Université Mohamed V - Rabat Agdal
Faculté des sciences Juridiques, Economiques et
Sociales
Ecole Doctorale de Gestion
UFR : Marketing et stratégie (2)
Le collectionneur :
Un acheteur,
un consommateur
Préparé par : Adil Elkhoutabi
Mai 2006
PLAN
Introduction
Partie 1 : Le profil du collectionneur
A. Caractéristiques du collectionneur
B. Les compétences du collectionneur
Partie 2 : Le comportement d'achat du collectionneur
A. Délibération et décision
B. Achat, consommation et satisfaction
Conclusion
INTRODUCTION
« Il faut tout garder il ne faut rien jeter pour
retarder la mort »
J.C Averty
Fait incontestable, il y a tant d'objets sur notre
planète qu'une vie ne réussirait pas à les
répertorier tous. Aussitôt produits, aussitôt
achetés, consommés, échangés ou
collectionnés.
Nous vivons dans un univers d'objets et chacun le parcourt
à sa manière, selon des usages et des coutumes différents.
Nous nous entourons d'objets par besoins, qu'ils soient utilitaires, affectifs,
intellectuels, religieux... et ceux que nous choisissons portent une marque,
celle de notre identité. Ne nous attardons pas à la nature de ces
objets mais à un système qui nous lie à eux, la
collection.
Ma motivation face à cette activité a
été d'éclaircir certains comportements humains qui s'y
rattachent. C'est pourquoi je vous propose de l'aborder. Le sujet est si vaste
et si complexe qu'il vaut mieux ne pas se perdre de vue.
Le comportement des collectionneurs a fait l'objet de
réflexions et d'études chez les philosophes, les psychologues et
les médecins. Ceux-ci distinguent la collectionnomanie, qui
n'est autre que la manie du collectionneur, et le collectionnisme, qui
est le besoin pathologique de rassembler des objets hétéroclites
et inutiles, caractéristique de certaines formes de névrose
obsessionnelle. Quelques études ont exploré le comportement du
collectionneur du point de vue marketing et plus spécialement autant que
comportement d'un consommateur très particulier.
La passion du collectionneur présente des degrés
plus ou moins fort, allant de l'engouement passager lié à une
mode, au syndrome appelé "collectionnisme" qui rend le sujet lui
même malheureux, face à une passion qui le dévore.
Avant de présenter une introduction au sujet, essayons
de trouver une représentation commune au mot
« collectionneur » :
Dans le Larousse, le collectionneur est une personne qui se
plaît à collectionner, qui fait une ou des collections.
Avec l'origine même du mot, nous avons ce qui correspond
à une définition possible : Le vieux français nous
dit que collectionner c'est réunir.
Et nous dirons alors qu'une collection c'est une
réunion d'objets sur un même thème. Une telle
définition nous conduisant donc à parler de collections pour une
passion typique : La recherche de la perfection pour un objet
particulier.
Au sens ou non seulement le collectionneur c'est celui qui
regroupe ce qui était dispersé (une collection étant
composé d'objets liés par un point commun), mais surtout que le
but c'est qu'un jour, de cette dispersion, il n'en soit plus question :
Réunion finale, collection fini. Nous pouvons donc dire du
collectionneur qu'il se fait fort de grouper l'ingroupable, de créer un
ordre (limité) à l'univers qui l'entoure.
LE STATUT DE L'OBJET
Quelque chose manque, quelque chose fait défaut
à l'être humain, ce manque c'est celui qui alimente les
activités humaines, sans manque pas de désir, c'est parce qu'il y
a du vide (à combler) que l'homme cherche la richesse, la
célébrité, l'acquisition d'objets, de savoir, de
partenaires etc. L'éventail des objets comblants est infini, chacun
orientant ses recherches en fonction de sa personnalité, (c'est à
dire de l'addition entre son histoire personnelle et le monde il
évolue).
