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Techniques de droit commun applicables à la rupture du concubinage et du PACS

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par Audrey MELLAC
Université Robert Schuman Strasbourg - Master II recherche droit privé fondamental 2007
  

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FACULTÉ DE DROIT ROBERT SCHUMAN, STRASBOURG.

MASTER II DROIT PRIVÉ FONDAMENTAL, PROMOTION 2007.

L'EMPLOI DES TECHNIQUES DE

DROIT COMMUN DANS LA RUPTURE

UNILATÉRALE DU CONCUBINAGE ET

DU PACTE CIVIL DE SOLIDARITÉ.

Mémoire présenté par Audrey MELLAC, sous la direction de M. Patrice HILT, maître de conférences à la faculté de droit Robert Schuman.

Je tiens particulièrement à remercier M. Hilt pour ses conseils et son aide constante tout au long de la rédaction de ce mémoire.

Merci encore à mes parents et à ma soeur pour le soutien de tous les instants qu'ils m'ont apporté.

TABLEAU DES ABRÉVIATIONS:

> AJ famille: Actualité juridique famille.

> Bull. civ.: Bulletin des arrêts de la Cour de cassation, chambres civiles.

> Cass. civ. 1e (2e...): Cour de cassation, première (deuxième...) chambre civile.

> Cass. com.: Cour de cassation chambre commerciale.

> C. civ: Code civil.

> D.: Recueil Dalloz.

> Defrén.: Répertoire du notariat Defrénois.

> Dr. fam.: Revue droit de la famille

> Dr. patr.: Revue droit et patrimoine.

> Dr. sociétés: Revue droit des sociétés.

> Gaz. Pal: La gazette du palais.

> RLDC: Revue Lamy droit civil.

> RTD civ: Revue trimestrielle de droit civil

> JCP G: La semaine juridique édition générale.

> JCP N: La semaine juridique édition notariale.

SOMMAIRE:

INTRODUCTION p3

PREMIÈRE PARTIE: TECHNIQUES OBJECTIVES DE

LIQUIDATION DES INTÉRÊTS PÉCUNIAIRES À L'ISSUE D'UN CONCUBINAGE OU D'UN

PACS p10

CHAPITRE PREMIER: PAR APPLICATION DU DROIT COMMUN DES CONTRATS p10

SECTION I: LES EVENTUELS CONTRATS CONCLUS A L'OCCASION

D'UN CONCUBINAGE OU D'UN PACS. p11

I: LE CONTRAT DE CONCUBINAGE p11

II: LES CONTRATS A TITRE ONEREUX COMMUNS AUX DEUX TYPES D'UNIONS p14

SECTION II: LA RESOLUTION DU PACS p17

CHAPITRE SECOND: PAR APPLICATION DU DROIT COMMUN

DES BIENS p20

SECTION I: LIQUIDATION DES BIENS INDIVIS p20

I: PARTAGE DE L'INDIVISION LEGALE p21

II: PARTAGE DE L'INDIVISION CONVENTIONNELLE p27

SECTION II: LA THEORIE DE L'ACCESSION p 29

DEUXIÈME PARTIE: TECHNIQUES SUBJECTIVES DE LIQUIDATION DES INTÉRÊTS PÉCUNIAIRES À L'ISSUE D'UN CONCUBINAGE OU D'UN

PACS p31

CHAPITRE PREMIER: REEQUILIBRAGE DES PATRIMOINES

PAR LA TECHNIQUE DE L'INDEMNISATION p32

SECTION I: LA TECHNIQUE DE LA SOCIETE CREEE DE FAIT p32

I: LA DIFFICILE REUNION DE SES CONDITIONS D'EXISTENCE p 33

II: INTERETS DE LA TECHNIQUE POUR LES CONCUBINS OU PARTENAIRES p36

SECTION II: LE RECOURS AUX QUASICONTRATS p38

I: LA GESTION D'AFFAIRE p38

II: L'ENRICHISSEMENT SANS CAUSE AU SERVICE DES CONCUBINS OU PARTENAIRES p 39

CHAPITRE SECOND: REPARATION DU PREJUDICE RESULTANT DE LA RUPTURE UNILATERALE p44

SECTION I: REPARATION DU PREJUDICE RESULTANT D'UNE RUPTURE FAUTIVE PAR LA RESPONSABILITE CIVILE DELICTUELLE p44

I: DETERMINATION DE LA FAUTE OUVRANT DROIT A REPARATION p45

II: PREEMINENCE DE LA NOTION DE PREJUDICE SUR LA NOTION DE FAUTE p 47

SECTION II: REPARATION DU PREJUDICE RESULTANT DE LA RUPTURE

EN ELLEMEME PAR L'OBLIGATION NATURELLE p 49

I: FONDEMENTS DE L'OBLIGATION NATURELLE p 49

II: CIRCONSTANCES DE MISE EN OEUVRE D'UNE OBLIGATION NATURELLE p51

CONCLUSION p54

BIBLIOGRAPHIE p55

« Boire, manger et coucher ensemble, c'est mariage ce me semble »1. Cependant, la réalité sociologique actuelle est venue contredire Loysel, le modèle familial traditionnel du couple marié se voyant concurrencé par d'autres formes de conjugalité.

Les échelles de valeurs ont évolué au fil des transformations sociales, ce qu'illustre l'affirmation du concubinage et du pacte civil de solidarité face au mariage.

Celui-ci ne jouit plus à l'heure actuelle de la reconnaissance et de la valeur dont il bénéficiait il y a encore quelques décennies2.

Depuis la fin des années 1950, le droit de la famille a subi de profondes mutations prenant en compte d'une part l'évolution de la famille dans notre société, d'autre part les valeurs que la famille, lieu symbolique où se construisent les rapports sociaux, représente et protège. Les réformes successives ont progressivement remis en cause la primauté du modèle familial qui n'est plus l'unique modèle de référence à la vie en couple.

Cependant, l'institution du mariage reste le fondement essentiel de la famille dans le Code civil.

Depuis cinquante ans, le législateur s'est résolu à adapter le droit de la famille, au travers de différentes réformes, à une réalité familiale nouvelle3.

Traditionnellement considéré comme fondement de toute société, le mariage s'est vu concurrencé tout d'abord par le concubinage, devenu fait de civilisation, puis par le pacte civil de solidarité (PACS), créé en 1999 pour permettre aux couples homosexuels, auxquels le mariage est fermé, d'organiser leur vie commune dans un cadre légal.

Cependant, les conséquences de la rupture de ces trois types d'unions diffèrent.

Les couples mariés se voient appliquer les règles légales du divorce, au contraire des concubins et des couples liés par un pacte civil de solidarité.

Ceci souligne la volonté du législateur de favoriser le modèle traditionnel du mariage en n'étendant pas le bénéfice des règles du divorce aux autres types de conjugalité.

Ainsi, le droit de la famille n'organise pas juridiquement les conséquences de la rupture du concubinage ou du PACS, qui de fait n'a pas été conçu comme une institution concurrente du mariage mais comme un contrat spécifique organisant la vie commune des parties4. Le fait que le droit de la famille soit une branche sensible du droit civil, qui relève autant des moeurs que du droit, explique cette absence de règlementation.

En outre, le choix du PACS par le législateur reflète, au delà de la volonté de donner un cadre légal aux concubins qui le souhaitent, un choix de société.

Par ses effets patrimoniaux, le PACS se rapproche du mariage, surtout depuis la réforme du 23 juin 2006.

En revanche, il produit peu d'effets personnels et c'est un lien contractuel qui unit les partenaires, non pas institutionnel, le mariage ne se trouvant pas ainsi véritablement concu rrencé5.

,

1 Ph. MALAURIE, H. FULCHIRON, La famille, Defrénois, 2e éd°, 2006, p 160.

2 R. FRANK, « Mariage et concubinage, réflexions sur le couple et la famille », in Des concubinages: droit interne, droit international, droit comparé, études offertes à J. RUBELLIN DEVICHI, Litec, 2002.

3 J-M BURGUBURU, C. MEININGER- BOTHOREL: « La famille: le constat et les paradoxes », Gaz. Pal. N° 172, 20 juin 2000, p 9.

4 D. FENOUILLET et P. DE VAREILLES SOMMIÈRES ( sous dir.), La contractualisation de la famille, collection études juridiques dirigée par N. Molfessis, économica, 2001, introduction p 1.

5 C. BRUNETTI- PONS, « L'émergence d'une notion de couple en droit civil », RTD civ 1999, art., p 27.

En effet, en omettant lors des lois du 15 novembre 1999 instituant le PACS et du 23 juin 2006 le modifiant, de régler légalement les conséquences de la rupture du PACS et du concubinage6, le législateur a assis sa volonté de ne pas diluer le modèle sociétal du mariage dans un choix d'unions à la carte, avec des effets juridiques spécifiques pendant l'union et lors de sa rupture.

Ainsi, les concubins, qui ont refusé les devoirs mis à la charge des époux, ne bénéficieront pas des avantages liés à ce statut lors de leur rupture.

D'ailleurs, la Cour Européenne des Droits de l'Homme a précisé dans l'arrêt Saucedo Gomez contre Espagne, rendu le 19 janvier 1999, que bien que la réalité sociale démontre l'existence d'unions stables entre hommes et femmes, hors cadre juridique du mariage, il ne lui appartenait pas de dicter ou d'indiquer à un Etat les mesures à adopter pour prendre en compte ces unions7.

De plus, les juges Strasbourgeois affirment que les concubins hétérosexuels qui se séparent ne peuvent revendiquer le bénéfice de l'application des conséquences du divorce. En effet, ils auraient pu librement régulariser leur situation de façon à bénéficier des avantages économiques inhérents au statut de conjoint.

Ils ne peuvent donc invoquer une discrimination par rapport aux unions matrimoniales.

La question de l'élaboration d'un statut extra-matrimonial relève, pour les couples hétérosexuels et homosexuels, de la marge d'appréciation des Etats.

Ainsi, le refus d'accorder aux couples homosexuels les mêmes garanties qu'aux couples mariés est justifié, selon la Cour, par le but de protéger le mariage8.

La question des conséquences de la rupture du PACS et du concubinage mérite donc que l'on s'y arrête, une proportion importante des couples étant engagée dans ces unions dont la rupture est dépourvue d'effets juridiques spécifiques.

Afin de comprendre les positions législatives et jurisprudentielles actuelles, il convient de remonter dans le temps, pour constater que le concubinage n'est pas spécifique à notre société actuelle, mais au contraire existe depuis toujours.

En 1762, le Dictionnaire de Pratique et de Jurisprudence définissait le concubinage comme la conjonction d'un homme et d'une femme qui sont libres, qui ne sont pas mariés ensemble, mais qui le pourraient, le concubinage étant opposé à l'inceste et à l'adultère.9

A la fin de l'Ancien Régime, le concubinage était réprouvé par le droit canonique, mais aussi par le droit laïc.

L'Eglise considérait cette forme d'union comme le plus grave des péchés de fornication et l'ancien Droit n'y voyait pas une forme particulière de famille.

Le droit, dans une volonté de protection de la primauté du mariage, combattait l'union libre tout en affirmant l'indissolubilité du mariage10.

Au moment de la rédaction du Code civil, une disposition incriminant le concubinage fut

6 Désormais défini à l'article 515-8 du Code civil depuis 1999.

7 J.P MARGUÉNAUD, Du PACS aux nouvelles conjugalités: une modélisation supra-étatique des relations extra - matrimoniales par la jurisprudence de la CEDH, in Du PACS aux nouvelles conjugalités: où en est l'Europe, coll, PUF, janvier 2006.

8 J.P MARGUÉNAUD, art. préc., Op. Cit.

9 L-A. BARRIÈRE, art. préc., études offertes à J. RUBELLIN DEVICHI, Op. Cit.

10 Ph. MALAURIE, H. FULCHIRON, La famille, 2e éd°, Defrénois, 2006, p 154

proposée mais non retenue.

Avec le XIXe siècle s'accrût le concubinage ouvrier.

Face au silence du Code, qui ne reconnaissait pas le concubinage comme une situation juridique, la doctrine s'est évertuée à en délimiter les effets tout en rappelant la supériorité de l'union organisée par la loi, soit le mariage11.

Au début du XXe siècle, l'augmentation du concubinage a incité la doctrine à se pencher sur les raisons de son essor et sur les possibilités de l'organiser par contrat.

Cependant, la plupart des auteurs continuaient de réprouver le concubinage, tel Planiol, considérant cela immoral parce que, « en ne procédant pas aux formalités du mariage, les concubins conservaient leur liberté et enlevaient au pouvoir social tout moyen de contrainte, or, la société a un intérêt suprême à la durée des unions qui créent les familles. »12

De même, Josserand, en 1938, proposait de contrer l'augmentation du concubinage en ne faisant produire à celui ci que des effets négatifs pour les concubins.13

A l'inverse, Esmein en 1935 observait que les juridictions se contentaient de faire abstraction de l'union libre, celle ci n'étant pas en droit le fondement des arrêts rendus.

Il soulignait par conséquent que les juges ne faisaient pas à proprement parler produire des effets au concubinage.14

A la fin des années 1960, le concubinage a connu un nouvel essor, grâce à l'évolution des mentalités tels qu'en témoignent les évènements de mai 1968 et à la perte d'influence des préceptes de l'Eglise sur les comportements.

En effet, le nombre de couples de concubins a plus que quintuplé de 1968 à nos jours, démontrant que l'opinion publique est passée envers le concubinage de l'hostilité à la tolérance, oubliant les griefs d'immoralité dont étaient jadis accablés les concubins15. En l'absence d'encadrement légal des conséquences de la rupture du concubinage et du PACS, les partenaires ou concubins doivent se satisfaire des techniques de droit commun. Celles-ci leur permettent de liquider leurs intérêts patrimoniaux, et, le cas échéant, de demander réparation en cas de rupture fautive.

Ainsi, l'absence de réglementation de la situation des concubins pendant l'union n'est pas une situation de non droit, car les techniques de droit commun trouvent application lors de la rupture.

L'absence d'appréhension de la situation des concubins par le droit de la famille n'aboutit ni au non droit, ni à un vide juridique, car c'est au droit commun de s'appliquer en l'absence de réglementation spécifique.16.

En l'occurrence, le droit commun, défini par G. Cornu comme étant le droit qui s'applique en principe, sauf exception, à toutes les personnes et à toutes les affaires (par opposition à exceptionnel), est le droit résiduellement applicable à tous les cas non exceptés.17 Le droit commun a donc vocation à s'appliquer à toutes les situations non régies par un

11 L-A. BARRIÈRE, art. préc., études offertes à J. RUBELLIN DEVICHI, Op. Cit.

12 L-A. BARRIÈRE, art. préc., études offertes à J. RUBELLIN DEVICHI, Op. Cit.

13 L-A. BARRIÈRE, art. préc., études offertes à J. RUBELLIN DEVICHI, Op. Cit.

14 P. ESMEIN, « L'union libre », D. 1935, chron. p 50.

15 L-A. BARRIÈRE, art. préc., études offertes à J. RUBELLIN DEVICHI, Op. Cit.

16 A. PROTHAIS, « Le droit commun palliant l'imprévoyance des concubins dans leurs relations pécuniaires entre

eux », JCP G n° 15, 1990, I, doctrine n° 3440.

17 G. CORNU, Vocabulaire juridique, association H. CAPITANT, PUF/ quadrige, 6e éd°, juin 2004, p 180.

droit spécial, mais il ne fournit que des palliatifs à l'absence de réglementation spéciale, des moyens d'atténuer un mal faute de mieux.

Ces palliatifs évitent ainsi un vide juridique et tout risque de déni de justice.

Ce droit, en raison de sa subsidiarité, n'est cependant pas spécialement adapté à la situation de la rupture du concubinage ou du PACS, ce qui rend l'application des règles de droit commun aléatoire.18

Il convient d'appliquer, lors de la rupture d'un concubinage, et dans une moindre mesure, d'un PACS, les techniques de droit commun des biens, des contrats, et de la responsabilité civile délictuelle, afin de liquider leurs intérêts patrimoniaux.

En effet, le concubinage est une situation de fait, qui se définit par rapport au modèle du mariage, par ses différences et ses ressemblances, et qui peut présenter plusieurs visages19. D'ailleurs, J. Carbonnier opposait le mariage et le concubinage par le caractère sérieux du premier et précaire du second, sans engagement et sans obligations spécifiques prévues par le législateur.20

Le Code civil le définit à l'article 5 15-8 comme étant « une situation de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple ».

Juridiquement, l'union libre ne fait naître aucune obligation personnelle à la charge des concubins, et l'article 515-8 du Code civil issu de la loi du 15 novembre 1999 créant le PACS n'a pas instauré de statut civil de base du concubinage21. Les droits et les devoirs des époux prévus aux articles 212 à 226 ne leur étant pas applicables22, ils ne sont tenus à aucune obligation de fidélité, d'assistance ou de communauté de vie.

De même, dans leurs rapports patrimoniaux, les concubins ne sont soumis à aucune obligation alimentaire, ni contribution aux charges, ni régime matrimonial, malgré l'inévitable confusion des patrimoines qu'engendre la vie commune.

Aucun droit au logement n'est prévu non plus entre concubins, mais la loi du 6 juillet 1989 est venue étendre au concubin notoire qui résidait avec le locataire depuis au moins un an le bénéfice de la continuation du bail en cas d'abandon de domicile de la part du locataire23.

Par ailleurs, en cas d'incapacité d'un des concubins, l'autre n'a pas vocation à assurer sa protection, le Code civil visant uniquement un parent ou allié.24

Tout ceci illustre bien qu'il n'existe aucun lien de droit entre les concubins, qui restent l'un vis à vis de l'autre des étrangers, malgré l'interdépendance de leur vie commune25. En droit civil, les effets juridiques liés aux ménages de fait ne sont pas comme en Common Law une assimilation pratique aux effets découlant du mariage.

Les constructions de droit commun appliquées aux concubins ne le sont que pour éviter que les conséquences de la rupture du concubinage ne soient dramatiques, non dans une idée

18 A.PROTHAIS, art. préc., JCP G n° 15, 1990, 3440, I, doctr. n° 3440.

19 Ph. MALAURIE, H. FULCHIRON, Op. Cit., p 161.

20 D. FENOUILLET et P. DE VAREILLES SOMMIÈRES ( sous dir.), Op. Cit., introduction p 1.

21 J. MASSIP, « Chronique de jurisprudence civile générale », Defrén. n°2/2001, art. 37287 p 93.

22 Les unions libres: les couples, collection encyclopédie Lamy droit civil- droit des personnes et de la famille, étude n° 377, 2006.

23 Ph. MALAURIE, H. FULCHIRON, Op. Cit., p 165.

24 Les unions libres: les couples, op. Cit., étude n° 377.

25 A. PROTHAIS, art. préc., JCP G n° 15, 1990, I, doctr. n° 3440.

d'admission d'une pluralité de types d'unions.

Dans le cas du PACS, l'application du droit commun vient suppléer les règles patrimoniales légalement prévues, et permet réparation, le cas échéant, sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle.

De plus, l'application du droit commun découle certes de la situation de fait qu'est le concubinage, mais pour que les techniques de droit commun soient applicables, il est nécessaire qu'en soient réunies les conditions, contrairement aux pays de Common Law où les conditions sont assouplies en présence du concubinage26.

Au regard des faits, les obligations sanctionnées découlent certes du concubinage, mais les conditions de ces obligations doivent exister, en droit, abstraction faite du concubinage27. Moins les concubins ont organisé juridiquement leur vie commune, plus leur séparation nécessite le recours au droit, souvent de manière contentieuse.

Le droit commun vient au secours des concubins a posteriori, à l'heure de la rupture. En effet, ceux-ci ne se sont pas souciés, pendant leur union, des conséquences patrimoniales futures de leur vie commune.

En ayant voulu rester indépendants financièrement et en droit pendant leur union, ils en subissent les conséquences à la rupture.

C'est le droit patrimonial commun qui a vocation à s'appliquer à la liquidation de leurs intérêts patrimoniaux28.

