être
divergentes.
2. L'évolution et les craintes de
l'opinion publique tchèque98(*)
a) Une adhésion tardive qui a
suscité la méfiance parmi les Tchèques
77,3% des Tchèques ont dit oui à l'Europe les 13
et 14 juin 2003. Cependant, L. Neumayer remarque que cela ne signifie pas pour
autant que les populations étaient enthousiastes à l'idée
d'intégrer l'UE. En effet, non seulement le taux de participation
était bas (55,2%, ce qui ramène le vote en faveur de
l'adhésion à 42% des inscrits)99(*) mais de plus, il semblerait qu'une majorité
de la population ait voté plus par résignation que par
conviction. L'adhésion à l'UE résulterait alors d'un
« consensus populaire symbolique »100(*). En outre, L. Neumayer
rappelle que les populations d'Europe centrale méconnaissent souvent les
questions européennes, un argument qui permet également de
relativiser le taux de soutien positif à l'adhésion101(*). Sans retracer dans les
détails l'évolution de l'opinion publique tchèque au cours
de la décennie précédant l'adhésion, il est
nécessaire de revenir sur quelques points importants afin de comprendre
l'état d'esprit des citoyens tchèques au moment de
l'élargissement.
Plusieurs auteurs remarquent que le soutien de l'opinion
publique tchèque s'est effrité au fur et à mesure que
l'intégration approchait ; selon eux, c'est le
« facteur temps » qui en serait la cause. En
effet, quinze ans ont été nécessaires avant que le retour
à l'Europe ne se concrétise, quinze ans au cours desquels
l'Europe est passée du stade de mythe à celui de
réalité (cf. Annexe n°6). J. Rupnik distingue trois phases
dans le chemin qui mène de l'effondrement du système communiste
à l'intégration dans l'UE. Tout d'abord, la phase
d' « europhorie » qui s'ouvre en 1989. Tous
aspirent à rejoindre l'Europe mais cet espoir n'a pas de traduction
politique en Europe de l'Ouest. Vient ensuite la phase des
« déceptions réciproques »102(*) au cours de laquelle les
pays d'Europe centrale comprennent que l'élargissement n'est pas la
priorité de l'UE. Une troisième phase s'ouvre en 1998 avec les
négociations d'adhésion. L'élargissement prend une
tournure de plus en plus technique et il y a peu de véritables
débats au cours desquels les enjeux de l'intégration sont
exposés aux citoyens. D'après les experts, ce manque
d'information aurait également contribué à l'effritement
du soutien des pays candidats à l'UE. P. Michel distingue
également trois moments dans l'évolution du rapport à
l'Europe : celui de « l'Europe
imaginée », de « l'Europe
normalité », et le moment où
s'accélère le processus d'intégration à partir de
1998103(*). Enfin, L.
Neumayer distingue elle aussi trois phases : la phase de l'enthousiasme
européen, celle des désillusions et la phase de l'ouverture des
négociations104(*). Quelques soient les termes employés, ces
trois « typologies » concordent et révèlent
que l'« Occident mythifié mais largement
inconnu »105(*) est devenu progressivement réalité. Le
facteur temps a ainsi considérablement joué dans la perception
que l'opinion publique tchèque s'est forgée de l'Europe : si
au début des années 90 la population soutient l'adhésion,
son attitude se modifie à partir des années 2000106(*).
b) Des craintes essentiellement d'ordre
économique et sociale
La date de l'intégration approchant, les
Tchèques ont commencé à s'interroger sur les
conséquences de ce retour à l'Europe et l'élargissement a
suscité de plus en plus de craintes. I. Gabal en identifie trois qui
sont « largement partagées »107(*) par la population
tchèque : la baisse du niveau de vie (provoquée par
l'augmentation des prix et le coût de l'ajustement aux normes
européennes), l'augmentation de la concurrence sur le marché du
travail et l'afflux d'étrangers (plus précisément la vente
d'actifs et de terre aux étrangers) à égalité avec
l'augmentation de la criminalité108(*). Il est intéressant de noter que les craintes
d'une menace pour la culture tchèque et d'une limitation de la
souveraineté sont présentes chez 53% des
Tchèques109(*).
C. Lequesne identifie quant à lui trois craintes majeures qui sont
sensiblement identiques : les craintes d'ordre économique et social
(comme la capacité à faire face à la concurrence, la peur
d'une augmentation des prix...), la peur de voir l'immigration et la
criminalité augmenter, et la crainte d'entrer dans l'UE comme des
citoyens de seconde classe (d'après un sondage cette crainte est
partagée par 52% des Tchèques)110(*), une crainte qui est aussi considérée
par J. Rupnik comme l'une des préoccupations majeures des
Tchèques111(*).
Nous pouvons remarquer que les craintes de l'opinion publique tchèque
sont principalement d'ordre économique et social et que la peur de
perdre leur identité nationale ne figure pas parmi leurs
préoccupations majeures.
c) « Des » opinions
publiques tchèques
Il faut toutefois préciser que l'opinion publique
tchèque n'est pas homogène : la perception de
l'intégration dans l'UE est fortement liée à des variables
socio-démographiques. L'âge, le niveau d'études, la
situation professionnelle ou encore le lieu de résidence, sont autant de
facteurs qui influencent l'attitude des Tchèques vis-à-vis de
l'Europe. Ainsi, un jeune tchèque, citadin, ayant fait des études
universitaires, sera plus favorable à l'élargissement et aura
plus d'attentes qu'un agriculteur âgé issu du monde rural. A cet
égard, il sera intéressant de voir dans notre corpus quelle
représentation de l'opinion publique est privilégiée par
les quotidiens, qui sont les Tchèques interrogés pour donner leur
avis sur l'intégration. Enfin, pour terminer sur le thème de
l'opinion publique tchèque face à l'élargissement, il est
intéressant de mentionner une expression que propose J. Rupnik pour
qualifier l'attitude des Tchèques : « l'extrême
réalisme ». Autrement dit, la population tchèque
n'attend pas grand chose de l'intégration et par conséquent ne
risque pas d'être déçue112(*) ; l'opinion publique serait alors largement
indifférente à l'Europe contrairement à ce que les
résultats du référendum pouvaient le laisser penser au
premier abord.
3. L'opinion publique
française : une opinion publique de plus en plus
« réticente »
Nous avons trouvé intéressant d'étudier
la façon dont l'opinion publique française percevait
l'élargissement de l'UE aux pays d'Europe centrale dans la mesure
où notre corpus sera composé d'articles issus de la presse
quotidienne française ; l'analyse de l'opinion publique
française peut nous fournir des éléments qui nous
permettront de comprendre ce qui se joue dans les discours
médiatiques.
a) L'opinion publique
française : une opinion réticente
Si globalement les pays membres de l'UE étaient
favorables à l'élargissement, cet enthousiasme doit être
nuancé. En effet, tout au long du processus d'adhésion, cinq pays
sont restés assez hostiles à l'intégration des dix
nouveaux pays candidats, dont la France. A la veille de l'élargissement,
55% des Français sont favorables à la nouvelle Europe, 34% y sont
opposés113(*).
Une position que J. Rupnik qualifie de
« frileuse » et qui, selon lui, a eu un impact sur
la perception des élites et des opinions publiques en Europe centrale.
En effet, au début des années 90, certains hommes politiques
français se sont montrés assez maladroits en abordant le
thème de l'élargissement, et la France a dès lors
été assimilée à un pays réticent à
l'entrée des ex-pays communistes dans l'UE114(*). Même si elle a su
revenir sur ses positions115(*), une image négative s'est ancrée dans
les esprits à l'Est. Enfin, J. Rupnik signale que cet
élargissement a suscité moins de débat que dans le cas de
l'Espagne ou de la Turquie, les pays d'Europe centrale étant moins
connus de la société française et considérés
comme lointains. Cela étant, l'élargissement suscite tout de
même des craintes parmi l'opinion publique française.
b) Des craintes principalement
économiques
Selon C. Lequesne et J. Rupnik, les principales craintes de
l'opinion publique française sont au nombre de trois : l'ouverture
des frontières « qui rendra plus difficile le
contrôle de l'immigration clandestine, la lutte contre la
criminalité et le trafic de drogue »116(*), le coût de
l'élargissement qui se traduirait par l'augmentation de la contribution
des citoyens au budget de l'UE, et la difficulté de la prise de
décision dans les institutions communautaires. Cependant, Marie-Luise
Herschtel évoque des peurs quelque peu différentes :
« relocalisation d'entreprises à l'Est avec son
cortège de chômeurs à l'Ouest, afflux massif
d'émigrants à la recherche de rémunération et de
conditions de travail plus favorables, augmentation de la criminalité et
des trafics de toutes sortes »117(*). J. Rupnik et C. Lequesne n'abordent pas du tout la
question des délocalisations et nuancent celle de l'immigration qui
serait faiblement associée à l'élargissement.
« Les Français ne semblent pas associer fortement dans
leur imaginaire immigration et élargissement à
l'Est »118(*), l'immigration étant plutôt
associée aux pays du Sud. Il y a donc une divergence entre ces auteurs
que nous ne sommes pas en mesure d'expliquer puisque tous s'appuient sur des
sondages ou des études économiques réalisés avant
l'élargissement de mai 2004. Cependant, la plupart des auteurs
s'accordent pour expliquer ces craintes par un manque d'information et
l'absence de débat dans la société française. C'est
pourquoi, « pour qualifier la situation de la
société française à l'égard de
l'élargissement aux PECO, il convient moins de parler d'une
réelle réticence que d'une indifférence
résignée »119(*). Outre cette indifférence, plusieurs sondages
ont révélé que l'opinion publique française
connaissait peu de choses de l'Europe centrale. Ainsi, en novembre 2002,
seulement 40% des citoyens de l'UE étaient capables de citer le nom de
trois pays candidats et 40% étaient incapables d'en citer au moins
un120(*) ; la
France étant l'un des pays où le taux était le plus
élevé. Ces chiffres montrent bien que l'opinion publique
française a peu de connaissances concernant les pays d'Europe centrale,
une méconnaissance qui s'explique en partie par l'absence de
proximité avec cette région.
Enfin, contrairement à l'opinion publique
tchèque, les variables socio-démographiques et notamment les
variables de l'âge et du niveau d'études ne sont pas pertinentes
pour expliquer l'indifférence des Français face à
l'élargissement. J. Rupnik tente de comprendre cette
« exception française »121(*) et émet
l'hypothèse que l'attitude des citoyens français par rapport
à la question de l'élargissement est due essentiellement
« au manque de travail politique de conviction et de mobilisation
des élites pro-européennes »122(*), ce qui a permis à la
propagande anti-européenne d'occuper le devant de la scène et de
convaincre une partie de la population que l'élargissement allait
accroître le chômage et l'immigration.
La confrontation des craintes des opinions publiques
tchèque et française nous permet donc de remarquer qu'il y a une
certaine convergence entre les pays membres et les pays candidats. Il sera
intéressant dans notre analyse de voir si cette convergence se retrouve
dans les discours médiatiques, comment les médias
représentent ou non ces craintes et s'ils les légitiment. Enfin,
il faut préciser que la plupart des auteurs ayant étudié
l'attitude de l'opinion publique tchèque face à
l'élargissement a mis l'accent sur les craintes qu'il fait surgir. Il ne
faut cependant pas oublier les bénéfices, les espoirs et les
attentes que nourrissent les Tchèques.
B. La position des
partis politiques tchèques face à l'intégration dans
l'UE
Dans un premier temps, nous verrons comment a
évolué la position des différents partis politiques
tchèques depuis 1989, date du « retour en
Europe ». Ensuite, nous nous intéresserons plus
précisément à la vision de l'Europe que défendent
les deux principales formations politiques : l'ODS et le ÈSSD. Nous
terminerons en présentant la vision de l'Europe que Václav Havel
exprime depuis plusieurs années dans les médias. La
thématique de l'identité nationale sera notre fil conducteur.
Dans la mesure du possible, nous essaierons de voir quelle place les partis
politiques tchèques accordent à la question de l'identité
nationale dans leur vision de l'Europe, une question récurrente en
République tchèque.
1. Evolution de la position des
différents partis politiques
a) Du consensus à la
différenciation
La chute du mur de Berlin et l'effondrement du système
soviétique sont synonymes de « retour à
l'Europe » pour les pays d'Europe centrale, une
réunification qui fait consensus sur la scène politique
tchécoslovaque avant que l'intégration européenne ne
devienne progressivement un facteur de différenciation entre les partis
politiques. L. Neumayer distingue trois phases dans cette évolution.
Après 1989, l'intégration fait l'objet d'un consensus parmi les
partis politiques car elle représente une rupture avec la période
communiste. Puis, les élections libres de 1990 entraînent la
naissance de nouveaux partis politiques « aux identités
affirmées [qui] élaborent des visions divergentes de la
construction communautaire »123(*). Enfin, l'ouverture des négociations
d'adhésion au printemps 1998 marque le début de la
troisième phase « la plus
conflictuelle » : les euroréalistes ont de plus en
plus de succès, ils soutiennent l'intégration mais en critiquent
les conditions. Ainsi, le retour à l'Europe n'est pas uniquement une
question de politique étrangère, « la
thématique européenne est intégrée à la
structuration des systèmes partisans sur le plan idéologique,
comme élément de distinction entre les identités
politiques et au niveau stratégique comme base d'alliances entre les
partis »124(*). En réalité, l'intégration
européenne ne va pas de soi, même si la perspective du retour
à l'Europe symbolise pour beaucoup la réunification et le retour
vers un Occident dont les Tchèques avaient été
kidnappés125(*).
L'apparition de positions anti-européennes et eurosceptiques au sein de
la classe politique tchèque en est l'illustration.
b) La position des partis politiques
tchèques au moment de l'intégration
Les dissidents unis dans leur résistance au communisme
vont se diviser dès le début des années 1990 et
« chaque grand courant politique développe sa vision de la
construction communautaire »126(*). L. Neumayer distingue trois grandes tendances
politiques en République tchèque :
- la tendance libérale, favorable à
l'entrée dans l'UE, est représentée par l'US (Union de la
liberté) qui met l'accent sur la dimension morale de l'Europe. Le retour
à l'Europe n'est pas uniquement un processus politique, c'est aussi une
question de valeurs.
- la tendance conservatrice dont l'identité politique
se fonde sur la défense de la cause nationale. L'ODS (parti
démocrate civique) en est le principal représentant. Il se
déclare euroréaliste car il soutient l'intégration tout en
la critiquant127(*). Le
parti démocrate chrétien (KDU-CSL) appartient également
à cette mouvance mais il fait figure d'exception puisqu'il se range
parmi les formations pro-européennes.
- l'ancien parti communiste tchécoslovaque devenu
KSÈM (parti communiste de Bohême et de Moravie) reste
fidèle à l'idéologie du parti communiste. Opposé
à l'entrée dans l'UE jusqu'au milieu des années 90, sa
position a progressivement évolué en faveur de
l'intégration avec toutefois quelques réticences. Il souhaite que
la République tchèque intègre l'Union sur un pied
d'égalité avec les autres pays. Il dénonce le
caractère bureaucratique de l'UE et en appelle à une Europe de la
culture, de l'éducation, de l'unité et de la souveraineté
nationale, de la démocratie et des droits de l'homme128(*).
A ces trois grandes tendances politiques, il nous nous semble
possible d'en ajouter une quatrième. Des partis comme le ÈSSD se
distingue des autres formations politiques par sa position
pro-européenne mais n'appartient pas à la tendance
libérale. Enfin, il reste quelques partis en marge de ces courants que
nous n'évoquerons pas car leur poids dans la vie politique est
relativement faible. Cet aperçu général de la position des
différents partis politiques tchèques nous permet de voir que la
période de l'europhorie est bel et bien terminée. Au moment de
l'intégration, l'Europe est plutôt l'objet de critiques et suscite
des réticences. La naissance de formations politiques aux
identités différentes a donné lieu à une
modification des positions par rapport à l'Europe. Nous ne disposons pas
d'éléments suffisants pour conclure sur le rapport entre
identité nationale et intégration européenne dans la
vision des partis politiques. Cependant, L. Neumayer écrit
qu' « en Europe centrale, la perspective de
l'intégration européenne est réinterprétée
par rapport au passé à travers des réflexions sur la
souveraineté et l'identité nationale, mais aussi par rapport au
futur, à travers une discussion sur les normes européennes comme
point d'aboutissement des transformations
postcommunistes »129(*), ce qui nous permet de penser que l'identité
nationale figure bien parmi les préoccupations majeures que
soulève l'élargissement de l'Europe.
2. Le débat sur
l'intégration entre les deux principaux partis politiques (ODS /
ÈSSD)
L'ODS et le ÈSSD sont deux partis politiques favorables
à l'intégration de la République tchèque dans l'UE
mais une étude plus précise de leur position respective permet de
mettre à jour des divergences sur le sens qu'ils donnent à cette
intégration et leur vision de l'Europe.
a) Le ÈSSD, un parti
pro-européen
Héritier du parti socialiste tchécoslovaque, le
parti social démocrate est un parti pro-européen qui revient sur
la scène politique tchèque au début des années 90
et réussit progressivement à s'imposer comme le principal parti
d'opposition. Très critique envers le gouvernement de Václav
Klaus, il s'insurge contre les scandales politico-financiers qui ont
éclaté et une fois au pouvoir, il entreprend de lutter contre la
corruption. Il dénonce également les réformes
économiques jugées trop rapides qui ne tiennent pas compte de la
situation sociale du pays mais il soutient la transition vers une
économie de marché. Favorable à une intégration
rapide à l'UE dès le début des années 90,
l'adhésion devient la priorité de sa politique
étrangère en 1995. Contrairement à l'ODS, Michael
Dauderstädt et Britta Joerissen soulignent que « ce parti
s'est toujours montré, sans aucune ambiguïté, favorable au
processus d'adhésion »130(*). A plusieurs reprises, il a exprimé son point
de vue sur les institutions européennes, les valeurs et
l'identité européenne ainsi que sur les différents aspects
de l'intégration.
b) Une Europe qui respecte les
identités nationales
Le ÈSSD conçoit l'intégration comme un
rempart contre le libéralisme économique. En réaction au
Manifeste de l'euroréalisme tchèque publié par l'ODS en
2001, le ÈSSD a diffusé un Euromanifeste dans lequel il affirmait
que « l'UE est une réponse efficace à la
mondialisation [...]. L'adhésion est dans l'intérêt de la
nation et de chaque citoyen de notre pays »131(*). Partisan d'un
approfondissement de l'intégration économique et politique, il
met l'accent sur la nécessité de renforcer le caractère
supranational de l'UE mais insiste aussi sur le respect de
l'indépendance culturelle et nationale des Etats et des régions.
L'Europe doit être « une entité démocratique
et fédérale dans le respect des spécificités
nationales et culturelles des Etats, des nations et des régions [...].
Une Europe unie ne signifie pas qu'elle repose sur un super Etat
européen »132(*). Le ÈSSD est donc à la fois favorable
à une intégration poussée mais insiste avec vigueur sur le
rôle des Etats nations au sein de l'Europe. Ainsi, V. pidla133(*) affirme que
« le parti ne préconisera jamais l'entrée dans une
communauté dans laquelle la République tchèque ne pourrait
pas faire entendre sa voix et dans laquelle elle n'aurait aucune prise sur des
sujets la concernant »134(*). La dialectique identité nationale /
identité européenne et intégration qui traverse les
discours du parti et de son leader reflète bien l'importance que
revêt le respect de l'identité nationale tchèque dans leur
conception de la construction communautaire. Enfin, l'entrée de la
République tchèque dans l'Europe est présentée
comme une opportunité non seulement pour le pays candidat mais aussi
pour l'Union : « le ÈSSD est convaincu que
la République tchèque n'entrera pas seulement dans l'UE avec la
main tendue mais qu'elle contribuera au développement de celle-ci
grâce à son économie dynamique et florissante, son
agriculture performante, la qualité et la créativité de sa
force de travail, sa richesse et sa diversité culturelle, son
environnement toujours en voie d'amélioration et son niveau de vie
élevé ». Cette citation appelle plusieurs
remarques. Tout d'abord, elle illustre le besoin qu'éprouve la
République tchèque de légitimer son entrée dans
l'UE et nous renvoie au complexe de la petite nation. Ensuite, l'un des
arguments du parti social-démocrate concerne la richesse culturelle du
pays et nous rappelle que la République tchèque est avant tout
une nation culturelle. Enfin, cette citation va de pair avec la
volonté d'être considéré sur un pied
d'égalité avec les autres pays et le refus d'une
intégration à géométrie variable.
Pour terminer, il faut préciser que le parti social
démocrate, vainqueur aux élections législatives de 1998, a
mis en place une grande partie des réformes exigées par la
reprise de l'acquis communautaire. En outre, c'est sous le gouvernement de V.
pidla, leader du parti entre 2001 et 2004 et premier ministre à partir
de juillet 2002, que la République tchèque a
intégré l'UE.
c) V. Klaus, leader de l'ODS, un parti
eurosceptique
V. Klaus est le leader de l'ODS, considéré sur
la scène politique tchèque et européenne comme un parti
eurosceptique. Le parti civique démocrate a été
créé par V. Klaus en avril 1991 en raison de nombreux
désaccords avec les dirigeants du Forum civique en particulier sur la
façon de mener la transition économique. Il se définit
comme un parti civique, démocrate et conservateur. Sans détailler
ses orientations idéologiques, il est intéressant de mentionner
la définition que le parti donne du terme
« conservateur » : « est un parti
conservateur [un parti] qui ambitionne de sauver et de recouvrer, pour notre
futur, les valeurs principales de la civilisation chrétienne
européenne des traditions démocratiques
tchécoslovaques »135(*). C'est un parti libéral au plan
économique et conservateur au niveau social qui se définit comme
un parti de droite et prend pour référence le parti conservateur
britannique. Favorable à une transition économique rapide, V.
Klaus est en grande partie à l'origine des réformes qui ont
permis à la République tchèque de devenir une
économie de marché et notamment l'instigateur de la privatisation
par coupons.
Définition de l'euroscepticisme
Avant d'étudier plus en détails la position de
V. Klaus par rapport à l'Europe, il est nécessaire de
définir l'euroscepticisme pour le différencier de
l'anti-européanisme. L. Neumayer explique que les eurosceptiques
considèrent l'intégration « comme une
nécessité historique et les controverses portent sur les moyens
de satisfaire cette nécessité tout en protégeant les
intérêts nationaux »136(*) alors que pour les
antieuropéens, l'Europe menace la nation. Les discours de ces derniers
se caractérisent « par [leur] radicalité et [leur]
conviction que des alternatives à l'intégration
existent »137(*). Cependant, L. Neumayer ne cache pas la
difficulté de qualifier un parti d'eurosceptique ou
d'antieuropéen, certaines formations politiques adoptant un double
discours. A cette première difficulté s'ajoute le fait que les
partis eurosceptiques rejettent souvent ce qualificatif et
préfèrent se définir comme euroréalistes. V. Klaus,
lui, se qualifie à la fois d'eurooptimiste et
d'euroréaliste138(*).
Plusieurs auteurs ont proposé des typologies de
l'euroscepticisme : Petr Kopecky et Cas Mudde établissent une
distinction entre europhiles et europhobes puis entre eurooptimistes et
europessimistes139(*) ; d'autres distinguent seulement
« l'euroscepticisme mou » de
« l'euroscepticisme dur »140(*). Nous n'avons pas
jugé utile de rentrer dans ce type de détails d'autant plus qu'au
final, il reste difficile de faire entrer un parti politique dans l'une de ces
catégories car bien souvent, différentes tendances coexistent au
sein d'une même formation politique ce qui est le cas à
l'ODS141(*). Nous
pouvons simplement souligner qu'aux yeux de l'opinion publique, V. Klaus est
considéré comme eurosceptique selon un sondage
réalisé en août 2005142(*).
L'Europe une menace pour la diversité et pour
l'identité nationale
Dans une analyse des discours de l'ODS143(*), Annabelle Coustaury montre
que la position proeuropéenne de V. Klaus n'est pas si évidente
et qu'en réalité le leader oscille sans cesse entre la
volonté d'adhérer à l'UE et le rejet de l'UE, exprimant
des critiques à son égard. Elle souligne également
l'évolution du discours de l'ODS au cours de la décennie
précédant l'élargissement. Dès la création
du parti en 1991, V. Klaus insiste sur l'importance de l'adhésion de la
Tchécoslovaquie à l'UE qui constitue l'un des axes majeurs de sa
politique étrangère. Il met en oeuvre les démarches
nécessaires pour négocier l'adhésion du pays à l'UE
et remet la demande d'adhésion en 1996. Parallèlement, il se
montre assez critique envers l'UE. En 1994, il fait part de son rejet
d'une Europe supranationale qui nierait les différences
nationales. A partir de 1995, le parti intègre cette idée
dans son programme politique et se définit comme le parti
défenseur des intérêts nationaux de la République
tchèque. Ainsi, nous voyons qu'en dépit de la politique
proeuropéenne de V. Klaus, les critiques qu'il émet à
l'égard de l'UE permettent de le considérer comme eurosceptique
d'après la définition donnée précédemment.
Ces critiques restent relativement modérées jusqu'aux
élections législatives de 1998. Une fois le parti passé
dans l'opposition, elles deviennent plus nombreuses et plus virulentes. Dans
son programme électoral de 1998, l'ODS insiste sur la défense des
intérêts nationaux et prône une Europe des nations comme
l'illustre son slogan : « oui à l'intégration,
non à la dissolution »144(*). Aux élections parlementaires de 2002, le
discours conserve cette ambiguïté et l'ODS intitule son programme
« L'ODS vote pour l'UE »145(*). Le parti se présente
à nouveau comme le défenseur des intérêts nationaux.
Jusqu'à l'entrée de la République tchèque dans
l'UE, V. Klaus maintient ses arguments : il affirme son engagement pour
l'adhésion mais en critique les conditions sous prétexte de
protéger les intérêts nationaux.
La vision de l'Europe que défend V. Klaus
s'articule essentiellement autour de deux éléments : la
protection de l'Etat et le libéralisme économique146(*). Pour lui,
l'intégration était synonyme d'opportunités
économiques. C'est donc principalement dans une perspective
économique que l'ODS concevait l'entrée de la République
tchèque dans l'UE. Il défend une vision économique de l'UE
qui ne doit pas nuire à la diversité des Etats. A ses yeux,
l'Europe représente une menace pour la nation tchèque, c'est
pourquoi il estime nécessaire de défendre les
intérêts nationaux, en particulier face à l'Allemagne. En
effet, le leader de l'ODS n'hésite pas à présenter ce pays
comme une menace à la fois politique et économique pour la
République tchèque ; une crainte qui nous montre que
l'Allemagne revêt toujours la figure de l'ennemi contre qui s'est
construite l'identité tchèque. D'autre part, il critique les
injustices du système communautaire qui défavorise les petits
pays et souhaite logiquement une Europe dans laquelle tous les Etats
membres seraient à égalité.
L. Neumayer distingue quant à elle trois
éléments dans les discours de V. Klaus : pour lui l'Europe
est « un plaidoyer pour les Etats nations, seule source
d'identité et garantie de la liberté politique et
économique ; une défense de la `diversité' nationale
face à `l'uniformité' bruxelloise ; la dénonciation
du `déficit' démocratique de l'UE »147(*). Il est nécessaire
que l'Europe préserve les identités nationales. A titre
anecdotique, le jour de l'intégration dans l'UE, V. Klaus a
prononcé un discours au Mont Blanik, d'où est censé
surgir, selon la mythologie tchèque, les chevaliers qui
défendront la patrie menacée148(*). Cette anecdote illustre bien le sentiment de
fragilité qu'éprouve le peuple tchèque et la
nécessité de défendre la nation qui en découle.
3. Václav Havel un fervent
défenseur de l'Europe
Dès la chute du régime communiste en
Tchécoslovaquie, V. Havel envisage le « retour en
Europe » des tchèques, un retour dont il fait le slogan du
Forum Civique aux premières élections libres en 1990. Depuis, V.
Havel n'a cessé de défendre le retour à l'Europe qu'il
considère comme une chance historique pour son pays. A plusieurs
reprises il s'est exprimé dans les médias français sur la
question de l'intégration de la République tchèque dans
l'UE. Il a également expliqué sa conception de l'Europe dans
différents ouvrages traduits en français. En confrontant articles
et ouvrages, nous avons dégagé trois points clés dans sa
vision de l'Europe149(*).
a) L'Europe n'est pas une menace pour
l'identité nationale
L'idée que l'Europe ne représente en aucun cas
une menace pour l'identité nationale tchèque revient à
plusieurs reprises dans les écrits de V. Havel. Dans un entretien avec
Jacques Delors publié dans Le Monde, il explique que l'Europe
doit « respecter la souveraineté et l'identité
non seulement de chaque nation et de chaque Etat mais aussi de chaque
région »150(*). Ainsi, l'Europe à laquelle il souhaite se
joindre « est une Europe dans laquelle chaque peuple garde son
identité comme le facteur inaliénable de l'esprit
européen dans sa diversité [...] ce à quoi nous
renonçons ce n'est pas à notre identité mais à une
partie de notre souveraineté »151(*). Il réitère
cette affirmation dans un entretien accordé à Jacques
Rupnik : ce n'est pas l'Europe qui menace l'identité nationale d'un
pays mais « la globalisation appelée de tous ses voeux par
ces mêmes nations lorsqu'il s'agit d'attirer chez elles les
représentants de la World Company, toujours prêts à vendre
leurs biens de consommation « universels » dans tous les
supermarchés et les multiplex de la
planète »152(*). Il est donc intéressant de constater que
contrairement à certains hommes politiques, V. Havel n'assimile pas
l'entrée dans l'Europe à une perte de l'identité
nationale.
b) L'Europe est responsable de la
division du monde
Pour V. Havel, il est indéniable que l'Europe
occidentale est en partie responsable de la division du monde suite à la
Seconde Guerre Mondiale. Ainsi, s'il est un fervent partisan du
« retour à l'Europe » dès
l'effondrement du bloc soviétique, il n'en demeure pas moins une
certaine amertume dans ses discours. Le retour à l'Europe des pays
tchèques est inévitable car ils étaient historiquement et
culturellement liés à l'Europe occidentale avant d'en être
séparés au début de la Guerre Froide. Les pays occidentaux
doivent prendre conscience de leur responsabilité dans cette division du
monde.
c) L'Europe : entité
technocratique à laquelle il manque une dimension spirituelle
Pour V. Havel, l'Europe est une entité trop
technocratique, « une machine moderne particulièrement
sophistiquée »153(*) qui doit réfléchir à son
essence et procéder à des réformes
institutionnelles154(*).