Le sujet humain investit des objets divers, avec pour espoir
que ces objets là le comble, c'est à dire qu'ils lui
permettraient enfin de n'avoir plus de manques, fantasme auquel il s'accroche
tout en se doutant bien du fait qu'il n'est pas réalisable pour la
simple raison que ce qui manque à l'homme est incomblable.
C'est sur cette caractéristique que repose notre
société de consommation, la publicité sacralisant les
choses exposées comme étant, non pas la clef d'un paradis
Chrétien (qu'elles ont remplacé dans le plaisir tout de suite, a
crédit), mais le paradis même. Idéal dont peu de personnes
ne déclarent être dupes mais qui continuera d'agir au delà
des discours, de façon réflexe, bref inconsciente.
Il y a l'objet et il y a le manque, de ce manque propre
à l'homme naît la demande, demande que ce manque soit
comblé, l'objet prend place comme bouchon, mais parce que justement ce
qui manque à l'humain est au delà des choses, jamais ces choses
ne sont pleinement satisfaisantes, au sens ou si elles l'étaient,
l'homme cesserait sa recherche perpétuelle d'autres choses, d'autres
objets que ceux animant nos contemporains dans les centres commerciaux le
dimanche et les autres jours.
De ceci le collectionneur ne s'écarte pas vraiment, lui
aussi donne a l'objet une valeur qui dépasse la valeur de l'objet, il
suffit de fréquenter quelques collectionneurs pour constater le faible
intérêt que suscite en nous ces stocks qui pour eux sont des
trésors, noeud de leur passion. Il pourrait d'ailleurs sembler à
première vue que ce noyau (le stock) est le moteur de l'activité
frénétique du collectionneur : Ne nous y trompons pas !
Ce qui épuise le collectionneur ce n'est pas ce qu'il possède
déjà mais plutôt ce qu'il rêve de posséder,
mais alors que le quidam consommateur navigue d'un achat à l'autre
espérant sans trop y croire que sa frénésie trouvera dans
cette diversité le bouchon qui lui faisait défaut, le
collectionneur lui, ne cesse de le dire, il sait précisément ce
qu'il lui manque !, les listes (toujours renouvelées) d'objets
recherchés, diffusées dans le monde entier l'attestent : Le
collectionneur ne semble avoir aucun doute quand à l'objet de son
désir.
L'OBJET COMME SYMBOLE
Dire qu'il y a toujours un écart entre le manque et la
demande signifie que ce qui manque à l'homme n'est jamais comblé
parce que ce qu'il demande et obtient, l'objet acquit, n'est jamais le bon et
le désir se poursuit donc, inlassablement.
Si l'objet demandé n'est pas vraiment ce qui manque, on
peut dire qu'il prend alors place de "bouche trou", c'est à dire qu'il
n'est qu'une métaphore, symbolisant le Manque. L'acquisition de voitures
puissantes par nos contemporains, dépassant les vitesses
autorisées, est bien l'exemple de cet autre chose que peut
représenter pour l'acquéreur, un gros bolide.
Là où réside le symbole, le langage n'est
pas loin, si je vous demande de penser à un "arbre", le mot
évoquera un membre de l'espèce végétale mais chacun
imaginera son arbre. Il en est de même pour l'objet collectionné,
il s'inscrit comme un symbole parce qu'il représente toujours autre
chose, insaisissable. Ce qui anime ce collectionneur de timbres, ce n'est pas
ces rectangles de papiers dentés à 2,5 DH, mais quelque chose
d'un au delà, qui a autant à faire avec l'environnement social
qu'a l'histoire du sujet.
COMPORTEMENT DU CONSOMMATEUR COLLECTIONNEUR
Les collectionneurs sont véritablement des acheteurs et
consommateurs très particuliers. Ils sont obsédés par la
découverte et l'acquisition d'objets nouveaux, et ne peuvent
eux-même expliqués ce besoin fondamental, comparable à la
faim, qui peut être assouvi mais jamais gommé. Leur comportement
et la nature de leur passion sont souvent caractérisés par
l'alternance de phase d'euphorie, d'allégresse et de phase de tension,
de détresse, de doute, de culpabilité. Cette passion est capable
d'emmener certains vers la dévastation de leur vie entière :
profession, famille, obligations et responsabilités sociales ...