La situation est quelque peu différente s'agissant du PACS, contrat permettant d'organiser la vie commune de deux personnes physiques majeures29, et dont le régime est précisé aux articles 515- 1 à 515-7 du Code civil.

C'est un contrat à durée indéterminée, qui peut être résilié à tout moment, sans motif et sans sanction, sauf à rechercher la responsabilité délictuelle de droit commun du partenaire qui a rompu unilatéralement.

Malgré la mention du PACS, accompagnée du nom du partenaire, sur l'acte de naissance de chaque partenaire, en vertu de l'article 5 15-3-1 du Code civil issu de la loi du 23 juin 2006 il conserve un caractère contractuel et non institutionnel, sa rupture ne s'apparentant pas à un divorce.

Pendant leur union, les partenaires sont néanmoins soumis à un régime légal, qui depuis la loi du 23 juin 2006 est la séparation de bien30 et qui antérieurement à cette loi était l'indivision, que les partenaires peuvent aujourd'hui choisir par convention31. Ils sont aussi soumis à un régime primaire impératif, qu'ils ne peuvent, par définition, pas écarter et qui leur impose la solidarité quant aux dettes et une aide matérielle, qui se rapprochent des articles 214 et 220 du Code civil relatifs aux époux.

Au moment de la dissolution du PACS, ce sont les partenaires qui liquident eux même leur régime de séparation de bien ou d'indivision, le juge ne statuant sur les conséquences patrimoniales de la rupture, et le préjudice éventuel en découlant, qu'en l'absence d'accord

,

26 J. RUBELLIN DEVICHI, « l'attitude du législateur contemporain face au mariage de fait », RTD civ 1984, p 389.

27 P. ESMEIN, « l'union libre », D 1935, chron. p 50

28 A. PROTHAIS, article précité, JCP G n° 15, 1990, 3440, I, doctr. n° 3440.

29 E. MULON, « Le pacs: un nouveau mode de conjugalité », RJPF, avril 2007, analyse, p 8.

30 Article 5 15-5 du Code civil, issu de la loi du 23 juin 2006

31 Article 515-5-1 du Code civil, issu de la loi du 23 juin 2006

entre les partenaires32.

Le PACS engendre également certaines obligations personnelles entre partenaires, dont l'absence de sanctions spécifiquement prévues en cas de violation atténue la portée réelle

.

Néanmoins, c'est encore une fois le droit commun de la responsabilité, pour demander réparation, ou le droit commun des contrats, afin d'obtenir la résolution du PACS, qui sera sollicité le cas échéant.33

Force est de constater que le législateur n'a souhaité faire bénéficier ni les concubins, ni les partenaires qui se séparent, des règles du divorce entre époux, le mariage traditionnel étant considéré comme une union plus significative d'engagement que l'union de fait ou que l'union résultant de la conclusion d'un contrat à durée indéterminée, bien que son objet soit l'organisation de la vie commune

.

Par conséquent, en l'absence de règlementations spécifiques, ce sont les techniques de droit commun qui viennent régler les conséquences de ces ruptures, quant aux biens et quant aux

personnes

.

 

Certaines techniques sont communes à tous les types de rupture, qu'elles soient amiables, unilatérales, consécutives à un décès ou à un mariage, pendant que d'autre techniques sont spécifiques aux rupture unilatérales, qui font l'objet de la présente étude.

Les techniques de droit commun appliquées par les juges le sont dans un soucis d'équité, pour pallier l'absence de contribution aux charges du ménage et de solidarité entre concubins, afin de rétablir un équilibre financier que la vie commune a pu rompre.34 Ne seront ici abordées que les conséquences de la rupture unilatérale du concubinage et du PACS en droit commun Français, quant aux personnes des concubins et des partenaires, et quant aux biens

.

En effet, les conséquences de la rupture quant aux enfants sont réglées par le droit de la filiation, désormais unifié par une ordonnance du 4 juillet 2005.

Par conséquent, étudier l'emploi des techniques de droit commun dans la rupture du concubinage et du PACS aurait pu revenir à étudier, d'une part, comment les intérêts pécuniaires des parties sont liquidés, et d'autre part, de quelle manière la jurisprudence répare le préjudice résultant de la rupture unilatérale

.

Or, la liquidation des intérêts pécuniaires, et la réparation d'un éventuel préjudice constituent, l'une comme l'autre, les conséquences patrimoniales de la rupture du concubinage et du

PACS

.

 

aux personnes, la seconde

utilisées pour séparer les

La première englobant des conséquences quant aux biens et quant ne traitant que des conséquences quant aux personnes

.

En outre, il convient de remarquer que les techniques de droit patrimoines des ex-concubins ou partenaires sont de deux sortes

.

D'une part, les techniques de droit des biens tels que le partage de l'indivision ou l'application de la théorie de l'accession permettent aux ex-concubins et partenaires de voir leurs patrimoines séparés de manière objective, en prenant en compte l'origine des

financements

.

 

D'autre part, les mécanismes d'indemnisation et de réparation favorisent le rééquilibrage des

32 Article 5 15-7 du Code civil, issu de la loi du 23 juin 2006

33 E. MULON, art. préc., RJPF avril 2007, analyse, p 8. 34 Ph. MALAURIE, H. FULCHIRON, Op. Cit.

patrimoines des ex-concubins ou partenaires, de manière subjective, en prenant en compte l'attitude des interessés

.

En effet, le comportement des concubins ou des partenaires permet de déterminer s'ils ont eu l'intention de se comporter en associés d'une société créée de fait, ou si la remise d'une somme constitue un prêt ou l'exécution d'une obligation naturelle

.

À la rupture du concubinage et du PACS, il convient alors, pour liquider de manière équitable les intérêts pécuniaires des ex-concubins ou partenaires, de faire tout d'abord application des techniques objectives de liquidation, relatives aux biens (Partie I) puis application des techniques subjectives de liquidation, relatives aux personnes (Partie II).

PREMIÈRE PARTIE: TECHNIQUES OBJECTIVES DE

LIQUIDATION DES INTÉRÊTS PÉCUNIAIRES À L'ISSUE

D'UN CONCUBINAGE OU D'UN PACS

À la rupture d'un concubinage ou d'un PACS, les ex-partenaires ou concubins aspirent à voir leurs patrimoines respectifs, qui le plus souvent ont été confondus, redevenir indépendants en fait.

En principe, la cessation du concubinage, situation de fait, ne devrait emporter aucune conséquence juridique, les concubins étant des étrangers l'un envers l'autre en droit.

Pourtant, en pratique, les tribunaux sont amenés à départager les biens et intérêts qui ont été confondus par l'effet de la vie commune des concubins35.

S'agissant du PACS, la liquidation des intérêts pécuniaires entre partenaires est prévue à l'article 515-7 du Code civil, qui ne précise en revanche pas les modalités de celle-ci. La situation est cependant quelque peu différente de celle des concubins, car les partenaires sont soumis à un régime légal qu'il convient de liquider, les techniques de droit commun n'étant ici sollicitées qu'en cas de silence des textes spécifiques

.

Ainsi, les tribunaux peuvent s'appuyer tout d'abord sur le droit commun des contrats (chapitre I), puis sur le droit commun des biens (chapitre II) afin de procéder à la séparation

des patrimoines des concubins ou des partenaires

.

 

CHAPITRE PREMIER: PAR APPLICATION DU DROIT COMMUN DES CONTRATS

Par principe, les conventions entre concubins ou partenaires ne sont pas réputées nulles pour cause illicite ou immorale36.

En conséquence, ceux-ci ont pu, à l'occasion de leur vie commune, conclure un ou plusieurs contrats relatifs à l'organisation de leurs relations pécuniaires (section I).

A l'occasion de leur rupture, les parties devront tenir compte de l'existence de ces contrats dans la liquidation de leurs intérêts patrimoniaux communs

.

En outre, le droit commun des contrats a aussi vocation à s'appliquer en cas de demande de résolution du PACS en justice, en vertu de l'article 1184 du Code civil (section II).

35 F. GRANET, Concubinage, JurisClasseur nouveaux couples nouvelles familles, édition 2002, fasc. 110.

36 J. RUBELLIN- DEVICHI, « Droit de la famille », JCP G n° 1, 6 janvier 1999, I, 101, p 15.

SECTION I: LES ÉVENTUELS CONTRATS CONCLUS À L'OCCASION D'UN CONCUBINAGE OU D'UN PACS.

L'utilisation du droit commun des contrats entre concubins ou partenaires peut, d'une part, avoir pour objet d'organiser juridiquement et globalement la relation patrimoniale des couples de concubins qui n'ont pas souhaité conclure un PACS.

D'autre part, les partenaires et les concubins peuvent ne souhaiter conclure que des contrats ponctuels et communs. Ces derniers ne présupposent pas de relations de couple entre les cocontractants, mais leur existence est justifiée par l'objectif d'organiser celles-ci.37 L'existence de ces contrats peut rendre plus aisée la liquidation des intérêts pécuniaires des parties, qu'ils organisent globalement les relations patrimoniales des concubins (I), ou qu'ils soient ponctuels et relatifs à un bien déterminé (II).

Les concubins peuvent aussi envisager de créer une société civile immobilière, dotée d'une personnalité juridique distincte de celle de ses associés, afin d'acquérir un bien immobilier. Bien qu'étant une solution plus sécurisante que l'indivision, ses inconvénients de fonctionnement et son coût élevé dissuadent généralement les concubins d'y avoir recours.38

I: LE CONTRAT DE CONCUBINAGE

Lors de la rupture du concubinage, l'existence d'une convention de vie commune, ou contrat de concubinage, conclu au début de la vie commune, peut faciliter la séparation des patrimoines des ex-concubins.

Selon les clauses introduites au contrat, cela peut favoriser le règlement amiable des opérations de liquidation des intérêts pécuniaires des parties.

Dans ces conventions de concubinage, les concubins peuvent organiser globalement les conséquences patrimoniales de leur vie commune, pendant celle-ci et à sa cessation, et ainsi se doter d'un statut39.

Contrat soumis au droit commun, il ne peut contenir de clauses prévoyant des obligations personnelles entre concubins.

En effet, la liberté contractuelle ne permet aux parties de s'engager que concernant les droits dont elles ont la libre disposition, le statut personnel étant pour sa part indisponible40. La communauté de vie, la fidélité, l'assistance ne peuvent donc pas faire l'objet d'obligations contractuelles car la liberté individuelle l'interdit.

Les parties ne peuvent pas non plus introduire de clauses destinées à paralyser en fait la rupture, qui est libre et ne constitue pas une faute en elle même.

La Cour de cassation, par un arrêt rendu le 20 juin 2006, illustre le propos en affirmant qu'est nulle car contraire au principe de la liberté individuelle la clause qui, dans un contrat de concubinage, « constitue par son caractère particulièrement contraignant un moyen de

37 D. FENOUILLET, « couple hors mariage et contrat », in la contractualisation de la famille, D. Fenouillet et P. de Vareilles Sommières ( sous dir.), collection études juridiques dirigée par N. Molfessis, économica, 2001.

38 E. DAGNEAUX, E. PANISSIÉ, A. SECK, « le logement des concubins », Gaz. Pal. 7 juin 2003, p 17.

39 J. HÉRAIL, « Les contrats à titre onéreux des concubins », JCP N n° 20, 1988, p 165.

40 Ph. MALAURIE, H. FULCHIRON, Op. Cit., p 163.

dissuader un concubin de toute vélléité de rupture ».41

En revanche, ce contrat peut se révéler utile si les concubins ont eu la sagesse de prévoir les modalités de leur contribution aux charges de la vie commune, s'ils ont fait une liste de leurs biens personnels avant leur installation, ou encore s'ils ont prévu le sort des biens achetés en commun par la suite.

Par ailleurs, il n'est pas interdit aux concubins d'introduire une clause prévoyant l'octroi d'une somme d'argent par l'auteur de la rupture à la victime de celle ci, en exécution d'un devoir de conscience42. Ils peuvent aussi prévoir qu'à leur rupture aura lieu le partage en valeur de l'excédent de l'enrichissement de l'un ou de l'autre43. Ce rééquilibrage conventionnel des patrimoines permet d'éviter une action en justice dans ce but.

Cette convention permet alors de pallier l'absence de règlementation du concubinage, les concubins n'étant tenus d'aucune contribution aux charges de la vie commune et n'étant soumis à aucun régime légal organisant leurs relations patrimoniales44.

À la rupture de leur relation, les concubins tiennent compte de l'existence d'une telle
convention au moment d'opérer le règlement de leurs intérêts patrimoniaux.

Ils peuvent renoncer à l'application d'une clause, ou de la totalité de la convention.

Les clauses destinées à règlementer la vie commune deviennent sans application, celles prévues en cas de cessation des relations ont à l'inverse vocation à être mises en oeuvre.45

Si la convention mentionne l'inventaire des biens personnels, meubles (meublants ou non) et immeubles de chaque concubin existants avant la vie commune, chacun reprend ses biens à la rupture sans avoir à prouver qu'il est sa propriété.

De même, si les conditions auxquelles la propriété des biens achetés pendant la vie commune est réputée exclusive sont stipulées dans la convention, les parties n'ont qu'à appliquer la convention pour partager leurs biens.

En outre, si les concubins ont prévu des modalités de contribution aux charges de la vie commune durant le cours de celle ci, et éventuellement les règlements à opérer au moment de la séparation, comme le remboursement de celui qui aurait excédé son obligation, ils tiendront compte de ces clauses à leur rupture.46

En cas d'inexécution par l'un des concubins des obligations pécuniaires prévues au contrat, l'autre peut lui réclamer en justice des dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1147 du Code civil47, en application du droit commun des contrats.

Si, à la rupture, l'un des concubins veut revenir sur les engagements prévus au contrat, il a la possibilité de demander l'annulation de celui-ci pour vice du consentement, s'il parvient à démontrer un dol, une erreur ou la violence au moment de la conclusion du contrat. Un arrêt de la cour d'appel d' Aix en Provence retient d'ailleurs le dol de la concubine pour annuler une convention de concubinage.

41 V. LARRIBAU- TERNEYRE, « Limites à la liberté de fixer la contribution à l'entretien des enfants dans un convention de concubinage », Dr. Fam. septembre 2006, com. n° 155, p 12.

42 J. RUBELLIN DEVICHI, art. préc., RTD civ 1984, p 389

43 P. SIMLER, « le « régime matrimonial » des concubins », études offertes à J. RUBELLIN DEVICHI, Op. Cit.

44 D. FENOUILLET, « couple hors mariage et contrat », Op. Cit.

45 M. MATHIEU, concubinage: liquidation après séparation, jurisclasseur nouveaux couples nouvelles familles, fasc.120, 2005.

46 M. MATHIEU, art. préc., jurisclasseur nouveaux couples nouvelles familles, fasc.120, 2005.

47 Ph. MALAURIE, H. FULCHIRON, Op. Cit., p 163.

En l'espèce, les concubins avaient prévus qu'en cas de rupture de leur relation, le concubin verserait une somme d'argent à son ex-concubine.

Or la concubine avait caché à son concubin lors de la signature de la convention qu'elle venait d'accepter la proposition de vie commune d'un autre homme.

La Cour a par conséquent reconnu un dol de la part de la concubine, justifiant l'annulation de la convention que le concubin n'aurait pas conclu s'il avait eu connaissance des éléments cachés par sa concubine.48

De plus, en cas de désaccord entre les parties au contrat sur son existence ou son contenu, qui doit être précis, la convention de concubinage n'est applicable que si elle peut être prouvée, et ce dans toutes ses dispositions49.

Fréquentes dans les pays Anglo-Saxons, ces conventions ne sont pas très usitées en France, bien que la pratique notariale en ait prévu des modèles50.

L'adoption du PACS dans la législation n'a apparement pas eu pour effet d'interdire les conventions de concubinage, car l'on constate que la Cour de cassation affirme dans plusieurs arrêts « qu'en l'absence de volonté exprimée à cet égard, chacun doit supporter les dépenses de la vie commune qu'il a exposées ».51

Ce qui sous entend que les concubins ont toute lattitude pour organiser conventionnellement leur contribution respective aux charges de la vie commune et démontre que l'organisation conventionnelle globale des intérêts patrimoniaux des concubins est encore possible. Néanmoins, l'intérêt des conventions de vie commune en France a été altéré par l'entrée du PACS dans la législation. Celui-ci est en effet un contrat spécifique destiné exclusivement à organiser la vie commune, qui comprend même des obligations personnelles, au côté d'obligations patrimoniales.

Ainsi, si les concubins n'ont pas souhaité conclure un PACS, il est également peu probable qu'ils concluent un contrat de concubinage, soumis au droit commun des contrats et permettant une moindre organisation de la vie commune.

En effet, le contrat de concubinage a, comme tout contrat, un effet relatif, signifiant que seules les parties au contrat sont liées par celui ci et qu'il n'est pas opposable aux tiers, qui ne peuvent se prévaloir de ses dispositions.

Malgré l'efficacité très relative de ce genre de conventions, les concubins prévoyants qui ont organisé par ce biais leur vie commune, ou qui ont conclu des contrats ponctuels, voient la liquidation de leurs intérêts pécuniaires simplifiée par rapport à ceux qui ne se sont pas souciés des incidences de leur vie commune avant le jour de leur rupture.52

48 J. RUBELLIN DEVICHI, art. préc., RTD civ 1984, p 389.

49 J. HAUSER, « Verba volent, scripta manent », RTD civ 2005, Chron. p 761

50 D. FENOUILLET, « Couple hors mariage et contrat », Op. Cit.

51 J. HAUSER, « Personnes et droits de la famille », RTD civ 2001, p 110 52 A. PROTHAIS, art. préc., JCP G n° 15, 1990,3440, I, doctrine n° 3440.

II: LES CONTRATS À TITRE ONÉREUX COMMUNS AUX DEUX TYPES D'UN IONS

Pour organiser la vie courante, les partenaires et les concubins font parfois appel à des contrats ponctuels, exprès ou tacite, dont ils souhaitent le plus souvent se délier lors de leur

rupture

.

 

Or, les parties ont pu acquérir un bien avec clause d'accroissement (A), ou se consentir un prêt (B), le plus souvent de manière implicite.

Il convient d'étudier l'incidence de l'existence de ces contrats sur la séparation des patrimoine

des ex-concubins ou partenaires

.

 

A: ACQUISITION AVEC CLAUSE D'ACCROISSEMENT

L'acquisition en tontine, ou avec clause d'accroissement est une acquisition accompagnée d'une clause doublement conditionnelle: chaque tontinier est propriétaire sous la condition suspensive de sa survie et sous la condition résolutoire du décès de l'autre53.

Ainsi, chacun finance la moitié d'un bien immobilier, qui appartiendra au survivant des deux. Aucune indivision en propriété n'existe entre eux du fait de la rétroactivité de la condition

.

Ce mécanisme est intéressant pour les concubins et partenaires, qui n'ont aucune vocation successorale (le bien, réputé n'avoir jamais appartenu au prédécédé, ne fait donc pas partie de sa succession), mais son attrait est aujourd'hui atténué par sa fiscalité désavantageuse. Fiscalement, les parties n'y ont pas intérêt, la valeur de la moitié du bien, lors du premier décès, étant assujettie aux droits de mutation par décès.54

Le désavantage de cette clause se manifeste spécialement en cas de rupture des relations entre les coacquéreurs avant le décès de l'un d'eux, l'absence d'indivision en propriété entre eux posant problème en cas de conflit

.

Les parties peuvent certes renoncer d'un commun accord au bénéfice de la clause55, afin de se retrouver en indivision, ou, d'un commun accord encore, décider de vendre le bien. L'un des acquéreurs peut aussi céder son droit sur le bien au profit de son coacquéreur. Cependant, s'ils ne s'accordent pas, l'un d'eux ne peut pas demander en justice le partage du bien, car l'absence d'indivision en propriété exclut le droit au partage.56

Pour remédier à ce blocage, la jurisprudence a déduit que seule la jouissance est en indivision tant que les deux acquéreurs sont en vie, en raison des droits concurrents qu'ils ont sur le bien. Elle affirme par conséquent le droit pour l'un des acquéreurs de demander le partage de cette jouissance.57

Une indivision en jouissance peut ainsi être organisée entre ex-concubins ou partenaires, s'ils n'ont pas souhaité vendre le bien ou renoncer au bénéfice de la clause

.