V. Havel entrevoit une Europe dans laquelle tous les pays membres seraient
à égalité de façon à ce que les petits pays
comme la République tchèque aient « la certitude de
ne pas être écrasés par le vote des grands
pays »155(*) ; une remarque intéressante qui rejoint
la crainte de l'opinion publique tchèque d'être
considérée comme des citoyens de seconde classe. Dans plusieurs
écrits, il justifie l'entrée de la République
tchèque dans l'UE en soulignant que ce pays peut fournir
« un apport spirituel pour un meilleur avenir
commun »156(*). Cet argument rappelle ce que nous avons dit
concernant le complexe de la petite nation : le sentiment de
fragilité qu'éprouvent les Tchèques les conduit sans cesse
à trouver un sens à leur existence. Celle-ci étant
dorénavant liée à l'Europe, ils doivent être en
mesure de lui apporter quelque chose.
A plusieurs reprises, V. Havel a insisté sur le manque
de « dimension spirituelle, morale ou
émotionnelle »157(*) de l'Europe. Il donne la définition suivante
de cette Europe spirituelle : elle « repose sur un sort
partagé en commun, sur une histoire compliquée et vécue en
commun, sur des valeurs communes à tous [...], espace d'une certaine
volonté, d'un certain comportement et d'une certaine
responsabilité. [...] Le point de départ, sinon le point le plus
important de toutes nos médiations au crépuscule du soir devrait
consister en un débat à propos de l'Europe en tant que monde de
valeurs, de l'âme européenne »158(*). Il a conscience que la
construction européenne est une tâche à la fois
économique, administrative, technique... mais regrette que le sens
spirituel de l'intégration soit occulté au profit des
intérêts particuliers qui nous font perdre le sens de l'avenir. V.
Havel précise que cette dimension « s'inscrit dans
l'expérience d'un système totalitaire » :
« Je crois qu'il est plus important - par rapport à la
baisse des droits de douane sur l'importation des cerises - de ressentir cette
joie de vivre en liberté que ceux qui ont toujours vécu en
liberté ne perçoivent plus ». Cette dimension
constitue l'originalité de la conception de l'Europe défendue par
V. Havel et ne fait que refléter la tonalité de ses écrits
dans lesquels il accorde une place importante à l'éthique,
à la vérité et à la morale. C'est aussi un moyen de
justifier l'intégration de la République tchèque dans l'UE
puisque l'Europe centrale est liée par ses valeurs, son histoire et sa
culture, à l'Europe. En rejoignant la civilisation européenne,
les Tchèques ne choisissent pas d'adopter un système de valeurs
qui leur plaît mais de poursuivre un chemin qui était le leur
avant la division du monde en deux blocs.
Nous pouvons constater que le thème de
l'identité nationale figure dans les discours de ces trois hommes
politiques aux idéologies pourtant bien différentes. Certes la
question de la préservation des intérêts nationaux est
généralement une question qui s'impose à tout pays
souhaitant rejoindre une entité supranationale cependant, elle se pose
avec plus d'acuité dans les pays d'Europe centrale. V. Havel est
plutôt optimiste puisqu'il considère que l'Europe ne menace pas
l'identité nationale mais en est au contraire un facteur de
préservation. V. pidla souligne la nécessité de
préserver cette identité nationale tout en étant favorable
à une Europe supranationale. V. Klaus défend des positions plus
extrêmes et assimile l'UE à une entité supranationale,
dangereuse pour la nation.
Dans cette première partie, nous avons retracé
l'histoire de la constitution de la nation tchèque depuis le
XIXème afin de comprendre les enjeux que représente
l'intégration européenne pour le peuple tchèque. La nation
tchèque est une nation culturelle qui s'est construite en opposition aux
Allemands puis aux Slovaques, autour de la langue et du territoire. En
rejoignant l'UE, les Tchèques vont à nouveau cohabiter avec ces
deux communautés, ce qui n'est pas sans susciter des craintes. Il nous
faut maintenant se tourner vers les discours de presse pour analyser la
représentation que les médias proposent de la République
tchèque à l'heure de son entrée dans l'UE. Les
thématiques dominantes dans l'espace public tchèque se
retrouvent-elles dans les discours de presse ?
DEUXIEME PARTIE : LA REPRESENTATION MEDIATIQUE DE
LA REPUBLIQUE TCHEQUE EN 2004
La première partie de notre travail nous a permis de
comprendre le processus de constitution de la nation tchèque et comment
son identité avait évolué. Nous allons maintenant
procéder à l'analyse des articles publiés dans la presse
quotidienne française en 2004. Notre analyse se composera de trois
parties. Dans un premier temps, nous nous intéresserons à la
représentation de l'identité nationale tchèque dans les
discours en utilisant la typologie proposée par A-M. Thiesse. Puis, nous
étudierons la représentation de l'opinion publique construite par
les quotidiens ainsi que celle des partis politiques tchèques. Nous
terminerons par une analyse des discours ayant trait à la situation
économique et sociale de la République tchèque, une
thématique qui s'est révélée être dominante
dans les quotidiens. Ces trois volets de notre analyse nous permettront de
préciser la représentation de la République tchèque
proposée par la presse quotidienne française, à un moment
clé de son histoire.
Avant de débuter nos analyses, il importe de dire
quelques mots de la couverture médiatique dont a fait l'objet
l'entrée de la République tchèque dans l'UE. Si cet
événement a bien retenu l'attention de tous les quotidiens, tous
ne lui ont pas consacré un nombre d'articles similaire (cf. Annexe
n°7 et 8). L'Humanité est celui qui s'intéresse le
moins à cet événement puisque seuls deux articles sont
publiés. Nous pouvons préciser qu'ils sont tous deux
écrits par Paul Falzon, un journaliste qui travaille depuis Paris. Cette
précision n'est pas anodine comme le révèlera
l'analyse des discours. A l'inverse, Le Monde et La Croix
sont les deux quotidiens qui se sont le plus mobilisés, proposant
chacun dix articles, liés aussi bien à l'économie
tchèque, qu'à l'environnement ou encore à la vie
politique. En outre, nous avons remarqué que tous les articles de La
Croix sont écrits par des correspondants ou des envoyés
spéciaux, ce qui explique la précision des discours. Le Monde
fait appel à un journaliste d'origine tchèque, un
détail qui nous permettra de comprendre les thèmes choisis par le
quotidien pour certains de ses articles. Libération publie neuf
articles sur la République tchèque, tous écrits par des
envoyés spéciaux ou des correspondants. Enfin, Le Figaro
ne consacre que cinq articles à ce pays. Pour ce quotidien, nous ne
disposons pas d'information concernant le statut des journalistes.
Ces différents éléments nous indiquent
d'ores et déjà, l'intérêt que porte chaque quotidien
à l'entrée de la République tchèque dans l'UE. Nos
différentes analyses nous permettront de préciser la
représentation que chacun propose de ce pays aux lecteurs
français.
I. La
représentation de l'identité nationale tchèque
L'objectif de cette partie est d'analyser la
représentation de l'identité nationale tchèque
proposée par les quotidiens, à partir de la typologie
d'Anne-Marie Thiesse159(*) (cf. première partie). Cela consiste à
repérer les composantes de l'identité nationale
privilégiées dans les discours et le cas échéant
comprendre celles qui sont occultées. Nous nous intéresserons
également à la représentation de la République
tchèque en terme de nation, autrement dit la République
tchèque est-elle représentée comme une nation civique ou
culturelle ? Nous répondrons à cette question à en
repérant les champs lexicaux présents dans les discours. Enfin,
nous prêterons attention à la place réservée
à l'Allemagne par les journaux puisque le peuple allemand a
constitué l'un des miroirs contre lequel s'est construite la nation
tchèque.
A. Le Monde :
la République tchèque, une nation
« politique »
Le Monde ne consacre aucun article spécifique
au thème de l'identité nationale et de la constitution de la
nation tchèque. Néanmoins, nous avons trouvé quelques
éléments intéressants dans un article consacré
à l'opinion publique160(*). Si, dans l'encart de ce discours, le quotidien
mentionne les « identités multiples, faites de coutumes et
de particularismes nationaux ou régionaux » qui
« viennent enrichir l'Europe » cet aspect n'est
pas développé dans le corps de l'article. La composante
« folklore » de l'identité nationale est donc
seulement évoquée. En réalité, c'est sur l'histoire
tchèque que se focalise Le Monde : tout en dressant le
portrait d'une femme tchèque, il retrace les grandes lignes de
l'histoire de ce pays. La Tchécoslovaquie est un « Etat
né des décombres de l'ancienne Europe » qui
devient « un protectorat de Bohême Moravie »
avant de retourner à la démocratie puis de
« connaître plus de quarante ans de
communisme » pour enfin retrouver un régime
démocratique. Nous pouvons remarquer que le quotidien décrit la
Tchécoslovaquie à travers le prisme de la nation civique comme en
témoigne l'emploi des mots
« citoyenneté »,
« citoyenne » (à deux reprises),
« régime » (à cinq reprises),
« démocratie »,
« démocratique » et
« Etat », un vocabulaire qui renvoie au champ
lexical de la nation politique telle que nous l'avons définie en
première partie. La lecture qui est faite de la nation tchèque
est celle d'une nation politique qui a oscillé entre perte
d'indépendance, dictature et démocratie. Logiquement, les dates
auxquelles fait allusion le journal correspondent toutes à un moment de
perte d'indépendance et de changement de régime (par exemple la
proclamation du protectorat de Bohême Moravie en 1938, le coup de Prague
en 1948, la révolution de velours en 1989...). Il n'est donc pas
surprenant que rien ne soit dit de la constitution de la nation culturelle au
XIXème siècle et du rôle joué par la
langue dans la constitution de l'identité nationale. Une phrase illustre
bien la perspective dans laquelle se place Le Monde : Blazena
fut « ballottée d'une citoyenneté et d'un
régime à l'autre pendant près d'un
siècle ». Pour clore cette rétrospective des
différents régimes traversés par le pays, Le Monde
souligne à deux reprises en citant les propos de trois femmes
tchèques, le bonheur de « la liberté
retrouvée », une liberté « qui est
le plus beau présent ». La notion de liberté peut,
elle aussi, être rattachée au champ lexical de la nation civique
car elle renvoie à la liberté politique et à la garantie
pour chaque individu de jouir de ses droits civiques. La lecture que fait
Le Monde de l'histoire tchèque permet de comprendre la
dernière phrase de l'article : « l'UE sera une
garantie supplémentaire pour nous protéger du retour de ces
dictatures ». Dans la perspective de la nation politique,
l'enjeu de l'intégration n'est pas la question de la place de la culture
tchèque dans l'UE ou la question de la dissolution de l'identité
nationale mais celle de la préservation de la démocratie.
B.
L'Humanité : une seule référence, l'histoire
Il y a très peu d'éléments sur
l'identité nationale dans les articles de L'Humanité. La
seule indication que nous trouvons est une référence historique.
Amenée sans transition suite à un paragraphe sur les
élections européennes, elle se résume à une
phrase : « La révolution de velours menée par
le dramaturge V. Havel a permis au pays de gérer assez sereinement le
changement de régime, puis en 1993, la partition à l'amiable de
la Tchécoslovaquie »161(*). Nous pouvons d'ores et déjà noter la
présence du terme « régime » qui
renvoie là aussi la nation politique. Cette référence
historique est liée à l'histoire contemporaine de la
République tchèque mais pas à la construction de la
nation. Le quotidien se contente de mentionner deux événements
auxquels est associée la République tchèque dans
l'imaginaire des Français et ce, sans les expliciter. La façon
dont L'Humanité présente l'histoire de la
République tchèque semble confirmer l'idée d'une
représentation stéréotypée des pays
étrangers dans la presse française. R. Amossy définit le
stéréotype comme « une représentation ou une
image collective simplifiée et figée des êtres et des
choses que nous héritons de notre culture ». Il est
« le prisme à travers lequel les interactants
perçoivent les membres d'un groupe
étranger »162(*).
Un second élément a retenu notre attention. A
deux reprises L'Humanité utilise le terme « bloc
de l'Est » : la République tchèque fait
partie des « nouveaux membres de l'UE issus du bloc de
l'Est » et « la chute du bloc de
l'Est ». Le terme « bloc de l'Est »
nous rappelle la barrière symbolique dont parlait Miroslav Hroch et
semble confirmer ses dires. En effet, même si L'Humanité
parle de la « chute du bloc de l'Est », il ne fait
que pérenniser dans les mentalités la division entre Europe
occidentale et Europe de l'Est, ce que confirme l'emploi de l'expression
« pays de l'Est »163(*) pour qualifier la
République tchèque.
C. Le Figaro :
une nation culturelle qui s'occidentalise
1. La République tchèque,
un pays qui tend à s'occidentaliser
L'article intitulé « L'insoutenable
légèreté des Tchèques »164(*) est le seul dans lequel
figurent quelques éléments qui nous permettent d'analyser la
représentation de l'identité nationale tchèque
proposée par Le Figaro. Cet article se compose de deux parties
que nous analyserons chacune séparément car elles renvoient
à deux dispositifs discursifs différents165(*) qui ont une incidence sur le
contenu. Dans la première partie, Le Figaro se focalise
essentiellement sur trois éléments de l'identité nationale
avec plus ou moins de précision : la culture, la gastronomie et la
religion. Nous avons relevé différents mots appartenant au champ
lexical de la culture : « le poids de la
culture », « le cinéma »,
« l'art », « photographe »,
« exposition », « boîte de
nuit », « musique alternative »,
« rythme », « télé
réalité »... ainsi que des noms
d'artistes ou d'intellectuels : Milos Forman, Jan Sverak, Antonin Dvorak,
Milan Kundera... La présence de ce champ lexical dans le discours du
Figaro appelle plusieurs remarques. En réalité, seuls deux
termes pris dans leur contexte renvoient à la culture comme facteur
constitutif de l'identité nationale : « le poids de
la culture » (Le Figaro écrit « tu
ne peux cependant renier le poids de la culture présente dans la
conscience collective qui a forgé ton identité »)
et l'art : « pour toi, l'art est la véritable
histoire des nations ». Les autres termes cités renvoient
certes à la culture mais à la culture contemporaine et plus
généralement au mode de vie tchèque. Il nous semble donc
que ce n'est pas dans une perspective identitaire que le quotidien
évoque la place de la culture en République tchèque. Il
entend montrer que ce pays, de part son mode de vie, se rapproche des standards
occidentaux, un procédé qui est aussi celui de
Libération. D'autre part, aucun terme relevant du champ lexical
de la nation culturelle tels que langue, communauté... ne figure dans le
discours ; ce qui confirme que ce n'est pas vraiment de la constitution
de la nation tchèque dont nous parle le quotidien. Enfin, nous pouvons
noter que rien n'est dit sur le théâtre, l'art qui a joué
un rôle primordial dans la constitution de l'identité nationale et
que tous les termes cités se rapportent au cinéma, à la
photographie et à la musique. La culture n'est donc pas abordée
dans une perspective identitaire mais dans l'objectif de décrire le mode
de vie tchèque aujourd'hui.
La même stratégie est adoptée pour
présenter la gastronomie : ce n'est pas l'aspect traditionnel qui
importe Le Figaro mais l'évolution du mode alimentaire
tchèque vers une cuisine occidentale. En effet, la cuisine
traditionnelle est décrite en une phrase : « la
cuisine traditionnelle, à base de viandes en sauce, de goulasch ou de
knedlicky boulettes à base farine assez `étouffe-marxiste',
relève parfois du suicide par la fourchette ». Cette
phrase contraste avec la série de termes qui renvoient au mode
alimentaire occidental : « plus
équilibrée », « fruits et
légumes » qui cependant « n'occupent qu'une
petite place » dans l'alimentation tchèque et les
cantines qui sont « plutôt mexicaines, italiennes ou
chinoises ». Cette évolution du mode alimentaire est
soulignée à deux reprises par le terme
« désormais » qui marque une rupture avec
les habitudes des années passées. Ensuite, la bière est
clairement assimilée à un symbole de la République
tchèque comme l'illustre la phrase suivante : « en
digne représentante de ton pays, tu ne rechignes jamais devant une
petite bière ». Toutefois, le quotidien souligne que le
« mode de vie à la tchèque ne paraît
guère des plus sains », une façon de dire que si
le mode de vie tchèque a évolué, il n'égale pas
encore celui des pays d'Europe occidentale. Si la gastronomie constitue bien
une des composantes de l'identité nationale dans la typologie d'A-M.
Thiesse, ce n'est pas dans une perspective identitaire que Le Figaro
se focalise sur cet élément. Décrire les habitudes
gastronomiques et plus généralement le mode de vie tchèque
est une façon de souligner l'évolution accomplie mais aussi la
différence qui subsiste entre les deux parties de l'Europe. La
République tchèque est d'ailleurs qualifiée du
« plus intellectuel des pays de cette Autre
Europe », une expression qui accrédite l'idée de
M. Hroch : la barrière symbolique entre l'Est et l'Ouest existe
toujours.
Enfin, la religion est la dernière composante de
l'identité nationale que le quotidien mentionne dans cet article. Cette
référence peut, au premier abord, sembler paradoxale puisque nous
avons expliqué que la religion n'a pas constitué pour le peuple
tchèque un pôle d'identification primordial. L'analyse de cette
dernière partie de l'article nous permet de comprendre la logique du
Figaro : « les Tchèques sont toujours les
plus athées d'Europe », le superlatif associé
à la locution « toujours » accentuant cet
athéisme. Comme Libération, il souligne avec toutefois
moins d'insistance le mariage « de plus en plus
tardif », « la multiplication des
divorces » et le « taux de natalité [...]
le plus bas du monde ». Ces différentes informations
concernant le mode de vie tchèque sont énumérées
à la fin de l'article mais ne font l'objet d'aucun commentaire. Cela
semble confirmer ce que nous avons dit précédemment : la
religion n'est pas évoquée par le quotidien dans une perspective
identitaire mais dans l'optique de montrer que, par certains aspects, la
République tchèque se rapproche des standards occidentaux.
2. La République
tchèque : une nation culturelle
La seconde partie de l'article est un entretien avec un
cinéaste et metteur en scène tchèque. La première
chose qui retient notre attention est le statut de l'énonciateur
convoqué par Le Figaro. Le quotidien n'interviewe pas un
spécialiste de l'Europe centrale mais un cinéaste, metteur en
scène relativement réputé en République
tchèque. Il rappelle ainsi le rôle que les intellectuels et les
artistes ont joué et jouent encore dans ce pays. Le statut de
l'énonciateur nous permet de comprendre pourquoi les composantes de
l'identité nationale qu'il mentionne sont différentes de celles
évoquées dans le reste du corpus. Par exemple, contrairement
à Le Monde qui retrace l'histoire de la nation tchèque
dans une perspective politique, J. Sverak énumère les
différentes étapes qui ont jalonné la formation de la
nation tchèque comme nation culturelle : la prise de conscience de
former un peuple, la menace de la langue et de l'Etat, le rôle
joué par la culture : « la création artistique
qui caractérise notre pays » et la méfiance
« atavique » des Tchèques que nous pouvons
relier au complexe de la petite nation.
L'étude des différents champs lexicaux
présents dans cet article est assez révélatrice de la
perspective choisie J. Sverak pour parler de la nation tchèque. Nous
pouvons noter la présence de termes relevant du champ lexical de la
nation culturelle : « peuple » (à deux
reprises), « identité » (à deux
reprises), « langue »,
« création artistique ». A ce premier champ
lexical, s'ajoute celui de la domination : « menacés
en permanence », « contraints »,
« nous avons toujours été
broyés », « pays pris en
tenaille », « plusieurs fois été
trahis », « les drames »
traversés par le pays,
« opprimés ». Tous ces termes
renvoient à la situation du peuple tchèque au
XIXème siècle principalement. Nous trouvons
également quelques phrases et expressions relatives à
l'identité : « quête permanente de son
identité », « recherchent cette
identité » et « forgés à
travers l'histoire ». Enfin le champ lexical de la
littérature est aussi révélateur de la perspective de J.
Sverak : « langue », « langue
tchèque »,
« dérision »,
« humour » qui caractérisent la
littérature tchèque, des « grands
écrivains » comme « Karel
Capek », « Jaroslav Hasek »,
« Bohumil Hrabal » et « Milan
Kundera », « intellectuel ».
L'association de ces trois champs lexicaux suffit à définir la
nation tchèque : une nation opprimée et menacée
jusqu'à la fin du XIXème siècle pour laquelle
la littérature et plus généralement la langue ont
joué le rôle d' « arme et [de] bouée de
sauvetage », autrement dit ont contribué à la
constitution de la nation tchèque. J. Sverak dépeint donc cette
nation comme un nation culturelle dans laquelle la langue a joué un
rôle fondamental.
L'analyse de ses propos nous ont permis d'identifier deux
autres composantes de l'identité nationale : le territoire et
l'histoire. En effet, il évoque son attachement au territoire
tchèque à travers la question de l'exil : contrairement
à certains intellectuels qui ont fui le régime communiste, J.
Sverak a refusé « de façon
catégorique » de s'installer à l'étranger.
Ses explications sont assez révélatrices de l'attachement que les
Tchèques portent à leur territoire et à leur langue :
« ma profession de cinéaste, mon savoir-faire, sont trop
liés à la langue tchèque et j'aurais eu trop la nostalgie
de mon pays ». Un attachement qui est mis en valeur par la
structure de la phrase « à chaque séjour
à l'étranger [...] je me suis demandé si je serais capable
de rester. A chaque fois ma réponse a été
catégorique : non. ». L'histoire, et plus
précisément le divorce tchécoslovaque, est la
dernière composante de l'identité nationale sur laquelle se
focalise le journal. Le Figaro demande à J. Sverak si cette
séparation a été vécue comme un
« traumatisme ». Le terme
« traumatisme » est intéressant car il
désigne « un événement qui [...] a une forte
portée émotionnelle et qui entraîne [...] des troubles
psychiques et somatiques par suite de son incapacité à y
répondre adéquatement sur-le-champ »166(*). La scission de la
Tchécoslovaquie n'est donc pas interprétée comme une
étape supplémentaire dans l'histoire d'une nation politique mais
comme un événement susceptible d'avoir des répercussions
psychologiques chez un peuple qui s'est en partie constitué contre la
nation slovaque. Nous pouvons d'ailleurs souligner que les termes
utilisés par J. Sverak pour répondre à cette question
relèvent du champ lexical de l'émotion :
« surpris »,
« touché »,
« vexé », une décision qui
« fut une claque » mais qu'il juge
« probablement nécessaire pour assainir [leurs]
relations ».
Le Figaro est donc le seul journal qui aborde
réellement la question de la constitution de la nation tchèque et
se focalise sur les deux composantes qui, à nos yeux, sont les plus
importantes : la langue et le territoire. Il est intéressant de
mettre cet entretien en perspective avec la première partie de
l'article : les deux personnes à qui le quotidien donne la parole
sont tchèques mais la teneur de leurs propos diffère. Ce
décalage s'explique par la modalité du discours : alors que
les propos de Marketa sont rapportés au discours indirect libre et
permettent donc au quotidien de sélectionner ce qu'il entend dire, les
propos de J. Sverak, rapportés au discours direct, se focalisent sur le
rôle de la langue et de la culture comme facteurs constitutifs de
l'identité nationale. Cette polyphonie discursive est
intéressante et accentue le clivage entre le quotidien qui semble
méconnaître la question identitaire tchèque et la
représentation que les Tchèques ont de l'histoire de leur nation.
D. La Croix :
un pays attaché à son folklore
1. La République tchèque,
un pays traditionnel
Les différentes composantes de l'identité
nationale que nous avons identifiées dans les discours de La
Croix sont sensiblement les mêmes que celles repérées
dans les autres quotidiens. Dans un article consacré à un
reportage sur un petit village tchèque, La Croix
énumère certaines habitudes des villageois et choisit de
décrire la façon dont les habitants se réunissent à
la taverne pour boire une bière. Le « comme partout en
République tchèque » souligne que cette coutume
n'est pas spécifique à ce village. La consommation de
bière est présentée comme un vrai sport national puisque
« la plupart de ceux qui sont attablés ont
déjà 9 ou 10 traits sur leur fiche ».
Contrairement aux autres quotidiens, La Croix ne précise pas
que les Tchèques sont les premiers buveurs de bière du
monde ; il n'assimile donc pas la bière à un chiffre,
à un record mais la présente comme une tradition en la
décrivant précisément. Le journal se place implicitement
dans une perspective identitaire puisque la bière relève à
la fois de la composante « gastronomie » et
« folklore » dans la typologie d'A-M. Thiesse. La fin de
l'article confirme cette mise en valeur de la composante
« tradition » de l'identité nationale : la
fête du village qui existe depuis 700 ans est « le sommet
de l'année », une durée qui illustre à elle
seule l'aspect traditionnel de la fête. Sa description nous renvoie
à certaines composantes de l'identité nationale : le
« défilé avec le blason du village »
à la dimension symbolique de l'identité, le « repas
traditionnel » à la gastronomie et à la tradition
et le « groupe folklorique habillé par des costumes
traditionnels » au folklore et à la tradition. Nous
retrouvons donc plusieurs éléments de la « check
list identitaire » qui révèlent le poids des
composantes de l'identité nationale notamment la tradition que ce soit
en milieu rural ou en milieu urbain. En effet, un second discours confirme
l'importance de la tradition dans la vie quotidienne des
Tchèques mais cette fois le reportage se passe à Prague.
La Croix évoque les traditions tchèques et plus
précisément le bal de fin d'études « une
tradition bien ancrée en République
tchèque »167(*), héritée de l'Empire austro-hongrois
« comme bien d'autres ».
2. Une nation politique
constituée contre le pouvoir de Vienne
Le journaliste part de cette tradition pour évoquer
l'histoire de la construction de la nation tchèque. A plusieurs reprises
nous retrouvons l'idée que l'identité tchèque s'est
construite en opposition à un Autre, seulement cet Autre n'est pas
l'Allemagne mais l'Autriche. La République tchèque
« s'est construite contre le pouvoir de Vienne »,
François-Joseph « s'est opposé à l'autonomie
des Tchèques ». De plus, La Croix mentionne
l'indépendance en 1918 qui est d'ailleurs la seule date figurant dans
l'article et qui correspond à la naissance de l'Etat nation
tchécoslovaque. Enfin, les termes liés à l'Autriche sont
récurrents : « empire
austro-hongrois », « pouvoir de
Vienne », « Autriche » (à
trois reprises), « autrichiens » (à deux
reprises) et « Autriche-Hongrie » alors que
l'Allemagne n'est évoquée qu'une seule fois. Il est donc
intéressant de noter que pour La Croix, l'identité
tchèque s'est construite contre l'Autriche alors que pour les
spécialistes de la République tchèque, c'est l'Allemagne
qui constitue le miroir identitaire de la nation tchèque au
XIXème siècle. La Croix envisage donc le
passé du peuple tchèque d'un point de vue politique et non
culturel ce que semble confirmer l'absence de tout vocabulaire appartenant au
champ lexical de la nation culturelle. Rien n'est dit de la protection de la
langue tchèque dominée par la culture allemande qui a
constitué l'élément déclencheur du réveil
national. Cette lecture politique de la nation est
réitérée dans un article consacré à la
naissance des Etats nations candidats à l'intégration168(*). En effet, le journaliste
rappelle qu'avant de naître sur les décombres de l'Empire,
« la Bohême et la Moravie étaient rattachés
à la couronne des Habsbourg », une façon de dire
que ce n'était pas un Etat souverain : c'est donc la naissance de
l'Etat nation qui est mise en valeur. S'il mentionne les
« mouvements nationaux » l'expression ne renvoie
pas aux Eveilleurs à l'origine de la renaissance nationale mais aux
partis politiques qui ont revendiqué la création d'un Etat nation
autonome à la fin du XIXème siècle. Cela
explique pourquoi les deux figures citées ne sont pas les intellectuels
qui ont contribué à l'éveil de la conscience nationale
tchèque au XIXème siècle mais des hommes
politiques qui furent tout deux présidents de la Première
République tchécoslovaque. Comme Le Monde, La Croix
retrace l'évolution de la Tchécoslovaquie en tant qu'Etat
nation dont elle énumère les grandes étapes : la
naissance d'un « régime de démocratie
parlementaire », « l'entrée des
armées d'Hitler dans les Sudètes », puis la
« domination soviétique » en 1945,
l'« émancipation de la tutelle de Moscou »
en 1989 et enfin le « divorce de velours » en 1993
qui constitue l'étape ultime de l'histoire de l'Etat nation
tchèque. Toutes les dates citées correspondent là aussi
à des étapes marquantes qui symbolisent la perte
d'indépendance ou le recouvrement de l'autonomie et l'avènement
de la démocratie. Enfin, il est intéressant de préciser
que l'expulsion des Sudètes n'est pas évoquée dans une
perspective identitaire mais comme un facteur d'homogénéisation
ethnique, qui constitue donc une étape supplémentaire dans la
constitution de l'Etat nation.
3. L'ennemi de la nation
tchèque : l'Autriche
La perspective choisie par La Croix nous permet de
comprendre pourquoi ce n'est pas l'Allemagne qui incarne la figure de l'ennemi
mais l'Autriche169(*).
Ainsi, les relations austro-tchèques sont envisagées comme
l'enjeu principal de l'intégration dans l'UE alors que nous aurions pu
attendre à ce que les relations germano-tchèques et notamment la
polémique concernant les décrets Benes soient
évoquées. En effet, si l'expulsion des Allemands des
Sudètes est rapidement mentionnée, elle n'est pas
explicitée ni mise en lien avec l'entrée dans l'UE alors que ce
sujet a donné lieu à débat tant au niveau tchèque
qu'au niveau européen. L'un des enjeux majeurs de l'intégration
est mentionné en une phrase : « aujourd'hui, alors
que l'entrée dans l'UE conduit la République tchèque dans
le même ensemble politique que l'Allemagne et
l'Autriche ». Une seconde phrase confirme cette place
accordée à l'Autriche : La Croix rapporte les
propos de R. Schuster, chercheur à l'Institut des relations
internationales de Prague, qui évoque les rapports
austro-tchèques. Les termes utilisés pour caractériser les
relations entre ces deux pays sont les suivants :
« difficiles », « n'étaient
pas bonnes », « opposés »,
et le chercheur souligne en parlant des Tchèques « leurs
complexes vis-à-vis des Autrichiens ». Ce sont donc bien
les relations entre la République tchèque et l'Autriche qui sont
présentées comme l'enjeu de l'intégration même si
« la coopération » et
« l'amélioration des relations » ont
progressivement remplacées les tensions. En outre, la question du
complexe tchèque vis-à-vis des Autrichiens nous a quelque peu
surpris car c'est généralement par rapport aux Allemands que les
Tchèques éprouvent un sentiment d'infériorité. Ces
différents éléments révèlent donc bien que
la représentation de la nation tchèque véhiculée
par le quotidien est une celle d'une nation politique qui ne converge pas avec
la représentation que les Tchèques se font de leur nation.