Une collection est le choix, la réunion et la
conservation d'objets qui ont une valeur subjective. Le collectionneur, comme
le croyant, attribue un pouvoir et une valeur aux objets parce que leur
présence et leur possession ont une fonction réparatrice,
palliative, protectrice face à l'anxiété et
l'incertitude.
Selon l'enquête sur « Les Pratiques Culturelles des
Français » sortie en 1990, 23% des habitants de l'hexagone de
plus de 15 ans déclarent réaliser une collection, dont environ la
moitié s'en occupe au moins une fois par mois. Les collectionneurs
français ont principalement entre 15 et 19 ans (41% d'entre eux)
même si cette pratique est de moins en moins caractéristique du
monde des jeunes (14% des plus de 60 ans en 1989, 7% en 1973). Elle est
dominée par les hommes aux CSP1(*) les plus élevées, habitant dans les
grandes villes.
Que collectionne t'on ? De tout. Des timbres
principalement (8% des Français), suivis des cartes postales, des
pièces et médailles. On note cependant que l'activité de
collectionner s'est, au cours de ces dernières années,
diversifiée en s'appliquant à de nouveaux domaines ou objets.
L'accumulation d'objets hétéroclites peut aussi
être vue comme une manière de rejeter la société de
consommation. Les amasseurs compulsifs luttent inconsciemment contre
l'idée qui veut qu'une fois utilisé, passé de mode, un
objet soit jeté. La rétention est anormale dans une
société où les objets ne sont pas conçus pour
être gardés et les relations à ces objets doivent rester
indifférentes.
Partie 1 : Le profil du collectionneur
A. Caractéristiques du collectionneur
A. Le collectionneur et sa trajectoire de vie
Pourquoi collectionne t'on ? Quelles sont les forces qui
incitent un individu à devenir collectionneur ?
Selon Muensterberger, la collection, quête
perpétuelle d'objets nouveaux provient « d'un souvenir
sensoriel - qui n'est pas immédiatement identifié - de privation,
de perte ou de vulnérabilité, et d'un désir
consécutif de substitution, étroitement associé à
la morosité et à des tendances dépressives ».
Toujours selon Muensterberger, à la naissance, le
bébé ne fait pas la distinction entre lui et sa mère et
vit avec elle un état fusionnel. Un jour il s'aperçoit qu'elle
peut s'absenter. Un véritable traumatisme. Pris d'angoisse et de peur,
il tend les mains, saisis un objet et le garde près de lui. C'est
« l'objet transitionnel ». Cet objet -poupée de
chiffon, hochet, carré de tissu, etc - est le prolongement de l'enfant
à l'extérieur. Le collectionneur retrouverait dans chacune de ses
acquisitions, le pouvoir de l'objet transitionnel.
En effet l'observation des enfants nous apprend que les tout
petits cherchent des solutions pour faire face à l'appréhension,
la vulnérabilité, la solitude, l'anxiété. Ils
prennent souvent un objet tangible : une tétine, un pouce, une
peluche, un doudou ... pour trouver une consolation qui ne leur est pas
prodiguée. L'enfant s'agrippe à l'objet qui devient une
protection magique, une sécurité imaginaire et lui apporte un
réconfort instantané face à sa peur de la solitude.
Les choses, objets prennent alors une dimension importante et
Muensterberger affirme que « l'affection se reporte sur des choses
qui, aux yeux de celui qui les regarde, finissent par avoir une âme,
ainsi que les amulettes et les fétiches dans les sociétés
primitives, ou les saintes reliques pour les dévots ». Ce
phénomène qui consiste a donné une
« âme » à un objet est appelé
« animisme » chez les anthropologues,
« attachement » chez les psychologues.
Le fait de prendre, d'agripper et plus tard les tendances
à l'accumulation, caractéristiques très présentes
chez les collectionneurs, viennent souvent de la phase d'individuation mal
vécue. L'absence, physique ou non, des parents et surtout de la
mère engendre un sentiment de manque, de frustration qui restera
à tout jamais et aura des conséquences graves sur la prise de
conscience de soi.