Celui qui jouit privativement du bien doit indemnisation à l'autre, l'indemnité étant fonction

53 Paris, 10 décembre 2002, com. S. D-B: « les ressorts de l'indivision en jouissance issue d'une clause de tontine », AJ famille 2003, jurisp. p 143.

54 J. HÉRAIL, « les contrats à titre onéreux des concubins », JCP N n° 20, 1988, p 165.

55 M. MATHIEU, art. préc., jurisclasseur nouveaux couples nouvelles familles, fasc. 120, 2005.

56 Cass. 1e civ, 27 mai 1986, JCP G 1987, 20 763, II

57 Paris, 10 décembre 2002, art. préc., AJ famille 2003, p 143, jurisprudence

de la valeur locative du bien.58

Ainsi, cette création prétorienne permet de résoudre les difficultés causées par cette clause en pratique lors de la séparation de concubins ou de partenaires, qui le plus souvent sont en conflit et doivent liquider eux-même leurs intérêts pécuniaires.

Sur le plan juridique, en revanche, la doctrine et particulièrement H. Lécuyer, a eu l'occasion de signaler les incohérences de ce dispositif destiné à remédier à l'absence de règles gouvernant la liquidation des intérêts pécuniaires des concubins et des partenaires lors de leur séparation.

Le droit commun est ainsi utilisé dans un but d'équité, qui conduit parfois à tourner ce dernier dans un sens favorable aux parties, A. Prothais soulignant d'ailleurs le « forçage du droit commun par des contorsions juridiques ».59

S'agissant de l'acquisition avec clause d'accroissement, reconnaître l'existence d'une indivision en jouissance, pour pouvoir en déduire que l'occupant exclusif du bien est redevable d'une indemnité d'occupation, est juste, équitable.

En revanche, s'il apparaît que l'occupant exclusif est aussi le survivant, il n'est pas juridiquement possible de justifier qu'il ait payé au prédécédé, réputé n'avoir jamais eu aucun droit sur ce bien, une indemnité d'occupation.60

Ceci illustre bien la volonté jurisprudentielle d'utiliser les moyens à sa disposition, qui sont en l'occurence les techniques de droit commun, pour pallier l'absence légale de prise en compte spécifique des conséquences de la rupture des concubins et des partenaires d'un PACS, afin d'éviter l'instauration de la loi du plus fort lors des opérations de liquidation.

B: CONTRAT DE PRÊT

Si les concubins ou les partenaires avaient conclu un prêt lors de leur vie commune, il convient d'étudier son sort à l'occasion de la rupture.

Les partenaires d'un PACS sont soumis à un régime primaire impératif prévoyant leur solidarité quant aux dettes contractées pour la vie courante, exceptées les dépenses manifestement excessives (article 5 15-4 du Code civil).

Ils doivent donc rembourser solidairement le prêt, s'il a été contracté pour les besoins de la vie courante, qu'il ait été conclu par l'un des partenaires, ou les deux.

Ainsi, à la rupture des partenaires, soit le prêt est remboursé et celui des deux qui a contribué le plus au remboursement du prêt peut exiger que l'autre le dédommage, au nom de l'aide matérielle, soit le remboursement est en cours et chacun doit continuer à verser sa part jusqu'à extinction de la dette.

De fait, c'est ici le régime spécifique du PACS qui s'applique, non le droit commun. Cependant, l'article 515-4 du Code civil qui prévoit la solidarité quant aux dettes contractées pour la vie courante et l'aide matérielle n'a pas assorti ces obligations, qui sont pourtant

58 La rupture des unions libres, collection encyclopédie Lamy droit civil- droit des personnes et de la famille, étude n° 380, 2006.

59 A. PROTHAIS, art. préc., JCP G n° 15, 1990,3440, I, doctr. n° 3440.

60 H. LÉCUYER, « Le droit commun des obligations au secours des concubins et partenaires unis par un PACS », RLDC n° 5/2004, panorama 2003.

d'ordre public,61 de sanctions.

Fort heureusement, un arrêt de la cour d'appel de Paris du 9 novembre 2006 rendu au sujet des conséquences patrimoniales de la rupture d'un PACS, statue sur le manquement à l'obligation de contribuer aux charges du couple62.

On peut en déduire qu'un partenaire qui a remboursé la totalité d'un prêt contracté pour les besoins de la vie courante peut réclamer en justice à son partenaire sa contribution au titre de l'aide matérielle. Par le biais d'une action en contribution, il pourra obtenir que son partenaire contribueproportionnellement à ses ressources, ou conformément aux dispositions

,

conventionnelles éventuellement prévues.

En revanche, si le prêt n'est pas souscrit pour les besoins de la vie courante, seul le partenaire qui l'a conclu est tenu de son remboursement.

Comme pour les concubins, l'on applique le droit commun.

S'agissant de ces derniers, la Cour de cassation réaffirme à chaque arrêt qu'il n'existe entre eux aucune solidarité autre qu'expressément stipulée, soulignant la soumission des relations entre concubins au droit commun en l'absence d'un régime de base applicable à leurs relations patrimoniales.63

Ainsi, si les concubins ont souscrit un prêt pour les besoins de leur vie courante ou quel qu'en soit l'objet, sans que soit expressément stipulée la solidarité, la dette sera conjointe et non solidaire64. Celui des deux qui aura contribué plus que l'autre au remboursement ne pourra pas réclamer remboursement en justice, sauf à démontrer que ce qu'il a réglé au-delà de sa part constituait un prêt en faveur de son concubin.

En effet, en l'absence de contribution aux charges entre concubins, chacun doit assumer personnellement les dépenses de la vie courante qu'il expose65.

Par conséquent, celui des concubins qui a souscrit un prêt à son nom mais en a fait, totalement ou en partie, profiter son concubin, et en a remboursé les échéances, ne peut exiger à la rupture d'être remboursé par l'autre, sauf s'il peut prouver qu'il n'avait fait que prêter cet argent à son concubin.

Prouver l'existence d'un prêt à la rupture des relations entre les parties suscite des difficultés en l'absence d'écrit66. Ce dernier est exigé au dessus de 1500€ par l'article 1341 du Code civil. Le demandeur doit démontrer avoir été dans l'impossibilité morale de se procurer un écrit, afin de pouvoir prouver par tous moyens l'existence de ce prêt, en vertu de l'article 1348 du Code civil.

Les juridictions de fond se montrent assez souples dans l'admission du concubinage comme constitutif d'une impossibilité morale, tel qu'en témoigne un arrêt de la cour de Versailles rendu le premier février 2002.

Les juges ont considéré que la relation poursuivie pendant quinze ans entre les parties établissait l'impossibilité morale du prêteur à se procurer une preuve littérale du contrat de

61 N. MOLFESSIS, « la réécriture de la loi par le conseil constitutionnel », JCP N n° 6, 11 février 2000, p 270.

62 Paris, 9 novembre 2006, AJ famille février 2007, jurisp. p 94.

63 Cass. 1e civ, 27 avril 2004, Dt. fam. septembre 2004, com. N° 140 p 25

64 A.PROTHAIS, « dettes ménagères des concubins: solidaires, in solidum, indivisibles ou conjointes? », D. 1987, chron. p 237.

65 Cass. 1e civ, 17 octobre 2000, obs. R Cabrillac, D. 2001 p 497.

66 Concubinage, jurisclasseur nouveaux couples nouvelles familles, fasc. 110, 2006 (obs. n° 35)

prêt, au sens de l'article 1348 du Code civil. Ils ont qualifié l'encaissement par le concubin bénéficiaire du chèque émis à son profit de commencement de preuve par écrit, le concubin prêteur pouvant alors prouver par tout moyen que la remise des fonds avait été faite à titre de prêt.67

Cependant, la Cour de cassation refuse de considérer que le seul fait de la vie en concubinage soit générateur d'une impossibilité morale de se procurer un écrit68 et exige plus que l'existence de relations affectives entre les parties. En outre, elle répète que la preuve de la remise de fonds est insuffisante à établir l'existence d'un contrat de prêt.69

La Cour suprême refuse donc tout assouplissement des règles de preuve en présence d'un concubinage. Elle semble hostile à la reconnaissance d'une présomption d'onérosité entre concubins, que certains auteurs de doctrine et certaines cours d'appel souhaiteraient voir reconnue.70

Force est de constater que le droit commun ne peut pas toujours rétablir l'équilibre au moment de la liquidation des intérêts des concubins, en raison du respect nécessaire des règles de preuve, ou de la réunion des conditions des obligations.

Néanmoins, le concubin déçu peut invoquer l'existence d'une société de fait ou, subsidiairement, d'un enrichissement sans cause afin de rééquilibrer les profits. En raison de la nature contractuelle du PACS, le droit commun des contrats lui est applicable à défaut de dispositions spécifiques, et peut se révéler utile en cas de non exécution de son engagement par un des partenaires

.

Le partenaire victime de l'inexécution peut, en vertu de l'article 1184 du Code civil, demander en justice la résolution du PACS si l'un des partenaires ne satisfait pas à son engagement.

67 J. RUBELLIN- DEVICHI, « Droit de la famille », JCP G n° 50, 13 décembre 2006, I, 199.

68 Cass. 1e civ, 8 juin 2004, juris-data n° 2004-024900.

69 Versailles, 27 avril 2001, AJ Famille 2001, jurisp. p 23.

70 J. ROCHE DAHAN, « La remise de sommes d'argent entre concubins: prêt ou don manuel? », Dr. et Patr. 2000,

pratique p 42

.

 

SECTION II: LA RÉSOLUTION DU PACS.

Le pacte civil de solidarité est un contrat dont l'objet est spécifique, mais reste avant tout un contrat, comme l'a maintes fois affirmé le gouvernement lors de la discussion du projet de loi relatif au PACS en 1999.71

Il comporte des obligations réciproques. Par conséquent, c'est un contrat synallagmatique, qui est conclu intuitu personae pour une durée indéterminée.72

Comme le Conseil Constitutionnel l'a rappelé en examinant la conformité de la loi à la Constitution, le PACS obéit à des règles spéciales, mais à défaut, les règles de droit commun des contrats et des obligations ont vocation à s'appliquer, sauf si elles s'avèrent contraire à ladite loi.73

Par là même, le principe de la résolution en justice d'un contrat pour inexécution de l'engagement du cocontractant ne vient à l'évidence heurter aucunement la loi relative au PACS. Celle-ci a certes prévu que la fin du PACS résulte de la dissolution de celui-ci, mais sans prévoir de sanctions spécifiques en cas d'inexécution de ses engagements par l'un des parte nai res.

De ce fait, la résolution du PACS est une hypothèse envisageable dans son principe si l'un des partenaires n'exécute pas ses obligations.

L'intérêt de ce mécanisme est cependant limité, car l'inexécution de l'aide matérielle peut se résoudre par une action en contribution. C'est ce qu'affirme l'arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 9 novembre 2006, qui a été amené à statuer, entre autre, sur un manquement à l'obligation de contribuer aux charges du couple.74

Il est une hypothèse où l'utilisation de l'article 1184 du Code civil pourrait pourtant se montrer judicieuse et propice. Il s'agit du cas où l'un des partenaires manquerait à son obligation de vie commune.

En effet, le nouvel article 5 15-4 du Code civil, issu de la loi du 23 juin 2006, dispose que les partenaires s'engagent à une vie commune.

Or, il est impossible de procéder à une exécution forcée de la vie commune, pénalement qualifiée de séquestration.

Par ailleurs, le fait de quitter son partenaire, et donc de mettre fin à la vie commune, n'est pas une faute ouvrant droit à dommages et intérêts.

De ce fait, la résolution judiciaire avec dommages et intérêts permettrait au partenaire abandonné de faire sanctionner l'inexécution par son partenaire de son engagement à une vie commune.

On pourrait, en extrapolant quelque peu, envisager la sanction de l'infidélité du partenaire par la résolution judiciaire accompagnée de dommages et intérêts.

Certes, la loi du 23 juin 2006 réformant le PACS n'a pas introduit expressément d'obligation de fidélité dans le PACS, peut être pour ne pas introduire trop d'obligations personnelles

71 D. FENOUILLET et P. DE VAREILLES SOMMIÈRES ( sous dir.), Op. Cit., introduction p 1.

72 Le pacte civil de solidarité, collection encyclopédie Lamy droit civil- droit des personnes et de la famille, étude n° 383, 2004.

73 N. MOLFESSIS, art. préc., JCP N n° 6, 11 février 2000, p 270.

74 G. KESSLER, V. ZALEWSKI, « L'anéantissement du PACS et ses conséquences: premier aperçu jurisprudentiel », RLDC mars 2007, personnes et famille p 36.

dans ce contrat hybride, peut être aussi pour éviter un trop grand rapprochement idéologique avec le mariage

.

Néanmoins, il convient de rappeler que le tribunal de Lilles, dans une ordonnance du 5 juin 2002, a déduit de l'article 515-1 du Code civil et de la décision du Conseil Constitutionnel que le devoir de communauté de vie, entendu comme une communauté de toit et de lit, doit être exécuté de bonne foi en vertu de l'article 1134 du Code civil, ceci supposant la sanction de l'infidélité entre partenaires.75

De ce fait, il est possible d'envisager cette hypothèse de résolution du PACS pour infidélité, si la jurisprudence vient à confirmer l'interprétation effectuée par les juges Lillois. En effet, celleci tend à faire de la fidélité une obligation contractuelle, en tant qu'exécution de bonne foi du devoir de communauté de vie de l'article 5 15-4.

Il faut cependant émettre une réserve quant à l'applicabilité de l'article 1184 du Code civil, relatif à la résolution du contrat, au contrat spécifique du PACS.

En effet, une partie de la doctrine76 considère que le droit commun des contrats ne peut être appliqué à la rupture du PACS, le législateur ayant pris soin de règlementer les causes et la procédure de sa dissolution

.

Le PACS connaît certes quatre causes de dissolution qui sont le décès, le mariage, la rupture unilatérale et la rupture conjointe. Cependant, la résolution judiciaire du contrat, demandée en cas d'inexécution des engagements du cocontractant, ne semble pas vouloir heurter le régime spécial du PACS, celle-ci n'étant que l'incidence de l'inexécution des obligations contractuelles

.

De plus, aucune sanction de l'inexécution des obligations du PACS n'ayant été prévue par la loi qui l'a institué, c'est au droit commun, qui s'applique de manière résiduelle, de venir suppléer cette absence

.

Aucun arrêt n'est pour le moment venu trancher ce propos, mais la nature hybride du PACS, contrat organisant la vie commune, engendre bien des controverses.

Pour résoudre les conséquences pécunaires de la rupture d'un PACS ou d'un concubinage, le droit commun des contrats se révèle utile mais insuffisant, les concubins n'ayant la plupart du temps pas pensé à organiser contractuellement leurs relations patrimoniales

.

De même, les partenaires doivent procéder à la liquidation de leurs intérêts pécunaires.

La séparation des patrimoines ne se passe pas du droit des bien, et plus particulièrement des mécanismes de l'indivision et de la théorie de l'accession

.

75 L. ANTONINI-COCHIN, « Le paradoxe de la fidélité », D. 2005, chron. p 23.

76 Ph. MALAURIE, H. FULCHIRON, Op. Cit., p 211

CHAPITRE SECOND: PAR APPLICATION DU DROIT COMMUN DES BIENS

Les ruptures du concubinage et du PACS imposent de liquider le passé et de répartir l'ensemble des biens dont disposaient les partenaires avant la rupture.

Pour ce faire, il convient de partager l'indivision, en liquidant les biens indivis, et le cas échéant de faire application de la théorie de l'accession de l'article 555 du Code civil.

L'on constate que les mécanismes utilisés pour séparer les intérêts pécuniaires des partenaires et des concubins sont les mêmes outils de droit commun77. Les parties utilisent le mécanisme de l'indivision (section I), et la théorie de l'accession (section II), afin de séparer leurs patrimoines respectifs.

SECTION I: LIQUIDATION DES BIENS INDIVIS

Lors de la séparation, chaque concubin reprend ses biens personnels, qui sont les biens qu'il possédait avant de se mettre en ménage et les biens qu'il a acquis par la suite et sur lesquels il peut prouver sa propriété exclusive.

Un bien acquis par un des concubins, mais payé par l'autre, reste personnel au titulaire du titre de propriété, quel que soit l'origine des deniers utilisés pour l'acquérir.78

De ce fait, si celui qui a payé le bien veut obtenir remboursement de la part de son concubin, il devra prouver que les fonds avancés n'ont été que prêtés.79

Les biens acquis en commun ou sur lesquels aucun des concubins ne peut prouver sa propriété exclusive sont réputés indivis, et ont vocation à être partagés entre eux80. En effet, l'indivision concerne des personnes titulaires d'un même droit sur un même bien, c'est un mode d'exercice en commun de droit individuels.81

S'agissant des partenaires soumis au régime légal de la séparation de bien, ils reprennent de la même manière leurs biens personnels, et doivent partager les biens achetés en commun, seuls biens à être indivis.

Si les partenaires avaient choisi le régime de l'indivision des acquêts dans leur convention de PACS, ils reprennent leurs biens personnels, qui sont ceux acquis avant l'union et ceux énumérés à l'article 515-5-2 du Code civil. Ils partagent ensuite les biens indivis selon le régime légal de l'indivision (I).

En cas de convention d'indivision, les partenaires ou concubins doivent effectuer le partage en tenant compte des dispositions conventionnelles, la convention pouvant porter sur un ou plusieurs biens indivis (II).

Il convient de souligner que le logement commun ne bénéficie pas de dispositions

77 F.DEKEUWER-DÉFOSSEZ, « PACS et famille: retour sur l'analyse juridique d'un contrat controversé », RTD civ 2001, variétés p 529.

78 J.F. SAGAUT, « La séparation d'un couple de concubins ayant acheté ensemble un bien immobilier: morceaux choisis », AJ famille mai 2002, dossier p 164.

79 Cf supra : « contrat de prêt ».

80 Ph. MALAURIE, H. FULCHIRON, Op. Cit., p 163

81 C. PERNEL, « le patrimoine des concubins après la loi du 15 novembre 1999: indivision ou société créée de fait », Dr. patrim. juin 2001, pratique p 44.

protectrices comme en cas de divorce. Le partenaire ou concubin non propriétaire du logement ne peut donc pas se prévaloir d'un droit au maintien dans les lieux.

Lors de la séparation des concubins ou des partenaires, le propriétaire du logement peut obliger son ex-partenaire ou concubin à quitter les lieux.

Si ce dernier se maintient dans le logement, il l'occupe sans droit ni titre et est dans ce cas redevable d'une indemnité d'occupation82, ou peut faire l'objet d'une expulsion.

Il en est autrement quand le bien immobilier a été acquis par les partenaires ou concubins en indivision, qu'ils aient conclu ou non une convention d'indivision.

I: PARTAGE DE L'INDIVISION LÉGALE

L'indivision légale est le droit commun de l'indivision, prévu aux articles 815 et suivants du Code civil, qui s'applique en l'absence de convention d'indivision.83

L'indivision légale a vocation à s'appliquer aux biens des concubins et des partenaires qu'ils ont acheté en commun et qu'ils ont entendu partager, et aux biens sur lesquels ils n'ont pu prouver leur propriété exclusive,

Ainsi, même en présence d'un régime légal de séparation de biens des partenaires, il convient d'appliquer le droit commun de l'indivision aux biens qui n'ont pu être rattachés à un partenaire ou que les partenaires ont entendu acheter en commun.

Le partage des biens indivis dépend de l'origine de l'indivision, qu'elle soit intentionnelle, résiduelle ou choisie dans une convention de PACS.

A: DÉTERMINATION DES BIENS À PARTAGER

Les partenaires soumis au régime légal de séparation de bien ou les concubins sont réputés acquérir chacun pour soi. Les concubins sont en effet juridiquement des étrangers, quant au régime de séparation de biens, il a pour but la séparation des patrimoines. Néanmoins, ceux-ci ont pu effectuer des achats communs et souhaiter que ces biens soient soumis au régime de l'indivision84.

