INTRODUCTION
D'avril à juillet 1994, le RWANDA (petit pays de
l'Afrique centrale), a été le théâtre d'un
génocide qui a emporté la quasi-totalité des
membres du groupe Tutsi vivant dans ce pays en 1994. Ce
génocide a certes été commis par des Rwandais
mêmes, mais l'Organisation des Nations Unies (ONU) s'en
est rendue complice par son silence et son inertie incompréhensibles.
On ne peut comprendre en effet, comment ce
génocide a pu longuement se préparer et ensuite se
consommer sous les projecteurs des médias du monde entier, surtout avec
la présence au Rwanda des casques bleus de l'ONU, censés
être des soldats de la paix, sans la moindre intervention, ni pour le
prévenir, ni pour l'arrêter. Pourtant, des signes
précurseurs de ce génocide avaient été
relevés bien avant par bon nombre de spécialistes sur la
question1(*).
Pire, lorsque le génocide commence dans la
nuit du 6 au 7 avril 1994, l'ONU qui disposait au Rwanda d'une force
de 2.500 hommes dans ce qui était la Mission des Nations Unies
pour l'Assistance au Rwanda (MINUAR), n'a pas voulu adapter le mandat
de cette force aux nouvelles circonstances et d'en augmenter le nombre. Au
contraire, le Conseil de Sécurité s'est hâté de
mettre à l'abri ses militaires, abandonnant les victimes à la
merci de leurs bourreaux.
Pourtant, cinquante ans auparavant, les puissances
alliées victorieuses de la 2ème Guerre mondiale avaient
prononcé la célèbre phrase "plus jamais ça
!", en dressant le bilan d'une guerre dévastatrice mais aussi d'un
crime sans nom qu'à cette époque le professeur Raphaël
LEMKIN appela «génocide »2(*). C'est à la suite de ces
deux tragédies que l'ONU fut créée et que la
Convention du 9 décembre 1948 sur la prévention et la
répression du crime de génocide fut adoptée3(*). L'on pouvait alors
espérer que la Charte de l'ONU et la Convention sur le
génocide allaient être des instruments juridiques
efficaces, pour mettre fin pour toujours, aux malheurs des peuples.
En effet, lors de la Première Guerre mondiale, le
monde s'était trouvé face à un vide dans la recherche de
solutions à un conflit de cette envergure. Le Traité de
Versailles, qui a marqué la fin de la guerre, a mis sur pied une
première forme d'Organisation internationale destinée à
prévenir ce genre de fléau et enrayer le spectre d'une guerre
mondiale. Ce fut l'objet et le but de la mise sur pied de la
Société des Nations (SDN) qui, hélas
créa un mauvais précédent par son incapacité
à jouer le rôle pour lequel elle avait été
fondée. Celle-ci fut alors remplacée par l'ONU. Cette
dernière ayant assisté les bras croisés au
génocide de cette fin du 20è Siècle, n'a-t-elle
pas elle-même manqué l'occasion de justifier son existence? Il est
vrai que tout au long de son existence, l'ONU a connu bien des
ratés dans ses missions de paix, mais jusqu'au drame rwandais, aucun de
ces échecs n'avait encore laissé place à un
génocide.
Après les horreurs du Rwanda, l'on aurait cru que
l'ONU allait tirer des leçons de cette tragédie pour
désormais remplir ses obligations. Cependant, les malheureux
événements du Kosovo démontrent le contraire, car durant
ces moments difficiles, l'ONU aura brillé par son absence dans
la résolution de ce conflit.
La récente réaction de l'ONU en faveur
du Timor Oriental et le succès remporté lors de cette
opération vont-ils constituer un précédent qui va
désormais lier l'action de cette Organisation ?
La présente recherche a pour ambition de mettre en
lumière un certain nombre de questions ainsi que des propositions de
réponses à y apporter : d'abord, quelles étaient les
obligations juridiques de l'ONU devant le génocide au
Rwanda ; ensuite, comment cette Organisation a-t-elle failli à ses
responsabilités et quelles en ont été les causes ; enfin
quelles seraient les meilleures perspectives pour éviter de telles
catastrophes pour l'avenir ?
Le cheminement de cette étude se fera à la
lumière des douloureux événements du
génocide au Rwanda. Dans nos recherches, nous verrons si les
causes profondes des défaillances de l'ONU devant ce
génocide se retrouvent soit dans les structures même de
cette Organisation, soit dans celles du Droit International, soit
alors si cela n'a été que le résultat d'un concours de
circonstances du moment, qui auraient, de façon conjoncturelle,
paralysé l'action de l'ONU.
Cet exercice nous permettra de mettre en exergue l'un des
maux qui rongent l'ONU, ainsi que le remède à y
apporter, afin que ce qui s'est passé au Rwanda ne se reproduise jamais
plus, ni au même endroit, ni sous d'autres cieux.
D'entrée de jeu, nous allons faire un bref
aperçu de l'histoire du Rwanda (Sect. I). Nous verrons ensuite
sommairement les actions posées par l'ONU ainsi que ses omissions (Sect.
II).
Section 1. Bref historique
1. Le contexte pré-colonial
Petit pays enclavé en Afrique Centrale (26.338
km2), le Rwanda comptait une population estimée à
7,736 millions d'habitants4(*) (avant avril 1994), composée de trois groupes
ethniques, les Hutu, majoritaires, les Tutsi, et une petite communauté
de Twa.
Les origines et l'occupation du Rwanda par les trois groupes
constituent encore l'un des chaînons manquants dans le puzzle de
l'histoire rwandaise. Beaucoup de controverses entourent des thèses de
grands historiens (en majorité européens)5(*) ayant écrit sur cette
période de la naissance de la nation rwandaise. D'aucuns parlent de
migrations successives, où les Twa seraient les premiers, les Hutu
ensuite, et enfin les Tutsi. Selon d'autres, les termes Hutu, Tutsi et Twa
feraient référence plus à un statut social qu'à une
origine ethnique quelconque6(*).
Les trois groupes parlent la même langue, ont les
mêmes croyances, les mêmes us et coutumes, observent les
mêmes rites et occupent de manière indistincte le même
terroir. Pendant des siècles, ces groupes ont cohabité en
symbiose. Même si l'histoire rwandaise d'avant la colonisation n'est
qu'exclusivement orale, un corps d'élite la transmettait de
génération en génération. Jamais on n'aura entendu
parler de massacres entre les trois groupes. Les intrigues et règlements
de compte, fréquents dans les milieux proches du pouvoir d'alors, ne
concernent que les hommes de cour. Quelques familles, membres du clan royal ou
parents par alliance monopolisent le pouvoir pendant des siècles.
Comme le souligne la Commission française
d'information, "les premiers observateurs ont
relaté toutes sortes de conflits d'ordre politique ou de
caractère régional mais n'ont jamais fait état
d'affrontement ethnique opposant éleveurs et agriculteurs, Hutus et
Tutsis"7(*).
2. La période coloniale
Colonie allemande de 1900 à 1916, le Rwanda sera
placé sous mandat de la Belgique, ensuite sous tutelle du même
pays dès 1946, jusqu'au moment de l'indépendance le
1er juillet 1962. La décision des principales puissances
alliées et associées de confier le mandat sur le Rwanda à
la Belgique fut entérinée le 20 juillet 1922 par le Conseil de la
SDN8(*) En 1933,
la puissance mandataire crée une carte d'identité avec mention
ethnique9(*). L'institution
de ce document s'avérera plus tard lourde de conséquences, car
non seulement celui-ci a définitivement mis fin aux mouvements
d'assimilations qui s'opéraient d'un groupe à l'autre, et
partant, figé l'appartenance ethnique, mais cette carte a
également plus tard permis l'identification des victimes du
génocide de 1994.
Durant la période coloniale, les autorités
belges favorisent les Tutsi au détriment des Hutu, jusque dans les
années 50 où "confrontés à la disparition du
régime colonial et aux pressions des Nations Unies qui supervisaient
l'administration du Rwanda placé sous tutelle, les administrateurs
coloniaux commencèrent à accorder aux Hutu une participation plus
large à la vie publique"10(*).
3. Les deux républiques
Soutenue conjointement par l'autorité tutélaire
et l'Église Catholique, l'élite hutu renverse la vapeur lors de
ce qui a été appelé «la révolution sociale
de 1959 ». Dès 1961, le Rwanda devient une
République, dirigé par un Président hutu.
Aussitôt après la prise de pouvoir, les
autorités hutu entament une répression sévère
visant les Tutsi. Ces derniers n'ont plus aucun droit, pas même le plus
fondamental : le droit à la vie. Les massacres des Tutsi par des Hutu en
1959 et les années qui ont suivi, sont un prélude au
génocide de 1994. En cette sombre période des
années soixante, plus de 20.000 Tutsi sont tués et quelque
300.000 prennent le chemin de l'exil, essentiellement vers les pays
limitrophes11(*).
À partir de ces pays, des réfugiés
organisent des attaques sans succès pour la reconquête du pouvoir,
jusqu'en 1966. Consécutivement à ces attaques, des Tutsi de
l'intérieur sont tués en guise de représailles12(*). Dans la vie courante, les
Tutsi sont exclus de toutes les sphères de la politique et de
l'administration. Des quotas établis en catimini sur une base ethnique
limitent considérablement l'accès des Tutsi aux études et
à l'emploi. Citoyens de seconde zone, les Tutsi seront des boucs
émissaires de tous les maux qui frappent le pays. Ainsi, durant le
malaise qui a précédé le coup d'état des militaires
(Hutu du Nord contre Hutu du Sud) en 1973, beaucoup de Tutsi sont
renvoyés des écoles et de leurs emplois, d'autres tués. Ce
fut la deuxième vague de réfugiés Tutsi à gagner
les pays limitrophes.
Déjà à cette époque, comme le
note un auteur, "les violations des droits de l'homme dont sont victimes
des Tutsi et qui sont commises au nom de la règle de la majorité
n'inquiètent guère la communauté
internationale"13(*).
Un autre auteur note également que "cinquante ans de massacres
successifs ont étonnamment peu suscité la curiosité du
public"14(*).
Les attaques des réfugiés et les massacres des
Tutsi de l'intérieur connaîtront cependant un répit, et
dès les années 80, les réfugiés demanderont de
rentrer paisiblement. La demande, faite par des représentants de
ceux-ci, rencontra une fin de non-recevoir de la part du gouvernement rwandais,
sous le fallacieux prétexte que le pays est trop petit et qu'il ne
pourrait recevoir tout réfugié qui souhaiterait rentrer. Il est
décidé que les candidatures des réfugiés au retour
seront soumises à qui de droit et examinées cas par cas15(*).
4. L'attaque du Front Patriotique Rwandais
Le 1er octobre 1990, le Front Patriotique Rwandais
(FPR), à l'origine formé en majorité de descendants des
réfugiés Tutsi de 1959, attaque le pays à partir du voisin
nord, l'Ouganda. Des Tutsi de l'intérieur, dans le Nord-Ouest du pays,
paient encore de leur vie cette attaque. Dans les villes, environ treize mille
Tutsi seront emprisonnés sans aucune inculpation et torturés,
plusieurs dizaines d'entre eux mourront16(*). La plupart ne seront libérés que six
mois plus tard à l'issue des négociations de cessez-le-feu entre
le gouvernement et le FPR.
Dès le début de la guerre le 1er
octobre 1990 et tout au long des négociations de paix, des actes de
génocide contre des Tutsi de l'intérieur seront
perpétrés par des militaires et des civils dans plusieurs coins
du pays. La guerre que menait le gouvernement rwandais de l'époque
contre les "assaillants" lui servira d'alibi pour justifier ces horreurs.
Entre 1990 et 1993, plusieurs cas de violences graves contre
les Tutsi sont recensés à travers le pays. Les plus importants
sont enregistrés dans les quatre points cardinaux. Il s'agit notamment :
massacre d'environ 400 Tutsi en début octobre 1990 dans le Nord-Ouest
lors de l'attaque du FPR par le Nord-Est. Dans la même période,
l'armée rwandaise massacre entre 500 et 1000 Hima (un sous-groupe tutsi)
dans la zone proche des combats. Début 1991, entre 500 et un millier de
Bagogwe (un autre sous-groupe tutsi) sont massacrés dans la partie Nord
du pays. En mars 1992, 500 Tutsi sont tués dans le Sud, tandis que
plusieurs centaines d'autres sont massacrés à Kibuye dans l'Ouest
du pays.
Comme tous ces massacres mettent "en place le canevas du
génocide de 1994"17(*), ils se font sous l'instigation des autorités
nationales et la surveillance des autorités locales. Aucun de ses
commanditaires, auteurs ou complices ne sera puni. Certains criminels
présumés sont arrêtés dans le Sud du pays, mais ils
seront vite relâchés sans aucun jugement.
Malgré les rapports des spécialistes en
matière des droits de l'homme sonnant l'alarme, l'ONU ne sut
tirer profit de ces renseignements importants, afin de prévenir
l'irréparable. En effet, deux missions d'enquête, l'une de
l'ONU18(*),
l'autre d'une coalition d'organisations internationales de protection des
droits de l'homme19(*),
ont passé quelques jours au Rwanda, et ont produit leurs rapports
confirmant l'existence des violations graves et massives des droits de l'homme
par le gouvernement rwandais. Ces rapports, qui pourtant vont jusqu'à
qualifier ces événements de "génocide", sont
restés lettres mortes.
5. L'accord de paix d'Arusha
Après trois ans de guerre entre le FPR et le
gouvernement rwandais, un accord de paix est signé entre les
belligérants à l'issue de laborieuses négociations sous
les auspices de l'O.U.A. mais aussi de certaines puissances
occidentales. C'est le fameux Accord de Paix d'Arusha du 4/8/1993 pour
le partage du pouvoir, qui ne sera jamais mis en application. Dès le
lendemain de sa signature, le Président HABYARIMANA du Rwanda le
désignait de "simple chiffon de papier"20(*). C'est dire donc que celui-ci
n'attachait aucune importance à ce document, qu'il avait signé
selon certains, pour ne pas irriter les bailleurs de fonds.
6. La création de la MINUAR
Lors des négociations de l'accord de paix d'Arusha
entre le gouvernement rwandais et le Front Patriotique Rwandais (FPR), les deux
parties ont émis le souhait de voir ledit accord se réaliser sous
la surveillance et l'autorité de l'ONU21(*).
L'article 54 du protocole de l'Accord d'Arusha
relatif à l'intégration des forces armées des deux
parties demandait l'assistance d'une force internationale pour permettre le
désengagement, le désarmement, la démobilisation et la
sélection des militaires des deux parties devant être
intégrés dans l'armée nationale.
Ce protocole prévoyait en outre un éventail de
mesures à prendre par la force internationale, afin d'aider les
institutions prévues dans l'Accord de se mettre en place dans
les meilleures conditions. Ces mesures dépassaient manifestement le
cadre prévu par le Chapitre VI de la Charte des Nations
Unies, comme il était également demandé à
cette force de :
garantir la sécurité
générale du pays et vérifier en particulier comment les
autorités assurent le maintien de l'ordre public ; assurer la
sécurité et la distribution de l'aide humanitaire ;
contribuer à la sécurité de la population civile ;
contribuer à la recherche des caches d'armes et à la
neutralisation des bandes armées à travers tout le pays ;
effectuer les opérations de déminage et contribuer à la
récupération de toutes les armes distribuées à la
population civile ou acquises illégalement par celle-ci22(*).
Il apparaît donc que la lettre et l'esprit de
l'Accord d'Arusha considéraient cette force internationale
comme étant l'un des acteurs majeurs du processus
d'application dudit Accord.
Par sa Résolution 872 (1993) du 5 octobre 1993, le
Conseil de Sécurité de l'ONU créa la Mission
des Nations Unies pour l'assistance au Rwanda (MINUAR)23(*), pour une période
renouvelable de six mois, avec un effectif de 2.548 militaires, dont 331
observateurs militaires. Le mandat de cette force était placé
sous le Chapitre VI de la Charte de l'ONU (soit le règlement
pacifique des différends) et ne répondait pas du tout, comme dit
plus haut, aux attentes exprimées dans l'Accord d'Arusha.
Le texte de la Résolution ne donnait mandat à la
mission que de servir d'intermédiaire, de conciliateur, dans ce sens que
les termes utilisés sont : "contribuer",
"superviser", "examiner", "aider",
"contrôler" et "enquêter", alors que les
négociateurs de l'Accord d'Arusha avaient entendu voir cette
force "garantir" la sécurité générale du
pays, en "neutralisant" notamment les bandes armées et en
"récupérant" toutes les armes détenues
illégalement. Dès lors, il y avait une discordance flagrante de
fond entre les deux textes24(*). Cependant, personne ne voulut relever cette
distorsion et chacun fit semblant de se réjouir de la
Résolution.
À quoi pourrait-on imputer cette situation lamentable
qui s'avérera par la suite lourde de conséquences ? Un incident
de taille dans l'histoire des Nations Unies semble avoir
influencé cette prise de décision.
Le 3 octobre 1993, soit deux jours avant l'adoption de la
Résolution 872 créant la MINUAR, 18 soldats
américains opérant dans la force de l'ONUSOM
(Opération des Nations Unies en Somalie) venaient d'être
tués en Somalie dans des circonstances très atroces25(*). Ceci créa un grand
émoi dans l'opinion publique aux États-Unis et provoqua le
retrait des forces américaines dans cette opération. Ce
malheureux précédent a pesé très lourd dans la
définition du mandat de la MINUAR lors du vote de la
Résolution 872.
Pour les États-Unis, membre influent du Conseil de
Sécurité, après ce qui venait de se passer en Somalie,
l'engagement sur le terrain devait se limiter en observateur et non en
interventionniste, l'usage de la force ne devant être utilisé
qu'en cas de légitime défense26(*). C'est cela qui est exprimé dans la
célèbre Directive présidentielle américaine (PDD
25)27(*). Selon celle-ci,
les États-Unis refusaient tout nouveau déploiement de casques
bleus si les conditions logistiques n'étaient pas remplies. En outre,
ils n'interviendraient désormais militairement dans un conflit que pour
défendre leurs propres intérêts. Manifestement, aucun
intérêt de ce pays n'était menacé au Rwanda.
Outre ce malheureux précédent somalien, il
apparaît que les États-Unis étaient également
préoccupés par des économies à faire dans la
rubrique "opérations de maintien de la paix" et qu'ils ne voyaient pas
de raison de renouveler leur contribution à ce titre, sans contrepartie
pour leur pays. Dès lors, ils soumettront "un certain nombre
d'amendements au projet de résolution qui affaiblissaient le mandat,
notamment en ce qui concerne le désarmement de la population
civile"28(*).
Les problèmes d'économie du budget furent
très présents à l'ONU à tout moment.
À ce propos, l'idée de la mise sur pied d'une petite
équipe chargée des questions des droits de la personne,
proposée par le personnel chargé du maintien de la paix, fut
abandonnée sous prétexte de manque de financement. Celle-ci
aurait pourtant pu "témoigner de l'hostilité croissante
envers les Tutsi"29(*) et ainsi sonner l'alarme.
Dès lors, "les économies
réclamées avec fermeté par les États-Unis, entre
autres, débouchèrent sur la création d'une force qui ne
représentait que le tiers de celle qui avait été
envisagée dès le départ"30(*).
C'est donc dans ces conditions que la MINUAR est
déployée au Rwanda fin 1993, avec un effectif de 2.548
militaires, un mandat plutôt tronqué, ainsi que des moyens
inadéquats. Cependant, pour qui était informé de la
situation prévalant au Rwanda depuis au moins trois ans, l'envoi d'une
telle mission était inapproprié, voire inutile.
7. Des signes avant-coureurs
Arrivés sur le terrain, le chef de la force et le
Représentant Spécial du Secrétaire Général
des Nations Unies au Rwanda se rendront compte de
l'inadéquation du mandat et demanderont en vain à New York de
l'adapter aux réalités de la situation31(*).
A titre d'illustration, dans l'optique de démarrer le
travail de démilitarisation prévue par la Résolution 872,
les casques bleus belges avaient commencé à procéder
à quelques désarmement dans la ville de Kigali. Tous les
militaires qui n'étaient pas en service étaient
désarmés, y compris les officiers. Sur plainte des
autorités rwandaises, les casques bleus en "ont été
très vite empêchés par des directives contraignantes du QG
de l'ONU, sous prétexte qu'on ne voulait pas d'histoires avec les
autorités civiles et surtout militaires de Kigali "32(*).
Un autre signe de la faiblesse du mandat de la
MINUAR se manifeste le 11 janvier 1994. À cette date, le
Général canadien Roméo Dallaire, commandant en chef de la
force, envoyait une télécopie au secrétariat
général de l'ONU, plus précisément
à l'adresse de son compatriote le Général Baril
(conseiller militaire du Secrétaire général), l'informant
de la détérioration des conditions sur le terrain. Il lui
demandait en outre l'autorisation de saisir les armes des miliciens, dont la
cache devait lui être révélée par un informateur
haut placé dans la hiérarchie de la milice
"Interahamwe"33(*). L'informateur réclamait en échange
l'obtention d'asile dans un des pays occidentaux pour lui et sa famille.
Ce transfuge venait aussi de lui dévoiler que
lui-même et ses collègues avaient reçu une formation
militaire, les rendant aptes à tuer mille Tutsi en une heure dans la
ville de Kigali, et qu'ils étaient prêts à
s'exécuter dès le premier signal. Il dévoilait en
même temps au commandant de la force, le plan prévu de s'attaquer
aux militaires belges de la MINUAR, afin de provoquer leur
départ précipité.
Sous la signature de Riza au nom de Kofi Annan, le
Secrétariat général de l'ONU y donna une
réponse défavorable, au motif qu'une telle action
dépassait les limites tracées par la Résolution 872 du
Conseil de Sécurité34(*), et que pareille opération s'était
soldée par un échec en Somalie, et fait échouer
l'opération de l'ONU dans ce pays35(*).
On pourrait se demander pourquoi le général
Dallaire n'a pas fait saisir les armes sans d'abord informer le siège de
cette action, puisque cette opération de saisie des armes
illégalement détenues figurait dans la Résolution 872
instituant la MINUAR. La réponse à cette question se
compose de trois points.
Primo, ladite Résolution n'autorisait pas la
MINUAR à agir d'initiative dans ce genre d'opérations,
mais plutôt à assister la gendarmerie nationale dans pareille
action. Il aurait donc fallu que cette dernière demande à la
MINUAR de l'aider.
Secundo, les règles de conduite et
d'engagement des troupes de la MINUAR que le général
Dallaire avait confectionné, auraient permis à la MINUAR
d'agir seule dans de telles circonstances. Cependant, ce document avait
été envoyé à New-York depuis novembre 1993 pour
approbation mais il n'y avait pas eu de suite. Il n'y en aura jamais
d'ailleurs.
Tertio, en supposant que le général
Dallaire ait cherché à passer outre les points
précédents, comment aurait-il pu obtenir l'information sans en
payer le prix, alors que le Secrétariat de l'ONU lui avait refusé
son appui dans la recherche de l'asile pour l'informateur et à sa
famille, condition sine qua non pour livrer le secret ?
Concernant les règles d'engagement envoyées au
siège de l'ONU, l'on pourrait se demander pourquoi ce dossier a
été gelé par le Secrétariat général.
Dans ce document que le chef de la force avait rédigé de
façon détaillée aussitôt arrivé à
Kigali, celui-ci entendait interpréter son mandat de la manière
la plus large possible. Ainsi, dans l'article 17 dudit document, il avait
montré sa détermination à lutter contre les violations des
droits de la personne qui ne manqueraient pas de se commettre. On y retrouve
notamment ceci :
La MINUAR prendra les mesures nécessaires pour
empêcher tout crime contre l'humanité [...] Durant ce mandat, il
se peut aussi que soient perpétrés des actes criminels
motivés par des raisons ethniques ou politiques et qui exigent
moralement et légalement que la MINUAR utilisent tous les
moyens disponibles pour les faire cesser36(*).
Le général Dallaire ayant exprimé sans
ambiguïté ce qu'il pensait être sa mission, l'on pourrait
penser que le siège de l'ONU a préféré
garder le document dans ses tiroirs, plutôt que de le refuser
carrément ou de demander à l'auteur de le revoir en profondeur.
Les discordances de vue étaient si flagrantes qu'il aurait
été difficile de trouver un compromis.
Dallaire envoya une autre série de messages au cours du
mois de février et mars 94, faisant état de la recrudescence des
violences et réclamant davantage de troupes et une interprétation
plus large du mandat, mais cela ne fit que le mettre en conflit avec ses
supérieurs à New-York. Même son compatriote Baril pensait
qu'il "devait tenir Dallaire en laisse"37(*) afin de l'empêcher
de s'engager dans des actions irréfléchies, et cela était
unanimement approuvé par le reste du personnel au département des
opérations de maintien de la paix.
Sur le terrain, bien que la violence contre les Tutsi augmente
de jour en jour, la MINUAR fera semblant de n'éprouver aucun
problème. Pire, elle fera naître de faux espoirs aux victimes
potentielles, en informant le public au cours des réunions de
sécurité organisées par des responsables politiques au
niveau local, qu'elle était prête à maîtriser la
situation. Ses militaires distribueront même des numéros de
téléphone auxquels appeler en cas d'agression. Ces fausses
promesses de sécurité propagées par la MINUAR
seront hautement néfastes, car elles empêcheront un certain nombre
de personnes de quitter le pays alors qu'il était encore temps.
Malgré l'importance de l'information transmise à
New-York dans le fax du chef de la force au Rwanda trois mois avant le
génocide, son contenu ne fut pas porté à la
connaissance du Conseil de sécurité38(*).
En dépit de la présence au Rwanda de cette force
de l'ONU, la mise en place des Institutions prévues par
l'Accord d'Arusha, qui devait avoir lieu fin décembre 1993,
fut reportée à plusieurs reprises, jusqu'au 6 avril
1994.
L'échéance du premier mandat de la
MINUAR tombant le 30 mars 1994 alors qu'aucun progrès n'avait
été réalisé dans la mise en place des Institutions
prévues par l'Accord d'Arusha, le Secrétaire
général de l'ONU fit un bilan de la situation, et
demanda le renouvellement du mandat. Bien qu'il détaille dans son
rapport les signes de la violence qui grandissait dans le pays, il note
à tort que la détérioration de la sécurité
dans le pays était principalement due au "fait du banditisme
armé"39(*).
L'on pourrait penser qu'il minimisait alors la gravité de la situation,
afin de ne pas irriter les membres du Conseil de sécurité qui
étaient opposés au renouvellement du mandat, au cas où les
parties en conflit ne montreraient pas des signes de bonne volonté pour
arriver à une entente.
Par sa Résolution 909 du 5 avril 199440(*), le Conseil de
sécurité décide de renouveler le mandat de la
MINUAR pour une période de quatre mois, tout en menaçant
de revoir le bien-fondé de garder la MINUAR au Rwanda, au cas
où les parties concernées ne montreraient pas des signes
encourageants dans la mise en place des Institutions prévues. Dans la
même Résolution apparaît ce qui sera trouvé plus tard
comme un leitmotiv du Conseil de sécurité, soit que le
Secrétaire général de l'ONU devait surveiller le
budget de la MINUAR, afin de réaliser des économies de
fonds41(*). Cette
préoccupation reviendra dans la plupart des Résolutions du
Conseil de sécurité au sujet de la Mission.
En ce qui concerne cette Résolution, son contenu nous
paraît bizarre, pour ne pas dire insensé. En effet, tel que
rédigé, ses termes trahissaient l'agacement des membres du
Conseil de sécurité et brandissaient la menace de laisser le pays
sans protection au cas où l'insécurité s'accroîtrait
; ce qui ne pouvait que donner un signal d'encouragement aux forces qui
préparaient la solution finale, qui elles, ne demandaient pas mieux.
Ceci traduit le peu d'intérêt que les membres du Conseil de
sécurité manifestaient à l'égard du problème
rwandais.
Section 2. L'ONU à l'épreuve d'un
génocide
1. L'attentat contre l'avion
présidentiel
Le 6 avril 1994 dans la soirée, au moment de son
atterrissage à Kigali, l'avion à bord duquel se trouvaient les
présidents du Rwanda et du Burundi subit un attentant dans lequel
ceux-ci trouvent la mort. Au moment du crash, tous les ingrédients sont
réunis pour lancer le signal du génocide longtemps
préparé.
Comme le note un auteur, "la machine à tuer,
découverte dès janvier, se met en marche tôt dans la
matinée du 7 avril"42(*). Au premier coup, sont tués Madame la
Première ministre du Rwanda et trois de ses ministres, tous membres de
l'opposition, le Président de la Cour Constitutionnelle, ainsi que les
deux candidats à la présidence de l'Assemblée Nationale de
Transition. Selon l'Accord d'Arusha, le président de cette
dernière institution devait occuper le poste de Président de la
république par intérim, en cas de vacance du poste. Il s'agit des
assassinats politiques d'abord. Plus tard dans la journée, des massacres
à grande échelle à l'endroit des Tutsi sont
exécutés à Kigali et dans d'autres préfectures.
C'est le génocide qui commence. Ils vont se
généraliser dans tout le pays à partir du 19 avril 1994
avec le discours incendiaire du Président intérimaire et les
émissions de la Radio Télévision Libre des Mille Collines,
la très sinistre RTLM.
Du coup, les casques bleus sur place semblent pris au
dépourvu et n'ont aucune réaction. Ils ne tenteront même
pas de protéger certaines autorités de l'opposition interne, dont
quelques-unes seront exécutées sous leurs yeux. Dix casques bleus
belges, en charge de la protection de Madame la Première ministre,
seront désarmés par les militaires rwandais et tués peu
après l'assassinat de celle-ci43(*).
Malgré les numéros de téléphone
distribués à la population de Kigali par des militaires de la
MINUAR, des appels de personnes en danger de mort, adressés au
quartier général de la Mission, ne rencontreront que regrets et
excuses.
Lorsque le génocide commence dans la
journée du 7 avril 1994, le général Dallaire transmet
à ses supérieurs au siège de l'ONU un message
leur demandant de lui envoyer les moyens pour faire face à la situation,
mais ceux-ci lui répondent que "personne à New-York ne
s'intéressait à ça"44(*). Kofi Annan et son
adjoint Iqbal, qui étaient en charge du département du maintien
de la paix à l'ONU, ordonnèrent au général
Dallaire de ne pas se mêler des affaires internes des Rwandais, lui
autorisant simplement de prendre des initiatives à l'endroit des
étrangers. Dans le télégramme du 9 avril 1994 signé
par les deux personnalités précitées, il est clairement
indiqué ceci :
Vous devez tout faire pour ne pas compromettre votre
impartialité et ne pas agir au-delà de votre mandat. Mais vous
pouvez exercer votre pouvoir discrétionnaire si cela est essentiel pour
l'évacuation des ressortissants étrangers. Ceci ne doit pas, et
nous insistons sur ce point, s'étendre à la participation
à des combats éventuels, sauf en cas de légitime
défense45(*).
L'ONU opérait alors une sélection
odieuse : il y avait d'une part, des personnes à protéger
à tout prix, voire en allant jusqu'à outrepasser les termes du
mandat, et d'autre part, celles dont il était interdit de secourir, afin
de ne pas compromettre le sacro-saint principe d'impartialité de la
Mission. Ironie du sort, ces dernières étaient pourtant les
seules directement menacées.
Le 12 avril, une timide mais louable initiative émanant
d'une dizaine d'officiers supérieurs de l'armée rwandaise
appelant à la cessation de massacres d'innocents n'eut pas d'écho
d'encouragement, ni dans l'opinion nationale, ni au niveau
international46(*). Leur
déclaration ayant pu furtivement être diffusée sur les
ondes de la radio nationale, elle aurait pu avoir un impact positif sur la
suite des événements, si l'ONU lui avait donné
son appui.
2. L'Opération "Amaryllis"
Une lueur d'espoir, vite éteinte, fut un instant
allumée par un contingent de militaires belges, français et
italiens dont le nombre atteignait les 900 hommes et composé
d'unités d'élites47(*). Ces militaires, arrivés à Kigali le 9
avril 1994, avaient été dépêchés au Rwanda
pour l'évacuation des ressortissants occidentaux uniquement. Les
militaires de cette opération baptisée "Amaryllis",
fermeront les yeux et les oreilles au calvaire des victimes du
génocide. À certains moments, ils se frayeront un chemin
parmi les hordes d'assassins pour porter secours à des expatriés
perdus dans les milieux les plus reculés de la campagne rwandaise, sans
qu'ils ne veuillent sur leur passage, porter secours à des Tutsi
assiégés. Cela ne faisait pas partie de leur mandat. Des images
prises par caméras par ces militaires, montrant des scènes
insupportables et extrêmement troublantes, et qui ont vite fait le tour
du monde, ne sont pas parvenues à ébranler la mauvaise
volonté des décideurs à New-York.
Cette opération, qui faisait deux poids et deux
mesures, fut un succès total pour ce qui est de la mission
d'évacuation des ressortissants étrangers. Cependant, elle
constitue une illustration parfaite de cas de non-assistance à
personnes en danger.
Pourtant, comme le souligne le commandant du contingent belge
de la MINUAR, "les soldats des Nations Unies et les troupes
d'évacuation présentes du 9 au 17 avril, auraient
été assez nombreux pour faire cesser les violences"48(*).
3. Le départ des troupes belges et le retrait
de la MINUAR
Les troupes belges membres de la MINUAR sont les
premiers à se retirer le 13 avril 1994 après l'assassinat de dix
des leurs par des militaires rwandais dans la matinée du 7 avril.
À Kigali, les casques bleus belges abandonnèrent sans
hésiter aux mains des tueurs, des milliers de personnes qui avaient
réussi à les rejoindre pour se mettre sous leur protection. Ce
retrait sonnera le glas de toute velléité d'intervention de
l'ONU dans les atrocités qui vont durer trois mois. En effet,
de tous les contingents mis à la disposition du commandement de la
MINUAR, celui de l'ancienne métropole était le seul
pouvant prendre le leadership au sein de ces casques bleus, non seulement pour
la qualité de ses équipements et de ses soldats, mais
également en vertu des liens historiques de ce pays avec le Rwanda.
"Comment voulez-vous", dira un fonctionnaire américain,
"que nous envoyions des soldats là-bas quand, même les Belges,
considérés comme des experts pour cette partie de l'Afrique, ont
quitté le pays" 49(*)
Dans sa lettre datée du 13 avril 1994 au
Président du Conseil de sécurité, le Secrétaire
général de l'ONU lui apprend que le gouvernement belge
vient de décider de retirer son contingent de la MINUAR et
exprime ses inquiétudes quant aux difficultés que pourrait
rencontrer cette dernière dans l'accomplissement de sa mission, si ce
contingent n'était pas remplacé par un autre aussi bien
équipé, ou si le gouvernement belge ne revoyait pas sa
décision50(*). Il
l'informe en outre qu'il a déjà demandé à son
Représentant spécial et au commandant de la force, de
préparer des plans de retrait si nécessaire, et de lui envoyer
leurs recommandations à ce propos.
Dans les deux jours qui ont suivi, le Secrétaire
général a reçu deux lettres aux contenus contradictoires.
La première51(*) est un SOS du 14 avril émanant de l'Organe
central du mécanisme de prévention des conflits de
l'O.U.A., suppliant le Secrétaire
général d'assurer la continuité et l'effectivité de
la MINUAR au Rwanda, en ces moments difficiles.
Ce même jour, le Secrétaire général
prépare à l'intention du Conseil de sécurité un
mémorandum dans lequel il expose deux scénario dont le premier
est de maintenir la MINUAR en place même après le
départ des Belges, la seconde étant le retrait pur et simple. Le
contenu de ce document sera revu six jours plus tard.
La deuxième lettre52(*) est datée du 15 avril et elle lui est
adressée par le ministre des Affaires étrangères belge et
va dans le sens contraire que la précédente. Celui-ci l'informe
des risques auxquels est exposée la MINUAR tout entière,
et recommande la suspension de la Mission.
Les 19 et 20 avril, le Secrétaire général
reçoit respectivement les demandes53(*) du Représentant permanent du Rwanda aux
Nations Unies et du Président Museveni de l'Ouganda. Les deux
sont en faveur du maintien et du renforcement de la MINUAR, pour faire
cesser les atrocités. Ce dernier lui assurait même qu'il tentait
de trouver des troupes dans les pays de la région et qu'il faisait
personnellement des efforts pour obtenir un cessez-le-feu entre le FPR et le
gouvernement rwandais.
Le 20 avril 1994, le Secrétaire Général
de l'ONU présente un rapport au Conseil de
Sécurité dans lequel il fait état de la reprise des
hostilités entre le Front Patriotique Rwandais et le gouvernement
Rwandais. Il ne souffle pas un mot des massacres sélectifs sur base
ethnique, bien que les médias en faisaient un large écho dans ce
que l'on appelait alors par euphémisme "les massacres à
grande échelle"54(*).
Au lieu de réclamer uniquement un renforcement des
effectifs et du mandat de la MINUAR comme le requérait la
nouvelle donne, le Secrétaire Général soumettait trois
options dans son rapport au Conseil, soit :
- un renforcement immédiat et massif de la
MINUAR pouvant lui permettre l'utilisation de la force ;
- une réduction de la force à un petit
contingent restant à Kigali pour favoriser la négociation d'un
cessez-le-feu ;
- un retrait pur et simple de toute la force.
Dans le même rapport, le Secrétaire
Général indiquait qu'il ne soutenait pas la dernière
option. Certains pensent qu'il privilégiait la seconde55(*), en raison des doutes qu'il
aurait eus sur le fait que la première puisse être retenue,
après ce qui venait de se passer en Somalie. Il n'insiste pas sur la
nécessité de retenir la première. C'est la deuxième
qui fut retenue.
Le 21 avril 1994, le Conseil de sécurité
adoptait l'inadéquate Résolution 912 qui décidait de
réduire les effectifs de la MINUAR à 270 personnes.