Un article nous permet de confirmer ce
décalage entre la représentation tchèque de la nation
et celle que propose la presse française. Dans le reportage
consacré à l'opinion des habitants d'un petit village
tchèque sur l'intégration dans l'UE170(*), La Croix rapporte
les propos d'un jeune tchèque âgé de 25 ans. Il
« n'aime pas » ce pays. L'Allemagne est donc
associée à l'ennemi. En guise d'explication il pose une question
rhétorique : « vous pensez qu'avec l'Europe,
l'Allemagne va nous submerger, nous, la petite République
tchèque ? », une peur qui renvoie au complexe de la
petite nation et à la crainte de la domination, mise en valeur par les
termes « petit » et
« submerger ». L'Allemagne est perçue comme
une puissance menaçante même chez les générations
qui n'ont pas connu l'Empire d'Autriche Hongrie. Cette crainte
révèle le poids des représentations de l'Allemagne dans
l'imaginaire collectif tchèque, ce que La Croix remarque en
écrivant : « malgré son jeune âge, il
hérite d'une méfiance bien ancrée ici ».
Pour terminer nous pouvons signaler que la
référence à la religion est absente des discours de La
Croix alors que cette composante de l'identité nationale est
soulignée à plusieurs reprises par Libération. En
réalité ce silence n'est pas surprenant. En effet, la
religion n'a pas constitué un pôle d'identification pour les
Tchèques, c'est pourquoi elle n'est pas présentée comme
une des composantes fondamentales de l'identité nationale. Une autre
divergence peut être soulignée entre La Croix,
Libération et Le Figaro : la composante
« gastronomie » figure dans les discours des trois
quotidiens. Cependant, pour La Croix, elle ne participe pas
à la construction d'une représentation
stéréotypée de la République tchèque mais
d'une mise en valeur du rôle de la tradition dans ce pays. Alors que
Libération souhaite à tout prix effacer le poids de la
tradition, tout ce qui concerne ce thème est valorisé par La
Croix.
E.
Libération : un pays qui s'occidentalise
1. La religion, une composante de
l'identité nationale ?
Les deux thèmes choisis par Libération
pour parler de la République tchèque dans le premier article en
rapport avec l'identité nationale sont assez étonnants.
Intitulé « République tchèque. Les plus
athées »171(*) ce discours porte à la fois sur la religion,
le mariage et le divorce. Le quotidien met en avant la baisse du nombre de
mariages et l'augmentation du nombre de divorces de diverses
manières : les chiffres avancées et notamment le taux de
divorce permettent de confirmer les dires de Libération, tout
comme la structure des phrases et le lexique employé. Le mariage est une
chose qui se fait « de moins en moins et de plus en plus
tard » et le nombre de mariage « a
été le plus bas » depuis la seconde guerre
mondiale. Des données auxquelles le quotidien oppose le nombre de
divorce qui « a augmenté de façon très
importante », « dépassant le record
de... ». L'emploi des superlatifs permet de renforcer le
contraste. Alors que Libération aurait pu être
décrire le mariage comme une tradition faisant partie intégrante
de l'identité tchèque, il se livre à une
évaluation chiffrée du nombre de mariages et de divorces. Cette
stratégie discursive est à nos yeux tout à fait volontaire
et permet de véhiculer une certaine représentation de la
République tchèque, celle d'un pays dont le mode de vie est
relativement proche de celui des pays d'Europe occidentale. C'est sans doute
pourquoi le quotidien mentionne également le nombre d'unions libres et
d'avortements.
La même stratégie est adoptée pour aborder
le thème de la religion : « la faiblesse du poids de
la religion » est avancée avec incertitude pour expliquer
la baisse du nombre de mariages. Le quotidien qualifie les Tchèques des
« plus athées de l'Europe » et poursuit en
écrivant que « le peu de croyants... ». Ce
n'est donc pas dans une perspective identitaire que Libération
évoque la place de la religion en République tchèque mais
dans l'optique de souligner la sécularisation de la
société.
A la fin de l'article, Libération nous donne
des informations sans lien avec la religion ou la question du mariage parmi
lesquelles figure la « date clé » : le
17 novembre 1989. Cette date symbolique qui correspond à la chute du
régime communiste signifie le retour à la démocratie, une
étape importante dans la constitution d'un Etat nation. Enfin, il faut
noter que la plupart des informations sont brutes et ne font l'objet d'aucun
commentaire, aucun discours n'est rapporté ce qui permet juste au
lecteur de se faire une représentation schématique de la
République tchèque.
2. La tradition, une composante de
l'identité nationale qui tend à disparaître
L'article intitulé « On dirait que vous avez
peur de nous »172(*) nous permet de confirmer certaines remarques faites
précédemment. La moitié du discours est consacré au
mariage de deux Tchèques ce qui, au premier abord, peut sembler
paradoxal au vu de l'article précédent. En réalité,
l'analyse permet de comprendre la stratégie de
Libération : certes le mariage est « un peu
à contre courant des habitudes des Tchèques » mais
le quotidien entend montrer que quand il y a mariage celui-ci n'a rien de
traditionnel. En effet, plusieurs détails permettent de souligner
l'absence de tradition : le mariage « n'avait rien de
traditionnel », il était inspiré des films
américains, il n'y a pas eu de passage à l'Eglise
puisqu'« ils sont tous les deux athées comme l'immense
majorité des Tchèques », enfin ils habitent
ensemble depuis six ans, la liste de mariage est donc inutile. Pourtant les
deux mariés ont du faire quelques concessions à la tradition que
Libération énumère dans un second temps en une
seule phrase : la robe de princesse, la promenade en voiture ancienne, la
sérénade des musiciens traditionnels... Alors que la description
du mariage comme cérémonie « non
traditionnelle » est renforcée par les propos des jeunes
mariés, l'énumération des concessions faîtes
à la tradition ne fait l'objet que d'une seule phrase et n'est
légitimée par aucun discours rapporté qui puisse les
mettre en valeur ; c'est donc bien l'absence de tradition voire même
le refus de la tradition qui est ici souligné. Ce reportage confirme
donc la stratégie discursive de Libération
mentionnée dans l'article précédent qui vise à
présenter le mariage non comme une tradition et donc une composante de
l'identité nationale mais comme un
« fête » pour rependre les termes des deux
mariés.
3. Une représentation confuse de
l'identité nationale
« Portrait robot des dix nouveaux :
République tchèque »173(*) est le dernier article dans lequel
Libération nous donne quelques indications quant aux
composantes de l'identité nationale tchèque. La première
remarque que nous pouvons faire concerne le format de cet article : un
« portrait robot » qui résume avec plus ou
moins d'exactitude les différents éléments de la
« check list identitaire ». L'histoire est la
première composante mise en avant par le quotidien qui retient deux
dates significatives pour la nation tchèque : 1968 et 1989. Nous
retrouvons donc là encore les deux événements auxquels est
associée la République tchèque dans l'imaginaire des
Français. Ensuite, le personnage retenu comme symbole de la
République tchèque est le brave soldat Chveïk qui constitue
effectivement l'une des figures marquantes de la littérature et est
encore aujourd'hui considéré comme le symbole de la nation
tchèque. Ensuite, Libération retient comme
« lieu » représentatif de la
République tchèque, la ruelle des alchimistes, qui nous renvoie
aux lieux de mémoire dans la typologie d'A-M. Thiesse. Cependant, le
lieu cité par Libération n'est pas un lieu symbolique
dans l'histoire tchèque comme l'est par exemple la place Venceslas. Le
quotidien semble opérer une confusion peut-être volontaire entre
un lieu porteur de signification pour les Tchèques et un lieu
touristique susceptible d'avoir des résonances chez les lecteurs qui
connaissent la ville de Prague. De même, il nous semble que le
quotidien opère une autre confusion en citant Le
Procès de Kafka comme une oeuvre emblématique de la
République tchèque. Libération choisit une
référence généralement connue des lecteurs mais qui
n'est pas considérée comme représentative de
l'identité tchèque. Vient ensuite le
« bonus » : Libération
souligne que les Tchèques sont les plus grands consommateurs de
bières ce qui nous renvoie à la composante
« gastronomie » dans la typologie d'A-M. Thiesse.
Contrairement à La Croix, aucun détail
supplémentaire n'est donné sur cette pratique qui n'est donc pas
considérée comme une tradition mais plutôt
présentée comme un stéréotype. Puis vient
l'énumération de figures importantes : M. Kundera, V. Havel
désigné comme « l'ambassadeur » et
Vera Caslavska, une sportive. Il faut noter que ces personnes certes
importantes, sont des Tchèques contemporains et non pas les
« héros » qui constituent un élément
de la « check list identitaire » pour A-M.
Thiesse. Enfin, Libération termine par le
« juron » qui renvoie au langage de la vie
quotidienne et non pas à la langue comme facteur constitutif de
l'identité nationale.
L'analyse de ce portrait robot nous invite à faire
plusieurs remarques : finalement, peu d'éléments
cités par Libération renvoient réellement
à l'identité nationale tchèque : la plupart sont
inexacts et ceux qui constituent bel et bien un élément de la
check list identitaire sont évoqués rapidement sans analyse
précise de la façon dont ils ont pesé dans la constitution
de l'identité nationale tchèque. Ce portrait-robot ne nous livre
finalement qu'une représentation largement
stéréotypée de la République tchèque en
évoquant des éléments qui pour la plupart sont connus des
lecteurs.
Ce premier volet de notre analyse nous permet de
répondre à nos questions de départ et de pointer des
similitudes et des divergences entre les quotidiens. Tous les journaux
fournissent une représentation de l'identité nationale
tchèque peu précise voire presque inexistante pour
L'Humanité, focalisée sur certains
éléments de la « check list
identitaire ». Cependant, nous pouvons tout de même
souligner quelques divergences. Alors que les deux composantes fondamentales de
l'identité nationale sont la langue et le territoire, celles-ci
n'apparaissent pas ou très peu dans les journaux qui, comme Le
Figaro et Libération, privilégient la
gastronomie et la religion. Ces deux composantes de l'identité nationale
ne sont pas évoquées dans une perspective identitaire mais dans
l'objectif de donner aux lecteurs une certaine représentation de la
République tchèque, celle d'un pays dont le mode de vie se
rapproche de celui des pays d'Europe occidentale. Seul La Croix
propose une lecture différente de la composante
« gastronomie » : c'est une tradition encore
importante en République tchèque. Les discours du Monde
et de L'Humanité sont quant à eux presque muets sur
les diverses composantes de l'identité nationale. Il est
intéressant de rappeler que A-M. Thiesse considère les coutumes
et la gastronomie comme des éléments secondaires de
l'identité nationale d'un pays alors que ce sont les composantes
privilégiées par les médias. La représentation de
l'identité tchèque proposée par les quotidiens
relève donc largement du stéréotype et confirme que les
médias français méconnaissent l'histoire de la nation
tchèque.
L'analyse de notre corpus est assez révélatrice
en ce qui concerne la dichotomie entre nation civique et culturelle :
aucun quotidien ne décrit la nation tchèque comme une nation
culturelle et c'est à travers le prisme de la nation civique que les
grands moments de l'histoire tchèque sont évoqués
notamment dans les discours de La Croix et du Monde. Cette
lecture politique de la nation tchèque révèle le poids des
représentations qui structurent notre pensée et permet de
comprendre pourquoi des événements pourtant majeurs tels que
l'expulsion des Sudètes ou la question de la confusion entre
l'identité tchèque et l'identité tchécoslovaque
n'apparaissent pas dans notre corpus. Enfin, de façon cohérente,
l'Allemagne n'est à aucun moment présentée comme le miroir
identitaire de la nation tchèque excepté dans les propos d'un
tchèque.
Nous avons remarqué que dans les titres de plusieurs
quotidiens figure l'expression « révolution de
velours »174(*) sans que cet événement ne constitue le
sujet de l'article. Nous sommes ici en présence de ce que E.
Véron nomme l'effet de reconnaissance qui « consiste
à fonder le titre principal sur la reprise d'une expression existant
dans le champ culturel du lecteur »175(*). L'emploi de cette
expression confirme que dans l'imaginaire des lecteurs français, la
République tchèque est associée à quelques grandes
dates historiques telles que 1968, 1989 et 1993.
II. L'opinion publique et
les partis politiques tchèques face à l'intégration
A. La construction
de l'opinion publique dans les discours médiatiques
Chaque quotidien donne la parole à un moment ou
à un autre à des Tchèques qui expriment leur opinion par
rapport à l'intégration de leur pays dans l'UE. Ces propos
rapportés permettent aux médias de construire une certaine
représentation de l'opinion publique tchèque qu'il nous faut
analyser. Les trois critiques émises par P. Bourdieu à l'encontre
des sondages nous permettront de comprendre la représentation
proposée par les discours de presse. Nous analyserons donc les propos
des Tchèques rapportés dans les discours médiatiques en
ayant à l'esprit les questions suivantes :
- Si toutes les opinions ne se valent pas, quelles sont celles
qui sont privilégiées par les quotidiens ?
- Si une question n'a pas la même importance pour toutes
les personnes interrogées, comment les Tchèques
interprètent-ils l'intégration ? Est-elle synonyme de
craintes, d'attentes ? Sont-elles légitimées par les
quotidiens ?
- Tout le monde n'a pas les connaissances nécessaires
pour se forger une opinion. Les journaux rapportent-ils des propos de
Tchèques « sans opinion » ?
Cette analyse de la représentation de l'opinion
publique nous permettra de repérer s'il existe un décalage avec
l'opinion publique sondagière que nous avons évoquée dans
la première partie de notre travail. Enfin, nous reprendrons la
distinction de Ruth Amossy entre discours à dimension argumentative et
discours à visée argumentative pour comprendre quel type de
propos sont rapportés par les quotidiens. La typologie de C. Perelman
nous permettra d'analyser les arguments avancés par certains
énonciateurs tchèques pour légitimer l'entrée de
leur pays dans l'UE.
1. Le Monde : une opinion publique
tchèque europhile
Les discours du Monde se distinguent des autres
quotidiens par la densité des propos rapportés mais
également par leur contenu. Différentes figures apparaissent dans
trois articles : Simon Panek, reporter et journaliste,
« fils spirituel de l'ex-président
tchèque »176(*) ; Blazena, 91 ans,
« passionnée par la chose
publique »177(*) ; Klara, 27 ans, diplômée en
sciences politiques, travaille avec les institutions européennes ;
Blanka, 59 ans et Monika Pajerova, coordinatrice d'une association
« oui pour l'Europe »178(*). Nous pouvons faire une
première remarque quant à la position sociale et au statut des
énonciateurs convoqués par Le Monde. Contrairement
à Libération et au Figaro qui se sont
tournés vers des étudiants pour incarner l'opinion publique
tchèque, Le Monde privilégie des personnes de tout
âge qui ont pour point commun leur intérêt pour les
questions politiques et notamment l'Europe. Klara et Simon Panek ont même
des connaissances spécifiques à ce sujet qui leur permettent
d'avoir un avis précis sur l'élargissement. Il n'est donc pas
étonnant de constater que leurs opinions par rapport à
l'intégration soient dans l'ensemble similaires : presque tous sont
favorables à l'Europe. Les différents termes utilisés pour
qualifier leurs positions sont assez révélateurs. Simon Panek est
un « Européen convaincu » pour qui le
1er mai est « un jour de gloire ».
Blazena est la « plus europhile », une
« europhile convaincue » et sa petite fille,
Klara, est « euro-optimiste ». Enfin, Monika est
une « europhile de la première heure ».
Seule Blanka semble être moins enthousiaste : elle
« ne se fai[t] pas d'illusions sur l'Union ».
Le Monde est le seul quotidien à recourir à des
adjectifs tels que « europhile » ou
« euro-optimiste » qui lui permettent de
définir explicitement les positions des énonciateurs à qui
il donne la parole. Leur soutien à l'Europe est donc incontestable mais
n'est pas représentatif de l'ensemble des citoyens. Le Monde
écrit par exemple que S. Panek ne partage pas « la
tiédeur de ses compatriotes » ni
« l'euroscepticisme du président V.
Klaus »179(*). Blanka rejette « les réserves
traditionnelles de ses compatriotes »180(*). Ces deux phrases
révèlent bien qu'il n'y a pas une opinion publique tchèque
mais des opinions. Si le quotidien choisit de donner la parole à des
Européens convaincus, la population tchèque se caractérise
dans l'ensemble par son scepticisme.
L'analyse des propos des personnes convoquées par
Le Monde est, elle aussi, intéressante. Alors que la plupart
des quotidiens se focalisent sur les craintes de l'opinion publique, quasiment
tous les Tchèques interrogés par Le Monde formulent des
attentes. Pour S. Panek, les avantages de l'intégration
« dominent » et il attend « un
déplacement vers l'Ouest de toute la société
tchèque où perdure une mentalité
totalitaire ». Blazena estime « que les jeunes y
gagneront beaucoup » même si elle n'attend pas que
l'intégration lui soit bénéfique. Elle espère
également que l'adhésion « pallie[ra] les
désordres [du] pays et l'incompétence de certains
dirigeants ». De même, Blanka
« espère » que l'adhésion aura des
effets sur le personnel politique « bien
médiocre ». L'intégration est donc perçue
par ces différentes personnes comme un événement
important, susceptible d'avoir des impacts à la fois sur la vie
politique tchèque et sur la société civile.
Le terme de crainte ne figure à aucun moment dans les
articles du Monde, ce qui laisse penser que l'intégration est
uniquement synonyme de bénéfices et d'attentes. Cependant, il
nous semble que certains propos peuvent être considérés
comme des craintes même s'ils ne sont pas présentés comme
tel. Par exemple, S. Panek reconnaît qu'il faudra rappeler à la
Commission européenne que l'Europe centrale existe, une remarque qui
renvoie à la crainte d'arriver « en ligue
B » de l'UE pour reprendre les termes de Libération.
Nous retrouvons la même idée dans les propos de Klara :
en travaillant avec les institutions européennes, elle a pris conscience
« des handicaps des petits pays ». En outre, elle
« regrette [...] la tendance des
grands à brimer les petits ». Ses préoccupations
correspondent donc bien aux craintes identifiées par les experts mais le
quotidien ne les présente pas comme telles. Cette stratégie
permet de minimiser le « rejet » dont font l'objet
les petits pays. D'ailleurs, nous pouvons souligner que Le Monde ne
mentionne à aucun moment les mesures prises par l'UE pour limiter la
libre circulation des ressortissants des pays candidats. Ce silence confirme
peut être la volonté de ne pas pointer du doigt les
difficultés soulevées par l'adhésion ou du moins de les
minimiser.
La plupart des propos sont rapportés au discours direct
et sont des énoncés à dimension argumentative. Cette
modalité de discours permet de penser que Le Monde
légitime les paroles des énonciateurs convoqués, voire les
met en valeur. Cependant, en ne citant que des énoncés à
dimension argumentative, il se contente de donner au lecteur un aperçu
de la représentation que les Tchèques se font de
l'intégration. En effet, nous n'avons trouvé qu'un seul
énoncé à visée argumentative émanant de S.
Panek. Celui-ci justifie l'entrée de la République dans l'UE en
mettant en avant ce que son pays peut apporter à l'Union : la
« connaissance » et « la
sensibilité »181(*). Cette analyse de la représentation de
l'opinion publique tchèque révèle bien qu'il n'y a pas une
opinion publique. Cependant, Le Monde interroge uniquement des
personnes qui ont la compétence politique suffisante pour se forger une
opinion de l'intégration. Convaincues du bien-fondé de
l'élargissement, elles en attendent beaucoup et minimisent les
difficultés que leur pays rencontre.
2. L'Humanité : une opinion
publique largement indifférente
L'Humanité ne consacre aucun article
spécifique à l'opinion publique tchèque mais les discours
nous fournissent quelques éléments permettant de comprendre la
représentation qu'il construit de cette opinion. Un premier discours
insiste sur l'indifférence de la population tchèque comme le
révèle le titre de l'article : « A Prague
l'indifférence domine »182(*). Cette indifférence est à nouveau
pointée du doigt dans la première phrase du discours :
« deux semaines après avoir rejoint l'UE, une certaine
indifférence vis-à-vis des enjeux communautaires a
déjà gagné la population tchèque ».
Le quotidien parle de « la population », il
généralise donc les opinions des Tchèques à une
opinion publique. La mention du nombre d'électeurs susceptibles de
s'abstenir aux élections européennes est aussi une façon
de souligner cette indifférence.
Le quotidien s'attarde peu sur les craintes et les attentes de
cette opinion publique. Il suggère de façon implicite que les
attentes des Tchèques sont d'ordre économique. En effet, la
question rhétorique qui ouvre l'article du 26 avril 2004 :
« que peut attendre de l'élargissement le plus riche des
pays de l'Est ? » laisse entendre que l'intégration
est essentiellement synonyme d'opportunités économiques. Par
contre, les craintes sont explicitement évoquées puisque le terme
apparaît à deux reprises. L'Humanité écrit
qu'elles sont partagées par « une large partie de la
population ». Nous retrouvons donc ici la
généralisation de l'opinion publique mentionnée
précédemment. Le quotidien identifie plusieurs craintes :
celle d'une « nouvelle dissolution de la souveraineté
nationale » et celles liées à l'Allemagne (les
demandes de rachat des terres et de réparation). Il est
intéressant de noter que la crainte d'une nouvelle dissolution de la
souveraineté ne figure pas parmi les préoccupations principales
des Tchèques d'après les dires des experts. Les problèmes
auxquels est confrontée la population tchèque vis-à-vis de
l'Allemagne sont bien identifiés mais ne sont pas explicités.
Enfin, aucun terme ne permet de savoir si le quotidien légitime ou non
ces craintes. Il précise simplement qu'elles pourraient faire le lit de
l'extrême droite aux prochaines élections.
L'Humanité est finalement assez vague quant
à l'opinion publique qu'il présente comme une opinion presque
homogène. Il est le seul quotidien dont les discours ne s'appuient sur
aucun propos rapportés. Cela rend difficile la construction de la
représentation de l'opinion publique qui se caractérise par son
indifférence. Celle-ci rappelle le consensus symbolique
évoqué par L. Neumayer à propos du
référendum d'adhésion, une façon de sous-entendre
que pour les Tchèques l'intégration dans l'UE est un
événement peu important.
3. Le Figaro
L'opinion publique semble être le thème
privilégié par Le Figaro dans son article du 22 juillet
2004 intitulé « L'insoutenable
légèreté des Tchèques ; paroles
d'Européens »183(*). En réalité, peu
d'éléments se rapportent réellement aux sentiments des
Tchèques vis-à-vis de l'intégration. Le quotidien
débute son reportage en nous parlant de Marketa, une étudiante en
cinéma âgée de 23 ans, vivant à Prague. Elle
« se sent déjà européenne ».
C'est la seule information dont nous disposons et qui sous-entend que la jeune
fille est favorable à l'intégration. Nous pouvons noter que la
personne choisie par Le Figaro pour incarner l'opinion publique
tchèque est représentative d'une certaine population. En effet,
les personnes ayant une formation universitaire, les entrepreneurs ou encore
les citadins sont des groupes sociaux généralement favorables
à l'Europe184(*).
Suite à ce reportage, Le Figaro publie un
entretien avec un metteur en scène tchèque185(*). La dernière question
de cette interview porte sur l'Europe : est-elle « un
rêve, un modèle ou une menace ? ». Ces trois
termes renvoient plus ou moins aux différentes phases traversées
par l'opinion publique tchèque : le rêve ou la période
d'europhorie, la menace ou la période des réticences.
Malgré son incertitude (les Tchèques ne savent pas
« s'ils s'y plairont »), J. Sverak est
« content d'avoir été admis dans cette grande
famille ». Il précise qu'il ne veut pas que
l'entrée de la République tchèque soit perçue comme
opportuniste. Afin de renforcer ses propos, il argumente : son pays
« peut également [...] apporter des choses positives, par
exemple le souci du travail bien fait ». Il s'agit ici d'un
énoncé à visée argumentative que nous pouvons
interpréter de deux façons. D'une part, il vise à
justifier l'intégration de la République tchèque dans l'UE
en prouvant que l'élargissement n'a pas uniquement des effets
négatifs. D'autre part, ce souci de justification rappelle le besoin
qu'éprouve le peuple tchèque depuis le XIXème
siècle d'être investie d'une mission. Peut-être pouvons nous
voir dans ces propos l'influence de J. Patocka qui déjà au
XIXème siècle définissait le rôle de la
nation tchèque au sein de l'Europe comme celui d'une nation
utile.
La représentation de l'opinion publique tchèque
que propose Le Figaro est très partielle. Seule une
personne est interrogée et permet de donner un
« visage » à cette opinion publique. Favorable
à l'intégration, elle ne fait part d'aucune attente et ne semble
donc pas accorder beaucoup d'importance à cet événement.
4. La Croix :
« des » opinions diversifiées
a) Une opinion publique peu
intéressée par l'intégration
La Croix est le seul quotidien à rappeler le
résultat du référendum d'adhésion à l'UE
sans pour autant nous proposer comme L'Humanité, une
représentation monolithique de l'opinion publique. Le quotidien
précise le « visage » de cette opinion dans un
reportage au coeur d'un petit village tchèque. Ce village se
caractérise par sa « prudence » et
« a voté majoritairement oui au référendum
[...] mais sans enthousiasme excessif »186(*). Nous pouvons
déjà souligner que cette représentation de l'opinion
diffère complètement de celle que nous avons analysée dans
les discours du Monde. Ici, c'est plutôt le
« consensus symbolique » dont parlait Laure
Neumayer qui est illustré. Les propos des habitants du village
reflètent également ce manque d'enthousiasme, voire
l'indifférence. Le directeur adjoint de la coopérative
« n'est pas franchement contre l'intégration dans l'UE.
Pas franchement pour non plus ». Le maire a voté oui mais
« ne s'attend pas à bénéficier beaucoup de
l'entrée dans l'UE ». Enfin, Václav,
âgé de 25 ans, a également voté pour
l'intégration mais aucun détail ne précise son opinion.
Malgré les différences d'âge et de statut social, ces trois
personnes ont pour point commun d'avoir dit oui à l'Europe sans
réelle conviction. En outre, elles sont toutes issues d'un milieu rural.
Leur opinion est donc représentative d'une certaine catégorie de
personnes. En effet, les ruraux, les personnes âgées ou encore les
habitants de petites villes ou de régions pauvres sont
généralement plus sceptiques par rapport à
l'intégration européenne187(*).
Sceptiques ou indifférents, l'intégration est
pour eux synonyme de craintes. Par exemple, Václav
« craint » qu'elle ne fasse augmenter les prix,
une préoccupation partagée par la plupart des Tchèques aux
dires des experts. De façon plus générale, c'est la
crainte « de ne pas profiter très vite de
l'adhésion à l'UE »188(*) que souligne le quotidien.
« Les gens commencent à penser que l'adhésion
coûte chère » et ne sont pas sûrs d'en
« percevoir les avantages
économiques »189(*). Cette phrase est la seule qui nous indique de
façon implicite que pour les Tchèques, l'intégration
était synonyme de bénéfices économiques. Enfin, le
maire du village n'attend rien de l'entrée de son pays dans l'UE. Si ces
trois Tchèques ne se montrent pas entièrement réticents
à l'intégration, ils ne sont pas non plus convaincus de ses
bienfaits. Ces quelques éléments nous permettent de souligner le
décalage entre la représentation que propose La Croix de
l'opinion publique tchèque et celles que construisent les autres
quotidiens. Il est le seul journal qui donne la parole à des personnes
peu enthousiastes à l'idée d'intégrer l'UE,
reflétant ainsi l'état d'esprit d'une partie de la population
tchèque. Cependant, le journal n'entend pas non plus donner l'image d'un
peuple réticent ou indifférent à l'élargissement.
D'ailleurs, il précise dans cet article que ce village
« reste à l'écart du mouvement que crée
l'adhésion de la République tchèque à
l'UE ». L'entretien avec un cardinal permet de le
confirmer190(*). Depuis
le début de la campagne pour le référendum, l'Eglise
catholique est favorable à l'intégration. Elle est même
fermement convaincue comme l'illustre la phrase suivante :
« notre pays ne peut ni ne doit rester
isolé ». Contrairement aux habitants du village de V., le
cardinal n'est ni sceptique, ni indifférent et l'intégration est
pour lui synonyme d'attentes qu'il formule explicitement. « Parmi
les principaux changements que nous attendons [...] il y a le fait de devenir
un Etat de droit ». L'entrée dans l'UE est donc
considérée comme un événement important qui devrait
avoir des répercussions sur les pratiques politiques du pays.
b) Un tchèque mécontent
des mesures prises par l'UE
La Croix est le seul quotidien avec Le Figaro
à donner la parole le temps d'un article ou un entretien à
un Tchèque191(*).
Jan Kohout, secrétaire d'Etat aux affaires européennes et premier
vice-ministre des affaires étrangères de la République
tchèque entend démontrer que les craintes économiques des
pays membres ne sont pas fondées. Ce discours rentre donc dans le cadre
des énoncés à visée argumentative
c'est-à-dire des énoncés qui visent à persuader
« soutenue par une intention consciente et offrant des
stratégies programmées à cet
effet »192(*). Effectivement, J. Kouhout a pour volonté
explicite de convaincre son auditoire. Il affirme par exemple :
« notre tâche sera de convaincre ». La
présence de connecteurs logiques dans ses propos atteste aussi de
l'orientation argumentative du discours. Sans analyser de façon
détaillée cet article, nous nous proposons d'interpréter
les types d'arguments mobilisés par J. Kohout pour convaincre les
lecteurs français que leurs craintes sont infondées. Il en
distingue deux : la peur « que leur marché du travail
soit envahi par la main d'oeuvre de l'Est » et la peur
« qu'il y ait afflux de tourisme social ».
La plupart des arguments avancés par l'orateur pour
démythifier ces craintes sont des arguments basés sur la
structure du réel. Dans la typologie de C. Perelman, ce type d'argument
« se bas[e] sur les liaisons qui existent entre des
éléments du réel »193(*). C. Perelman explique que
« dès que des éléments du réels sont
associés l'un à l'autre dans une liaison reconnue, il est
possible de fonder sur elle une argumentation permettant de passer de ce qui
est admis à ce que l'on veut faire admettre »194(*). C. Perelman distingue
plusieurs genres d'arguments relevant de cette catégorie, dont
l'argument pragmatique auquel recourt J. Kohout. Il « permet
d'apprécier le fait par ses conséquences » qui
peuvent être « observées ou prévues,
assurées ou présumées »195(*). C'est notamment ce que fait
le secrétaire d'Etat quand il évoque les prévisions de la
fondation de l'UE pour l'amélioration des conditions de travail et de
vie. Celles-ci prévoient que les migrations vers les pays occidentaux ne
devraient pas concerner plus de 200 000 personnes par an. Ce type
d'argument se caractérise par un fort degré de persuasion car la
preuve apportée est difficilement contestable.