À leur séparation, le partage de ces biens se fera selon la quote part qu'ils ont acheté respectivement.

Ainsi, le bien acheté en indivision à parts égales par chacune des parties, ou sans indication dans l'acte d'acquisition de la quote part acquise par chacun aura vocation à être partagé par moitié.

Le bien acquis en indivision selon des quotes parts inégales aura, lui, vocation à être partagé à proportion de celles-ci.

Cependant cette présomption supporte la preuve contraire, ce que rappelle la Cour de cassation, en l'absence d'une participation financière égale de chacune des parties. Dans un arrêt rendu le 31 janvier 2006, la Cour de cassation a été amenée à préciser que le

82 La rupture des unions libres, collection encyclopédie Lamy droit civil- droit des personnes et de la famille, étude n° 380, 2006.

83 F.TERRÉ, P.SIMLER, Droit civil: les biens, précis Dalloz, coll. droit privé, 7e éd., 2006, p 451

84 F. SAUVAGE, « La mutation du pacte civil de solidarité », RLDC février 2007, supplément au n° 35, obs. n° 2427, p 54.

fait, pour l'un des indivisaires, d'avoir participé au financement du bien indivis dans des proportions supérieures à l'autre doit être pris en compte pour le partage de l'indivision. Pourtant, l'acte d'achat portait mention que l'acquisition du bien avait été faite à parts égales, ceci révélant la volonté des parties d'être coindivisaires pour moitié.

Le partage de l'indivision, selon la Cour, doit cependant être effectué en fonction et à proportion de l'origine des fonds.85

La Cour de cassation ajoute, de plus, que ne constitue pas une contribution réelle à l'acquisition du bien la participation financière à la vie du ménage effectuée par le concubin qui a le moins participé au financement du bien indivis86.

Par conséquent, la contribution aux charges de la vie commune de l'un ne peut justifier le partage du bien indivis par moitié, quand ce concubin n'a pas autant participé que l'autre au financement du bien.

Ce faisant, la Cour de cassation n'a fait que confirmer un arrêt précédent en date du 6 février 2001, qu'une partie de la doctrine avait jugé critiquable. Elle a considéré, en effet, qu'il méconnaissait un principe bien établi, selon lequel, en cas d'acquisition d'un bien, le propriétaire est celui qui achète, non celui qui finance l'opération.87

D'autant plus que dans l'espèce de 2006, les parties avaient mentionné dans l'acte d'achat leur volonté d'acquérir à parts égales le bien, contrairement à l'espèce de l'arrêt de 2001 où rien de tel n'avait été précisé par les parties.

La Cour de cassation, en réaffirmant cette solution et en cassant l'arrêt d'appel, a encore une fois voulu rappeler qu'il n'est pas possible de prendre en compte la participation aux charges du ménage de l'un des concubins pour partager par moitié le prix de la vente de l'immeuble indivis acquis avec une participation nettement supérieure de la part de l'autre concubin88.

En effet, il n'est pas possible d'appliquer des éléments du régime primaire des époux pour répartir plus équitablement les biens entre concubins à leur rupture.

Cependant, un arrêt du 1e juillet 2003 n'a pas statué de la sorte, en présence de deux concubins ayant acquis chacun pour moitié un immeuble, l'un deux seulement ayant financé l'acquisition.

La Cour de cassation a décidé en l'espèce que l'équité commandait qu'il soit tenu compte, lors du partage de l'indivision, de l'origine du financement, en accordant à l'indivisaire auteur du financement une indemnisation égale au montant de la dépense effectuée au delà de ce à quoi il était obligé.

En outre, la Cour a qualifié les remboursements de l'emprunt ayant servi à financer un bien indivis d'impenses nécessaires à la conservation de ce bien.89

Cette solution semble davantage respecter la volonté des parties, quand elles ont déterminé la quote part acquise par chacune.

En effet, en soumettant intentionnellement certains biens au régime de l'indivision, les

85 V. LARRIBAU- TERNEYRE, « Obligation de tenir compte de l'origine des fonds pour le partage de l'indivision », Dt. fam. avril 2006, com. n° 83 p 13

86 Cass. 1e civ, 31 janvier 2006, Juris-Data n° 2006-03 1967.

87 J. MASSIP, « Chronique de jurisprudence civile générale », Defrén. n° 9/2001, art. 37353 p 593.

88 J. RUBELLIN-DEVICHI, « Droit de la famille », JCP G 13 décembre 2006, chron. p 199.

89 V. BRÉMOND, « Le partage de l'indivision doit tenir compte de l'impense nécessaire pour la conservation du bien indivis », D. 2004, jurisp., S.C. , p 2342.

concubins ou partenaires soumis au régime légal se réservent la possibilité de choisir la quote part que chacun détient sur le bien. Ainsi, ils évitent les désagréments de l'application au bien d'une indivision résiduelle.

En effet, celle-ci résulte de l'impossibilité, d'une part, de prouver la propriété exclusive de l'un ou l'autre sur le bien et d'autre part de prouver la quote-part que chacun détient sur le bien. S'agissant des partenaires qui achètent un bien intentionnellement en indivision, financé seulement par l'un deux, notamment par le biais du remboursement intégral du prêt souscrit pour acquérir le bien, il convient d'appliquer les mécanismes de leur régime légal.

Celui qui n'a pas participé au financement doit restitution à l'autre des sommes investies pour son compte, sans réévaluation, sauf si l'intention libérale est prouvée90.

Par conséquent, en application du régime légal des partenaires celui des deux qui a totalement financé le bien détient une créance contre son partenaire91, le bien étant partagé entre eux selon la quote part que chacun détient sur celui-ci.

Cependant, il existe des biens que les concubins ou les partenaires séparés de bien n'ont pas forcément souhaité acheter ensemble, mais qui sont réputés indivis, à défaut d'avoir pu démontrer un droit de propriété dessus.

Cette indivision est résiduelle. Les partenaires ou concubins sont réputés propriétaire de ce bien chacun pour moitié quand aucun titre de propriété, tel qu'une facture, n'a pu être fourni, aucune intention libérale prouvée, ou aucune possession démontrée.

Cette indivision résiduelle ne concerne que les meubles. En effet, l'acquisition d'un immeuble s'effectuant par acte authentique, son ou ses propriétaires sont toujours identifiables. Afin de démontrer sa propriété exclusive sur un bien, le concubin ou partenaire peut fournir un titre de propriété, tel qu'une facture, ou tenter de démontrer qu'il est propriétaire du bien car il en a la possession, en vertu de l'article 2279 du Code civil.

Contrairement aux concubins, les partenaires peuvent prouver par tous moyens leur propriété exclusive sur un bien92.

La vie commune engendre un mélange des biens de l'un et de l'autre, rendant la possession des meubles du logement commun équivoque en raison de la cohabitation du possesseur avec le revendiquant.

Le TGI de Cusset, dans un jugement du 19 juillet 2001 a eu l'occasion d'affirmer cette solution au sujet d'un chien (qui est un bien meuble) dont les concubins séparés se disputaient la propriété93.

Mais un arrêt de la cour d'appel de Lyon en date du 15 février 2001 a, quant à lui, admis l'application de l'article 2279 du Code civil à des meubles détenus par l'ex-concubine et meublant son domicile. La revendication de l'ex-concubin, qui pourtant était en mesure de fournir les factures d'achat desdits meubles, n'a donc pu prospérer, l'ex-concubine prétendant au surplus avoir reçu un don manuel.94

90 F.DEKEUWER-DÉFOSSEZ, « PACS et famille: retour sur l'analyse juridique d'un contrat controversé », RTD civ 2001, variétés p 529.

91 F.DEKEUWER-DÉFOSSEZ, art. préc., RTD civ 2001, variétés p 529.

92 Article 515-5 alinéa 2 du Code civil.

93 H. LÉCUYER, « Le chien Mozart et les concubins », Dt. fam. novembre 2001, com. n° 105 p 21.

94 H. LÉCUYER, « Possession des meubles par la concubine: la condition d'absence d'équivoque en question », Dt.

.

Cependant, le courant majoritaire jurisprudentiel et doctrinal n'épouse pas cette théorie et considère plutôt que la possession est viciée par l'équivoque de la cohabitation, les biens garnissant le logement commun étant alors réputés indivis par moitié Si la possession ne peut que rarement venir au secours du concubin ou du partenaire souhaitant démontrer son droit de propriété sur un bien, la propriété peut aussi résulter d'un don manuel, ou d'une intention libérale.

Il revient alors à celui qui invoque une intention libérale de la démontrer, risquant alors de se heurter au problème de la preuve, à défaut de pouvoir produire un titre de propriété. Ainsi, lorsque les concubins ou partenaires n'ont pu prouver leur droit de propriété sur un bien, celui ci est réputé indivis par moitié et devra être partagé comme tel.

Lors de leur rupture, les concubins et les partenaires séparés de biens doivent donc partager un ensemble de biens indivis, acquis volontairement en indivision ou réputés indivis par moitié, faute d'avoir pu fournir un titre de propriété au nom de l'un des concubins ou

parte nai res

.

 

En revanche, si ces biens réputés indivis sont enlevés de l'habitation commune par l'un des concubins, l'autre n'a aucun moyen de l'obliger au partage. En effet, la possession de l'article 2279 du Code civil retrouve dès lors toute son efficacité et fait obstacle à toute revendication, les meubles meublants des concubins ainsi que les biens achetés en commun ne bénéficaent d'aucune protection légale.95

La masse de biens indivis entre partenaires qui se sont soumis au régime de l'indivision des acquêts dans leur convention de PACS a vocation à être plus large

.

En effet, les acquisitions de l'un ou des deux partenaires sont réputées être indivises par moitié, « sans recours de l'un des partenaires contre l'autre au titre d'une contribution inégale », tel qu'en dispose l'article 515-5-1 du Code civil.

Dans ce régime conventionnel, le partenaire qui a financé le bien en totalité, ou de façon plus importante, ne peut se prévaloir d'une créance à l'encontre de son partenaire, comme prévu dans le régime légal

.

Seuls échappent à l'indivision les biens qui demeurent la propriété exclusive de chaque partenaire, énumérés à l'article 515-5-2 du Code civil

.

Lors de la rupture, la liquidation de l'indivision se fera donc par partage par moitié de la

masse indivise

.

 

Ce nouveau régime conventionnel d'indivision, introduit par la loi du 23 juin 2006, vient remplacer avantageusement le précédent régime légal de présomption d'indivision

.

Les partenaires qui concluent un PACS ont le choix, depuis le premier janvier 2007, entre le régime légal de séparation de bien et le régime conventionnel d'indivision des acquêts

.

Cependant, si les partenaires d'un PACS conclu avant cette date veulent bénéficier de l'un de ces nouveaux régimes, ils doivent conclure une convention modificative, le régime légal de la séparation de bien ne venant pas automatiquement remplacer le régime légal précédent. À l'occasion d'un changement de régime, les partenaires d'un PACS auront tout intérêt à liquider le régime précédent, à l'instar des époux modifiant leur régime matrimonial.

fam. octobre 2001, com. N° 92 p 17.

95 X. LABBÉE, « Les meubles meublants des concubins homosexuels », D. 2006, jurisp. p 1669.

Contrairement à l'acte notarié de convention modificative de régime matrimonial qui doit contenir à peine de nullité la liquidation du régime matrimonial modifié, depuis la réforme du 23 juin 2006,96 la convention modificative du régime des partenaires n'est pas soumise à cette exigence par l'article 515-3 du Code civil, qui prévoit la possibilité de modifier la convention de PACS.

En cas de rupture d'un PACS conclu sous l'empire de la loi de 1999, les partenaires, soumis au régime légal de présomption d'indivision, doivent procéder eux même à la liquidation « des droits et obligations résultant du PACS »97. Les partenaires ne saisissent le juge que s'ils ne parviennent pas à s'accorder sur les conséquences patrimoniales de leur rupture.

Les partenaires doivent partager l'indivision prévue par la loi de 1999, ce régime de présomption d'indivision faisant une distinction entre deux types de meubles.

La loi de 1999 avait réputé indivis pour moitié les meubles meublants, sauf disposition contraire dans la convention de PACS. Elle avait prévu de soumettre les autres meubles au régime de l'indivision, les partenaires ne pouvant faire échapper leurs acquisitions à l'indivision qu'en stipulant cette volonté dans l'acte d'achat.98

Ainsi, la liquidation des PACS conclus avant le premier janvier 2007 doit se faire en distinguant ces deux types de meubles.

Le partage des meubles meublants se fait en fonction de la convention de PACS.

En effet, si celle ci avait exclu l'indivision les concernant, chaque partenaire reprend ceux sur lesquels il détient un titre de propriété. Les autres sont réputés indivis et ont vocation à être partagés par moitié.

Si la convention de PACS n'avait rien prévu, les meubles meublants ont alors vocation à être partagés par moitié, étant présumés indivis.

Le partage des autres biens, dont les partenaires sont devenus propriétaires à titre onéreux postérieurement à la conclusion du pacte, doit se faire par moitié. Ils sont présumés indivis, à l'exception des biens que les partenaires ont tenu à exclure de l'indivision en le stipulant dans l'acte d'achat.

La réforme du PACS a tenu à supprimer ce régime englobant trop largement et systématiquement les biens des partenaires, tout en créant de nouveaux avantages spécifiques aux partenaires d'un PACS, lors de la rupture de celui-ci.

À la rupture du concubinage, l'un des concubins ne peut demander en justice attribution préférentielle de l'immeuble indivis, cette possibilité n'étant offerte qu'au conjoint et aux héritiers, en vertu de l'article 831 du code civil.

La jurisprudence affirme fermement ce principe99, l'attribution préférentielle dérogeant au droit commun du partage et n'étant pas ouverte à tout copartageant.100

96 N. PETERKA, « Les incidences de la réforme des successions et des libéralités sur le droit des régimes matrimoniaux », AJ famille octobre 2006, dossier p 358.

97 Article 5 15-7 du Code civil

98 Ancien article 515-5 du Code civil

99 V. LARRIBAU- TERNEYRE, « L'attribution préférentielle n'est définitivement pas ouverte aux concubins...même en cas de société de fait? », Dt. fam. décembre 2005, com. n° 262 p 18; F. BICHERON, « L'attribution préférentielle du logement indivis à un concubin est exclue en cas de partage », AJ famille 2003, jurisp. p 27

100 F.BICHERON, « L'attribution préférentielle d'un immeuble indivis ne peut être demandée par un concubin », AJ famille 2004, jurisp. p 63.

.

En revanche, l'article 5 15-6 du Code civil prévoit la possibilité d'une attribution préférentielle à l'un des partenaires, lors de leur rupture, en renvoyant aux articles 831 et suivants du Code civil relatifs à l'attribution préférentielle et à ses modalités Ainsi, l'un des partenaires d'un PACS peut, à la rupture du pacte, réclamer en justice l'attribution préférentielle de l'immeuble d'habitation indivis, s'ils n'ont pas trouvé d'accord par

eux même

.

Si le juge statue dans ce sens, le partenaire bénéficiaire de l'attribution préférentielle sera propriétaire du bien, mais sera redevable d'une soulte à son ex partenaire, tel qu'en dispose l'article 831 du Code civil

.

De ce fait, le statut de partenaires pacsés, au même titre que le statut d'époux, ouvre droit à l'application de la règle de l'attribution préférentielle, dérogatoire au droit commun du

partage

.

 

S'il apparaît lors du partage que l'un des partenaires détient une créance à l'encontre de l'autre, ce dernier doit le dédommager, sauf si la créance peut être compensée par « les avantages que le créancier a pu retirer de la vie commune, notamment en ne contribuant pas à hauteur de ses facultés aux dettes contractées pour les besoins de la vie courante », ainsi qu'en dispose l'article 515-7 du Code civil

.

Après avoir déterminé quels sont les biens indivis et quels sont les droits de chaque concubin ou partenaire dessus, il convient d'effectuer le partage, en attribuant à chacun sa quote part sur les biens indivis. Différents modes de partage peuvent être envisagés.

B: MODES DE PARTAGE DES BIENS INDIVIS.

La liquidation de l'indivision existant entre partenaires d'un PACS ou entre concubins qui se séparent est soumise au droit commun de l'indivision prévu aux articles 815 à 815-8 du

Code civil

.

 

Le partage de l'indivision peut s'effectuer à l'amiable ou judiciairement, cette dernière solution s'imposant quand les partenaires ou concubins ne parviennent pas à s'entendre

.

En l'absence de convention d'indivision, celle ci n'est établie que par rapport à tel ou tel bien. Il n'y a pas de masse indivise globale ou d'universalité comme dans l'indivision successorale ou lors de la liquidation du régime matrimonial.101

Dans l'indivision de droit commun, l'on n' applique les règles du partage que par rapport à un bien déterminé, meuble ou immeuble102.

Il n'y a donc pas de possibilité de constituer des lots pour le partage

.

En cas de partage amiable, plusieurs alternatives s'ouvrent aux parties.

Tout d'abord, le partage peut avoir lieu en nature, si les indivisaires parviennent à se partager les biens, en nature. Celui qui souhaite garder un bien verse une soulte à son coindivisaire, de la valeur de la quote part de ce dernier dans le bien

.

De cette manière, tout recours en jutice s'avère inutile, l'équilibre du partage étant préservé par le jeu des soultes

.

De la même manière peut avoir lieu une licitation amiable entre les deux parties, ou cession

101 C. PERNEL, article précité, Dr. patr. juin 2001, pratique p 44.

102 C. PERNEL, article précité, Dr. patr. juin 2001, pratique p 44.

des droits indivis de l'un à l'autre.103

Ces trois techniques aboutissent au même résultat, seule la qualification de la somme attribuée au coindivisaire qui abandonne ses droits sur le bien varie.

Cette somme peut être une soulte, le prix de la vente de sa part du bien à l'autre indivisaire, ou le prix de la cession de cette part de bien.

Les parties peuvent également choisir un partage amiable en valeur, résultant de la vente des biens indivis à un tiers, le prix de la vente se partageant entre les coindivisaires selon la part de chacun.

En présence d'un immeuble indivis, les parties peuvent, d'un commun accord, décider de ne pas provoquer le partage afin que l'une des parties y réside104, contre une indemnité de jouissance qu'ils déterminent ensemble.

Mais il arrive que les parties ne parviennent pas à liquider eux même l'indivision, et le cas échéant, le partage doit être judiciaire.

Le juge applique pour cela les dispositions du code civil relatives à la liquidation de l'indivision légale.

Il peut donc ordonner un partage en valeur, après licitation judiciaire, quand la consistance d'un bien rend impossible le partage en nature, l'acquéreur pouvant être un des indivisaires ou un tiers.105

Dans le cas du partage des biens meubles ou immeubles un par un, le partage en nature est en effet impossible, car on ne peut diviser le bien selon la part de chacun dessus. Lors du partage de l'indivision, les créances que l'un des partenaires ou concubin détient contre l'autre ont vocation à être réglées.

Notamment, en cas de financement intégral ou supérieur par l'un des indivisaires, l'origine du financement doit être pris en compte afin d'accorder à l'indivisaire auteur du financement une indemnisation égale au montant de la dépense effectuée au delà de ce à quoi il était

obligé.106

Si les concubins ou partenaires avaient conclu une convention d'indivision, il convient de déterminer son sort lors de la rupture de l'union.

II: PARTAGE DE L'INDIVISION CONVENTIONNELLE.

C'est en vertu des articles 1873-1 et suivants que les concubins peuvent conclure une convention d'indivision107.

Lorsqu'ils se séparent, ils ne peuvent pas partager l'indivision si la convention n'est pas arrivée à son terme, sauf pour justes motifs108.

En effet, contrairement à l'indivision légale, une convention d'indivision peut être conclue pour

103 M. MATHIEU, article précité, jurisclasseur nouveaux couples nouvelles familles, fasc.122, 2005.

104 La rupture des unions libres, collection encyclopédie Lamy droit civil- droit des personnes et de la famille, étude n° 380, 2006.