Cette Résolution donnait à la force la mission suivante :
- Agir comme intermédiaire entre les parties pour
essayer d'obtenir leur accord à un
cessez-le-feu...(...) ;
- Faciliter la reprise des opérations de secours
humanitaire dans la mesure du possible ;
- Suivre l'évolution de la situation au Rwanda, et
faire rapport à ce sujet, y compris en ce qui concerne la
sécurité des civils qui ont cherché refuge auprès
de la MINUAR.
Dans le préambule de la Résolution, le Conseil
brandissait encore l'Accord d'Arusha comme étant le seul cadre valable
pour le règlement du conflit au Rwanda, le fondement de la paix, de
l'unité nationale et de la réconciliation, et demandait aux
parties de réaffirmer leur attachement à cet Accord. L'on
pourrait se demander si les différents rapports qui parvenaient au
Conseil ne signalaient pas l'assassinat de la quasi-totalité des
personnalités de l'opposition intérieure, devant faire partie des
Institutions de Transition à base élargie. Qui plus est, les
concepts d'unité nationale et de réconciliation en plein
génocide n'étaient rien d'autre que des slogans vides de
sens, destinés à masquer la mauvaise volonté de leurs
auteurs.
Par ailleurs, la Résolution demandait à la
communauté internationale de rendre disponible une aide humanitaire
à la mesure de la tragédie humaine au Rwanda, comme si les
victimes du génocide n'avaient besoin que de quoi manger, afin
mourir le ventre plein.
Enfin, la Résolution affirmait sa volonté de
préserver l'unité et l'intégrité territoriale du
Rwanda ! Par qui était-elle menacée celle-là ? Autant
d'absurdités qui font penser à une incurie
caractérisée de la part des membres du Conseil de
sécurité. Ce dernier libellé nous fait croire que le
Conseil de sécurité n'était pas totalement sourd à
la version véhiculée par le gouvernement génocidaire et
ses supporteurs, selon laquelle celui-ci faisait l'objet d'une attaque
armée étrangère, en l'occurrence par l'armée
ougandaise, et que cela était la source de tout le malheur des
Rwandais.
L'adoption d'une Résolution aussi inconvenante, avec
toute l'information dont disposait l'ONU à cette époque
sur la situation des massacres sélectifs à grande échelle
et sur base ethnique, relève du cynisme criminel. On pourrait cependant
se demander comment on n'en est arrivé là.
4. Une occasion manquée
Selon le rapport commandé par l'OUA56(*), certains membres non
permanents du Conseil de Sécurité privilégiaient la
première proposition du Secrétaire Général de
l'ONU, à savoir le renforcement du mandat et l'augmentation de
l'effectif de la MINUAR pour lui permettre d'utiliser la force, mais
comme on le sait, ceux-ci n'ont pas vraiment voix au chapitre.
En effet, le groupe dit de "non alignés"
avait en vain essayé d'attirer l'attention de l'ONU sur la
situation dramatique au Rwanda. Le 13 avril, le représentant du Nigeria
à l'ONU fit circuler un projet de résolution, exprimant
"la stupeur face à la mort de milliers de civils innocents et
appelait à l'élargissement des troupes et à la
révision du mandat de la force"57(*). Cette louable initiative ne trouva pas de soutien
parmi les membres permanents du Conseil de sécurité et fut
étouffée dans l'oeuf. Tout au long du drame, le même
ambassadeur continuera de se plaindre que l'on "accordait trop d'importance
au cessez-le-feu et que l'on ne cherchait pas assez à arrêter les
massacres"58(*).
Les États-Unis, encore sous le choc somalien,
étaient au départ favorables à un retrait total des forces
de la MINUAR. Ils se sont finalement ralliés à la
position de la Russie, de la Grande Bretagne et de la France, soit celle
appuyée par le Secrétaire Général et adoptée
par le Conseil de Sécurité. Le Ministre belge des affaires
étrangères W. Claes a confirmé devant la Commission du
Sénat qu'au moment de la discussion du rapport du Secrétaire
Général de l'ONU, "les membres permanents du Conseil
de Sécurité voulaient réduire autant que possible la
portée du mandat. Les Américains, les Russes, les Chinois et les
Anglais étaient très réticents"59(*).
Dans une entrevue intitulée "le triomphe du
mal"60(*)
accordée plus tard par le responsable adjoint des opérations
humanitaires au sujet du drame, Iqbal Riza reconnaît qu'ils avaient, au
niveau du Secrétariat général, tâté le pouls
des membres influents du Conseil de sécurité, et qu'il
était clair que ceux-ci n'avaient pas la volonté politique pour
risquer une autre opération du genre de la Somalie. Il a ajouté
que si cette volonté n'avait pas fait défaut, les troupes et le
matériel auraient pu être débarqués au Rwanda par
pont aérien, dans un délai ne dépassant pas deux jours.
La force réduite restera au Rwanda où elle
assistera en direct jusqu'à la fin, à l'agonie de tout un peuple,
dont le nombre de victimes est estimé à plus de 800.000
personnes61(*).
Quoique cette décision de réduire l'effectif de
la force et l'omission d'adapter le mandat de la MINUAR aux
circonstances du moment ait eu pour effet de donner carte blanche aux forces du
génocide, l'ONU resta sur sa position et ne
lèvera même pas son petit doigt jusqu'à la mi-mai 94.
Tout au long du drame, au lieu de condamner sans
équivoque les auteurs du génocide et de les menacer de
sanctions, le Conseil de sécurité de l'ONU focalisera
exclusivement son attention sur la recherche d'un cessez-le-feu entre le FPR et
les forces armées rwandaises (FAR), en vue d'entamer des
négociations. Cette attitude de l'ONU était vraiment
insensée, si l'on sait que les victimes du génocide ne
tombaient pas sur le champ de bataille, mais bien loin des zones de combat. Le
cessez-le-feu entre les deux forces aurait-il été obtenu que le
génocide eût continué avec un rythme plus
rapide.
D'ailleurs, il est bien heureux que le FPR n'ait pas souscrit
à cette demande incessante de l'ONU, car alors il n'y aurait
pas eu un seul survivant parmi les Tutsi. En effet, si malgré la
pression exercée par le FPR sur les forces gouvernementales, ces
dernières ont pu se libérer pour coordonner et participer
à des massacres de civils sans défense loin des affrontements des
deux armées, que se serait-il passé si pendant un certain temps
les combats s'étaient arrêtés sur le front ? Comme le fait
remarquer un rapport, il paraît très évident que cette
manoeuvre n'aurait abouti qu'aux "résultats susceptibles
d'être en parfaite correspondance avec les objectifs et la
stratégie des génocidaires"62(*).
Pendant tout le génocide, les membres du
Conseil de sécurité continueront de s'asseoir à la
même table avec le représentant du gouvernement
génocidaire. Le Rwanda était à ce moment précis et
par pure coïncidence, membre non permanent du Conseil de
sécurité. Ils ne lui demandèrent même pas de
s'abstenir dans les débats à propos du Rwanda, lui laissant ainsi
l'occasion non seulement d'influencer les discussions en donnant de fausses
informations, mais aussi "de connaître toutes les propositions
d'action des Nations Unies au Rwanda et de les communiquer à son
gouvernement63(*)".
Chose plus étonnante, lorsque le Conseil de
sécurité reçut la délégation du gouvernement
génocidaire qui parcourait le monde en vue de rectifier l'image dudit
gouvernement à l'étranger, les membres du Conseil n'eurent pas la
volonté de dénoncer ledit gouvernement, ni de lui donner une
mise en garde pour les crimes abominables qu'il était en train de
commettre. Pourtant, cette occasion aurait été "d'une grande
portée symbolique"64(*) pour la suite des événements. Il est
bien vrai que le mal était déjà consommé, mais cela
aurait du moins servi à limiter le nombre de victimes.
Le Haut-commissaire aux Droits de l'Homme, en visite au Rwanda
en plein génocide, manquera lui aussi l'occasion de valoriser
son Institution alors naissante. Dans ses déclarations et lors de son
passage à Kigali ainsi que plus tard dans son rapport, il utilisera une
formulation vague dans la condamnation des crimes commis sous ses yeux65(*). Il n'eut pas la
volonté de faire des efforts "soutenus et énergiques pour
retenir l'attention de la communauté internationale sur le
génocide, ni pour réclamer une intervention dans cette crise, ce
qui n'était certes que l'une de ses responsabilités, mais
probablement aussi la plus pressante"66(*). Sa "neutralité" face au
génocide a porté un coup sévère à
la crédibilité de cette Institution, au regard de l'opinion
rwandaise. L'occasion était pourtant très bonne
pour faire acquérir un capital d'estime à l'Organisation qu'il
dirigeait, en condamnant sans réserve les auteurs du
génocide, et en mobilisant par tous les moyens l'opinion
internationale.
L'on sait aujourd'hui, sans l'ombre d'un doute, que
l'ONU et d'autres puissances occidentales auraient pu arrêter le
génocide au Rwanda sans tirer un seul coup de feu. Comme
l'indique un rapport, citant un expert, "l'on ne peut imaginer de
génocide plus facile à éviter"67(*).
En effet, la simple condamnation unanime et sans
équivoque du gouvernement rwandais et de son armée par les
Nations Unies, en désignant nommément les
personnalités clés responsables de cette tragédie, aurait
suffi pour mettre fin à l'ardeur des génocidaires.
Des faits isolés sont là pour conforter cette
affirmation. À titre d'exemple, lorsque des voix ont commencé
à s'élever au niveau international (hélas trop tard !)
demandant l'arrêt des massacres, les autorités civiles et
militaires rwandaises se mirent à diffuser des messages à
l'intention de la population, leur enjoignant non pas de cesser de tuer des
innocents, mais du moins de ne plus le faire publiquement. Cela s'est notamment
passé à la fin du mois d'avril 1994, suite à des messages
comme celui contenu dans le communiqué du président du Conseil de
sécurité, celui du Pape ainsi que l'appel
téléphonique du Sous-secrétaire d'État
américain aux affaires africaines au chef d'état-major de
l'armée rwandaise68(*).
Même la radio incendiaire "RTLM" diffusera
cette mise en garde à l'intention des tueurs : "S'il vous
plaît, plus de cadavres sur les routes"69(*). Ce message était
consécutif à la visite qu'un haut gradé de l'armée
rwandaise venait d'effectuer en France, où les autorités de ce
pays auraient donné comme condition au gouvernement intérimaire,
de soigner son image à l'égard de l'opinion internationale, si
ledit gouvernement souhaitait continuer de recevoir des faveurs du gouvernement
français70(*).
Malheureusement, tout ce tollé n'étant pas
suffisamment fort et décidé, il n'a servi qu'à faire
cesser les plus gros des massacres, sans pouvoir "arrêter toutes les
tueries et empêcher leur réapparition"71(*).
Il fallut attendre que la quasi-totalité des victimes
du génocide soient massacrées pour voir les membres du
Conseil de sécurité se remettre de leur torpeur, et penser,
hélas trop tard, à agir.
5. L'interdiction de prononcer le mot
"génocide"
À compter du 12 avril 1994, il apparaissait clairement
que les crimes commis contre les Tutsi constituaient un
génocide, étant donné leur caractère
sélectif et systématique à l'endroit d'un groupe ethnique,
du foetus au vieillard. Les victimes étaient visées comme telles
et ne pouvaient s'y soustraire d'aucune façon. Pourtant, au niveau de
l'ONU, on continuera de parler de "massacres de civils
innocents72(*)"
à Kigali et dans d'autres régions du Rwanda. Le mot
"génocide" n'apparaîtra dans les documents du Conseil de
Sécurité de l'ONU que le 8 juin 1994 lors de l'adoption
de la Résolution 925 précisant la mise en oeuvre de la
Résolution 918. Il est à noter que même à ce moment,
l'on ne parle que "d'actes de génocide"73(*) commis au Rwanda.
Il est à penser que ce terme
"génocide" était soigneusement évité car
son emploi aurait entraîné, en vertu de l'article VIII de la
Convention internationale sur la prévention et la répression
du crime de génocide, une obligation pour le Conseil de
sécurité de l'ONU de prendre les mesures
appropriées pour y faire face. Or, "la communauté
internationale, et plus précisément les États-Unis, n'y
étaient pas prêts"74(*).
Le Secrétaire d'État américain H. COHEN,
a reconnu sans détour devant la Commission du Parlement
français "que les Américains ont longtemps refusé de
reconnaître le génocide, pour échapper aux
conséquences juridiques d'une telle
reconnaissance»75(*).
6.
La création de la MINUAR II
Le 29 avril 1994, alors que le génocide vient
déjà de ralentir suite à la pénurie des victimes
potentielles, le Secrétaire général Boutros Ghali
reconnaîtra (trop tard !), dans une lettre au Président du Conseil
de sécurité76(*), la faiblesse du mandat de la MINUAR et
demandait au Conseil de revoir les décisions prises dans sa
Résolution 912. Cette fois-ci, il va, dans cette lettre, jusqu'à
préconiser l'emploi de la force pour mettre fin aux massacres et
rétablir l'ordre public. Toutefois, il ne fait aucune proposition
concrète alors que pareille situation nécessitait une
extrême urgence.
Ce n'est que le 13 mai qu'il propose la mise sur pied de la
MINUAR II77(*)
avec un effectif de 5.500 hommes, et comme mandat central la protection des
civils et la distribution de l'aide humanitaire. Cependant, il change d'opinion
et préfère oublier sa recommandation du 29 avril, en l'occurrence
l'utilisation de la force, et se refuse à proposer de placer la
MINUAR II sous le Chapitre VII. Dans sa Résolution 918 du 17
mai 199478(*), le Conseil
de Sécurité ne fait que reprendre les propositions du
Secrétaire Général, à la seule différence
qu'il décrète aussi un embargo sur les armes à destination
du Rwanda.
La rédaction de cette Résolution qui compte
trois parties (A, B et C) est pour le moins étrange. Une lecture rapide
de ce texte pourrait faire croire que la MINUAR II est maintenant
placée sous le Chapitre VII de la Charte, alors qu'il n'en est
rien. L'on pourrait facilement être induit en erreur par la
présence des mots "agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte
des Nations Unies" dans le libellé de la Résolution 918.
Comme le souligne la Cour Internationale de Justice :
Il faut soigneusement analyser le libellé d'une
résolution du Conseil de sécurité avant de pouvoir
conclure à son effet obligatoire. Étant donné le
caractère des pouvoirs découlant de l'article 25, il convient de
déterminer dans chaque cas si ces pouvoirs ont été
exercés, compte tenu des termes de la résolution à
interpréter, des débats qui ont précédé son
adoption, des dispositions de la Charte invoquées et en
général de tous les éléments qui pourraient aider
à préciser les conséquences juridiques de la
résolution du Conseil de sécurité79(*).
À cet égard, nous allons voir l'importance de
la place accordée au Chapitre VII dans cette Résolution, afin de
mieux saisir la portée de celle-ci.
Une partie A est consacrée à l'extension du
mandat de la MINUAR qui est désormais de :
- contribuer à la sécurité et
à la protection des personnes déplacées, des
réfugiés et des civils en danger au Rwanda, y compris par la
création et le maintien, là où il sera possible, de zones
humanitaires sures ;
- assurer la sécurité et l'appui de
la distribution des secours et des opérations d'assistance humanitaire.
Tel que cela figure dans l'exposé des motifs de la
partie A de la Résolution 918, le Conseil de sécurité
exprime sa crainte que la prolongation de la situation au Rwanda ne constitue
une menace pour la paix et à la sécurité dans la
région. C'est dire donc qu'elle n'en constitue pas une à ce
moment précis, et qu'alors il n'est pas encore impératif
d'envoyer des troupes agissant sous le Chapitre VII de la Charte.
Cependant, le Conseil admet quand même cette fois-ci que la MINUAR
II pourrait, non pas assurer la sécurité de la population,
mais contribuer à assurer la sécurité des populations sous
sa protection, voire créer des zones humanitaires sures.
Plus loin dans l'exposé des motifs de la partie B, la
seule placée sous le Chapitre VII, le Conseil reconnaît sans
hésitation que la situation au Rwanda constitue cette fois-ci une menace
pour la paix et la sécurité dans la région et
décrète un embargo sur les armes à destination de ce pays.
Ce qui n'était qu'une hypothèse dans la partie A, devient tout
à coup une réalité dans la partie B ! Il semble bizarre
que le Conseil ait relevé deux situations différentes au
même moment. En outre, il est vraiment insensé que le Conseil ait
trouvé que la situation au Rwanda constituait une menace pour la paix et
la sécurité dans la région, et qu'ensuite il se soit
refusé à autoriser la MINUAR II d'utiliser les moyens
coercitifs pour y mettre fin.
La partie C traite simplement des enquêtes à
mener en rapport avec les violations du droit international humanitaire
commises durant le conflit, ainsi que des efforts à faire par le
Secrétaire général pour faire revivre l'Accord d'Arusha,
en collaboration avec le Secrétaire général de
l'O.U.A.
Quelle est la raison de la mention du "Chapitre VII" dans
cette Résolution ? Comme exprimé plus haut, seul un examen
minutieux de la Résolution permet de découvrir que l'unique
partie placée sous le Chapitre VII est celle concernant l'embargo
décrété sur les armes à destination du Rwanda. Le
Conseil voulait décréter un embargo sur les armes à
destination du Rwanda et ne pouvait le faire sans évoquer le Chapitre
VII de la Charte, alors que c'est cette partie qui autorise cette
mesure. Le Conseil ne souhaitant pas placer la MINUAR II sous le
Chapitre VII, il a fallu découper la Résolution en parties
distinctes pour en mieux préciser l'esprit, mais cela aurait au
contraire engendré des équivoques.
Cette Résolution comporte hélas d'autres
incohérences. Malgré de multiples informations faisant
état de graves massacres de civils sans défense et sur base
ethnique, la Résolution ne contient aucune motion de condamnation des
responsables de ce drame. En revanche, le Conseil "exige que les parties
mettent fin à la violence et au carnage insensé dans lesquels est
plongé le Rwanda"80(*). À quelles parties le Conseil de
sécurité faisait-il allusion dans sa Résolution ?
Même s'il y avait effectivement une autre partie dans le
génocide que sont les victimes, ces dernières ne
faisaient que subir passivement leur sort, et ne pouvaient dès lors
faire changer aucunement le cours des événements. Ce membre de
phrase dans cette Résolution semble plutôt indiquer que le Conseil
de sécurité donnait l'impression de croire à l'alibi du
gouvernement génocidaire, selon lequel la violence en cours
n'était que le résultat de la reprise des hostilités entre
les deux armées.
Quoique le texte de la Résolution 918 ait cité
mot à mot la définition contenue dans la Convention sur le
génocide pour qualifier les massacres en cours au Rwanda, il
s'abstiendra néanmoins d'utiliser explicitement ce terme81(*).
Sous le fallacieux prétexte de manque de moyens humains
et matériels, cette force arrivera au Rwanda longtemps après le
génocide. Ceci servira d'alibi à la France pour proposer
son intervention, baptisée «
Opération Turquoise ».
7. L'Opération
Turquoise
Le 19 juin 1994, le Secrétaire Général de
l'ONU adresse une lettre82(*) au Président du Conseil de
Sécurité, l'informant de la nécessité de soutenir
l'initiative de la France visant à diriger une action pour assurer la
sécurité et la protection des civils en danger, jusqu'au moment
où la MINUAR II pourra être constituée.
Par sa Résolution 929 du 22 juin 199483(*), le Conseil de
Sécurité autorise la création d'une force internationale,
conduite par la France et agissant sous le couvert d'humanité, pour
intervenir au Rwanda. Cette opération, la seule placée sous le
Chapitre VII de la Charte de l'ONU, sera
unilatéralement menée par la France qui l'avait commandée.
Certains affirment que sous les apparences humanitaires, cette
opération avait un agenda caché84(*). En effet, pouvant intervenir
au Rwanda à tout moment depuis le déclenchement du
génocide, on se demanderait pourquoi la France a attendu la fin
de cette tragédie pour proposer sa mission. La réussite de cette
opération avec zéro victime parmi ses militaires ne
démontre-t-elle pas a posteriori combien la France aurait
évité le pire si elle en avait eu plus tôt la moindre
volonté ? Pourquoi les autorités de ce pays n'ont-elles pas au
contraire appuyé la MINUAR II qui venait d'être
adoptée par le Conseil de sécurité et qui manquait
cruellement de moyens, au lieu de faire cavalier seul dans cette
opération ? De même, le fait que les militaires français de
cette Opération soient arrivés au Rwanda le matin
même du vote de la Résolution nous force à croire qu'avec
ou sans l'aval de l'ONU, cette mission aurait sans faute
été menée. Quoi qu'il en soit, même celle-ci
arrivera trop tard au Rwanda pour ce qui est du génocide.
Certes, quelques victimes potentielles du
génocide ont été secourues çà et
là dans la zone de l'Opération turquoise, mais aussi un
certain nombre d'entre elles ont été victimes du passage de cette
Mission dans des milieux où ces malheureux avaient pu se
cacher. En effet, les Tutsi "sauvés" par la Turquoise
"sont ceux qui couraient le moins de danger"85(*) car rassemblés dans de
grands camps86(*), tandis
que ceux qui s'étaient jusqu'alors cachés dans le voisinage
immédiat se découvraient au passage des militaires
français, qui ne pouvaient les prendre avec eux faute de
camions87(*). À
leur retour le lendemain, les braves militaires ne retrouvaient plus que des
cadavres frais. Pendant tout ce temps, à New-York comme dans tous les
pays du monde, la vie continuait comme si de rien n'était!
Comme l'a si bien dit un analyste de la situation,
"placé devant l'indéniable, l'ONU a tergiversé, puis
ayant tergiversé, elle a décidé de se dérober
[...] et parvint à n'intervenir que lorsque tout était
terminé"88(*).
En attendant le jugement de l'histoire, une autocritique sur
l'action, ou plutôt l'inaction de l'ONU a déjà
été tentée par celui-là même que l'on
retiendra (à tort ou à raison) comme responsable de cette
déroute. Dans son rapport du 31 mai 1994, Boutros-Ghali
écrit :
La réaction tardive de la communauté
internationale à la situation tragique que connaît le Rwanda
démontre de manière éloquente qu'elle est totalement
incapable de prendre d'urgence des mesures décisives pour faire face aux
crises humanitaires étroitement liées à un conflit
armé. (...)
Nous devons tous reconnaître, à cet égard,
que nous n'avons pas su agir pour que cesse l'agonie du Rwanda et que, sans mot
dire, nous avons ainsi accepté que des êtres humains continuent de
mourir. Nous avons démontré que notre détermination, notre
capacité d'engager une action, étaient, au mieux insuffisantes
et, au pire désastreuses, faute d'une volonté politique
collective89(*).
Après le génocide, le Conseil de
Sécurité de l'ONU a mis sur pied un tribunal
international (Résolution 955 du 8 novembre 1994 créant le
TPIR90(*)) chargé
de juger les auteurs présumés de ce génocide
qu'il a volontairement laissé commettre sous ses yeux jusqu'à la
fin. Signe des temps, ou simple poudre aux yeux destinée à
tromper l'opinion internationale ? L'avenir nous le dira.
L'ONU a été créée le 26
juin 1945 pour répondre aux nobles aspirations de préserver le
monde du spectre de la guerre et de faire respecter les obligations nées
du Droit International. Sa création faisait suite au constat
d'échec de la Société des Nations (SDN)
à régler les problèmes pour lesquels elle avait
été instituée, soit sauvegarder la paix et la
sécurité internationales. Bref, elle a pour mission de jouer le
rôle de gendarme du monde. Ce mandat est conféré à
l'ONU par sa Charte même, mais aussi par la
Convention du 9 décembre 1948 pour la prévention et la
répression du crime de génocide.
8. Les questions qui se posent alors sont de savoir pourquoi
l'ONU est restée les bras croisés devant le génocide
contre les Tutsi du Rwanda, alors que le Droit International lui donnait
l'obligation d'agir, lui indiquait l'action à mener ainsi que les moyens
à utiliser.
Le cadre conceptuel de notre étude sera principalement
axé sur les questions suivantes : quelles ont été les
causes de la défaillance de l'ONU devant le
génocide au Rwanda ? Cette Organisation mondiale est-elle morte
comme l'affirment certains91(*)? L'ONU est-elle outillée pour
prévenir ou arrêter un génocide, tant sur le plan
institutionnel qu'opérationnel ? Les défaillances
constatées devant le génocide au Rwanda seraient-elles
structurelles à cette Organisation internationale, ou ne seraient-elles
que conjoncturelles et partant, momentanées ? Quelles leçons en
tirer ? Cette organisation mondiale ayant connu tout au long de son existence
beaucoup d'échecs comme la SDN en son temps, devrait-elle subir
le même sort ? Faudrait-il plutôt la maintenir et la revitaliser,
en lui donnant, pour l'avenir, les moyens adéquats pour s'acquitter de
ses obligations originaires, sans oublier celles issues des circonstances
postérieures ?
Ce sont essentiellement autant de questions auxquelles nous
allons essayer de répondre dans la suite de notre étude.
Aussi, verrons-nous dans cette première partie ce que
prévoit le système des Nations Unies en matière
des droits de la personne, soit la Charte des Nations Unies et la
Charte internationale des droits de l'homme (chapitre I) ainsi que la
Convention internationale pour la prévention et la répression
du crime de génocide (chapitre II).
9.
PARTIE I
10. LE SYSTÈME DES NATIONS UNIES EN
MATIÈRE DES DROITS DE LA PERSONNE
L'Organisation des Nations Unies a été
créée immédiatement après les deux catastrophes
humanitaires concomitantes du début des années quarante, à
savoir la Deuxième Guerre mondiale et le génocide contre
les juifs. Les pères fondateurs de cette Organisation entendaient mettre
sur pied une Institution capable de prévenir ou du moins éviter
de tels drames pour l'avenir. Même si le respect des droits de l'homme
n'a pas pris une place importante dans la Charte de l'ONU,
les concepteurs de celle-ci croyaient en l'idée que la sauvegarde de la
paix et la sécurité internationales était la principale
garante pour atteindre cet idéal. En effet, il semble qu'ils ne
pouvaient imaginer la survenance d'horreurs semblables à celles que le
monde venait de connaître, si la paix et la sécurité
internationales étaient garanties.
À ce propos, il est à signaler d'emblée
que l'ONU n'a pas été originairement créée
pour empêcher des conflits internes, ni spécifiquement pour lutter
contre un génocide, mais essentiellement pour éviter des
conflits internationaux. Ceci est d'ailleurs singulier, si l'on sait que le
"plus jamais ça" prononcé par les alliés à
cette époque, concernait aussi bien la terrible guerre que l'horrible
génocide qui venaient de bouleverser la conscience humaine. En
outre, ayant pour objectif premier la préservation de la paix et de la
sécurité internationales, l'ONU ne pouvait penser
atteindre ce but en ignorant des drames internes. La Convention pour la
prévention et la répression du crime de génocide du 9
décembre 1948 viendra combler, dans une certaine mesure, les lacunes de
la Charte de l'ONU en cette matière.
Cependant, quoi qu'il n'y ait plus eu d'autres guerres
mondiales, le génocide contre les Tutsi du Rwanda en 1994 vient
sans nul doute démontrer les failles du système des Nations
Unies dans la protection des droits fondamentaux de la personne.
Dans ce titre, nous allons examiner des dispositions
autorisant l'ONU à prévenir et/ou arrêter les
violations des droits de la personne. Nous analyserons les obligations de
celle-ci en vertu de la Charte de l'ONU et de la Charte
internationale des droits de l'homme (chapitre I) ainsi qu'en vertu de la
Convention sur le génocide (chapitre II).
CHAPITRE I
LE SYSTÈME DE PROTECTION DES DROITS DE LA
PERSONNE EN VERTU DE LA CHARTE DES NATIONS UNIES ET DE LA CHARTE INTERNATIONALE
DES DROITS DE L'HOMME
Le système onusien est né
avec l'adoption de la Charte des Nations Unies92(*) du 26 juin 1945. Depuis
lors, d'autres textes juridiques y subséquents visant la protection des
droits de l'homme ont vu le jour pour compléter les lacunes de la
Charte en ce domaine. Il s'agit notamment de la Convention
internationale pour la prévention et la répression du crime de
génocide du 9 décembre 1948, la Déclaration
universelle des droits de l'homme (DUDH)93(*) du 10 décembre 1948,
le Pacte international relatif aux droits civils et politiques
(PIDCP)94(*)
du 19 décembre 1966 et le Pacte international relatif aux droits
économiques sociaux et culturels (PIDESC)95(*) de la même date, ainsi
que les deux Protocoles facultatifs96(*) relatifs au premier Pacte. Les cinq
derniers composent ce qui est communément appelé la "Charte
internationale des Droits de l'homme"97(*).
Section I. La Charte des Nations
Unies
L'Organisation des Nations Unies a été
créée le 26 juin 1945 à San Francisco (États-Unis
d'Amérique), lors de la signature de la Charte des Nations
Unies. Cette Organisation mondiale a vu le jour pour remplacer la
Société des Nations (SDN) et combler les
lacunes de celle-ci dont le grand échec fut la Deuxième Guerre
mondiale et le génocide des Juifs qui ont eu lieu sous son
empire. Avant d'aborder la Charte de l'ONU, voyons d'abord ses
antécédents.
1. Les antécédents de la Charte
des Nations Unies
Au fil des siècles, les individus ne sont que des
sujets de droit interne. Leur sort est entièrement soumis à leurs
gouvernants. Exception faite de rares interventions ponctuelles dites
"humanitaires"98(*), chaque État peut faire ce qu'il veut de ses
propres citoyens sans en rendre compte à personne.
1.1. De l'antiquité aux temps
modernes
Au niveau des textes internes, l'empire babylonien a connu,
dans l'antiquité, le Code Hammourabi, du nom du fondateur de cet empire.
Celui-ci "voulait faire éclater la justice pour empêcher le
puissant de faire tort aux faibles"99(*). Le Moyen-âge voit éclore lentement le
domaine des droits de l'homme. Depuis l'adoption de la Magna Carta
(Grande Charte) en Angleterre en 1215 où apparaissent diverses
garanties juridiques, la protection des droits et libertés de la
personne fait son bonhomme de chemin pour faire des avancées
significatives avec le Bill of Rights britannique de 1689 et la
Déclaration française des droits de l'homme et du citoyen
de 1789, ainsi que le Bill of Rights des États-Unis de la
même année.
Au niveau des textes internationaux, la protection des
individus fait pour la première fois son apparition lors des
Traités de Westphalie en 1648. Ces derniers, qui ont marqué la
fin de la guerre de trente ans en Europe, accordent une totale liberté
religieuse aux peuples européens et apparaissent "comme un moment
saillant dans le long processus d'émergence d'une communauté
internationale fondée sur le droit"100(*).
L'évolution va encore prendre quelques siècles
pour atteindre son aboutissement avec la Charte des Nations Unies, la
Convention internationale pour la prévention et la répression
du crime de génocide, et la Charte internationale des
droits de l'homme. Bien avant celles-ci, un pas important avait
été franchi par la Société des Nations
(SDN), comme première tentative de grande envergure
d'organisation d'États souverains.
1.2. Le Pacte de la SDN
Née à Versailles (France) avec le Traité
du même lieu juste à la fin de la Première Guerre mondiale,
curieusement la SDN restreint mais n'interdit pas encore la
compétence de guerre comme moyen de règlement des conflits entre
États101(*) et ne
prescrit aucune disposition autorisant l'intervention
d'humanité. Toutefois, elle subordonne l'utilisation de la force
à l'échec des procédures pacifiques. En outre, certaines
garanties étaient demandées aux États requérants de
respecter les droits des minorités102(*).
Cependant, l'article 15 paragraphe 8 du Pacte de la
SDN consacre le principe de la souveraineté
étatique comme base de tout lien international, dont le sacro-saint
principe de non-intervention dans les affaires intérieures
d'un État en est le principal corollaire.
Ces deux principes ne souffrant d'aucun bémol, ils
l'empêcheront d'atteindre l'essentiel des objectifs pour lesquels elle
avait été créée. La règle de
l'unanimité dans la prise de décision ainsi que l'absence d'un
organe de coercition en son sein seront autant d'éléments qui
conduiront la SDN à connaître une série
d'échecs dans sa mission principale, soit le règlement de
conflits interétatiques.
Comme organe coercitif, le Pacte se limitait
à "recommander aux gouvernements les effectifs militaires, navals ou
aériens, par lesquels les membres de la Société devaient
contribuer respectivement aux forces armées destinées à
faire respecter les engagements de la Société"103(*). Il n'en fut rien. Jamais
pareils dispositifs ne furent rassemblés pour épauler la
SDN dans sa mission. Les garanties pour la protection des
minorités ne pourront pas non plus être effectives, et aucun
contrôle ne pourra être effectué car ceci était
considéré comme un domaine réservé de
l'État. L'affaire Bernheim en est une parfaite illustration.
En septembre 1933, a lieu dans la grande salle du Palais des
Nations à Genève où siège la SDN, un
événement qui créera un précédent lourd de
conséquences pour l'avenir de cette dernière et des droits de
l'homme, voire du monde entier.
Comme le rapporte René Cassin qui était
présent à cette audience :
Un homme apparaît. Il est Juif de Haute Silésie
et s'appelle Bernheim. Il a porté plainte contre les pratiques odieuses
et barbares des hitlériens à l'égard de leurs propres
compatriotes [...], au mépris de la convention germano-polonaise de 1922
établissant la protection des minorités104(*).
L'Allemagne est représentée par son ministre de
la propagande et de l'information, Joseph Goebbels. Dans une brève
allocution où il est cité que "charbonnier est maître
chez soi", Goebbels balaya l'accusation du revers de la main et bloqua
toute tentative d'examen de la question par le Conseil. L'incident fut
aussitôt clos sans autre forme de procès. Selon les propres mots
de René Cassin, "l'Allemagne venait de recevoir de la SDN un
blanc-seing pour traiter ses minorités à son gré. Hitler
pouvait mettre en oeuvre la politique définie dans Mein
Kampf"105(*).
Cette manifestation éloquente d'absence de
solidarité internationale va encourager Hitler dans sa folie de
grandeur, qui va le conduire à l'innommable. Effectivement, le
génocide des Juifs et des Tziganes sera exécuté
et consommé sans un seul mot de condamnation de la
Société des Nations. Le rêve de Versailles venait
de s'évanouir.
Certes, la SDN eut le mérite de mettre sur
pied un ensemble d'institutions imposantes dont notamment la Cour Permanente de
Justice Internationale (qui joua un rôle important), elle échoua
cependant en raison de son manque de fermeté et son illusion de
"considérer que l'on peut bâtir un droit international
fondé sur la seule norme "Pacta sunt servanda"106(*).
2. La Charte des Nations Unies et
les espoirs mis dans celle-ci
La
Charte de l'Atlantique du 14 août 1941 entre la Grande Bretagne
et les États-Unis est considérée comme l'ancêtre
direct de la Charte de l'ONU. Elle énumérait en
huit points les principes démocratiques qui devaient prédominer
après la guerre, en ce qui concerne les relations internationales. Ces
points avaient surtout trait à la souveraineté des États,
la paix et la sécurité internationales ainsi que la
coopération économique et sociale. Cependant, cette
Charte ne créait aucune organisation internationale bien
précise.
Le 1er janvier 1942 fut signé à
Washington une Déclaration des Nations Unies. Celle-ci ne fait
que rappeler les principes de la Charte de l'Atlantique et affirme
solennellement la solidarité des Nations Unies contre l'Axe.
Plus tard, la Déclaration de Moscou du 30 Octobre
1943, rendue publique à la clôture d'une conférence
anglo-américano-russe, proclama "la nécessité
d'établir, aussitôt que possible, une organisation internationale
fondée sur le principe d'une égale souveraineté de tous
les États pacifiques, grands et petits, afin d'assurer le maintien de la
paix et de la sécurité internationales"107(*).
Les grandes lignes de l'Organisation à créer
furent clairement définies à la Conférence de Dumbarton
Oaks (Washington) en Octobre 1944, mais c'est enfin à l'issue de la
Conférence de San Francisco de juin 1945 que la Charte de
l'ONU fut élaborée définitivement par les
délégués des 50 pays en guerre contre les pays de l'Axe.
Selon un auteur, "la nouvelle institution internationale
fut conçue et établie à travers un processus sans lien
direct avec la fin de la Seconde Guerre mondiale"108(*). Pourtant, la genèse
de l'ONU témoigne clairement du contexte dans lequel sa
Charte a été pensée et écrite, à
savoir celui d'une guerre mondiale qu'il fallait exorciser pour toujours. Des
visées hégémoniques comme celles de l'Allemagne nazie
seront également un autre danger qu'il fallait désormais
combattre et contre lequel il était impératif de construire un
rempart. Ceci est caractérisé par le souci constant dans les
discussions des pères-fondateurs, de la première à la
dernière conférence, de garantir la paix et la
sécurité internationales, dans le strict respect de la
souveraineté de chaque État. Il est surprenant de constater que
rien dans la Charte ne sera prévu pour "réaliser" la
protection ou la sauvegarde des droits de l'homme. Il sera tout simplement
question de "favoriser" le respect universel et effectif des droits de l'homme
et des libertés fondamentales pour tous (art. 55.c). Les autres
dispositions de la Charte consacrées aux droits de l'homme ne
sont pas plus contraignantes. Il s'agit de "développer" (art.1.3.), de
"faciliter" (art. 13.b) et "d'encourager" (art. 76.c) le respect ou la
jouissance des droits de l'homme. Même la commission que la
Charte prévoit en ce domaine (art. 68) concerne, non "la
protection", mais "le progrès" des droits de l'homme. Autant de
dispositions que l'on pourrait qualifier de "soft", selon la terminologie
aujourd'hui consacrée.