L'irréfutabilité est ici renforcée par l'autorité
de l'institution convoquée.
Un second argument avancé par J. Kohout a retenu notre
attention. Il rappelle que « les périodes de
transition instaurées à l'égard de l'Espagne et du
Portugal [...] n'étaient pas utiles ». Nous sommes ici en
présence d'un autre type argument, « l'argument par
l'exemple ». Il « ne considère pas ce qu'il
évoque comme unique, lié de façon indissociable au
contexte mais recherche à partir du cas particulier la loi ou la
structure qui le révèle ». Il permet aussi parfois
de passer d'un cas particulier à un autre, ce qui est ici le cas. En
recourant à ce type d'argument, J. Kohout affirme que si les
périodes de transition prises au moment de l'entrée dans l'UE du
Portugal et de l'Espagne se sont avérées inutiles, elles sont
aussi inutiles pour la République tchèque. Ces deux types
d'arguments employés par le secrétaire d'Etat aux affaires
européennes, permettent de construire une argumentation proche de la
démonstration, c'est-à-dire d'un raisonnement incontestable qui
permet de prouver de façon quasi scientifique que les craintes des
Français sont infondées. Enfin, La Croix rapporte ce
discours sans aucune modalisation ce qui est une façon de le
légitimer l'argumentation de J. Kohout : les mesures prises par
l'UE sont injustifiées.
5. Libération : des
Tchèques mécontents
Libération consacre un article à
l'opinion publique196(*)
dans lequel il donne la parole à deux jeunes Tchèques
« diplômés et bilingues ». Pavel
et Katerina vivent à Prague et sont issus d'une classe sociale
aisée comme le suggèrent les détails concernant leurs
voyages en Europe et leur mode de vie. Comme Le Figaro, le quotidien
donne donc la parole à des personnes issues d'une certaine
catégorie sociale, susceptible d'être favorables à
l'intégration. Libération évoque
« leur forte attente vis-à-vis de
l'Europe » dans l'encart mais aucun détail ne figure dans
la suite de l'article. Le quotidien se focalise sur le mécontentement et
les craintes des deux jeunes comme l'illustrent les termes suivants :
« sont très remontés »,
« enrage », « autre motif
d'énervement ». Il est intéressant de noter que le
mécontentement de Pavel n'est pas lié à la
réticence des Français vis-à-vis des nouveaux pays
candidats, mais à l'incapacité de la classe politique
tchèque. Celle-ci est exprimée en ces termes :
« gouvernement [...] nul », « les
politiques sont incapables », « personne n'est
foutu. » et elle le conduit à craindre
« l'impréparation du pays ».
Si Pavel est « très
pessimiste », Katerina pense que l'élargissement
« sera très bénéfique » mais
elle ne précise pas sa réponse. En revanche, elle exprime son
mécontentement par rapport à « l'impression
d'atterrir en ligue B de l'UE » et l'impossibilité
d'aller travailler en France ou en Allemagne. Elle qualifie cette mesure
d'« injuste »
et d'« anormale ». Elle énonce donc
une crainte qui est celle de nombreux Tchèques et qui renvoie aux
mesures prises par l'UE. En effet, certains pays membres ont souhaité
limiter temporairement l'accès de leur marché du travail aux
ressortissants des nouveaux entrants.
Tous les propos de Pavel et Katerina sont rapportés au
discours direct parfois même sans verbe introducteur, une façon
pour le quotidien d'accréditer leurs paroles. D'ailleurs, les
dernières lignes de l'article semblent le confirmer notamment en ce qui
concerne les mesures prises par l'UE. En effet, à la critique de Katka
succède la phrase suivante : « eux veulent rester
à Prague de toutes façons ». Cette remarque est
une façon de signifier qu'il n'y a aucune inquiétude à
avoir quant à l'émigration tchèque.
Comme Le Monde, Libération
interrogent des personnes qui ont des connaissances suffisantes pour donner
leur opinion sur l'intégration. Ces jeunes diplômés
connaissent déjà l'Europe, ce qui explique le décalage
avec la représentation construite par La Croix. Si
l'entrée dans l'UE semble être un événement
important, c'est sur les craintes et le mécontentement de ces deux
jeunes Tchèques que le quotidien se focalise.
L'analyse des différents propos rapportés par
les quotidiens nous permet de faire plusieurs remarques quant à la
représentation de l'opinion publique tchèque dans les discours.
Il y a bien une opinion privilégiée par les médias puisque
quasiment tous les Tchèques interrogés sont favorables à
l'intégration, la position la « plus extrême »
étant celle de l'indifférence. Nous pouvons toutefois faire
quelques nuances. Le Monde dépeint une opinion publique
très favorable à l'Europe, peu représentative de la
réalité. Le Figaro et Libération donnent
également la parole à des Tchèques favorables à
l'intégration mais qui ne semblent pas être très
convaincus. Seuls L'Humanité et La Croix
évoquent l'indifférence d'une partie de la population,
rappelant ainsi que la plupart des Tchèques n'avaient pas vraiment
d'opinion sur la question de l'intégration européenne. Par
ailleurs, aucun quotidien ne donne la parole à un Tchèque
anti-européen. Ces remarques nous permettent de dire que finalement, la
représentation de l'opinion publique proposée par les quotidiens
reste relativement consensuelle, peu conforme à la
réalité. Il y a donc une contradiction entre l'opinion publique
sondagière197(*)
et l'opinion publique que nous proposent les quotidiens, qui n'est cependant
pas surprenante. En effet, il est assez difficile au moment où la
République tchèque s'apprête à entrer dans l'UE, de
publier des propos de Tchèques opposés à la construction
communautaire. Cette position serait peu compréhensible pour les
lecteurs français et rendrait plus délicate encore la
« réintégration » de la République
tchèque.
Les
propos rapportés par les quotidiens confirment que tous les
Tchèques n'accordent pas la même importance à
l'intégration. Pour certains, elle est synonyme de craintes tandis que
pour d'autres, ce sont les avantages et les attentes qui dominent. Les
premières sont largement présentes dans les discours avec un
poids différent selon les quotidiens. En effet, pour les Tchèques
interrogés par L'Humanité, La Croix, Libération et Le
Figaro, l'entrée de leur pays dans l'UE est plutôt synonyme de
craintes qui sont peu ou prou identiques à celles que les experts
mentionnaient. Il est intéressant de remarquer que les quotidiens leur
accordent peu d'importance. Excepté La Croix qui offre une tribune au
secrétaire d'Etat aux affaires étrangères pour s'exprimer
sur les craintes françaises, les autres journaux ne rapportent que
quelques phrases. C'est pourquoi, les énoncés à dimension
argumentative se révèlent être majoritaires dans notre
corpus. Les journaux se contentent de laisser les Tchèques exprimer
leurs craintes mais ne leur donnent pas l'occasion de les justifier, de les
argumenter. En effet, il semble délicat de publier des propos critiquant
les décisions prises par l'UE dans la mesure où la France les a
aussi acceptées198(*). Pour
terminer, nous pouvons évoquer les attentes des Tchèques :
peu développées dans les discours, elles sont principalement
liées à la vie politique. Pour les quotidiens,
l'intérêt n'est pas de savoir quels bénéfices les
Tchèques peuvent espérer retirer de l'intégration mais
dans quelles mesures l'entrée de ce pays sera bénéfique
pour l'Europe, une logique que confirme le dernier volet de nos analyses.
B. La
désignation des partis politiques et leur position par rapport à
l'Europe
Un mois après l'entrée officielle de la
République tchèque dans l'UE, les citoyens tchèques se
sont rendus aux urnes pour élire leurs représentants au Parlement
européen (cf. Annexe n°9). Ce scrutin a
été marqué par une très forte abstention puisque
seuls 28% des Tchèques se sont déplacés. Ces
élections ont sanctionné la victoire des deux partis de
l'opposition parlementaire, l'ODS et le PC, dont les programmes étaient
réservés voire opposés à l'intégration dans
l'UE199(*). Le
ÈSSD a subi une lourde défaite qui a entraîné le
départ de son chef, V. ipdla, alors à la tête de la
coalition gouvernementale. Par effet d'entraînement, il a ensuite
démissionné de son poste de Premier ministre, le 26 juin 2004.
A partir des articles consacrés aux élections
européennes et à la chute du gouvernement ipdla, nous nous
proposons de relever les qualificatifs employés par les quotidiens pour
désigner l'ODS et le ÈSSD. Nous prêterons également
attention aux autres partis politiques qui sont mentionnés dans les
discours. Cette analyse nous permettra de comprendre comment les journaux
prennent position par rapport à l'élection d'un parti
eurosceptique au Parlement européen. Nous nous intéresserons
également à ce qui est dit de la conception de
l'intégration européenne défendue par les hommes
politiques tchèques. Enfin, il faudra voir la place que les
médias accordent à la question de l'identité nationale, un
thème récurrent dans l'espace public tchèque.
1. Le Monde
a) Les élections
européennes : un « revers
démocratique »
Le Monde consacre deux articles relativement longs
aux résultats des élections européennes dans lesquels
apparaît à plusieurs reprises la République tchèque.
Le quotidien estime que l'ODS fait partie des « listes
ouvertement eurosceptiques » qui ont recueilli un score
« inattendu »200(*). Plus loin les propos du journal se durcissent
puisqu'il écrit que « les Tchèques ont
envoyé eux aussi de nombreux députés
anti-européens, ce qui va empoisonner la vie de
l'Union »201(*). Le Monde est le seul journal à
souligner l'enjeu d'un tel score aux élections européennes. Il
reconnaît que le vote était, dans la plupart des pays et notamment
en République tchèque, un vote sanction dirigé contre les
gouvernements nationaux. Néanmoins, ce vote « exprime
aussi une suspicion à l'égard d'une Europe dont [les
gouvernements] appliquent les grandes orientations »202(*). Ce vote sanction est donc
source d'inquiétude pour le quotidien qui conclut ainsi :
« ce n'est pas un peuple européen qui s'est exprimé
sur son avenir »203(*). Le Monde pointe du doigt la signification
de ce vote : les enjeux de la construction européenne n'ont pas
mobilisé les citoyens européens. C'est pourquoi, il qualifie ces
élections d'« échec
démocratique », de « revers démocratique
européen »204(*). Enfin, le quotidien se focalise peu sur la
défaite du ÈSSD. Il se contente de mentionner que le parti a subi
« une lourde défaite »205(*). Le Monde ne dit
rien du rôle joué par V. ipdla au cours du processus
d'adhésion de la République tchèque à l'UE. De
plus, aucun adjectif qui permettrait de préciser sa position par rapport
à l'Europe ne figure dans le corpus. C'est donc bien plus
l'élection d'un parti eurosceptique au Parlement européen que la
défaite d'un parti favorable à l'intégration qui fait
réagir le quotidien.
b) Jan Zahradil : un portrait
symbole de la victoire de l'ODS
A la suite des élections européennes, Le
Monde choisit de faire le portrait d'un député de l'ODS, une
façon de symboliser la victoire de ce parti206(*). L'article est relativement
court mais suffit à donner un aperçu de la position de l'ODS par
rapport à l'Europe. Ce député, « chef de
file des eurosceptiques », se désintéresse de la
« construction communautaire dont il est un virulent
adversaire ». Ce n'est donc pas l'euroscepticisme de cet homme
politique que Le Monde met en avant mais son refus de
l'intégration européenne. Cette opposition à la
construction communautaire est renforcée par les éléments
suivants : J. Zahradil est l'« auteur d'un manifeste
`euroréaliste' » dans lequel il se dit favorable au
rattachement de la République tchèque aux Etats-Unis plutôt
qu'à l'UE. En outre, Le Monde souligne les
« relations étroites » qu'il entretient
avec Londres.
Il n'est pas anodin que le quotidien choisisse le chef de file
des eurosceptiques pour faire le portrait d'un eurodéputé. En
effet, Jan Zahradil est le second du parti et figure parmi l'une des personnes
les plus anti-européennes. Ses positions sont très proches de
celles de V. Klaus alors que l'opposition à l'Europe ne fait pas
l'unanimité au sein du parti. Ce choix participe donc de la
représentation de l'ODS, celle d'un parti eurosceptique voire
anti-européen même si le terme n'est pas utilisé par le
quotidien. En outre, les guillemets autour du terme
« euroréaliste » sont une façon pour
Le Monde de mettre à distance le qualificatif qu'emploie l'ODS
pour se définir. Contrairement à ce qu'il prétend, ce
parti n'est pas favorable à l'Europe mais contre la construction
communautaire.
2. L'Humanité
a) Le Parti communiste, un parti
politique de poids sur la scène politique tchèque
L'Humanité ne consacre pas un article
spécifique aux résultats des élections européennes
mais il aborde le sujet un mois auparavant en se basant sur des
pronostics207(*). Un
autre discours nous fournit quelques éléments qui nous permettent
de répondre à nos questions de départ208(*). Ces deux articles ont pour
point commun de mettre en valeur le poids du PC. Dans un premier discours,
L'Humanité souligne les deux
« particularités »209(*) de la scène politique
tchèque également mises en exergue par les politologues. Elle se
caractérise par l'absence d'un « mouvement populiste
fort » en dépit des réformes impopulaires
menées par le gouvernement et un « PC
influent » qui recueille « entre 10% et 20% des
voix ». Nous pouvons remarquer que cette estimation reste
relativement vague. Quelques éléments dans un second
article210(*) nous
permettent d'affiner cette image du PC. Le quotidien nous présente les
différentes formations politiques candidates aux élections
européennes en commençant par le Parti communiste. Ce
détail est assez révélateur de l'importance que
L'Humanité lui confère. Cependant, il faut
préciser que si le PC a un poids politique non négligeable, les
communistes n'ont jamais occupé de postes clés au gouvernement
depuis 1989. Pourtant, les termes employés par le quotidien insistent
sur sa puissance. Il est désigné comme un parti
« fort », « le plus puissant de
toute l'Union », et crédité de
« plus de 20% des voix ». Un suffrage grâce
auquel il « pourrait talonner, voire dépasser les partis
les plus influents de la dernière
décennie »211(*). L'accumulation des superlatifs accentuent la
puissance du PC qui n'est d'ailleurs pas restreinte à la
République tchèque mais envisagée dans l'espace public
européen. Un seul terme est relatif à sa position par rapport
à l'Europe :
« eurosceptique »212(*). Cette désignation
est intéressante car elle ne correspond pas à ce qu'en disent les
experts. En effet, le PC est généralement présenté
comme le parti le plus anti-européen de la République
tchèque même si sa position a légèrement
évolué depuis les années 2000. Ce décalage peut
s'expliquer par l'orientation politique de L'Humanité : ce
n'est pas la vision de l'Europe défendue par le PC qui
l'intéresse mais le poids d'un parti aujourd'hui peu influent dans les
pays d'Europe occidentale.
b) V. Klaus, un nationaliste
eurosceptique
L'ODS semble s'effacer derrière la puissance du PC et
le quotidien nous dit peu de choses sur ce parti et son leader. V. Klaus est
qualifié de « nationaliste »,
« longtemps eurosceptique », il « a
fini par apporter un soutien très modéré au projet
européen »213(*). Le terme
« nationaliste » nous renvoie à la
protection des intérêts nationaux dont V. Klaus se fait le
défenseur et celui
d' « eurosceptique » à sa position
critique à l'égard de l'UE. Plusieurs termes viennent relativiser
ce soutien : « longtemps », « a
fini par » et « très
modéré ». Le quotidien remarque également
que V. Klaus reste « un interlocuteur privilégié
des Etats-Unis et de l'OTAN »214(*). Cette précision
semble signifier l'impossibilité d'adhérer à l'UE tout en
étant proche des Etats-Unis, une position qui est également
soulignée par Le Monde. V. Klaus n'est donc pas
présenté comme un homme politique favorable à l'Europe
mais cette hostilité ne fait l'objet d'aucun commentaire de la part du
quotidien.
L'ODS est quant à lui qualifié de
« mouvement eurosceptique de droite » qui veut
faire reconnaître « les racines chrétiennes de
l'UE » et « s'aligner
systématiquement » avec les Etats-Unis215(*). Nous pouvons noter que le
quotidien ne dit rien de la dialectique identité
nationale/intégration européenne qui constitue pourtant l'un des
axes majeurs de la vision de l'Europe défendue par ce parti. Les deux
éléments retenus par L'Humanité (la dimension
chrétienne qui est effectivement une exigence inscrite dans la charte du
parti et l'alignement sur les Etats Unis) ne sont pas primordiaux dans la
conception de la construction communautaire de l'ODS.
En conclusion, nous pouvons noter l'absence de toute
référence au ÈSSD. Il est uniquement qualifié de
parti de centre gauche et L'Humanité mentionne son
« net recul » prévu aux élections.
Le quotidien reste donc silencieux sur un parti considéré comme
le plus favorable à l'Europe et qui a joué un rôle
important dans le processus d'adhésion. Cette absence est assez
révélatrice : la position des partis politiques
tchèques par rapport à l'intégration n'est pas ce qui
intéresse L'Humanité. Cette remarque est
également valable pour le PC puisque quasiment rien n'est dit de sa
vision de l'Europe.
3. Le Figaro : la défaite du
ÈSSD
Le Figaro consacre un article aux conséquences
de la défaite du ÈSSD aux élections européennes et
non au scrutin en lui-même. La victoire de l'ODS est donc quasiment
occultée. Plusieurs termes figurent dans les discours pour qualifier
cette défaite : « mémorable
défaite »216(*), « débâcle
»217(*),
« la déroute [du] parti »218(*), des termes forts qui
soulignent plus l'enjeu de ce scrutin pour l'avenir du parti que pour la vie
politique européenne. Le Figaro rappelle néanmoins la
« très forte abstention » pour ces
« premières élections européennes de
l'histoire de la République tchèque », une
façon de souligner l'enjeu symbolique de ce scrutin qui n'a pas
mobilisé les citoyens tchèques.
La coalition gouvernementale à laquelle appartenait V.
pidla est qualifiée de
« pro-européenne ». Son leader est
désigné comme « le plus
compétent » des hommes politiques depuis 1989,
« l'homme qui a guidé le pays vers
Bruxelles ». L'entrée de la République
tchèque dans l'UE est donc associée au nom de V. pidla et non
à celui de V. Klaus. Cependant, le quotidien ne donne aucune
précision supplémentaire sur les réformes menées
par V. pidla en vue de l'intégration, préférant se
focaliser sur les raisons de sa démission.
Enfin, comme nous l'avons dit précédemment, la
victoire de l'ODS est quasiment occultée. Le quotidien se contente de
mentionner le probable succès d' « eurosceptiques
tchèques, conservateurs de l'ODS et communistes en
tête »219(*) aux scrutins locaux. Dans l'article du 26 août
2004 portant sur l'investiture du nouveau gouvernement, l'ODS est
qualifié de « grand parti d'opposition d'orientation
conservatrice »220(*). Les qualificatifs
« eurosceptique » et
« conservateur » sont les deux seuls termes qui
figurent dans tout le corpus pour désigner l'ODS. La victoire de ce
parti eurosceptique aux élections européennes ne suscite donc pas
la réaction du journal.
4. La Croix
a) Le ÈSSD, un parti
pro-européen
Contrairement aux autres quotidiens, c'est sur le ÈSSD
et plus précisément V. pidla que se focalise La Croix. A
plusieurs reprises, son soutien en faveur de l'Europe est mis en valeur. Le
quotidien nous dit que V. pidla est « considéré par
beaucoup comme le premier dirigeant véritablement européen du
pays »221(*), l'adverbe
« véritablement » renforçant cette
posture européenne. Nous pouvons cependant remarquer que rien n'est dit
de V. Havel qui fut pourtant le premier homme politique à
défendre l'adhésion de la République tchèque
à l'UE. V. pidla est également qualifié
d' « européen convaincu », qui dirigea
le premier gouvernement totalement
« pro-européen »222(*). Toutefois, là
encore, le quotidien ne va pas plus en avant dans la conception de l'Europe
défendue par cet ancien premier ministre. Aucun détail ne permet
de préciser la façon dont il envisage l'intégration.
Enfin, la « lourde défaite »223(*) de son parti aux
élections européennes est synonyme de
« débâcle »224(*).
b) L'élection de l'ODS, un
« bond en arrière »
V. Klaus et la victoire de son parti aux élections
européennes font l'objet de peu d'attention de la part de La
Croix. Le leader de l'ODS est qualifié de
« nationaliste populiste »225(*), un terme fort qui
diffère de celui employé par les autres quotidiens. Si l'adjectif
« nationaliste » renvoie bien à la défense
des intérêts nationaux, l'adjectif
« populiste » désigne « une attitude
politique qui vise à satisfaire les revendications immédiates du
peuple, sans objectif long terme »226(*). Il est important de
préciser que V. Klaus n'est pas considéré comme un
populiste par les politologues. Les seuls partis désignés comme
tel en République tchèque ont un poids très faible sur la
scène politique227(*).
L'ODS appartient à la droite
« nationaliste » et
« eurosceptique », c'est un parti
« autoritaire [et] anti-européen ». Si
La Croix semble osciller entre les
termes « eurosceptique » et
« anti-européen », les autres discours nous
confirment que V. Klaus est bien considéré par le quotidien comme
un homme politique anti-européen. Par exemple, dans un article relatant
les festivités organisées pour l'intégration dans
l'UE228(*), La Croix
rapporte que l'« ambiance a été
gâchée » par le comportement de V. Klaus. Tous les
termes utilisés pour qualifier son attitude mettent en avant non pas ses
critiques à l'égard de l'UE mais son refus de l'Europe : il
« s'est refusé », il «
déteste » l'Europe, il a
« refusé ». Dans l'article consacré
aux élections européennes, le quotidien explique que la
démission de V. pidla « laisse la voie ouverte aux franges
les plus anti-européennes ». Elle « ouvre
un boulevard aux ambitions de deux formations porteuses de projets politiques
antidémocratiques et anti-européens ». Le terme de
« boulevard » est ici particulièrement
significatif et permet de comprendre pourquoi La Croix assimile la
victoire de l'ODS à un « grand bond en
arrière de la République
tchèque »229(*). De même, l'adjectif
« anti-démocratique » est lourd de
signification et soulève des interrogations quant à l'avenir
politique de la République tchèque.
Pour terminer, nous pouvons mentionner deux autres
éléments repérés dans le corpus. La Croix
rappelle que la participation à ces élections européennes
a été « extrêmement basse »
puisque « seulement 27% des électeurs se sont rendus aux
urnes »230(*). Le quotidien précise que ce taux de
participation rend la lecture des résultats difficile, ce qui est peut
être une façon de relativiser la victoire d'un parti
eurosceptique. De plus, il rappelle les résultats du
référendum d'adhésion en précisant que
« 77% ont dit oui à l'Europe », ce qui
permet également de montrer que les Tchèques ne sont pas
anti-européens. Enfin, La Croix mentionne le score du PC :
arrivé en « seconde position »,
« il retrouve son niveau habituel »231(*). Cette remarque contraste
avec « l'incroyable popularité » dont parle
Libération, et la toute puissance évoquée par
L'Humanité.
5. Libération : le PC est un
spécificité tchèque
Libération ne consacre qu'un seul article
relativement court aux élections européennes232(*). Le traitement
médiatique de cet événement est assez proche de celui de
L'Humanité. En effet, ce que le quotidien
retient de ces élections ce n'est pas la victoire d'un parti
eurosceptique, mais le poids du PC dans la vie politique, « une
spécificité tchèque ». Cette
particularité est mise en valeur dès le titre :
« République tchèque : le rouge fait toujours
recette ». Le PC est un parti « nostalgique de
l'ère stalinienne », « le seul resté
orthodoxe en Europe centrale ». Sa position par rapport à
l'UE est évoquée par un seul mot : le PC est
« très anti-européen ». Nous pouvons
souligner que le terme employé diffère de celui utilisé
par les autres quotidiens. Libération dénonce
ouvertement l'hostilité du PC à l'intégration
européenne. Cependant, il ne s'attarde pas sur cette opposition et
préfère mettre en avant le score du parti aux élections
européennes ; un score qui confirme son « incroyable
popularité ». Dans un autre article consacré
à la fin de la transition post-communiste, Libération
met à nouveau en avant cette spécificité
tchèque : le PC est « unique à l'Est, [il] est
même le second parti du pays »233(*). En associant ces
différentes expressions (« très
anti-européen », «incroyable
popularité »...), le quotidien nous donne
l'impression que la République tchèque est un pays communiste,
anti-européen. Cependant, les résultats du scrutin qui figurent
à la fin de l'article viennent relativiser le poids du PC. En effet, il
arrive en seconde position derrière l'ODS avec dix points d'écart
ce qui n'est pas négligeable. En outre, le taux d'abstention
s'élève à plus de 70% ce qui nuance cette
« incroyable popularité ». La
République tchèque n'est donc pas un pays anti-européen,
la majeure partie des suffrages exprimés s'étant portée
sur un parti eurosceptique : l'ODS.
La victoire de cette formation politique se résume
à une phrase : « grand gagnant, le parti
démocrate civique va grossir le rang des eurosceptiques à
Strasbourg ». Le quotidien ne s'intéresse donc ni
à la victoire d'un parti eurosceptique ni à la défaite du
ÈSSD, simplement qualifiée de « très
sévère camouflet ». Aucun terme ne permet de
préciser la position de V. Klaus par rapport à l'Europe.
Libération se contente d'ajouter que, pour le président,
« la hausse de ses additions au restaurant »
constitue « le principal changement » survenu
depuis l'intégration. Ce constat d'ordre économique nous rappelle
de façon implicite que pour V. Klaus l'intégration était
principalement synonyme d'opportunités économiques ; c'est
donc logiquement sur une question économique qu'il juge à court
terme les bénéfices de l'adhésion. Enfin,
Libération mentionne le « bon score d'une
nouvelle formation libérale et proeuropéenne » qui
constitue « la vraie surprise » de ces
élections. Il est difficile d'interpréter cette expression :
la « vraie surprise » renvoie-t-elle à la
présence sur la scène politique d'un parti proeuropéen ou
souligne-t-elle le bon score d'un parti qui remporte d'ordinaire peu de
suffrages ?
Cette seconde partie de notre analyse nous permet de conclure
sur certaines questions que nous avions posées au préalable. Le
traitement médiatique des élections européennes en
République tchèque nous a permis de repérer des
divergences mais aussi des similitudes entre les quotidiens.
Si le scrutin a bien sanctionné la victoire de l'ODS,
celle-ci n'est pas au coeur de tous les discours médiatiques. Ainsi,
La Croix et Le Figaro se focalisent sur le
ÈSSD, présenté comme un parti pro-européen. Le nom
de cette formation politique et plus précisément celui son
leader, V. ipdla, est associé à l'intégration de la
République tchèque dans l'UE. A l'inverse, L'Humanité,
Libération et Le Monde n'en parlent quasiment pas.
L'Humanité et Libération
préfèrent souligner le poids du PC dans la vie politique
tchèque. Quant à Le Monde, il évoque
principalement la victoire de l'ODS. Les termes auxquels recourent les
quotidiens pour désigner ce parti sont assez révélateurs
de leur prise de position. L'Humanité, Le Figaro et
Libération le considèrent comme un parti eurosceptique
tandis que La Croix et Le Monde sont plus engagés et
le désignent comme un parti anti-européen. Seuls ces deux
quotidiens soulignent les conséquences de l'élection d'une telle
formation politique au Parlement européen. Les autres journaux ne
semblent pas alarmés par la victoire d'un parti eurosceptique.
Cependant, quelques soient les termes utilisés et les
partis privilégiés par les discours, aucun quotidien ne
développe de façon précise les conceptions de la
construction communautaire de ces différents partis. Il n'est donc pas
étonnant que la question de l'identité nationale, pourtant au
coeur des débats dans l'espace public tchèque, n'apparaisse
à aucun moment dans notre corpus. Ce silence concernant la question de
l'identité nationale et plus généralement la vision de
l'Europe défendue par chaque parti politique, s'explique peut-être
par la méconnaissance des quotidiens.
C. Les
« dérives » de la vie politique
Suite à la démission de V. ipdla au poste de
Premier ministre, V. Klaus a désigné S. Gross, un
social-démocrate, pour le remplacer234(*). Cette nomination a donné lieu à des
discours dans presque tous les quotidiens en raison notamment du parcours
atypique de cet homme politique. Il a nous semblé intéressant
d'inclure ces articles dans notre corpus puisqu'ils nous donnent des
éléments sur le fonctionnement du système politique et sur
les pratiques démocratiques. En effet, il est admis que la
République tchèque a achevé sa transition politique et
répond aujourd'hui aux exigences de la démocratie. Cependant, des
dérives existent. La République tchèque doit poursuivre
ses efforts pour lutter contre la corruption et satisfaire complètement
aux exigences d'un régime démocratique.
1. Le Monde : un Premier ministre
dénoncé pour son manque d'intégrité
Le Monde consacre un article à la nomination
de S. Gross235(*), un
discours qui se distingue des autres articles de notre corpus. En effet, le
quotidien constate dans un premier temps la popularité de cet homme
politique : « il est populaire non seulement au sein du parti
social-démocrate mais aussi parmi les citoyens
ordinaires », c'est d'ailleurs « l'homme le plus
populaire ». Cependant, c'est sur la division que produit le
Premier ministre que se focalise le journal, comme l'indique le titre :
« la République tchèque se divise sur la
personnalité du Premier ministre ». Cette idée de
division revient à plusieurs reprises dans l'article : S. Gross
« suscite une profonde division du pays en deux camps de taille
inégale », « il provoque des
réactions tranchées d'adhésion ou de
rejet ». D'un côté, il est « honni
par les intellectuels et le patronat » ; de l'autre, il
« est adulé par le petit peuple dont il est
issu ». La popularité de S. Gross ne fait donc pas
l'unanimité.