105 J.F SAGAUT, article précité, AJ famille mai 2002, dossier p 164.

106 V. BRÉMOND, article précité, Dalloz 2004, jurisprudence, sommaires commentés, p 2342.

107 P. SIMLER, « le « régime matrimonial » des concubins », études offertes à J. RUBELLIN DEVICHI,op cit, Litec, 2002.

108 J. HÉRAIL, « les contrats à titre onéreux des concubins », JCP N n° 20, 1988, p 165.

une durée déterminée, ou indéterminée.

Ainsi, la convention d'indivision continuera de s'appliquer si les concubins n'ont pas prévu de clause stipulant que la convention prendrait fin à la rupture du concubinage.109

Cependant, les concubins peuvent d'un commun accord mettre fin à la convention avant le terme convenu, en cas de séparation.110

Pour partager l'indivision, qui peut porter sur un ou plusieurs biens, les ex-concubins appliquent les dispositions prévues par la convention.

Celle-ci a pu prévoir une stipulation de partage inégal du bien, sans rapport avec la part de chacun dans le financement.

En revanche, il ressort de la jurisprudence que l'exécution d'une clause d'attribution préférentielle prévue dans une telle convention ne peut être demandée en justice111.

Elle ne peut être exécutée que si les parties acceptent d'elles-même de mettre en oeuvre la convention.

Les parties peuvent toutefois décider d'un commun accord de l'attribution du bien à l'un d'entre eux, dans le cadre du partage, contre une soulte.112

En outre, la rupture peut être l'occasion pour les concubins de conclure une convention de maintien de l'indivision, si les concubins ne souhaitent pas provoquer le partage.113

De la même manière, les partenaires peuvent conclure une convention d'indivision. Elle est réputée conclue pour la durée du PACS, par dérogation à l'article 1873-3 du Code civil, à l'égard des partenaires ayant choisi conventionnellement le régime de l'indivision des acquêts114.

Ainsi, les partenaires soumis au régime légal et ayant conclu une convention d'indivision à durée déterminée ne pourront provoquer le partage qu'au terme de celle ci, sauf s'ils y mettent fin prématurément d'un commun accord.

La convention peut ne porter que sur un bien, ou sur plusieurs, voire la totalité des biens indivis des partenaires.

Le partage de l'indivision, lors de la rupture, doit se faire selon les prévisions de la convention, en fonction de la quote part qu'a financé chaque indivisaire.115

Les partenaires soumis au régime de l'indivision des acquêts peuvent en outre proroger leur convention, lors de leur séparation116, pour gérer leurs biens indivis.

La technique de la convention d'indivision est cependant rarement retenue par les concubins ou les partenaires, en raison de la complexité du dispositif.117

Le partage de l'indivision, technique permettant de séparer les patrimoines des ex-concubins

109 La rupture des unions libres, collection encyclopédie Lamy droit civil- droit des personnes et de la famille, étude n° 380, 2006.

110 M. MATHIEU, art. préc., jurisclasseur nouveaux couples nouvelles familles, fasc.122, 2005.

111 J. HAUSER, « personnes et droits de la famille », RTD civ 2001, p 110.

112 V. LARRIBAU- TERNEYRE, art. préc., Dr. fam. décembre 2005, com. n° 262 p 18.

113 M. MATHIEU, art. préc., jurisclasseur nouveaux couples nouvelles familles, fasc.122, 2005.

114 V. LARRIBAU- TERNEYRE, « L'amélioration du PACS: un vrai contrat d'union civile », Dr. fam. janvier 2007, étude n°1.

115 Y. DELECRAZ, « le nouveau régime des biens dans le PACS », AJ famille janvier 2007, p 12.

116 Y. DELECRAZ, art. préc., AJ famille janvier 2007, p 12.

117 F. TERRÉ, P. SIMLER, Op. Cit., p 485.

ou partenaires, peut être accompagné par l'application de la théorie de l'accession.

Cet autre mécanisme de droit des biens est, quant à lui, destiné à rééquilibrer leurs patrimoines, si l'un des concubins ou partenaires a construit sur un terrain appartenant à l'autre.

SECTION II: LA THÉORIE DE L'ACCESSION.

Si l'un des concubins ou partenaires a financé ou fait construire un ouvrage sur le terrain de l'autre, la théorie de l'accession a vocation à s'appliquer lors de leur séparation.118 Cette théorie, prévue à l'article 555 du Code civil, règle en équité le sort des ouvrages construits sur le terrain d'autrui.

Il ne s'applique pas en cas de réparation, d'amélioration ou de transformation de constructions existantes119.

Cette théorie réalise un compromis entre le respect des droits du propriétaire sur son terrain et le soucis d'éviter son enrichissement injuste au détriment du tiers constructeur.120 La troisième chambre civile de la Cour de cassation a affirmé l'applicabilité de cette théorie aux rapports entre concubins dans un arrêt rendu le 2 octobre 2002.121

Les concubins étant juridiquement des étrangers l'un pour l'autre, que la jurisprudence leur reconnaisse la qualité de tiers au sens de l'article 555 semble logique, d'autant que cet article a déjà été appliqué aux relations entre frère et soeur, ou époux séparés de bien.122 Les concubins étant a fortiori sans lien de droit, le texte peut s'appliquer à leurs rapports. De la même manière, il semble que les dispositions de l'article 555 du Code civil aient vocation à s'appliquer entre partenaires soumis au régime légal de la séparation de bien de la même manière qu'aux époux séparés de bien.

L'article 555 du Code civil a une vocation résiduelle à s'appliquer, à défaut de règlementations spécifiques et en cas de construction sur le terrain d'autrui.

Cependant, l'application des mécanismes de la gestion d'affaire, de l'enrichissement sans cause ou de la société créée de fait n'interviennent que de manière encore plus résiduelle, ce qu'a confirmé la Cour de cassation en approuvant l'application de l'article 555 entre concu bins.123

Lors de la séparation des concubins ou des partenaires séparés de biens, le propriétaire du terrain devra donc une indemnité au constructeur.

L'équité commande cette indemnisation en raison du financement de la construction par le partenaire ou concubin non propriétaire du terrain.

L'article 555 du Code civil dispose que le propriétaire du terrain doit verser une indemnité au constructeur de bonne foi, sans pouvoir exiger la destruction, qui ne peut être demandée

118 F. VAUVILLÉ, « l'article 555 du Code civil est applicable aux concubins », RJPF mars 2003, p19

119 F. TERRÉ, P. SIMLER, Op. Cit., p 217.

120 M. FARGE, « de l'application des règles relatives à la construction sur le terrain d'autrui de l'article 555 du Code civil aux concubins », Dr. fam. octobre 2002, chron. 23 p 10.

121 Juris-Data n° 2002-015732.

122 M. FARGE, art. préc., revue droit de la famille octobre 2002, chron. 23 p 10.

123 M. FARGE, « construction sur le terrain d'autrui et rupture de concubinage », Dr. fam. décembre 2002, com. n° 141 p 15.

qu'au constructeur de mauvaise foi.

Celui ci n'est autre que le constructeur qui a construit sur le terrain d'autrui en connaissance de cause. Ainsi, si le propriétaire du terrain ne souhaite pas, lors de la rupture du concubinage ou du PACS, verser une indemnité à son ex-concubin ou partenaire, il pourra demander la destruction de la construction en justice.

Au regard de la définition de la mauvaise foi retenue par la jurisprudence et de l'attitude de la Cour de cassation face au concubinage, auquel elle ne fait produire aucun effet, il est possible d'imaginer que le concubin qui souhaite la destruction de la construction sur son terrain puisse obtenir judiciairement gain de cause.

Cependant, en démontrant l'existence d'une convention réglant le sort de la construction, le propriétaire du terrain évince l'article 555 du Code civil.

Ainsi, la preuve d'une convention entre les partenaires ou les concubins, relativement à la construction et à son indemnisation, pourrait permettre au propriétaire de minorer cette dernière. La preuve de cette convention, qui ne peut être déduite de la seule situation de concubinage124, est cependant ardue, l'absence de preuve renvoyant à l'application du droit commun de la théorie de l'accession.

De ce fait, le propriétaire qui souhaite garder la construction devra le plus souvent verser une indemnité au constructeur, de la valeur de la plus-value qu'a engendré la construction, ou égale au coût des matériaux et au prix de la main d'oeuvre nécessaires pour une construction de la même valeur que celle existant à la date du remboursement.125

À la rupture du concubinage ou du PACS, les techniques de droit commun permettent d'aboutir à la séparation des patrimoine des ex-concubins ou partenaires.

L'absence de réglementation spécifique du concubinage interdit aux juridictions de faire application des règles du régime primaire impératif des époux en présence de concubin, ce que rappelle fréquemment la Cour de cassation aux juridictions de fond parfois dissidentes. De même, la Cour de cassation réaffirme régulièrement, à travers sa jurisprudence, sa volonté de ne faire produire aucune conséquence à la situation de fait qu'est le concubinage. Les partenaires, dotés d'un régime primaire impératif atténué, se voient cependant aussi appliquer le droit commun lors de leur rupture.

Certains auteurs appelent de leurs voeux une réforme législative instaurant un régime minimum commun aux trois formes d'unions, pour faciliter la liquidation du patrimoine en cas de séparation de partenaires ou surtout de concubins, qui ne bénéficient d'aucun régime

légal.126

La rupture ne bouleverse pas seulement les patrimoines, mais aussi les personnes.

Elle n'est pas fautive en elle même, cependant ses circonstances peuvent l'être, ce qui autorise le concubin ou partenaire victime à en demander réparation.

De même, c'est à la rupture que l'un des partenaires ou concubins aura vocation, le cas échéant, à demander une indemnisation à l'autre, pour l'avoir secondé ou lui avoir permis de s'enrichir à son détriment.

124 Grenoble, 10 octobre 2000; Juris Data n° 2000-184032.

125 Article 555 du Code civil.

126 C. PERNEL, « Le patrimoine des concubins après la loi du 15 novembre 1999: indivision ou société créée de fait », revue droit et patrimoine juin 2001, pratique p 44.

DEUXIÈME PARTIE: TECHNIQUES SUBJECTIVES DE

LIQUIDATION DES INTÉRÊTS PÉCUNIAIRES À L'ISSUE

D'UN CONCUBINAGE OU D'UN PACS

Lors de la rupture du concubinage ou du PACS, les mécanismes de séparation du patrimoine issus du droit des biens se révèlent impuissants à eux seuls pour rééquilibrer les patrimoines des ex-concubins ou partenaires

.

En effet, ces mécanismes objectifs, qui ne prennent en compte que la part de chacun sur le bien pour le partager peuvent s'avérer insuffisants

.

L'un des concubins ou des partenaires peut souhaiter réclamer à l'autre une indemnisation, au regard de son implication bénévole dans les activités de ce dernier (chapitre I).

En cas de rupture fautive, la victime peut également souhaiter demander réparation à l'auteur de la rupture, en raison du préjudice subi (chapitre II).

Ainsi, ces techniques d'indemnisation et de réparation permettent, eu égard au comportement des ex-concubins ou partenaires, d'atténuer la rigueur de la séparation objective des patrimoines, qui ne prend pas en compte le comportement des personnes.

Certains auteurs comparent ces techniques subjectives de liquidation des intérêts pécuniaires à des substituts de communauté légale et de prestation compensatoire au profit du concubin ou du partenaire abandonné ou lésé.127

Cependant, ces techniques de droit commun sont d'application aléatoire, en raison des conditions à remplir et des éléments de preuve à fournir, qui peuvent faire défaut128. Les juges du fond tentent souvent de favoriser l'équité sur l'application stricte des conditions du droit commun129, dans des décisions que la Cour de cassation ne manque pas de casser en rappelant que le concubinage n'est qu'un fait juridique qui ne se voit attacher aucune conséquence en droit130.

Ainsi, les juges du fond qui appliquent aux concubins le régime impératif des époux voient leurs arrêts sanctionnés par la Cour de cassation

.

Elle rappelle régulièrement que seuls les époux et les partenaires sont solidairement tenus aux dettes et obligés de contribuer aux charges de la vie commune.131

127 Ph. MALAURIE, H. FULCHIRON, Op. Cit., p 170.

128 X. LABBÉE, art. préc., D. 2006, jurisp. p 1669.

129 P. BERTHET, « droit de la famille », JCP G septembre 2002, chron. p 165.

130 V. LARRIBAU-TERNEYRE, art. préc., Dr. fam. décembre 2005, com. N° 262 p 18. 131 J. HAUSER, « personnes et droits de la famille », RTD civ 2001 p 110.

CHAPITRE PREMIER: RÉÉQU I LIBRAGE DES PATRI MOINES PAR LA TECHNIQUE DE L'INDEMNISATION.

Celui des ex-concubins ou partenaire qui se sent lésé peut réclamer une indemnisation sur deux fondements

.

D'une part, celui de la société créée de fait, en cas d'exploitation conjointe et de réunion des conditions d'existence d'une société (section I).

D'autre part, celui de l'enrichissement sans cause, s'il a apporté une aide bénévole importante à l'autre, notamment dans son activité professionnelle (section II).

SECTION I: LA TECHNIQUE DE LA SOCIÉTÉ CRÉÉE DE FAIT

La société créée de fait est prévue à l'article 1873 du Code civil, qui, sans la définir, opère un renvoi aux dispositions applicables aux sociétés en participation

.

La société créée de fait peut se définir comme un groupement de personnes qui se sont comportées comme des associés sans en avoir manifesté expressément la volonté, sans avoir conclu de contrat de société132.

Ainsi, au cours de l'activité commune, les concubins ou partenaires n'ont pas eu conscience

d'être associés

.

 

C'est au moment de sa disparition, donc de la rupture, que l'un d'eux peut invoquer son existence.133 Elle a alors un caractère rétrospectif.

Cette invocation a posteriori conduit, si elle est retenue par la juridiction, à la liquidation de cette société créée de fait.134

À défaut de régime légal entre concubins, et en l'absence d'organisation conventionnelle de leurs rapports patrimoniaux, la reconnaissance d'une société créée de fait entre eux permet d'obtenir un partage équitable des biens acquis pendant la vie commune

.

Les partenaires d'un PACS peuvent aussi avoir intérêt à invoquer l'existence entre eux d'une société créée de fait135. L'absence de règles légales gouvernant les conséquences de leur rupture justifie que ne leur soit pas fermée cette technique de liquidation de leurs intérêts

pat ri mon iaux

.

 

La notion de société créée de fait n'est invoquée, entre concubins ou partenaires, que pour procéder à sa liquidation et son partage, et ainsi tirer les conséquences pratiques de la vie commune.136

À ce titre, chacun des associés se verra attribuer, après reprise des apports et apurement du

132 C. PERNEL, art. préc., Dr. patr. juin 2001, pratique p 44.

133 F. DEKEUWER-DÉFOSSEZ, « Illusions et dangers du statut des sociétés créées de fait », D. 1982, chron. p 83.

134 Paris, 12 septembre 2002, D. 2003, jurisp.

135 A. BOLZE, « Les rapports patrimoniaux des couples en dehors de la communauté légale », Dr. fam. mars 2001, chron. p 9.

136 M. MATHIEU, art. préc, jurisclasseur nouveaux couples nouvelles familles, fasc. 120, 2005.

passif, sa part de l'actif social.137

Cette technique est traditionnellement utilisée par les juridictions pour liquider les intérêts patrimoniaux des concubins.138

Ainsi, la technique de la société créée de fait peut être utile, particulièrement dans deux cas (II).

D'une part, si l'un des concubins ou partenaires a participé à l'exploitation d'un fonds de commerce, d'une exploitation agricole ou artisanale appartenant à l'autre.

D'autre part, en cas d'acquisition en commun d'un logement, d'édification d'un immeuble avec acquisition du terrain, ou non.139

Cependant, la reconnaissance, par les juridictions, d'une société créée de fait est subordonnée à la preuve de la réunion de ses conditions d'existence (I).

I: LA DIFFICILE RÉUNION DE SES CONDITIONS D'EXISTENCE

La Cour de cassation affirme de manière constante que la cohabitation même prolongée de personnes qui ont vécu en époux, ont confondu leurs biens, ont participé aux dépenses de la vie commune, ne suffit pas à donner naissance entre elles à une société.140

Pour qu'un société créée de fait existe entre concubins ou partenaires, ils doivent démontrer l'existence d'apports, quelle qu'en soit la forme, l'intention de participer aux bénéfices et aux pertes, et l'affectio societatis, qui est la volonté de s'associer141.

De plus, ces éléments cumulatifs doivent être établis séparément et ne peuvent se déduire les uns des autres.142

Les juges du fond apprécient souverainement la réunion des conditions d'existence d'une société créée de fait, d'où une jurisprudence variant entre rigueur et bienveillance. Ces fluctuations de la jurisprudence s'expliquent par la volonté de concilier deux intérêts

distincts

.

 

En effet, admettre l'existence d'une société créée de fait revient à accorder aux concubins une sorte de régime matrimonial de fait, résultant d'une mise en commun volontaire de leurs

pat ri moines

.

 

Cependant, la reconnaissance de cette société créée de fait ne peut se faire au détriment de l'application exacte des règles de droit commun.143

Celles-ci imposent de ne reconnaître l'existence d'une société créée de fait qu'en présence de ses éléments constitutifs

.

Le raisonnement des juges du fond est rétrospectif, ils doivent déterminer a posteriori si les

conditions d'existence d'une société créée de fait sont réunies

.

 

137 Ph. MALAURIE, H. FULCHIRON, Op. Cit., p 168.

138 C. PERNEL, art. préc., Dr. patr. juin 2001, pratique p 44.

139 Cass. Com, 25 juillet 1949, JCP G 1950, II, 5798, note Bastian

140 Cass. Com, 9 octobre 2001, AJ famille décembre 2001, jurisp. p 95.

141 H. LÉCUYER, « Société créée de fait: souvent appelée, rarement élue », Dr. fam. février 2002.

142 F. BICHERON, « Un projet immobilier commun ne caractérise pas obligatoirement l'affectio societatis », AJ famille 2004, jurisp. p 324.

143 A. BOLZE, art. préc., Dr. fam. mars 2001, chron. p 9.

Plusieurs arrêts récents témoignent d'une évolution de la jurisprudence vers plus de rigueur quant à la reconnaissance d'une société créée de fait.144

L'on constate que la première chambre civile, traditionnellement plus souple à l'égard des sociétés créées de fait entre concubins, opère un durcissement de sa position. Se rapprochant de la sévérité de la chambre commerciale, elle exige désormais une démonstration de l'affectio societatis distincte de la mise en commun d'intérêts inhérents à la vie maritale.145

Par cet arrêt rendu le 12 mai 2004, la première chambre de la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence, en cessant de déduire la volonté de s'associer de la mise en commun des ressources des concubins pour la réalisation d'un projet commun146.

Par deux arrêts rendus le 23 juin 2004147, la chambre commerciale de la Cour de cassation réaffirme fermement que l'existence d'une société créée de fait découle de la réunion des éléments constitutifs du contrat de société

.

De plus, ceux-ci doivent être constatés séparément et non déduits les uns des autres, pour que soit admise une société créée de fait

.

En outre, elle confirme la position de la première chambre civile en affirmant que l'intention de s'associer ne peut se déduire de la participation financière à la réalisation d'un projet

commun

.

Ainsi, en définissant l'affectio societatis comme l'intention de collaborer sur un pied d'égalité à la réalisation d'un projet commun148, la chambre commerciale de la Cour de cassation exige des juges du fond une appréciation subjective des éléments qui lui sont soumis par les

parties

.

 

La rigueur retrouvée de la Cour de cassation traduit sa volonté de n'appliquer les techniques de droit commun à la liquidation des intérêts patrimoniaux des concubins et partenaires que si leurs conditions d'existence sont réunies

.

Ainsi, elle refuse la « concubinarisation du droit commun »149 amorcée par certaines juridiction de fond, reconnaissant l'existence d'une société créée de fait sans en rechercher tous les éléments constitutifs

.

Notamment, la Cour de cassation a mis l'accent sur la nécessité de caractériser l'affectio societatis à travers le comportement qu'ont eu les concubins ou les partenaires, et non objectivement, au regard de la participation au financement d'un projet commun150. Ainsi, l'invocation de la société créée de fait par un concubin ou partenaire qui a participé au financement du logement commun a désormais peu de chances d'aboutir.