L'on pourrait penser que cette faiblesse n'est pas le
résultat d'un oubli, mais bien d'une volonté
délibérée. En effet, il semble que dans le souci de rester
forts et unis devant la menace d'une guerre aussi dévastatrice, les
puissances victorieuses ont entendu ménager la susceptibilité de
certains pays qui n'étaient pas alors champions du respect des droits de
l'homme, et ont sciemment évité d'inclure du champ de
compétence de l'Organisation, la protection des violations internes des
droits de l'homme. En revanche, le principe de non-intervention dans les
affaires intérieures (art. 2§7) y sera proclamé, principe
corollaire à celui de la souveraineté étatique. Cependant,
aucune définition précise ne sera donnée à ces deux
concepts.
Au niveau universel, la Charte des Nations Unies
fait quand même oeuvre de pionnier dans la protection des droits de
l'homme, même si fondamentalement il n'y est fait allusion que de
façon générale, en de passages épars dans un texte
qui a une autre portée. Des ambitions plus larges avaient
été exprimées par l'un des principaux pays promoteurs de
la Charte.
En effet, le Département d'État américain
avait envisagé dans un premier temps,
de faire précéder la future Constitution des
Nations Unies d'une Déclaration des droits (Bill of Rights).
Mais il apparut rapidement que cette idée, combattue par le Royaume-Uni
et l'URSS, était excessivement ambitieuse et elle fut abandonnée
au point que les propositions de Dumbarton Oaks étaient fort
discrètes sur les droits de l'homme109(*).
La préoccupation dominante des rédacteurs de
la Charte apparaît dès son article premier. Celui-ci
stipule comme but initial de maintenir la paix et la
sécurité internationales, en prenant des mesures collectives
efficaces en vue de prévenir et d'écarter les menaces à la
paix, de réprimer tout acte d'agression ou autre rupture de la paix, et
réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux
principes de la justice et du droit international, l'ajustement ou le
règlement des différends ou de situations, de
caractère international, susceptibles de mener à une rupture
de la paix.
Par ce libellé, l'ONU se fixe deux conditions
pour son intervention : primo, le différend ou la situation doit avoir
un caractère international et menacer la paix et la
sécurité internationales; secundo, le règlement doit se
faire par des moyens pacifiques. Ces moyens sont précisés dans le
Chapitre VI de la Charte, et comprennent notamment la
négociation, l'enquête, la médiation, la conciliation,
l'arbitrage ou le règlement judiciaire.
Cependant, pour la première fois, la Charte
crée une brèche dans la forteresse de la souveraineté
étatique en introduisant un nouveau concept, soit l'utilisation de
la force (Chapitre VII). Ce n'est pas encore une porte ouverte dans ce
domaine, car cela ne reste qu'un dernier recours et de surcroît seulement
autorisé par le Conseil de sécurité. En effet, c'est dans
ce sens que la Charte stipule que l'emploi de la force peut
être autorisé, lorsque les moyens pacifiques ont
échoué ou s'avèrent inadéquats, et si le Conseil
de Sécurité détermine qu'une menace contre la paix existe.
C'est donc une première, la paix et la sécurité
internationales ont désormais priorité sur la souveraineté
étatique.
Contrairement au Pacte de la SDN, la Charte
dispose que même après l'échec des négociations et
autres moyens pacifiques (en dehors de la légitime défense,
individuelle ou collective), seule l'ONU dispose du monopole
d'utiliser la force. Ce sont alors les "mesures coercitives", qui vont
des sanctions politiques et économiques à l'action militaire
internationale.
Au niveau des fonctions, la Charte crée six
organes principaux que sont : une Assemblée générale, un
Conseil de sécurité, un Conseil économique et social, un
Conseil de tutelle, une Cour internationale de justice, et un
Secrétariat. Quoique tous ces organes aient un rôle à jouer
dans la protection des droits de la personne, nous n'en étudierons que
les plus impliqués.
2.1. L'Assemblée générale des
Nations Unies
L'Assemblée générale est le seul des
organes de l'ONU qui regroupe tous les États membres de
l'Organisation. Elle est aussi l'organe le plus représentatif dans ce
sens que chaque État membre y dispose d'une voix. Elle dispose de
pouvoirs non négligeables en matière de paix et de
sécurité, mais elle n'a pas de pouvoirs d'action. Toute question
lui soumise qui nécessite une action est renvoyée au
Conseil de sécurité (art. 11). Quoique le terme "action"
ne soit pas précisé dans la Charte, la doctrine
considère que ceci ne vise que les mesures coercitives du Chapitre
VII110(*).
Le rôle de l'Assemblée ne se limite qu'à
faire des études et des recommandations (art. 11, paragraphe 3) qui
n'ont pas de force obligatoire. De plus, l'Assemblée ne doit faire
aucune recommandation à l'égard d'un différend ou d'une
situation, lorsque le Conseil de sécurité en est saisi, à
moins que ce dernier ne le lui demande (art. 12).
"L'hégémonie des grandes puissances se marquait très
précisément dans l'octroi au Conseil de sécurité de
prérogatives exorbitantes du droit commun"111(*).
Cependant, l'Assemblée générale a
considéré que le respect des droits de l'homme constitue "une
obligation internationale découlant de la Charte et qu'il relève
par conséquent de sa compétence conformément à
l'article 10"112(*).
Par ailleurs, la pratique révèle une
évolution qui est loin de confiner l'Assemblée dans les
prescriptions de la Charte. Nous retrouvons le premier
précédent dans ce qui a été appelé
"l'Union pour le maintien de la paix" ou la Résolution Dean
ACHESON.
En juin 1950, les forces nord-coréennes envahissent la
Corée du Sud en franchissant le 38è parallèle. Saisi de la
question, le Conseil de sécurité adopte (en l'absence du
délégué de l'URSS113(*) qui avait momentanément quitté le
Conseil pour protester contre la présence du représentant de la
Chine nationaliste) trois Résolutions. La première
lançait un appel à la Corée du Nord pour retirer
ses troupes (Rés. S/1499 du 25 juin 1950). Devant le refus de celle-ci,
la seconde Résolution recommandait aux membres des Nations
Unies, "d'apporter à la République de Corée toute
l'aide nécessaire pour repousser les assaillants et rétablir dans
cette région, la paix et la sécurité internationales"
(Rés. 1511 du 27 juin 1950). La dernière décidait
de créer une force sous commandement unifié
confié aux États-Unis mais agissant sous le drapeau
Onusien (Rés. 1588 du 7 juillet 1950).
Le Conseil de sécurité ne pouvant plus prendre
dans la même lignée des Résolutions pour la poursuite des
opérations en vertu du veto soviétique (le
délégué de l'URSS avait entre-temps regagné sa
place au Conseil de sécurité), l'Assemblée
générale adopte, sur proposition du délégué
américain, la Résolution 377 V, connue sous l'appellation
"Union pour le maintien de la paix" ou "Résolution
Acheson". L'Assemblée s'était alors trouvée
compétente pour prendre, à la place du Conseil bloqué, des
recommandations dans un domaine réservé aux pouvoirs de ce
dernier.
Il s'agit ici d'une interprétation extensive de
l'article 12.1 de la Charte, qui stipule que tant que le Conseil de
sécurité remplit à l'égard d'un différend ou
une situation, les fonctions qui lui sont attribuées, l'Assemblée
générale doit s'abstenir, à moins que le Conseil ne le lui
demande. Le Conseil de sécurité étant bloqué sur
cette question, l'Assemblée générale a jugé que le
Conseil ne remplissait pas ses fonctions, et que par conséquent elle
était autorisée à agir. Selon un auteur,
"l'Assemblée générale a donc la possibilité de
se substituer au Conseil de sécurité lorsque ce dernier n'est
plus en mesure d'exercer ses fonctions"114(*).
2.2. Le Conseil de sécurité des
Nations Unies
Malgré le concept de l'égalité
souveraine des États reconnu dans les principes de la Charte,
certains États apparaissent tout à coup "plus égaux" que
d'autres. En effet, le Conseil de sécurité se taille la part du
lion dans ses fonctions et pouvoirs.
Au niveau des fonctions, les membres de l'ONU
confèrent au Conseil de sécurité le rôle principal
du maintien de la paix et de la sécurité internationales.
Celui-ci agira pour le compte de tous membres (art.24). Or, ce conseil
comportera deux catégories de membres, à savoir les membres
permanents et les non-permanents. Les membres permanents seront les cinq grands
de l'époque que sont la Chine, la France, le Royaume-Uni, l'URSS et les
États-Unis d'Amérique (art. 23).
Pour ce qui est des pouvoirs, tous les membres s'engagent
d'ores et déjà à accepter et appliquer les
décisions du Conseil (art. 25). Il s'agit donc d'un blanc-seing que
signent au Conseil de sécurité les autres membres de
l'ONU, qui donne à celui-ci des pouvoirs exorbitants en
matière de paix et de sécurité. Non seulement les membres
lui confient pleins pouvoirs en matière de paix et de
sécurité internationales, mais en outre le Conseil n'aura aucun
compte à leur rendre. En effet, le Conseil dispose d'un pouvoir de libre
appréciation, de qualification et d'action, face à toute
situation en matière de paix et de sécurité
internationales. Qui plus est, seul chacun des membres permanents dispose d'un
droit de veto (art.27). Comme le note un auteur, il revient de ce qui
précède que "la responsabilité principale du maintien
de la paix incombe non au Conseil mais aux cinq puissances
mondiales"115(*).
Comme souligné plus haut, le Conseil de
sécurité est investi de tous les pouvoirs en matière de
paix et de sécurité. Il dispose donc seul du pouvoir de
déclencher une action coercitive, en cas d'échec des moyens
pacifiques ou lorsque le Conseil trouve que ceux-ci seraient vains, et si la
situation est de nature à compromettre la paix et la
sécurité internationales.
L'action coercitive consiste en "l'utilisation de la
force par un État, un groupe d'États ou une organisation
internationale contre un État ou un groupe d'États. Ces mesures
vont des sanctions économiques à l'action militaire
internationale"116(*).
Outre que le Conseil peut se saisir lui-même d'un tel
différend ou d'une telle situation, son attention peut également
être attirée sur la question par un État membre ou non de
l'ONU (art. 35) ou par le Secrétaire général
(art. 99), ou alors par les parties (art. 37).
L'action du Conseil de sécurité en
cas de menace contre la paix a suscité pas mal de controverses. Selon
l'esprit et la lettre de la Charte, pour que pareille action puisse
être envisagée, il faut qu'il y ait non seulement l'existence
d'une menace contre la paix et la sécurité internationales, mais
aussi que le différend ait un caractère international.
Cependant, la pratique nous montre que ce second
critère a été battu en brèche depuis les
premières années de l'ONU. Comme le souligne un auteur,
"même dans le cas où un conflit est parfaitement maintenu
à l'intérieur d'un État visé, et où les
efforts de justification par la tension internationale sont loin d'être
convaincants, rien n'empêche la majorité du Conseil d'estimer
qu'il y a menace contre la paix"117(*).
Les exemples ci-après nous donnent quelques
illustrations de ce point de vue. Il s'agit des Résolutions prises par
le Conseil de sécurité, notamment dans le conflit coréen
comme mentionné plus haut (Rés. 83 et 84 respectivement
du 27 juin et 7 juillet 1950), le problème de la politique coloniale du
Portugal en Angola et au Mozambique (Rés. 180 et 218 respectivement du 3
juillet 1963 et 23 novembre 1965), la situation d'apartheid en Afrique du Sud
(Rés. 181 du 7 août 1963), la déclaration
unilatérale d'indépendance de la Rhodésie du Sud par des
colons britanniques (Rés. 217 du 20 novembre 1965), ainsi que la
situation des kurdes en Irak (Rés. 688 du 5 avril 1991).
Il convient de nous attarder sur cette dernière
Résolution, étant donné qu'elle constitue l'une des rares
actions et la première, où le Conseil de sécurité
est intervenu en faveur de populations civiles faisant l'objet de massacres et
autres mauvais traitements, de la part de leur propre gouvernement.
Au lendemain de la défaite de l'Irak au Koweït en
1991, l'armée irakienne aurait bombardé des villages kurdes
irakiens à l'arme chimique. Fuyant cette zone, des dizaines de milliers
d'hommes, de femmes, d'enfants et de vieillards se dirigèrent vers la
frontière turque. Les Turcs fermèrent leur frontière aux
réfugiés. Devant l'imminence d'une catastrophe humanitaire due
aux bombardements des avions irakiens et à l'absence d'infrastructures
humanitaires, des voix se firent entendre auprès de l'ONU.
Le Conseil de sécurité vota rapidement, sur
proposition française, la Résolution 688 du 5 avril 1991,
condamnant cette attaque de populations civiles par l'armée irakienne.
La Résolution exigeait aussi à l'Irak de mettre fin sans
délai à cette répression, pour "contribuer à
éliminer la menace à la paix et à la
sécurité internationales dans la région".
Dans cette Résolution, le Conseil priait
également le Secrétaire général de l'ONU
de poursuivre ses efforts humanitaires en Irak, et de lui faire rapport
d'urgence, sur le sort des populations civiles irakiennes, en particulier des
populations kurdes, menacées par la répression des
autorités irakiennes. Enfin, le Conseil lançait un appel à
tous les États membres et à toutes les organisations
humanitaires, de participer aux efforts d'assistance humanitaire.
Des corridors humanitaires furent aussitôt ouverts dans
un élan de solidarité pour les victimes, sous la couverture
aérienne des alliés, et une zone d'exclusion pour l'armée
irakienne fut créée. Les Kurdes ont pu regagner leurs villages et
leurs villes. Comme le dit Bernard Kouchner de l'organisation Médecins
sans frontières, "la Résolution 688 des Nations Unies avait
codifié l'ingérence : pour la première fois, on avait
signifié à un dictateur qu'il n'avait aucun droit de massacrer
ses propres populations, même chez lui"118(*).
Bien que la Résolution 688 du Conseil de
sécurité sur l'Irak ne précisait pas sur quelle base elle
était adoptée et n'autorisait pas de mesures coercitives comme
telles, les alliés qui ont lancé l'opération Provide
Comfort se sont fondé sur ladite Résolution. Un pas
important venait d'être franchi dans ce qui allait être
perçu comme un droit d'ingérence. De plus, pour la
première fois, le Conseil de sécurité autorisait une
opération d'assistance humanitaire en s'appuyant sur une menace à
la paix et à la sécurité internationales. Des initiatives
plus timides suivront par la suite.
Il est important de souligner que le Conseil de
sécurité n'use pas de ses prérogatives en matière
de contrainte chaque fois que celui-ci constate qu'il y a menace contre la paix
et la sécurité internationales. En effet, l'expérience
montre que ces mesures ont été utilisées avec parcimonie
au cours du passé. Il peut d'abord édicter des mesures
provisoires qu'il juge nécessaires ou souhaitables, afin
d'empêcher la situation de s'aggraver (art. 40 de la Charte). Ce
faisant, les circonstances peuvent devenir telles que les mesures de contrainte
ne soient même pas nécessaires.
En outre, ces actions coercitives n'impliquent pas toujours
l'emploi de la force armée. En effet, la Charte autorise le
Conseil de sécurité à prendre des mesures diplomatiques,
économiques ou autres, lorsqu'il constate que la situation est
susceptible de menacer la paix et la sécurité internationales
(art. 41).
Cependant, le Conseil de sécurité n'est pas
obligé d'observer une gradation dans la prise de sanctions, en
commençant par les moins contraignantes pour en arriver aux plus
draconiennes, au cas où les résultats escomptés ne sont
pas atteints. Ainsi, le Conseil de sécurité pourrait
décider l'utilisation des moyens militaires comme première et
dernière mesure dès lors qu'il jugerait cette action plus
recommandée à la situation. Mais comme le souligne un auteur,
"hormis des situations exceptionnelles dans lesquelles la force doit
répondre à la force, c'est le recours à des mesures non
militaires qui politiquement s'imposent en premier lieu"119(*).
À l'instar de l'exercice de qualification de
situations comme étant une menace contre la paix et la
sécurité internationales, celui de l'instauration de sanctions
obligatoires s'est souvent heurté au veto des grandes puissances. Ceci
fait dire à un auteur que : "rarement employées, mal
respectées et peu efficaces, les sanctions coercitives de l'article 41
n'ont pas répondu à l'attente - peut-être excessive - des
rédacteurs de la Charte"120(*).
La Charte prévoit l'utilisation
d'actions coercitives militaires lorsque le "Conseil estime que les mesures
prévues à l'article 41 seraient inadéquates ou qu'elles se
sont révélées comme telles" (art. 42). Cette
opération devrait être exécutée par des contingents
des forces armées mis à la disposition du Conseil de
sécurité par des pays membres de l'ONU,
conformément aux accords spéciaux à conclure (sans tarder
!) entre ces deux parties (art. 43). La direction de l'opération
devrait être assurée par le Conseil de Sécurité avec
l'aide du Comité d'État-major (art. 46). Ce Comité
d'État-major devrait se composer "des Chefs d'État-major des
membres permanents du Conseil de Sécurité ou de leurs
représentants" (art. 47.2.).
Notons que pour des raisons liées à la guerre
froide121(*) entre les
deux supergrands (USA et URSS), toute cette structure n'est restée que
sur papier. Ainsi, le système de sécurité collective
imaginé par les rédacteurs de la Charte n'aura pas vu le
jour. Dans le même ordre d'idées, cette mission, pourtant
transitoirement assignée aux cinq membres permanents du Conseil de
sécurité en attendant la signature et la ratification des accords
spéciaux, n'a pas pu être remplie (art. 106). En effet, cet
article assigne de manière transitoire aux membres permanents du Conseil
de sécurité, en leur qualité de grandes puissances et de
parties à la Déclaration de Moscou, les responsabilités en
matière de paix et de sécurité internationales. Pourtant,
selon un auteur, même si cette disposition est restée
"jusqu'à ce jour lettre morte, il serait néanmoins hasardeux
d'en déduire la désuétude"122(*).
Selon celui-ci, "en droit strict, ces
responsabilités continuent à exister étant donné
que la non-conclusion des accords spéciaux n'a pas permis la
constatation formelle de la fin de la période
intérimaire"123(*).
Le dégel que connaissent actuellement les relations
Est-Ouest permettra-t-il d'espérer que le dossier relatif aux accords
spéciaux sortira un jour des tiroirs de l'ONU ? Nous verrons
plus loin si cette disposition reste toujours indispensable.
2.3. Le Secrétariat des Nations
Unies
Le Secrétariat est l'organe exécutif des
Nations Unies. Il est dirigé par un Secrétaire
général. À côté des fonctions administratives
traditionnelles du Secrétaire Général, beaucoup
s'accordent à lui trouver des fonctions politiques et diplomatiques. Les
fonctions politiques du Secrétaire général lui sont
reconnues par l'article 99 de la Charte qui dispose que, celui-ci
"peut attirer l'attention du Conseil de sécurité sur toute
affaire qui à son avis, pourrait mettre en danger le maintien de la paix
et de la sécurité internationales".
Dans la pratique, le Secrétaire général
va au-delà de cette disposition. Non seulement il peut demander au
Conseil de sécurité d'inscrire urgemment une question à
l'ordre du jour, mais en plus il a le pouvoir de prendre position dans une
affaire, voire influencer le Conseil de sécurité. Tout
dépend en fait de la personnalité propre du Secrétaire
général. Ce qui est appelé "l'affaire
congolaise"124(*)
nous en fournit un exemple très illustratif.
L'affaire en question fut déclenchée par le
Secrétaire général par sa lettre du 13 juillet 1960 au
Conseil de sécurité. Comme le note un auteur, "seul
élément figurant à l'ordre du jour du Conseil, cette
lettre du Secrétaire général correspond exactement aux
termes visés par l'article 99"125(*). Au cours de la séance, le Secrétaire
général fit un exposé magistral au Conseil, dans lequel il
analysait les événements survenus au Congo dans les jours
précédents et indiquait avoir donné une réponse
positive à la demande du gouvernement congolais d'une assistance
militaire. En même temps, il soumettait au Conseil un plan complet
d'intervention comprenant les principes à respecter ainsi que l'objectif
à atteindre.
Le Secrétaire général insistait sur le
fait que l'objectif visé était la restauration de la paix et la
sécurité au Congo. Il précisait que cela n'était
nullement une intervention dans les affaires intérieures, du moment
qu'il répondait à un appel lancé par le gouvernement
légitime du pays et que l'utilisation des armes était interdite,
sauf en cas de légitime défense.
Comme le précise un auteur, "on est loin ici de
l'acte procédural (simple convocation du conseil)"126(*), et de poursuivre que
"cette interprétation n'a d'ailleurs soulevé aucune objection
de la part des membres du Conseil127(*). Aussi, la Résolution y relative
reprendra presque mot à mot la position du Secrétaire
général. Il faut préciser que cela n'était
d'ailleurs pas une première, car l'opération de Suez avait
démontré les pouvoirs réels du Secrétaire
général des Nations Unies.
Dans l'affaire de Suez, quoique la création de la
Force d'urgence des Nations Unies (FUNU) en 1956 soit une initiative
de la délégation canadienne128(*) à l'Assemblée générale,
le rôle du Secrétaire général des Nations
Unies a été déterminant. En juillet 1956,
l'Égypte nationalise la Compagnie du Canal de Suez. En octobre 1956, les
forces israéliennes pénètrent à Suez.
Aussitôt les forces françaises et britanniques entrent dans le
conflit. L'on se rappelle que le Conseil de sécurité n'ayant pas
réussi à prendre une décision unanime sur la situation
grave créée par cette action entreprise contre l'Égypte,
il a, par sa Résolution 119 (1956) du 31 octobre 1956,
décidé de convoquer une session extraordinaire d'urgence de
l'Assemblée générale, afin de faire des recommandations
appropriées.
L'Assemblée générale demanda alors au
Secrétaire général de lui soumettre un plan pour
l'établissement de la Force. Celui-ci présenta à
l'Assemblée deux rapports sur la question. Ces rapports furent
entérinés par l'Assemblée générale dans ses
Résolutions 1000 (ES-1) et 1001 (ES-1) du 5 et 6 novembre 1956
respectivement. Outre que le plan de cette force avait été
établi par le Secrétaire général, tous les aspects
logistiques relatifs à cette opération lui furent
confiés.
Quoique ces deux affaires présentent beaucoup
d'analogies qui consacrent les pouvoirs exorbitants du Secrétaire
général des Nations Unies, l'affaire du Congo constitue
beaucoup plus une usurpation flagrante par ce dernier, des pouvoirs relevant
d'autres organes de l'ONU, puisque le Conseil n'a été
informé que pour entériner les décisions du
Secrétaire général.
En effet, si la décision de la création d'une
Force des Nations Unies en 1956 avait été prise par
l'Assemblée générale des Nations Unies et
exécutée par le Secrétaire général, il n'en
est pas de même en ce qui concerne la création de la force de
l'ONUC. L'on sait que la Résolution 143 du 14 juillet 1960
décidait seulement de "fournir au Gouvernement du Congo l'assistance
militaire dont il a besoin" et que c'est seule une interprétation
de cette Résolution qui autorisera le Secrétaire
général de créer l'ONUC.
Ainsi, le Secrétaire général
créera la force, en déterminera la composition et en dirigera les
activités, en donnant seul les instructions au commandant militaire
nommé par lui. Chose étrange, ni l'Assemblée
générale, ni le Conseil de sécurité ne feront
objection.
De ce qui précède, nous remarquons que la
personnalité propre du Secrétaire général des
Nations Unies joue, dans la pratique, un rôle plus important
dans le maintien de la paix et la sécurité internationales, que
celui dont il est investi par la Charte. Dans la même veine, ce
même Secrétaire général, en la personne de Dag
HAMMARSKJOLD, n'a-t-il pas obtenu gain de cause dans l'affaire du Liban en 1958
lorsqu'il a menacé, lors de son exposé au Conseil de
sécurité en sa séance du 22 juillet, de
démissionner "au cas où le Conseil ne le suivrait
pas"129(*)?
Les lacunes constatées au niveau de la Charte des
Nations Unies en matière de protection des droits fondamentaux de
l'homme auraient pu être comblées lors de l'élaboration et
l'adoption des instruments spécifiques qui ont suivi la Charte.
En a-t-il été ainsi ? C'est ce que nous allons voir par l'examen
de la Charte internationale des droits de l'homme.
Section 2. La Charte internationale des
droits de l'homme
Trois ans après l'adoption de la Charte des
Nations Unies, il est vite apparu que celle-ci n'avait pas
insisté sur la protection des droits de l'individu. Il fallait alors
combler la lacune. Mais il a fallu tout d'abord adopter un texte qui aurait
dû s'imposer lors de l'institution de la Charte, soit la
Convention internationale pour la prévention et la répression
du crime de génocide. Le lendemain, la Déclaration
Universelle des Droits de l'Homme était adoptée dans le
cadre des Nations Unies.
Ces deux textes seront les premiers à portée
spécifique de protection des droits de l'homme à voir le jour.
Cette dernière sera complétée par les deux Pactes
de l'ONU et les deux Protocoles additionnels. À l'exception de
la Convention sur le génocide, les autres textes
précités composent ce qui est communément appelé la
Charte internationale des droits de l'homme.
L'allusion à la Charte internationale des droits
de l'homme dans la présente étude a surtout pour but de
souligner qu'outre la Charte de l'ONU, d'autres instruments
auraient pu être utilisés pour faire échec au
génocide contre les Tutsi du Rwanda, surtout à titre
préventif.
1. La Déclaration Universelle des Droits de
l'Homme
Adoptée le 10 décembre 1948
par l'Assemblée générale des Nations Unies, la
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme
(Rés.A.G.217A(III)) énonce des droits généraux de
la personne comme "l'idéal commun à atteindre par tous les
peuples et toutes les nations" (Préambule). Tous les droits de la
personne, tant civils, politiques, économiques, sociaux que culturels se
retrouvent sans distinction dans la Déclaration.
Comme son nom l'indique, la Déclaration Universelle
des Droits de l'Homme n'est pas en soi un instrument juridique
contraignant. Proclamée par l'Assemblée
générale des Nations Unies, ce texte n'a que valeur de
recommandation et ne dispose par conséquent pas de force obligatoire.
Une déclaration ne crée pas d'obligations pour les États
et n'est pas source directe du droit.
Cependant, pour ce qui est de la Déclaration
du 10 décembre 1948, il convient de faire une distinction entre
l'instrumentum et le negotium. Il est vrai que comme
instrumentum son texte n'a jamais été
intégré comme tel dans l'ordre juridique interne des
États, mais du fait que les principes de base (negotium)
figurant dans la Déclaration ont été par la suite
repris dans plusieurs instruments juridiques contraignants tels que les
traités, les constitutions nationales de certains pays ainsi
que des Chartes130(*), l'on pourrait affirmer sans ambages que son contenu
a acquit valeur coutumière, et que partant, il s'impose aussi bien que
les Pactes, sinon plus, selon le courant non-volontariste131(*).
2. Les Pactes des Nations
Unies
Les Pactes des Nations Unies sont un
complément logique et nécessaire de la Déclaration
Universelle des Droits de l'homme. En l'absence du caractère
contraignant de cette dernière (par sa forme), il était
impératif de la compléter avec des textes pouvant lier des
États en matière des droits de l'homme. Ces Pactes sont
également des compléments, quoique incomplets de la
Charte en matière de protection des droits de l'homme.
Il s'agit du Pacte International relatif aux Droits Civils
et Politiques (PIDCP) (Rés.A.G.2200A(XXI) et son Protocole
facultatif (Rés.A.G.2200A(XXI) (créant un droit de
communication individuelle pour les particuliers relevant de la juridiction
d'un État partie au Pacte) et le Pacte International
relatif aux Droits Économiques, Sociaux et Culturels
(PIDESC) (Rés.A.G.2200A(XXI), tous deux adoptés par
l'Assemblée générale des Nations Unies le 19
décembre 1966, et entrés en vigueur le 23 mars 1976 pour les
premiers et le 3 janvier 1976 pour le second. Un deuxième Protocole
facultatif au PIDCP (Rés.A.G.44/128) visant l'abolition de
la peine de mort a été adopté le 15 décembre 1989
par l'Assemblée générale des Nations Unies. Il
est entré en vigueur en 1991.
Bien que ces deux Pactes s'inscrivent dans le cadre
de la Déclaration Universelle, les préoccupations
traduites dans les deux textes ne sont plus les mêmes. Alors que pour
cette dernière les droits de l'homme sont d'abord les droits de
l'individu auquel s'adresse d'ailleurs la Déclaration, ceux
consacrés par les Pactes sont des droits collectifs et
s'adressent aux États. Signe des temps, on remarque un recul de taille
dans l'approche utilisée dans la rédaction des deux textes, en 18
ans d'intervalle. En outre, les droits se scindent en deux catégories au
moment de la rédaction des Pactes. Ainsi, il y aura des droits
de la première génération (PIDCP), qui s'imposent
obligatoirement aux parties contractantes, et les droits de la deuxième
génération (PIDESC), dont le respect par les États se fait
progressivement.
Pour les besoins de notre étude, notre
intérêt se limitera sur le Pacte International relatif aux
Droits Civils et Politiques et son premier Protocole
facultatif. En effet, les dispositions du PIDESC apparaissent
comme des "dispositions-programmes", et la mise en oeuvre des droits
(dits "droits-créances") est conçue très
progressivement et laissent aux États une grande latitude (art. 2.1).
Quelle est la portée juridique réelle du
PIDCP ? Étant une convention, il est clair que ce Pacte a une
valeur obligatoire, dans ce sens que même son article 28 crée un
organe de suivi, le Comité des droits de l'homme
(CDH), à travers lequel ce Pacte trouve sa raison d'être.
Nous allons voir de quoi il s'agit.
2.1. Le Comité des droits de
l'homme
Organe non permanent, ce Comité a pour qualité
de connaître, par le biais de communications individuelles et
étatiques, des violations précises aux droits
énoncés dans le Pacte. Il est à noter que le
recours individuel devant le CDH n'est pas prévu par le
PIDCP mais plutôt par un traité autonome, le
Protocole facultatif au PIDCP. Selon un auteur, "les
rédacteurs du Pacte et de son premier Protocole ont
résisté à la tentation de faire qualifier cet organe de
mise en oeuvre de tribunal international"132(*).
L'instance devant le comité se fait en deux
phases : d'abord l'examen de la recevabilité, ensuite du
bien-fondé. Pour être recevable, la communication (et non
requête) ne doit pas être anonyme et doit être envoyée
par le particulier qui prétend être victime d'une violation de la
part d'un État partie, des droits que lui
reconnaît le PIDCP. Lorsque la victime est dans
l'incapacité de présenter la communication elle-même, le
Comité peut accepter d'examiner une communication faite en son nom par
une autre personne. Toutefois, celle-ci doit avoir un lien apparent avec la
victime.
Le Comité applique aussi le principe
de l'épuisement préalable des voies de recours internes,
même si le fardeau de la preuve repose sur l'État défendeur
et non sur l'individu133(*). La plainte doit se rapporter à une violation
du Pacte et ses Protocoles, et elle ne peut être
reçue si la même question est déjà pendante devant
une autre instance internationale d'enquête ou de
règlement134(*).
Lorsqu'une communication est
déclarée recevable, l'État défendeur est
sommé d'y répondre dans un délai de six mois, en
fournissant des explications ou des éclaircissements sur le
problème indiquant s'il a déjà pris des mesures pour y
remédier. Le plaignant aura alors droit de réagir à la
réponse de l'État. Pendant toute la procédure, chaque
partie a la possibilité de commenter les arguments de l'autre. Le
Comité prend alors ses conclusions (et non décisions),
qu'il communique aux deux parties. Ses conclusions sont toujours publiques.
Le Comité des droits de
l'homme n'étant pas un organe réellement judiciaire, ses
recommandations sont privées de toute force exécutoire,
dès lors qu'aucun organe n'est prévu pour veiller à leur
application, même si dans la pratique la plupart des États font un
acquiescement et agissent en conséquence.
Comme le souligne un auteur, "les États
doivent appliquer de bonne foi les "constatations" du Comité puisqu'ils
ont accepté les obligations découlant de leur adhésion au
Protocole facultatif "135(*). Malgré cette dernière faiblesse, sa
jurisprudence est beaucoup plus importante que celle du Comité contre la
torture.
2.2. Le Comité contre la
torture
Un autre instrument de protection des droits de
l'homme à l'échelle universelle est la Convention contre la
torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou
dégradants136(*). Adoptée par l'Assemblée
générale des Nations Unies dans sa Résolution 39/46
du 10 décembre 1984, cette convention est entrée en vigueur le 26
juin 1987. Selon l'article 2.1. de la Convention, "tout État partie
prend des mesures législatives, administratives, judiciaires et autres
mesures efficaces pour empêcher que des actes de torture soient commis
dans tout territoire sous sa juridiction".
L'article 2.3. stipule que "l'ordre d'un
supérieur ou d'une autorité publique ne peut être
invoqué pour justifier la torture". L'article 3.1. interdit
l'expulsion, le refoulement, et l'extradition d'une personne vers un autre
État où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque
d'être soumise à la torture, tandis que l'article 5 accorde
à l'État partie la compétence universelle pour
connaître d'un crime relevant de la violation de la Convention. La
Convention établit un Comité contre la torture (art. 17)
à la caricature du Comité des droits de l'homme. Un
État partie à la Convention peut, par une déclaration
facultative, reconnaître la juridiction du Comité pour
recevoir des pétitions individuelles.
La procédure devant le Comité
contre la torture est la même que devant le Comité des
droits de l'homme, à l'exception de l'interdiction pour le
Comité contre la torture de se saisir d'un dossier qui a
déjà été étudiée par une autre
instance internationale. À l'instar du Comité des droits de
l'homme, les recommandations du Comité contre la torture
n'ont pas l'autorité de la chose jugée et partant, sont soumises
au bon vouloir et à la bonne foi des États. Toutefois, le
principe de bonne foi obligerait les États parties à la
Convention, à respecter les recommandations faites par un
organe dont ceux-ci ont librement reconnu la compétence. La situation
est tout autre en ce qui concerne les États non-parties à la
Convention ou ceux qui n'auraient pas reconnu la juridiction du
Comité contre la torture.
Il ressort des développements
précédents que même si la Charte internationale des
droits de l'homme a eu le mérite de créer des organes de
contrôle a posteriori des violations des droits de l'homme, il
n'en demeure pas moins vrai que des mesures de prévention contre ces
violations n'ont pas trouvé de place dans les textes qui composent
cette Charte. La Convention internationale sur la
prévention et la répression du crime de génocide
a-t-elle, en vertu de son caractère spécifique et comme son
intitulé l'indique, prévu de telles mesures ? C'est ce que nous
allons voir dans le chapitre qui suit.
11. CHAPITRE II.
12. LA CONVENTION INTERNATIONALE POUR LA
PRÉVENTION ET LA RÉPRESSION DU CRIME DE GÉNOCIDE
Le terme "génocide" fait son apparition juste
à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, pour qualifier le crime
"sans nom" commis par les nazis contre les Juifs en Europe. La
paternité de ce terme revient au professeur américain d'origine
polonaise Raphaël Lemkin. Dans un livre paru en 1944137(*), le professeur Lemkin
invente ce terme qu'il construit à partir du mot grec "genos"
(qui signifie race ou tribu) et du suffixe latin "cide" (signifiant
tuer). Il voulait exprimer ici que le mot génocide signifie
l'extermination d'une nation ou d'un groupe ethnique, les gens n'étant
pas visés comme tels, mais comme membre d'une nation ou d'un groupe
ethnique.
Lemkin trouvait que le terme "meurtre de masse"
jusque-là utilisé ne rendait pas exactement compte de la
réalité, car ne faisant pas apparaître clairement la
spécificité de ce crime, soit la destruction d'un groupe,
celui-ci étant visé comme tel. Le terme fera le tour du monde et
tous vont l'adopter et l'utiliser, souvent à contresens138(*). Deux ans après,
l'ONU va penser à combler la lacune laissée par la
Charte dans ce domaine.
L'Assemblée Générale des Nations
Unies, par sa Résolution 96 (I)139(*) du 11 décembre 1946, a déclaré
que le génocide est un crime du droit des gens, qui bouleverse
la conscience humaine, est contraire à la loi morale et est en
contradiction avec l'esprit et les fins des Nations Unies. À
cet égard, elle a chargé le Conseil Économique et Social
d'entreprendre les études nécessaires en vue de concevoir un
projet de Convention sur le crime de génocide, pour lui
être soumis, à sa plus prochaine session ordinaire.
La Convention internationale pour la prévention et
la répression du crime de génocide140(*), qui a vu le jour la
veille de la Déclaration Universelle, soit le 9 décembre
1948, a été le premier grand traité141(*) relatif aux droits de
l'homme, adopté par l'Assemblée Générale
des Nations Unies.
Cette convention définit le génocide
et impose aux parties contractantes l'obligation de le prévenir et de le
réprimer. Cependant, beaucoup de faiblesses apparaissent tant en ce qui
concerne la conception que l'application des mécanismes de mise en
oeuvre.
Section 1. La définition du crime de
génocide
Par sa Résolution 260 A (III) du 9 décembre
1948, l'Assemblée Générale de l'ONU,
réunie à Paris, a approuvé à l'unanimité le
texte de la Convention internationale sur la prévention et
la répression du crime de génocide. Celle-ci est
entrée en vigueur le 12 janvier 1951.
L'article 1er de la Convention stipule que
« [L]es parties contractantes confirment que le génocide,
qu'il soit commis en temps de paix ou en temps de guerre, est un crime du droit
des gens, qu'elles s'engagent à prévenir et à
punir ». En ratifiant la Convention, les parties contractantes
s'engagent donc à la prévention et à la répression
du crime de génocide. Qui plus est, cette convention lierait
même les États non parties, car la prohibition du
génocide est considérée aujourd'hui comme une
norme de droit international coutumier142(*).
En effet, dans son avis consultatif du 28 mai 1951 sur les
réserves à la Convention de 1948 sur la prévention et la
répression du crime de génocide, la Cour Internationale
de Justice (CIJ) précise que "les principes qui sont à la
base de la convention sont des principes reconnus par les Nations
civilisées comme obligeant les États même en dehors de tout
lien conventionnel"143(*).