Contrairement au Figaro et à
Libération qui se focalisent sur sa carrière politique
pour expliquer cette popularité, Le Monde construit son article
autour de deux thèmes différents : le faible ancrage
idéologique et le manque d'intégrité de cet homme. Le
quotidien signifie ainsi qu'il se place dans le camp de ceux qui
« rejettent » S. Gross. D'ailleurs nous pouvons remarquer
que Le Monde ne consacre qu'un court paragraphe à sa
carrière politique et ne dit rien de ses compétences,
contrairement au Figaro et à Libération. En
effet, S. Gross a « été vite propulsé
à d'importantes fonctions », un passif qui sous-entend
que ces fonctions ne lui ont pas été confiées pour ses
compétences.
Le Monde semble donc se placer du côté
des « détracteurs » de S. Gross qui le
taxent de « populisme ». Il s'appuie sur les
propos d'un politologue, rapportés au discours direct : S. Gross
« est surtout un technicien du pouvoir sans profond ancrage
idéologique », une façon de signifier que la
popularité dont il fait l'objet n'est pas liée à ses
convictions politiques. D'autres éléments confirment ce faible
ancrage idéologique. Le Monde parle d'une
« imposante campagne de charme » pour les
élections législatives et J. Pehe, politologue, souligne que S.
Gross « recherche avant tout des solutions pragmatiques et de
compromis qui déplaisent à un minimum de gens ».
Enfin, il « s'est imposé comme un homme
providentiel » aux élections européennes. Le
Monde termine l'article en insistant sur les divers reproches
adressés au Premier ministre notamment celui de recruter
« ses collaborateurs parmi les policiers et cadres moyens de
l'ancien régime communiste ».
Si Le Monde ne fait pas directement allusion à
la compromission de S. Gross, le portrait qu'il brosse de cet homme politique
suffit à nous donner une certaine image du système politique et
des pratiques démocratiques en République tchèque.
Toutefois, le journal se révèle moins pessimiste que les autres
quotidiens : la division que suscite S. Gross signifie bien qu'une partie
du peuple tchèque entend faire respecter les valeurs de la
démocratie.
2. Le Figaro
a) La corruption, un fait tangible
ancré dans les comportements
Dans l'article intitulé « L'insoutenable
légèreté des Tchèques »236(*), Le Figaro
évoque « la graine de la corruption [...] [qui] a
germé dans les entrailles du communisme ». La
corruption est donc présentée comme un
« héritage » du régime politique
précédent dont les Tchèques ne se
« débarasser[ont] pas du jour au
lendemain ». Les propos de J. Sverak le confirme :
« nous allons encore la traîner comme un
boulet ». Alors que Le Figaro se contente de faire un
constat et de pointer du doigt l'une des dérives de la vie politique, J.
Sverak avance une explication : « sous le communisme on
considérait naturel de voler ». Pessimiste, il souligne
l'impossibilité de changer « du jour au
lendemain » certaines traditions et certains comportements.
Cependant, il précise que « les mentalités peuvent
évoluer en montrant de plus en plus d'exemples de réussites
sociales réalisées de façon honnête »
ce que, pour l'instant, l'ascension de S. Gross semble démentir.
Dans l'article consacré à la démission de
V. ipdla, celui-ci est présenté comme le chef qui était
« peut-être le plus
intègre »237(*) que la République tchèque ait connu
depuis la révolution de velours. Cette précision
révèle bien que la corruption est un fait tangible en
République tchèque cependant, Le Figaro ne s'attarde pas
plus sur cette question.
b) L'ascension d'un homme politique
« corrompu »
Deux discours reviennent sur la carrière politique de
S. Gross et brossent son portrait. Le Figaro fait d'abord allusion
à sa compromission pour ensuite souligner sa popularité :
« malgré ses implications dans quelques scandales
financiers mineurs, l'image dont jouit cet homme politique au visage d'enfant
auprès de ses concitoyens ne s'est jamais ternie ». Alors
que sa compromission est relativisée
(« malgré »,
« mineurs »), sa popularité est
valorisée (« jouit »,
« jamais ternie »). La corruption ne semble pas
affecter la popularité de cet homme politique, un constat
renforcé par la locution « jamais ». Vient
ensuite le portrait de S. Gross dans lequel le quotidien se focalise sur
sa popularité, sa jeunesse et ses compétences. Il est en effet,
« le héros du feuilleton de
l'été », « l'homme le plus populaire
de la République tchèque ». Cette
popularité est d'autant plus surprenante que S. Gross est
« âgé de 34 ans seulement »238(*). Différentes
expressions mettent en valeur cette jeunesse : « homme au visage
d'enfant »239(*), « jeune dauphin »,
« enfant prodige » (à deux reprises) et
« jeune premier de la politique
tchèque »240(*). Ce jeune âge ne l'empêche pas d'avoir
déjà à son actif une carrière politique
relativement longue comme le soulignent les phrases suivantes :
« il fut propulsé dès son plus jeune âge sur
le devant de la scène »241(*) et « malgré son jeune
âge, il aura 35 ans en octobre, le plus jeune ministre tchèque de
tous les temps [...] à déjà quinze ans de politique
derrière lui »242(*). Enfin ses compétences sont
évoquées à plusieurs reprises : S. Gross est un homme
« ambitieux », à « l'ambition
débordante »243(*). Habile, il a su « tirer son
épingle du jeu à plusieurs reprises »244(*). Il a également du
« savoir-faire » et des
« talents de négociateurs ».
Si la corruption en République tchèque est un
phénomène bien identifié par Le Figaro, elle est
néanmoins relativisée dans le portrait de S. Gross. Cette
description de la carrière politique d'un homme corrompu contribue
à donner une certaine image de la vie politique tchèque : la
popularité passant avant l'intégrité.
3. La Croix
a) L'ODS, un parti corrompu
Dans un article consacré à la situation
économique et sociale de la République tchèque, La
Croix revient sur les gouvernements de l'ODS et du ÈSSD dans les
années 90. La période du gouvernement de V. Klaus est
associé aux « scandales financiers » et
à « la privatisation par coupons » qui a
permis aux « gens proches du pouvoir » de se
« remplir les poches »245(*). Il faut rappeler que la
privatisation par coupons246(*) a donné lieu au principal scandale financier
lié au gouvernement de V. Klaus et au financement occulte de son parti.
Il est intéressant de noter que La Croix associe l'ODS à
ce scandale, mais ne dit rien des réformes économiques
impulsées par le gouvernement Klaus qui ont permis de mener à
bien la transition économique. A cette disqualification de l'ODS
répond la valorisation de l'action des gouvernements
sociaux-démocrates qui lui ont succédé. Ils ont
« entamé une lutte spectaculaire contre la
corruption »247(*), le qualificatif de
« spectaculaire » venant renforcer les mesures
prises par le gouvernement. C'est donc bien la question de la corruption qui
est mise au coeur de la vie politique tchèque. Cependant, au lieu de
stigmatiser la République tchèque comme un pays corrompu, La
Croix souligne les efforts mis en oeuvre pour enrayer ce fléau.
b) L'éligibilité d'un
parti corrompu aux élections européennes
En présentant les résultats des élections
européennes, La Croix mentionne un parti dont les autres
quotidiens ne parlent pas. L'intérêt qu'il porte à cette
formation politique n'est pas lié à ses positions
idéologiques mais au manque d'intégrité du dirigeant de
cette liste. En effet, il est « poursuivi par la justice dans
différentes affaires, il est soupçonné d'avoir voulu se
faire élire pour obtenir l'immunité parlementaire
européenne ». Le quotidien n'émet pas de jugement
de valeur mais poursuit en concluant : « il a réussi
largement son pari en franchissant haut la main la barre des
5% »248(*). La Croix pointe du doigt l'une des
dérives de la vie politique tchèque : l'élection de partis
corrompus, une façon de dire que la culture démocratique ne s'est
pas encore enracinée dans la société tchèque.
c) La défaite de V. ipdla, un
chef intègre
V. ipdla est qualifié par La Croix de
« chef très intègre »249(*), une désignation qui
fait écho à l'article précédent et à la
lutte contre la corruption entreprise par cet homme politique. Viennent ensuite
les qualificatifs « démocratique » et
« européen » qui s'opposent au terme
« anti-démocratique » désignant
l'ODS. La défaite de V. ipdla est également un
événement qui permet de souligner la corruption ambiante qui
règne dans la sphère politique. En effet, contrairement aux
autres quotidiens qui présente sa défaite aux élections
européennes comme la cause de sa démission, La Croix
propose une autre explication. Le journal donne la parole à un
politologue qui « affirme » qu'« il
était depuis des mois la cible de toute la vieille garde de son parti,
des anciens communistes, des corrompus qui n'en pouvaient plus d'être
contraints de mettre un terme au clientélisme qui valait jusqu'ici dans
la vie politique »250(*). V. ipdla est donc présenté comme la
cible d'hommes politiques qui refusaient d'accepter les mesures mises en place
pour lutter contre la corruption.
Pour conclure, nous pouvons signaler que La Croix est
le seul quotidien qui ne consacre aucun article à l'ascension de S.
Gross, un choix compréhensible étant donné les valeurs de
ce journal. Ne pouvant nier que la corruption existe dans la vie politique
tchèque, il préfère toutefois mettre en avant les efforts
déployés pour lutter contre ce fléau et signifier ainsi
que la République tchèque tend à devenir un pays qui
répond aux exigences d'un régime démocratique.
4. Libération : S. Gross, un
homme politique compétent
L'ascension de S. Gross fait l'objet d'un article
entier251(*) dans
Libération. Ce discours fournit différentes indications
qui permettent de conclure sur la façon dont le quotidien aborde le
thème de la corruption et plus généralement des pratiques
démocratiques en République tchèque. Contrairement
à ce que suggère l'encart, le discours de Libération
ne se focalise pas sur la viabilité de la coalition gouvernementale
dont S. Gross prend la tête mais sur son ascension en politique. Cette
ascension est qualifiée
d' « irrésistible ». Contrairement
à La Croix, le quotidien ne s'attarde pas sur la
corruption comme le suggère la phrase suivante :
« malgré son implication dans diverses affaires
financières mineures, ce jeune père de deux petites filles est
l'homme politique le plus populaire du pays ». Comme Le
Figaro, Libération minimise la compromission du futur
Premier ministre et se focalise sur son parcours professionnel. Nous pouvons
faire plusieurs remarques sur ce portrait. Les expressions temporelles qui
rythment la description de cette carrière politique produisent un effet
d'accumulation qui met en valeur les nombreux postes occupés par S.
Gross. Par exemple nous trouvons les expressions suivantes :
« au milieu des années 90 »,
« dès le début de sa carrière
politique », « en avril 2000 »,
« le mois dernier »... L'énumération
de toutes les étapes de sa carrière politique ne fait que
refléter « l'irrésistible
ascension » dont parle Libération. Les deux
phrases qui ouvrent et closent le portrait participent aussi de cette mise en
valeur : « il finit son service militaire après une
formation de cheminot » / « il dirige une
coalition ». Cette ascension dans le monde politique se double
d'une ascension sociale. En effet, plusieurs indications nous
révèlent que S. Gross n'était pas issu d'un milieu
aisé : « formation de
cheminot », « jeune conducteur de
locomotive ».
Tout au long de ce portrait, le quotidien met en avant les
compétences de cet homme politique. Des compétences à la
fois relationnelles : « il a su se faire des
amis », de négociation : « talents de
négociateurs et de communicateur que personne aujourd'hui ne lui
conteste ». Il est également habile (« il a
su tirer son épingle du jeu ») et ambitieux
(« jeune homme ambitieux »). Le quotidien
conclut : c'est un « surdoué de la
politique ». Enfin, sa jeunesse est à plusieurs reprises
soulignée. Finalement, sa compromission dans des scandales financiers
évoquée au début de l'article s'efface derrière
l'énumération de ses qualités et de ses
compétences. A travers ce portrait, Libération donne une
image particulière de la vie politique tchèque : peu importe
la compromission, le talent et les compétences suffisent à gravir
les échelons. Pour être reconnu, il suffit d'être populaire.
La corruption n'est donc pas un élément sur lequel
Libération juge utile de s'attarder. Cela permet de comprendre
pourquoi il ne mentionne pas les scandales financiers liés au
gouvernement de l'ODS. De même, il attribue la démission de V.
ipdla au manque de soutien de son parti sans rien dire de sa lutte contre la
corruption qui ne faisait pas l'unanimité.
L'Humanité est le seul quotidien que nous
n'avons pas évoqué car il ne dit rien de la vie politique
tchèque et de la formation du nouveau gouvernement suite à la
démission de V. ipdla. La thématique de la corruption
apparaît de façon plus ou moins précise dans tous les
discours consacrés à la formation du gouvernement de S. Gross.
Seul La Croix semble s'indigner de l'éligibilité d'un
parti corrompu aux élections européennes, une position qui
s'explique par l'orientation catholique du journal. Contraire à
l'éthique et à l'honnêteté, la compromission d'un
homme politique ne peut être tolérée.
Le Figaro et Libération relativisent
le phénomène de la corruption pourtant tangible et insistent sur
la popularité de S. Gross. Le portrait que ces deux journaux brossent de
cet homme politique nous renvoie aux pratiques politiques en République
tchèque. La popularité qui peut être définie comme
le « fait d'être connu, aimé du plus grand
nombre »252(*) semble être au coeur du système
démocratique. Dans un ouvrage consacré à l'histoire des
pays de l'Est, Jean-François Soulet rappelle effectivement que l'opinion
est-européenne a longtemps été soumise au culte de la
personnalité. Selon lui, cela explique pourquoi elle se montre sensible
au charisme des hommes politiques253(*). Plus critique, un journaliste du Lidové
Noviny écrivait en 1998 que les hauts dignitaires de l'Etat sont souvent
perçus comme des « dirigeant[s] de la nation, [des]
prophète[s] ou dans le meilleur des cas, comme [des] monarque[s]
paternaliste[s] ». Il qualifie cette « perception
[de] primaire, prédémocratique et
immature »254(*). Sans aller aussi loin et reléguer la
République tchèque à une ère
prédémocratique, nous pouvons interpréter les articles du
Figaro et de Libération comme un constat : les
pratiques démocratiques résultent d'un apprentissage que le
peuple tchèque n'a pas encore terminé.
Le Monde se veut plus optimiste. Il souligne que la
popularité de S. Gross ne fait pas l'objet d'un consensus, une
façon de dire qu'une partie du peuple tchèque dispose d'une
culture politique suffisante pour se forger une opinion qui ne dépend
pas uniquement du charisme d'un homme politique.
Il est difficile d'expliquer pourquoi les quotidiens
relativisent la corruption, un phénomène pourtant pointé
du doigt à plusieurs reprises par la Commission européenne.
Ancrée dans les comportements, elle rappelle que les pratiques
démocratiques ne peuvent s'enraciner dans la société que
dans le temps long. Au moment où la République tchèque
entre dans l'UE, il est sûrement délicat de le présenter
comme un pays corrompu.
III. La dimension
économique et sociale
Le dernier volet de nos analyses est consacré à
la dimension économique et sociale de la République
tchèque, un aspect qui s'est révélé être
majoritaire dans les discours. La transition à une économie de
marché viable était l'une des exigences à satisfaire pour
intégrer l'UE. Au cours du processus d'adhésion, des rapports
annuels de la Commission européenne ont sanctionné les
avancées du pays et les défis à relever. En 2001, la
Commission a reconnu que la République tchèque était
« une économie de marché
viable »255(*). Parmi les derniers rapports rédigés,
celui de la délégation de l'assemblée nationale pour l'UE
sur l'adhésion à la République tchèque a
considéré que ce pays était l' « un des
[...] mieux armés pour entrer dans l'UE »256(*). Les conditions
économiques étaient donc jugées favorables pour permettre
l'intégration de la République tchèque dans l'UE.
L'entrée officielle dans l'UE symbolise la fin de la
transition post-communiste, plus précisément, elle constitue une
sanction257(*) positive
des réformes économiques menées au cours du processus
d'adhésion. C'est pourquoi, nous pouvons interpréter les discours
médiatiques abordant la situation économique et sociale de la
République tchèque comme une sanction de la transition
économique et sociale. Les indicateurs économiques du pays
sont-ils assez performants pour que la République tchèque soit
capable de faire face à la concurrence et à la
compétitivité des autres pays membres ? Le système de
protection sociale est-il assez solide pour garantir un niveau de vie
décent aux citoyens tchèques ? L'analyse nous permettra de
comprendre comment les quotidiens jugent la situation économique et
sociale de ce pays, au moment de son entrée dans l'UE. En outre, il
faudra s'interroger sur la signification de la sanction opérée
par les journaux.
A. Le Monde :
une économie intégré
1. La République tchèque,
un pays intégré à l'économie mondiale
L'article intitulé « La nouvelle Europe des
investissements se dessine »258(*) ne traite pas spécifiquement de la
République tchèque mais nous fournit néanmoins quelques
éléments sur son degré d'intégration dans le
commerce mondial. Le quotidien juge que la République tchèque est
un pays attractif pour les investisseurs étrangers, « une
locomotive en matière d'investissement ». Depuis 2002,
cette attractivité semble diminuer puisque le « nombre de
nouvelles implantations internationales a baissé de 8% ».
Le Monde se contente de constater cette baisse qui ne donne lieu
à aucun jugement de valeur sur la situation économique.
D'ailleurs, le quotidien cite également les performances des autres pays
candidats en terme d'investissements étrangers. En Hongrie, ils ont
chuté de 16% et en Pologne de 23%. Ces chiffres permettent de
relativiser la baisse des investissements en République tchèque
qui reste donc un pays attractif.
Enfin, Le Monde précise que les pays de l'Est
sont généralement « choisis pour la faiblesse de
leurs charges et des coûts salariaux » mais ne donne
aucune indication supplémentaire. Les propos d'un expert closent le
discours : « c'est la nouvelle Europe des investissements
qui se dessine [...]. L'Europe élargie permet d'offrir aux investisseurs
une palette plus vaste de possibilités même si les
délocalisations touchent durement certains territoires
occidentaux ». Le verbe qui introduit cette citation est neutre
et ne nous permet pas de définir la position du Monde.
Cependant, en donnant la parole à un énonciateur second à
la fin de l'article, c'est son opinion que le quotidien nous donne. Il
relativise le phénomène des délocalisations par
l'intermédiaire d'un expert. La nouvelle géographie
économique résulte des opportunités proposées aux
investisseurs et dans une logique économique, c'est la
rationalité qui prévaut.
2. La culture, un secteur
économique qui « résiste »
Dans l'article intitulé « Le petit
cinéma tchèque, seul parmi les dix à résister
encore à Hollywood »259(*), Le Monde se focalise sur un secteur
économique particulier : celui de la culture. Au vu de nos
premières analyses, il peut sembler étonnant que le quotidien
choisisse un tel thème pour aborder la question de l'intégration
de la République tchèque dans l'espace économique
européen. Le statut du journaliste permet de lever cette
ambiguïté : d'origine tchèque, il n'est pas surprenant
que l'entrée dans l'UE soit pour lui associée à la
question de la culture. Son rôle a été fondamental dans la
constitution de l'identité nationale et elle a, encore aujourd'hui, une
place importante dans la vie quotidienne des Tchèques.
Contrairement à l'article précédent qui
illustrait l'intégration économique de la République
tchèque dans le commerce mondial, il est ici question de
« résistance », comme le suggère le
titre : « petit cinéma tchèque, seul parmi les
dix à résister encore à Hollywood ». Le
contraste entre le « petit » pays et le poids de
Hollywood souligne la difficulté à résister. Plus loin,
nous pouvons lire que les Tchèques « résistent au
déferlement de films hollywoodiens ».
Cette résistance n'est pas synonyme de protectionnisme
mais illustre l'attachement des Tchèques à leur cinéma.
Le Monde les qualifie de « grands
cinéphiles ». Ils sont « attachés
à leurs acteurs populaires, à cet humour proprement
tchèque et [à] une esthétique de la beauté du
marginal ». Cet attachement permet de comprendre pourquoi
« ils plébiscitent les films nationaux » et
non les films américains. A cet égard, les chiffres
avancés par Le Monde sont assez significatifs : alors que
le cinéma américain détient 90% des parts de marché
dans les pays d'Europe de l'Est, ce chiffre « n'a jamais
dépassé la barre des 70% de part de
marché » en République tchèque. La part du
cinéma français et européen est, elle aussi,
dérisoire : elle oscille entre 4 et 7%. Un dernier exemple permet
d'illustrer l'attachement des Tchèques à leur cinéma : le
dernier film tchèque en tête du box office a fait plus d'un
million d'entrées « devançant Harry Potter et le
Seigneur des anneaux ».
Le journal ne stigmatise pas cette faible ouverture du
marché cinématographique tchèque. Il constate seulement
que les coproductions internationales sont « encore rares dans le
cinéma tchèque ». Néanmoins,
l'harmonisation des conditions de production avec les normes européennes
devrait permettre d'y remédier. La sanction n'est donc nullement
négative et Le Monde nous rappelle l'importance de la culture
pour les Tchèques.
3. Les délocalisations, un
processus inhérent dans une économie mondialisée
Le dernier article qui à trait au caractère
économique de l'élargissement a pour objet la
délocalisation d'une usine en République tchèque260(*). Le thème de ce
discours converge donc avec l'une des craintes de l'opinion publique
française : la délocalisation massive vers les pays de
l'Est.
L'usine Snappon a décidé de délocaliser
sa production pour diminuer les coûts, une délocalisation que le
quotidien qualifie de « déménagement
spectaculaire ». Cet événement est
« un feuilleton social » dont le journal nous
relate les différentes étapes. Plusieurs dates scandent le
récit et témoignent de la longueur de
l'événement : « mars »,
« 30 juin », « la
délocalisation est annoncée », « le
15-16 juin » une première tentative a lieu pour
déménager l'outil de production, le « 28
juillet » les ouvriers sont exclus de l'usine... L'article est
en réalité un dialogue entre le juge des
référés et l'avocat des salariés dans lequel Le
Monde ne s'implique pas. Le juge des référés
« ordonne », le jugement
« prévoyait » tandis que l'avocat des
salariés « constatait » et
« déplore » que les salariés ne
puissent pas être réintégrés dans leur emploi. Ce
dernier terme est un aveu d'impuissance. Le journal semble s'effacer
derrière ces propos échangés par les deux protagonistes.
D'ailleurs, nous pouvons noter que tous sont rapportés au discours
direct dans leur quasi intégralité ce qui tend d'autant plus
à exclure le quotidien du dialogue. Enfin, il faut remarquer que le
journal se contente de donner la parole aux représentants d'institutions
juridiques. A aucun moment un salarié ou à un responsable
syndical n'est convoqué pour témoigner. Le Monde
mentionne donc cet événement dans une perspective juridique sans
prendre position sur la légitimité de cette délocalisation
et son coût social. Peut-être cette neutralité du journal
est-elle synonyme de constat : la délocalisation est un processus
normal dans une économie mondialisée qui ne doit pas donner lieu
à débat. Toutefois, le fait même de consacrer un article
à ce thème peut contribuer à renforcer les craintes de
l'opinion publique française que nous avons identifiées dans
notre première partie.
B.
L'Humanité : l'économie tchèque, une économie
fragile
Les discours de L'Humanité présentent
la République tchèque comme un pays intégré
économiquement dans l'UE, dont le principal partenaire est l'Allemagne.
L'expression « le plus riche des pays de
l'Est »261(*) semble signifier que la situation économique
du pays est satisfaisante. Néanmoins, le journal nuance cette sanction
dans le reste de l'article en s'appuyant sur différents indicateurs
macro-économiques. Par exemple, il précise que les
investissements directs à l'étranger sont en baisse. La
République tchèque est « de moins en moins
attractive » et les investisseurs se tournent vers des pays
à la main d'oeuvre moins coûteuse. Depuis 2002, « la
tendance serait plutôt au rapatriement des dividendes »
dans les pays occidentaux. Ce manque d'attractivité de la
République tchèque, associé aux
« difficultés » avec l'Allemagne, a
entraîné une baisse la croissance qui « s'est
considérablement ralentie ». Parallèlement, le
« déficit public a explosé » et le
chômage est « en hausse ». Le quotidien
précise qu'il « touche presque 11% de la
population »262(*). Cette situation économique n'est pas assez
solide pour adopter la monnaie unique. Le journal conclut donc :
« l'adhésion à l'euro n'est pas envisagé
avant 2010 ».
Ce cadrage économique de la République
tchèque appelle plusieurs remarques. Le quotidien ne dit rien de la
transition et de toutes les réformes mises en oeuvre par le pays pour
répondre aux exigences européennes en terme d'économie de
marché. En outre, les termes employés sont tous
dépréciatifs et parfois renforcés par des adverbes
(« considérablement ») ou des comparatifs
d'infériorité (« de moins en
moins »). La sanction n'en est que plus forte. Enfin,
L'Humanité s'appuie sur des chiffres de 2004 sans
établir de comparaison avec les performances économiques des
années précédentes ce qui, d'un point de vue
économique, est peu significatif. De même, les indicateurs
présentés ne sont pas mis en parallèle avec les
performances des autres pays membres, ce qui donne un aperçu
« biaisé » de la situation. Cet exemple est assez
révélateur de la façon dont un quotidien peut utiliser les
chiffres. Les différents indicateurs présentés
permettent de pointer du doigt le ralentissement de l'économie
tchèque ainsi que ses difficultés. Comparé aux autres pays
candidats, la République tchèque est un pays riche
néanmoins, cela ne suffit pas à sanctionner de façon
positive sa transition économique.
L'Humanité procède de la même
façon pour présenter la situation sociale du pays. Il
énumère les différentes mesures prises par le
gouvernement, des mesures qualifiées de « très
impopulaires »263(*) « qui mécontentent une grande
partie de la population »264(*). Le terme
« impopulaires » révèle bien la
sanction que porte une nouvelle fois le quotidien. L'énumération
produit un effet d'accumulation et tend à accentuer les
difficultés du pays. Là encore, rien n'est dit des mesures prises
par les différents gouvernements au cours du processus d'adhésion
qui ont permis d'améliorer le système de protection sociale
tchèque.
A l'heure de l'entrée dans l'UE, c'est un pays
économiquement faible, avec des difficultés économiques et
sociales que nous dépeint L'Humanité. Cette sanction
négative est peut être une façon de souligner que
l'intégration de la République tchèque ne sera pas
bénéfique pour l'UE, du moins au plan économique. En
outre, elle peut contribuer à renforcer les craintes de l'opinion
publique française. En effet, il faut rappeler que les Français
craignent que les Tchèques « envahissent » leur
marché du travail mais aussi émigrent pour
bénéficier de meilleures conditions de vie. La situation du pays
telle que la présente L'Humanité peut donc difficilement
démythifier ces craintes.
C. Le Figaro :
une sanction ambiguë
1. La République tchèque,
un pays au faible niveau de vie
Deux articles du Figaro nous permettent de comprendre
la sanction que le quotidien porte sur la transition de la République
tchèque. Un reportage265(*) dans la ville de Prague laisse penser que
l'économie tchèque est bien une économie de marché.
Les impacts du capitalisme et de l'occidentalisation sont visibles dans les
rues praguoises : les salles de fitness « se
multiplient », de nombreux centres commerciaux sont apparus et
la capitale comptent huit multiplexes. Diverses enseignes françaises
sont présentes dans ces centres commerciaux, signe de l'ouverture du
marché. Ces évolutions sont tangibles et poussent le quotidien
à se demander si « le plus intellectuel des pays de cette
Autre Europe[ne] serait pas devenu l'Amérique de
l'Est ? ». Cette comparaison est en soi
révélatrice des changements qui ont affecté les villes
tchèques depuis les années 90. Cependant, cette
« frénésie consumériste »
n'est pour le quotidien qu'« apparente ». La
République tchèque demeure en réalité un pays
pauvre dans lequel « rien n'est plus banal que le
malheur ».
Le Figaro procède de la même
façon que L'Humanité : la sanction apparemment
positive laisse place à une description stigmatisante de la situation
économique et sociale du pays. Contrairement à
L'Humanité, le quotidien ne recourt pas à des
indicateurs macro-économiques mais se focalise sur le niveau de vie. Il
insiste sur la faiblesse du salaire et des retraites dont le montant
n'excède pas les 550 euros et les 150 euros par mois. Dans ces
conditions, c'est sur la solidarité familiale qu'il faut compter pour
« survivre ». Le journal ajoute que
« la classe moyenne frôle ici la
pauvreté », ce qui laisse penser qu'une large partie des
ménages tchèques est concernée. D'autres
éléments permettent au quotidien d'insister sur la
précarité du niveau de vie : seulement ¼ des personnes
est équipée en informatique et 9% des ménages
possèdent un lave-vaisselle. Ces détails sont donnés par
deux experts, un sociologue de l'Institut de sociologie de Prague et la vice
doyenne de l'Université d'économie de Prague, dont le statut ne
peut que contribuer à renforcer les propos du journal. Ces
précisions ne sont pas anodines pour les lecteurs français car
elles leur permettent de comparer le niveau vie en République
tchèque au leur. Enfin, nous pouvons faire la même remarque que
pour L'Humanité, quant à l'utilisation des
données chiffrées. Les salaires mentionnés ne sont pas
rapportés au niveau de vie ce qui est ne permet pas vraiment de rendre
compte du niveau de pauvreté266(*) et donne une vision faussée de la situation
sociale des Tchèques.
2. Une transition économique
réussie
Un second article sanctionne la situation économique de
la République tchèque au moment de son entrée dans l'UE
mais cette fois-ci de façon positive267(*). Un expert rappelle qu'après la chute du
communisme, les pays d'Europe centrale ont mis en place des réformes
pour passer d'une économie collectiviste à une économie de
marché, optant pour la méthode gradualiste ou la thérapie
de choc. En République tchèque, le gouvernement Klaus a choisi la
seconde alternative. Le journaliste ne revient pas sur les différentes
mesures prises pendant cette période de transition mais se contente de
juger le résultat. Au moment d'entrer dans l'UE, « le
constat est implacable », autrement dit la sanction est sans
appel : les pays qui ont opté pour la thérapie de choc
« ont aujourd'hui une économie beaucoup plus saine que
celles des autres pays ». La sanction est donc positive comme le
confirment les différents indicateurs macro-économiques
cités ensuite. Le taux d'inflation n'est que de 4%, le taux de
chômage s'élève à 8,9% et une
« véritable classe moyenne est apparue ».
En termes de compétitivité, le journaliste insiste sur
« l'extraordinaire flexibilité du marché du
travail » et précise que la République
tchèque « est devenu[e] le pays
préféré des investisseurs ».
L'économie tchèque est donc stable, compétitive et
attractive pour les investisseurs étrangers. Afin d'accentuer encore ces
atouts, il qualifie les pays qui ont opté pour la méthode
gradualiste de « mauvais élèves ».
Contrairement à L'Humanité, le procédé de
l'énumération auquel recourt le journaliste permet de mettre en
valeur les points forts de l'économie tchèque.