En effet, seule la participation financière au projet immobilier commun pouvait permettre de déduire l'intention de collaborer sur un pied d'égalité à la réalisation d'un projet commun

.

La jurisprudence antérieure se montrait déjà pointilleuse sur la qualification de l'intention de

144 Cass. com, 9 octobre 2001, Juris-Data n° 2001-011213; cass. 1e civ, 12 mai 2004, Juris-Data n° 2004-023609; cass. com, 23 juin 2004, Juris-Data n°2004-024314 et n° 2004-0243 15

.

145 V. LARRIBAU-TERNEYRE, « une société de fait de moins en moins élastique et le retour de la rigueur », Dr. fam. octobre 2004, com. N° 168 p 27.

146 Cass. 1e civ, 26 juin 2001, Juris-Data n° 2001- 013178.

147 V. LARRIBAU-TERNEYRE, art. préc., Dr. fam. octobre 2004, com. n° 168 p 27.

148 Cass. com, 23 juin 2004, Juris-Data n°2004-024315

149 H. LÉCUYER, « Concubinarisation du droit commun », Dr. fam. juin 2001, com. n° 54 p 13.

150 Cass. com, 23 juin 2004, Juris-Data n°2004-024315

participer aux bénéfices et aux pertes et sur la qualification d'apports.

La Cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 12 septembre 2002, a affirmé que l'intention de participer aux bénéfices et aux pertes ne peut se déduire d'un engagement de caution. Celle-ci dispose en effet d'un recours contre l'emprunteur défaillant, ce qui empêche de caractériser une volonté de contribuer aux pertes151.

De même, ne constitue pas un apport le prêt ou le don d'une somme d'argent effectué par l'un des concubins ou partenaires à l'autre.152

En effet, un prêt a vocation à être remboursé, tandis qu'un don relève d'une intention libérale, ce qui ne peut être qualifié d'apport.

Dans l'hypothèse de la construction d'un immeuble par un concubin ou un partenaire sur le terrain de l'autre, si l'affectio societatis ne peut être démontré, le constructeur aura intérêt à fonder son action sur l'article 555 du Code civil.

En effet, celle-ci aura plus de chances d'aboutir, seule la preuve de la construction sur le terrain d'autrui permettant sa mise en oeuvre.

L'existence d'une société créée de fait entre concubins ou partenaires participant à une exploitation commune peut être plus aisément démontrée. En effet, l'intention de collaborer sur un pied d'égalité à la réalisation d'un projet commun, de participer aux bénéfices et aux pertes et la présence d'apports sont plus facilement caractérisables qu'en cas de construction d'un immeuble commun.

Ainsi, la chambre commerciale de la Cour de cassation a admis l'existence d'une société créée de fait entre concubins exploitant diverses activités commerciales sur un terrain où ils ont de plus fait construire un immeuble.153

En revanche, la cour d'appel de Grenoble a retenu que si l'un des concubins est salarié du fonds de commerce de l'autre, il ne peut se prétendre également associé.154

Suite à l'arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation rendu le 9 octobre 2001, certains auteurs ont souligné la dénaturation de la société créée de fait opérée par la définition qu'en fait la Cour de cassation155.

Étant révélée a posteriori, par l'analyse des comportements des concubins ou partenaires, elle n'est pas un contrat.

Si les concubins ou partenaires se sont conduits comme des associés, ils n'en ont le plus souvent pas eu conscience avant que la rupture n'intervienne et que l'un d'eux invoque l'existence d'une société créée de fait entre eux pour liquider leurs intérêts patrimoniaux. Ainsi que le souligne M. Lécuyer, l'intention de s'associer, et l'intention de participer aux bénéfices et aux profits, est délicate à déduire d'une situation de fait, alors que les associés de fait n'avaient même pas conscience de l'être.156

Cependant, la société créée de fait est soumise au régime de la société en participation.

Cette dernière emprunte le régime des sociétés civiles si elle a un caractère civil, et des

151 F.BICHERON,« La difficile preuve d'une société créée de fait entre concubins », AJ famille 2003, jurisp. p 27.

152 Grenoble, 1e septembre 1998, D. 1999, jurisp., S.C. p 378

153 F.CHÉNÉDÉ, « La preuve d'une société créée de fait est délicate mais possible », AJ famille janvier 2005

154 Grenoble, 1e septembre 1998, D. 1999, jurisp., S.C. p 378

155 H. LÉCUYER, « La société créée de fait à la dérive », Dr. fam. mai 2002, com. n° 55 p 17.

156 H. LÉCUYER, art. préc., Dr. fam. mai 2002, com. n° 55 p 17.

sociétés en nom collectif si elle a un caractère commercial.157

Ainsi, d'autres auteurs considèrent que le retour à la rigueur effectué par la Cour de cassation manifeste, au contraire, le triomphe de la théorie classique face au dévoiement de la notion de société.158

Les arrêts du 23 juin 2004, rendus par la chambre commerciale de la Cour de cassation, confirment cette tendance à plus de sévérité

.

Ils traduisent le refus que le concubinage puisse, par lui même, induire une sorte de présomption de société existant entre les concubins159.

La preuve de l'existence d'une société créée de fait devient donc plus ardue à fournir pour celui qui s'en prévaut

.

En revanche, en cas d'admission, la liquidation de celle ci permet un partage des profits entre concubins très avantageuse, en comparaison à l'indivision.

II: INTÉRÊTS DE LA TECHNIQUE POUR LES CONCUBINS OU PARTENAI RES

La liquidation de la société créée de fait conduit au partage des biens la constituant

.

 

Contrairement à l'indivision de droit commun qui se partage bien par bien, le partage s'effectue sur une masse de biens, ce qui évite la multiplication des soultes ou licitations.160 La liquidation de la société créée de fait permet tout d'abord à chaque associé de reprendre

ses apports

.

 

En cas d'exploitation conjointe d'un fonds de commerce appartenant en propre à l'un des concubins ou partenaire, celui-ci a vocation à le reprendre, le partage ne s'exerçant que sur le boni de liquidation.161

En revanche, si les deux concubins ou partenaires avaient acquis ensemble un fonds de commerce exploité par la suite en commun, ils ont vocation à reprendre les sommes apportées, le fonds figurant alors dans l'actif social à partager.162

Le même raisonnement régit les acquisitions immobilières des concubins ou partenaires

.

L'intérêt d'invoquer l'existence d'une société de fait entre concubins ou partenaires réside également dans la possibilité qu'a l'un des concubins de demander l'attribution préférentielle d'un bien lors de la liquidation163, contrairement à l'indivision entre concubins qui, à sa liquidation, n'offre pas cette faculté.

L'article 1844-9 du Code civil, en son deuxième alinéa, dispose en effet que les règles concernant le partage des successions, y compris l'attribution préférentielle, s'appliquent aux partages entre associés

.

Cette faculté d'attribution est néanmoins primée par le droit qu'a chaque associé de

157 Article 1871-1 du Code civil.

158 F-G. TRÉBULLE, « Précisions sur l'appréciation des éléments constitutifs du contrat de société », Dr. société octobre 2004, com. n° 163 p 11.

159 J-G MAHINGA, « concubinage et sociétés créées de fait », LPA mars 2005, jurisp. p 8.

160 C. PERNEL, art. préc., Dr. patr. juin 2001, pratique p 44.

161 M. MATHIEU, art. préc., jurisclasseur nouveaux couples nouvelles familles, fasc.120, 2005.

162 M. MATHIEU, art. préc., jurisclasseur nouveaux couples nouvelles familles, fasc.120, 2005. 163 M. MATHIEU, art. préc., jurisclasseur nouveaux couples nouvelles familles, fasc.122, 2005.

demander que lui soit attribué le bien qu'il avait apporté en nature.164

Ainsi, l'attribution préférentielle d'un bien en nature sera possible en cas d'acquisition indivise de celui-ci par les associés.

Les sommes d'argent investies pour acquérir le bien constituant les apports165, les concubins ont vocation à les reprendre. Le bien acquis, quant à lui, fait alors partie de l'actif de la société créée de fait et a vocation à être partagé, et peut faire l'objet d'une demande d'attribution préférentielle.

Cependant, un arrêt de la cour d'appel de Toulouse rendu le 12 avril 2005 est venu semer le doute quant à la possibilité de demander l'attribution préférentielle d'un bien lors de la liquidation d'une société créée de fait.166

Sa position reste néanmoins isolée, d'autres juridictions de fond ayant admis à plusieurs reprise cette faculté d'attribution préférentielle au profit d'un concubin associé d'une société créée de fait.167

Lors de la liquidation d'une société créée de fait, il n'y lieu ni à la reprise, ni au remboursement des apports en industrie.168

L'apporteur en industrie a néanmoins vocation à obtenir sa part de la plus-value, à concurrence de la quote part dont il peut se prévaloir eu égard à son propre apport169. Ainsi, la liquidation de la société créée de fait permet un partage des intérêts pécuniaires des concubins ou partenaires plus équitable.

Par cette technique, on peut attribuer à chacun des concubins ou des partenaires sa part dans les profits d'un fonds de commerce, surtout quand celui-ci n'appartient qu'à l'un des deux.170

Le partage du patrimoine résultant est réalisé en tenant compte des apports de chacun. S'ils ne peuvent être déterminés précisément, le partage se fait par moitié.171

Néanmoins, la preuve de l'existence d'une société créée de fait n'étant pas toujours possible, le concubin ou partenaire qui s'estime lésé peut tenter d'obtenir une indemnisation sur le fondement des quasi-contrats.

164 Article 1844-9 alinéa 3 du Code civil.

165 M. MATHIEU, art. préc., jurisclasseur nouveaux couples nouvelles familles, fasc. 122, 2005.

166 Toulouse, 12 avril 2005, Juris-Data n° 2005-282355.

167 V. LARRIBAU- TERNEYRE, « L'attribution préférentielle n'est définitivement pas ouverte aux concubins...même en cas de société de fait? », Dr. fam. décembre 2005, com. n° 262 p 18.

168 Cass. 1e civ, 19 avril 2005, AJ famille juillet-aôut 2005, jurisp. p 281.

169 J. HAUSER, « personnes et droits de la famille », RTD civ juillet septembre 2005, chron., p 576.

170 F. GRANET, concubinage, JurisClasseur nouveaux couples nouvelles familles, éd° 2002, fasc. 110.

171 C. PERNEL, art. préc., Dr. patr. juin 2001, pratique p 44.

SECTION II: LE RECOURS AUX QUASI-CONTRATS.

La preuve de l'existence d'une société de fait n'est pas aisée à rapporter et peut même se révéler impossible. Cela conduit le concubin ou partenaire qui se sent financièrement lésé à la rupture à fonder sa demande d'indemnisation sur d'autres techniques de droit commun. Lorsque l'un des concubins ou partenaires a effectué des dépenses financières au profit de l'autre, ou a collaboré au fonds de commerce de celui-ci, il peut fonder sa demande d'indemnisation sur la gestion d'affaire (I) ou l'enrichissement sans cause (II).

I: LA GESTION D'AFFAIRE.

La gestion d'affaires peut être invoquée à la rupture par l'un des concubins ou partenaires s'il a, pendant leur relation, géré tout ou partie des biens de l'autre sans en avoir été prié par lui.172

En particulier, l'un des concubins ou partenaires peut se prévaloir de la gestion d'affaire lorsqu'il a effectué des travaux au profit de l'autre, si ceux-ci étaient opportuns et utiles173. L'article 1375 du Code civil dispose que le maître dont l'affaire a bien été administrée doit rembourser au gérant toutes les dépenses utiles ou nécessaires qu'il a faites.

Pour obtenir une indemnisation, le concubin ou partenaire demandeur à l'action doit prouver a posteriori son intention de gérer les biens de l'autre. Il doit avoir accompli, dans l'intérêt et pour le compte de son compagnon, un acte de gestion utile.174

S'il a accompli des travaux au profit de son compagnon, ceux-ci doivent avoir été fait dans l'intérêt de ce dernier, l'intention altruiste doit être démontrée.

Cependant, si les frais exposés l'ont été également dans l'intérêt du gérant, mais pas uniquement, la gestion d'affaire peut être invoquée, car l'intention du gérant n'était pas exclusivement égoïste175.

Il faut en définitive que le concubin ou partenaire qui invoque la gestion d'affaire pour obtenir remboursement de frais qu'il a exposés ait accompli un acte qui soit utile, profitable au maître de l'affaire.176

Les juges du fond apprécient souverainement l'intention de gérer dans l'intérêt du maître de l'affaire. Une indemnisation sur ce fondement n'est pas souvent retenu entre concubins ou partenaires, car le plus souvent les dépenses effectuées l'ont été dans l'intérêt de celui qui les a exposées.

En effet, si l'un des concubins ou partenaires a effectué des travaux au domicile de son compagnon, c'était le plus souvent pour améliorer son propre cadre de vie.

L'indemnisation de ces travaux sur le fondement de la gestion d'affaire risque d'avoir du mal à prospérer, si les travaux n'étaient pas utiles ou nécessaires au sens du droit.

172 H. LÉCUYER, « le droit commun des obligations au secours des concubins et partenaires unis par un PACS », RLDC 2004, panorama 2003.

173 F. GRANET, concubinage, JurisClasseur nouveaux couples nouvelles familles, éd° 2002, fasc. 110.

174 La rupture des unions libres, collection encyclopédie Lamy droit civil- droit des personnes et de la famille, étude n° 380, 2006.

175 Cass. com, 16 novembre 1976, Bull. Civ. IV, n° 291.

176 J-G MAHINGA, art. préc., LPA mars 2005, jurisp. p 8.

Les dépenses d'agrément effectuées par le concubin ou partenaire non propriétaire du logement n'ont pas vocation à être remboursées en invoquant le mécanisme de la gestion d'affaire. En effet, elles n'ont pas été effectuées exclusivement pour le compte et dans l'intérêt du maître de l'affaire, mais de plus leur utilité ou nécessité n'est pas caractérisée en

d roit.

La gestion d'affaire n'est pas le seul quasi-contrat sur lequel un concubin ou un partenaire peut se fonder pour demander indemnisation des dépenses qu'il a exposées ou des services rendus qui ont profité à l'autre. En effet, l'invocation de l'enrichissement sans cause peut, si ses conditions sont réunies, fonder une indemnisation.

II: L'ENRICHISSEMENT SANS CAUSE AU SERVICE DES CONCUBINS OU PARTENAI RES

L'action de in rem verso est une action subsidiaire (A), dont les conditions sont rigoureusement appréciées par la jurisprudence (B).

C'est une création prétorienne, destinée à combler les lacunes de la législation et à sanctionner tout enrichissement dépourvu de cause, au nom de l'équité.177

Elle peut être invoquée par un concubin ou un partenaire qui, à la rupture, se sent lésé financièrement et peut démontrer son appauvrissement, corrélativement à l'enrichissement de l'autre.

Le concubin ou partenaire qui a participé sans rémunération à l'activité professionnelle de l'autre peut invoquer l'enrichissement sans cause si ce dernier s'est enrichi à son détriment. De même, les juges se trouvent confrontés aux demandes de concubins qui ont procédé à des travaux ou réalisé des investissements dans l'immeuble de leur compagnon, qui bénéfice seul, à la rupture, de la plus-value consécutive.

Cette action permet de rétablir l'équilibre des patrimoines à la rupture, mais sa mise en oeuvre reste exceptionnelle.

A: SUBSIDIARITÉ DE L'ACTION DE IN REM VERSO

L'enrichissement sans cause ne peut être invoquée par un partenaire ou un concubin qu'en l'absence de tout autre moyen de droit applicable à sa situation.

Cette action est subsidiaire et n'a pas vocation à s'appliquer lorsque le concubin ou partenaire pourrait obtenir satisfaction par un moyen de droit commun dont il néglige de se servir.178

Ainsi, un partenaire qui négligerait d'agir contre son compagnon en contribution aux charges de la vie commune alors que l'aide matérielle est prévue par l'article 5 15-4 du Code civil ne pourrait invoquer l'enrichissement sans cause de ce dernier pour être indemnisé de sa participation excessive au titre de l'aide matérielle.

Par ailleurs, l'enrichissement sans cause ne peut être invoqué quand le concubin ou partenaire

177 P. VOIRIN, G. GOUBEAUX, Droit civil, Tome I, 31e édition, LGDJ, 2006, p 450

178 P. VOIRIN, G. GOUBEAUX, Op. Cit. p 451.

demandeur peut se fonder sur l'existence d'un contrat de travail, ou d'une société créée de fait, pour obtenir satisfaction179. On ne peut pas contourner les règles de recevabilité des autres actions par le recours à l'enrichissement sans cause.

La Cour de cassation, dans une conception rigide de la subsidiarité, rejetait l'action de in rem verso lorsque le concubin était débouté de sa demande de partage d'une société créée de fait.180 Revenant sur cette conception stricte, dans un revirement de jurisprudence, elle affirme désormais que l'enrichissement sans cause n'est pas exclu lorsque le demandeur a seulement invoqué la société créée de fait.181 Néanmoins, certaines juridictions de fond considèrent que l'action de in rem verso ne peut être invoquée pour suppléer une autre action que le demandeur ne peut pas exercer, faute de pouvoir rapporter la preuve exigée par cette dernière.182

Pour qu'un concubin ou partenaire puisse invoquer l'enrichissement sans cause, il doit de plus démontrer un appauvrissement qui lui est propre, un enrichissement de son ex-compagnon, et une corrélation entre ces deux phénomènes.183

Ce sont les juges du fond qui apprécient si les conditions ouvrant droit à une indemnisation sont réunies.

B: INTERPRÉTATION STRICTE DE SES CONDITIONS PAR LES JUG ES

La Cour de cassation n'a de cesse de rappeler que l'action de in rem verso ne peut servir à pallier l'absence de textes règlementant la liquidation des rapports patrimoniaux entre concubins. Ainsi, elle répète régulièrement que les dépenses quotidiennes effectuées en contribution à la vie commune sont définitivement à la charge de celui qui les a exposées.184

Une partie de la doctrine a souligné que le raisonnement appliqué par les juges est dérogatoire au droit commun quand l'enrichissement sans cause est invoqué par un concubin à l'encontre de l'autre.185

En effet, la cause de l'enrichissement est traditionnellement définie comme le titre juridique, conventionnel ou légal, susceptible d'expliquer et de justifier l'enrichissement.186

Néanmoins, pour écarter l'application de l'enrichissement sans cause aux espèces qui leur sont soumises, les juges estiment en général que l'appauvrissement a trouvé sa cause dans la contrepartie dont le concubin a bénéficié durant la vie commune, qui est généralement l'hébergement gratuit.187

Ainsi, la cause n'est pas recherchée dans l'opération même constitutive de l'appauvrissement

179 La rupture des unions libres, collection encyclopédie Lamy droit civil- droit des personnes et de la famille, étude n° 380, 2006.

180 Cass. 1e civ, 8 décembre 1987, Bull. Civ. I, n° 335.

181 Cass. 1e civ, 15 octobre 1996, Bull. Civ I, n° 357.

182 Paris, 29 novembre 2002, D. 2003, Obs. J.J. Lemouland, p 1939.

183 P. VOIRIN, G. GOUBEAUX, Op. Cit. p 450.

184 Cass 1e civ, 28 novembre 2006, revue Lamy droit civil février 2007, n° 2406,

185 G. KESSLER, « Concubinage et enrichissement sans cause », Gaz. Pal. Octobre 2004, p 11; H. LÉCUYER, « Une conception élastique de la condition d'absence de cause », Dr. fam. janvier 2001, obs. n° 3 p 18.

186 G. KESSLER, art. préc., Gaz. Pal. octobre 2004, p 11

187 H. LÉCUYER, art. préc., Dr. fam. janvier 2001, obs. n° 3 p 18.

et de l'enrichissement, elle est trouvée hors d'elle.