L'article 2 définit le génocide comme
étant :
l'un quelconque des actes ci-après, commis dans
l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national,
ethnique, racial ou religieux, comme tel :
a) Meurtre de membres du groupe ;
b) Atteinte grave à l'intégrité physique
ou mentale de membres du groupe ;
c) Soumission intentionnelle du groupe à des
conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou
partielle ;
d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du
groupe ;
e) Transfert forcé d'enfants du groupe à un
autre groupe.
Il ressort de cette définition que quatre
éléments constitutifs caractérisent le
génocide :
i) Un acte criminel se retrouvant au moins dans l'une des
catégories citées ;
ii) Commis dans l'intention de détruire tout ou partie
;
iii) De l'un au moins des groupes protégés que
sont : le groupe national, le groupe ethnique, le groupe racial ou le groupe
religieux,
iv) comme tel.
Examinons à présent chacun de ces
éléments constitutifs du crime de génocide.
1. Un acte criminel
Le texte de la Convention énumère les actes qui
sont considérés comme étant constitutifs de crime de
génocide, s'ils sont commis contre l'un quelconque des groupes
protégés, avec l'intention de détruire ceux-ci.
L'on pourrait se demander si cette énumération
est exclusive et limitative. En effet, si l'esprit de la Convention
était de ne citer ces actes qu'à titre indicatif, ses
rédacteurs auraient inséré l'adverbe "notamment"
dans la lettre. C'est aussi l'avis de l'auteur J. VERHOEVEN, qui note que
"la liste des actes délictueux qui y sont visés doit
être considérée comme limitative"144(*), même si "les
termes utilisés, qui ont été soigneusement pesés,
sont relativement larges"145(*).
Nous sommes d'avis contraire cependant quand cet auteur
considère que "seul le génocide "physique" -
c'est-à-dire celui qui conduit à l'élimination physique,
en tout ou en partie, des membres d'un groupe - est en règle
générale incriminé"146(*). En effet, où serait l'élimination
physique, en cas de "transfert forcé d'enfants du groupe à un
autre groupe" ( art.2.e), ou en cas "d'atteinte grave à
l'intégrité mentale du groupe" (art. 2.b) ? Nous pensons
donc que cet auteur aurait fait une interprétation erronée de
l'article 2 de la Convention sur le génocide.
2. Commis dans l'intention de détruire tout
ou partie
Cette phrase contient deux notions importantes qu'il convient
d'analyser. La première est le mot "intention", la seconde,
les mots "détruire tout ou partie".
Examinons d'abord la première notion, c'est à
dire l'élément intentionnel.
L'élément moral, à savoir
l'intention coupable (dolus specialis) - et non le
mobile, comme semblent le suggérer des auteurs147(*) - est le concept le plus
important dans la définition du crime de génocide. En
effet, sans cette volonté de détruire tout ou partie de l'un
quelconque des groupes protégés, il n'y aurait pas
génocide mais plutôt meurtre ou crime contre
l'humanité. Ce n'est donc ni le nombre de victimes, ni le mode d'agir,
mais bien le but visé dans la destruction qui constitue
l'élément caractéristique du crime de
génocide.
À ce sujet, un auteur nous donne un moyen de
reconnaître la différence entre un génocide et un
crime contre l'humanité :
Si le criminel agit en vue de supprimer sa victime en raison
de sa race, de sa religion ou de ses convictions politiques, sans autre
intention, c'est un crime contre l'humanité. S'il a l'intention de
détruire un groupe national, ethnique, racial ou religieux, en tout ou
en partie, c'est un génocide. La différence
réside essentiellement dans la particularité de l'intention
criminelle148(*).
Une illustration qui en est souvent donnée concerne
l'utilisation de la bombe atomique vers la fin de la 2è Guerre mondiale.
Selon des auteurs,
À Hiroshima et à Dresde, tout a
été détruit et ce n'était pas un
génocide. La destruction d'une ville n'est pas
nécessairement un génocide. À Hiroshima et
à Dresde, les Japonais et les Allemands n'ont pas été
tués comme Japonais et Allemands, mais comme ennemis. On peut qualifier
ces bombardements de crimes de guerre, pas de
génocide149(*).
Analysons maintenant l'étendue de la destruction.
Au cours de l'étude du texte de la Convention par un
Comité ad hoc, un amendement apporté au texte initial de
la Convention est venu préciser que la destruction du groupe pourrait
être totale ou partielle. C'est le sens des mots "en tout ou en
partie" figurant dans l'article 2. Il n'est donc pas nécessaire que
la destruction du groupe soit totale pour que les actes soient
considérés comme constitutifs de génocide.
Cependant, il y a controverse quant à connaître
l'étendue exacte de la destruction. Un acte criminel, remplissant les
autres conditions énoncées dans l'article 2 de la Convention,
commis sur une seule personne, pourrait-il être considéré
comme un génocide ?
Une étude menée en 1978 sur la question de la
prévention et de la répression du crime de
génocide, par le Rapporteur spécial N. Ruhashyankiko,
révèle que lors de l'élaboration de la Convention,
it was argued that genocide existed as soon as an individual
became the victim of an act of genocide ; if there was intent to commit the
crime, genocide existed even if only a single individual was the victim. The
use of the expression "members of the group" in the second paragraph of the
article (subparagraphs (a) and (b) would indicate that genocide occured as
soon as a member of the group was attacked150(*).
L'étude signale que beaucoup d'auteurs sont
unanimes à considérer que la Convention peut s'interpréter
comme s'appliquant aux cas d'un "génocide
individuel"151(*). Elle
cite notamment le point de vue d'un auteur qui pense que les mots "en
partie", pris en complément des mots "membres du groupe"
permettent de déduire que la Convention couvrirait même un acte
d'un génocide individuel152(*).
Certains auteurs considèrent que même si le but
de la Convention est de prévenir et de punir les actes de
génocide dirigés contre un grand nombre de personnes,
rien dans la Convention ne pourrait empêcher l'interprétation de
ses dispositions et les appliquer à un cas de meurtre
individuel153(*). Pour
eux, n'importe quel meurtre pourrait être désigné comme
génocide si la victime a été visée comme
membre d'un des groupes spécifiés dans la Convention, et s'il y a
intention de commettre pour le futur, des actes similaires en rapport avec le
premier.
Ce point de vue auquel nous ne pouvons nous rallier est
également défendu par J. Verhoeven. Selon celui-ci, "n'y
eut-il qu'une victime, celui-ci (le crime de génocide) peut être
établi si l'intention a été de détruire (à
plus long terme) le groupe dont elle est membre ; y aurait-il des milliers de
victimes, il n'y a pas de génocide si telle n'a pas été
l'intention du criminel"154(*).
Selon l'étude de Ruhashyankiko, d'autres pensent a
contrario qu'en présence d'un seul meurtre individuel, il n'y
aurait lieu de retenir qu'un homicide, quoique l'intention des criminels soit
l'extermination des victimes, étant donné que le concept de
génocide est caractérisé par l'intention
d'attaquer un groupe. Ces auteurs poursuivent qu'en plus, puisque chaque
individu est en fait membre d'un groupe, il serait difficile d'établir
si oui ou non le meurtre d'un individu est un
génocide155(*).
Le Rapporteur spécial N. Ruhashyankiko n'a pas cru
opportun de prendre position dans cette controverse. Cependant, il a
émis de sérieux doutes quant à l'utilité d'une
interprétation extensive de la Convention. Il s'est tout simplement
borné à souligner que, selon la Convention, l'acte punissable
doit avoir été commis ou tout au moins tenté156(*).
Une étude ultérieure menée par le
Rapporteur spécial Benjamin Whitaker en 1985 discute de la question et
conclut que,
pour ne pas diminuer ou affaiblir l'importance du concept de
génocide par une interprétation trop large qui
entraînerait un gonflement du nombre de cas, il serait bon de prendre en
considération à la fois l'échelle relative et les
effectifs totaux. Les autres attaques et massacres n'en constituent pas moins
de toute évidence des crimes odieux, même s'ils n'entrent pas dans
la définition du génocide157(*).
Notre position à ce sujet est tout à fait
nuancée. En effet, nous n'épousons ni l'une ni l'autre des deux
thèses, pour les raisons ci-après :
1° Comme nous l'avons déjà vu, il ne fait
l'ombre d'aucun doute que l'élément le plus important pour
l'implication d'un génocide est bel et bien l'intention
visée par les auteurs des crimes constitutifs de
génocide. Or, à moins d'entendre ceux-ci crier haut et
fort leur intention ou de tomber sur des documents le constatant, ce but ne se
déduit que des actes déjà posés.
Contrairement aux affirmations des tenants de la thèse
d'un génocide individuel, si les crimes visent des membres d'un
groupe comme tel, mais qu'ils n'atteignent qu'une seule personne pour des
raisons indépendantes de la volonté des auteurs, on ne pourrait,
à notre avis, retenir qu'une tentative de génocide (qui
par ailleurs est également punissable). Il apparaît donc
inconcevable qu'un génocide puisse être consommé
sur un seul individu, d'autant plus que le texte de la Convention utilise le
pluriel [art. 2, de (a) à (e)].
2° La thèse qui consiste à prendre en
considération à la fois l'échelle relative des victimes et
les effectifs totaux du groupe nous semble tout aussi erronée pour les
mêmes raisons que la précédente. En effet, quand bien
même un crime commis sur une seule victime ne pourrait être
constitutif de génocide, la Convention n'exige aucune
proportion de victimes par rapport à un effectif total quelconque. Seul
le but poursuivi par les auteurs des crimes est à considérer.
Dès lors qu'un nombre indéterminé
d'individus, aussi restreint qu'il soit, même appartenant à un
groupe assez important mais visé comme membre de ce groupe, est victime
d'actes criminels dans l'intention de détruire en tout ou en partie ce
groupe, il y aurait lieu de retenir le crime de génocide. Cette
position nous semble d'autant plus exacte que le texte de la Convention
n'ajoute aucun qualificatif aux mots "en partie".
3. Les groupes
protégés
Il ne suffit pas que les actes criminels soient
dirigés contre n'importe quel groupe pour que la Convention soit
applicable. En effet, celle-ci cite les quatre groupes protégés
que sont : le groupe national, le groupe ethnique, le groupe racial et le
groupe religieux. Cette énumération nous semble également
exhaustive et limitative.
Plusieurs voix se sont élevées en vain pour
faire reconnaître d'autres groupes tels que le groupe politique, le
groupe culturel ainsi que le groupe économique parmi les groupes
protégés par la Convention. Le groupe politique a le plus fait
couler d'encre et de salive. Lors de sa première session en 1946,
l'Assemblée générale des Nations Unies a
cité les motifs politiques parmi ceux ayant été à
la base des génocides dans le passé (Rés. 96 (I)
du 11 décembre 1946).
Cependant, bien que ce fut au cours de cette session que le
Conseil économique et social fut chargé de rédiger le
projet de la Convention sur le génocide, les discussions
menées en vue d'aboutir au texte de la Convention ne purent retenir le
groupe politique parmi les groupes protégés (Rés. 260 A
(III) du 9 décembre 1948). Cette décision a été
prise après un long débat au sein de la Sixième
Commission158(*).
Pourtant, ce ne sont pas les appuis en faveur de l'inclusion
du groupe politique dans la liste des groupes protégés qui ont
manqué. Il a été soutenu par un certain nombre de
représentants dont celui de la France (pays hôte de la session),
qu'il était logique et juste que le groupe politique "soit
traité comme les groupes religieux, les deux ayants comme
caractère distinctif l'idéal commun qui unit leurs
membres"159(*).
Malgré ces appuis importants, les tenants de la position contraire
furent plus convaincants.
L'un des arguments exprimés contre l'insertion du
groupe politique était que celui-ci "ne comporte pas des
éléments stables et permanents et de caractère objectif,
car il ne constitue pas un groupe nécessaire et homogène,
étant basé sur la volonté de ses membres et non sur des
facteurs indépendants de cette volonté"160(*).
Ce dernier raisonnement nous semble réaliste et plein
de bons sens. En effet, sauf à vouloir diluer la Convention et la vider
de toute sa substance, il n'y aurait aucune raison que des crimes commis
à l'encontre d'un groupe politique, dont les membres sont libres d'y
adhérer ou non et de claquer la porte quand bon leur semble, soient
constitutifs de génocide. Non seulement ces membres ne portent
pas de signe distinctif indélébile permettant leur
reconnaissance, mais aussi ils peuvent renier leur appartenance politique pour
échapper au sort qui leur est réservé. En outre, le groupe
politique est généralement composé uniquement d'hommes
adultes, qui savent à quoi ils s'engagent, et qui sont prêts
à lutter pour leur cause. Il n'en est pas de même pour les groupes
cités dans la Convention, qui sont également composés
d'enfants, voire de nourrissons, qui n'ont même pas conscience qu'ils
appartiennent audit groupe.
4. Visé comme tel
Quoique brefs, ces deux mots ont une importance capitale dans
le texte de la Convention. Comme mentionné précédemment,
c'est l'intention de détruire en tout ou en
partie, non pas
seulement un groupe déterminé, mais également en tant
que tel, qui constitue la différence entre un crime contre
l'humanité et un génocide. Ces mots sont donc essentiels
pour que les crimes commis contre l'un ou l'autre des groupes
protégés rencontrent les conditions de la Convention. Sans ces
mots-clé, il s'agirait d'un autre crime. Comme le note un auteur,
"la spécificité du génocide ne résulte-t-elle
ni de l'ampleur du massacre, ni de la cruauté des tueries, ni des motifs
du forfait, mais uniquement de l'intention : la destruction du
groupe"161(*). Il
faudrait ajouter : visé "comme tel".
Section 2. Les actes criminels commis au Rwanda en
1994 rentrent-ils dans la définition de la Convention ?
À la lumière de la définition
donnée par l'article 2 de la Convention, un génocide
a-t-il été commis au Rwanda ? Il serait inutile de
préciser que la réponse à cette question est
déjà connue. Non seulement les organes compétents de
l'ONU s'y sont depuis bien longtemps prononcés et ont retenu
cette qualification, mais encore cette question n'est jusqu'à ce jour
entourée d'aucune controverse. Cependant, nous nous proposons d'examiner
brièvement ce sujet, dans une optique tout à fait
académique.
Les crimes commis contre les Tutsi du Rwanda ont
été qualifiés de génocide respectivement
par le Rapporteur spécial R. Degni-Ségui162(*)dans son rapport du 28 juin
1994, par le Conseil de sécurité de l'ONU163(*) dans sa Résolution
955 du 8 novembre 1994 créant le TPIR et par ce Tribunal
lui-même164(*)
dans ses arrêts du 2 septembre 1998 et 4 septembre 1998 respectivement.
Le TPIR a produit une jurisprudence intéressante dans la qualification
du génocide au regard des faits, d'autant plus qu'il a
été le tout premier tribunal international à appliquer la
Convention sur le génocide.
La démarche que nous allons suivre consiste à
vérifier, par analyse de chacun des éléments de l'article
2 de la Convention et au regard des faits qui se sont passés au Rwanda,
le bien-fondé de cette qualification, en nous inspirant du rapport du
Rapporteur spécial et de la jurisprudence du TPIR.
1. Les crimes commis contre les Tutsi du
Rwanda
a) Meurtres et autres atteintes graves
Le Rapporteur spécial confirme que cette
"condition ne semble pas faire de doute eu égard aux massacres
perpétrés (II a) et même aux traitements cruels, inhumains
et dégradants (II b)"165(*) constatés.
La Chambre de Première Instance du TPIR juge que
"même si le nombre de victimes n'est pas, à ce jour,
établi avec certitude, nul ne peut raisonnablement contester que des
tueries généralisées ont été
perpétrées au Rwanda en 1994, à l'échelle de tout
le pays"166(*).
b) Commis dans l'intention de détruire en tout ou en
partie
Selon le Rapporteur spécial, cette condition
"n'est pas davantage difficile à remplir, car l'intention claire et
non équivoque se trouve bien contenue dans les appels incessants au
meurtre lancés par les médias (en particulier le (sic)
RTLM) et transcrits dans les tracts"167(*). Il ajoute qu'à part cela, l'intention aurait
pu être déduite des faits eux-mêmes, comme la
préparation des massacres et le nombre important de Tutsi
tués.
Pour la Chambre du TPIR, "il ne fait aucun doute que, de
par leur ampleur incontestable, leur caractère systématique et
leur atrocité, les massacres visaient l'extermination du groupe qui
était ciblé"168(*). L'illustration qui est donné de cette
caractéristique est que même les nouveau-nés étaient
tués, de même que des femmes Hutu enceintes de Tutsi. En effet, la
société rwandaise étant patrilinéaire, l'enfant
à naître dans ce cas serait Tutsi.
c) De l'un au moins des groupes protégés que
sont : le groupe national, le groupe ethnique, le groupe racial ou le groupe
religieux
Au Rwanda, même si un certain nombre de Hutu ont
été massacrés pendant le génocide, ceux-ci
n'ont jamais été visés comme groupe, mais simplement comme
individus. Seuls les Tutsi étaient triés sur base de leur
appartenance ethnique. Le Rapporteur spécial cite à ce propos les
témoignages recueillis selon lesquels "les tris opérés
au cours des barrages pour la vérification des identités visent
essentiellement les Tutsi"169(*), considérés comme l'ennemi principal,
tandis que "le Hutu modéré n'est que le partisan de l'ennemi
principal, et il n'est visé qu'en tant que traître à son
groupe, auquel il ose s'opposer"170(*).
Le TPIR note que "la vérification
systématique des cartes d'identité, avec la mention de l'ethnie
qui y figurait, permettait de séparer les Hutu des Tutsi, ces derniers
étant immédiatement appréhendés et tués,
quelquefois sur place même"171(*). Ceci lui fait conclure que "c'est bien un
groupe particulier, le groupe ethnique tutsi, qui était
ciblé"172(*).
Le TPIR a voulu savoir si les Tutsi constituaient, au Rwanda
en 1994, un groupe ethnique, soit une société fondée sur
la conviction de partager une même origine et sur une communauté
effective de langue et de culture. Ceci l'a amené à se poser une
autre question de savoir si "les groupes protégés devaient
être limités aux seuls quatre groupes expressément
mentionnés ou s'il ne faudrait pas comprendre parmi eux, tout groupe
qui, à l'instar desdits quatre groupes, est caractérisé
par sa stabilité et sa permanence"173(*). S'inspirant des travaux
préparatoires sur la Convention de 1948 sur le génocide,
le tribunal a indiqué qu'en respect aux intentions des auteurs de la
Convention, il était sans équivoque que "tout groupe stable
et permanent"174(*)
devait être compris parmi les groupes protégés.
À toutes fins utiles, le Tribunal a
considéré, à la lumière des informations
portées à sa connaissance, que les Tutsi constituaient, au Rwanda
en 1994, un groupe dénommé "ethnique". Cette conclusion
a été tirée à partir d'un certain nombre
d'éléments, dont le fait que la carte d'identité que tout
rwandais doit posséder dès l'âge de seize ans comportait
à l'époque la mention "ethnie". Cette mention correspondait,
selon le cas, aux "mentions "Hutu" ou "Tutsi" par exemple"175(*). Un autre
élément important tient du fait qu'à la question du
Procureur de savoir à quelle ethnie ils appartiennent, chacun des
témoins devant le TPIR répondait sans la moindre
hésitation. Aussi, le Tribunal a-t-il estimé que "les Tutsi
constituaient bien, à l'époque des faits allégués,
un groupe stable et permanent et identifié par tous comme
tel"176(*).
- Visé comme tel
Le Rapporteur spécial note que la condition qui exige
que "le groupe ethnique soit visé comme tel pose en revanche un
problème en raison de ce que les Tutsi ne sont pas les seules victimes
des massacres, les Hutu modérés n'étant pas
épargnés"177(*). Quoi qu'il ajoute que ce problème n'est
qu'apparent, il convient de faire un petit commentaire à ce propos.
La condition "visé comme tel" ne s'analyse
pas en termes de "victimes exclusives" comme semble l'indiquer le Rapporteur
spécial, mais plutôt en termes de "victimes principales", soit
celles ciblées prioritairement versus celles que l'on pourrait appeler
"accessoires" ou "collatérales", selon le terme aujourd'hui
consacré. Ces dernières ne sont touchées qu'incidemment.
En effet, si un certain nombre de Hutu modérés
ont été tués pendant le génocide,
c'était parce que ceux-ci avaient osé ou étaient
susceptibles d'oser mettre les bâtons dans les roues du système
diabolique de liquidation des Tutsi, tandis que ces derniers étaient
tués sans considération autre que celle d'appartenir au groupe
tutsi. Le groupe "hutu modéré" n'existant pas comme tel, les Hutu
tués ne l'ont pas été comme appartenant à un groupe
quelconque, ils ont été plutôt visés "intuitu
personae". Il y avait donc, dans l'esprit des génocidaires, un
motif quelconque pour s'attaquer à tel Hutu plutôt qu'à
tel autre.
Il s'agit en fait ici de tout le problème de
l'intention spécifique requise pour le génocide
(mens rea ou dolus specialis). Il a été suffisamment dit
que seuls les Tutsi étaient ciblés comme tels, en tant que membre
d'un groupe qu'il fallait détruire. L'on ne s'attaquait pas à un
Tutsi déterminé mais bien à tous ceux qui étaient
considérés comme Tutsi. Ce qu'il faut souligner encore une fois
est que la cible du crime de génocide est le groupe
lui-même et non l'individu qui en fait partie.
Le TPIR précise à ce propos que les Tutsi
étaient ciblés "spécialement en raison de leur
appartenance au groupe tutsi, et non pas parce qu'ils étaient
des combattants du FPR. En tout état de cause, les enfants et les femmes
enceintes tutsis ne sauraient par nature relever de la catégorie de
combattants"178(*).
Il serait plus complet d'ajouter à cette catégorie de
non-combattants les foetus des femmes Hutu enceintes de Tutsi179(*).
2. Qu'en est il des actes punissables ?
L'article 3 de la Convention sur le génocide
spécifie les actes punissables à savoir :
a) le génocide ;
b) l'entente en vue de commettre le génocide ;
c) l'incitation directe et publique à commettre le
génocide ;
d) la tentative de génocide ;
e) la complicité dans le génocide.
Si cet article semble clair quant aux actes punissables, il
convient néanmoins de noter quelques précisions faites à
ce sujet par le TPIR dans la première affaire rendue par celui-ci
(Affaire n° ICTR-96-4-T).
Dans cette affaire, l'examen des points (a) et (d) de
l'article 3 a démontré qu'une personne ne pourrait en même
temps être accusé de crime de génocide et de
complicité de génocide sans violer le principe
sacré "non bis in idem". En effet, bien que ces deux
infractions soient distinctes aussi bien dans la Convention sur le
génocide que dans le Statut du TPIR, elles visent un même
et seul but. De plus, la complicité dans le génocide est
une forme de participation au génocide.
En outre, ce Tribunal a jugé que du fait que "la
complicité n'existe qu'à partir de l'existence d'un fait
principal punissable"180(*), il faut d'abord établir au-delà de
tout doute raisonnable, qu'un crime de génocide a effectivement
été commis. Cependant, le Tribunal a précisé
"qu'un complice peut être jugé, même si l'auteur
principal de l'infraction n'a pas été retrouvé ou si une
culpabilité ne peut pas, pour d'autres raisons, être
établie"181(*).
Le Tribunal a par ailleurs jugé que la forme de
complicité par aide ou assistance ne peut se faire par abstention ou par
omission. Enfin, sur le même point, il a été jugé
que l'intention (dol spécial), pourtant élément important
dans la définition du crime de génocide, n'est pas
indispensable dans le chef du complice. Il suffit qu'il ait agi en connaissance
de cause, quand bien même le résultat effectif de l'infraction lui
aurait inspiré regret.
Une autre question qui a été examinée
par le Tribunal est le point (c), soit l'incitation directe et publique
à commettre le génocide. Sur cette question, s'inspirant
des travaux préparatoires à la Convention sur le
génocide, le TPIR a jugé que ce crime "peut
être puni, même s'il n'a pas été suivi
d'effet"182(*). Il
s'agit donc d'une catégorie d'infractions dites "formelles" (par
opposition aux infractions matérielles), qui sont
"réputées consommées indépendamment de la
production du résultat"183(*).
Il est à souligner également que le Rapporteur
spécial B. WHITAKER a, dans son étude, proposé d'inclure,
à la fin de l'article 2 de la Convention, de lege ferenda, les
"omissions délibérées", parmi les infractions punissables
en matière de génocide. Selon lui, la phrase à y
ajouter serait libellée comme suit : "Dans l'un quelconque des cas
susmentionnés, un acte ou des actes d'omission
délibérée peuvent être aussi fautives qu'un acte
positif"184(*). Il
explique cela en disant que "l'indifférence ou la négligence
calculées peuvent parfois suffire à détruire en tout ou en
partie un groupe déterminé, atteint par exemple par la famine ou
la maladie"185(*).
Si nous sommes d'accord avec le Rapporteur spécial
d'inclure l'omission et l'abstention parmi les infractions punissables en
matière de génocide, nous n'épousons pas pour
autant entièrement la thèse du Rapporteur spécial, pour la
simple raison que les exemples de famine et de maladie qu'il donne ne semblent
pas convenir.
Comme l'écrit si bien un auteur, "le
génocide, c'est précisément la mort sélective de
l'autre, identifié, visé, anéanti comme
tel"186(*) en tant
que membre d'un groupe visé, ce groupe figurant parmi ceux prévus
par la Convention. Dès lors, les exemples donnés par le
Rapporteur spécial de la destruction d'un groupe par la famine ou la
maladie ne peuvent pas résister au test de cette définition,
à moins que ces deux fléaux cités ne soient
manoeuvrés par une action de l'homme (man made), en visant de
façon sélective, des membres d'un groupe national, racial,
ethnique ou religieux, comme tel.
Ce qui est donc indéniable est que l'un ou l'autre de
ces groupes pourrait être détruit en tout ou en partie par le fait
d'être privé de nourriture ou d'être exposé à
des épidémies. Cependant, il faut que les membres de ce groupe
soient visés et maintenus dans cet état comme tel, par une
intention délibérée de la part de l'État ou de ses
organes, de détruire totalement ou partiellement ce groupe.
C'est dans ce cadre que A. Destexhe rejette le drame subi par
les Ibos biafrais comme étant un génocide187(*). On se rappellera qu'un
grand nombre de personnes moururent de faim suite à un blocus
imposé par les forces gouvernementales nigérianes à
l'enclave du Biafra, afin de forcer celui-ci à mettre fin à ses
visées sécessionnistes (1968-1971).
En revanche, nous aurions été tout à
fait d'accord avec le Rapporteur spécial Degni-Ségui, s'il avait
préconisé d'insérer dans ce code pénal
international, la non-assistance à personnes (ou groupes) en danger en
cas de génocide comme élément constitutif, non
pas de crime de génocide, mais de complicité de
génocide. Pour beaucoup d'autres crimes, cette notion
d'infraction est assez courante. En outre, cet ajout se ferait plutôt
à l'article 3 qu'à l'article 2 qui est recommandé par le
Rapporteur spécial.
3. Quelles sont les personnes punissables
?
L'article 4 de la Convention énonce brièvement
que seront punies les personnes ayant commis le génocide ou
l'un quelconque des actes énumérés à l'article 3,
"qu'elles soient des gouvernants, des fonctionnaires ou des
particuliers". D'emblée, les mots "gouvernants" et "fonctionnaires"
suscitent quelques commentaires, tandis le mot "particulier" va sans dire,
puisque normalement tout crime (sauf excuse absolutoire) engage la
responsabilité pénale personnelle de l'auteur.
a) Gouvernants
Une théorie très répandue fait entendre
que les chefs d'État et de gouvernement, anciens ou en exercice,
jouissent d'une immunité juridictionnelle internationale, aussi bien au
plan civil que pénal. Les défenseurs de cette théorie font
croire que l'on doit respecter en leur personne, la souveraineté de
l'État étranger. Cette théorie s'appuie sur une conception
très ancienne où l'État et son souverain ne faisait qu'un.
À ce propos, il faut se rappeler la célèbre phrase
attribuée à Louis XIV (roi de France) : "l'État, c'est
moi" !
Selon les défenseurs de cette théorie, ce
principe serait le corollaire d'un autre principe plus important, et sur lequel
repose tout l'édifice du droit international, soit
l'égalité souveraine des États, exprimée par la
maxime "par in parem non habet imperium". Ils affirment que juger un
gouvernant étranger serait une insulte à l'État national
de celui-ci. C'est toute la notion de l'Act of State Doctrine de la
Common Law, qui n'a rien à voir avec le sujet sous étude,
puisqu'un chef d'État ne pourrait être autorisé à
commettre des crimes contre l'humanité, sous le couvert de
l'imperium qui caractérise ses actes.
Pour l'appui de leur thèse, ils évoquent des
conventions conclues en matière diplomatique, en se
référant précisément sur la Convention de Vienne du
18 avril 1961 sur les relations diplomatiques, ainsi que de la Convention du 8
décembre 1969 sur les missions spéciales, adoptée par
l'Assemblée générale des Nations Unies188(*). Certains vont même
jusqu'à affirmer qu'il s'agit d'un principe coutumier189(*).
Cependant, aucune source du droit n'a, à l'heure
actuelle, reconnu universellement de telles immunités. La Convention de
Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques ne mentionne nullement une autre
autorité que l'agent diplomatique, quant à son immunité de
la juridiction pénale de l'État accréditaire (art. 31).
Quant à la Convention de 1969 sur les missions spéciales, elle ne
fait qu'énoncer, sans plus, que "(L)e chef de l'État d'envoi,
quand il se trouve à la tête d'une mission spéciale, jouit,
dans l'État de réception ou dans un État tiers, des
facilités, privilèges et immunités reconnus par le droit
international aux chefs d'État en visite officielle" (art. 21).
Ceci s'applique aussi au chef de gouvernement et aux ministres faisant partie
de cette mission.
Or, que reconnaît justement le droit international ?
Rien, si ce n'est un protocole exceptionnellement choisi, qui relève de
la simple courtoisie internationale. En tout cas, rien de tel ne pourrait
laisser croire à une forme d'impunité internationale.
Se fondant sur des considérations plus politiques que
juridiques, la High Court of Justice de Londres a erronément
décidé le 28 octobre 1998 dans l'affaire Pinochet, que celui-ci
bénéficiait de l'immunité diplomatique pour toute
procédure civile et criminelle devant les tribunaux anglais, en tant
qu'ancien chef d'un État souverain190(*).
Cependant, cette décision a été
renversée en appel par la House of Lords, le plus haut tribunal du pays,
le 25 novembre 1998. Dans une opinion unanime, les cinq Lords n'ont pas reconnu
l'immunité à Pinochet, en décidant que bien qu'un ancien
chef d'État jouisse de l'immunité pour les actes commis dans ses
fonctions de chef d'État, les crimes internationaux, tels que la torture
et les crimes contre l'humanité, ne constituent pas des actes rentrant
dans les fonctions habituelles d'un chef d'État. Cette décision
fut revue en raison des accointances d'un des Lords avec l'Organisation Amnesty
international. Dans le jugement qui a suivi, les Lords basèrent leur
décision sur la Convention contre la torture, décidant à
la majorité que puisque la Grande-Bretagne et le Chili étaient
parties à cette Convention, Pinochet ne pouvait se prévaloir de
l'immunité pour des faits de torture.
Un passage de la première décision en appel
mérite d'être souligné. Lord Nicholls of Birkenhead
écrit à bon droit que,
International law does not require the grant of any wider
immunity. And it hardly needs saying that torture of his own subjects, or of
aliens, would not be regarded by international law as a function of a head of
state. All states disavow the use of torture as abhorrent, although from time
to time some still resort to it. Similarly, the taking of hostages, as much as
torture, has been outlawed by the international community as an offence.
International law recognises, of course, that the functions of a head of state
may include activities which are wrongful, even illegal, by the law of his own
state or by the laws of other states. But international law has made plain that
certain types of conduct, including torture and hostage-taking, are not
acceptable conduct on the part of anyone. This applies as much to heads of
state, or even more so, as it does to everyone else; the contrary conclusion
would make a mockery of international law191(*).
Dans la même veine, dans une affaire mettant en cause
le chef de l'État libyen M Kadhafi, la Chambre d'Accusation de la Cour
d'Appel de Paris192(*) a
décidé le 20 octobre 2000, qu'il n'y avait aucune règle
coutumière fondant une quelconque immunité pénale des
gouvernants, qu'ils soient ou non en exercice. En plus, elle a noté que
ces faits, qualifiés de "crimes internationaux", ne peuvent être
considérés, à les supposer établis, comme faisant
partie des fonctions d'un chef d'État. Au contraire, elle a reconnu que
s'il existe bien une coutume en ce domaine, ce serait celle de la
non-immunité de ces personnalités.
Cependant, dans un arrêt du 13 mars 2001, la Cour de
Cassation française vient, sans autre motivation, infirmer cette
décision, au motif que "la coutume internationale s'oppose à
ce que les chefs d'État en exercice, sauf dispositions internationales
contraires, puissent faire l'objet de poursuites". Elle a jugé que
le crime qui pourrait être reproché au colonel Kadhafi ne
relève pas, "en l'état du droit international et quelle que
soit sa gravité, des exceptions à
l'immunité"193(*). Pourtant, l'état actuel du droit
international démontre plutôt une coutume internationale tout
à fait contraire en la matière.
La Charte de Nuremberg a, la première,
renié aux chefs d'États et aux hauts fonctionnaires, toute
immunité pénale dans les crimes commis pendant la 2è
Guerre mondiale (art. 7 du Statut). Elle a, par contre, reconnu à
ceux-ci une responsabilité solidaire, des actes accomplis par toutes
personnes, en exécution de ce plan (art. 6, in fine). C'est sur
cette base que les hauts dirigeants du régime nazi ont été
jugés.
Une position assez claire en cette matière - que nous
épousons entièrement - est soutenue par G. Doucet, qui affirme
que les chefs d'État en exercice jouissent certes d'une protection
particulière, mais ajoute qu'il "est couramment admis que cette
protection exceptionnelle n'autorise pas leurs bénéficiaires
à commettre des infractions pénales, particulièrement
lorsque ces infractions constituent des crimes internationaux"194(*). Le courant actuel semble
conforter cette position.
En effet, aussi bien le Tribunal Pénal International
pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) que le Tribunal Pénal International pour le
Rwanda (TPIR) ont déjà une jurisprudence intéressante dans
ce domaine. Non seulement l'ex-Premier ministre du Rwanda Jean Kambanda a
été jugé pour génocide par le
TPIR195(*), mais aussi
l'inculpation du président de la République yougoslave Slobodan
Milosevic a été opérée par le Parquet du TPIY alors
qu'il était encore en exercice196(*). Le jugement très attendu de ce dernier
constituera un pas important vers la fin de l'impunité des crimes contre
l'humanité.
En outre, l'adoption du Statut de la future Cour criminelle
internationale, qui est assez explicite à ce sujet, souligne la tendance
actuelle de non-immunité à l'égard des dirigeants, en
exercice ou anciens (art. 27 du Statut), au regard d'un crime international.
En matière de génocide, la
Convention y relative dispose que nul ne pourra, quel qu'il
soit, être exonéré de sa responsabilité
pénale pour crime de génocide (art. 4). Même s'il
n'y a encore aucune jurisprudence de la juridiction prévue par cette
Convention en raison manifeste de l'absence de cette instance, il va sans dire
que celle-ci figure parmi les textes fondant la non-immunité des plus
hauts dirigeants.
Il est à rappeler en outre que le texte de la
Convention sur le génocide a servi de base pour l'adoption des
statuts des deux tribunaux ad hoc (TPIY et TPIR). En effet, les
articles 2 et 3 de la Convention du 9 décembre 1948 sur le
génocide (qui définissent le crime de
génocide et les actes punissables) figurent in
extenso dans la partie relative à la compétence ratione
materiae du Statut du Tribunal Pénal International pour
l'ex-Yougoslavie (art. 4). Ces articles se retrouvent aussi dans le Statut du
Tribunal Pénal International pour le Rwanda (art. 2).
En ce qui concerne la non-immunité des hauts
dirigeants, les articles 6.2 et 7.2 respectivement pour le TPIR et pour le TPIY
sont très clairs. Ils stipulent que "la qualité officielle d'un
accusé, soit comme chef d'État ou de gouvernement, soit comme
haut fonctionnaire, ne l'exonère pas de sa responsabilité
pénale et n'est pas un motif de diminution de la peine". Ceci n'est
d'ailleurs pas nouveau car ces dispositions ne font que reprendre
intégralement le prescrit de l'article 7 du Statut du Tribunal de
Nuremberg, concernant la situation officielle des accusés.
Il serait intéressant de noter que dans l'affaire
Akayesu197(*), le TPIR
a, pour la première fois, mis en application la Convention sur le
génocide. La décision prise par le Tribunal dans cette
affaire, est en effet la première où un tribunal (national ou
international), à l'exception des tribunaux rwandais, rend jugement en
matière de génocide. Il est à rappeler
qu'à l'époque des Tribunaux de Nuremberg et de Tokyo, le terme
"génocide" n'était pas encore forgé et la
convention y relative n'existait pas encore.
Même si le concept de "génocide"
était déjà connu du temps du procès d'Eichmann,
celui-ci a été jugé et condamné, non pour
génocide, mais pour crimes commis contre le peuple juif,
"c'est-à-dire des crimes contre les Juifs dans l'intention de
détruire le peuple juif"198(*). Il semble qu'il existait une opinion à
l'époque, que seuls les tribunaux de l'État où a
été commis le génocide, ou un tribunal
international auraient compétence pour juger ce genre de crimes contre
l'humanité.
Concernant la responsabilité du supérieur pour
un acte commis par son subordonné, le TPIR a jugé que le
supérieur peut être reconnu responsable pour omission ou
abstention d'empêcher ou de réprimer le crime.
Le tribunal a précisé que l'article 6(3) de son
Statut
n'exige pas nécessairement que le supérieur ait
su, pour que sa responsabilité pénale soit engagée; il
suffit qu'il ait eu des raisons de savoir que ses subordonnés
étaient sur le point de commettre un crime ou l'avaient commis et qu'il
n'ait pas pris les mesures nécessaires ou raisonnables pour
empêcher que ledit acte ne soit commis ou pour en punir les
auteurs199(*).