Au plan social, la sanction est également positive
même si le quotidien reconnaît que la République
tchèque doit faire face à certaines difficultés notamment
en ce qui concerne le régime des retraites. Elle fait partie des pays
qui « ont mis en place un système de capitalisation et ont
relevé l'âge de départ à la
retraite ». Contrairement à L'Humanité
qui pointe du doigt l'augmentation de l'âge du départ à la
retraite, le journaliste l'envisage ici comme une mesure nécessaire
à l'amélioration du système de protection sociale. Enfin,
le mode de développement économique qui est celui de la
République tchèque aujourd'hui se caractérise par le
« recul de l'Etat » et l'« ouverture
rapide à la concurrence », deux
spécificités qui sont celles de toute économie de
marché.
Au moment d'intégrer l'UE, les résultats de la
transition économique et sociale de la République tchèque
sont donc jugés plus que satisfaisants. Cette sanction positive
contraste avec l'article précédent qui pointait du doigt le
faible niveau de vie et donc les différences d'avec la
société française. Cette polyphonie discursive s'explique
par le statut du journaliste : chargé d'études à
l'IFRAP (Institut de recherche sur les administrations publiques) et
rédacteur en chef de la revue Société civile, il
semble être plus compétent pour aborder ce sujet. Le
Figaro se contente de dépeindre la situation sociale à
partir de quelques indicateurs décontextualisés.
D. La Croix :
une transition pas encore achevée
1. L'économie tchèque, une
« économie de marché » qui poursuit ses
efforts
La Croix consacre plusieurs articles à
l'économie tchèque que nous analyserons séparément
car ils renvoient chacun à un aspect spécifique. Dans l'article
intitulé « La révolution économique
tchèque n'est pas de velours. Les Tchèques craignent de ne pas
profiter très vite de l'adhésion à
l'UE »268(*),
le quotidien présente la République tchèque comme un pays
intégré à l'espace économique européen. Elle
« réalise déjà 70% de ses exportations vers
les pays de l'Union ». En outre, La Croix
précise que « son économie est ouverte
à la concurrence ». Le quotidien s'attarde notamment sur
les investissements étrangers dont bénéficie la
République tchèque, signe de son ouverture économique.
C'est un pays « très prisé des investisseurs
étrangers ». Investir en République tchèque
est presque synonyme de lutte comme l'illustrent les termes
suivants : « avoir la part du lion »,
« disputent », « seconde
place » ; une lutte dans laquelle sont engagées
l'Allemagne, premier partenaire économique, la France et l'Autriche.
Afin d'insister encore sur l'attractivité du pays, le quotidien avance
un chiffre : les investissements étrangers ont rapporté 38
milliards d'euros en dix ans. Contrairement à
L'Humanité, La Croix ne fait aucune allusion à
une éventuelle baisse des investissements. Elle considère donc la
République tchèque comme un pays compétitif,
intégré dans l'espace économique européen et
attractif pour les pays membres, une sanction qui rejoint celle des experts
économiques269(*).
Le quotidien évoque rapidement les différentes
réformes mises en oeuvre dans les années 90 pour permettre le
passage à l'économie de marché. Les résultats sont
incontestables et la sanction du journal explicite :
« aujourd'hui, le pays obéit davantage aux règles
du marché ». Si l'adverbe
« davantage » vient nuancer la sanction qui n'est
pas entièrement positive, La Croix ne dénonce pas pour
autant les « défaillances » de l'économie
tchèque. Au contraire, les efforts poursuivis par l'Etat pour tendre
vers une économie de marché viable sont mis en avant par le
quotidien. Le gouvernement ipdla « s'efforce de remédier
aux maux qui entravent encore ici l'activité des milieux d'affaires
étrangers ». Il a également « mis en
place une cure d'austérité pour préparer l'adhésion
à l'euro en 2009 ».
2. Un pays dans lequel subsistent des
disparités économiques
Un second article permet au quotidien d'attirer l'attention
sur les disparités économiques qui subsistent en
République tchèque270(*). Le reportage se déroule dans un petit
village à 200 km de Prague, à la limite de la Bohême et de
la Moravie. La Croix a donc choisi un endroit assez
représentatif de certaines régions tchèques dans
lesquelles l'activité économique est encore dominée par
l'industrie héritée du communisme et une agriculture peu
productive.
Malgré les privatisations qui ont été
menées « pour être en conformité avec la
loi », « rien ne semble avoir été
bouleversé après la fin du système
communiste ». Par exemple, la coopérative existe toujours
« car une majorité des gens étaient contents de
l'ancien système » et seuls cinq agriculteurs ont leur
propre exploitation. Le quotidien souligne les difficultés
financières auxquelles ils doivent faire face. Cette précision
permet de rappeler que la privatisation n'a pas été synonyme de
prospérité pour tous les secteurs économiques et s'est
parfois accompagnée d'une paupérisation de la population. La
description d'une « manufacture de production de fusibles,
transformateurs et contacteurs électriques » vise
également à souligner le retard économique de ce village.
D'ailleurs, le quotidien le dit explicitement : « là
encore, peu de changements sont intervenus depuis la fin du
communisme ». L'entreprise semble avoir échappée
à la restructuration comme le suggèrent la phrase suivante :
« l'essentiel du travail s'y fait encore à la
main sur des machines qui ont vingt d'âge ».
Les conditions de vie au village ne sont donc pas des plus
optimales comme le révèlent les propos d'un jeune couple. Ils
gagnent « trop peu pour avoir un enfant » surtout
depuis que la jeune fille « a arrêté de travailler.
Elle gardait des enfants pour 5 000 couronnes par mois (155
euros) ». Contrairement au Figaro, La Croix
n'assimile pas la République tchèque à un pays pauvre
malgré les chiffres qu'il nous indique. La situation du village n'est
pas alarmante comme le suggère la phrase suivante : il
bénéficie « d'équipements publics à
faire pâlir d'envie n'importe quel village
français ». La comparaison avec le village
français est significative : elle permet de souligner la
modernité du village malgré son retard économique.
Il est intéressant de mettre cet article en
parallèle avec le précédent. Si la République
tchèque est bien un pays intégré à l'espace
économique européen, toutes les régions ne
bénéficient pas de ces retombées économiques et les
investissements étrangers sont concentrés dans quelques grandes
villes. L'économie de marché n'est donc pas encore une
réalité partout.
3. L'amélioration de
l'environnement : une facette de la transition
La Croix est le seul quotidien à publier un article
relatif à l'environnement en République tchèque271(*). Il rappelle ainsi que la
transition des pays d'Europe centrale était non seulement
économique, politique et sociale mais aussi environnementale272(*). Nous pouvons préciser que
la République tchèque était le pays dans lequel la
situation était la plus catastrophique au sortir du communisme. Dans cet
article, le quotidien souligne les progrès réalisés puis
mentionne les étapes qu'il reste à franchir pour satisfaire
entièrement aux exigences européennes. Le titre reflète
cette logique : « malgré des améliorations, des
défis écologiques attendent la République
tchèque ».
Les avancées de la République tchèque
dans le domaine environnemental sont mises en avant de plusieurs
façons :
- La description qui ouvre l'article permet de comparer le
paysage des années 90 avec celui d'aujourd'hui.
« L'environnement dévasté » a
laissé la place à des villes « qui ne souffrent
plus du smog en hiver ». La Croix constate que
« les choses ont incontestablement
changé ». La sanction semble donc positive.
- Les deux champs lexicaux présents dans le discours
mettent en valeur les progrès réalisés depuis le
début des années 90. D'un côté, nous pouvons relever
tous les termes qui se rapportent à l'industrie et plus
généralement à l'époque communiste :
« chauffage au lignite », « rejets
industriels », « ancienne ville
minière », « émanation de gaz
toxiques », « production
industrielle », « centrales à
charbon », « exploitations des mines à ciel
ouvert »... Ces termes permettent de donner au lecteur une image
de la situation de la Tchécoslovaquie au pays au début des
années 90 : un pays essentiellement industriel. Les impacts sur
l'environnement ne sont pas détaillés mais le lecteur peut
facilement les imaginer. Le second champ lexical présent dans le
discours est celui de la biodiversité. Nous trouvons les termes ou
expressions suivants : « technologies propres »,
« énergies fabriquées à partir de sources
renouvelables »,
« écotaxe »,
« améliorer la qualité de l'eau »,
« recyclage », « nouvelle conception
énergétique »... Certaines expressions se
rapportent à des réformes déjà mises en oeuvre,
d'autres à des mesures envisagées par le gouvernement.
- Enfin, différents termes renvoyant à la notion
de progrès figurent dans le discours (par exemple
« progressé » et
« amélioration »).
Ces trois procédés permettent à La
Croix de souligner l'ampleur des efforts déployés par la
République tchèque afin de satisfaire aux exigences
européennes en matière d'environnement. Néanmoins, la
sanction n'est pas entièrement positive puisque le quotidien
reconnaît qu'il reste des
« écueils ». Les gaz à effet de
serre, la qualité de l'eau et le traitement des déchets sont les
trois défis auxquels devra faire face la République
tchèque dans les années à venir.
4. Une critique de la solidarité
européenne
La Croix est le seul quotidien à aborder
à plusieurs reprises la question des fonds structurels. Dans un premier
temps, il donne la parole à V. pidla. Celui-ci
« s'inquiète que son pays passe `à
côté des avantages que vont offrir les premières
années dans l'UE' »273(*). Il est intéressant de noter que La Croix
légitime les craintes du Premier ministre :
« ces fonds structurels ne seront attribués qu'aux
autorités régionales ou locales ayant présenté des
projets `tenant la route' ». Le quotidien énumère
ensuite les obstacles qui pourraient empêcher la République
tchèque d'en être bénéficiaire et les raisons pour
lesquelles le pays est nécessiteux. La structure du paragraphe
(« Alors que [...] Alors que [...] Alors que ») ne
fait que renforcer les arguments du journal. Il semble que cette
énumération soit une façon de sanctionner l'UE pour son
mode d'attribution des fonds. Dans un autre article, le quotidien
précise que le maire du village « n'a pas suivi de
formation particulière pour apprendre comment bénéficier
des fonds européens »274(*). Mise en parallèle avec les phrases
précédentes, cette citation sous-entend qu'il a peu de chances de
présenter un projet qui « tien[ne] la
route » et qui lui permette de bénéficier des
fonds alors même que ce village est dans le besoin.
En dénonçant le mode d'attribution des aides
européennes, La Croix rappelle que la réussite de la
transition économique ne résulte pas seulement des
réformes mises en oeuvre par les gouvernements nationaux. La
solidarité européenne est un élément fondamental
pour aider des pays encore fragiles économiquement à devenir de
véritables économies de marché. C'est donc le manque de
solidarité que dénonce ici La Croix. Cette accusation
est d'autant plus forte que le journal met en valeur tous les efforts entrepris
par la République tchèque en vue de satisfaire aux exigences
européennes.
A travers ces différents articles, La Croix
nous dépeint un pays intégré à l'espace
économique européen mais qui doit poursuivre ses efforts. En
dénonçant l'absence de solidarité européenne, il
nous rappelle le rôle de l'UE dans l'intégration des pays
candidats. Cela nous permet de comprendre pourquoi il titre
« La révolution économique n'est pas de
velours ». L'intégration économique n'est
qu'apparente et les bénéfices de la transition sont
inégalement répartis dans le pays.
E.
Libération : une économie marquée par
l'héritage communiste
1. L'économie tchèque, une
économie à deux facettes
En réalisant un reportage à Lodenice275(*), Libération
s'attache, comme La Croix, à rappeler la
dualité du système économique tchèque. Dans ce
village, situé à 35 km de Prague, coexistent deux usines que tout
oppose : l'infrastructure, les méthodes de travail et les relations
entre salariés et entrepreneur ; leur seul point commun : la
rentabilité et la productivité, deux exigences de
l'économie capitaliste. Tout l'article est construit autour du contraste
entre l'« ancienne fabrique » rachetée par
un fonds de pension américain et l'usine
« ultramoderne » construite par ce même
fonds de pension.
Dans la fabrique de vinyles, « l'ambiance fait
penser à une usine soviétique qui aurait échappé
à l'automatisation, à l'information et à la
modernité ». A l'inverse, la nouvelle usine de CD et de
DVD est « un entrepôt sans âme ». Le
contraste est aussi perceptible dans les méthodes de travail. D'un
côté, les ouvriers « fabriquent dans un silence
religieux » des disques vinyles ; de l'autre, ils
« surveillent des robots qui fabriquent que des CD pour Microsoft
et des DVD pour Hewlett Packard » dans « un bruit
infernal ». Enfin, les relations entre les ouvriers et les
managers sont, elles aussi, sensiblement différentes. L'usine moderne
est dirigée par un homme qui parle anglais et a appris à ses
salariés « le respect du client et des
délais ». A l'inverse, dans la fabrique de vinyle, ce
sont les ouvriers qui sont en position « dominante ».
Libération nous dit qu'ils « détiennent un
savoir-faire », « maîtrisent la
réparation des machines » et résistent
« à la mondialisation de la gestion du
personnel ». Ce sont des hommes « d'un autre
temps » avec lesquels les managers doivent
« composer ».
Nous pouvons faire plusieurs remarques quant à la
signification de ce reportage. Rachetée par un fonds d'investissement
américain, l'ancienne fabrique symbolise les usines partiellement
restructurées qui ne répondent pas encore entièrement aux
règles de gestion de l'économie capitaliste. Ici, ce n'est pas le
manque d'investissements étrangers qui est souligné mais la
difficulté à faire évoluer les mentalités des
personnes « qui ont appris à travailler sous
le communisme ». Le responsable des opérations
commerciales le confirme : « Les gens ici travaillent
très bien, mais beaucoup avaient l'ancienne mentalité de
l'entreprise d'Etat ». Le quotidien fait allusion à un
problème auquel ont été confrontées la plupart des
entreprises au cours de leur restructuration : le poids de
l'héritage institutionnel et organisationnel du système
économique soviétique qui, comme l'illustre ce reportage, reste
encore très présent même dans les nouvelles structures. Les
investissements étrangers et le transfert de nouvelles technologies ne
suffisent pas à transformer le système productif,
l'économie de marché est aussi une question de mentalité.
Il est intéressant de mettre en parallèle ce
reportage avec le portrait que fait Libération d'une chef
d'entreprise tchèque276(*). Elle « n'a pas attendu que les
actionnaires lui imposent le développement durable » pour
créer sa propre firme de cosmétique bio. Par cette
première précision, Libération montre que
l'économie tchèque ne repose pas uniquement sur les entreprises
rachetées par des investisseurs étrangers mais que l'esprit
d'entreprise existe aussi chez les Tchèques. Cette firme est le fruit
d'une initiative personnelle. Les différents termes employés par
le quotidien pour la désigner témoignent de sa « bonne
santé » économique. Cette « libre
entreprise écolo » est « la plus grosse
firme tchéco-britannique de cosmétiques bio ».
Elle s'est développée et il existe « une
quarantaine de boutiques aujourd'hui en République tchèque, une
dizaine en Angleterre ». Ces différentes indications
permettent au quotidien de montrer que le capitalisme est bien implanté
en République tchèque et plus précisément le
capitalisme « bio et profitable ». Il est
intéressant de relever ce que Dana, la chef d'entreprise, dit à
propos de ses salariés. Elle leur a appris « les standards
du service à l'occidental » pour effacer progressivement
leurs habitudes héritées du communisme. « Les
Tchèques ont un problème à cause de l'héritage
communiste. Ils [...] ne savent pas dire bonjour et
merci » : cette citation illustre bien la difficulté
à faire évoluer les mentalités.
C'est bien la dualité de l'économie
tchèque qui est illustrée par ces deux articles sans qu'elle soit
pointée du doigt comme un inconvénient, une faiblesse pour entrer
dans l'UE. La République tchèque est un pays attractif pour les
investisseurs, dont les entreprises sont productives et rentables même si
certaines habitudes héritées du communisme perdurent.
2. Un modèle social
différent du modèle occidental
Libération consacre un article à la
« faiblesse syndicale » tchèque277(*). Il pointe du doigt
plusieurs différences avec les pays d'Europe occidentale :
« l'absence d'un vrai code du travail »,
« la manière d'organiser une
manifestation » et les « systèmes sociaux
[qui sont] radicalement différents ». C'est donc sur le
« fossé culturel » qui existe en terme de
« culture sociale » que se focalise le journal. Il
juge la culture sociale tchèque « minimale en comparaison
des standards de l'Europe de l'Ouest » et s'appuie sur deux
exemples pour illustrer ce décalage : la faiblesse syndicale et
l' « absence » de droit social.
Tous les termes utilisés pour décrire la
syndicalisation en République tchèque renvoient à
l'impuissance : la « faiblesse syndicale »,
l'« absence de syndicats puissants ». Cette
impuissance explique en partie la faiblesse de l'action collective :
« la confédération n'appelle jamais à
manifester », même « les manifestations du
1er mai sont difficiles à organiser ». Dans le
dernier paragraphe de l'article, le quotidien donne la parole à
plusieurs Tchèques qui avancent différentes raisons pour
expliquer ce phénomène. L'histoire pèse sur la pratique
syndicale. L'absence de revendication est un état d'esprit
hérité du communisme qui perdure même chez les jeunes
générations. Le responsable d'une confédération
syndicale témoigne : « les jeunes
diplômés [...] rejettent les syndicats et l'action collective en
général », « les jeunes [...] au
chômage préfèrent se taire »,
« les jeunes ne s'engagent pas ».
Libération souligne à nouveau l'héritage du
système soviétique. Habitués à
« courber l'échine », les Tchèques
ont conservé cette mentalité. Aujourd'hui, ils ont peur de faire
entendre leur voix.
Le modèle social tchèque se caractérise
aussi par la faiblesse du droit social présentée par
Libération comme un atout pour les investisseurs
étrangers. La République tchèque est un
« paradis ». L'« absence de vrai
code du travail », la fiscalité
« très libérale » et les
« règles très souples en matière de
licenciement » sont autant d'avantages que met en avant le
quotidien. Il est intéressant de noter que l'attractivité de la
République tchèque n'est pas ici présentée comme
l'indice d'une bonne intégration dans l'espace économique
européen mais comme la conséquence de la fragilité du
modèle social. Libération ne fait aucune allusion aux
efforts réalisés par la République tchèque pour
tendre vers les normes sociales européennes mais souligne
l'impossibilité d'une éventuelle convergence avec le
modèle social français. En effet, en dépit du
« discours rassurant » du vice-président de
la principale confédération syndicale qui
« assure » que « les modèles
sociaux vont converger [et que] [...] les différences ne pourront pas
subsister », le quotidien insiste à plusieurs reprises
sur la pérennité des écarts
soulignés. « En attendant, les différences
[...] ne sont pas corrigées » et il n'est
« pas sûr qu'une génération
suffise ». Le quotidien clôt l'article avec la phrase
suivante « l'entrée dans l'Union risque de ne pas changer
grand-chose ».
3. Les délocalisations
allemandes
L'article intitulé « Pour les Berlinois, un
petit chèque pour des obsèques
tchèques »278(*) porte sur la délocalisation d'une entreprise
de pompe funèbre allemande en République tchèque. Le
discours est un dialogue entre le président de la
fédération des pompes funèbres allemandes et le patron de
l'entreprise. Alors que le premier est
« ulcéré » et
« s'exaspère », le second
« raconte »,
« rétorque » et
« répond » pour défendre le bien
fondé de cette délocalisation. Outre cette polémique dont
nous fait part le journal, l'article nous donne des indications sur la
situation économique tchèque. Ce reportage illustre les
échanges économiques qui existent entre la République
tchèque et l'Allemagne et plus précisément entre les
régions frontalières. Ce discours permet également au
quotidien de prendre position par rapport à la question des
délocalisations entraînées par l'élargissement. La
dernière phrase de l'article a retenu notre attention. Le quotidien
donne la parole à la secrétaire générale de la
Fédération des Pompes funèbres qui explique que
« de toutes façons, il n'y a aucune chance pour que cela
arrive dans notre pays. Ce n'est pas la mentalité
française ». Elle ajoute que la délocalisation de
ce type d'activité n'est pas encore envisageable en France pour des
raisons législatives. Enfin, elle précise que le secteur des
pompes funèbres n'est pas encore libéralisé. Ainsi,
même si l'activité économique prise en exemple par
Libération est quelque peu spécifique, le quotidien
suggère, par l'intermédiaire de cette personne, que tous les
secteurs économiques ne sont pas libéralisés et donc
sujets à délocalisation. La polémique concernant les
délocalisations n'est donc pas justifiée.
4. Un niveau de vie décent
Lors d'un reportage à Prague et d'un entretien avec
deux jeunes mariés, Libération évoque le niveau
de vie de la population en République tchèque.
« Katerina et Pavel n'ont pas trop à se
plaindre »279(*) puisqu'ils travaillent tous deux dans des domaines
porteurs. Leur situation financière est donc convenable comme le
confirme la fin de l'article : « ils viennent d'acheter un
appartement, dans le quartier des ambassades, avec un jardin. Et commencent
à parler enfant ». Le couple choisit par
Libération pour donner aux lecteurs un aperçu du niveau
de vie en République tchèque contraste avec celui que nous
trouvons dans les propos de La Croix.
Ces différentes analyses nous permettent de faire
plusieurs remarques sur la façon dont les quotidiens ont
présenté la situation économique et sociale de la
République tchèque au moment de son entrée dans l'UE. Dans
tous les journaux, la thématique de l'économie est dominante, ce
qui est assez cohérent avec nos premières analyses et confirme
l'idée émise dans une partie précédente :
l'intérêt pour les quotidiens est de savoir ce que la
République tchèque peut apporter à l'UE d'un point de vue
économique.
Contrairement à ce que nous pourrions penser, la
sanction n'est pas forcément positive. Il y a donc un décalage
entre l'évaluation de la transition réalisée par les
instances européennes et celle que font les quotidiens. En effet, pour
L'Humanité et Le Figaro, les résultats de la
transition économique et sociale sont loin d'être satisfaisants
à l'heure de l'entrée dans l'UE. C'est donc une sanction
négative que portent les deux journaux.
Le Monde est plutôt neutre et se contente de
nous présenter un pays intégré dans l'espace
économique européen. Libération oscille entre une
sanction positive et négative : la République tchèque
est un pays moderne et capitaliste mais qui reste marqué par son
passé communiste.
Seuls les discours de La Croix se distinguent de ceux
des autres quotidiens. Il est le seul journal à mettre en avant les
progrès réalisés par la République tchèque
avant de présenter les défis auxquels elle reste
confrontés.
Les sanctions opérées par les journaux ne sont
pas anodines. L'insistance sur les difficultés économiques et
sociales dans les discours de L'Humanité et du Figaro
peut renforcer la peur d'une émigration tchèque. En outre,
il faut souligner qu'aucun expert n'est sollicité pour
démythifier cette crainte et évoquer les retombées
positives de l'intégration de la République tchèque dans
l'UE. La faiblesse du niveau de vie peut également renforcer la crainte
d'un élargissement coûteux. Finalement, au vu de ces discours,
l'intégration de ce pays semblerait représenter un danger pour la
prospérité de l'UE d'autant plus que tous les points forts de
l'économie tchèque sont occultés par les journaux.
IV. V. Havel, les
ambiguïtés de la mondialisation
La dernière partie de notre travail est
consacrée exclusivement à un discours de V. Havel publié
dans Le Figaro280(*). Nous avons choisi de le dissocier du restant
de nos analyses non seulement à cause du statut de l'énonciateur
mais aussi parce que le thème abordé constitue en quelque sorte
une synthèse de nos analyses précédentes. Ce discours est
un énoncé à visée argumentative qui entend modifier
la représentation que les gens ont de la civilisation contemporaine et
plus précisément les mettre en garde contre son évolution
et ses écueils. Il faut préciser que Le Figaro ne publie
pas un entretien qu'il a eu avec V. Havel mais retranscrit une allocution
prononcée par l'ancien président tchèque à Paris le
jour même. L'auditoire n'est donc pas identique mais V. Havel s'adressait
déjà à un public français.
A.
Rationalité économique versus dimension humaine
V. Havel part d'une expérience personnelle pour capter
l'attention de son auditoire et le mettre en garde contre
« l'évolution de la civilisation
contemporaine ». A ses yeux, la rationalité
économique prend une place de plus en plus importante dans la vie
quotidienne au détriment de la dimension humaine. L'étude des
champs lexicaux présents dans le discours est assez
révélatrice de cette évolution. V. Havel prend pour
exemple deux lieux emblématiques de la civilisation contemporaine :
le supermarché et le cinéma ou plus précisément les
multiplexes. Les termes utilisés pour décrire le
supermarché renvoient aux notions d'espace et d'abondance. Il est
« vaste comme un hall de gare », V. Havel
« s'est égaré ». Nous trouvons aussi
le terme « grands supermarchés ». L'ancien
président évoque « l'incroyable diversité
des produits » et le «chariot rempli de marchandises
intéressantes » avec lequel les clients repartent.
A ces supermarchés, symbole de la civilisation
contemporaine, il oppose les « petits commerces et [les] petits
artisans de nos villes et de nos villages » qui
« disparaissent ». La dimension spatiale est ici
suggérée par le terme « petit » qui
est utilisé à plusieurs reprises. Il permet d'insister sur la
dimension humaine de ce type de commerce. V. Havel ajoute qu'il est possible de
les « embrasser d'un seul coup d'oeil », une
phrase qui renvoie elle aussi à la dimension humaine. Contrairement aux
supermarchés qui sont synonymes d'anonymat, ces petits commerces sont
des « petits centres de vie sociale ».
Effectivement, toutes les expressions utilisées pour les décrire
renvoient à la communication et donc à la dimension
humaine : les gens « se connaissent
mutuellement », « connaissant le
vendeur », « échanger quelques
mots », « caractère individualisé de
l'achat ». Pour V. Havel, avec la disparition de ces petits
commerces, c'est la dimension humaine qui disparaît :
« aux communautés humaines non anonymes »
se substitue « l'anonymat de la civilisation »,
« l'isolement existentiel ».
L'objectif de V. Havel n'est pas de dénoncer
l'évolution de la civilisation actuelle. Il reconnaît que d'un
point de vue économique, les supermarchés sont
« avantageux ». Cependant, il souligne
qu'« il existe d'autres points de vue que celui de la
rationalité économique [...] plus importants
encore ». Cette dichotomie rationalité
économique/dimension humaine qui traverse quasiment tout son discours
reflète sa vision de l'Europe, une Europe qui manque de dimension
humaine et spirituelle.
B. Les arguments
invoqués
Pour convaincre son auditoire des écueils vers lesquels
tend la civilisation contemporaine, V. Havel recourt à deux types
d'argument : l'argument par l'exemple et l'argument fondé sur la
structure du réel. « Argumenter par l'exemple, c'est
présupposer l'existence de certaines régularités dont les
exemples fourniraient une concrétisation »281(*). C'est pourquoi, V. Havel
prend pour exemple le régime communiste. Le rapprochement entre le
communisme et la civilisation contemporaine est explicite :
« le marxisme et le communisme ont constitué à bien
des égards les avatars les plus extrêmes de la civilisation
moderne » ou encore « le communisme [est] la
cruelle caricature de la civilisation contemporaine ». Les
termes employés pour décrire le communisme renvoient tous
à la rationalité, à l'organisation :
« lois générales »,
« vérité unique »,
« organiser » à deux reprises,
« cloisonner »... Toutes ces expressions
permettent de décrire la « nature parfaitement rationnelle
et matérielle de l'univers et de l'existence humaine »,
caractéristique du communisme mais aussi de la civilisation
contemporaine. Enfin, le terme de « dictature »
permet aussi de faire un parallèle entre les deux. Alors que le
communisme était une « dictature économique et
politique », la civilisation contemporaine
« converge vers cette forme de dictature, insidieuse,
dissimulée et extrêmement sophistiquée ».
Recourir à l'exemple du communisme pour mettre en garde les lecteurs des
dangers du caractère rationnel et matériel de la civilisation
contemporaine est un argument qui a d'autant plus de poids que l'exemple choisi
est incontestable.
Le second argument auquel recourt V. Havel est un
« argument basé sur la structure du
réel » et plus précisément un
« argument de direction » qui
« prévoit les développements
futurs »282(*). Il pousse la logique de la rationalité
à son paroxysme et imagine à quoi ressemblerait le pays dans
lequel nous vivons. Il serait organisé de manière
« rationnelle et fonctionnelle ». La culture,
l'économie, l'édition, la consommation... seraient des secteurs
centralisés et tendraient « à l'unification
générale, fût-ce sous le couvert d'une infinie
diversité ». L'énumération à
laquelle procède V. Havel renforce cette impression. Un tel degré
de centralisation serait, au final, synonyme de totalitarisme. L'argument
basé sur la structure du réel rejoint donc l'argument par
l'exemple.
C. La place
accordée à l'auditoire
L'auditoire « n'est pas nécessairement
constitué par ceux que l'orateur interpelle
expressément » mais par « l'ensemble de
ceux sur lesquels l'orateur veut influer par son
argumentation »283(*). Il peut être présent ou virtuel ce qui
est ici le cas puisque l'auditoire correspond à toutes les personnes
susceptibles de lire Le Figaro. Le destinataire est toujours
présent en creux dans le discours mais peut aussi être
explicitement désigné. R. Amossy distingue quatre types d'indices
d'allocution : les désignations nominales explicites, la
description de l'auditoire, les pronoms personnels et les évidences
partagées284(*).
Dans le discours de V. Havel, c'est surtout les pronoms personnels et les
possessifs leur correspondant qui ont retenu notre attention. Le pronom
« je » est utilisé dans la majeure partie
du discours et c'est seulement dans le dernier tiers de l'article que
l'auditoire apparaît explicitement à travers le pronom
« nous » ou le possessif
« nos ». Cette inscription du destinataire dans le
discours est annoncée par le verbe
« imaginons ». V. Havel prend à partie le
lecteur qui doit imaginer avec lui. Le pronom
« nous » permet de réitérer cette
implication : « il est tout à fait possible que
chacun d'entre nous... ». L'évolution de la civilisation
contemporaine aura des impacts sur chaque individu. Le possessif
« nos » est aussi employé :
« la transposition dans des contextes différents de nos
progrès, de nos règles, de nos objectifs et de nos
manières de faire euro-atlantiques ». Il est
intéressant de noter que le « nos » traduit
ici l'appartenance de la République tchèque à l'Europe.