Dans toutes les sociétés et dans toutes les
époques, le phénomène de collectionner est présent.
Tout enfant doit en effet, tôt ou tard, faire face au dilemme de la
substitution (de la mère) Mais dans l'idéal, c'est seulement une
étape transitoire.
Le psychologue Henri Codet a consacré une thèse
au comportement du collectionneur. Il recense quatre caractéristiques
psychologiques du collectionneur :
- Le désir de possession,
- Le besoin d'activité spontanée,
- L'entraînement à se surpasser,
- La tendance à classer.
« On retrouve chez l'enfant tous ces traits
spécifiques, dit-il. C'est peut-être leur survivance à
l'âge adulte qui fait le collectionneur ».
C'est entre 7 et 12 ans qu'apparaissent les premiers
désirs de collection. Ils correspondent au besoin de rationaliser et de
classer les éléments du monde extérieur pour en prendre
intellectuellement possession. C'est aussi le premier moyen de se mesurer au
monde des adultes. En principe, à la puberté, ces tendances
disparaissent. Mais si elles continuent de se manifester à l'âge
adulte, c'est avec un élément supplémentaire : la passion.
D'où la véritable « collectionnite ».
B. Le collectionneur s'identifie à sa collection
La collection est forcément un reflet de la
personnalité, des goûts, des aspirations ... Même si
certains collectionneurs n'ont pas besoin de modèles, la majorité
est influencée par les modes, les tendances du moment ou l'opinion de
leur entourage. Muensterberger affirme que « les goûts, les
choix, le style sont obligatoirement influencés, souvent de
manière inconsciente, par le Zeitgeiste, l'esprit et le climat
socioculturel d'une époque ».
Le choix de collectionner un jouet, par exemple, est
étroitement lié aux souvenirs d'enfance.
Les goûts peuvent se déplacer, les
intérêts et les buts se modifier. Les collectionneurs qui ne se
cantonnent pas à un seul domaine montrent un état d'esprit moins
rigide et « monomaniaque »
C. La collection comme l'expression de la valeur de soi, de
l'unicité par comparaison sociale à d'autres collectionneurs
Les frustrations liées à la petite enfance sont
souvent responsables d'une mauvaise relation avec le monde extérieur et
conduisent à chercher plus de réconfort dans les objets que dans
les êtres.
Le fait de collectionner est une entreprise très
personnelle et souvent solitaire. La possession est le lien le plus intime
qu'un individu puisse avoir avec les objets. Ils ne prennent pas vie en lui,
c'est lui qui vit en eux.
On peut faire l'hypothèse que même si les
collectionneurs aiment s'entourer de personnes partageant leur passion, il ne
noue pas de véritables relations. Ce ne reste que des
« contacts ». Ils sont cependant très important car
peuvent être des intermédiaires pour les prochaines acquisitions
et sont les rares auprès desquels le collectionneur peut se mettre en
valeur, en scène.
Les collectionneurs aiment à parader et à
étaler leurs possessions. Ils utilisent ces objets pour recevoir les
félicitations du monde extérieur. Etre reconnu et
considérer renforce la foi qu'un individu a dans ses qualités
personnelles et peut rehausser l'image qu'il a de lui-même. L'objet est
ainsi une représentation de lui-même.
La jalousie joue un grand rôle dans cette quête
effrénée de triomphe personnel. Le collectionneur s'acharne
à vouloir éclipser tout rival. Comme tous les collectionneurs, il
craint de découvrir chez d'autres, des objets plus intéressants
ou nombreux et de voir son sentiment d'infériorité resurgir. Il
fait alors fonctionner, inconsciemment mais parfois consciemment, sa
mémoire sélective.
B. Les compétences du collectionneur
A. Une vigilance permanente
L'attention du collectionneur semble toujours en alerte. Il
emploie toutes les ressources possibles pour obtenir des informations.