Le TPIR a aussi tranché la question de
savoir si la forme de responsabilité pénale du supérieur
hiérarchique s'applique également aux personnes exerçant
des fonctions civiles pour des crimes commis en temps de guerre. Citant le
Tribunal militaire de Tokyo, les juges ont relevé que certaines
autorités civiles nippones ont été condamnées pour
des crimes de guerre en application de ce principe, en raison de "leur
inaction qui équivalait à une négligence
criminelle"200(*).
Cependant, en raison de l'opinion séparée d'un des juges qui
était en désaccord avec cette conclusion, le Tribunal a
considéré qu'il convenait "d'évaluer au cas par cas le
pouvoir d'autorité effectivement dévolu à l'accusé,
afin de décider s'il avait le pouvoir d'imposer toutes mesures
nécessaires et raisonnables pour empêcher la commission des actes
incriminés ou en punir les auteurs"201(*).
Le Statut de la Cour Pénale Internationale,
signé à Rome le 17 juillet 1998, abonde dans le même sens
que ceux des tribunaux qui l'ont précédé. Il énonce
qu'il s'applique "à tous de manière égale, sans aucune
distinction fondée sur la qualité officielle" de
l'accusé, et met l'accent sur le fait que "la qualité
officielle de chef d'État ou de gouvernement, de membre d'un
gouvernement ou d'un parlement, de représentant élu ou d'agent
d'un État, n'exonère en aucun cas de la responsabilité
pénale". Cette qualité ne constitue pas, non plus, en tant
que telle, un motif de réduction de la peine (art. 27.1).
Ce Statut précise également que "les
immunités ou règles de procédure spéciales qui
peuvent s'attacher à la qualité officielle d'une personne, en
vertu du droit interne ou du droit international, n'empêchent pas la Cour
d'exercer sa compétence à l'égard de cette personne"
(art. 27.2).
Quoique la compétence ratione temporis de la
Cour Pénale Internationale n'aura pas d'effet rétroactif, il
serait important de souligner que le Statut de cette Cour, une fois en vigueur,
ne sera qu'une forme de codification de la coutume internationale qui
prévaut en cette matière.
b) Fonctionnaires
La Charte de Nuremberg dispose que
l'obéissance aux ordres manifestement illégaux de son
gouvernement ou d'un supérieur ne peut en aucun cas être un moyen
de défense acceptable, même si cela peut constituer un motif de
diminution de la peine (art. 8). C'est pour cela que le refus d'accepter
l'argument des ordres supérieurs est communément appelé le
"principe de Nuremberg"202(*).
Le même principe figure dans les Statuts du TPIY (art.
7.4) et celui du TPIR (art. 6.4). Ces articles reprennent quasiment tel quel la
disposition y relative du Statut du Tribunal Militaire International de
Nuremberg. Le Statut de la Cour pénale internationale énonce le
même principe, à part qu'il ne mentionne pas qu'il puisse y avoir
une circonstance atténuante (art. 33). On a accusé le Statut de
cette Cour d'être en régression par rapport aux Tribunaux
internationaux qui l'ont précédé, sauf sur ce dernier
point.
Il est à noter que le moyen de défense
fondé sur l'obéissance aux ordres manifestement illégaux
du supérieur a cessé d'être accepté même dans
plusieurs systèmes nationaux, en cas de crimes graves.
Déjà avant Nuremberg, ce principe était connu en Allemagne
où l'un des "dix commandements" figurant dans le livret de solde des
militaires stipulait "qu'un soldat ne doit pas obéir à un
ordre illégal"203(*). Les Américains et les Britanniques
adoptèrent ce principe en 1944204(*).
La justice canadienne a connu des problèmes dans la
poursuite des criminels nazis présumés, en vertu du moyen de
défense de l'obéissance à l'autorité du
supérieur205(*).
Aujourd'hui, l'adoption de la Loi C-24 vient mettre un terme à
l'impunité des fonctionnaires ou subalternes en matière de crimes
de guerre, de génocide et de crimes contre l'humanité.
En effet, par celle-ci, l'obéissance à l'autorité
supérieure, civile ou militaire n'est plus un moyen de défense
acceptable206(*),
à moins que "l'accusé n'ait eu l'obligation légale
d'obéir aux ordres du gouvernement ou du supérieur en
question", ou qu'il "n'ait pas su que l'ordre était
illégal", ou alors que "l'ordre n'ait pas été
manifestement illégal". Il est bien précisé pour ce
dernier point que "l'ordre de commettre un génocide ou un crime
contre l'humanité est manifestement illégal". En outre, le
fait que l'accusé croyait que l'ordre était légal en
raison de renseignements qui portaient sur une population civile ou un groupe
identifiable de personnes et qui incitaient ou étaient susceptibles
d'inciter à la perpétration - ou tentaient de la justifier -
d'omissions ou actes inhumains contre cette population ou ce groupe, ne
constitue pas un moyen de défense (art. 14 de la loi C-24).
4. Quid de la compétence des tribunaux
?
L'article 5 engage les États parties à inclure
des dispositifs d'application du prescrit de la Convention, et notamment de la
répression du génocide ou de l'un quelconque de ses
actes constitutifs, dans leur ordonnancement juridique interne. L'article 6
prévoit une compétence concurrente de la Cour criminelle
internationale et des tribunaux nationaux des États où l'acte
aura été commis. L'article 7 précise la collaboration des
États dans la répression du génocide ou l'un de
ses actes constitutifs. Enfin, l'article 8 encourage les États parties
à la Convention à saisir les organes compétents
de l'ONU pour prévenir et réprimer le
génocide ou l'un quelconque de ses actes constitutifs.
Ces trois articles de la Convention, qui insistent sur la
répression sans mettre l'accent sur la prévention, appellent un
certain nombre de commentaires dont notamment :
a) L'engagement des États parties à adapter
leur législation nationale aux dispositifs de la Convention, ainsi que
la création d'une Cour criminelle internationale, ayant
compétence à l'égard des seuls États parties qui en
auront reconnu la juridiction (art. 5 et 6) ;
b) La collaboration des États dans la
répression du génocide (art. 7) ;
c) Les responsabilités respectives des États
parties et de l'ONU en matière de prévention et de
répression du génocide (art. 8) .
Examinons brièvement chaque point :
a) L'adaptation de la législation nationale des
États parties aux dispositifs de la Convention et la création de
la Cour criminelle internationale.
En ratifiant la Convention, les États parties
s'engagent à adopter des lois leur permettant de prévenir et de
réprimer le génocide ou l'un quelconque de ses actes
constitutifs, énumérés à l'article 3. Même si
l'élément de prévention n'apparaît pas clairement
dans le texte de l'article 5, il semble sous-entendu dans le membre de phrase
"...mesures législatives nécessaires pour assurer
l'application des dispositions de la présente convention...".
Concernant la répression, cet article prévoit
une compétence concurrente, mais facultative, des tribunaux nationaux de
l'État où a eu lieu le génocide ou l'un des actes
énumérés à l'article 3 avec la Cour criminelle
internationale.
Il faut noter que le premier projet de la Convention
prévoyait le principe de la compétence universelle, soit le
pouvoir pour chaque État sur le territoire duquel se trouverait un
individu accusé de génocide, de le traduire devant ses
propres tribunaux sans égard à la nationalité, ni de
l'accusé, ni des victimes, ni du lieu de commission des crimes
présumés207(*). Cette proposition fut rejetée lors de
l'adoption de la Convention.
Cependant, il est à signaler qu'au moment du
génocide au Rwanda, aucun État n'avait encore
adapté sa législation interne, conformément au prescrit de
l'article 5 de la Convention. Qui plus est, le projet de création de la
Cour pénale internationale avait été jeté aux
oubliettes. Il faut rappeler que lors des ratifications, un grand nombre
d'États parties ne s'étaient pas montrés enthousiastes
à reconnaître la juridiction de cette dernière. Ceci a-t-il
été la conséquence de cela ? On pourrait le deviner. Mais
quelle aurait été la cause de cet état de choses ?
Comme l'écrit Leo Kuper,
Le refus de voir la souveraineté des
États limitée (enfreinte) de quelque manière que ce soit
ou la juridiction nationale restreinte dans sa portée, et la crainte
d'une immixtion étrangère dans les affaires intérieures
ont été les principaux obstacles à une mise en application
effective208(*).
Après plus d'un demi-siècle d'attente et
malgré les quelques imperfections que contient le Statut de Rome du 18
juillet 1998 sur la Cour pénale internationale, l'on pourrait quand
même se réjouir aujourd'hui du fait que le compte à rebours
pour l'existence de cette Cour a déjà commencé et que
l'entrée en vigueur du traité la consacrant n'est plus qu'une
question de jours.
b) La collaboration des États dans la
répression du génocide (art. 7)
L'article 7 mentionne que le crime de
génocide ne doit pas être considéré comme
un crime politique au regard des législations sur l'extradition et
engage les États parties à traiter pareils cas
"conformément à leur législation et autres
traités en vigueur". C'est dire donc que la Convention laisse aux
États la libre discrétion de négocier avec d'autres des
traités d'extradition en matière de génocide.
Dans sa Résolution 3074 (XXVIII) du 3 décembre
1973, l'Assemblée générale des Nations Unies a
proclamé les principes devant régir la coopération
internationale dans "le dépistage, l'arrestation, l'extradition et
le châtiment des individus contre lesquels il existe des preuves
établissant qu'ils ont commis de tels crimes..."209(*). Cette Résolution
déclare que chaque État a le droit de juger ses propres
ressortissants pour les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité
et que "les États coopèrent pour tout ce qui touche à
l'extradition de ces individus"210(*).
L'Assemblée générale préconise
également la coopération des États sur une base
bilatérale et multilatérale pour faire cesser ces crimes et les
prévenir. Enfin, la Résolution précise que "les
États n'accordent pas l'asile à des individus dont on a de
sérieuses raisons de penser qu'ils ont commis un crime contre la paix,
un crime de guerre ou un crime contre l'humanité"211(*).
Cependant, aucun traité international
subséquent n'ayant été signé dans ce sens pour
concrétiser ces aspirations, et une Résolution de
l'Assemblée générale des Nations Unies
étant ce qu'elle est, c'est à dire une décision non
exécutoire, les prescriptions de cette Résolution sont
restées au stade des souhaits. Au niveau des États, il y a lieu
de noter hélas que des traités d'extradition concernent surtout
des infractions de droit commun et que "beaucoup de traités
bilatéraux et de législations nationales ne reconnaissent pas
dans le génocide une infraction constituant un cas
d'extradition"212(*). Même si presque tous les faits constituant
le crime de génocide sont en réalité des crimes de droit
commun auxquels s'ajoute l'intention délictueuse, et qu'ils peuvent par
conséquent donner lieu à une extradition à ce titre, il
n'en demeure pas moins que certains pourraient y échapper, en raison
notamment des délais de prescription. Le crime de génocide
étant imprescriptible, il faudrait en prescrire l'extradition
obligatoire.
c) Les responsabilités respectives des États et
de l'ONU en matière de prévention et de
répression du crime de génocide (art. 8)
L'article 8 de la Convention habilite les États
à saisir les organes compétents de l'ONU pour que
ceux-ci préviennent ou répriment le génocide ou
l'un des actes prohibés par la Convention. Alors que l'intitulé
de la Convention parle de prévention et de répression, cet
article est le seul de la Convention qui traite, de manière assez
laconique, de la prévention.
Certes, cet article ne vient réellement rien ajouter
à la Charte de l'ONU quant aux obligations de celle-ci
en matière de génocide, mais elle a du moins le
mérite de rappeler de façon explicite, le droit des États
de saisir l'ONU, ainsi que le devoir de cette dernière, de
mener des actions préventives pour faire échec au crime de
génocide.
Cependant, du moment qu'aucun autre texte ne traite de cette
question de prévention au niveau de l'ONU, il est regrettable
que ces organes n'aient pas été nommément
désignés par la Convention, afin d'éviter toute fuite de
responsabilité devant cet impératif.
L'absence d'un organe de prévention du crime de
génocide a-t-elle été la cause de l'échec
de l'ONU devant le génocide au Rwanda ? Si oui,
celle-ci a-t-elle été la seule ? C'est ce que nous allons
examiner dans le Titre II de cette étude.
PARTIE II. LES CAUSES DE L'ÉCHEC
Dans le premier titre, nous avons
essayé de passer en revue l'arsenal juridique dont l'ONU est en
possession, qui lui aurait permis de prévenir et/ou arrêter le
génocide au Rwanda. Par la même occasion, les causes de
l'échec ont été chaque fois effleurées sans
suffisamment les mettre en exergue.
Sous ce titre, nous focaliserons notre étude sur les
défaillances, tant institutionnelles (Chap. I) qu'opérationnelles
(Chap. II), qui ont été à la base de l'échec. Nous
clôturerons sur des leçons à tirer de cette tragédie
(Chap. III).
CHAPITRE I. LES DÉFAILLANCES
INSTITUTIONNELLES
Sous ce chapitre, nous étudierons respectivement les
défaillances du système de la Charte de l'ONU
(Section I), ainsi que celles de la Convention sur le
génocide (Section II) en matière de prévention
et/ou arrêt du génocide.
Section I. Les lacunes et faiblesses du système
de la Charte de l'ONU
Forte de l'expérience de la SDN,
l'Organisation des Nations Unies avait toutes les chances de
réussir. Cependant, elle ne pourra éviter les faiblesses de la
première, qui vont pourtant être l'objet de discussion, dès
les premiers moments de sa gestation et seront reprises dans son Acte
constitutif, la Charte des Nations Unies.
Au lieu de faire une analyse permettant de déceler les
faiblesses de la SDN dans la protection des droits de la personne, les
concepteurs de l'ONU ne réaliseront pas que la paix et la
sécurité internationales, cheval de bataille de leur lutte, ne
pourraient être sauvegardées, sans le respect des droits de
l'individu. Un auteur dira qu'ils se sont seulement contentés "d'une
critique juridico-procédurale du texte du Pacte, pour tenter de rendre
celui de la Charte plus contraignant et davantage centré sur les grandes
puissances"213(*).
1. La primauté de la souveraineté
étatique versus les droits de la personne
Dans son Préambule, la Charte proclame
l'engagement de ses signataires dans le respect des droits de l'homme, mais ce
souci n'est pas constamment reflété dans la suite du texte. La
Charte des Nations Unies évoque en effet le respect
des droits de l'homme et des libertés, dans ses articles 13 al. 1 (b),
55 (c), 62 al.2, 68 et 76-c., mais cela n'est pas exprimé en termes
clairs et décidés.
Si la Charte reconnaît aux organes des
Nations Unies la mission de "favoriser", de
"développer" et "encourager" le respect des droits de
l'homme, elle ne leur donne le pouvoir que de faire des études et des
recommandations, et ne met en place aucune garantie particulière en la
matière. De plus, elle ne définit aucunement le contenu des
droits protégés.
En outre, le principe de l'égalité souveraine
des États, base même de la Charte de l'ONU,
principe par ailleurs noble, ne fut pas assoupli par des accommodements
permettant une intervention d'humanité, en cas de besoin. Or, ce
même principe ayant été parmi les causes de la faillite de
la SDN, aucune leçon n'en fut tirée.
Le seul bémol prévu par la Charte
à ce principe ne concerne que les conflits interétatiques, comme
si ceux-ci étaient les seuls à engendrer des violations des
droits de la personne. Pourtant, les pères-fondateurs du système
de la Charte auraient dû avoir en mémoire, que même
si le génocide contre les Juifs avait été
exécuté sur fond d'une guerre internationale, les
premières victimes de l'Holocauste furent les propres citoyens de
l'Allemagne nazie. La protection des faibles ou des minorités aurait
dû faire l'objet de dispositions claires, dérogeant au principe de
souveraineté.
Ce principe de l'égalité souveraine des
États, repris à l'article 2 paragraphe 7 de la Charte,
rappelle qu'aucune disposition de cette dernière "n'autorise
les Nations Unies à intervenir dans les affaires qui relèvent
essentiellement de la compétence nationale d'un État".
Toutefois, la notion de "compétence nationale" n'est pas
définie. Devrait-on pour autant entendre que la violation des droits de
la personne par un État à l'encontre de sa propre population
constitue un problème de compétence nationale, qui exclut une
"intervention d'humanité" ?
L'intervention "d'humanité"
différerait de l'intervention "humanitaire". Pour
étrange que cela puisse être, la distinction entre ces deux
concepts ne serait pas que syntaxique, mais aussi sémantique. Quoique
ces qualificatifs font penser dans les deux cas d'une opération, non pas
sociale mais militaire sur le terrain, le sens et les buts visés ne
seraient pas les mêmes.
Selon E. SPIRY, pour évoquer une opération
d'intervention "humanitaire", "il s'agira d'interventions de soutien
logistique et militaire pour assurer la sécurité de convois ou
d'aide humanitaire organisée (en général) par des ONG ou
des organisations internationales (lesquelles feront alors de l'assistance
humanitaire)"214(*).
Quant à l'intervention "d'humanité", "il ne
sera plus question d'aide médicale ou sanitaire effectuée par des
ONG ou des organisations internationales, mais de soustraire - ni plus ni moins
- les victimes de massacres des griffes de leurs oppresseurs"215(*). Il y a lieu de noter que
certains auteurs vont plus loin dans la distinction à ce propos.
En effet, l'intervention "d'humanité" n'engloberait
pas "le cas du recours à la force par un État pour
protéger ses propres ressortissants"216(*).
Pour d'autres auteurs, il n'est pas opportun de distinguer
les deux expressions217(*), la seule distinction à faire étant
celle relative aux bénéficiaires de l'intervention. Aussi, C.
Emanuelli distingue deux types d'intervention, soit : l'intervention d'un
État en vue de protéger ses propres nationaux et ses biens
menacés sur le territoire d'un autre État, et l'intervention d'un
ou de plusieurs États afin de protéger les nationaux de
l'État sur le territoire duquel l'intervention a lieu218(*). Pour cet auteur, la
licéité des deux interventions serait établie en droit
international219(*).
Mais cette opinion ferait-elle l'unanimité ?
À l'heure actuelle, le débat sur cette
question semble encore être loin de faire l'unanimité parmi les
spécialistes. En effet, pour certains auteurs, la réponse se
trouve dans l'article 2 paragraphe 4 de la Charte des Nations
Unies. En effet, cet article stipule que
Les membres de l'Organisation s'abstiennent, dans leurs
relations internationales, de recourir à la menace ou à l'emploi
de la force, soit contre l'intégrité territoriale ou
l'indépendance politique de tout État, soit de toute autre
manière incompatible avec les buts des Nations Unies.
Ils considèrent donc que puisque l'intervention
d'humanité n'a pas pour but, ni de violer l'intégrité
territoriale, ni de violer l'indépendance politique d'un État, et
qu'elle n'est pas incompatible avec les buts des Nations Unies,
celle-ci serait donc permise220(*).
Pour les auteurs de ce courant, il n'y a plus l'ombre d'un
doute que le principe de l'intervention d'humanité, appelé aussi
"droit d'ingérence"221(*), est une obligation pour n'importe quel État,
car il ferait déjà partie du droit international coutumier. Ils
affirment par là qu'il est admis que "la plupart des droits de la
personne sont sortis du domaine réservé de la majorité des
États"222(*), et que "les droits fondamentaux, quant à
eux, ne relèvent plus de la compétence nationale d'aucun
État"223(*).
A. Destexhe pense aussi que le concept d'intervention d'humanité fait
déjà partie, sous certaines conditions, de la coutume. Il affirme
en effet que
Ces interventions sont, sur le plan juridique, relativement
encadrées par des normes coutumières : les faits doivent
être particulièrement atroces, l'objet de l'intervention doit
être exclusivement de mettre fin aux souffrances des victimes, et
l'action exercée au nom de la communauté internationale224(*).
E. Spiry trouve que le discours de la souveraineté
est obsolète et coupable, face à des guerres totales barbares et
sanguinaires. Il s'explique : "obsolète, car il applique à
des réalités nouvelles des schémas conçus au temps
des guerres interétatiques. Coupable, car il offre un alibi à
l'abandon et au recul de la civilisation"225(*).
Il préconise que "la diplomatie préventive
devrait alors s'ingérer dans les rivalités ethniques, les
problèmes de minorités, les situations belligènes internes
et non se limiter à la conception purement interétatique qu'en
ont encore de nombreux diplomates et de multiples juristes"226(*).
Malgré cet optimisme des experts en la
matière, pourrait-on pour autant dire qu'il existe déjà
une coutume internationale dans ce domaine ? Nous allons voir qu'il n'en est
pas encore ainsi.
2. La non-existence d'une coutume internationale en
matière d'intervention "d'humanité"
Au regard d'une pratique observée depuis un certain
nombre d'années à l'ONU, il y aurait lieu de se demander
si les deux éléments, matériel et psychologique, sont
réunis pour parler d'une coutume internationale dans ce domaine.
En effet, la coutume internationale, comme source du
droit, résulte "de la répétition d'une série de
faits concordants et de la conviction des sujets de droits que ces
comportements expriment une règle de droit"227(*). Le concept de
l'intervention d'humanité, réunit-il déjà ces deux
éléments de la coutume, que sont la répétition de
faits concordants (consuetudo) et le sentiment des sujets de droits
d'être liés par une règle de droit (opinio juris)
? Voyons ce qu'il a été de la pratique au fil des temps.
Dans ses leçons sur les Indiens et sur le droit de la
guerre, F. de Vitoria, déjà à son époque
(XVIè Siècle), mentionne le droit d'intervention pour raison
d'humanité, comme un titre légitime, pour "défendre
les innocents d'une mort injuste"228(*).
La première intervention connue pour porter secours
à des nationaux victimes d'exactions de leurs États remonte au
début du 19è Siècle (vers 1825) avec l'action
combinée de la France, la Grande-Bretagne et la Russie ont
décidé une action armée contre l'Empire Ottoman pour
"porter assistance aux Grecs insurgés"229(*). En 1861, la France
interviendra en Syrie pour prêter "aux chrétiens du Liban un
appui efficace contre les persécutions"230(*). Une expédition
internationale se déroulera en 1901 contre "le mouvement
xénophobe des Chinois plus connu sous le nom de "guerre des
Boxers"231(*).
Quoique le Pacte de la S.D.N. ait repris dans ces
dispositions la protection des minorités, aucune action de ce genre
n'aura lieu sous son empire.
Comme nous l'avons vu, quelques interventions dites
"d'humanité" auront lieu après la naissance de l'ONU.
Nous n'y reviendrons pas, car étant suffisamment exposées dans le
premier titre. Voyons maintenant si les actions de l'ONU dans ce
domaine ont elles-mêmes été caractérisées par
une constance, et si les sujets concernés ont toujours eu le sentiment
d'être lié par une règle de droit.
Les actions intervenues dans ce domaine avant la naissance de
l'ONU ont été tellement rares que l'on ne pourrait
parler de constance. En outre, en plus d'être rares, je suis du
même avis qu'un auteur qui note que "ces interventions ne sont pas
toutes désintéressées, car elles peuvent dissimuler des
objectifs politiques"232(*).
Concernant les actions menées sous l'autorisation
et/ou la supervision des Nations Unies, il a été
noté dans le titre premier de cette étude que les interventions
de l'ONU au Congo en 1960 (Rés. 143 du 14 juillet 1960) et en
Somalie en 1992 (Rés. 794 du 3 décembre 1992) étaient
destinées à mettre fin à des guerres civiles dans ces
pays, et que l'intervention de l'ONU dans le Nord de l'Irak visait la
protection des civils Kurdes menacés par le régime de Saddam
Hussein (Rés. 688 du 5 avril 1991). Pourtant, les Nations Unies
resteront les bras croisés devant le génocide contre
les Tutsi du Rwanda en 1994. Pourrait-on dire qu'il ne s'agit que d'un cas
isolé, qui aurait fait exception à la règle
générale de l'intervention ?
Après le drame du Rwanda, les malheureux
événements du Kosovo et du Timor Oriental ne connaîtront
pas la même ampleur que grâce à une
"sous-traitance" (implicite pour le cas du Kosovo et explicite pour le
cas du Timor) des puissances régionales.
En effet, la décision unilatérale de
l'intervention de l'OTAN au Kosovo, quoique juridiquement illégale, a
permis d'éviter le pire, au moment où, encore une fois,
l'ONU semblait ne pas s'en soucier. D'autre part, seul
l'intérêt manifesté par l'Australie pour les
problèmes du Timor, aura permis au Conseil de sécurité de
voter la Résolution 1264 du 15 septembre 1999 créant une force
internationale, qui a rapidement mis fin aux atrocités dans ce pays. En
effet, le mandat de cette force internationale, conduite comme on le sait par
l'Australie, était tellement ouvert qu'il autorisait cette force
à prendre toutes les mesures nécessaires pour
"rétablir la paix", et il était entièrement
placé sous le chapitre VII de la Charte.
Pourtant, le drame de la Sierra Leone à la même
période n'est pas traité avec autant de fermeté. En effet,
la Résolution 1270 votée le 22 octobre 1999 par le Conseil de
sécurité place seulement certaines actions de la MINUSIL (Mission
de l'ONU en Sierra Leone) sous le Chapitre VII. De plus, il y est
simplement mentionné que la Mission pourra aider "à
la protection des civils immédiatement menacés de violences
physiques, en tenant compte des responsabilités du gouvernement
sierra-léonais et de l'ECOMOG".
Contrairement à la Résolution sur le Timor,
où le Conseil "autorise les États participant à la
force internationale à prendre toutes les mesures
nécessaires pour exécuter ce mandat", les termes
utilisés dans la Résolution sur la Sierra Leone sont simplement :
"coopérer", "aider", "surveiller",
"faciliter" et "appuyer".
Compte-tenu de ce qui précède, il y a lieu de
remarquer que les actions de l'ONU dans le domaine de l'intervention
d'humanité ont été caractérisées par une
politique de "deux poids et deux mesures", ce qui fait conclure à une
absence de constance dans les actes répétés de
l'ONU en cette matière.
Concernant l'opinio juris, soit le sentiment des
sujets de droit à être lié par une règle de droit,
une certaine doctrine considère aujourd'hui qu'il est indéniable
que les droits de l'homme échappent au domaine réservé des
États. Cependant, les limites entre l'illicite et le droit
d'intervention ne font pas encore l'unanimité. En effet, si certains
milieux occidentaux déclarent tout haut que l'intervention humanitaire
doit être reconnue comme étant un droit, voire une obligation, les
actes posés par les États du Nord démontrent un
état d'esprit contraire. En outre, les dirigeants des pays du Sud,
à qui en principe s'adressent ces mesures d'intervention, craignent
quant à eux que l'intervention humanitaire ne devienne un alibi pour la
recolonisation des pays de leurs pays. Ces derniers expliquent leur position en
faisant valoir que la limite entre intervention d'humanité et
ingérence dans les affaires intérieures n'est pas encore
clairement tracée, et qu'il y aurait des raisons de craindre que cette
dernière ne soit commise sous des déguisements de la
première.
À propos de l'opinio juris, la Cour
Internationale de Justice, dans son arrêt du 5 février 1970 sur la
Barcelona Traction, a déclaré, à propos de
l'obligation d'intervention, qu'une
distinction essentielle doit en particulier être
établie entre les obligations des États envers la
communauté internationale dans son ensemble et celles qui naissent
vis-à-vis d'un autre État dans le cadre de la protection
diplomatique. Par leur nature même, les premières concernent tous
les États. Vu l'importance des droits en cause, tous les États
peuvent être considérés comme ayant un intérêt
juridique à ce que ces droits soient protégés; les
obligations dont il s'agit sont des obligations erga omnes233(*).
D'après ce dictum de la CIJ, même en
dehors d'une autorisation spécifique de l'ONU, tous les
États seraient dans l'obligation d'intervenir, pour prévenir ou
mettre fin à un drame humanitaire, fut-ce-t-il d'ordre interne.
Cependant, nous pensons qu'un État voulant intervenir
dans ce cadre devrait requérir une Résolution du Conseil de
sécurité, qui en tracerait les balises, afin d'éviter des
abus de toutes sortes qui ne manqueraient pas d'être commis.
Dans la période qualifiée d'euphorie qui a
suivi la fin de la "guerre froide", la première réunion du
Conseil de sécurité tenue le 31 janvier 1992 au niveau des chefs
d'État et de gouvernement a demandé au Secrétaire
général de l'ONU de préparer un dossier
recommandant une meilleure efficacité des missions de maintien de la
paix, dans l'esprit et la lettre de la Charte.
Pourtant, ni dans la lettre, ni dans l'esprit de la
Charte, les opérations de maintien de la paix ne se situent nul
part dans son champ d'application. Certains les placent dans le Chapitre VI,
d'autres dans le Chapitre VII, tandis que d'autres créent un nouveau
Chapitre, le Chapitre VI et demi. Dans le Chapitre VII, elles se situeraient
entre les articles 41 et 42.
En effet, selon P.Weckel, entre l'article 41 de la
Charte qui prévoit un ensemble de mesures de coercition
non-militaires sous la responsabilité des États et l'article 42
qui habilite l'organe principal des Nations Unies à conduire
une action armée, "la pratique inscrit une disposition nouvelle au
contenu hybride"234(*).
Selon C. Emanuelli,
les opérations de maintien de la paix ne sont pas
fondées sur des dispositions particulières de la Charte
des Nations Unies, bien qu'elles puissent être rattachées
à son Chapitre VI et qu'elles soient parfois déclenchées
sur la base du Chapitre VII. Leur fondement réside dans la pratique que
l'Organisation a développée depuis la création de
l'Organisme des Nations Unies chargé de la surveillance de la
trêve (ONUST) en 1948. La conduite de ces opérations a
été confiée à des forces de maintien de la paix
(Casques bleus), qui sont des organes subsidiaires des Nations Unies,
constitués sur la base des articles 22 ou 29 de la
Charte235(*).
De même, un autre auteur note que
l'institution que constitue (sic) les forces dites "de
maintien de la paix" (peacekeeping) n'est inscrite nulle part dans la
Charte et elle fait partie des formules mises au point par
l'Organisation pour essayer de s'acquitter au moins partiellement de sa
tâche et donc d'éviter l'échec236(*).
L'adoption de la Résolution 45/131 du 8
décembre 1988 par l'Assemblée générale des
Nations Unies, intitulée "droit d'accès aux victimes
des catastrophes naturelles et des situations d'urgence du même
ordre" fut un début timide pour combler les lacunes laissées
par la Charte dans le domaine des interventions d'humanité.
Même si celle-ci a été qualifiée de
révolutionnaire par des juristes internationaux237(*), son application s'est
résumée au seul premier membre de son intitulé.
En juillet 1992, le Secrétaire général
de l'ONU publiait son rapport, sous le nom de "Agenda pour la paix
1992"238(*). Dans
ce document, plusieurs propositions furent formulées, la plus importante
étant la création d'une "unité de réaction rapide".
Ce concept comprend la constitution des "unités d'imposition de la
paix", où des militaires interviendraient pour neutraliser les forces
belligérantes, afin de les amener à un règlement
négocié. Ces unités, fournies par des États membres
et composées de militaires volontaires, seraient à la disposition
du Conseil de sécurité, prêtes à intervenir à
tout moment.
Cependant, la publication de "l'Agenda pour la paix
1992" et les discussions dont ce document a fait l'objet lors des
débats de la 47è Assemblée générale,
à l'automne 1992, ont démontré une absence quasi
générale d'intérêt dans l'optique
préconisée par le Secrétaire général. En
effet, ce rapport a donné lieu à des critiques
sévères de la part d'un certain nombre d'États membres,
qui ne s'en sont pas du tout montrés chauds. Bien que le
Secrétaire général de l'ONU ait, en 1995,
produit un autre "Agenda pour la paix" moins ambitieux et où il
avait mis un peu d'eau dans son vin, ce dernier n'a pas été
accueilli avec plus d'enthousiasme.
Sur le plan de la doctrine, certains auteurs refusent de
croire qu'une coutume internationale existe en matière d'intervention.
En effet, comme le notait à juste titre un auteur au début du
20è Siècle, "il se commet tous les jours dans quelque coin du
monde mille barbaries qu'aucun État ne songe à faire cesser parce
qu'aucun État n'a intérêt à les faire
cesser"239(*).
Quoique vieille d'environ un siècle, cette vérité est
hélas toujours d'actualité.
La Professeure Katia Boustany note que ces interventions sont
des "contraventions au droit international"240(*). Cependant, elle ne
mentionne pas l'intervention humanitaire dans l'énumération
qu'elle en fait. Faudrait-il en tirer la conclusion qu'elle ne considère
pas celle-ci dans ce sens là ?
Pour Bernard Hours, il y a certainement exagération du
rôle de l'État dans des atrocités dont sont victimes des
populations dans certains coins de la planète. Il affirme en effet, que
l'État est considéré ici, par essence,
comme inhumain, ce qui ne manque pas de poser question. Les multiples
dérives des États au XXè siècle autorisent-elles
à considérer qu'il s'agit d'une forme d'organisation
profondément diabolique, ou les excès sont-ils liés
à l'irresponsabilité des citoyens de ces États ? Moins de
manichéisme permettrait peut-être de limiter les effets d'un
anti-étatisme radical comme d'un individualisme
angélique241(*).
Mario Bettati considère que "l'examen des
situations internes par les organes des Nations Unies, notamment en
matière des droits de l'homme, ont provoqué de la part des
États visés, l'objection tirée de l'article 2 § 7 de
la Charte"242(*).
Il regrette que ces mêmes organes n'aient pas saisi l'occasion pour
recommander le "point d'établir une pratique concordante et
fondée sur une opinio juris selon laquelle, le respect des droits
fondamentaux ne saurait désormais figurer parmi ces questions qui
relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un
État"243(*).
Ces dernières opinions démontrent bien,
à maints égards, qu'il y a lieu de considérer que le
domaine de l'intervention d'humanité n'est pas encore ancré dans
le droit international coutumier, ce qui explique pourquoi sa codification
n'est pas encore réalisée.
Section II. Les lacunes et faiblesses de la Convention
sur le génocide
Le texte de la Convention internationale pour la
prévention et la répression du crime de génocide
ressemble plus à un instrument d'incantation ou de dénonciation
de crimes déjà commis, qu'une norme de droit destinée
à lutter efficacement contre les génocides futurs. En
effet, quoique l'adoption de ce texte ait fait suite aux horreurs de
l'Holocauste, le texte de cette Convention ne semble pas en
être conséquent.
Primo, le dispositif de la Convention pèche par
excès de laconisme en laissant notamment sous silence le
mécanisme de prévention. Secundo, certaines de ses dispositions
sèment une confusion qui préjudicie sa bonne application. Tertio,
certaines prescriptions sont restées inappliquées. Quarto, sa
ratification a connu un certain nombre de réserves244(*), qui ont affaibli sa
portée.
1. La Convention sur le génocide : un
texte laconique
Le texte de la Convention sur la prévention et la
répression du crime de génocide comporte 19 articles,
dont la moitié ne concerne que des modalités techniques
(ratification, adhésion, notification, entrée en vigueur,
dénonciation, révision, ...). Bien qu'elle soit aussi un
instrument pour la prévention du génocide, le mot
"prévention" n'apparaît que deux fois dans tout le texte
(art. 1er et 8).
Pourtant, l'on se serait plutôt attendu à un
texte qui met en place un mécanisme de prévention et où
les moindres détails de celui-ci seraient indiqués. De plus,
comme le signale l'une des personnalités éminentes sur la
question, « [U]n des grands défauts de la
Convention pour la prévention et la répression du crime de
génocide est l'absence d'un organe de contrôle, comme ceux
créés pour des traités
subséquents »245(*). En effet, l'existence de cet organe aurait non
seulement tiré la sonnette d'alarme pour le cas du Rwanda, mais aussi
elle aurait permis le suivi et la mise à jour de la Convention, que ce
soit dans ce qui est prévu par celle-ci ou dans des matières
où des compléments auraient été nécessaires.
2. Certaines prescriptions de la Convention
sont restées lettre morte
La non-existence de la Cour criminelle
internationale plus de cinquante ans plus tard, est un signe
éloquent de l'absence de suivi de la part de l'ONU et des
parties à la Convention. Pourtant, cet organe de répression
aurait peut-être servi de moyen de dissuasion, car les organisateurs du
génocide au Rwanda auraient pu y regarder deux fois, s'ils
avaient su qu'ils seraient passibles de poursuites. En effet, un tribunal
pénal est non seulement une instance de répression, mais
également un organe de prévention, dans ce sens que la peur d'un
châtiment probable peut dissuader les criminels dans leurs projets.
L'article 6 de la Convention prévoit une
compétence concurrente des tribunaux nationaux des États sur les
territoires desquels le génocide a été commis et
de la Cour criminelle internationale, dont la compétence de celle-ci est
limitée aux parties contractantes qui en auront reconnu la juridiction.
Le libellé de cet article appelle deux commentaires :
Primo, le génocide étant par essence
un crime de l'État sur sa propre population, comment les
rédacteurs de la Convention entendaient-ils que ce crime serait
jugé par l'État même qui l'aurait commis ? Pourrait-on
être à la fois juge et partie ? Pourquoi n'ont-ils pas au
contraire prescrit une compétence universelle pour la répression
du crime des crimes ?
Cette compétence universelle est définie par la
doctrine comme étant "un système donnant vocation aux
tribunaux répressifs de tout État sur le territoire duquel se
trouve l'auteur de l'infraction pour connaître de cette dernière
et ce quel que soit le lieu où l'acte a été commis, sa
nature et son auteur246(*). Il est entendu que pour ce qui concerne la nature,
la Cour criminelle internationale s'occuperait uniquement des crimes
internationaux tels que le génocide et d'autres crimes contre
l'humanité.
Secundo, la limitation de la compétence de la Cour
criminelle internationale à la reconnaissance facultative de celle-ci
par les parties contractantes a considérablement affaibli la Convention.