Les manières de faire euro-atlantiques ne sont pas uniquement celles des
Français mais aussi celles des Tchèques. Enfin, V. Havel
clôt son discours avec la phrase suivante : « Nous
devrions nous pencher sur tout ceci avec une plus grande acuité que
d'habitude ». Le « nous » est ici
un appel à la responsabilité de chacun et renvoie implicitement
à la vision que V. Havel défend de l'Europe. Une Europe qui
« repose sur un sort partagé en commun »,
qui soit l'« espace d'une certaine volonté, d'un certain
comportement et d'une certaine responsabilité »285(*). Il faut rappeler que
pour lui, la responsabilité n'est pas uniquement de l'ordre de
l'individuel. Chacun devrait ressentir « une
responsabilité pour le monde et son avenir »286(*) mais celle-ci reste en
réalité très faible. L'emploi du pronom
« nous » n'est donc pas étonnant, V. Havel
souhaite rappeler à chacun le rôle qu'il doit jouer dans l'avenir
de l'Europe et plus précisément dans l'évolution de sa
civilisation. L'inscription de l'auditoire dans le discours participe à
l'argumentation de V. Havel.
Pour terminer l'analyse de ce discours, il est
intéressant de le replacer dans l'ensemble du corpus. Cet article est le
seul avec celui de Martin Plichta qui relativise voire occulte la dimension
économique de l'élargissement. Ce décalage entre les deux
discours émanant de Tchèques et les énoncés des
journaux reflète la divergence entre les conceptions tchèque et
française de l'Europe. Enfin, le discours de V. Havel illustre le
complexe de la petite nation que nous avons évoqué à
plusieurs reprises. J. Patoèka souhaitait que la nation tchèque
soit utile pour l'Europe et qu'elle ne se replie pas sur elle-même. En se
référant au communisme, V. Havel souligne que l'expérience
de la République tchèque peut être utile à l'Europe,
la nation tchèque aurait peut être enfin trouver un sens à
son existence.
CONCLUSION
Notre travail avait pour objet l'analyse de la
représentation de la République tchèque dans la presse
quotidienne, au moment de son entrée dans l'UE. Notre première
hypothèse était que la représentation proposée par
les journaux serait une représentation stéréotypée,
réduisant ainsi ce pays à quelques traits spécifiques. Nos
analyses nous permettent de confirmer cette hypothèse. En nous appuyant
sur la typologie de l'identité nationale proposée par A-M.
Thiesse, nous avons montré que les quotidiens se focalisaient sur
certaines composantes de l'identité nationale : la gastronomie, la
religion et le folklore. Cependant, il faut nuancer cette conclusion puisque
nous avons repéré une divergence entre les discours de La
Croix et les articles publiés par les autres quotidiens. Le journal
privilégie également les composantes
« gastronomie » et « folklore » mais
elles ne participent pas à la construction d'une représentation
stéréotypée de la République tchèque comme
dans Libération et Le Figaro. La Croix
souligne au contraire leur importance dans la vie quotidienne des
Tchèques et les envisagent donc dans une perspective identitaire. Enfin,
nous avons remarqué que la langue et le territoire, composantes
fondamentales de l'identité nationale tchèque, n'apparaissent
dans quasiment aucun discours. Les rares fois où elles sont
évoquées, ce sont par des Tchèques dont les quotidiens
nous rapportent les propos. Cette précision permet de souligner le
décalage qui existe entre la représentation que les
Tchèques se font de l'identité de leur nation et celle que
proposent les quotidiens.
La troisième hypothèse que nous avions
formulée permet de confirmer ce décalage et de le
préciser. Nous supposions que la République tchèque serait
représentée à travers le prisme de la nation civique, les
quotidiens occultant ainsi les périodes clés de l'histoire de la
nation tchèque, une nation culturelle. Là encore, certaines de
nos analyses nous permettent de confirmer cette hypothèse et plus
précisément les discours de La Croix et du
Monde. Ces deux quotidiens relatent l'histoire de la nation
tchèque entendue comme nation politique, c'est pourquoi tous les termes
utilisés renvoient au champ lexical de la nation politique. A l'inverse,
aucune expression caractéristique de la nation culturelle
n'apparaît dans les discours excepté, là encore, dans les
propos d'un Tchèque. Le décalage mentionné
précédemment se confirme. Même si certains auteurs que nous
avions mentionnés dans notre première partie, rejettent la
dichotomie nation politique/nation culturelle, l'analyse que nous avons
menée révèle bien que cette opposition est pertinente pour
comprendre le décalage des représentations entre Tchèques
et Français. Enfin, la place accordée à l'histoire dans
les discours de presse confirme que c'est bien la logique de la nation
politique qui structure les discours médiatiques. Si l'histoire est bien
l'une des composantes de l'identité nationale identifiée par A-M.
Thiesse, elle n'est, là encore, pas évoquée par les
quotidiens dans une perspective identitaire. En effet, aucun des moments
clés qui ont permis de construire une histoire glorieuse de la nation ne
sont évoqués. Par contre, toutes les références
historiques citées sont liées aux différents
régimes politiques traversés par la République
tchèque.
Notre dernière hypothèse concernait la
représentation de la République tchèque comme un pays
encore marqué par quarante années de communisme aussi bien au
plan politique, qu'économique et social. Au plan politique, les articles
consacrés aux élections européennes et à la
formation du gouvernement de S. Gross nous permettent effectivement de
confirmer cette hypothèse. La vie politique tchèque mais aussi
les pratiques démocratiques sont encore marquées par
l'héritage communiste. La corruption est un fait tangible que
mentionnent tous les quotidiens de façon plus ou moins explicite mais
qui ne donne pas vraiment lieu à une stigmatisation. Elle est même
plutôt relativisée par certains journaux comme
Libération et Le Figaro. De même, la plupart des
quotidiens s'accordent pour dire que la culture démocratique n'est pas
encore acquise par le peuple tchèque, excepté Le Monde
qui se veut plus optimiste. L'héritage du communisme est donc
perceptible dans les comportements et les mentalités et a des
répercussions sur la vie politique tchèque cependant, ce n'est
pas la thématique que privilégient les quotidiens. En effet, la
majorité des discours sont consacrés à la dimension
économique et sociale de la République tchèque et
confirment là aussi notre hypothèse. Globalement, les quotidiens
portent une sanction négative sur la situation économique et
sociale du pays à l'heure de son entrée dans l'UE. Les discours
de Libération et de La Croix sont ceux qui mettent le
plus en valeur l'héritage du communisme. La République
tchèque est un pays moderne et capitaliste mais qui reste marqué
par son passé communiste aussi bien en ce qui concerne les
mentalités des salariés que l'organisation des structures
productives. Le Figaro et L'Humanité se contentent de
pointer du doigt les difficultés économiques et sociales
auxquelles est confronté le pays.
Cette focalisation sur la dimension économique permet
de comprendre pourquoi les quotidiens accordent peu d'intérêt aux
sentiments des Tchèques. Les propos rapportés se résument
à quelques phrases dans chacun des quotidiens alors que des articles
entiers sont consacrés à la thématique de
l'économie. La logique des quotidiens n'est donc pas de mettre en avant
ce qui justifie l'intégration de la République tchèque
dans l'UE ni ce qu'elle peut lui apporter mais de souligner le fossé qui
les sépare. Cela permet également de comprendre pourquoi les
propos des Tchèques que les médias choisissent de
rapporter, sont principalement des énoncés à
dimension argumentative. Certes, les quotidiens construisent globalement une
représentation de l'opinion publique favorable à l'Europe
toutefois, les raisons de cet enthousiasme sont peu développées.
De même, les craintes dont certains Tchèques nous font part sont
juste évoquées et non argumentées. Cette stratégie
discursive est finalement compréhensible car il serait contradictoire de
sanctionner de façon négative la République tchèque
et en même temps de laisser s'exprimer les Tchèques sur les
bénéfices que représente leur arrivée dans l'UE.
La question économique de l'élargissement est,
certes, un enjeu majeur mais il n'est pas le seul. Or, force est de constater
que les autres défis que représente l'élargissement sont
occultés par les médias du moins dans les articles de notre
corpus. Nous pensons pouvoir expliquer cette focalisation sur la dimension
économique de la République tchèque. En effet, si nous
réfléchissons à l'histoire de la construction
communautaire, l'Europe qui est née à la fin de la Seconde Guerre
Mondiale était une entité économique qui visait à
assurer prospérité et paix. L'Europe n'a pas été
pensée dans une logique spirituelle ou morale comme le fait V. Havel. Il
n'est donc pas étonnant finalement, que ce soit la situation
économique et sociale de la République tchèque qui retient
l'attention des quotidiens au moment où elle s'apprête à
entrer dans l'UE.
Nous avons mentionné en introduction la
méconnaissance des Occidentaux par rapport à l'Europe centrale.
Il n'est pas sûr que cette volonté de représenter la
République tchèque comme un pays encore marqué par son
passé communiste contribue à modifier les représentations
que les Français ont de ce pays. En proposant une représentation
stéréotypée et parfois erronée de la
République tchèque, les quotidiens français ne font que
perpétuer la barrière symbolique évoquée par M.
Hroch. En outre, si l'intégration ne peut se faire sans un minimum de
convergence entre les niveaux de développement des pays entrants et des
pays membres cela ne suffit pas. Il faut une vision politique, une
réflexion sur l'avenir comme l'a, à plusieurs reprises,
souligné V. Havel. L'analyse de notre corpus nous a
révélé que cette réflexion sur l'avenir de l'Europe
et l'apport des pays entrants aussi bien au plan culturel, qu'économique
est pour ainsi dire inexistante. Dans son ouvrage consacré à V.
Havel, Geniève Even-Granboulan pose la question suivante :
« l'Est et l'Ouest : l'Europe centrale reste-t-elle l'autre
Europe ? »287(*). Au vu de nos analyses, la réponse ne peut
être qu'affirmative, il semble que les pays membres et notamment la
France ne soient pas encore prêts à offrir à la
République tchèque le « chez-soi »
qu'elle cherchait, pour reprendre les termes de V. Havel.
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1918-1992, Paris, Editions L'Harmattan, 1994, 302 p.
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- BAZIN, Anne, « Allemagne-République
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- BAZIN, Anne, « Tchèques et Allemands sur la
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internationales et stratégiques, n°26, été 1997,
p. 154-163.
- DAUDERSTÄDT, Michael et JOERISSEN, Britta,
« Partis de gauche et intégration à l'UE : le
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- HALA, Katerina, Le théâtre tchèque
ou petite chronique des passions politiques, exposé
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et 1er juin 2002, Paris IV La Sorbonne,
http://www.circe.paris4.sorbonne.fr/rubriques/3colloques/doctorale0/hala.html
- HAVEL, Václav, « Refaire le monde en
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- KUNDERA, Milan, « L'occident kidnappé ou la
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- MOATTI, Sandra, « Elargissement : la
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- PLICHTA, Martin, « L'UE revue et corrigée
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- RUPNIK, Jacques, entretien avec Václav Havel,
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http://www.politiqueinternationale.com/revue/read2.php?id_revue=13&id=203&search=&content=texte
- SCOTTO, Marcel, « Les perspectives
d'élargissement de l'UE, Václav Havel souhaite plus de
« dimension morale » pour l'Europe », Le
Monde, 10 mars 1994, p. 5.
- VECERNIK, Jiri, « Quelle réforme sociale en
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de l'Est, n°1040, novembre-décembre 2003, p. 38-46.
Rapports :
- Rapport d'information déposé par la
délégation de l'Assemblée nationale pour l'UE sur
l'adhésion de la République tchèque à l'UE,
présenté par M. Nicolas DUPONT-AIGNAN, 8 avril 2003,
www.ladocumentationfrancaise.fr
Sites Internet :
- www.cefres.cz : le site du Centre
français de recherche en sciences sociales à Prague
- www.czech.cz/fr/ : le site officiel de
la République tchèque
-
www.ladocumentationfrancaise.fr : le site de la Documentation
française
-
www.circe.paris4-sorbonne.fr : le site du Centre interdisciplinaire de
Recherches centre-européennes, Université Paris 4 Sorbonne
Corpus :
Le Monde :
- « Monika Pajerova, une
`révolutionnaire' tchèque, europhile de la première
heure », 6 janvier 2004, p. IV
- « La lutte contre le totalitarisme en
héritage », 27 avril 2004, p. III
- « Blazena, Blanka, Klara, l'adhésion vue
par trois générations », 29 avril 2004, p. 8
- « Le petit cinéma tchèque, seul
parmi les dix à résister encore à Hollywood »,
29 avril 2004, p. 19
- « La nouvelle Europe des investissements se
dessine », 28 mai 2004, p. 17
- « Eurodéputés : portraits
choisis », 15 juin 2004, p. 14
- « Droite et centre droit continuent de dominer la
vie politique dans l'Union », 15 juin 2004
- « Un revers démocratique européen,
15 juin 2004, p. 15
- « Déménagement sous surveillance
policière de l'usine Snappon, à destination de la
République tchèque », 28 août 2004, p. 8
- « La République tchèque se divise
sur la personnalité du premier ministre », 23 septembre 2004,
p. 6
La Croix :
- « La révolution économique
tchèque n'est pas de velours. Les tchèques craignent de ne pas
profiter très vite de l'adhésion à l'UE », 26
avril 2004, p. 13
- « Du communisme à l'Europe unie,
Vyprachtice cultive la prudence », 27 avril 2004, p. 28
- « A l'Est, une Europe de la biodiversité.
Les tchèques aspirent à un air encore meilleur », 27
avril 2004, p. 14
- « Les frontières de l'Europe centrale n'ont
cessé de bouger. La plupart des Etats sont nés il y a moins d'un
demi-siècle, au lendemain de la Première Guerre
Mondiale », 30 avril 2004, p. 5
- « Pour Jan Kohout, les craintes économiques
des Quinze envers l'Est ne sont pas fondées », 2 mai 2004,
p.5
- « Enthousiasme et gravité pour fêter
la nouvelle Europe », 3 mai 2004, p. 3
- « Prague. Les Praguois redécouvrent leur
passé austro-hongrois », 4 mai 2004, p. 27
- « La droite eurosceptique l'emporte »,
15 juin 2004, p. 10
- « Le grand bond en arrière de la
République tchèque », 29 juin 2004, p. 8
- « Cardinal Miloslav Vlk, archevêque de
Prague », 2 décembre 2004, p. 9
L'Humanité :
- « Un pays à la loupe : la
République tchèque », 26 avril 2004, p. 11
- « A Prague, l'indifférence
domine », 18 mai 2004, p. 9
Le Figaro :
- « Le recul de l'Etat et le choix de la
compétitivité ; les nouveaux membres ont opté, en
matière économique, pour la `thérapie de
choc' », 4 mai 2004, p. 12
- « V. pidla démissionne après
l'échec des européennes », 29 juin 2004, p. 6
- « L'insoutenable légèreté des
tchèques », 22 juillet 2004, p. 29
- « S. Gross obtient le feu vert de la chambre des
députés », 26 août 2004, p. 4
- « Les ambiguïtés de la
mondialisation », 29 octobre 2004, p. 13
Libération :
- « `On dirait que vous avez peur de
nous' », 27 avril 2004, p. 11
- « Les plus athées », 27 avril
2004, p. 11
- « La force tchèque : sa faiblesse
syndicale », 28 avril 2004, p. 7-8
- « Portrait robot des dix nouveaux :
République tchèque », 30 avril 2004, p. 11
- « Lodenice approfondit le sillon du vinyle ;
l'Europe à 25 », 30 avril 2004, p. 26
- « Pour les Berlinois, un petit chèque pour
des obsèques tchèques ; l'Europe à 25 », 30
avril 2004, p. 33
- « République tchèque : le rouge
fait toujours recette », 15 juin 2004, p. 8
- « La firme bio ; l'Europe à
25 » 20 juillet 2004, p. 32
- « La République tchèque se donne
à une jeune premier ministre », 27 juillet 2004, p. 9
TABLE DES MATIÈRES
SOMMAIRE 4
INTRODUCTION
5
PREMIERE PARTIE : LA NATION TCHEQUE A
TRAVERS L'HISTOIRE
11
I. Constitution et évolution
de l'identité nationale tchèque
11
A. Définition des concepts
11
1. La nation : un concept et deux
significations
11
a) La nation civique ou politique
12
b) La nation culturelle ou ethnique
12
c) La situation de l'Europe centrale au
XIXème siècle
13
2. Le concept d'identité
nationale
13
a) Naissance et création de
l'identité nationale
13
b) Les composantes de la « check
list identitaire »
14
c) L'Autre, une figure constitutive de
l'identité nationale
16
d) La dimension collective de
l'identité
16
B. La renaissance nationale et la
constitution de l'identité nationale tchèque au XIXème
siècle
17
1. La naissance de l'identité
nationale tchèque : un nationalisme linguistique
17
a) La langue : un facteur essentiel de
l'identité nationale
17
b) Le territoire, une autre composante
importante
18
c) Le nationalisme tchèque : un
nationalisme linguistique
19
2. Le rôle des Éveilleurs dans
l'éveil de la conscience nationale tchèque
19
a) Une élite populaire
20
b) Joseph Jungmann et Frantiek
Palacký : deux figures importantes dans l'histoire de la nation
tchèque
20
c) Les associations, lieux de diffusion de
la conscience nationale
21
3. Le théâtre : une
médiation qui a participé à l'éveil de la
conscience nationale
22
C. L'identité tchèque au
XXème siècle et XXIème siècle
23
1. La confusion entre identité
tchèque et identité tchécoslovaque
23
a) Un malentendu à la base de la
construction de la Tchécoslovaquie
23
b) Naissance du nationalisme slovaque et
absence du nationalisme tchèque
24
2. La question des Sudètes : une
« reformulation » de l'identité
25
3. 1993 et le retour de la question
identitaire : le complexe de la petite nation
27
a) Le complexe de la petite nation
27
b) Toma-Garrigue Masarýk et Jan
Patoèka, deux philosophes qui se sont exprimés sur le complexe de
la petite nation
28
II. Les opinions publiques et les
partis politiques face à l'élargissement
29
A. Les craintes des opinions publiques
française et tchèque : des craintes essentiellement
économiques et sociales
30
1. Le concept d'opinion publique
30
a) Naissance et évolution du concept
d'opinion publique
30
b) La confrontation des différentes
représentations de l'opinion publique
30
c) « L'opinion publique n'existe
pas »
31
2. L'évolution et les craintes de
l'opinion publique tchèque
32
a) Une adhésion tardive qui a
suscité la méfiance parmi les Tchèques
32
b) Des craintes essentiellement d'ordre
économique et sociale
33
c) « Des » opinions
publiques tchèques
34
3. L'opinion publique
française : une opinion publique de plus en plus
« réticente »
35
a) L'opinion publique
française : une opinion réticente
35
b) Des craintes principalement
économiques
35
B. La position des partis politiques
tchèques face à l'intégration dans l'UE
37
1. Evolution de la position des
différents partis politiques
37
a) Du consensus à la
différenciation
37
b) La position des partis politiques
tchèques au moment de l'intégration
38
2. Le débat sur l'intégration
entre les deux principaux partis politiques (ODS / ÈSSD)
39
a) Le ÈSSD, un parti
pro-européen
39
b) Une Europe qui respecte les
identités nationales
40
c) V. Klaus, leader de l'ODS, un parti
eurosceptique
41
3. Václav Havel un fervent
défenseur de l'Europe
43
a) L'Europe n'est pas une menace pour
l'identité nationale
44
b) L'Europe est responsable de la division
du monde
44
c) L'Europe : entité
technocratique à laquelle il manque une dimension spirituelle
45
DEUXIEME PARTIE : LA REPRESENTATION MEDIATIQUE DE
LA REPUBLIQUE TCHEQUE EN 2004 46
I. La représentation de
l'identité nationale tchèque
48
A. Le Monde : la
République tchèque, une nation
« politique »
48
B. L'Humanité :
une seule référence, l'histoire
49
C. Le Figaro :
une nation culturelle qui s'occidentalise
50
1. La République tchèque, un
pays qui tend à s'occidentaliser
50
2. La République
tchèque : une nation culturelle
52
D. La Croix :
un pays attaché à son folklore
54
1. La République tchèque, un
pays traditionnel
54
2. Une nation politique constituée
contre le pouvoir de Vienne
54
3. L'ennemi de la nation
tchèque : l'Autriche
56
E. Libération :
un pays qui s'occidentalise
57
1. La religion, une composante de
l'identité nationale ?
57
2. La tradition, une composante de
l'identité nationale qui tend à disparaître
58
3. Une représentation confuse de
l'identité nationale
59
II. L'opinion publique et les partis
politiques tchèques face à l'intégration
61
A. La construction de l'opinion publique
dans les discours médiatiques
61
1. Le Monde : une
opinion publique tchèque europhile
62
2. L'Humanité :
une opinion publique largement indifférente
64
3. Le Figaro
65
4. La Croix :
« des » opinions diversifiées
66
a) Une opinion publique peu
intéressée par l'intégration
66
b) Un tchèque mécontent des
mesures prises par l'UE
67
5. Libération :
des Tchèques mécontents
68
B. La désignation des partis
politiques et leur position par rapport à l'Europe
70
1. Le Monde
71
a) Les élections
européennes : un « revers
démocratique »
71
b) Jan Zahradil : un portrait symbole
de la victoire de l'ODS
72
2. L'Humanité
72
a) Le Parti communiste, un parti politique
de poids sur la scène politique tchèque
72
b) V. Klaus, un nationaliste
eurosceptique
73
3. Le Figaro :
la défaite du ÈSSD
74
4. La Croix
75
a) Le ÈSSD, un parti
pro-européen
75
b) L'élection de l'ODS, un
« bond en arrière »
75
5. Libération :
le PC est un spécificité tchèque
77
C. Les
« dérives » de la vie politique
78
1. Le Monde : un
Premier ministre dénoncé pour son manque
d'intégrité
79
2. Le Figaro
80
a) La corruption, un fait tangible
ancré dans les comportements
80
b) L'ascension d'un homme politique
« corrompu »
80
3. La Croix
81
a) L'ODS, un parti corrompu
81
b) L'éligibilité d'un parti
corrompu aux élections européennes
82
c) La défaite de V. ipdla, un chef
intègre
82
4. Libération :
S. Gross, un homme politique compétent
83
III. La dimension économique
et sociale
85
A. Le Monde :
une économie intégré
86
1. La République tchèque, un
pays intégré à l'économie mondiale
86
2. La culture, un secteur économique
qui « résiste »
86
3. Les délocalisations, un processus
inhérent dans une économie mondialisée
88
B. L'Humanité :
l'économie tchèque, une économie fragile
88
C. Le Figaro :
une sanction ambiguë
90
1. La République tchèque, un
pays au faible niveau de vie
90
2. Une transition économique
réussie
91
D. La Croix :
une transition pas encore achevée
92
1. L'économie tchèque, une
« économie de marché » qui poursuit ses
efforts
92
2. Un pays dans lequel subsistent des
disparités économiques
93
3. L'amélioration de
l'environnement : une facette de la transition
94
4. Une critique de la solidarité
européenne
95
E. Libération :
une économie marquée par l'héritage communiste
96
1. L'économie tchèque, une
économie à deux facettes
96
2. Un modèle social différent
du modèle occidental
98
3. Les délocalisations allemandes
99
4. Un niveau de vie décent
99
IV. V. Havel, les
ambiguïtés de la mondialisation
100
A. Rationalité économique
versus dimension humaine
101
B. Les arguments invoqués
102
C. La place accordée à
l'auditoire
103
CONCLUSION 104
BIBLIOGRAPHIE 107
TABLE DES MATIERES 114
* 1 Václav Havel
définit le « chez- soi » de la façon
suivante : « Pour chacun le chez-soi est une des
catégories existentielles fondamentales qui se réfèrent
à l'expérience. Ce que l'on perçoit comme un chez-soi
(dans le sens philosophique du mot) peut être comparé à un
ensemble d'anneaux concentriques dont le centre est notre
« moi » [...].Mon chez-soi est aussi, bien sûr, le
pays dans lequel je vis, la langue que je parle, l'atmosphère
spirituelle qui règne dans ce pays et qui se concrétise par sa
langue. [...]Puis mon chez-moi c'est aussi l'Europe et mon appartenance
à ce continent », HAVEL, Václav,
Méditations d'été, Editions de l'Aube, 1992, p.
23-25
* 2 HAVEL, [1992], p. 88
* 3 Le « retour
à l'Europe » était le slogan du Forum Civique aux
élections de 1990.
* 4 Idem., p. 88
* 5 HROCH, Miroslav,
« Une identité indésirable : le nationalisme, un
legs du communisme ? », Les Cahiers du CEFRES : Regards
communs sur l'Europe, n°14, Prague, Editions du CEFRES, 1998, p.
68
* 6 HROCH, [1998], p. 68
* 7 KUNDERA, Milan,
« L'occident kidnappé ou la tragédie de l'Europe
centrale », Le Débat, n°27, novembre
1983, p. 3-22.
* 8 AMOSSY, Ruth,
L'argumentation dans le discours : discours politique,
littérature d'idées, fiction, Editions Nathan, 2000, p.
25
* 9 Idem, p. 26
* 10 PERELMAN, Chaïm,
L'empire rhétorique : rhétorique et argumentation,
1997, Paris, p. 22
* 11 Idem, p. 65
* 12 Idem, p. 66
* 13 Idem, p. 66-67
* 14 MICHEL, Bernard,
Nations et nationalismes en Europe centrale :
XIXème- XXème siècle, Paris,
Editions Aubier, 1995, p. 8
* 15 HROCH, [1998], p.
57-58 ; GARDE, Paul, Le discours balkanique : des mots et des
hommes, Paris, Editions Fayard, 2004, p. 40 ; MICHEL, [1995], p.
15-16
* 16 THIESSE, Anne-Marie,
« Les identités nationales, un paradigme
transnational » dans Dieckhoff, Alain et Jaffrelot Christophe (dir.),
Repenser le nationalisme : théories et pratiques, Paris,
Editions des Presses de la Fondation nationale de Sciences politiques, 2006, p.
193-226
* 17 DIECKHOFF, Alain,
« Nationalisme politique contre nationalisme
culturel ? » dans Dieckhoff, Alain et Jaffrelot Christophe
(dir.), Repenser le nationalisme : théories et pratiques,
Paris, Editions des Presses de la Fondation nationale de Sciences politiques,
2006, p. 107
* 18 RENAN, Ernest,
Qu'est ce qu'une nation ? et autres essais politiques, Paris,
Editions Pocket, 1993, p. 53
* 19 Idem, p. 54
* 20 DIECKHOFF, [2006], p.
112
* 21 LOUéIL,
Jaromír, « La lutte pour la « nation »
tchèque entre la pensée des Lumières et le nationalisme
romantique » dans Delsol, Chantal et Maslowski, Michel (dir.),
Histoire des idées politiques de l'Europe centrale, Paris,
Editions Presses universitaires de France, 1998, p. 297
* 22 THIESSE, [2006], p.
193-226
* 23 Nous reprenons ici
l'expression d'Anne-Marie Thiesse.
* 24 La littérature
disponible en langue française n'est pas suffisante pour
développer chacun des éléments.
* 25 Ecrivain et
journaliste, il a fondé le quotidien Národní
noviny en 1848 (journal national). Opposant radical au
gouvernement, son journal fut interdit. Déporté à Brixen
en 1851, il y est resté pendant quatre ans.
* 26 Nous développons
le rôle de F. Palacký dans la partie suivante.
* 27 D'abord philosophe, il
fut ensuite le premier Président de la République
tchécoslovaque en 1918.
* 28 Assassiné le 28
septembre 929 ou 935, il a consacré sa vie à la diffusion de la
foi chrétienne dans les Pays tchèques, il est le premier prince
à s'être tourné vers l'Ouest de l'Europe. La légende
fait de lui un martyr mort pour la cause du christianisme. Aujourd'hui patron
des Tchèques, le jour de sa fête est la journée de l'Etat
tchèque.
* 29 Condamné
à mort pour hérésie le 6 juillet 1415, il a
contribué à réformer l'Eglise et sa disparition a
déclenché le début des guerres hussites. Figure importante
de l'histoire tchèque, il est apprécié non pas pour ses
idées religieuses mais pour son courage et sa
persévérance. Le jour de sa mort est également un jour
national.
* 30 L'actuelle
République tchèque correspond plus ou moins à l'Etat
tchèque apparu à la fin du IXème siècle
qui regroupe la Bohême, la Moravie et une partie de la Silésie.
Cet ensemble a pris le nom de Pays tchèques, dans BÌLINA, Pavel,
ÈORNEJ, Petr et POKORNY, Jiøí (dir.), Histoire des
Pays tchèques, Paris, Editions du Seuil, 1995, p. 27
* 31 En 1348, Charles IV
fixe les limites de l'union des Etats tchèques qui composent
l'entité juridique appelée pays de la Couronne de Bohême ou
Couronne tchèque. Ce terme englobe les territoires placés sous la
souveraineté de Charles IV, roi de Bohême et regroupe : le
royaume de Bohême proprement dit, la Moravie, la principauté de
Silésie, la Haute et la Basse Lusace ; dans BÌLINA,
ÈORNEJ et POKORNY (dir.), [1995], p. 83
* 32 Certains héros
tchèques sont des religieux mais leur importance n'est pas liée
à leur appartenance religieuse. Ils sont reconnus pour le rôle
qu'ils ont joué dans la défense de la nation. C'est le cas de Jan
Hus.
* 33 THIESSE, [2006], p.
197
* 34 Idem, p. 195
* 35 MAYER,
Françoise, Les Tchèques et leur communisme :
mémoire et identités politiques, Paris, Editions de l'Ecole
des Hautes Études en Sciences Sociales, 2004, p. 20
* 36 LAMIZET, Bernard,
Politique et identité, Lyon, Editions Presses Universitaires de
Lyon, 2002, p. 6
* 37 LOUéIL, [1998],
p. 296
* 38 En 1848, à
l'assemblée de Francfort, les Allemands de Bohême évoquent
leur souhait de rassembler tous les Allemands au sein d'une même
entité
* 39 B. Michel signale que
le concept d'intelligentsia est né en 1846 chez les Tchèques et
désigne les écrivains, journalistes, historiens... qui
participent à l'éveil de la conscience nationale.
* 40 Différents
termes sont employés pour désigner cette période :
réveil national, renaissance nationale, éveil national...
* 41 LOUéIL, [1998],
p. 297
* 42 Joseph Jungman,
écrit par exemple que « ôter la langue à la
nation c'est la tuer » cité dans Delsol et Maslowski,
[1998], p. 296
* 43 BARTMINSKI, Jerzy,
« La langue polonaise comme symbole d'identité
nationale » dans Delsol, Chantal, Maslowski, Michel et Nowicki Joanne
(dir.), Mythes et symboles politiques en Europe centrale, Paris,
Editions PUF, 2002, p. 526
* 44 Nous ajoutons ici une
dimension « affective » que A-M. Thiesse ne prend pas en
compte dans sa définition de la composante
« territoire » de l'identité nationale.