L'exemple nous vient de Freud qui pendant trente ans, tous les
mercredis, a fait le tour des marchands d'antiquités pour
compléter sa collection qui, disait-il, lui procurait un très
grand délassement. Il possédait quelque 2 000 objets issus de
diverses civilisations méditerranéennes disparues
(égyptiens en grande majorité, grecs, étrusques, romains)
et quelques vieilleries chinoises à l'authenticité douteuse, dont
une figurine trapue « qui avait l'honneur de figurer seule sur la partie
droite de son bureau et que Freud saluait tous les matins ».
B. Acquisition des connaissances
Déjà à l'époque des Romains, les
collectionneurs avaient leurs sources d'informations secrètes, des
espions et des agents qui repéraient le butin.
Le collectionneur doit également acquérir des
connaissances liées à l'achat lors de brocantes ou chez un
antiquaire ou autres marchands d'art. la majorité affirme adopter un
comportement normal face à un objet désiré pour ne pas
provoqué chez le marchand une réaction en haussant le prix. Alors
que chez d'autres collectionneurs une pulsion irrépressible et un
appétit insatiable d'acquisition régissent la relation avec le
marchand.
La Mémorisation : Un collectionneur doit
forcément avoir une excellente mémoire à court et long
terme pour se souvenir des caractéristiques de chacun de ses objets, de
ses contacts ...
Beaucoup de collectionneurs possèdent des catalogue
où tout est référencé.
Partie 2 :
Le comportement d'achat du collectionneur
A. Délibération et décision
a. Bases motivationnelles de la délibération
Toute activité implique les notions de motivation, buts
et moyens, besoins et mobiles. Tous les collectionneurs ont du mal à
exposer leur but conscient.
b. Besoin en informations
Le collectionneur a besoin comme calmant de connaître
à l'avance ce qui va sortir sur le marché. Il reproche au
système commercial (surtout chez les grandes surfaces) de n'être
jamais au courant des prochaines arrivées.
L'avantage des magasins spécialisés est qu'ils
leurs fournissent à l'avance un catalogue publicitaire des prochains
arrivages. Le collectionneur se fabrique une image mentale, à partir des
photos, de ce qu'il va voir et peut-être acheter. Tous se
« délectent » à anticiper ce qu'ils vont
acquérir.
c. Besoin d'achat
Le désir et l'excitation intérieur doivent-ils
l'emporter ou bien faut-il renoncer à un objet au nom du bon sens ?
Le grand dilemme entre la passion et la raison est bien
présent.
Le collectionneur essaie souvent de remettre à d'autres
la responsabilité de la prise de décision, ce qui l'empêche
de se sentir coupable.
B. Achat, consommation et satisfaction du
collectionneur
Muensterberger explique que « le besoin fondamental
de refaire le plein, pour se sentir bien, est temporairement suspendu à
une trouvaille ou une acquisition nouvelles. L'euphorie provoquée par un
achat heureux se dissipe obligatoirement tôt ou tard. Une fois que
l'objet a été incorporé à la collection et que la
sensation affective initiale, la joie, la fierté, la nouveauté se
sont émoussées, le souvenir inconscient de désirs anciens
refait surface, selon le processus mental du retour du refoulé. La
réalité est sans cesse mise à l'épreuve, et le
sujet retrouve son impatience caractéristique jusqu'à ce qu'il
découvre un nouvel objet »
d. L'achat
i. Récit d'acquisition
Le récit de la recherche et de l'acquisition, chez tous
les collectionneurs, fait penser à une histoire d'aventures, à un
roman d'amour et de magie. Ils revivent instantanément le moment
passé.
ii. Achat compulsif
Il montre une sorte d'obstination qui semble se cacher
derrière une préoccupation compulsive qui, comme toute action
compulsive, est façonnée par des pulsions irrationnelles.
Etant donné que c'est une victoire sur l'angoisse et la
peur de la perte, c'est une nécessité que l'expérience de
recherche, d'acquisition se renouvelle sans cesse.