En effet, à quoi bon mettre sur pied un tribunal pénal, si
celui-ci n'a compétence qu'à l'égard d'un
délinquant qui accepte bien en être justiciable ? La
répression du génocide aurait dû faire l'objet de
mesures plus contraignantes.
Les parties à la Convention s'engagent
à prendre des dispositions législatives nécessaires pour
assurer l'application de celle-ci, notamment en prévoyant des sanctions
pénales efficaces frappant les personnes coupables de
génocide (art. 5). Tout en maintenant les mêmes remarques
que sur le point précédent, il est à noter que ce n'est
qu'après la tragédie du Rwanda que la plupart des États
parties sont en train d'harmoniser leurs législations internes avec les
obligations internationales en la matière, et qu'une Convention sur la
création de la Cour pénale internationale est
adoptée247(*) (
Statut de Rome signé le 17 juillet 1998 ).
Au Rwanda même, une loi ad hoc
réprimant le crime de génocide de 1994 n'a vu le jour
que deux ans après la fin de la tragédie (Loi organique du 30
août 1996 sur l'organisation des poursuites des infractions constitutives
du crime de génocide ou de crimes contre l'humanité,
commises à partir du 1er octobre 1990). Ailleurs dans le monde, seuls
trois pays ont jusqu'ici montré leur bonne volonté de mettre fin
à l'impunité du génocide, des crimes contre
l'humanité et des crimes de guerre.
La Suisse a été le tout premier pays à
juger un ressortissant rwandais se trouvant sur son territoire et accusé
de génocide, même si les poursuites ainsi et les
jugements ont dû trouver leur justification légale dans les
Conventions de Genève sur le droit humanitaire248(*). Les procès se sont
tenus au premier et au second degré devant des Cours militaires,
où le prévenu Niyonteze a été condamné
à 14 ans d'emprisonnement pour assassinat et crimes de guerre249(*).
La Belgique a emboîté le pas dans ce qui
été appelé "le procès des quatre de
Butare"250(*), sur
base d'une loi de 1993251(*), complétée en 1999252(*). Pionnière dans ce
domaine de la compétence universelle en matière de crimes contre
l'humanité, la justice belge connaît aujourd'hui un flot de
plaintes, avec constitutions de parties civiles, contre des responsables
politiques, anciens ou en exercice, de par le monde.
La loi belge a l'avantage de ne tenir compte ni du lieu de la
commission des crimes, ni de la nationalité de l'auteur ou complice
présumé ni de celle de la victime, ni de la personnalité
de l'auteur ou complice présumé253(*), ni enfin du lieu de résidence de l'auteur,
du complice présumé ou de celui du plaignant. En outre,
étant considérée comme une loi de procédure, la loi
belge a l'avantage d'agir rétroactivement.
Si le Canada n'a encore, à l'heure actuelle, traduit en
justice aucun individu pour crime de génocide, crimes contre
l'humanité et crimes de guerre, son système judiciaire permet
déjà, comme nous l'avons vu plus avant, une telle
procédure (Loi C 24). Il est à espérer qu'il ne tardera
pas à mettre en application les prescriptions de cette loi.
3. La Convention sur le génocide : un
texte confus
Les articles premier et huit de la Convention prescrivent
respectivement l'obligation des parties contractantes et de l'ONU de
prévenir et de punir le génocide. Cependant, force est
de constater que ces deux articles sèment une confusion, à telle
enseigne que l'on ne peut savoir à qui le premier incombe cette
obligation. Les États parties à la Convention sont-ils
autorisés par celle-ci à intervenir dans un autre État en
cas de génocide, en violation du sacro-saint principe de
souveraineté étatique énoncé par la
Charte de l'ONU ? Ces États ont-ils seulement le
devoir d'attirer l'attention de l'ONU sur la situation ? L'absence de
clarté dans le partage des responsabilités dans la
prévention a probablement eu des retombées néfastes au
moment du génocide au Rwanda. En effet, il est bien connu que
lorsque tout le monde est responsable au même niveau, personne n'est
finalement responsable.
4. La Convention sur le génocide : un
texte affaibli par des réserves
Le texte de la Convention est d'un
mutisme absolu en ce qui concerne les réserves. Conformément
à l'article 19 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit
des traités,
Un État, au moment de signer, de ratifier,
d'accepter, d'approuver un traité ou d'y adhérer, peut formuler
une réserve, à moins :
a) que la réserve ne soit pas interdite par le
traité ;
b) que le traité ne dispose que seules des
réserves déterminées, parmi lesquelles ne figure pas la
réserve en question, peuvent être faites ; ou
c) que, dans les cas autres que ceux visés aux
alinéas a) et b), la réserve ne soit pas incompatible avec
l'objet et le but du traité.
Un certain nombre d'États parties, dont le
Rwanda254(*), ont
formulé des réserves à propos de l'article 9 de la
Convention Celui-ci est relatif à la compétence de la Cour
internationale de justice, en cas de différend entre parties
contractantes, quant à l'interprétation, l'application ou
l'exécution, ainsi qu'à la responsabilité d'un État
en matière de génocide, ou de l'un quelconque des actes
énumérés à l'article 3.
Dès son indépendance, le Rwanda avait
été lié par la Convention sur le génocide
sans aucune réserve, en vertu de la notification du 13 mars 1952 de la
Belgique (alors autorité tutélaire) relative à
l'application territoriale de la Convention, sur des territoires sous sa
responsabilité. En effet, par la Déclaration du président
de la république du 24 juillet 1962, le Rwanda s'est engagé
à respecter les accords et traités internationaux conclus par la
Belgique et s'appliquant au Rwanda, qui ne sont pas dénoncés par
lui255(*). Lors de son
adhésion explicite à la Convention le 12 février 1975, le
Rwanda a cette fois-ci déclaré ne pas être lié par
l'article 9.
Un État pourrait-il formuler pareille réserve
et prétendre être partie à la Convention ? La Cour
internationale de justice y a déjà donné une
réponse satisfaisante. En effet, dans son Avis consultatif du 28 mai
1951 sur les réserves à la Convention pour la prévention
et la répression du crime de génocide, la CIJ,
après avoir relevé les traits particuliers de la Convention, en
énonçant que "les principes sur lesquels elle est
fondée sont reconnus par les nations civilisées comme obligeant
les États, même en dehors de tout lien
conventionnel"256(*), elle a déclaré que c'est "la
compatibilité de la réserve avec l'objet et le but de la
convention qui doit fournir le critère de l'attitude de l'État
qui fait la réserve comme de l'État qui y objecte"257(*).
Même si l'on ne peut pas affirmer que pareille
réserve formulée par certains pays dont le Rwanda soit
incompatible avec l'objet et le but de la Convention, il n'en demeure
pas moins que vu la nature de cette Convention, celle-ci ne devrait
pas, à notre avis, souffrir de réserves. Nous croyons que la
prohibition des réserves dans le texte de la Convention sur le
génocide aurait mis en évidence son importance
réelle pour l'humanité.
Il serait à penser aussi que même si le Rwanda
n'a pas été le seul pays à émettre une telle
réserve, il semble fort possible que cette action se soit inscrite dans
un large plan des autorités rwandaises de l'époque,
destiné à s'assurer par avance l'impunité pour un
génocide en perspective. En l'absence d'une Cour pénale
internationale, la CIJ n'aurait-elle pas été la seule
juridiction ayant qualité pour se prononcer sur la responsabilité
de cet État en matière de génocide !
Il apparaît de ce qui précède que les
institutions existantes au niveau des Nations Unies sont
caractérisées par des carences et des faiblesses en ce qui
concerne la prévention et la prévention du crime de
génocide. Cependant, à la lumière des
événements malheureux qui ont permis le génocide
au Rwanda, l'on pourrait se demander si cette mollesse relative des textes
aurait été la seule cause de l'échec de l'ONU
devant ce drame. Dans le chapitre qui suit, nous allons examiner si d'autres
facteurs n'auraient pas été en cause.
CHAPITRE II. LES DÉFAILLANCES
OPÉRATIONNELLES
Sous ce chapitre, il sera question de certaines omissions ou
négligences constatées au niveau des différentes instances
de l'ONU, tant dans le cadre de la prévention (Section I) que
dans celui de l'arrêt du génocide au Rwanda (Section
II).
Section I. Omissions et négligences au niveau de
la prévention du génocide
Tel que souligné dans la partie
introductive, le problème rwandais tire ses origines lointaines de la
colonisation, plus précisément dans la transformation en ethnies,
ce qui auparavant n'était que classes sociales. Le colonisateur institue
une carte d'identité avec mentions ethniques, ce qui met fin pour de bon
aux mouvements interclasses et crée le sentiment d'appartenance à
un groupe désormais figé258(*). Ceci ayant pour conséquence de
détruire à jamais la symbiose qui caractérisait depuis des
siècles la vie des Rwandais.
Cependant, les causes directes de cette tragédie
découlent de l'absence d'intérêt de la part de
l'ONU, à régler le problème du grand nombre de
réfugiés tutsis ayant trouvé refuge dans les pays
limitrophes suite à la "Révolution de 1959", ainsi que
l'impunité des crimes commis contre les Tutsi durant les deux
républiques issues de cette révolution.
1. L'absence d'intérêt à
régler le problème des réfugiés
La "Révolution sociale de 1959" a jeté des
centaines de milliers de Tutsi sur les routes de l'exil, essentiellement vers
les pays limitrophes, des dizaines de milliers d'autres étant
tués, tandis que ceux restés au pays deviennent non seulement des
parias, mais sont aussi régulièrement massacrés dans
l'impunité totale.
Les exilés tutsis ne pourront rentrer pour deux
raisons essentielles. D'abord un rapatriement global leur est refusé par
les régimes hutus successifs, ensuite les conditions dans lesquelles
vivent les membres de leurs familles restés au pays n'encouragent pas
des retours individuels. Cette situation était bien connue au niveau de
l'ONU via le HCR, mais celle-ci ne s'en préoccupe guère.
Aucune pression ne sera mise sur les gouvernements rwandais successifs, pour
faire accepter le retour de ceux qui sont considérés à
l'époque comme les plus vieux réfugiés d'Afrique. Il
semble que cette question était mineure, par rapport à celle des
réfugiés à l'échelle mondiale259(*). Pourtant, la
résolution de ce problème aurait peut-être
évité le pire.
2. La question de l'impunité
Depuis l'attaque du FPR le 1er octobre 1990 et
durant la période qui a suivi jusqu'au déclenchement du
génocide, des actes de génocide sont
signalés dans des rapports de spécialistes des droits de la
personne, voire par un Rapporteur de l'ONU en matière
d'exécutions extrajudiciaires (rapport publié en août 1993
par M.B.W. Ndiaye, E/CN.4.194/7), mais aucune condamnation internationale ne
s'en suivra. Seuls deux pays, le Canada et la Belgique, suspendront
temporairement leur coopération bilatérale avec le Rwanda,
à l'exception de l'aide d'urgence, pour marquer leur
désapprobation vis-à-vis de l'attitude des dirigeants de ce pays,
en raison des conclusions desdits rapports.
Les massacres des Tutsi des années soixante,
redécouverts de 1990 à 1993 se font donc dans le plus grand
silence de l'ONU et de ses États membres en particulier, comme
si cela n'était que normal. Ce silence complice de l'ONU
était aussi un signe d'encouragement aux forces qui planifiaient le
génocide, qui croyaient qu'il n'y aurait pas, comme d'habitude,
de poursuites contre les responsables de ces actes.
3. L'intérêt très limité
réservé aux rapports des spécialistes en matière
des droits de la personne
Le rapport de la Commission internationale d'enquête du
8 mars 1993 dénonçait l'implication des organes de l'État
Rwandais dans les massacres des Tutsi et révélait
déjà que ces massacres constituaient, bien que de façon
timide et par paraphrase, un génocide260(*).
Dans son rapport (E/CN.4.194/7) publié en août
1993, M.B.W. Ndiaye, Rapporteur spécial en matière
d'exécutions extrajudiciaires, confirmait les conclusions de la
Commission internationale en observant que "... ayant été
ciblés uniquement parce qu'ils étaient Tutsi, l'article II,
alinéa a) et b), de la Convention sur le génocide
s'appliquerait"261(*).
En dépit du terme "génocide"
utilisé par les deux rapports, les Nations Unies n'y porteront aucun
intérêt. Comme le rapportent des spécialistes, bien que le
dernier rapport fut examiné par la Commission sur les droits de l'homme
de l'ONU, ce ne fut que de façon
"routinière"262(*), aucune attention spéciale n'y sera
réservée.
Il est vrai que l'on doit déplorer, à
l'égard de ces deux rapports, une absence de corrélation entre
les faits constatés et les conclusions tirées. Ces rapports
notent que des actes de génocide ont été
observés au Rwanda pendant la période d'avant 1994, mais aucun ne
recommande la création d'un tribunal pénal international pour
juger les responsables. Serait-ce parce que ces derniers étaient encore
au pouvoir, ou alors ces spécialistes ne croyaient-ils pas encore
à une répression internationale du crime de
génocide ? Seuls les rédacteurs de ces rapports
pourraient répondre à cette question, car aucune explication ne
figure dans leurs documents respectifs.
C'est donc en possession de tous ces renseignements que le
Conseil de sécurité décide de créer une Mission
des Nations Unies pour l'Assistance au Rwanda (MINUAR), avec
un mandat qu'il aurait bien pu confier, non à des militaires, mais
à bien des boy-scouts ou à l'Armée du salut263(*). En effet, ces militaires
n'avaient d'autre pouvoir que de se protéger eux-mêmes, et
là encore, l'on sait déjà ce qui s'est passé aux
dix casques bleus belges !
Pourtant, l'Accord de Paix d'Arusha, négocié
sous les auspices de l'O.U.A. et pour lequel la force de
l'ONU devait être le garant de son application, avait clairement
tracé le contour du mandat requis pour cette opération. Sous
l'influence du représentant américain, le Conseil de
sécurité y passa cavalièrement outre, l'économie de
budget étant son souci premier.
4. La sourde oreille faite aux appels à l'aide
du Général Dallaire
Le Commandant de la force a demandé au
Secrétariat de l'ONU d'adapter le mandat de la MINUAR
aux circonstances du moment, en insistant surtout sur l'action de
désarmer les miliciens et rechercher des caches d'armes
illégales. Au lieu d'être écouté, ses supplications
tombèrent dans des oreilles de sourds. Pire, le célèbre
fax du 11 janvier 1994 de ce commandant ne fut jamais porté à la
connaissance du Conseil de sécurité. Le Secrétariat de
l'ONU préférera le garder pour lui-même, tout en
ne lui accordant aucune crédibilité. Il semble que ledit fax,
pour important qu'il était, n'aurait même pas été
montré au Secrétaire général
lui-même264(*).
Cette faute incomberait au Général Baril,
à l'époque conseiller militaire à l'ONU, et deux
Secrétaires généraux adjoints, Kofi Annan (maintien de la
paix) et Riza (affaires politiques). Nous pensons que ces trois auraient
dû démissionner pour ce grave manquement.
Le souci de faire des économies entraînera des
conséquences beaucoup plus importantes, aussi bien en vies humaines
qu'en moyens financiers. Ce génocide qui aurait pu être
évité sera un gouffre qui va engloutir environ un million de vies
humaines et des sommes plusieurs fois plus importantes que ce qui aurait pu
être nécessaire pour lutter contre l'innommable265(*).
Section II. Omissions et négligences au niveau
de l'arrêt du génocide
Faute d'avoir pris des mesures de prévention,
l'ONU avait l'obligation d'arrêter le génocide
au Rwanda, une fois celui-ci déclenché. Pourtant, lorsque la
tragédie commença, personne à l'ONU ne semblait
s'y intéresser, à telle enseigne que ce fut le moment
précis pour mettre à l'abri les casques bleus, jugés de
trop dans ce conflit qui n'était que "l'affaire des
Rwandais"266(*).
Plusieurs rapports ont déjà pointé du
doigt les causes et les responsables de cette déroute. Ces derniers se
retrouvent à plusieurs niveaux de responsabilité à
l'ONU.
1. Le souci du Secrétaire
général de l'ONU de ne pas déplaire à ses
patrons
Le Secrétaire général de l'ONU
à l'époque est considéré comme le principal artisan
de l'échec. Par mauvaise foi ou par négligence, il a
volontairement omis d'informer le Conseil de sécurité de la
situation réelle qui prévalait au Rwanda, alors que
lui-même en avait été correctement informé par ses
représentants (civils et militaires) sur le terrain.
L'intervention des forces de l'ONU au Rwanda devant
engager des dépenses financières, il semble que le
Secrétaire général était défavorable
à cette idée pour ne pas irriter davantage les Américains
qui, comme on le sait, étaient en retard de paiement pour plusieurs
années, de leur quote-part au budget de l'ONU sous le
prétexte que ce budget était mal géré. Ceux-ci
exigeaient du Secrétaire général qu'il limite les
dépenses de l'Organisation au strict minimum possible.
Les États-Unis étant les principaux
contributeurs financiers, le Secrétaire général confiait
à qui voulait l'entendre qu'une crise financière était
prévisible au niveau de l'ONU. C'est dans ce cadre que
Boutros-Ghali évoqua cette crise financière lors de la toute
première rencontre conjointe des représentants du gouvernement
rwandais et du FPR le 15 septembre 1993. Il leur fit également part des
difficultés à trouver des contingents, compte-tenu de la guerre
en Somalie et en Bosnie267(*).
Alors que l'ancien Secrétaire général au
temps de l'affaire du Congo avait pris des initiatives adéquates et
amené le Conseil de sécurité à le suivre dans la
bonne voie, Boutros-Ghali évitera non seulement d'informer correctement
le Conseil, mais il va aussi lui faire des propositions inappropriées.
En effet, pourquoi proposer un retrait ou une réduction des forces sur
le terrain, alors que toutes les informations en sa possession font état
d'un génocide ? Cela était pourtant clair que l'unique
solution était le renforcement du mandat de la MINUAR et de ses
effectifs.
Au moment où des centaines de milliers de civils
étaient en train d'être méthodiquement massacrés, le
Secrétaire général continuera de présenter des
rapports au Conseil de sécurité, indiquant "qu'il
s'inquiétait de la guerre entre l'armée rwandaise et le FPR
(S/1994/470, 20 avril 1994)"268(*). Aussi persistera-t-il à insister sur le
cessez-le-feu entre les deux forces, seul but vers lequel le Conseil va alors
focaliser toutes les actions.
Par contre, l'option de faire cesser les massacres contre une
partie "de la population civile ne fut jamais présentée au
Conseil de sécurité"269(*). Ces massacres seront plutôt décrits
par le Secrétaire général dans son rapport comme des
"violences répandues" (S/1994/470, du 21 avril 1994) et non pas
comme un "génocide". Au lieu d'informer le Conseil du
caractère systématique et organisé des massacres,
Boutros-Ghali présentera les événements comme étant
le résultat d'une anarchie, "de la même manière
déformée que la majorité des médias l'avaient
rapportée"270(*). Pourtant, son Représentant spécial
sur le terrain l'avait informé, "dès le 8 avril, qu'une
campagne de terreur bien projetée, organisée, intentionnelle et
dirigée était en cours"271(*).
Le même souci de ne pas déplaire aux
Américains semble avoir été partagé par le Haut
Commissaire aux droits de l'homme, M. José Ayala Lasso. Le rapport
(E/CN.4/S-3/3) que celui-ci a rédigé à la fin de sa visite
au Rwanda au plus fort du génocide démontre, soit qu'il
avait reçu pour consigne de ne pas alarmer l'ONU, soit alors
une incompétence notoire. Au moment où plusieurs voix
s'étaient déjà prononcé sur le caractère
génocidaire des massacres, Ayala Lasso parlera seulement de
"violations des droits de l'homme extrêmement graves qui se
poursuivaient"272(*) dans les deux côtés. Comment ne
pouvait-il pas voir de ses yeux ce que les moins intéressés
avaient déjà constaté ?
Paradoxalement, malgré sa tiédeur à
mobiliser l'opinion au niveau de l'ONU, le Secrétaire
général sera la première personnalité de
l'Organisation à prononcer, hélas trop tard, le mot
"génocide", pour qualifier les massacres des Tutsi du Rwanda.
Ses initiatives tardives se heurtèrent cette fois-ci à la
mauvaise volonté du Conseil de Sécurité.
2. L'absence d'intérêt des membres
permanents du Conseil de sécurité
Le Conseil de sécurité de l'ONU,
à qui incombait en premier lieu la prévention et/ou l'arrêt
du génocide, a, avant et tout au long du
génocide, montré son absence d'intérêt pour
les Rwandais. Alors qu'il n'en était pas à sa première
expérience d'une intervention dans un conflit interne273(*), le Conseil de
sécurité fera comme si ce problème ne le concernait pas du
tout.
La fin de la guerre froide et d'un monde bipolaire a
engendré un phénomène nouveau, à savoir la
méconnaissance de tout ce qui se passe dans une zone que
n'éclairent pas les projecteurs des grandes puissances, fut-ce-t-il un
drame humain sans nom.
Comme le signale un rapport d'experts, aujourd'hui, "les
États ont tendance à agir en fonction de leurs
intérêts propres, plutôt qu'en fonction morale de faire
respecter des normes de justice internationale qui est la leur"274(*). Ceci explique l'inertie du
Conseil de sécurité devant le drame rwandais. En effet, ce
Conseil étant à la merci des cinq puissances membres permanents,
aucune de ces dernières n'avait d'intérêts à
défendre au Rwanda pour mobiliser la volonté des autres en vue
d'une intervention. À l'exception de la France, le Rwanda est quasiment
une "terra incognita" pour les autres membres influents du Conseil de
sécurité. Ils se rangeront donc de façon grégaire
derrière les États-Unis.
Quant à la France, ses relations avec le gouvernement
rwandais d'avant et durant le génocide, ainsi que l'appui
militaire, diplomatique et financier, l'empêchent d'agir en toute
neutralité. Alors qu'elles avaient rapidement mobilisé l'opinion
pour l'adoption de la Résolution 688 du Conseil de
sécurité (en faveur de la protection des kurdes menacés
par le régime de Saddam Hussein), les autorités françaises
se tiendront coi tout au long du génocide au Rwanda. Elles ne
manifesteront leur intention d'agir qu'à la veille de la
déconfiture de leurs alliés, les FAR. Dans un laps de temps, les
autorités françaises parviendront sans problème à
obtenir du Conseil de sécurité un mandat sous le Chapitre VII,
pourtant refusé à la MINUAR, et leurs troupes
débarqueront au Rwanda avec une rapidité déconcertante.
Si cette intervention française est arrivée en
retard par rapport au génocide, elle a au moins eu le
mérite de démontrer, à bien des égards, qu'une
intervention d'humanité est réalisable sous mandat du Chapitre
VII de la Charte de l'ONU, à condition qu'une
puissance militaire soit disposée à parrainer l'opération
pour qu'une Résolution dans ce sens soit votée par le Conseil de
sécurité.
Quant aux pays membres non permanents du Conseil de
sécurité, le génocide contre les Tutsi du Rwanda
aura, une fois de plus confirmé qu'ils n'ont pas voix au chapitre. Le
groupe des non-alignés, par la voix du représentant du Nigeria
à l'ONU, avait en effet montré ses
préférences, hélas sans parvenir à rallier les
autres, pour un renforcement du mandat de la MINUAR275(*). Cette situation est
résumée par un auteur qui note que
Le Conseil de sécurité a pris la
responsabilité de laisser s'accomplir un génocide en
refusant de le nommer comme tel, alors que chacun, à titre individuel,
était convaincu de la réalité du crime, et que le
secrétaire général des Nations Unies avait
lui-même osé cette qualification276(*).
3. Le syndrome somalien
Après l'adoption de la célèbre
Directive présidentielle américaine (PDD 25) consécutive
au syndrome somalien, les États-Unis étaient les plus
farouchement opposés à une intervention musclée de
l'ONU au Rwanda. Ils feront tout pour bloquer toute initiative tendant
dans le sens contraire. Au plus fort du génocide,
l'Administration américaine alla jusqu'à empêcher à
ses fonctionnaires d'utiliser le mot "génocide" pour ce qui
est des massacres au Rwanda, pour ne pas tomber dans l'obligation d'y mettre
fin qu'entraîne une telle réalité, de la part des
États parties à la Convention.
Alors que ses forces avaient constitué le fer de lance
dans les opérations au Koweït et en Somalie quelque temps
auparavant, les États-Unis rechignaient à la simple proposition
de maintenir les forces de la MINUAR sur place et d'accorder à
celles-ci un mandat fort. Ils décréteront en revanche que l'envoi
de troupes ne sera plus conditionné que par les intérêts
propres de cet État dans le pays concerné, tel qu'exprimé
dans la fameuse "PDD 25". Or, les États-Unis n'avaient aucun
intérêt propre dans ce petit pays de l'Afrique noire sans
ressources naturelles ni position stratégique.
4. L'absence d'une volonté politique pour
intervenir de la part des États membres de l'ONU
La responsabilité de l'Assemblée
générale des Nations Unies dans l'échec de
l'ONU au Rwanda n'est pas, elle aussi, moindre. Certes, la
décision d'intervention en pareil cas appartient au Conseil de
sécurité, il n'en demeure pas moins cependant que
l'Assemblée générale, en tant qu'organe plénier, et
surtout avec le précédent de la Résolution
"Acheson", était qualifiée pour soit influencer les pays
membres du Conseil de sécurité, soit prendre à sa place la
décision qui s'imposait, compte-tenu des circonstances.
En effet, qui aurait alors pu dire que le Conseil de
sécurité remplit comme il faut les fonctions qui étaient
les siennes, alors qu'il se tournait le pouce, au moment où des
centaines de milliers de victimes tombaient sous les coups des
génocidaires ? Une Résolution, ou tout au moins une intercession
de l'Assemblée générale des Nations Unies, aurait
été pertinente pour changer favorablement le cours des choses.
Tel que nous venons de le constater, les causes de
l'échec de l'ONU dans le génocide contre les
Tutsi du Rwanda ont été multiples, les unes étant
liées au système normatif international existant, d'autres, et
à notre avis plus importantes, étant surtout liées
à l'absence de volonté politique pour prévenir ce drame ou
y mettre fin. Quels enseignements pouvons-nous en tirer ? Face aux
échecs de l'ONU, faudrait-il créer un autre organe
international plus performant et plus adapté pour prévenir et
lutter contre le crime de génocide, où faudrait-il
revitaliser les structures existantes de cette organisation que tous
s'accordent à trouver indispensable ?
CHAPITRE III. QUELLES LEÇONS EN TIRER
?
La présente étude serait
incomplète si elle ne tirait aucune leçon du drame des Tutsi du
Rwanda, en passant sous silence des propositions de réponse aux
problèmes relevés. Quoique beaucoup d'enquêtes et
études aient été menées et un certain nombre de
recommandations formulées à cet égard, il convient de
rappeler celles-ci, en y ajoutant bien entendu nos propres suggestions pour
renforcer les précédentes études.
Toutes les études faites au sujet des échecs de
l'ONU ont jusqu'à présent confirmé la
nécessité de conserver cette organisation mondiale, même si
sa réforme s'avère impérative, afin de lui permettre de
remplir son obligation principale, soit la sauvegarde de la paix et la
sécurité internationales.
La plupart des enquêtes et études menées
en vue de l'amélioration du système des opérations de paix
sont tombées dans la même erreur de faire un amalgame entre le
génocide, les crimes de guerre et les crimes contre
l'humanité. Il est vrai que le génocide est un crime
contre l'humanité, mais il est d'un caractère sui
generis. Si les génocides déjà
constatés ont été jusqu'ici commis sur fond d'une guerre
interne ou internationale, il faut garder à l'esprit qu'ils sont
susceptibles d'être commis même en temps de paix.
En outre, une autre confusion provient du fait que l'on
oublie souvent qu'en matière de génocide, même si
l'on le qualifie de conflit interne, ce n'est pas exactement de cela qu'il
s'agit, mais bien d'un crime d'État. En effet, un conflit suppose deux
parties en opposition, ce qui n'est pas le cas pour un
génocide. Oui, il y a bien deux parties dans un
génocide, mais ces parties ne sont pas comme tel en conflit.
L'une des parties, l'État, commet un crime, l'autre partie, une partie
de la population, ne fait que subir.
Dès lors, quand bien même les moyens de
prévention du génocide et des crimes contre
l'humanité seraient en grande ligne les mêmes, les mesures
utilisées pour mettre fin à des conflits intraétatiques ne
sont pas nécessairement efficaces contre un génocide.
Nous insisterons spécifiquement sur les moyens de prévenir un
génocide, qui consistent à renforcer la Convention sur
le génocide (Section I), et à réformer l'appareil
de l'ONU. (Section II).
Section I. Des mesures à prendre pour renforcer
la Convention sur le génocide
L'intérêt de cette partie de l'étude porte
essentiellement sur les mécanismes de prévention du
génocide, pour la simple raison qu'il n'y aurait pas lieu, ni
de devoir mettre fin à un génocide, ni d'être dans
l'obligation de le réprimer, si les moyens de prévention
étaient mis en oeuvre et les mesures respectées.
Dans ce cadre, la Convention du 9 décembre 1948 devrait
être revu pour combler les lacunes et faiblesses y constatées.
Ceci se ferait notamment en levant toutes les équivoques contenues dans
le texte de la Convention, en mettant en application certaines dispositions de
la Convention restées sans suite, et en y insérant un
mécanisme de prévention.
1. Lever les ambiguïtés contenues dans la
Convention
Les articles premier et huit de la Convention sur le
génocide devraient être clarifiés, de façon
à reconnaître qui des parties à la Convention et
l'ONU, a l'obligation première de prévenir,
arrêter et réprimer un génocide. Cette obligation
devrait bien entendu revenir en premier lieu à cette organisation
interétatique, plutôt qu'à un seul État. Il est
clair que les États - parties et non parties277(*) - auraient également
l'obligation de coopérer avec l'ONU dans la lutte contre ce
crime sans nom.
L'organe de l'ONU chargé de prévenir,
arrêter et réprimer le génocide devrait
également être nommément désigné, afin de
mieux le responsabiliser. Sans aller jusqu'à être pénale,
cette responsabilité devrait être établie de façon
à pouvoir sanctionner des négligences individuelles, sans pour
autant que l'ONU en soit déchargé. En effet,
l'imputabilité des agents de l'État ou de ses organes en cas
d'action et/ou omission funeste, n'exonère pas celui-ci de sa propre
responsabilité.
2. Mettre en application les impératifs de la
Convention
Les articles cinq et six de la Convention accordent
respectivement une compétence aux juridictions nationales et à la
Cour pénale internationale pour juger les responsables du
génocide.
Cependant, comme souligné plus haut, en ce qui
concerne des juridictions nationales, seuls deux pays, la Belgique et le
Canada, ont jusqu'à présent souscrit à cette disposition.
Contrairement à ce que note un auteur qui dit qu'il "n'est pas sûr
que ce soit judicieux"278(*) que les tribunaux étatiques disposent de la
compétence universelle en matière de crime contre
l'humanité, nous pensons que d'autres États devraient
emboîter le pas à ces deux pionniers de la compétence
universelle, pour que le monde se resserre autour des génocidaires.
Sur le plan international, il faudrait que les États
signataires du traité de Rome du 17 juillet 1998, qui n'ont pas encore
ratifié ledit traité, le fassent dans les plus brefs
délais, pour que la Cour criminelle internationale que crée ce
traité soit une réalité. En effet, même si les
difficultés survenues dans la négociation de ce code pénal
international ont permis quelques faiblesses destinées à
séduire certaines puissances encore réticentes279(*), il n'en demeure pas moins
qu'un pas important a été franchi dans la prévention du
génocide par la dissuasion.
3. Créer un organe de prévention au
sein de la Convention sur le génocide
La convention sur le génocide a une lacune
importante en matière de prévention. Afin de ne plus se trouver
en retard par rapport à un génocide, il faudrait
créer un Comité contre le génocide.
Composé d'experts indépendants de haute moralité et
compétents en la matière. Ce Comité serait habilité
à faire des enquêtes dans tous les pays du monde,
spécialement dans des zones où des signes précurseurs
seraient signalés. Il ferait directement rapport au Secrétaire
général de l'ONU et au Conseil de
sécurité, annuellement et chaque fois que de besoin. À la
différence d'autres organes de contrôle des Nations
Unies, ce Comité agirait de façon active, au lieu d'attendre
que lui parviennent des plaintes. Le Comité aurait des pouvoirs de faire
des propositions directement applicables par les organes compétents de
l'ONU.
Une révision de la Convention pouvant être
difficilement réalisable, le texte créant ce Comité serait
adjoint à la Convention par un Protocole additionnel facultatif.
Section II. Réformer l'ONU pour
prévenir le génocide
Les moyens de prévention du génocide
ne diffèrent pas sensiblement de ceux utilisés pour la
prévention d'autres violations graves des droits de la personne humaine.
Cependant, en vertu du caractère particulier de ce crime, les
Nations Unies devraient s'atteler à trouver de nouvelles
formules pour y mettre définitivement un terme, pour que le "plus
jamais ça !" soit désormais une réalité.
Plusieurs études dans le cadre des missions de paix ont
été faites et des recommandations formulées. Nous en
reprendrons l'essentiel avec nos avis et considérations et ferons des
compléments que nous jugerons utiles.
Le Rapport du groupe d'étude sur les opérations
de paix de l'ONU du 17 août 2000, appelé le "Rapport
Brahimi"280(*),
constitue un document qui fait à ce jour autorité en cette
matière. Ce rapport a été favorablement accueilli par le
Conseil de sécurité de l'ONU qui a fait siennes les
recommandations y contenues, par sa résolution 1318 (2000) du 7
septembre 2000.
Un rapport de suivi281(*) sur la mise en oeuvre de celui-là a
également été publié par le Secrétaire
général de l'ONU le 21 octobre 2000. Les ressources
nécessaires à la mise en application des recommandations de ce
rapport ont déjà fait l'objet d'un rapport du Secrétaire
général282(*). Récemment, un autre rapport sur la mise en
oeuvre de ces recommandations a été publié par le
Secrétaire général de l'ONU283(*).
Dans le rapport de 1992 intitulé "Agenda pour la paix"
et son supplément de 1995, le Secrétaire général
Boutros-Ghali avait mis en exergue les principales faiblesses de l'ONU
en matière de mission de paix, dont notamment : le manque de
volonté politique des membres du Conseil de sécurité ainsi
que l'insuffisance des moyens militaires mis à la disposition de
l'ONU. Contrairement aux deux rapports de Boutros-Ghali restés
dans les tiroirs des Nations Unies, le rapport Brahimi a reçu
une grande consécration de la part de l'organe de décision qu'est
le Conseil de sécurité de l'ONU, et a même eu un
retentissement mondial.
Certes, le rapport Brahimi traite dans les moindres
détails et de façon remarquable les aspects opérationnels
et organisationnels susceptibles d'améliorer l'action des missions de
paix, cependant, à notre humble avis, il n'en demeure pas moins que ce
document nous semble incomplet, n'ayant pas réellement abordé des
sujets aussi importants pour la réussite des missions de paix que sont
les aspects politiques et stratégiques.
Les points forts de ce rapport concernent quatre points
à savoir : les actions préventives (1), les appuis politiques
(2), le déploiement rapide (3) ainsi que la solidité et la
fermeté des forces d'intervention (4). Seul le premier point
mérite d'être examiné dans cette section.
Deux activités sont proposées au titre des
actions préventives par le Rapport Brahimi : la création
d'unités de gestion de l'information et de l'analyse stratégique
et l'établissement des faits dans les zones de tension à titre de
mesure immédiate de prévention des crises. Ces deux actions sont
certes très importantes, mais elles ne sauraient à elles seules
suffire.
En effet, au lieu de se présenter comme une action de
police qui agit après coup en contrôlant si les normes ont
été respectées, nous pensons que la meilleure
stratégie en faveur d'une action préventive efficace serait de
mettre la main à la pâte, en s'attaquant aux causes profondes des
conflits, dont notamment l'environnement politique, juridique,
économique, social et culturel qui alimentent lesdits conflits.
Comme le souligne Kofi Annan,
le meilleur moyen de prévenir un conflit violent est de
promouvoir le développement humain durable et d'instaurer une
société démocratique harmonieuse reposant sur le strict
respect de la légalité et des institutions civiles solides, une
société où tous les droits de l'homme -
économiques, sociaux, politiques et culturels - sont
respectés284(*).
C'est ici que le concept des "Casques blancs" trouve toute sa
justification. Adoptée officiellement le 22 décembre 1995 par
l'Assemblée générale de l'ONU, la
résolution A-50-19 crée le concept de "Casques blancs". Ceux-ci
sont constitués de volontaires civils "aux opérations de
secours humanitaires et aux activités de relèvement et de
coopération technique pour le développement entreprises par
l'ONU"285(*).
Contrairement au mandat fixé par la Résolution, les "Casques
blancs" agirait par prévention et non lorsqu'un conflit
éclaterait.
1. Agir sur l'environnement politique
Le renforcement de l'État de droit constitue la
première étape de la promotion et la protection des droits de la
personne humaine. Un État où la séparation et la
complémentarité des pouvoirs sont garanties, où les
institutions politiques fonctionnent normalement et où la liberté
de la presse est respectée, ne saurait connaître des violations
graves des droits de la personne. Si les gouvernements rwandais successifs
d'après l'indépendance n'avaient pas été des
dictatures (et des fois des anarchies), mais plutôt s'étaient
efforcés de respecter les droits de tous les citoyens sans exclusion, il
va sans dire qu'il n'y aurait pas eu de génocide en 1994.
En revanche, en érigeant en institution une
citoyenneté de seconde zone pour les Tutsi, ces gouvernements ont bien
entretenu les germes du génocide. Le fait que pendant plus de
trois décennies, les Tutsi du Rwanda n'avaient aucun droit dans leur
propre pays, pas même le plus fondamental, soit le droit à la vie.