Par conséquent, les travaux effectués dans le logement de l'autre, et le prêt effectué pour améliorer ce logement, remboursé par le non propriétaire, ne sont pas appréciés en eux- même, pour relever l'appauvrissement de l'auteur de l'opération et l'enrichissement corrélatif du propriétaire du logement.188

Ces opérations sont appréciées au regard d'éléments extrinsèques, que sont l'ensemble des relations patrimoniales existant entre les concubins.

Cette méthode d'appréciation adoptée par les juges leur permet alors, par équité, de refuser l'indemnisation de celui qui a logé gratuitement dans l'immeuble de l'autre et y a effectué des travaux.

La cour d'appel de Paris, dans un arrêt rendu le 2 avril 1999, distingue d'ailleurs les simples dépenses d'agrément des travaux de ravalement189.

Les premières sont destinées à améliorer le cadre de vie de celui qui les a engagées, et ne justifient pas un remboursement en raison de l'hébergement gratuit, qui constitue la contrepartie190.

De plus, l'aléa que comporte le concubinage, union précaire, ne permet pas au concubin auteur des dépenses d'en réclamer le remboursement191.

Les secondes, en revanche, qui n'apportent aucune amélioration aux locaux et pèsent sur le propriétaire, font exception à la règle.

En effet, les dépenses de remise en état excèdent la contribution normale à la vie commune, et ce sont ces dépenses exceptionnelles qui ont vocation à ouvrir droit à une indemnisation sur le fondement de l'enrichissement sans cause192.

Bien que les concubins n'aient aucune obligation de contribuer aux charges de la vie commune, la jurisprudence distingue donc deux types de dépenses.

Les premières, dépenses d'agrément faisant partie de la contribution du non propriétaire à la vie commune, n'ouvrent pas droit à remboursement lorsqu'elles ont trouvé une contrepartie, tel que l'hébergement gratuit.

En revanche, la Cour d'appel de Paris, dans un arrêt rendu le 23 octobre 2003, a jugé que les travaux réalisés par le concubin non propriétaire étaient sans cause dans la mesure où il n'a bénéficié d'aucune contrepartie193.

En effet, il versait un loyer mensuel conséquent à sa concubine, et n'était pas animé d'une intention libérale en accomplissant ces travaux, comme en témoignent les factures qu'il a gardées. De plus, par leur ampleur, les travaux dépassaient une simple contribution aux charges de la vie commune.

Par conséquent, l'absence de cause a permis à l'auteur d'être dédommagé, une partie de la doctrine soulignant cependant qu'une fois de plus, la règle du double plafond n'a pas été

188 H. LÉCUYER, art. préc., Dr. fam. janvier 2001, obs. n° 3 p 18.

189 Paris, 2 avril 1999, D. 1999, jurisp. p 379.

190 Paris, 13 mars 1997, Dr. fam. 1997, obs. n° 171

191 Paris, 2 avril 1999, D. 1999, jurisp. p 379.

192 Grenoble, 24 octobre 1990, Juris-Data n° 051656.

193 G. KESSLER, art. préc., Gaz. Pal. octobre 2004, p 11; Pau, 17 décembre 2001, Juris-Data n° 2001-175603

appliquée194.

L'indemnisation a été calculée, en effet, en tenant compte de l'appauvrissement du concubin.

Les secondes, dépenses exceptionnelles, dépassant la simple contribution à la vie commune, sont prises en compte au titre de l'enrichissement sans cause du propriétaire, qui en a bénéficié.

En poursuivant ce raisonnement, l'on peut admettre qu'un partenaire se fondant sur l'enrichissement sans cause pour obtenir remboursement du premier type de dépense ne pourra voir sa demande aboutir, la contribution aux charges de la vie commune entre partenaires étant prévue par l'article 515-4 du code civil.

Ainsi, c'est sur ce fondement que le partenaire qui ne veut pas supporter définitivement la charge des travaux devra en demander remboursement.

En revanche, en cas de travaux de ravalement, qui dépassent la contribution aux charges de la vie commune, il pourra intenter une action sur le fondement de l'enrichissement sans cause.

L'utilisation par les juges de la cause contrepartie leur permet de rejeter des actions en se fondant sur l'équité, ce qui peut conduire cependant à une jurisprudence peu lisible. En effet, dans un arrêt rendu le 16 juin 1998, la première chambre de la Cour de cassation a affirmé que l'hébergement gratuit d'une personne par son concubin, dans le cadre de leur vie commune, ne peut donner lieu au versement d'une indemnité d'occupation195.

Le propriétaire de l'immeuble ne peut donc demander une telle indemnité sur le fondement de l'enrichissement sans cause, le concubinage faisant présumer son intention libérale en l'absence de convention particulière.

Pourtant, force est de constater que les juges refusent d'indemniser sur le fondement de l'enrichissement sans cause des travaux effectués dans le domicile du concubin, si celui-ci a hébergé gratuitement l'auteur des travaux.

L'hébergement gratuit sert ici de cause, contrepartie aux travaux, empêchant le jeu de l'enrichissement sans cause, mais peut aussi être considéré comme une intention libérale, comme dans l'arrêt précédent, et empêcher également la mise en oeuvre de l'enrichissement sans cause.

Un auteur a émis l'hypothèse que la prise en compte de l'hébergement gratuit comme contrepartie pour faire échec au remboursement de travaux d'agrément sous entendait un raisonnement plus cohérent196.

Les travaux d'agrément effectués par le concubin non propriétaire dans le logement de l'autre l'ont été pour améliorer son propre cadre de vie. Il a donc agit dans son intérêt personnel, tout en améliorant le logement du propriétaire.

Or, l'enrichissement sans cause ne peut être invoqué par la personne qui a effectué une dépense, ou des travaux, dans son intérêt, car l'enrichissement de l'autre a alors une cause, qui est l'intérêt de l'appauvri197.

Cette interprétation permet de justifier que le concubin qui a été hébergé gratuitement par

194 G. KESSLER, art. préc., Gaz. Pal. octobre 2004, p 11; Pau 17 décembre 2001, Juris-Data n° 2001-175603

195 A. BÉNABENT, « principe de l'hébergement gratuit entre concubins », Dr. patr. octobre 1998, jurisp. p 84.

196 G. KESSLER, art. préc., Gaz. Pal. octobre 2004, p 11

197 G. KESSLER, art. préc., Gaz. Pal. octobre 2004, p 11

l'autre ne lui doit aucune indemnité d'occupation, tandis que celui qui a effectué des dépenses d'agrément dans le logement de l'autre ne peut être dédommagé car il les a effectuées dans son intérêt.

En outre, une demande fondée sur l'enrichissement sans cause ne peut être accueillie si l'enrichissement ou l'appauvrissement ont disparu au jour de l'action, leur caractère définitif étant essentiel pour que l'action prospère.198

Ainsi, l'achat d'un véhicule par l'un des concubins avec des deniers issus d'un plan épargne logement commun aux deux concubins ne peut fonder l'action en enrichissement sans cause de la concubine

.

En effet, le véhicule est un bien qui se déprécie rapidement, l'enrichissement du concubin étant à la date de l'action inexistant, l'action de in rem verso ne peut prospérer.

Ainsi, seules les dépenses exceptionnelles peuvent justifier l'application de la théorie de l'enrichissement sans cause

.

La collaboration bénévole de l'un des concubins ou partenaires à l'activité de l'autre peut aussi justifier l'exercice de l'action de in rem verso, quand cette collaboration s'apparente à un travail à plein temps ayant empêché ce concubin de poursuivre une autre activité.199 C'est donc le critère de l'excès à la contribution aux charges de la vie commune qui justifie qu'une collaboration ou des travaux soient indemnisés200.

De ce fait, la technique de l'enrichissement sans cause ne permet au concubin ou partenaire qui l'invoque que d'obtenir une indemnisation pour les actes dépassant le cadre normal de la

vie commune

.

 

Au delà de la demande d'indemnisation que peut effectuer un concubin ou un partenaire, à la rupture, pour obtenir un rééquilibrage des patrimoines, celui-ci peut aussi demander

réparation en raison de la rupture elle-même et de ses conséquences à son égard

.

 

198 Bourges, 3 juin 2002, Dr. fam. décembre 2003, com. n° 140 p 18.

199 Cass. 1e civ, 15 octobre 1996, Bull. Civ I, n° 357.

200 Aix en Provence, 30 mai 2006, Juris-Data n° 2006-311475.

CHAPITRE SECOND: RÉPARATION DU PRÉJUDICE RÉSULTANT DE LA RUPTURE UNILATÉRALE

Lorsque l'un des concubins ou partenaires quitte l'autre unilatéralement, la victime de la rupture peut, selon les circonstances de celle-ci, demander réparation du préjudice qui en résulte à son auteur (section I).

En outre, l'un des concubins ou partenaires a pu s'engager envers l'autre à lui verser une somme d'argent en guise de réparation ou en exécution d'un devoir de conscience, lors de la rupture.

Cette obligation naturelle est novée en obligation civile par l'engagement pris, permettant ainsi au partenaire ou concubin créancier de celle-ci d'en demander exécution en justice si le débiteur n'a pas tenu ses promesses (section II).

Pour déterminer si une réparation est dûe en raison des circonstances de la rupture ou si une obligation naturelle a été novée en obligation civile, les juges doivent tenir compte du comportement de l'auteur de la rupture.

En effet, un concubin ou un partenaire ne peut engager sa responsabilité que s'il a commis une faute qui a causé un préjudice. Il convient alors d'examiner si son comportement peut être qualifié de fautif.

De même, la novation d'une obligation naturelle en obligation civile résulte du comportement du concubin ou partenaire qui a décidé d'exécuter son devoir de conscience en s'engageant à réparer le préjudice qu'il a causé à son compagnon.

SECTION I: RÉPARATION DU PRÉJUDICE RÉSULTANT D'UNE RUPTURE FAUTIVE PAR LA RESPONSABILITÉ CIVILE DÉLICTUELLE

L'article 1382 du Code civil prévoit que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.

L'un des concubins ou partenaires qui cause un préjudice à l'autre, par sa faute, à l'occasion de la rupture, est obligé de le réparer.

Le Conseil Constitutionnel, dans une décision du 9 novembre 1999, a affirmé que le partenaire auquel la rupture est imposée peut demander réparation à l'auteur de celle-ci s'il a commis une faute dans les circonstances de cette dernière.201 En affirmant ce droit lors de sa consultation concernant la loi relative au PACS, le Conseil Constitutionnel a confirmé solennellement la jurisprudence relative aux concubins sur cette question.

En outre, il faut souligner qu'il n'a pas appuyé son raisonnement sur l'article 1147 du Code civil, prévoyant la responsabilité contractuelle. L'on peut en déduire qu'il a entendu exclure son application à la rupture du PACS, qui pourtant est un contrat.

En effet, lorsque cohabitent une responsabilité contractuelle et une responsabilité délictuelle, il

201 Cons. Const., 9 novembre 1999, déc. n° 99-419 DC.

convient de privilégier la contractuelle. Or, si le Conseil Constitutionnel a affirmé que le partenaire victime d'une rupture fautive peut engager la responsabilité délictuelle de son auteur, il a par conséquent entendu repousser l'application de l'article 1147 du Code civil. Cependant, certains auteurs considèrent qu'une action sur ce fondement pourrait aboutir.202

Les juges n'ayant jamais eu à se prononcer sur la recevabilité d'une telle action, il convient de suivre les indications du Conseil Constitutionnel et d'appliquer à la rupture fautive du PACS l'article 1382 du Code civil relatif à la responsabilité civile délictuelle.

En outre, l'on déduit de cette décision que les partenaires d'un PACS ne peuvent pas dans leur convention prévoir l'exclusion de la responsabilité civile en cas de rupture unilatérale.203

Il est alors nécessaire d'examiner dans quelles circonstances les juges du fond retiennent l'existence d'une faute (I) et d'un préjudice (II) en découlant, conditions nécessaires à l'obtention de dommages et intérêts.

I: DÉTERMINATION DE LA FAUTE OUVRANT DROIT À RÉPARATION

Le concubinage étant une situation de fait, il disparaît comme il se créée, tout à fait librement.

Le PACS, qui est un contrat, peut être également rompu librement à tout moment par l'un des partenaires.

La rupture en elle-même ne constitue pas une faute, elle est libre (A). En revanche, une faute peut résider dans les circonstances de la rupture, ou dans l'établissement de la relation. Il est alors nécessaire de déterminer quels comportements sont susceptibles d'être fautifs (B).

A: PRINCIPE DE LA LIBERTÉ DE LA RUPTURE

Les tribunaux proclament avec constance que le fait de rompre le concubinage n'est pas une faute mais l'exercice d'une liberté204.

Le caractère précaire et instable du concubinage interdit de considérer sa rupture en elle- même comme une faute.

En effet, seul le mariage voit sa rupture et ses conséquences règlementées par les dispositions régissant le divorce.

Les concubins Français, contrairement aux concubins Américains205, ne peuvent obtenir réparation du préjudice résultant de la rupture en l'absence d'une faute de son auteur. Aucun lien de droit n'existe entre les concubins. Quant aux partenaires, leur rupture est libre également car aucune disposition légale ne vient régler les conséquences de leur rupture. Accorder une indemnisation au partenaire ou concubin abandonné du seul fait de la rupture, indépendamment de toute faute, ne répond d'ailleurs pas à la volonté générale de ceux-ci. En effet, la précarité du concubinage et du PACS peut apparaître pour ceux qui ne veulent

202 Ph. MALAURIE, H. FULCHIRON, Op. Cit.

203 A. GOUTTENOIRE-CORNUT, « responsabilité civile et rupture unilatérale du concubinage », études offertes à J. RUBELLIN DEVICHI, Op. Cit.

204 Rennes, 15 mai 2006, Juris-Data n° 2006-3 16757.

205 M. MULLER, « L'indemnisation du concubin abandonné sans ressources », D. 1986, chron. p 328.

pas s'engager, ou du moins pas dans l'immédiat, comme un véritable atout.

En effet, ils peuvent quitter l'autre à tout moment. Le revers de cette liberté tient dans le fait que l'autre peut aussi les quitter librement à tout moment

.

Chacun des concubins ou des partenaires accepte donc au départ les risques de la situation

.

La Cour de cassation a ainsi cassé la décision d'une cour d'appel dans un arrêt rendu le 30 juin 1992, car celle ci avait décidé que l'absence de faute ne dispensait pas l'auteur de la rupture de réparer le préjudice créé par l'exercice de son libre choix.206

Pour que puisse s'appliquer l'article 1382 du Code civil, le demandeur doit donc prouver la faute de l'auteur de la rupture et le préjudice qui en découle

.

La faute doit être alors recherchée dans le comportement de l'auteur de la rupture

.

 

B: EXIGENCE D'UN COMPORTEMENT FAUTIF ÉTRANGER À LA SEULE RUPTURE

Pour retenir la responsabilité de l'auteur de la rupture du concubinage, la jurisprudence a retenu, dans différentes espèces, que la faute découlait des circonstances de la rupture ou de l'instauration même du concubinage.207

Si des circonstances particulières sont constitutives d'une faute délictuelle, détachable de la rupture elle-même, des dommages-intérêts peuvent être dûs

.

Le concubin qui fait croire à sa compagne qu'il était disposé à fonder un foyer et qui abandonne celle-ci brusquement quelques jours avant la naissance de leur enfant commun commet une faute dans les circonstances de la rupture, et dans l'instauration du concu binage208.

Si le concubin avait exigé que sa compagne renonce à son emploi pour se consacrer à son foyer et à l'éducation de leurs enfants, et la congédie onze ans plus tard sans subvenir à ses besoins, la concubine abandonnée est fondée à recevoir des dommages-intérêts

.

Ce comportement fautif, qui a causé un préjudice moral et matériel à la concubine abandonnée, justifie réparation.209

Ainsi, la rupture brutale peut être qualifiée de faute si elle laisse le concubin victime dans une détresse morale et économique intolérable

.

Néanmoins, la seule durée du concubinage n'est pas en soi de nature à faire caractériser la rupture fautive.210

En outre, la notion de faute a évolué avec la société. Certains comportements telle que la séduction dolosive, créée par un abus d'autorité ou une promesse de mariage et qualifiée de faute dans l'instauration du concubinage il y a cinquante ans de cela211, risqueraient de ne plus recevoir cette qualification par les juridictions à l'heure actuelle

.

Il convient de souligner que les juridictions de fond qualifient assez volontiers les circonstances de la rupture de fautives, afin de pouvoir indemniser le concubin victime, si

206 J. MASSIP, « chronique de jurisprudence générale », Defrén. 1992, art. 35395 p 1437.

207 Cass. 1e civ, 3 mars 1964, Bull Civ I, n° 39.

208 Cass. 1e civ, 3 novembre 1976, Bull Civ I n° 322.

209 Cass. 1e civ, 7 avril 1998, juris data n° 1998-001756.

210 Rennes, 15 mai 2006, Juris-Data n° 2006-316757.

211 Cass. 1e civ, 7 octobre 1957, Bull. Civ. I, n° 322, p 258

celui-ci est dans le besoin

.

En effet, un glissement vers la prééminence du préjudice est opéré, bien que la faute détachable de la rupture elle-même soit constamment exigée par les juridictions

.

Faute de pouvoir indemniser la victime de la rupture du concubinage sur le simple fondement de celle-ci, force est de constater que les juridictions de fond utilisent les notions de circonstances fautives et de faute dans l'établissement des relations comme palliatifs.212

II: PRÉÉMINENCE DE LA NOTION DE PRÉJUDICE SUR LA NOTION DE

FAUTE

Aucune faute ne peut être retenue si elle n'a pas causé de préjudice

.

 

En revanche, quand le préjudice existe, les juridictions essaient le plus souvent de caractériser une faute dans les circonstances de la rupture pour l'indemniser (A).

La jurisprudence met ainsi en exergue sa volonté de réparer une faute qui a causé un préjudice le plus souvent économique (B).

A: APPRÉHENSION CIRCONSTANCIÉE DE LA NOTION DE FAUTE

Après examen de la jurisprudence, il convient de constater que la faute du concubin est généralement déduite du préjudice subi par la victime213.

En effet, c'est le critère de la dépendance économique de la victime envers l'auteur de la rupture qui est pris en compte pour accorder des dommages-intérêts à celle-ci214. Cependant, la dépendance économique doit avoir été créée ou aggravée par le concubin auteur de la rupture

.

Ceci ressort du constat que le même fait peut être considéré comme fautif ou non, selon le préjudice qui en découle pour la victime de la rupture

.

Ainsi, l'on constate que le fait d'être abandonné brusquement par son concubin, sans aide financière après une longue vie commune ne constitue pas une faute si celui-ci n'avait jamais enjoint à la victime de ne pas exercer d'activité professionnelle215.

Il en va autrement quand c'est le concubin qui a mis volontairement la victime de la rupture dans une situation de dépendance économique

.

En lui interdisant de travailler pour qu'elle s'occupe du foyer, le concubin auteur de la rupture a créé la situation de dénuement dans laquelle se retrouve la victime lors de la rupture216.

Ce préjudice économique étant établi, la faute de l'auteur de la victime en découle, en ce qu'il a créé volontairement ce préjudice. En effet, le comportement de l'auteur de la rupture a créé les conditions nécessaires à l'existence du préjudice qui résulte de la séparation

.

Les juges du fond s'appuient sur la prévisibilité du dommage causé par le comportement de l'auteur de la rupture pour suppléer la preuve du lien de causalité217.

212 J.RUBELLIN DEVICHI, « l'attitude du législateur contemporain face au mariage de fait », RTD civ 1984, p 389.

213 A. GOUTTENOIRE-CORNUT, art. préc., Op Cit.

214 M. MULLER, art. préc., D. 1986, chron. p 328.

215 Cass. 1e civ, 18 juillet 1962, Bull Civ I, n° 385, p 332.

216 Cass. 1e civ, 7 avril 1998, juris data n° 1998-001756.

217 M. MULLER, article précité, D. 1986, chron. p 328.

En effet, celui-ci n'est pas direct, entre la faute et le préjudice, mais la prévisibilité du dommage permet de caractériser la responsabilité civile délictuelle de l'auteur de la rupture

.