Les périodes où il achète moins, il se
dit être « calmé » mais seulement calmé
car il existe une caractéristique commune à tous les
collectionneurs : l'absence de point de saturation.
iii. Lieu, type de commerce
Un collectionneur « fait » les brocantes,
les bourses aux collections, les collect shops. Il achète
également des objets de moindre valeur dans les supermarchés
quand il ne trouve rien ailleurs et qu'il est en manque.
Il utilise Internet, les moteurs de recherche et les sites de
ventes aux enchères (iBazar, e-Bay)
Il fait du troc avec ses contacts. Ils achètent,
revendent, échangent des objets mais entre collections
différentes.
Il se déplace, voyage, il existe même des voyages
collectionneur organisés.
iv. Relation avec les vendeurs
Le commerçant est un fournisseur d'objets magiques. La
relation entre le collectionneur et le marchand est différente du
rapport habituel entre client et vendeur.
C'est un atout considérable pour le commerçant,
dont le rôle est proche de celui d'un médecin, d'un prêtre
ou d'un chaman. Chaque collectionneur a le sentiment d'avoir été
choisi, d'être le client préféré.
v. Critères de choix des objets
1. La quantité
La quantité semble avoir une forte importance pour le
collectionneur. Il indique principalement le volume que représente sa
collection.
La quantité a souvent une fonction défensive. On
peut comparer cela aux provisions de nourriture qu'une personne pourrait faire
pour se prémunir face à une guerre, famine.
De plus, les collectionneurs ont coutume de se livrer à
des surestimations. On voit très vite qu'il n'a pas de notions de
grandeur, de taille.
2. La qualité
La rareté, l'ancienneté et la provenance
semblent être les 3 facteurs de la qualité d'une pièce.
La rareté, l'importance de l'objet se rattachent
davantage à une représentation narcissique La rareté des
pièces augmente la valeur des objets. Aussi, les collectionneurs ne
choisissent pas tous de collectionner des pièces rares.
Ces derniers doivent avoir besoin de se soulager plus
fréquemment. Ils choisiront alors une collection de timbres, d'ours en
peluche, de cartes téléphoniques plutôt qu'une collection
de météorites, de meubles Louis-Philippe.
La rareté tend à augmenter la valeur d'un objet,
on s'attend alors à ce que les collectionneurs recherchent des
pièces difficiles à trouver. Et pourtant, c'est presque le
contraire qui se produit. Il est prouvé que certains collectionneurs ont
tendance à se désintéresser de certaines catégories
d'objets quand l'offre diminue. Il est donc capital qu'il y ait un apport plus
ou moins régulier. Cet apport doit être considérer comme un
remède magique.
La provenance : Même si la qualité a une
forte importance, pour mieux se soigner, le collectionneur recherche aussi la
diversité ( allant jusqu'à acheter parfois, des imitations
japonaises ou chinoises) et la quantité.
e. La consommation
Dans son fondement même, la passion du collectionneur
repose sur un paradoxe étonnant : La folle consommation du
collectionneur, à laquelle il semble prendre grand plaisir, n'a,
à priori, d'autre but que l'achèvement de la collection, c'est
à dire la fin de cette course consumériste !
Ce n'est pas tant sur les objets qu'il possède que le
collectionneur s'agite, mais sur ceux qu'il n'a pas et rêve
d'acquérir, on dit alors du collectionneur qu'il navigue sur le flot de
l'insatisfaction sans jamais pouvoir se reposer sur la berge de
l'assouvissement.
A partir du moment ou, comme je l'ai démontré,
une collection c'est avant tout un fatras d'objets recouvert des projections
imaginaires du possesseur, ce n'est pas tant que les collections sont
achevables ou pas (1O), mais plutôt que le propre du collectionneur
passionné, hé bien, c'est que sa passion à lui, est
incomblable. Décréter sa collection terminée relève
souvent plus de la lassitude que d'un but atteint.
Lorsque Alain Delon liquide sa série de tableaux aux
enchères, annonçant sa collection finie, on peut être
surpris de sa décision, pourquoi en effet, vend il ce qu'il a eut tant
de mal à cumuler ? La réponse vient immédiatement par
voie de presse : Alain Delon liquide ses tableaux pour entamer une
collection... De statuettes.