2. Agir sur l'environnement juridique
Le lien étroit entre la paix et la justice est
indéniable. En effet, la mainmise des pouvoirs politiques sur le
système judiciaire est le plus grand ennemi du respect des droits de la
personne, et partant, de la paix. Durant plusieurs années au Rwanda, non
seulement tuer un Tutsi n'était pas un crime, mais cela était
plutôt un acte de civisme à encourager. Cette culture de
l'impunité longtemps entretenue, a finalement fait croire aux Tutsi du
Rwanda qu'ils étaient voués à la disparition, et à
leurs bourreaux qu'ils seraient bénis des dieux s'ils faisaient
disparaître ces "cancrelats" de la surface de la terre. C'est cela que
Yves Ternon appelle "l'engourdissement psychique"286(*) pour le meurtrier, quand
celui-ci "prépare sa victime à l'hallali"287(*).
Il faudrait donc que l'ONU puisse, à travers
ses organes et institutions spécialisées, s'atteler à agir
en amont, en mettant sur pied des mesures efficaces favorisant la promotion et
le respect des droits de la personne dans tous les pays du monde. Ces derniers
auraient une obligation impérative de respecter ces mesures, et au
besoin, des moyens de coercition, tels que l'embargo sur les armes288(*), le gel des avoirs à
l'étranger et la mise en quarantaine des dirigeants, devraient
être appliqués à l'encontre de tout État
récalcitrant.
Enfin, l'impunité étant le principal
encouragement des criminels, il faudrait trouver les moyens d'y mettre fin une
fois pour toutes. En effet, le génocide contre les juifs a
été favorisé par l'impunité du
génocide arménien. Pourtant, lorsque ce
génocide était en train de se commettre, les
gouvernements français, anglais et russe avaient proclamé que
"devant ce nouveau crime de lèse-humanité (...) les
puissances de l'Entente déclarent publiquement à la Sublime Porte
qu'elles en tiendront personnellement responsables les membres du gouvernement
ainsi que tous ceux qui auront participé à ces
massacres"289(*).
Il n'en fut rien. C'est pour cela que Hitler aurait prononcé cette
phrase pour expliquer l'indifférence du monde au
génocide des Juifs : "Après tout, qui se souvient
aujourd'hui des Arméniens" 290(*)?
De même, le génocide de 1994 a
été encouragé par les actes de génocide
commis contre des Tutsi, de 1959 à 1994, sans qu'aucun criminel ne soit
puni, ni au niveau national, ni au niveau international.
Comme l'observait à juste titre un magistrat lors du
procès de Nuremberg, cité par un auteur, "l'affirmation des
principes de Nuremberg est illusoire, s'il n'existe pas d'organe
préconstitué et permanent, digne de les
sanctionner"291(*).
Dès lors, la mise en vigueur de la Cour pénale
internationale s'avère une priorité. Si les Tribunaux ad
hoc (TPIY et TPIR notamment) ont pu suppléer adéquatement
l'absence d'un tribunal pénal international permanent, il n'en demeure
pas moins que ce dernier s'impose impérativement, afin de disposer d'un
instrument permanent de dissuasion contre les crimes internationaux. Il
faudrait également revoir, dans les délais requis, la
compétence de ce tribunal, fixée par le Statut de Rome, afin de
rendre celle-ci réellement universelle. Dans ce domaine, d'autres pays
devraient également soutenir l'action combien importante amorcée
par la Belgique et le Canada de doter leurs tribunaux d'une compétence
universelle en matière des crimes internationaux, afin de resserrer
l'étau autour des criminels internationaux.
3. Favoriser un bon environnement économique,
social et culturel
Ce n'est ni par l'effet du hasard, ni parce que les Africains
aiment la guerre que la plupart des conflits intraétatiques sont
recensés dans leur continent. L'Afrique est en effet le continent qui a
connu ces dernières années le plus de missions de paix de
l'ONU et dont la plupart se sont soldées par des échecs.
La pauvreté extrême dans laquelle vivent un grand
nombre de populations africaines est un bassin de fermentation favorisant des
violations des droits de la personne. En effet, dans un État où
la voie d'accès aux richesses passe inévitablement par
l'occupation des hautes fonctions étatiques, il n'est pas
étonnant que l'alternance politique s'opère souvent dans un bain
de sang.
En outre, la constitution des milices, autre
élément déstabilisateur, s'obtient plus facilement en
faisant miroiter aux jeunes sans emplois les moyens de sortir de leur
misère par la voie des armes. Ces jeunes sont d'autant plus
vulnérables qu'ils n'ont souvent pas grand-chose à perdre. C'est
ainsi que les tristement célèbres "Interahamwe" (ceux
qui attaquent ensemble), responsables de l'exécution de plusieurs
centaines de milliers de Tutsi au Rwanda en 1994, ont été
facilement recrutés parmi la jeunesse désoeuvrée.
L'ONU devrait donc, par le biais des institutions
financières de Bretton Woods, aider les pays en développement
à sortir de leur pauvreté endémique, en agissant sur les
causes de celle-ci dont notamment le poids de la dette. À l'instar de
quelques initiatives de bailleurs de fonds bilatéraux, une annulation de
la dette en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE)
s'avère indispensable, et, qui plus est, un plan de développement
à moyen et long terme devrait être pensé et mis en oeuvre,
afin de réduire l'écart qui augmente chaque jour davantage entre
ces derniers et les pays riches. Les Nations Unies devraient
également s'atteler à la recherche de voies et moyens pour
promouvoir le développement de ces pays, en agissant plus
particulièrement sur l'accès aux connaissances et aux
technologies.
Tout comme la pauvreté, l'ignorance et
l'analphabétisme sont un terrain propice à la violence et au
non-respect des droits de la personne. En effet, il est plus facile de
manipuler un illettré qu'un intellectuel. À ce propos,
l'ONU devrait, par le biais de ses organismes
spécialisés tels que l'UNESCO et le Haut-commissariat aux droits
de l'homme, mobiliser les ressources nécessaires, afin de vaincre tous
les obstacles à l'accès au savoir, à la culture de la paix
et du respect des droits de la personne. Des cours relatifs à la
promotion et la protection des droits de la personne devraient être
enseignés dès l'école primaire, pour inculquer aux tout
jeunes la culture de tolérance et de la paix.
Ce n'est qu'alors que la création d'unités de
gestion de l'information et de l'analyse stratégique, ainsi que la mise
en place des missions d'établissement des faits seraient utiles, afin de
pouvoir réagir à temps.
4. Mettre sur pied un mécanisme d'alerte
rapide
Pour retenir l'attention des
décideurs politiques au niveau de l'ONU, les
événements doivent faire l'objet d'une couverture
médiatique des grandes chaînes de télévision. C'est
ce que l'on a l'habitude d'appeler "l'effet CNN". Le
génocide contre les Tutsi du Rwanda s'est préparé
et exécuté dans un silence assourdissant, parce que
précisément cela n'intéressait pas CNN. Pour cette
dernière, au moment du génocide au Rwanda, les
élections en Afrique du Sud et l'intronisation de Nelson Mandela
étaient plus importantes que tout autre événement survenu
dans un petit pays sans aucune importance, fut-ce-t-il un
génocide.
Dans son "Agenda pour la paix 1992"292(*), le Secrétaire
général de l'ONU a évoqué, sans plus de
détails, le rôle du Conseil économique et social dans la
contribution du système d'alerte rapide, par la production de rapports
sur des situations susceptibles de mettre en danger la paix et la
sécurité internationales. Par sa résolution 48/141 du 20
décembre 1993, l'Assemblée générale des Nations
Unies a créé un poste de Haut Commissaire aux droits de
l'homme, chargé de promouvoir et de protéger tous les droits de
l'homme. Celui-ci relève directement du Secrétaire
général des Nations Unies.
Cependant, sans minimiser le rôle de ces deux organes,
il n'en demeure pas moins qu'ils ont démontré leur
impéritie ou du moins leur incapacité à mobiliser les
ressources nécessaires pour prévenir ou arrêter le
génocide au Rwanda. Pourtant, des signes avant-coureurs
étaient perceptibles plusieurs années en avance. Comme le dit Y.
Ternon à propos des groupes nationaux, ethniques, raciaux ou religieux,
"la situation prégénocidaire commence avec la perte des
droits civiques"293(*). Or, pour les Tutsi du Rwanda, ce n'était pas
seulement les droits civiques qui leur étaient refusés, mais
même les droits fondamentaux.
Il faudrait dès lors que l'ONU puisse
créer ses propres canaux d'information, capables se secouer la
léthargie des grandes puissances qui enferment cette organisation dans
un étau et ne bougent pas tant et aussi longtemps que les grands
médias n'ont pas mis leurs feux sur l'événement.
L'ONU devrait également mettre sur pied un
réseau d'experts en matière des droits de la personne, à
affecter dans différentes régions du monde, et qui sonneraient
l'alarme, chaque fois que les premiers signes d'un génocide
seraient décelés. Ce réseau d'alerte précoce aurait
le rôle de recueillir l'information, de l'analyser et de proposer des
options stratégiques susceptibles de guider une action préventive
de l'ONU. Les responsables pour chacune des régions
concernées devraient pouvoir remettre leurs rapports au
Secrétaire général des Nations Unies, à
qui ces derniers devraient pouvoir accéder en permanence.
Spécialistes des problèmes des droits de la personne dans une
région donnée, ces experts seraient aussi très utiles en
cas d'intervention d'humanité dans cette partie du monde.
5. Codifier l'intervention
d'humanité
En plus des moyens que nous venons de citer, l'ONU
devrait mettre à jour des textes normatifs existants en cette
matière, notamment sa Charte, et combler les lacunes et les
faiblesses y constatées. La Charte de l'ONU a
été imaginée et écrite dans un contexte aujourd'hui
périmé. Les guerres, à l'époque
interétatiques, ont laissé place aux conflits
intra-étatiques. Comme le rappelait il y a peu le président du
CICR, "ce qui caractérise les conflits majeurs d'aujourd'hui, c'est
qu'ils sont en bonne partie - vingt sur vingt-cinq, internes"294(*). À cet égard,
il faudrait donc mettre à jour le code de 1945, afin de l'adapter aux
transformations qui n'ont cessé de se produire, surtout depuis cette
dernière décennie. Pourquoi continuer à suivre une voie,
dès lors qu'il est clair qu'elle ne mène nulle part ?
Comme le note un auteur, "la multiplication des
opérations de maintien de la paix témoigne de l'échec du
système de sécurité prévu par la Charte et qui n'a
jamais pu fonctionner"295(*). De leur côté, ces missions de paix ont
connu beaucoup d'échecs dus aux mandats et aux moyens réduits
leur accordés. Il faudrait dès lors imaginer un nouveau
système qui aurait une capacité suffisante pour prévenir
ces catastrophes et imposer la paix en cas de besoin.
Beaucoup de voix s'élèvent depuis quelques
années, surtout dans les milieux des droits de la personne, pour
réclamer un droit d'intervention d'humanité. Ils estiment que
"le respect de la souveraineté des États devra passer
après le respect des vies humaines et la défense du droit
à l'existence des minorités lorsqu'elles sont menacées par
un État despotique"296(*). D'autres s'étonnent que cela ne soit pas
encore ancré dans la mémoire collective pour déclencher
une réaction internationale positive immédiate. Comme le note un
auteur,
La chute du mur de Berlin, l'effondrement du camp socialiste
ont permis le rapprochement des sensibilités collectives à l'Est
et à l'Ouest. Le temps semblait venu d'affirmer le droit pour les
populations en détresse de recevoir une aide internationale d'urgence
lorsqu'elles ne peuvent être secourues par leurs propres pouvoirs
publics297(*).
Nous appuyons parfaitement cette critique, ainsi que celle de
cet avocat qui notait en 1993, qu'il "est inadmissible qu'aujourd'hui la
Charte (sic) des Nations Unies ne comprenne pas encore de disposition claire
prévoyant le droit d'intervention"298(*). Cette réflexion est
toujours d'actualité. Il suggérait que son pays, la France,
puisse proposer "une addition à la Charte qui dirait clairement que
l'intervention est possible soit lorsqu'un État procède
lui-même à la destruction, à l'avilissement d'une partie de
sa population, soit lorsqu'il laisse une telle destruction se
dérouler"299(*). Quant à la ratification de cet ajout, il
explique que "les pays seraient invités, conformément
à la procédure, à adhérer à un tel texte ou
à le refuser. Ceux qui refuseraient seraient très vite
identifiés comme des agresseurs possibles de leur propre
peuple"300(*).
Nous souscrivons entièrement à cette
réflexion, préconisons davantage le fait que cela ne soit pas
seulement un droit, mais bien plutôt une obligation. Tous les pays
seraient dans l'obligation d'intervenir, sur base d'une Résolution du
Conseil de sécurité naturellement.
Dans le cadre de la codification des pratiques intervenues
à l'ONU depuis un certain nombre d'années, un nouveau
chapitre s'imposerait pour y inscrire expressis verbis ce qui est
souvent désigné comme "le Chapitre six et demi". Celui-ci
comprendrait notamment une disposition relative à l'obligation
d'intervention d'humanité, en cas de menace d'un
génocide et de crimes contre l'humanité, pour que ceci
ne soit plus qu'une faculté, mais bien une obligation.
Cette codification aurait aussi l'avantage de prendre au mot
ceux qui n'évoquent cette intervention que du bout des lèvres.
Feu le Président F. Mitterrand n'avait-il pas, le 30 mai 1989,
annoncé que "l'obligation de non-ingérence s'arrête
à l'endroit précis où naît le risque de
non-assistance"301(*) ? Pourtant, celui-ci ne fit rien ni pour
désavouer le très extrémiste Journal Kangura qui,
ironie du sort, publiait la photo du président français sur la
page de couverture de sa parution où étaient publiés les
dix commandements des Bahutu en 1990, ni pour mettre hors d'état de
nuire, des hordes de tueurs qui chantaient son nom en exterminant des Tutsi en
1994, du bébé au vieillard302(*). La raison serait-elle que le président
Français n'aurait prononcé ces mots que parce qu'il les a,
malgré lui, trouvés dans un discours lui préparé
avec l'aide de Bernard Kouchner303(*) ? Quoi qu'il en soit, l'attitude de son pays devant
le génocide au Rwanda aura démontré que ce n'est
que du bout des lèvres qu'il a laissé échapper cette
phrase.
Le principe de souveraineté étatique, et son
corollaire, la non-intervention des affaires intérieures d'un
État, sont certes des concepts qu'il faut bien défendre, dans le
cadre de la coexistence pacifique. La souveraineté étatique
suppose l'inviolabilité du territoire d'un État, mais
également la non-immixtion, par les tiers, dans les affaires de sa
compétence nationale.
Cependant, le massacre d'une partie de la population pour
l'une ou l'autre raison ne pourrait être retenu comme étant une
affaire intérieure d'un État. En effet, dès lors qu'une
matière touche à l'intégrité physique, voire morale
d'une population d'un État, cela cesse de rester sous la seule
compétence de cet État. Si un État se met hors-la-loi en
organisant ou en laissant commettre un génocide sur une partie
de sa propre population, il va sans dire qu'on ne doit plus le laisser faire.
De même, différentes situations
nécessitant des interventions ne l'ont pas été, ou ont
été caractérisées par des échecs
lamentables. Des millions de personnes ont perdu toute confiance en la
capacité de l'ONU à leur venir en aide en cas de
détresse liée aux conflits internes. L'échec du Rwanda et
des centaines de milliers de vies humaines emportées par le
génocide devraient l'interpeller. Il faudrait que
l'ONU se donne les moyens de rétablir cette confiance.
Comme l'a si bien souligné le Secrétaire
général à l'Assemblée du Millénaire,
"les résolutions et les déclarations ne peuvent rien changer
à cet état de choses, seule l'action le peut : une action rapide,
concertée et efficace, menée avec compétence et
discipline, pour faire cesser les conflits et rétablir la
paix"304(*). Il a,
à juste titre conclu que "ce n'est qu'en agissant ainsi que
l'Organisation des Nations Unies pourra rétablir sa réputation,
celle d'une force crédible au service de la paix et de la
justice"305(*).
À cet égard, des structures nouvelles
s'imposent, afin de créer un monde où le génocide
ne figurera plus que dans des livres d'histoire. Ceci passe notamment par la
révision de la composition du Conseil de sécurité (art.
23.1 de la Charte), du mode de prise de décision au sein de ce
Conseil (art. 27.3) de l'étroite collaboration de l'ONU et des
organismes régionaux (chapitre VIII), ainsi que par la mise sur pied
d'une force d'intervention rapide.
6. Revoir la composition du Conseil de
sécurité et du mode de prise de décision au sein de
celui-ci
Lors de la création de l'ONU, celle-ci
était essentiellement composée des pays du Nord, ceux du Sud
étant encore sous la colonisation de certains de ces premiers. Le
rayonnement de la Charte des Nations Unies n'éclairait
donc que l'hémisphère Nord de la Terre, autrement
dénommé "pays civilisés". Aujourd'hui, la
quasi-totalité des États du monde sont devenus des "pays
civilisés".
Au nombre d'une cinquantaine à l'origine, les
États membres de l'ONU sont à l'heure actuelle à
peu près quatre fois plus. Cependant, la composition du Conseil de
sécurité n'a été que faiblement
modifiée306(*)
jusqu'à présent. Il serait dès lors grand temps pour que
ce Conseil puisse refléter l'image actuelle de la communauté des
États membres l'ONU et permettre une meilleure
représentation des pays du Sud, tant en ce qui concerne les membres
permanents que non- permanents.
Une représentation équitable des pays du Sud est
un élément important en faveur de la paix et la
sécurité dans le monde. Il a été noté plus
haut le rôle joué par le représentant du Nigeria pour
plaider, hélas sans succès, auprès du Conseil de
sécurité, pour l'intervention au Rwanda au plus fort du
génocide. Sa voix aurait probablement été
entendue si cet État figurait parmi les membres permanents. Reste
à savoir si pour chaque région les pays pourraient s'entendre
pour présenter des candidatures unanimes.
Quant à la réforme concernant le mode de prise
de décision du Conseil, la question du droit de veto semble
encore résister à la vague de changement, en vertu du rôle
prépondérant que ce moyen exorbitant accorde à ses
détenteurs. Il faut noter que l'abolition de cet instrument
antidémocratique tient de la quadrature du cercle. En effet, selon
l'article 108 de la Charte des Nations Unies, aucun amendement de
celle-ci ne peut entrer en vigueur s'il n'est pas adopté par tous les
membres du Conseil de sécurité.
Or, ce sont justement ces derniers qui jouissent de la
supériorité qu'offre ce droit de veto. Il serait dès lors
utopique de penser que ces États accepteront volontiers de s'en
dépouiller. L'alternative à cette problématique serait
alors de s'abstenir d'abuser de ce droit de veto pour des situations
nécessitant une intervention d'humanité, et de rendre sa
motivation obligatoire au cas où l'un ou l'autre membre permanent en
ferait un usage abusif pour paralyser une action en faveur de la paix. Ceci
impliquerait également une responsabilité internationale de
l'État ayant mis son veto à cette action.
Dans le même ordre d'idées, les décisions
du Conseil de sécurité devraient pouvoir être effectivement
exécutoires. Il appartient bien entendu à celui-ci de trouver les
mécanismes de les faire exécuter, en prévoyant notamment
des sanctions efficaces à l'endroit des récalcitrants. En effet,
comme le signale un auteur, "le droit ne peut malheureusement pas compter
sur sa force morale intrinsèque pour s'imposer à ses sujets.
L'institution d'un système contraignant se révèle
indispensable pour assurer l'application des normes juridiques"307(*). Il faudrait en outre une
volonté politique suffisante des États, pour doter l'ONU
d'un budget lui permettant de mobiliser des moyens humains et matériels
suffisants pour s'acquitter de ses obligations.
7. Mettre sur pied une force d'intervention
rapide
Il serait illusoire de penser que toutes ces prescriptions et
recommandations que nous venons d'évoquer sont une panacée pour
la résolution de tous les problèmes en matière de
violations graves et massives des droits de la personne. C'est pourquoi nous
recommandons aussi la mise sur pied d'une force d'intervention rapide, pouvant
jouer un double rôle : d'abord comme un moyen de dissuasion dans le cadre
de la prévention, ensuite comme une force d'une rapidité
immédiate et fulgurante afin de mettre hors d'état de nuire et
sans délai, toute entité voulant s'adonner à la
perpétration de crime de génocide ou de crimes contre
l'humanité.
La Charte de l'ONU avait prévu en son article
43, la création d'une armée des Nations Unies
constituée de contingents prêtés par les pays membres, afin
de contribuer au maintien de la paix et la sécurité
internationale. Cette armée devait être dirigée par le
Conseil de sécurité avec l'aide d'un état-major (art. 45
et 46). Ce dernier devait se composer de chefs d'état-major des membres
permanents du Conseil de sécurité ou de leurs
représentants (art. 47). Cette structure n'a jamais vu le jour en raison
des divergences de vue entre les deux grands de l'époque. Celle-ci ayant
été conçu pour lutter contre les conflits
interétatiques, elle ne serait pas aujourd'hui appropriée pour la
majorité des conflits actuels, qui sont essentiellement internes.
Nous recommandons donc la constitution à court terme
d'une unité d'intervention rapide, composée de forces
homogènes crédibles et prêtes à intervenir
préventivement dans n'importe quelle région du monde où
une situation pré-génocidaire serait décelée.
L'homogénéité des troupes offre une cohérence dont
ne dispose pas des forces disparates, ce qui contribue au succès plus
que tout autre facteur. En effet, si l'expérience a
démontré que les interventions réussies sont celles
entreprises avec le soutien décidé des forces d'une puissance
militaire, le secret de cette réussite réside surtout dans la
cohésion et la coordination des activités sur le terrain. Une
chaîne de commandement ordonnée est un élément
essentiel pour le succès d'une mission militaire. Cette unité
d'intervention rapide serait à long terme remplacée par des
forces régionales une fois constituées et consolidées.
8. Favoriser une collaboration étroite entre
l'ONU et les organismes régionaux et constituer des forces
régionales d'intervention d'humanité
Le chapitre VIII de la Charte de l'ONU donne aux
accords ou organismes régionaux, le pouvoir de régler les
affaires qui touchent à la paix et la sécurité
internationales, à condition que leur activité respecte les buts
et principes des Nations Unies, et que le Conseil de
sécurité soit pleinement informé de toute action
entreprise ou envisagée en vertu de ces accords ou par ces organismes.
Ce droit comporte notamment le pouvoir d'exercer une action coercitive, avec
autorisation préalable du Conseil de sécurité.
Cette disposition est d'autant plus avantageuse que des
conflits internes que l'on observe aujourd'hui sont d'origine locale, et que
dès lors des acteurs régionaux sont mieux placés, d'abord
pour les comprendre et les prévenir, ensuite pour les faire
disparaître, et ce avec de moindres moyens. Il est important de noter que
ce système de solidarité régionale peut être
déclenché, soit d'initiative par des puissances régionales
mais avec l'aval explicite du Conseil de sécurité, soit sur
décision de ce dernier.
Cependant, la pratique révèle que les
ressources de ce système, quoique limitées, ont rarement
été mises à contribution. Il faudrait donc que
l'ONU favorise la formation des ensembles régionaux et appuie
ces entités là où elles existent, en les dotant de moyens
humains et matériels, en vue de leur permettre d'assumer des
responsabilités régionales en matière de paix.
La délégation des pouvoirs aux organismes
régionaux ne doit toutefois pas impliquer pour l'ONU la fuite
de ses responsabilités en matière de paix et de
sécurité.
Cette collaboration devrait permettre la constitution de
forces régionales, dont la formation serait assurée par des
experts militaires agissant sous la responsabilité de l'ONU et
dont l'équipement serait fourni par celle-ci. Une bonne formation
militaire, civique et humanitaire constitue un atout qui fait autant
défaut aux militaires du Sud que de l'équipement, alors qu'elle
est très importante pour la réussite d'une intervention
d'humanité.
Ces forces régionales seraient composées de
militaires des pays de la région. La formation et l'entraînement
seraient régulièrement entrepris ensemble et leurs chaînes
de commandement seraient tout à fait indépendantes de leurs
armées d'origine au moment des interventions. Ces forces remplaceraient
alors progressivement la force d'intervention rapide de l'ONU, qui
n'aurait plus sa raison d'exister.
Aussi longtemps que les organisations régionales
n'auraient pas encore acquis les moyens de financer de telles forces, la solde
des militaires durant les campagnes ainsi que toute la logistique
nécessaires à la bonne marche des opérations seraient
supportés par l'ONU.
Il est vrai que l'ONU n'est pas un super-État
mais bien une organisation inter-États. Elle ne peut donc accomplir que
ce dont les États membres, surtout les plus influents, veulent bien lui
donner les moyens de faire. L'engagement des États dans le domaine des
interventions d'humanité a jusqu'ici été très
mitigée, surtout en raison des coûts financiers y
relatifs308(*).
Les responsables des pays membres permanents du Conseil de
sécurité devraient avoir la volonté politique
d'éradiquer une fois pour toutes, les fléaux qui menacent
l'extinction de populations faibles ou minoritaires. Ce n'est que lorsqu'ils
comprendront que la lutte contre le génocide et les crimes
contre l'humanité n'a pas de prix, que le monde pourra vivre en paix.
CONCLUSION
Il nous est permis, au terme de cette étude, de poser
un postulat. La lutte contre le crime de génocide n'a pas, sur
les plans national et international, retenu toute l'attention qu'elle
méritait.
Nous avons démontré combien les pères
fondateurs de la Charte des Nations Unies n'ont pas tenu en
considération l'extrême inhumanité de ce crime qu'ils
venaient juste de découvrir. Le "plus jamais ça !" n'a
pas été suivi d'actes décidés des Nations
Unies pour le concrétiser.
C'est ainsi que l'intérêt de la Charte
des Nations Unies a porté prioritairement sur la lutte contre
les conflits interétatiques, sans rien prévoir contre les
conflits intra-étatiques. Le principe de l'égalité
souveraine des États, base du droit international contemporain, n'a pas
été assoupli par des accommodements dans la Charte,
permettant de porter secours à des populations menacées par leurs
propres gouvernements.
L'institution de "Missions de maintien de la paix", par
l'envoi sur le terrain de casques bleus de l'ONU, n'a pas eu plus de
succès contre la prolifération de conflits internes, devant
lesquels les "casques bleus" se trouvent complètement démunis. En
effet, ces missions de l'ONU sont le plus souvent mises sur pied pour
faciliter le maintien d'un cessez-le-feu et la mise en application d'un accord
entre les parties qui étaient en conflit, mais elles n'ont d'autre
alternative que de se retirer une fois la trêve rompue.
L'apparition récente de la notion d'intervention
d'humanité n'a pas non plus résolu ce problème.
Quoique la pratique ait, depuis un certain nombre d'années, introduit
ce dernier concept, il n'en demeure pas moins que son application répond
plus à des considérations liées aux intérêts
particuliers des États puissants qu'à favoriser
l'émergence d'une coutume internationale en la matière. La
codification de ce principe s'impose dès lors, afin de mettre fin
à son exercice suivant la règle de "deux poids et deux mesures".
Comme le dit un auteur, "l'appel à l'ingérence humanitaire a
toujours été remarquablement sélectif"309(*). Il faudrait que cela cesse
d'être une faculté, mais plutôt un droit, voire une
obligation.
Quoique le grand oubli de la Charte des Nations
Unies ait été corrigé par la Convention du 9
décembre 1948 sur le génocide, le texte de cette
dernière comporte lui-même des lacunes qui n'ont jamais
été comblées, en plus de certaines de ses prescriptions
pourtant importantes restées lettres mortes.
Il serait naïf de penser en effet qu'il suffit à
des États, qu'une convention ayant mission de prévenir le
génocide soit ratifiée pour la voir respectée,
sans que des mécanismes pertinents soient mis en place pour veiller
à son respect. L'absence prolongée d'une cour criminelle
internationale, elle-même prévue par ladite convention, aura
été un autre grand coup porté au respect de cette
Convention. Il est à espérer que les perspectives
prochaines de l'existence de ce tribunal seront suivies de la mise sur pied
d'organes chargés de la prévention. Qui plus est, le jour
où la non-assistance à peuple en danger sera
considérée commun un délit en droit international,
l'humanité aura franchi une étape importante dans son
humanisme.
Nous avons cependant relevé que les textes normatifs
existants, même lacunaires, suffiraient amplement à procurer
à tout individu, s'ils étaient appliqués, une
entière garantie contre l'injustice. C'est donc moins les limites de la
loi internationale que sa mollesse dans la mise en application qu'il faut
mettre en cause. C'est cela le droit international. Il n'existe pas, comme en
droit interne, d'autorité supranationale investie du pouvoir de le
faire respecter310(*).
Les ambitieuses propositions de la réforme de la Charte des Nations
Unies et de la Convention sur le génocide que nous
proposons ont-elles une chance de voir le jour dans un proche avenir ? Nous
l'espérons !
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Éssais écrits au fil des ans, Paris, PUF, 1990, 504 p.
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5. Jurisprudence, avis et décisions
a. Cour internationale de justice
C.I.J. Barcelona traction light and power company
(Belgique/Espagne), Fond (2è phase), 5.02.1970, (1970) Recueil 6, 1970,
à la p. 3
C.I.J., Conséquences juridiques pour les États
de la présence continue de l'Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest
Africain) nonobstant la Résolution 276 (1970) du Conseil de
sécurité, Avis consultatif du 21 juin 1971, Recueil des
arrêts, avis consultatifs et ordonnances, 1951, à la p. 6, §
114
C.I.J., Réserves à la Convention pour la
prévention et la répression du crime de génocide.
Avis consultatif du 28 mai 1951, Recueil des arrêts, avis consultatifs et
ordonnances, 1951, à la p. 15
b. Tribunal pénal international pour le
Rwanda
ICTR, LE PROCUREUR C/ JEAN-PAUL AKAYESU, Affaire N.
ICTR-96-4-T, date de la décision : 2 septembre1998
ICTR, LE PROCUREUR C/ JEAN KAMBANDA, Affaire No:
ICTR-97-23-S, date de la décision : 4 septembre 1998
c. Tribunal pénal international pour
l'ex-Yougoslavie
ICTY, LE PROCUREUR c/ SLOBODAN MILOSEVIC, MILAN MILUTINOVIC,
NIKOLA SAINOVIC, DRAGOLJUB OJDANIC, VLAJKO STOJILJKOVIC, (IT-99-37), Acte
d'accusation du 24 mai 1999
d. Tribunaux internes
Canada, Affaire R. c. Finta, [1994] 1 R.C.S. 701, 88
C.C.C. (3d) 417, 112 D.L.R. (4th) 513, 150 N.R. 370.
6. Résolutions du Conseil de
sécurité
Résolution S/RES/872 (1993), du 5 octobre 1993
(création de la MINUAR)
Résolution S/RES/912 (1994), du 21 avril 1994, (retrait de
la MINUAR)
Résolution S/RES/918 (1994), du 17 mai 1994
(création de la MINUAR II)
Résolution S/RES/929 (1994), du 22 juin 1994 (autorisant
l'Opération turquoise)
Résolution S/RES/955 (1994), 8 novembre 1994
(créant le TPIR)
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RGDIP, Paris, Pédone, 1991
Boustany, Katia, La qualification des conflits en droit
international et le maintien de la paix, RQDI, 1989
Corten, Olivier, et Klein Pierre, Action humanitaire et
chapitre VII : la redéfinition du mandat et des moyens d'action des
forces des Nations Unies, A.F.D.I., 1993
Doucet, Ghislaine, La responsabilité pénale des
dirigeants en exercice, Actualité et Droit
international, janvier 2001
Fichet, Isabelle, et Boyle, David, Le jugement de la Chambre
des Lords dans l'affaire Pinochet, Actualité et Droit
International, décembre 1998
Lippman, M., Genocide : The Crime of the Century, the
Jurisprudence of Death at the Dawn of the New Millennium, Houston
Journal of International Law, Spring, 2001
Muxart, Anne, Immunité de l'ex-chef d'État et
compétence universelle : quelques réflexions à propos de
l'affaire Pinochet, Actualité et Droit
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Originalité et ambiguïté, (1991)1
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8. Codes
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Le Monde, 20 avril 1991
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ANNEXES
- Convention internationale pour la prévention et la
répression du crime de génocide
- Résolution S/RES/872 (1993) du 5 octobre 1993
créant la MINUAR I
- Résolution S/RES/912 (1994) du 21 avril 1994 relatif au
retrait de la MINUAR
- Résolution S/RES/918 (1994) du 17 mai 1994
créant la MINUAR II
- Résolution S/RES/929 (1994) du 22 juin 1994 autorisant
l'opération Turquoise
- Résolution S/RES/955 (1994) du 08 novembre 1994
créant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR)
1. Convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide
Approuvée et soumise à la signature et
à la ratification ou à l'adhésion par l'Assemblée
générale dans sa résolution 260 A (III) du 9
décembre 1948
Entrée en vigueur : le 12 janvier 1951,
conformément aux dispositions de l'article XIII
Les Parties contractantes,
Considérant que l'Assemblée générale
de l'Organisation des Nations Unies, par sa résolution 96 (I) en date du
11 décembre 1946, a déclaré que le génocide est un
crime du droit des gens, en contradiction avec l'esprit et les fins des Nations
Unies et que le monde civilisé condamne.
Reconnaissant qu'à toutes les périodes de
l'histoire le génocide a infligé de grandes pertes à
l'humanité,
Convaincues que pour libérer l'humanité d'un
fléau aussi odieux la coopération internationale est
nécessaire,
Conviennent de ce qui suit :
Article premier
Les Parties contractantes confirment que le génocide,
qu'il soit commis en temps de paix ou en temps de guerre, est un crime du droit
des gens, qu'elles s'engagent à prévenir et à punir.
Article II
Dans la présente Convention, le génocide s'entend
de l'un quelconque des actes ci-après, commis dans l'intention de
détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou
religieux, comme tel :
a) Meurtre de membres du groupe;
b) Atteinte grave à l'intégrité physique ou
mentale de membres du groupe;
c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions
d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou
partielle;
d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du
groupe;
e) Transfert forcé d'enfants du groupe à un autre
groupe.
Article III
Seront punis les actes suivants :
a) Le génocide;
b) L'entente en vue de commettre le génocide;
c) L'incitation directe et publique à commettre le
génocide;
d) La tentative de génocide;
e) La complicité dans le génocide.
Article IV
Les personnes ayant commis le génocide ou l'un quelconque
des autres actes énumérés à l'article III seront
punies, qu'elles soient des gouvernants, des fonctionnaires ou des
particuliers.
Article V
Les Parties contractantes s'engagent à prendre,
conformément à leurs constitutions respectives, les mesures
législatives nécessaires pour assurer l'application des
dispositions de la présente Convention, et notamment à
prévoir des sanctions pénales efficaces frappant les personnes
coupables de génocide ou de l'un quelconque des autres actes
énumérés à l'article III.
Article VI
Les personnes accusées de génocide ou de l'un
quelconque des autres actes énumérés à l'article
III seront traduites devant les tribunaux compétents de l'Etat sur le
territoire duquel l'acte a été commis, ou devant la cour
criminelle internationale qui sera compétente à l'égard de
celles des Parties contractantes qui en auront reconnu la juridiction.
Article VII
Le génocide et les autres actes
énumérés à l'article III ne seront pas
considérés comme des crimes politiques pour ce qui est de
l'extradition.
Les Parties contractantes s'engagent en pareil cas à
accorder l'extradition conformément à leur législation et
aux traités en vigueur.
Article VIII
Toute Partie contractante peut saisir les organes
compétents de l'Organisation des Nations Unies afin que ceux-ci
prennent, conformément à la Charte des Nations Unies, les mesures
qu'ils jugent appropriées pour la prévention et la
répression des actes de génocide ou de l'un quelconque des autres
actes énumérés à l'article III.
Article IX
Les différends entre les Parties contractantes relatifs
à l'interprétation, l'application ou l'exécution de la
présente Convention, y compris ceux relatifs à la
responsabilité d'un État en matière de génocide ou
de l'un quelconque des autres actes énumérés à
l'article III, seront soumis à la Cour internationale de Justice,
à la requête d'une partie au différend.
Article X
La présente Convention, dont les textes anglais, chinois,
espagnol, français et russe feront également foi, portera la date
du 9 décembre 1948.
Article XI
La présente Convention sera ouverte jusqu'au 31
décembre 1949 à la signature au nom de tout Membre de
l'Organisation des Nations Unies et de tout État non membre à qui
l'Assemblée générale aura adressé une invitation
à cet effet.
La présente Convention sera ratifiée et les
instruments de ratification seront déposés auprès du
Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies.
A partir du 1er janvier 1950, il pourra être
adhéré à la présente Convention au nom de tout
Membre de l'Organisation des Nations Unies et de tout État non membre
qui aura reçu l'invitation susmentionnée.
Les instruments d'adhésion seront déposés
auprès du Secrétaire général de l'Organisation des
Nations Unies.
Article XII
Toute Partie contractante pourra, à tout moment, par
notification adressée au Secrétaire général de
l'Organisation des Nations Unies, étendre l'application de la
présente Convention à tous les territoires ou à l'un
quelconque des territoires dont elle dirige les relations
extérieures.
Article XIII
Dès le jour où les vingt premiers instruments de
ratification ou d'adhésion auront été
déposés, le Secrétaire général en dressera
procès-verbal. Il transmettra copie de ce procès-verbal à
tous les États Membres de l'Organisation des Nations Unies et aux
États non membres visés par l'article XI.
La présente Convention entrera en vigueur le
quatre-vingt-dixième jour qui suivra la date du dépôt du
vingtième instrument de ratification ou d'adhésion.
Toute ratification ou adhésion effectuée
ultérieurement à la dernière date prendra effet le
quatre-vingt-dixième jour qui suivra le dépôt de
l'instrument de ratification ou d'adhésion.
Article XIV
La présente Convention aura une durée de dix ans
à partir de la date de son entrée en vigueur.
Elle restera par la suite en vigueur pour une période de
cinq ans, et ainsi de suite, vis-à-vis des Parties contractantes qui ne
l'auront pas dénoncée six mois au moins avant l'expiration du
terme.