* 45 MICHEL, Bernard,
[1995], p. 117
* 46 DELAPERRIERE, Maria,
« Les représentations territoriales et emblématiques de
la patrie » dans Delapierriere, Maria ; Lory, Bernard et Mares,
Antoine (dir), Europe médiane : aux sources des
identités nationales, Paris, Editions de l'Institut d'Etudes
Slaves, 2005, p. 97
* 47 WEHRLÉ,
Frédéric, Le divorce tchéco-slovaque : vie et
mort de la Tchécoslovaquie 1918-1992, Paris, Editions L'Harmattan,
1994, p. 27 ; KISS, Csaba, « Etat et nation : une
contradiction en Europe médiane » dans Roux, Michel (dir.),
Nations, Etat et territoire en Europe de l'Est et en URSS, Paris,
Editions L'Harmattan, 1992, p. 19
* 48 MICHEL, [1995], p. 9
* 49 DRWÊSKI, Bruno,
« Les identités sociales » dans Delapierriere,
Maria ; Lory, Bernard et Mares, Antoine (dir), [2005], p. 267
* 50 MICHEL, [1995], p.
154
* 51 JUNGMANN, Joseph
cité par Mares, Antoine, Histoire des pays tchèques et
slovaque, Paris, Editions Perrin, 2005, p. 250
* 52 MARES, [2005], p.
252
* 53 Extrait de l'ouvrage de
F. Palacký, cité par MICHEL, [1995], p. 72 :
« Le principal contenu et le courant fondamental de l'histoire
des Tchèques et des Moraves est, comme nous l'avons déjà
souligné, les relations et les querelles du monde slave avec le monde
romain et allemand, et comme le monde romain n'avait pas de rapport direct avec
les Tchèques mais seulement par l'intermédiaire des Allemands, on
peut dire aussi que l'histoire tchèque est fondée essentiellement
sur le conflit avec l'Allemagne ».
* 54 Ce sont
également des intellectuels qui sont à l'origine de la
création de ce type d'association. C'est Miroslav Tyøs qui a
fondé le mouvement des Sokol.
* 55 MICHEL, [1995], p.
170
* 56 Idem, p. 170
* 57 LAMIZET, Bernard,
La médiation politique, Paris, Editions L'Harmattan, 1998, p.
37
* 58 LAMIZET, Bernard,
La médiation culturelle, Paris, Editions L'Harmattan, 2000, p.
59
* 59 HALA, Katerina, Le
théâtre tchèque ou petite chronique des passions
politiques », exposé présenté lors des
journées doctorales « Problématiques centre
européennes », 31 mai et 1er juin 2002, Paris IV La
Sorbonne,
http://www.circe.paris4.sorbonne.fr/rubriques/3colloques/doctorale0/hala.html
* 60 Le théâtre
national brûla quelques jours avant son inauguration en 1883 et qu'une
collecte de fonds fut entreprise pour le reconstruire. K. Hala souligne que
toutes les couches de la population ont participé à la
reconstruction du théâtre par le biais de cette reconstruction,
ce qui révèle bien que le peuple dans son ensemble avait besoin
de ce théâtre pour prendre conscience de son appartenance.
* 61 MARES, [2005] ;
MICHEL, [1995]
* 62 MARES, Antoine,
« Ruptures et continuités de la mémoire
tchèque », Vingtième siècle : revue
d'histoire, vol. 36, n°36, 1992, p. 80 ; RUPNIK, Jacques ;
MOÏSI, Dominique, Le nouveau continent : plaidoyer pour une
Europe renaissante, Paris, Editions Calmann-Lévy, 1991, p. 98
* 63 WEHRLÉ,
Frédéric, Le divorce tchéco-slovaque : vie et
mort de la Tchécoslovaquie 1919-1992, Paris, Editions L'Harmattan,
1994
* 64 C'est pourquoi il
qualifie la Tchécoslovaquie d' « Etat
binational » car elle réunissait deux communautés
aux cultures et aux langues différentes.
* 65 WEHRLÉ, [1994],
p. 26
* 66 Au moment de la
création de la Tchécoslovaquie, la minorité allemande
représentait 23% de la population de l'Etat tchécoslovaque.
* 67 En 1943, E. Bene,
deuxième président de la République tchécoslovaque,
déclare : « Vous ne me ferez jamais reconnaître
une nation slovaque. C'est ma conviction scientifique je ne changerai pas... je
maintiens que les Slovaques sont des Tchèques et que la langue slovaque
n'est qu'un dialecte du tchèque... je n'essaierai pas d'interrompre
quelqu'un qui déclare lui-même être slovaque, mais je ne
permettrai pas qu'il déclare qu'il existe une nation
slovaque » cité par WEHRLÉ, [1994], p. 63 ;
Masaryk dit également dans les années 30 :
« Il n'y a pas de nation slovaque... les Tchèques et les
Slovaques sont frères... seul un niveau de développement culturel
les séparent [...] en une génération, il n'y aura plus
aucune différence entre les deux branches de notre famille
nationale » cité par WEHRLÉ, [1994], p. 128.
* 68 PITHART, Petr,
« L'asymétrie de la séparation
tchéco-slovaque » dans Rupnik, Jacques, Le
déchirement des nations, Paris, Editions du Seuil, 1995, p. 163
* 69 La première
république tchécoslovaque s'étend de 1918 à
1935.
* 70 PITHART, Petr, dans
Rupnik, [1995], p. 166
* 71 Nous entendons ici
national dans l'acception occidentale du terme du
« nation ».
* 72 WEHRLÉ, [1994],
p. 102
* 73 PITHART, [1995], p.
175
* 74 Le terme
« Sudètes » est apparu dans les
années 20 pour désigner les Allemands vivant dans les
régions frontalières de Bohême, Moravie et Silésie.
Il a ensuite été généralisé à tous
les Allemands vivant en Tchécoslovaquie.
* 75 Au total, ce sont
presque 2,5 millions d'Allemands qui quittent le territoire
tchécoslovaque car ils étaient considérés aux yeux
des dirigeants politiques tchèques comme coupables d'avoir soutenu
l'Allemagne nazie.
* 76 MARES, [1992], p. 74
* 77 Parmi ces
revendications, nous trouvons le droit au retour qui permettrait aux Allemands
expulsés de revenir sur le territoire tchèque, l'indemnisation
des victimes des expulsions, la restitution des biens qui ont été
confisqués suite aux décrets Benes en 1945 et l'abrogation des
décrets Benes.
* 78 BAZIN, Anne,
« Tchèques et Allemands sur la voie d'une difficile
réconciliation », Relations internationales et
stratégiques, n°26, été 1997, p. 162-163
* 79 En 1999, le Parlement
européen a demandé au gouvernement tchèque d'abroger les
décrets Benes à l'initiative de la CSU ; en 2002, la
question prend une dimension européenne puisque l'Autriche, la Hongrie
et l'Allemagne se demandent si les décrets Benes peuvent être un
obstacle juridique à l'entrée de la République
tchèque dans l'UE dans BAZIN, Anne,
« Allemagne-République tchèque : les
résurgences du passé », Le Courrier des pays de
l'Est, n°1049, mai-juin 2005, p. 50.
* 80 En 1989, V. Havel,
président de la République tchèque présente ses
excuses à l'Allemagne en condamnant l'expulsion des Allemands de
Tchécoslovaquie dans l'après guerre, un geste que n'a pas compris
la population tchèque.
* 81 NOWICKI, Joanna,
« Introduction du livre IV : les grands courants modernes,
XIXème-XXème siècles »
dans Delsol, et Maslowski, [1998], p. 370
* 82 Ce thème se
retrouve à la fois dans des ouvrages d'intellectuels et d'hommes
politiques tchèques comme d'experts français
spécialisés dans les questions touchant à l'Europe
centrale.
* 83 Expression d'Alexandra
Laignel Lavastine citée par NOWICKI, Joanna, [1998], p. 367
* 84 NOWICKI, Joanna dans
Delsol et Maslowski, [1998], p. 372
* 85 DOUBEK Vratislav,
« De la question de la petite nation à la Russie et à
l'Europe : T. G. Masaryk » dans Delsol et Maslowski, [1998], p.
435
* 86 SOKOL, Jan,
« La pensée européenne de Jan
Patoèka » dans Delsol et Maslowski, [1998], p. 504
* 87 Patoèka est un
philosophe qui accorde une grande place à l'âme dans sa
réflexion.
* 88 NOWICKI, Joanna dans
Delsol et Maslowski, [1998], p. 373
* 89 L'ODS
(Obèanská demokratická strana) est un parti conservateur
et libéral fondé en avril 1991 par V. Klaus suite à la
scission du Forum civique.
* 90 Le ÈSSD
(Èeská strana sociálnì demokratická) est un
parti social-démocrate.
* 91 BLONDIAUX, Loïc,
La fabrique de l'opinion : une histoire sociale des sondages,
Paris, Editions du Seuil, 1998, p. 105
* 92 Idem, p. 11
* 93 Idem, p. 12
* 94 BLONDIAUX, [1998], p.
13
* 95 BOURDIEU, Pierre,
« L'opinion publique n'existe pas », Questions de
sociologie, Paris, Editions de Minuit, 1980, p. 222-235
* 96 Idem, p. 226
* 97 Idem, p. 222
* 98 C'est de l'opinion
publique sondagière dont il sera question dans cette partie. En effet,
l'évolution de l'opinion publique tchèque a été
suivie grâce aux sondages réalisés par la Commission
européenne entre autres.
* 99 RUPNIK, Jacques
(dir.), Les Européens face à l'élargissement :
perceptions, acteurs, enjeux, Paris, Presses de la fondation nationale des
sciences politiques, 2004, p. 22
* 100 NEUMAYER, Laure,
« Opinions publiques et partis politiques face à
l'intégration européenne en Hongrie, Pologne et République
tchèque », Revue d'Etudes comparatives Est-Ouest,
vol. 30, n°1, mars 1999, p. 140
* 101 NEUMAYER, Laure,
L'enjeu européen dans les transformations postcommunistes :
Hongrie, Pologne, République tchèque, 1989-2004, Paris,
Editions Belin, 2006, p. 109
* 102 RUPNIK, [2004], p.
15, 16, 17
* 103 MICHEL, Patrick,
(dir.), Europe centrale, la mélancolie du réel, Paris,
Editions Autrement, 2004, p. 23-24
* 104 NEUMAYER, [2006], p.
109
* 105 MICHEL, [2004], p.
89
* 106 GABAL, Ivan,
« République tchèque : le retour en Europe des
Pays Tchèques » dans Rupnik, [2004], p. 178
* 107 Idem, p. 179
* 108 Idem.
* 109 Un sondage
réalisé auprès de la population tchèque
révèle que ces deux craintes arrivent en huitième
position, GABAL, [2004], p. 179
* 110 LEQUESNE, Christian
et RUPNIK, Jacques, L'Europe des 25 : vingt-cinq cartes pour un jeu
complexe, Paris, Editions Autrement, 2004, p. 65
* 111 RUPNIK, [2004], p.
25
* 112 RUPNIK, [2004], p.
27
* 113 RUPNIK, Jacques,
« Elites et opinions publiques européennes face à un
moment historique pour l'Europe » dans Rupnik, [2004], p. 28
* 114 Par exemple, au
début des années 90, F. Mitterrand affirme qu'il n'y aura pas
d'élargissement avant une dizaine d'années.
* 115 En 1995, Jacques
Chirac se rend dans les pays candidats et affirme que l'élargissement
aura lieu en 2000.
* 116 LEQUESNE et RUPNIK,
[2004], p. 59 et RUPNIK, [2004], p. 33
* 117 HERSCHTEL,
Marie-Luise, L'Europe élargie : enjeux économiques,
Paris, Editions des Presses de la fondation nationale de sciences politiques,
2004, p. 11
* 118 RUPNIK, [2004], p.
60
* 119 Idem, p. 49
* 120 LEQUESNE et RUPNIK,
[2004], p. 57
* 121 RUPNIK, [2004], p.
55
* 122 Idem, p. 55
* 123 NEUMAYER, [2006], p.
25
* 124 Idem, p. 26
* 125 KUNDERA, [1983], p. 3
* 126 NEUMAYER, [2006], p.
29
* 127 Nous reviendrons plus
en détails sur les positions de ce parti plus loin puisque V. Klaus en
est le leader.
* 128 NEUMAYER, [2006], p.
50
* 129 Idem, p. 69
* 130 DAUDERSTÄDT,
Michael et JOERISSEN, Britta, « Partis de gauche et
intégration à l'UE : le `oui...mais' dans les nouveaux Etats
membres », Le Courrier des pays de l'Est, n°1054,
mars-avril 2006, p. 12
* 131 NEUMAYER, [2006], p.
88
* 132 DAUDERSTÄDT et
JOERISSEN, [2006], p. 13
* 133 Leader du parti entre
2002 et 2004, il a également été ministre du travail et
des affaires sociales de 1998 à 2002 puis Premier ministre de juillet
2002 à août 2004. En novembre 2004, il est nommé
Commissaire européen à l'Emploi, aux Affaires sociales et
à l'Egalité des chances.
* 134 DAUDERSTÄDT et
JOERISSEN, [2006], p. 12
* 135 WAELE (de),
Jean-Michel, L'émergence des partis politiques en Europe
centrale, Bruxelles, Editions de l'Université de Bruxelles, 1999,
p. 91
* 136 NEUMAYER, Laure,
« Opinions publiques et partis politiques face à
l'intégration européenne en Hongrie, Pologne et République
tchèque », Revue d'Etudes comparatives Est-Ouest,
vol. 30, n°1, mars 1999, p. 155
* 137 Idem p. 155
* 138 COUSTAURY, Annabelle,
L'ODS et l'Europe, Etudes du CEFRES, n°7, mai 2005, p. 12,
www.cefres.cz/pdf/etude7.pdf
* 139 COUSTAURY, [2005], p.
12
* 140 RUPNIK, Jacques,
[2004], p. 41
* 141 Annabelle Coustaury
montre dans une étude consacrée à l'ODS et à
l'Europe que la position de Václav Klaus est contestée par
certains membres du parti qui sont beaucoup moins sceptiques vis-à-vis
de l'Europe, [2005], p. 21-22
* 142 COUSTAURY, [2005], p.
15
* 143 COUSTAURY, Annabelle,
L'ODS et l'Europe, Etudes du CEFRES n°7, mai 2005
* 144 COUSTAURY, [2005], p.
8
* 145 Idem., p. 9
* 146 Idem., p. 10
* 147 NEUMAYER, [2006], p.
85
* 148 MARES, [2005], p.
447
* 149 Nous avons
privilégié les textes et discours dans lesquels V. Havel
consacrait une partie à la façon dont les pays tchèques
allaient être intégrés dans l'Europe et aux
bénéfices qu'ils pouvaient en retirer. Nous avons tenté
également de trouver des écrits dans lesquels il apportait des
arguments sur la question de l'identité nationale.
* 150 HENARD,
Jacqueline ; VERNET, Daniel, « La grande Europe vue par Jacques
Delors et Václav Havel », Le Monde, 01/02/01, p.
16
* 151 HAVEL, Václav,
« Refaire le monde en commençant par l'Europe »,
Europartenaires, n°21, janvier 2003, p. 2
* 152 RUPNIK, Jacques,
entretien avec Václav Havel, « Ce n'est qu'un au
revoir... », Politique internationale, n°98, 2003,
http://www.politiqueinternationale.com/revue/read2.php?id_revue=13&id=203&search=&content=texte
* 153 SCOTTO, Marcel,
« Les perspectives d'élargissement de l'UE, Václav
Havel souhaite plus de `dimension morale' pour l'Europe » dans Le
Monde, 10 mars 1994, p. 5
* 154 PLICHTA, Martin,
« L'Union européenne revue et corrigée par
Václav Havel », Le Monde, 10 mars 1999
* 155
« Václav Havel et la mission historique de l'UE »,
Europartenaires, janvier 2003, p. 3
* 156 Idem, p. 2
* 157 SCOTTO, [1994], p.
5
* 158 HAVEL, Václav,
Essais politiques, Paris, Editions Calmann-Lévy, 1989, p.
67
* 159 Selon A-M. Thiesse
les différentes composantes de l'identité nationale ou
« check list identitaire » sont : les
ancêtres fondateurs, les héros, l'histoire, la langue, les
monuments, les lieux de mémoire, le folklore, la coutume et la
gastronomie.
* 160 Le Monde,
« Blazena, Blanka, Klara, l'adhésion vue par trois
générations », 29 avril 2004, p. 8
* 161
L'Humanité, « Un pays à la loupe, la
République tchèque », 26 avril 2004, p. 11
* 162 AMOSSY, Ruth,
L'argumentation dans le discours : discours politique,
littérature d'idées, fiction, Paris, Editions Nathan, 2000,
p. 110
* 163
L'Humanité, « A Prague, l'indifférence
domine », 18 mai 2004, p. 9
* 164 Le Figaro,
« L'insoutenable légèreté des
Tchèques », 22 juillet 2004, p. 29
* 165 Dans la
première partie de l'article, le journaliste est l'énonciateur
alors que la seconde partie du discours est consacrée à une
interview.
* 166 Le Petit
Larousse, Editions Larousse, 1993, p. 1026
* 167 La Croix,
« Les Praguois redécouvrent leur passé austro-hongrois.
La République tchèque s'est construite en opposition à
l'Empire austro-hongrois et reste pourtant profondément marqué
par lui », 4 mai 2004, p. 27
* 168 La Croix,
« Les frontières d'Europe centrale n'ont cessé de
bouger. La plupart des nouveaux Etats sont nés il y a moins d'un
siècle, au lendemain de la Première Guerre Mondiale, 30 avril
2004, p. 5
* 169 La Croix, 4
mai 2004, p. 27
* 170 La Croix, 27
avril 2004, p. 28
* 171
Libération, « République tchèque. Les
plus athées », 27 avril 2004, p. 11
* 172
Libération, « République tchèque. On
dirait que vous avez peur de nous », 27 avril 2004, p. 11
* 173
Libération, « Portrait-robot des dis nouveaux :
République tchèque », 30 avril 2004, p. 11
* 174 La Croix,
« La révolution économique tchèque n'est pas de
velours. Les Tchèques craignent de ne pas profiter très vite de
l'adhésion à l'UE», 26 avril 2004, p. 13 ; Le
Figaro, « L'insoutenable légèreté des
Tchèques ; amputée de la Slovaquie, le pays vit une
révolution où tout n'est pas de velours », 22 juillet
2004, p. 29
* 175 VERON, Eliséo,
Construire l'événement : les médias et l'accident
de Three Mile Island, Paris, Editions de Minuit, 1981, p. 158
* 176 Le Monde, 27
avril 2004, p. III
* 177 Le Monde, 29
avril 2004, p. 8
* 178 Le Monde, 6
janvier 2004, p. IV
* 179 Le Monde, 27
avril 2004, p. III
* 180 Le Monde, 29
avril 2004, p. 8
* 181 Le Monde, 27
avril 2004, p. III
* 182
L'Humanité, 18 mai 2004, p. 9
* 183 Le Figaro,
22 juillet 2004, p. 29
* 184 NEUMAYER, Laure,
« Les opinions publiques en Europe centrale sur l'UE avant et
après l'adhésion », Le Courrier des pays de
l'Est, n°1048, mars-avril 2005, p. 85
* 185 Le Figaro,
22 juillet 2004, p. 29
* 186 La Croix, 27
avril 2004, p. 28
* 187 NEUMAYER, [2005], p.
85
* 188 La Croix,
« La révolution économique tchèque n'est pas de
velours. Les tchèques craignent de ne pas profiter très vite de
l'adhésion à l'UE », 26 avril 2004, p. 13
* 189 La Croix, 26
avril 2004, p. 13
* 190 La Croix,
« Cardinal Miroslav Vlk, archevêque de Prague », 2
décembre 2004, p. 9
* 191 La Croix,
« Pour Jan Kohout, les craintes économiques des Quinze envers
l'Est ne sont pas fondées », 2 mai 2004, p.5
* 192 AMOSSY, Ruth,
L'argumentation dans le discours : discours politique,
littérature d'idées, fiction, Paris, Editions Nathan, 2000,
p. 25
* 193 AMOSSY, [2000], p.
65
* 194 PERELMAN, Chaïm,
L'empire rhétorique : rhétorique et argumentation,
Paris, Editions Vrin, 1977, p. 95
* 195 Idem, p. 97
* 196
Libération, 27 avril 2004, p. 11
* 197 Rappelons que
seulement 42% des inscrits ont dit oui à l'Europe. La plupart des
Tchèques étaient indifférents voire opposés
à l'intégration de leur pays dans l'UE.
* 198 Nous pensons
notamment aux mesures prises pour limiter la libre circulation des
travailleurs.
* 199 Pour ces
élections européennes, le slogan de l'ODS était
« Vers l'UE de manière réaliste et sans
illusion », un slogan qui reflète bien l'euroscepticisme
de son leader. Le PC à quant à lui mené une campagne
contre l'Europe. LEQUESNE, Christian et PEROTTINO, Michel, « Les
élections européennes en République tchèque :
anatomie d'une réticence », Critique internationale,
N°24, juillet 2004, p. 32
* 200 Le Monde,
« Le scrutin du 13 juin 2004 », 15 juin 2004
* 201 Le Monde,
« Un revers démocratique européen », 15 juin
2004, p. 15
* 202 Le Monde, 15
juin 2004
* 203 Le Monde, 15
juin 2004
* 204 Le Monde, 15
juin 2004
* 205 Le Monde, 15
juin 2004
* 206 Le Monde,
« Eurodéputés : portraits choisis », 15
juin 2004, p. 14
* 207
L'Humanité, « A Prague, l'indifférence
domine », 18 mai 2004, p. 9
* 208
L'Humanité, « Un pays à la loupe : la
République tchèque », 26 avril 2004, p. 11
* 209
L'Humanité, 26 avril 2004, p. 11 ; 18 mai 2004, p. 9
* 210
L'Humanité, 18 mai 2004, p. 9
* 211
L'Humanité, 18 mai 2004, p. 9
* 212
L'Humanité, 18 mai 2004, p. 9
* 213
L'Humanité, 26 avril 2004, p. 11
* 214
L'Humanité, 26 avril 2004, p. 11
* 215
L'Humanité, 18 mai 2004, p. 9
* 216 Le Figaro,
« Vladimir pidla démissionne après l'échec des
européennes », 29 juin 2004, p. 22
* 217 Le Figaro,
« Démission du premier ministre », 28 juin 2004, p.
5
* 218 Le Figaro,
« Gross nommé premier ministre », 3 juillet 2004, p.
5
* 219 Le Figaro,
29 juin 2004, p. 22
* 220 Le Figaro,
26 août 2004, p. 4
* 221 La Croix,
« La révolution économique tchèque n'est pas de
velours. Les Tchèques craignent de ne pas profiter très vite de
l'adhésion à l'UE », 26 avril 2004, p. 13
* 222 La Croix,
« Le grand bond en arrière de la République
tchèque », 29 juin 2004, p. 8
* 223 La Croix,
« République tchèque. La droite eurosceptique
l'emporte », 15 juin 2004, p. 10
* 224 La Croix, 29
juin 2004, p. 8
* 225 La Croix, 29
juin 2004, p. 8 ; « Enthousiasme et gravité pour
fêter la nouvelle Europe », 3 mai 2004, p. 3
* 226 Le Petit
Larousse, [1993], p. 805
* 227 Alternative de
droite, Résistance nationale ou encore le Parti républicain
patriotique ; BAYOU, Céline, BLAHA, Jaroslav, LHOMEL, Edith et
POTEL, Jean-Yves, « Populisme et extrémisme en Europe centrale
et balte », Courrier des pays de l'Est, n°1054,
mars-avril 2006, p. 31-32.
* 228 La Croix, 3
mai 2004, p. 3
* 229 La Croix, 29
juin 2004, p. 8
* 230 La Croix, 15
juin 2004, p. 10
* 231 La Croix, 15
juin 2004, p. 10
* 232
Libération, « République tchèque :
le rouge fait toujours recette », 15 juin 2004, p. 8
* 233
Libération, « L'Est dilue dans l'UE son passé
communiste », 26 avril 2004, p. 6-7
* 234 V. Spidla
démissionne de son poste de Premier ministre le 26 juin et V. Klaus
nomme S. Gross le 3 juillet 2004.
* 235 Le Monde,
« La République tchèque se divise sur la
personnalité du Premier ministre », 23 septembre 2004, p. 6
* 236 Le Figaro,
22 juillet 2004, p. 29
* 237 Le Figaro,
« Vladimir pidla démissionne après l'échec des
européennes », 29 juin 2004, p. 6
* 238 Idem.
* 239 Idem.
* 240 Le Figaro,
« Stanislav Gross obtient le feu vert de la chambre des
députés », 26 août 2004, p. 4
* 241 Le Figaro,
29 juin 2004, p. 6
* 242 Le Figaro,
26 août 2004, p. 4
* 243 Le Figaro,
29 juin 2004, p. 6
* 244 Le Figaro,
26 août 2004, p. 4
* 245 La Croix, 26
avril 2004, p. 13
* 246 La loi sur la
privatisation adoptée en 1991, permettait à tout citoyen de plus
de 18 ans d'acheter des carnets de coupons moyennant 1 000 Kc. Ils
pouvaient ensuite être utilisés pour acheter des actions dans les
entreprises ou les banques participant à l'opération. Au total,
près de 80% des Tchèques ont participé à cette
privatisation par coupons ; dans MAGNIN, Eric, Les transformations
économiques en Europe de l'Est depuis 1989, Paris, Editions Dunod,
1999, p. 36
* 247 La Croix, 26
avril 2004, p. 13
* 248 La Croix, 15
juin 2004, p. 10
* 249 La Croix, 29
juin 2004, p. 8
* 250 Idem.
* 251
Libération, « La République tchèque se
donne à un jeune premier ministre », 27 juillet 2004, p. 9
* 252 Le Petit
Larousse, [1993], p. 805
* 253 SOULET,
Jean-François, Histoire de l'Europe de l'Est de la Seconde Guerre
mondiale à nos jours, Paris, Editions Armand Colin, 2006, p. 228
* 254 Idem, p. 229
* 255 Rapport
d'information déposé par la délégation de
l'Assemblée nationale pour l'UE sur l'adhésion de la
République tchèque à l'UE, présenté par
M. Nicolas DUPONT-AIGNAN, 8 avril 2003, p. 8,
www.ladocumentationfrancaise.fr
* 256 Idem, p. 7
* 257 Nous employons ici le
terme de sanction tel qu'il est utilisé par A. J. Greimas dans la grille
du schéma narratif. Au cours de la phase de sanction, il s'agit
« de statuer sur la véridiction des états
transformés au cours de la phase de performance », GROUPE
D'ENTREVERNES, Analyse sémiotique des textes : introduction,
théorie, pratique, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 1979, p.
49.
* 258 Le Monde,
« La nouvelle Europe des investissements se dessine », 28 mai
2004, p. 17
* 259 Le Monde,
« Le petit cinéma tchèque, seul parmi les dix à
résister encore à Hollywood », 29 avril 2004, p. 19
* 260 Le Monde,
« Déménagement sous surveillance policière de
l'usine Snappon, à destination de la République
tchèque », 28 août 2004, p. 8
* 261
L'Humanité, 26 avril 2004, p. 11
* 262
L'Humanité, 18 mai 2004, p. 9
* 263
L'Humanité, 26 avril 2004, p. 11
* 264
L'Humanité, 18 mai 2004, p. 9
* 265 Le Figaro,
22 juillet 2004, p. 29
* 266 Jiri Vecernik indique
dans un article consacré à la réforme sociale
tchèque que « si l'on se réfère au seuil de
pauvreté mesuré dans l'UE (60% du revenu médian par
tête), il y aurait 8% de pauvres en République tchèque
contre 15% chez les Quinze », VECERNIK, Jiri, « Quelle
réforme sociale en République tchèque ? »,
Le Courrier des pays de l'Est, n°1040, novembre-décembre
2003, p. 43.
* 267 Le Figaro,
« Le recul de l'Etat et le choix de la
compétitivité ; les nouveaux membres ont opté, en
matière économique, pour la `thérapie de
choc' », 4 mai 2004, p. 12
* 268 La Croix, 26
avril 2004, p. 13
* 269 Par exemple, Sandra
Moatti écrit que « l'impact économique de
l'élargissement peut paraître secondaire. Les économies des
nouveaux pays membres sont déjà largement intégrées
à celles des Quinze », dans
« Elargissement : la solidarité européenne
à l'épreuve », Alternatives
économiques, n°225, mai 2004, p. 7
* 270 La Croix, 2
avril 2004, p. 28
* 271 La Croix,
« A l'Est, une Europe de la biodiversité. Les Tchèques
aspirent à un air encore meilleur », 27 avril 2004, p. 14
* 272 L'amélioration
de la situation environnementale figurait parmi les objectifs de la reprise de
l'acquis communautaire.
* 273 La Croix, La
révolution tchèque n'est pas de velours. Les Tchèques
craignent de ne pas profiter très vite de l'adhésion à
l'Union européenne », 26 avril 2004, p. 13
* 274 La Croix, 27
avril 2004, p. 28
* 275
Libération, « Lodenice approfondit le sillon du
vinyle », 30 avril 2004, p. 26
* 276
Libération, « La firme bio ; l'Europe à
25. Dana Hradecka, 37 ans, chef d'entreprise. Elle a créé
Botanicus, une gamme de produits cosmétiques bio ainsi qu'une
chaîne de boutiques dans son pays et en Angleterre », 20
juillet 2004, p. 32
* 277
Libération, « La force tchèque : sa
faiblesse syndicale », 28 avril 2004, p. 7-8
* 278
Libération, « Pour les Berlinois, un petit
chèque pour des obsèques tchèques », 30 avril
2004, p. 33
* 279
Libération, 2 avril 2004, p. 11
* 280 Le Figaro,
« Les ambiguïtés de la mondialisation », 29
octobre 2004, p. 13-14
* 281 PERELMAN, [1977], p.
119
* 282 PERELMAN, [1977], p.
97
* 283 PERELMAN, [1977], p.
27
* 284 AMOSSY, [2000], p.
41-43
* 285 HAVEL, [1989], p.
67
* 286 HAVEL, Vaclav,
Pour une politique post-moderne, Editions de l'Aube, 1999, p. 17
* 287 EVEN-GRANBOULAN,
Geneviève, Václav Havel, président philosophe, La
Tour d'Aigues, Editions de l'Aube, 2003, p. 239
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