Ainsi, la notion de faute s'efface au pofit de la notion de préjudice. La faute n'est caractérisée que par la situation matérielle difficile dans laquelle l'auteur de la rupture a plongé celui qui

la subit

.

 

Certains auteurs concluent d'ailleurs à un assouplissement de la faute qui confine à sa déformation218. Ainsi, le même comportement sera dans un cas fautif, car porteur d'un préjudice, et dans l'autre ne le sera pas, en l'absence de dépendance économique, ou si celle ci n'a pas été créée par le concubin auteur de la rupture

-

.

Cette dualité exprime la volonté des juges de réparer, par les dommages-intérêts, les conséquences économiques désastreuses que peuvent avoir une rupture, quand celles-ci sont l'oeuvre de l'auteur de la rupture

.

Le concubin ou partenaire victime de la rupture qui est indépendant économiquement peut dificilement démontrer un préjudice résultant de la rupture, même en démontrant que le comportement de l'auteur de cette dernière a été offensant

.

En l'absence de préjudice matériel, la jurisprudence semble ne pas accueillir les demandes de réparation. Ainsi, le préjudice moral qui aurait pu résulter de paroles blessantes219 ou des conditions inélégantes de la rupture220 n'est pas retenu.

B: VOLONTÉ RÉPARATRICE DE LA JURISPRUDENCE

L'effacement de la notion de faute au profit de celle de préjudice résulte de la volonté jurisprudentielle de réparer les conséquences économiques de l'abandon d'un concubin par l'autre. Le concubin abandonné ne reste ainsi pas sans ressources.

S'agissant des partenaires, un arrêt de la cour d'appel de Paris rendu le 9 novembre 2006221 peut seul rendre compte des conséquences de la rupture d'un PACS. Il refuse d'ailleurs l'allocation de dommages-intérêts en déclarant qu'aucune faute ou préjudice n'est démontré

.

Au regard de la jurisprudence relative aux concubins, il est possible de dégager une forte tendance à une indemnisation ressemblant à une prestation compensatoire222. Les sommes importantes allouées aux victime des ruptures et la prise en compte très nette d'un préjudice matériel au détriment de la notion de faute et de lien de causalité direct en témoignent

.

Les juges tentent ainsi de pallier les différences de niveaux de vie provoquées par la rupture du concubinage, en utilisant les techniques de droit commun à leur disposition. Cependant, s'il est impossible de caractériser une faute, quand l'auteur de la rupture n'a pas causé le préjudice économique de la victime, ou s'il est inexistant, il reste à la victime la possibilité de se prévaloir d'une obligation naturelle, dans certaines circonstances. Pour qu'elle soit exécutable, elle a dû être novée en obligation civile, par la volonté du

concubin auteur de la rupture

.

 

218 A. GOUTTENOIRE-CORNUT, art. préc., Op Cit.

219 Lyon, 20 février 1996, Dr. fam. 1997, com. n° 171, obs. H. Lécuyer

220 Paris, 16 novembre 1999, Dr. fam. 1997, com. n° 56, obs. H. Lécuyer

221 Juris-Data n° 2006-3 14683

222 Cass. 1e civ, 7 avril 1998, Dr. fam. 1998, com. n° 81, obs. H. Lécuyer: dommages-intérêts s'élevant à 500 000

Francs

.

 

SECTION II: RÉPARATION DU PRÉJUDICE RÉSULTANT DE LA RUPTURE EN ELLE-MÊME PAR L'OBLIGATION NATURELLE

Les règles de la responsabilité civile ne permettent pas de remédier à toutes les inéquités de la rupture, en l'absence de faute ayant créé un préjudice. La jurisprudence a dû chercher les moyens de réparer les conséquences économiques de certaines ruptures sur d'autres

fondements

.

 

Dans certaines circonstances, les juges peuvent faire obstacle à la répétition d'une somme d'argent en la qualifiant d'expression d'un devoir de conscience, ou exiger l'exécution d'une obligation naturelle, quand celle-ci a été novée en obligation civile

.

Avant de préciser les circonstances de mise en oeuvre d'une obligation naturelle (II), il convient d'étudier ses fondements (I), pour déterminer l'intérêt que présente l'application de

ce mécanisme lors de la rupture des concubins ou des partenaires

.

 

I: FONDEMENTS DE L'OBLIGATION NATURELLE

L'obligation naturelle est prévue à l'article 1235 du Code civil, qui dispose que l'on ne peut demander répétition de celle-ci quand elle a été volontairement acquittée

.

Il convient de définir ce mécanisme (A), avant d'étudier l'intérêt de son invoquation dans les relations entre concubins ou partenaires lors de la rupture (B).

A: MÉCANISME CORRECTEUR AU REGARD DE L'ÉQUITÉ

Quand l'application stricte de la règle de droit conduit à une solution trop inéquitable, le juge tente de trouver un fondement juridique permettant de prononcer une décision plus juste

.

Ainsi, l'obligation naturelle constitue un outil d'ajustement du droit, permettant au juge de s'affranchir de la loi. Elle permet de pallier l'application d'une règle de droit inadéquate, et supplée l'absence d'impératif juridique223.

L'obligation naturelle, à l'inverse des obligations civiles, est dépourvue de sanction.

Elle ne devient une obligation civile que si elle a fait l'objet d'un engagement volontaire de la part de son débiteur, par une promesse d'exécution, qui doit pouvoir être prouvée.224 L'exécution spontanée, ou la promesse d'exécution d'une obligation naturelle lie son auteur. Les juges interprètent alors la volonté de celui qui s'est engagé, pour y découvrir l'intention d'exécuter une obligation naturelle225.

Celle-ci permet la consécration juridique d'exigences, non formulées par le droit, mais imposées par la morale sociale

.

.

Cette technique présente un intérêt non négligeable pour les concubins ou partenaires, en l'absence de réglementation des conséquences patrimoniales de leur rupture

223 S. CHASSAGNARD, « L'obligation naturelle au secours du concubin délaissé », JCP G janvier 2001, II, 10458.

224 A. PROTHAIS, art. préc., JCP N 1991, doctr. p 87.

225 S. CHASSAGNARD, art. préc., JCP G janvier 2001, II, 10458.

B: APPLICATION AUX CONCUBINS ET PARTENAIRES

L'obligation naturelle permet de compenser en équité les disparités nées de la rupture.226

En l'absence d'obligations civiles entre concubins, pendant et après le concubinage, la jurisprudence fait régulièrement appel à la notion d'obligation naturelle227.

Les contours de l'obligation naturelle sont flous, ce que l'on remarque en étudiant la jurisprudence. En effet, celle-ci qualifie d'obligation naturelle un devoir de conscience, de réparation, d'assistance ou encore un devoir de ne pas laisser l'autre sans ressources.228 Un certain nombre de décisions ont admis que les remises de sommes d'argent, voire de biens en nature peuvent constituer l'exécution d'une obligation naturelle, née en raison de l'engagement unilatéral de l'un des concubins ou partenaire.229

Ainsi, la reconnaissance d'une obligation naturelle permet d'exiger de l'auteur de la promesse son exécution.

Il faut alors pouvoir prouver l'intention de celui-ci et c'est par appréciation souveraine que les juges du fond déterminent si l'engagement pris l'a été en exécution d'une obligation naturelle.

Les termes utilisés par la jurisprudence pour qualifier l'obligation naturelle témoignent d'un rapprochement avec le devoir de secours et d'assistance des époux, qui est une obligation civile230.

En effet, les juges consacrent un devoir d'assurer les vieux jours de son concubin ou une dette de reconnaissance pour les soins prodigués, trouvant l'origine de la contrainte de celui qui s'est engagé dans sa conscience231.

Ainsi, si le concubin ou partenaire a remis une somme d'argent à l'autre, ou a pris l'engagement unilatéral de subvenir à ses besoins, ce dernier peut en demander en justice l'exécution.

Contrairement à la responsabilité civile, ça n'est pas une faute ayant créé un préjudice qui fonde ici la réparation. Celle-ci n'existe qu'en raison de l'engagement volontaire de l'un des concubins ou partenaires, qui a nové son obligation naturelle en obligation civile.

226 Ph. MALAURIE, H. FULCHIRON, Op. Cit., p 218.

227 A. PROTHAIS, art. préc., JCP N 1991, doctr. p 87.

228 A. PROTHAIS, art. préc., JCP N 1991, doctr. p 87.

229 M. MATHIEU, art. préc., jurisclasseur nouveaux couples nouvelles familles, fasc. 120, 2005.

230 G. HÉNAFF, « La communauté de vie du couple en droit Français », RTD civ 1996, p 565.

231 M. MULLER, art. préc., D. 1986, chron. p 328.

II: CIRCONSTANCES DE MISE EN OEUVRE D'UNE OBLIGATION NATU RELLE

L'obligation naturelle peut être transformée en obligation civile par engagement volontaire du

débiteur (B)232.

En outre, le recours à ce mécanisme permet de valider les transferts de somme d'argent effectués par l'un des concubins ou partenaires au profit de l'autre (A).

A: EN PRÉSENCE DE LA REMISE D'UNE SOMME D'ARGENT

Les tribunaux considèrent qu'un concubin a l'obligation naturelle d'assurer l'avenir de l'autre lorsque le concubinage prend fin, ce qui permet de valider les dons de somme d'argent faits en exécution d'une telle obligation233.

En effet, lorsque ces dons sont contestés en justice par celui qui les a effectués, les tribunaux relèvent l'existence d'une obligation naturelle résultant d'un devoir de conscience pour les faire échapper à la qualification de libéralité ou de simple prêt234.

L'exécution d'une obligation naturelle est étrangère à la notion de libéralité, c'est la contrepartie d'un avantage unilatéral déjà obtenu, qui répond à un devoir de conscience235. Ainsi, si le concubin ou le partenaire regrette sa générosité, le fait qu'il ait exécuté un devoir de conscience l'empêchera d'obtenir la restitution de ce qu'il a versé, en application des dispositions de l'article 1235 du Code civil.

Les juridictions de fond doivent alors effectuer un travail de qualification, pour déterminer si la somme remise l'avait été au titre d'une donation, ou de l'exécution d'une obligation naturelle.

Bien que les libéralités entre concubins soient valables quel qu'en soit l'objet depuis un arrêt de la Cour de cassation rendu le 3 février 1999, la qualification de donation ou d'exécution d'une obligation naturelle diffère.

En effet, s'agissant d'une donation, le donateur peut réclamer sa révocation selon les cas d'ouverture de l'article 953 du Code civil, ou invoquer sa nullité si elle n'a pas été réalisée par acte authentique.

La première chambre de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 19 février 2002, a été amenée à se prononcer sur la qualification juridique d'un document manuscrit236.

Lors de la rupture, un concubin avait fait don de sa maison, par un document manuscrit, à son ex-concubine.

Quelque années plus tard, il demande l'expulsion de cette dernière, arguant de la nullité de sa donation en l'absence d'acte authentique.

La Cour de cassation a confirmé le raisonnement des juges du fond, refusant d'accéder à la demande de l'ex-concubin, au motif que le don de la maison ne constituait pas une libéralité.

232 A. PROTHAIS, art. préc., JCP N 1991, doctr. p 87.

233 M. MULLER, art. préc., D. 1986, chron. p 328.

234 M. MULLER, art. préc., D. 1986, chron. p 328.

235 M. MATHIEU, art. préc., jurisclasseur nouveaux couples nouvelles familles, fasc. 120, 2005.

236 J. MASSIP, « Chronique de jurisprudence générale », Defrén. n° 10/2002, art. 37548, p 681.

En effet, les juges ont considéré qu'en l'absence d'intention libérale, l'acte ne pouvait être qualifié de donation et constituait pour partie la rémunération de la concubine pour sa participation au remboursement de l'emprunt souscrit pour cette maison.

Pour l'autre partie, l'acte devait être considéré comme l'exécution d'une obligation naturelle tendant à réparer le préjudice résultant de l'abandon de la concubine après une longue vie commune237.

Force est de constater que l'interprétation, faite par les juridictions de fond, de la volonté de l'auteur du manuscrit va dans le sens de l'équité.

En effet, les juges ont considéré le don de la maison comme étant l'exécution d'un devoir de conscience, afin de refuser l'expulsion de l'ex-concubine.

L'appréciation par les juges de l'intention de celui qui s'est engagé est en partie morale, afin de rendre une décision équitable en présence de la rupture d'un concubinage ou d'un PACS. Aucun arrêt jusqu'à présent ne rend compte de l'application du mécanisme de l'obligation naturelle aux partenaires d'un PACS. Pourtant, il convient de raisonner par analogie avec la situation des concubins, les partenaires ne bénéficiant pas non plus d'une réglementation des conséquences de leur rupture.

B: EN PRÉSENCE D'UN ENGAGEMENT UNILATÉRAL

L'obligation naturelle vient supplééer l'absence d'obligation alimentaire entre concubins, en permettant d'obliger celui qui s'est engagé à verser à l'autre une part de ses revenus à exécuter sa promesse.238

En présence d'un engagement exprès, pris par écrit par l'un des concubin, de verser à l'autre une certaine somme en guise de dommages et intérêts, l'obligation naturelle est transformée en obligation civile239.

En effet, cet engagement unilatéral de volonté engage irrévocablement son auteur, si son consentement n'a pas été vicié.

Peu importe que l'engagement soit formellement irrégulier, du moment que celui qui s'est engagé l'a fait de manière claire et sans équivoque240.

Ainsi, le recours à la notion d'obligation naturelle permet de dépasser l'irrégularité d'un engagement dans sa forme, à partir du moment où son auteur ne peut contester sérieusement sa volonté initiale de subvenir aux besoins du concubin ou partenaire abandonné.

Le bénéficiaire de cet engagement peut donc demander l'exécution forcée de cette obligation naturelle en justice, car elle est devenue juridiquement sanctionnable en raison de l'engagement pris, indépendamment de l'état de besoin du bénéficiaire.241

Les juridictions de fond apprécient souverainement l'existence d'un engagement au regard des circonstances de l'espèce, pour déterminer si une obligation naturelle a été transformée en

237 J. MASSIP, art. préc., Defrén. n° 10/2002, art. 37548, p 681.

238 M. MATHIEU, art. préc., jurisclasseur nouveaux couples nouvelles familles, fasc. 120, 2005.

239 V. LARRIBAU-TERNEYRE, « Où l'obligation naturelle vaut mieux que l'action fondée sur l'enrichissement sans cause », Dr. fam. février 2006, obs. N° 24.

240 V. LARRIBAU-TERNEYRE, art. préc., Dr. fam. février 2006, obs. N° 24.

241 Nancy, 11 avril 2005, JCP G février 2006, IV, 1255.

obligation civile

.

 

Dans un arrêt rendu le 17 novembre 1999, la première chambre de la Cour de cassation a dû se prononcer sur la qualification d'une offre faite par le concubin auteur de la rupture à lautre242. Celui-ci s'était engagé par écrit à laisser son ex-compagne occuper un immeuble lui appartenant, sa vie durant et à verser une pension d'une durée et d'un montant précis.

Souhaitant revenir sur sa décision, il sollicite l'expulsion de son ex-concubine en affirmant avoir retiré son offre avant que cette dernière ne l'ait acceptée

.

La Cour de cassation, pour rejeter cette demande, se fonde sur l'existence d'une obligation naturelle, novée en obligation civile par l'engagement pris243.

Ainsi, la notion d'obligation naturelle permet aux juges d'écarter le droit commun des contrats, qui n'aurait pas été source d'obligation. De plus, elle permet de donner force obligatoire à l'acte émis par le concubin

.

C'est à l'issue d'une appréciation circonstanciée que les juges ont pu reconnaître l'existence d'une obligation naturelle, novée en obligation civile par l'engagement litigieux.

En l'absence d'écrit, les juges du fond doivent apprécier la nature des versements d'argent effectués par l'auteur de la rupture à l'autre

.

La volonté de subvenir aux besoins de l'autre, sans limitation de durée, doit être dénuée de toute ambiguïté et un commencement d'exécution ne suffit pas à caractériser la novation d'une obligation naturelle en obligation civile.244

Ainsi, les versements déjà effectués ont pu être qualifiés par les juges d'exécution d'un devoir de conscience, paralysant toute demande de répétition.

En revanche, l'absence d'écrit et de volonté de l'auteur des versements de les poursuivre n'a pu permettre de constater la novation de l'obligation naturelle, du concubin auteur de la rupture, envers la victime, en une obligation civile.

Ainsi, le recours à la théorie de l'obligation naturelle ne peut permettre systématiquement au concubin abandonné d'obtenir une certaine réparation de la part de l'auteur de la rupture

.

En effet, si ce dernier n'a pas entendu exécuter son obligation naturelle, celle-ci ne peut être novée en obligation civile et n'est donc pas juridiquement sanctionnable

.

Force est cependant de constater que les solutions jurisprudentielles reposent surtout sur la morale et l'équité afin de porter secours au concubin ou partenaire démuni245.

242 S. CHASSAGNARD, art. préc., JCP G janvier 2001, II, 10458.

243 S. CHASSAGNARD, art. préc., JCP G janvier 2001, II, 10458.

244 Cass. 1e civ, 23 mai 2006, Dr. fam. Juillet 2006, obs. n° 142.

245 A. BOLZE, art. préc., Dr. fam. mars 2001, chron. p 9.

L'application des techniques objectives et subjectives de liquidation des intérêts des concubins et des partenaires permet de résoudre, du mieux que le permet le droit commun des obligations et des contrats, les difficultés liées à l'absence d'organisation légale des intérêts pécuniaires des concubins et dans une moindre mesure, des partenaires d'un PACS246.

Les techniques de droit commun ne se révèlent cependant pas très adaptées au règlement des intérêts pécuniaires des concubins et des partenaires.

En outre, certains auteurs soulignent un forçage du droit commun247 réalisé par les juridictions de fond pour rendre des décisions plus équitables en faveur des concubins. Notamment, la qualification de la faute s'agissant de la responsabilité civile délictuelle relève de subtilités techniques, voire d'artifices, tant la notion de préjudice prévaut entre concubins et partenaires.248

La Cour de cassation veille néanmoins au respect des principes, réaffirmant régulièrement que les conditions d'application des techniques de droit commun doivent être réunies pour être applicables aux concubins.

Pour une partie de la doctrine, il est urgent de remédier à l'imprévisibilité des effets de la rupture, engendrée par l'application aléatoire des techniques de droit commun.249 Il serait en effet judicieux de prévoir un encadrement légal minimum des effets de la rupture du concubinage et du PACS, qui tienne compte de la réalité quotidienne des couples non mariés250.

À la rupture, ces couples se retrouvent aux prises avec la liquidation d'une communauté de fait, née de l'inévitable confusion des patrimoines engendrée par la vie commune et de l'impossibilité de déterminer une propriété exclusive sur l'intégralité des biens. Bien que les concubins n'aient pas souhaité organiser leur situation par le mariage, il conviendrait de prévoir certaines règles de liquidation de leurs intérêts patrimoniaux, ainsi que pour les partenaires. Ceci éviterait le règne de la loi du plus fort dans les relations entre ex-partenaires ou concubins.

Il serait par ailleurs possible, sans règlementer légalement la liquidation des intérêts patrimoniaux des partenaires et des concubins, de prévoir des dérogations aux règles de preuve de droit commun, ainsi qu'aux conditions strictes d'existence de certains contrats ou obligations, en présence de concubins ou de partenaires d'un PACS.

C'est au législateur qu'il appartient de décider de l'opportunité de telles mesures, bien qu'il faille remarquer la tendance des juges du fond à assouplir les conditions de preuve ou d'existence des obligations en présence d'un concubinage ou d'un PACS, ce que la Cour de cassation vient régulièrement sanctionner.

246 Paris, 29 octobre 2004, AJ famille janvier 2005, jurisp. p 29.

247 A. PROTHAIS, art. préc., JCP N 1991, doctr. p 87.

248 A. PROTHAIS, art. préc., JCP N 1991, doctr. p 87.

249 C. PERNEL, art. préc., Dr. patr. juin 2001, pratique p 44. 250 C. PERNEL, art. préc., Dr. patr. juin 2001, pratique p 44.

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