La dénonciation se fera par notification écrite
adressée au Secrétaire général de l'Organisation
des Nations Unies.
Article XV
Si, par suite de dénonciations, le nombre des parties
à la présente Convention se trouve ramené à moins
de seize, la Convention cessera d'être en vigueur à partir de la
date à laquelle la dernière de ces dénonciations prendra
effet.
Article XVI
Une demande de révision de la présente Convention
pourra être formulée en tout temps par toute Partie contractante,
par voie de notification écrite adressée au Secrétaire
général.
L'Assemblée générale statuera sur les
mesures à prendre, s'il y a lieu, au sujet de cette demande.
Article XVII
Le Secrétaire général de l'Organisation des
Nations Unies notifiera ce qui suit à tous les États Membres de
l'Organisation et aux États non membres visés par l'article XI :
a) Les signatures, ratifications et adhésions
reçues en application de l'article XI :
b) Les notifications reçues en application de l'article
XII;
c) La date à laquelle la présente Convention
entrera en vigueur, en application de
l'article XIII ;
d) Les dénonciations reçues en application de
l'article XIV;
e) L'abrogation de la Convention en application de l'article
XV;
f) Les notifications reçues en application de l'article
XVI.
Article XVIII
L'original de la présente Convention sera
déposé aux archives de l'Organisation des Nations Unies.
Une copie certifiée conforme sera adressée à
tous les États Membres de l'Organisation des Nations Unies et aux
États non membres visés par l'article XI.
Article XIX
La présente Convention sera enregistrée par le
Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies
à la date de son entrée en vigueur.
* 1 United Nations, The
United Nations and Rwanda, 1993-1996, Blue Books Series, Volume X, New
York, Department of Public Information, 1996, à la p. 202.
* 2 R. Lemkin, Axis Rule in
Occupied Europe, Washington, Carnegie Endowment for International Peace,
1944, à la p. 79. Voir aussi, Y. Ternon, L'État criminel. Les
génocides au XXe siècle, Paris, Seuil, 1995, à la p.
17.
* 3 Nations Unies,
Convention pour la prévention et la répression du crime de
génocide du 09 décembre 1948, doc. ST/HR/1/Rev. 3, p.143; 78
R.T.N.U.277.
* 4 C. Braeckman,
Rwanda, Histoire d'un génocide, Paris, Fayard, 1994,
à la p. 8.
* 5 Une polémique ouverte
oppose Filip Reyntjens et René Lemarchand contre Jean-Pierre
Chrétien et Claudine Vidal. Les premiers sont considérés
comme des "ethnistes", les seconds comme des "anti-ethnistes". Pour plus
d'informations à ce sujet, lire la très belle analyse de
Dominique Franche dans Généalogie d'un génocide,
Turin, Édition Mille et une nuits, 1997, de la p. 9 à la p.
18.
* 6 Human Rights Watch &
Fédération Internationale des Ligues des Droits de l'Homme
[ci-après HRW & FIDH], Aucun témoin ne doit survivre, Le
Génocide au Rwanda, Paris, Karthala, 1999, à la p. 45.
* 7 Rapport :
Mission d'information sur le Rwanda [ci-après Rapport ANF],
en ligne : Assemblée nationale française
<
http://www.assemblee-nationale.fr.2/2rwanda.html
> (date d'accès : 12 février 2000).
* 8 Rapport de la
Commission d'enquête parlementaire concernant les
événements du Rwanda [ci-après Rapport Sénat
de Belgique], en ligne :Sénat de Belgique
<
http://www.senate.be/senbeldocs/rwanda/1-152_fr.html>
(date d'accès : 10 février 2000).
* 9 Ibid.
* 10 HRW & FIDH,
supra, note 6, à la p. 51.
* 11 Rapport du
Groupe international d'éminentes personnalités institué
par l'OUA, 18 juillet 2000 [ci-après Rapport OUA], en
ligne: OUA
<http://www.OAU-OUA.org/document/ipep/report/rwanda-f/FR-03-CH.htmal>
(date d'accès : 30.07.2000).
* 12 C. Braeckman,
supra, note 4, à la p. 55.
* 13 Ibid.,.
à la p. 52.
* 14 M. Sitbon, Un
génocide sur la conscience, Paris, édition l'Esprit
frappeur, 1998, à la p. 13.
* 15 C. Braeckman,
supra, note 4, à la p. 65.
* 16 HRW & FIDH,
supra, note 6, à la p.64.
* 17 HRW & FIDH,
supra, note 6, de la p. 107 à la p. 111.
* 18 Rapport OUA,
supra, note 11.
* 19 FIDH, AFRICA WATCH,
UIDH et CIDPDD, Rapport de la commission internationale d'enquête sur
les violations des droits de l'homme au Rwanda depuis le 1er octobre
1990 (7-21 janvier 1993) (document inédit).
* 20 M. Ba, RWANDA, Un
génocide Français, Paris, Éditions Esprit Frappeur,
1997, à la p. 12.
* 21 United Nations,
supra, note 1, à la p. 193.
* 22 Ibid. (c'est
nous qui soulignons).
* 23 Ibid.,
à la p. 231.
* 24 Comparer l'article 54 du
paragraphe 2 de l'Accord d'Arusha, avec l'article 3 de la résolution 872
du Conseil de sécurité créant la MINUAR I.
* 25 Rapport ANF, supra,
note 7.
* 26 HRW & FIDH,
supra, note 6, à la p.730.
* 27 Clinton Administration
Policy on Reforming Multilateral Peace Operations (PDD 25),
en ligne : State Department information <
http://www.state.gov/www/issues/un_clinton_policy.html>
(date d'accès : 21 août 2001).
* 28 Report of the
independent inquiry into the actions of the United Nations during the 1994
genocide in Rwanda, 15 December 1999 [ci-après Rapport ONU],
en ligne : O.N.U. <
http://www.un.org/News/ossg/rwanda_report.htm
>, (date d'accès : 29 août
2001).
* 29 HRW & FIDH,
supra, note 6, à la p.730.
* 30 Ibid., à
la p. 25.
* 31 HRW
& FIDH, supra, note 6, à la p. 27.
* 32 J.C. Willame, L'ONU au
RWANDA, Liège, Éditions Labor, 1996, à la p. 27.
* 33 Il s'agit de la milice
affiliée au parti du Président de la république à
l'époque.
* 34 Rapport ANF,
supra, note 7.
* 35 HRW & FIDH,
supra, note 6, à la p. 201.
* 36 Rapport Sénat de
Belgique, supra, note 8.
* 37 HRW & FIDH,
supra, note 6, à la p. 202.
* 38 Ibid., à
la p. 203.
* 39 Ibid., à
la p. 249.
* 40 Ibid., à
la p. 252.
* 41 Ibid., à
la p. 252.
* 42 F. Reyntjens, RWANDA,
Trois jours qui ont fait basculer l'histoire, Paris, Éditions
l'Harmattan, 1995, à la p. 62.
* 43 Ibid., à
la p. 223.
* 44 HRW & FIDH,
supra, note 6, à la p. 701.
* 45 Rapport Sénat de
Belgique, supra, note 8.
* 46 HRW & FIDH,
supra, note 6, à la p. 239.
* 47 Ibid., à
la p. 711.
* 48 HRW & FIDH,
supra, note 6, à la p. 30.
* 49 J.C. Willame,
supra, note 32 , à la p. 35.
* 50 United Nations,
supra, note 1, à la p. 259.
* 51 Ibid., à
la p. 260.
* 52 Ibid., à
la p. 262.
* 53 Ibid., à
la p. 264.
* 54 Ibid., à
la p. 263.
* 55 Rapport OUA,
supra, note 11.
* 56 Rapport OUA,
supra, note 11.
* 57 HRW & FIDH,
supra, note 6, à la p. 734.
* 58 Rapport OUA,
supra, note 11.
* 59 Rapport Sénat de
Belgique, supra, note 8.
* 60 Intervieuw avec Iqbal
Riza, en ligne : Journal PBS <
http://www.pbs.org/wgbh/pages/frontline/shows/evil/interviews/riza/html
> (date d'accès : 10.02.2001).
* 61
Rapport Sénat de Belgique, supra, note 8.
* 62 Rapport OUA,
supra, note 11.
* 63 Ibid.
* 64 Ibid.
* 65 United Nations,
supra, note 1, à la p. 285.
* 66 HRW & FIDH,
supra, note 6, à la p.755.
* 67 Rapport OUA,
supra, note 11.
* 68 HRW & FIDH,
supra, note 6, à la p.334.
* 69 Ibid., à
la p. 773.
* 70 Ibid., à
la p. 339.
* 71 Ibid., à
la p. 334.
* 72 United Nations,
supra, note 1, à la p. 254.
* 73 Ibid., à
la p. 300.
* 74 Rapport ANF,
supra, note 7.
* 75 Ibid.
* 76 United Nations,
supra, note 1, à la p. 270.
* 77 Ibid., à
la p. 277.
* 78 Ibid., à
la p. 282.
* 79 C.I.J.,
Conséquences juridiques pour les États de la présence
continue de l'Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest Africain) nonobstant la
Résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, Avis
consultatif du 21 juin 1971, Recueil des arrêts, avis consultatifs et
ordonnances, 1951, à la p. 6, § 114.
* 80 S/RES/918 (1994), 17 mai
1994, partie A.1.
* 81 United Nations,
supra, note 1, à la p.283.
* 82 Ibid., à
la p. 304.
* 83 Ibid., à
la p. 308.
* 84 HRW & FIDH,
supra, note 6, à la p. 777.
* 85 G. PRUNIER, Rwanda,
1959-1996 Histoire d'un génocide, Milan, Éditions Dagorno,
1997, à la p. 348.
* 86 Nous avons vu que les
tueries de masse avaient été arrêtées depuis que des
mises en garde avaient été lancées par quelques
autorités au niveau international. Voir le point 4, Section 2 de
l'introduction, pages 25 et 26.
* 87 G. PRUNIER,
supra, note 85, à la p. 348.
* 88 G. PRUNIER, Au Rwanda,
le génocide tel qu'il s'est produit, dans Le Monde diplomatique,
octobre 1999, à la p. 16.
* 89 United Nations,
supra, note 1, à la p. 290.
* 90Ibid., à la
p.387.
* 91 O. Rusbach, ONU
contre ONU, Le droit international confisqué, Paris,
Éditions La Découverte, 1994, à la p. 9.
* 92 C.N.U.O.I., vol. 15,
p. 365 (texte original); [1945] R.T. Can. n 7, telle qu'amendée par
(1963) 557 R.T.N.U. 143, (1965) 638 R.T.N.U. 306, [1973] R.Can. n4.
* 93 A.G. Rés.217 A
(III), Doc. N.U. A/810 1948.
* 94 (1976) 999 R.T.N.U. 171,
[1976] R.T.Can. n 47, R.E.I.Q. (1984-89), n 1976 (5), à la p. 817.
* 95 (1976) 993 R.T.N.U. 3,
[1976] R.T.Can. n 46, R.E.I.Q. (1984-89) n 1976 (3), à la p. 808.
* 96 Voir supra, note
94
* 97 W. Schabas,
Précis du droit international des droits de la personne,
Cowansville, éditions Yvon Blais, 1997, à la p. 52.
* 98 Ibid., à
la p. 9.
* 99 Amnesty international,
Au-delà de l'État, "le droit international et la
défense des droits de l'homme", Paris, Éditions francophones
d'Amnesty international, 1985, à la p. 17.
* 100 L'Europe des
traités de Westphalie, Esprit de la diplomatie et diplomatie de
l'esprit. Colloque de Paris, du 24-26 septembre 1998, en
ligne : France - Ministère des affaires
étrangères
<http://www.France.diplomatie.fr/archives/westphalie/infos/collocs.html>
(date d'accès : 20.01.2001).
* 101 C'est le
Pacte Briand-Kellogg du 28 août 1928 qui va prohiber la guerre
comme moyen de règlement des conflits internationaux. Subsistera
seulement le droit de faire la guerre pour la légitime défense et
le maintien de la paix publique. Il s'agit quand même ici d'une
étape importante dans le domaine du "jus ad bellum".
* 102 P. GERBET, Les
organisations internationales, Paris, P.U.F., 1972, à la p. 18.
* 103 Article 16§2.
* 104 M. Bettati, Le droit
d'ingérence. Mutation de l'ordre international, Paris,
Éditions Odile Jacob, 1995, à la p. 18.
* 105 Ibid.
* 106 G. Scelle, Droit
international public, Paris, Éditions Domat-Montcrestien, 1944,
à la p. 47.
* 107 P. Gerbet,
supra, note 102, à la p. 58.
* 108 V-Y. Ghebali, art. 106
de la Charte, dans J.P. Cot et A.Pellet, (dir.) La Charte des
Nations Unies, Commentaires article par article, 2è
éd., Paris, Economica, 1991, à la p. 1410.
* 109 Ibid., à
la p. 13.
* 110 H. Kelsen, The law
of the United Nations, London, Stevens and Sons, 1951, à la p. 200
et suivantes.
* 111 J. Ballaloud,
L'ONU et les opérations de maintien de la paix, Paris,
Pédone, 1971, à la p. 20.
* 112 R. Daoudi, art. 35 de la
Charte, dans J.P. Cot et A. Pellet, supra, note 108,
à la p. 599.
* 113 Contrairement au
prescrit de l'article 27.3 de la Charte des Nations Unies qui
stipule que les décisions du Conseil de sécurité
requièrent un vote affirmatif de tous ses membres permanents, une
pratique qui aura plus tard valeur de coutume est née depuis lors pour
signifier qu'en l'absence d'un veto, la décision du Conseil est
valablement prise. Cette interprétation s'étendra aux
abstentions. Il ne s'agit donc plus d'un vote affirmatif de tous les membres
permanents du Conseil, il suffit qu'il n'y ait pas eu de veto.
* 114 J. Ballaloud,
supra, note 111, à la p. 29.
* 115 R. Degni-Segui, art. 24
de la Charte, dans J.P. Cot et A.Pellet, supra, note 108,
à la p. 464.
* 116 Nations
Unies, A B C des Nations Unies, New York, Publications des
Nations Unies, 1998, à la p. 83.
* 117 G. Cohen Jonathan, art.
39 de la Charte, dans J.P. Cot et A. Pellet, supra, note 108,
à la p. 655.
* 118 Le Monde diplomatique,
De la naissance d'un État, à la crise d'un régime
:
<http://www.monde-diplomatique.fr/cahier/irak/ONU688>
(date d'accès : 15 février 2001).
* 119 P.M. Eisemann, art. 41
de la Charte, dans J.P. Cot et A. Pellet, supra, note 108,
à la p. 696.
* 120 Ibid., à
la p. 702.
* 121 J.F. Muracciole,
L'ONU depuis 1945, Poitiers, Aubin, 1996, à la p. 24.
* 122 V-Y. Ghebali, art. 106
de la Charte, dans J.P. Cot et A. Pellet, supra, note
108, à la p. 1416.
* 123 Ibid.
* 124 Pour de plus amples
informations à ce sujet, voir l'étude de M. Virally, Les
Nations Unies et l'affaire du Congo, AFDI, 1961, aux pages 562 et
suivantes.
* 125 J. Ballaloud,
supra, note 111, à la p. 49.
* 126 Ibid.
* 127 Ibid.
* 128 C'est le
représentant du Canada aux Nations Unies, M.LESTER B. PEARSON,
qui suggéra la création d'une force internationale pour
s'interposer entre les parties belligérantes, en attendant qu'elles
parviennent à un règlement politique.
* 129 J. Ballaloud,
supra, note 111, à la p. 56
* 130 Pour de plus amples
précisions à ce sujet, voir W. Schabas, supra, note
97, à la p. 56.
* 131 À ce propos,
il convient de noter que la plupart des traités ne sont valables
qu'entre parties contractantes, alors qu'une règle d'origine
coutumière s'impose à tous ceux qu'elle est en mesure de toucher,
sans tenir compte de leur volonté, à l'exception de ceux qui
auraient explicitement marqué leur désaccord avec celle-ci.
* 132 W.A. Schabas, supra,
note 97, à la p. 64.
* 133 F. Sudre, Droit
International et européen des droits de l'homme, Paris, P.U.F.,
1989, à la p. 267.
* 134 Ibid.
* 135 J.M. Arbour, Droit
International Public, 3è édition, Cowansville,
Éditions Yvon Blais inc., 1997, à la p.371.
* 136 Doc. N.U. A/39/51, p.
197 (1984), [1987] R.T. Can. N°36.
* 137 R. Lemkin, supra,
note 2, à la p. 79.
* 138 A. Destexhe, Rwanda,
Essai sur le génocide, Paris, Éditions Complexe, 1994,
à la p. 19.
* 139 Nations Unies,
doc. E/CN.4/Sub. 2/80, pp. 10-13.
* 140 Nations Unies,
doc. St/hr/1/Rev. 3, p. 143; 78 R.T.N.U. 195.
* 141 W.A. Schabas,
supra, note 97, à la p. 83.
* 142 Voir notre remarque
à la note 131 supra.
* 143 C.I.J.,
Réserves à la Convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide. Avis consultatif du 28 mai
1951, Recueil des arrêts, avis consultatifs et ordonnances, 1951,
à la p. 15.
* 144 J. Verhoeven, et A.
Destexhe (dir), De Nuremberg à la Haye et Arusha, Bruxelles,
Bruylant, 1997, à la p. 41.
* 145 Ibid.
* 146 Ibid.
* 147 J. Verhoeven, et A.
Destexhe (dir), supra, note 144, à la p. 42. Voir
aussi A. Destexhe, supra, note 138, à la p. 15.
* 148 Y. Ternon,
supra, note 2, à la p. 68.
* 149 Ibid., à
la p. 75. Voir aussi dans la même position, A. Destexhe, supra,
note 138, à la p.24.
* 150 Voir Study of the
question of the prevention and punishment of the crime of genocide,
préparée par Nicodème Ruhashyankiko (Special Rapporteur),
UN, Doc. E/CN.4/Sub.2/416, 4 July 1978, par. 50.
* 151 Ibid.
* 152 Ibid., par.
51.
* 153 P.N. Drost, The
Crime of State : Book II, Genocide, Leyden, A.W. Sythoff, 1959, de la p.
84 à 86, O. Colmenares Vargas, El Delito de Genocidio, Mexico
City, Editorial Amistad, 1951, à la p. 31 et E.L.G. Clusellas,
Genocidio : su prevencion y represion, Buenos Aires, Abeledo-Perot,
aux pp. 27 et 28, cités par N. Ruhashyankiko, supra, note
150, par. 52.
* 154 J. Verhoeven, et A.
Destexhe (dir), supra, note 144, à la p. 44.
* 155 Official Records of
The General Assembly, Third Session, Part I, Sixth Committee,
73rd meeting. Voir aussi, F.P. Laplaza, El Delito de
Genocidio, Mexico City, Editorial Amistad, 1951, à la p. 77 et N.
Jacob, À propos de la définition juridique du
génocide, Études internationales de psycho-sociologie
criminelle, No.16-17 (1969), à la p. 56, cités par N.
RUHASHYANKIKO, supra, note 150, par. 53.
* 156 N. Ruhashyankiko,
supra, note 150, par. 54.
* 157 Voir B. Whitaker,
(Special Rapporteur), Revised and updated report on the question of the
prevention and punishment of the crime of genocide, UN, Doc.
E/CN.4/Sub.2/1985/6, 2 July 1985, par. 29.
* 158 UN, Documents
officiels de l'Assemblée générale, troisième
session, partie I. Sixième Commission, 69è, 74è,
75è et 128è séances.
* 159 B. Whitaker,
supra, note 157, par. 36.
* 160 Ibid., par. 35.
* 161 A. Destexhe,
supra, note 138, à la p. 17.
* 162 Rapport du Rapporteur
Spécial R. Degni-Ségui, U.N., E/CN.4/1995/7, 28 juin 1994, par.
46.
* 163 Statut du Tribunal
Pénal International pour le Rwanda, S/RES/955 (1994), 8 novembre
1994.
* 164 ICTR, LE PROCUREUR
C/JEAN-PAUL AKAYESU, Affaire N. ICTR-96-4-T, date de la décision :
2 septembre 1998 et LE PROCUREUR C/ JEAN KAMBANDA, Affaire No:
ICTR-97-23-S, date de la décision : 4 septembre 1998.
* 165 S/RES/955 (1994),
supra, note 163.
* 166 ICTR, supra,
note 164, par. 114.
* 167 Ibid.
* 168 Ibid., par.
118.
* 169 U.N., E/CN.4/1995/7,
supra, note 162, par. 46.
* 170 Ibid.
* 171 Ibid., par.
123
* 172 Ibid., par.
124.
* 173 ICTR, supra,
note 164, par. 641.
* 174 Ibid.
* 175 Ibid., par.
642.
* 176 Ibid.
* 177 U.N., E/CN.4/1995/7,
supra, note 162 .
* 178 ICTR, supra,
note 164, par. 125.
* 179 Nous avons vu plus haut
que ceux-ci également n'étaient pas épargnés.
* 180 ICTR, supra,
note 164, par. 529.
* 181 Ibid., par.
531.
* 182 Ibid., par.
562.
* 183 Ibid.
* 184 B. Whitaker,
supra, note 157, par. 41.
* 185 Ibid.
* 186 A. Destexhe,
supra, note 138, à la p. 22.
* 187 Ibid., à
la p. 31.
* 188 Convention sur les
Missions spéciales, Résolution 2530 (XXIV) du 8 décembre
1969
* 189 Lire à ce propos
l'analyse de A. Muxart, Immunité de l'ex-chef d'État et
compétence universelle : quelques réflexions à propos de
l'affaire Pinochet, Actualité et Droit International,
décembre 1998. Lire aussi I. Fichet et D. Boyle, Le jugement de la
Chambre des Lords dans l'affaire Pinochet, Actualité et Droit
International, décembre 1998.
* 190 Journal Le Monde du 30
octobre 1998, à la p. 2.
* 191 House of Lords,
Judgments - Regina v. Bartle and the Commissioner of Police for the
Metropolis and others EX Parte Pinochet (on appeal from a Divisional Court
of the Queen's Bench Division), en ligne : House of Lords
<http://www.parliament.the-stationery-office.co.uk/pa/ld199899/ldjudgmt>
(date d'accès : 10 mai 2001).
* 192 Journal Le Monde du 21
octobre 2000.
* 193 Ibid., 13 mars
2001.
* 194 G. Doucet, La
responsabilité pénale des dirigeants en exercice,
Actualité et Droit international, janvier 2001.
* 195 ICTR, LE PROCUREUR
C/ JEAN KAMBANDA, supra, note 164.
* 196 ICTY, LE PROCUREUR
c/ SLOBODAN MILOSEVIC, MILAN MILUTINOVIC, NIKOLA SAINOVIC, DRAGOLJUB OJDANIC,
VLAJKO STOJILJKOVIC, (IT-99-37), Acte d'accusation du 24 mai 1999.
* 197 ICTR, supra,
note 164.
* 198 H. Arendt, Eichmann
à Jérusalem, Paris, Gallimard, 1991, à la p. 395.
* 199 ICTR, supra,
note 164, par. 479.
* 200 Ibid., par.
490.
* 201
Ibid., par. 491.
* 202 B. Whitaker,
supra, note 157, par. 52.
* 203 Ibid.
* 204 Ibid.
* 205 Pour plus de
détails, voir R. c. Finta, [1994] 1 R.C.S. 701, 88 C.C.C. (3d)
417, 112 D.L.R. (4th) 513, 150 N.R. 370.
* 206 La Loi C-24,
sanctionnée le 29 juin 2000, concerne le génocide, les
crimes contre l'humanité et les crimes de guerre, et vise la mise en
oeuvre du Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Elle modifie
aussi certaines lois en conséquence. Il s'agit d'une loi avant-gardiste,
dans ce sens qu'elle introduit un certain nombre de notions jusqu'alors
inconnues dans le droit criminel canadien., dont celle justement de la
non-reconnaissance du moyen de défense fondé sur
l'obéissance à l'autorité du supérieur, civil ou
militaire. Cette nouvelle loi reconnaît également aux tribunaux
canadiens la compétence universelle en matière de
génocide, de crimes de guerre et de crimes contre
l'humanité, pour autant que l'auteur présumé se trouve sur
le sol canadien. Étant une loi de procédure, la Loi C-24 a
l'avantage de ne pas être limitée dans le temps (compétence
ratione temporis). Cette loi crée aussi un fonds en faveur des
victimes des crimes en question. Pour d'amples informations, voir CHAPITRE 24
(Projet de loi C-19) [L.C. 2000, c.24] à l'adresse :
http://lois.justice.gc.ca/fr/2000/24/index.html.
* 207 B. Whitaker,
supra, note 157, par. 56.
* 208 L. Kuper,
International Action Against Genocide, Londres, Groupement pour le
droit des minorités, 1984, cité par B. Whitaker, supra,
note 157, par. 55.
* 209 B. Whitaker,
supra, note 157, par. 62.
* 210 Ibid.
* 211 Ibid.
*
212 B. Whitaker, supra, note 157, par. 63.
* 213 M. Bertrand,
L'ONU, Paris, Éditions La Découverte, 1995, à la
p. 22.
* 214 E. Spiry,
Interventions humanitaires et interventions d'humanité, RGDIP,
Tome CII - 1998, à la p. 408.
* 215 Ibid.,
à la p. 409.
* 216 I. Schulte-Tenckhoff et
T. Ansbach, in A. Fenet (dir.), Le droit des minorités,
Bruxelles, Bruylant, 1995, à la p. 78.
* 217 C. Emanuelli, Droit
international public, Tome II, Les organisations internationales,
Montréal, Wilson et Lafleur, 1994, à la p. 171.
* 218 Ibid.
* 219 Ibid.
* 220 O. Corten et P. Klein,
Droit d'ingérence ou obligation de réaction ?,
Bruxelles, Bruylant, 1992, à la p. 138.
* 221 Bettati, M., Le
droit d'ingérence. Mutation de l'ordre international, Paris,
Éditions Odile Jacob, 1995, à la p. 640.
* 222 O. Corten et P. Klein,
supra, note 220, à la p. 163.
* 223 Ibid.
* 224 A. Destexhe,
L'humanitaire impossible ou deux siècles
d'ambiguïté, Paris, Armand Colin éditeur, 1993,
à la p. 20.
* 225 E. Spiry,
supra, note 214, à la p. 410.
* 226 Ibid.
* 227 R.J. Dupuy, Coutume
sage et coutume sauvage, dans Mélanges offerts à CH.
ROUSSEAU, Paris, Éditions A. Pédone, 1974, à la p. 74.
* 228 F. de Vitoria,
Leçons sur les indiens et sur le droit de la guerre,
Genève, Librairie Droz, 1966, à la p. 97.
* 229 J.M. Becet et D.
Collard, Les droits de l'homme - Dimensions nationales et
internationales, Paris, Éd. Economica, 1982, à la p. 78.
* 230 Ibid.
* 231 Ibid., à
la p. 79.
* 232 Ibid.
* 233 C.I.J. Barcelona
traction light and power company (Belgique/Espagne), Fond (2è
phase), 5.02.1970, (1970) CIJ, Recueil 6, à la p. 3.
* 234 P. Weckel, Le
Chapitre VII et son application par le Conseil de sécurité de
l'ONU, A.F.D.L., vol. XXXVI, 1991, à la p. 199.
* 235 C. Emanuelli,
supra, note 217, à la p. 11.
* 236 P.M. Martin, Les
échecs du droit international, Paris, P.U.F., 1996, à la p.
78.
* 237 B. Kouchner, Le
malheur des autres, Paris, Éditions Odile Jacob, 1991, à la
p. 286.
* 238 A/47/277-S/24111, 17
juin 1992.
* 239 A. Rougier, La
théorie de l'intervention d'humanité, R.G.D.I.P., 1910,
à la p. 525.
* 240 K. Boustany, La
qualification des conflits en droit international et le maintien de la
paix, RQDI, 1989.
* 241 B. Hours,
L'idéologie humanitaire ou le spectacle de l'altérité
perdue, Paris, Montréal, L'Harmattan, 1998, à la p. 149.
* 242 M. Bettati, Un droit
d'ingérence, RGDI, Paris, Pédone, 1991, à la p.
642.
* 243 Ibid.
* 244 Seize pays gardent
encore des réserves à l'article 9 de la Convention.
* 245 W. Schabas,
supra, note 97, à la p. 86.
* 246 A. Wieviorka, in A.
Destexhe et M. Foret (dir), De Nuremberg à la Haye et Arusha,
Bruxelles, Bruylant, 1997, à la p. 24.
* 247 Nations
Unies, Conférence diplomatique sur le statut de la Cour
Pénale Internationale, A/CONF.183.9.
* 248 Pour en savoir
davantage, voir : Fulgence Niyonteze, Bourgmestre de Mushubati :
en ligne : Diplomatie judiciaire, <
http://www.diplomatiejudiciaire.com/Niyonteze.htm>,
(date d'accès : 20 juin 2001).
* 249 Niyonteze était
maire d'une des communes du centre du Rwanda pendant le
génocide de 1994.
* 250 Pour d'amples
informations à ce sujet, voir Procès d'assises -
génocide Rwanda, Audiences, en ligne :
Avocats sans frontières,
<
http://www.asf.be/AssisesRwanda2/fr/fr_ICI_procesassises.htm >,
(date d'accès : 25 juin 2001)
* 251 Loi relative
à la répression des infractions graves aux conventions
internationales de Genève du 12 août 1949 et aux protocoles I
et II du 8 juin 1977, additionnels à ces conventions, en
ligne : Avocats sans frontières,<
http://www.asf.be/AssisesRwanda2/fr/fr_JPI_loi16juin93.htm>,
(date d'accès : 25 juin 2001).
* 252 La compétence de
cette loi du 12 février 1999, aujourd'hui intitulée "Loi
relative à la répression des violations graves de droit
international humanitaire" s'est étendue sur le génocide
et les crimes contre l'humanité.
* 253 L'article 5 de cette
loi précise que "l'immunité attachée à la
qualité officielle d'une personne n'empêche pas l'application de
la présente loi".
* 254 Décret-loi
n°8/75 du 12 février 1975, J.O.R.R., 1975, à la p.
230.
* 255 Voir Codes et Lois
du Rwanda, volume I, à la p. 12.
* 256 C.I.J.,
Réserves à la Convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide. Avis consultatif du 28 mai
1951, Recueil des arrêts, avis consultatifs et ordonnances, 1951,
à la p. 15.
* 257 Ibid.
* 258 Contra :
Bernard Lugan affirme que l'appartenance ethnique était
irréversible même avant la colonisation. Il note que la
séparation entre Hutu et Tutsi était aussi définitive que
le sexe. Lire à ce propos B. Lugan, Histoire du Rwanda, De la
préhistoire à nos jours, Paris, Éditions Bartillat,
1977, à la p. 548.
* 259 Comité directeur
de l'évaluation conjointe de l'aide d'urgence au Rwanda, La
réponse internationale au conflit et au génocide : enseignements
à tirer de l'expérience au Rwanda, Mars 1996, ISBN
87-7265-391-4, à la p. 17.
* 260 Rapport FIDH, AFRICA
WATCH, UIDH et CIDPDD, supra, note 19, à la p. 96.
*
261 United Nations and Rwanda, supra, note
1, par. 78.
*
262 Rapport OUA, supra, note 11, à la
p. 36.
* 263 Il ne sera pas
nécessaire d'y revenir, ceci ayant suffisamment fait l'objet d'un examen
approfondi dans la partie introductive.
* 264 Rapport OUA,
supra, note 11, à la p. 35.
* 265 L'ONU, par
le biais du HCR, aurait décaissé 5 milliards de dollars pour
prendre en charge les quelques millions de réfugiés hutus qui ont
déferlé sur les pays limitrophes vers la fin du
génocide, alors qu'un montant dix fois moins important aurait
été suffisant pour prévenir ou arrêter ce
génocide, et par voie de conséquence, limiter le nombre
de réfugiés (lire à ce propos, Comité directeur de
l'évaluation conjointe de l'aide d'urgence au Rwanda, Rapport de
synthèse : La réponse internationale au conflit et au
génocide : enseignements à tirer de l'expérience au
Rwanda, Toronto, édition Millwood,1996, à la p. 75). Il y a
lieu de noter aussi que les sommes importantes qui constituent le budget du
TPIR aujourd'hui, auraient pu être sauvegardées.
* 266 The New York
Times, 10 avril 1994 et The Times, 11 avril 1994.
* 267 Rapport OUA,
supra, note 11, à la p. 7.
* 268 Ibid.,
à la p. 47.
* 269 Ibid.
* 270 Ibid.
* 271 Ibid.
* 272 Rapport OUA,
supra, note 11, à la p. 27.
* 273 Ce point ayant
été suffisamment abordé plus haut, il ne nous paraît
pas opportun d'y revenir.
* 274 Rapport OUA,
supra, note 11, à la p. 23.
* 275 Ibid.,
à la p. 13.
* 276 R. Brauman, Devant
le mal, Rwanda, Un génocide en direct, Paris, Édition
Arléa, 1994, à la p. 35.
* 277 Puisqu'il s'agit, selon
la CIJ, d'une obligation erga omnes.
* 278 J. Verhoeven dans A.
Destexhe (dir), supra, note 143, à la p. 47.
* 279 Il est très
encourageant de constater que les États-Unis ont signé avant la
date butoir le traité de Rome créant la Cour criminelle
internationale. Même si l'on ne peut savoir s'ils vont un jour le
ratifier, il n'en demeure pas moins qu'ils ne pourraient dès lors pas
faire des actes qui priveraient ce traité de son objet et de son but
(cfr. à l'article 18 de la Convention de Vienne sur le droit des
traités).
* 280
A/55/305 - S/2000/809, 17 août 2000.
* 281 A/55/502 du
21/10/2000.
* 282 A/55/507 et A/55/507/Add
1 du 27/10/2000.
* 283 A/55/977 du
1er juin 2001.
* 284 A/55/502,
supra, note 281.
* 285 ONU,
Assemblée générale, Résolution A-50-19 du 22
décembre 1995. Voir aussi les Résolutions 45-100 du 14
décembre 1990 et A-50-144 du 10 juillet 1995. Pour plus d'informations
sur le concept de "Casques blancs", lire Ch.-Ph. David, La consolidation de
la paix : l'intervention internationale et le concept des Casques blancs,
Paris, l'Harmattan, 1997, à la p. 56 et suivantes.
* 286 Y. TERNON,
supra, note 2, à la p. 121.
* 287 Ibid.,
à la p. 96.
* 288 Il faut noter ici que
nous sommes contre tout embargo économique, qui pénalise
doublement la population, dans ce sens qu'elle est la seule qui en souffre,
tout en restant otage de ses dirigeants.
* 289 A. Destexhe,
supra, note 148, à la p. 54.
* 290 Ibid.,
à la p. 41.
*
291 J.M. Varaut, Le procès de
Nuremberg, Paris, Hachette/Pluriel, 1993, à la p. 414.
* 292 A/47/277-S/24111, 17 juin 1992
* 293 Y. Ternon,
supra, note 2, à la p. 77.
* 294 Assemblée
nationale française, Colloque international, "Pour défendre
la paix, réformer l'ONU", Paris, 31 janvier - 1er
février 2001, à la p. 19.
* 295 P.M. Martin, Les
échecs du droit international, Paris, P.U.F., 1996, à la p.
79.
* 296 G. Lief, Le
droit d'ingérence humanitaire, Paris, Éditions du Griot,
1994, à la p.30. Lire aussi l'étude de B. Conforti et M. Bedjaoui
(dir), Droit international, Bilans et perspectives, Tome I, Paris,
Éditions A, Pédone, 1991, à la p. 503.
* 297 C. Zorgbibe, Le
droit d'ingérence, Paris, P.U.F., 1994, à la p. 108 et
109.
* 298 G. Kiejman, Les
leçons du XXè siècle, Forum international sur
l'intervention, La Sorbonne, 16 et 17 décembre 1993, Paris,
Éditions Grasset et Fasquelle, 1994, à la p. 22.
* 299 Ibid.
* 300 Ibid.
* 301 G. Lief,
supra, note 296, à la p. 48.
* 302 Pour d'amples
informations à ce sujet, lire le complet Rapport de HRW & FIDH,
supra, note 6, à la p. 684.
* 303 B. Kouchner,
supra, note 237, à la p. 225.
* 304 Assemblée du
Millénaire (55è Session, 4 nov. - 20 déc. 2000),
en ligne : ONU
<
http://www.un.org/french/millenaire/sg/report/state.htm>
(date d'accès : 12 mars 2001).
* 305 Ibid.
* 306 11 membres à
l'origine, puis 15 suite à un amendement du 17 décembre 1963 et 5
membres permanents désignés à l'article 23 de la
Charte. La prise de décision du Conseil de
sécurité requiert 9 votes affirmatifs, dont 5 des membres
permanents (selon le même amendement). Lors de l'amendement de 1963,
l'ONU comptait 110 membres. Elle en compte aujourd'hui 189.
* 307 F. Attar, Le droit
international entre l'ordre et le chaos, Paris, Hachette, 1994, à
la p. 252.
* 308 Pour de plus amples
informations à ce sujet, lire l'interview accordée au Journal Le
Soir du 10 mai 2001 par l'ancien Secrétaire général
Boutros Boutros Ghali. Ce dernier révèle notamment comment les
États-Unis ont refusé de lui accorder l'autorisation de brouiller
la Radio incendiaire "RTLM" au plus fort du génocide au Rwanda,
sous le fallacieux prétexte que cela coûterait très
cher.
* 309 M.D. Perrot,
Dérives humanitaires, État d'urgence et droit
d'ingérence, Paris, P.U.F., 1994, à la p. 19.
* 310 À l'exception,
bien entendu, de ce que nous avons vu sur le Chapitre VII de la Charte
de l'ONU. Mais cela est un autre débat, les dispositions de ce
Chapitre n'étant d'application qu'en ce qui concerne les conflits
interétatiques.
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