Le cas d'Alain Delon n'est pas rare, chacun d'entre nous a
probablement déjà entendu parler de ces abandons aux
enchères d'une collection complète, justement peut être,
parce qu'elle était achevée. Il y a dans ce type d'exemple, le
signe que la démarche, la recherche des objets à collectionner,
semble plus importante que les objets eux mêmes ; mais ne peut on
pas y voir aussi une forme de déception ? Déception entre
l'image que le collectionneur se faisait de son trésor lorsqu'il serait
complet et le spectacle concret de sa collection finie. Un peu comme si le
Nirvana tant attendu, ne se révélait, une fois le puzzle
complété, qu'une illusion face à des objets enfin
réintégré à leur juste place de chose.
La consommation dans vue d'un autre coté se
matérialise dans l'exposition et l'emplacement.
La collection est généralement exposée de
façon à ce qu'elle soit mise en valeur.
Cependant on distingue entre les « collectionneurs
placard » des « collectionneurs vitrine » : les premiers,
introvertis et méfiants, ne montrent jamais leur collection ; les
seconds, extravertis et parfois exhibitionnistes, ne parlent que d'elle.
La consommation de sa collection est essentiellement
vécue comme une expérience visuelle.
Le collectionneur : Un consommateur
maniaque
D'après Muensterberger, « l'obsession de la
perfection peut être liée à des peurs irrationnelles ou
être la manifestation de défenses destructrices, ou encore servir
à amortir la peur inconsciente d'être soi-même
imparfait ».
Ceci se voit très nettement chez la majorité des
collectionneur dans leur façon de consommer.
f. La satisfaction
Un collectionneur interviewé par Muensterberger
résume très bien cette sensation de satisfaction :
« L'enchantement le plus profond pour le collectionneur est
d'enfermer des objets à l'intérieur d'un cercle magique dans
lequel ils sont immobilisés tandis que le frisson ultime, le frisson de
l'acquisition, passe sur eux.[...] Il suffit de regarder un collectionneur
disposer des objets dans une vitrine. Au moment où il les tient dans ses
mains, on dirait qu'il voit à travers eux, dans leur lointain
passé, comme s'il était inspiré ».
Muensterberger avoue n'avoir jamais rencontré de
collectionneur qui, consciemment ou non, ne ressente une certaine
culpabilité à cause de ses
« frivolités », une fois l'acte passé.
Une éternelle insatisfaction
Le collectionneur est un éternel insatisfait, c'est un
projet d'accumulation sans fin.
C'est une caractéristique principale de certains
collectionneurs : l'absence de point de saturation. Même si leur
goût change et si leur intérêt se déplace vers
d'autres types d'objets, ils ne s'arrêtent jamais. Mais rien à
voir avec ce que les psychanalystes freudiens définissent comme un
« trouble obsessionnel compulsif ». « Nous sommes tous
compulsifs ! explique le psychiatre Robert Neuburger2(*). A des degrés divers,
bien sûr.
C'est pourquoi le «collectionnisme» n'est ni un
comportement pathologique ni une maladie.
On peut même dire que c'est un traitement en soi ! La
preuve en est que bien des collectionneurs sont déprimés
lorsqu'ils ont terminé une collection.
Mais il leur suffit d'en commencer une nouvelle, et la
dépression disparaît... »
Conclusion
Tous les adultes, à des degrés
différents, cherchent des équivalents à l'amour et
à la tendresse qui leur ont manqué dans leur enfance. Ils
s'auto-soignent de différentes façons : dans la religion, en
se consacrant à ceux qui ont besoin de soins et de protection, dans le
jeu, dans l'alcool, la drogue, la boulimie, dans une quête interminable
pour trouver une cause ou un objectif à défendre, en pratiquant
un sport à outrance, en se livrant à des activités
dangereuses... ou en devenant collectionneur.
Selon Muensterberger, « il n'existe pas de
collectionneur moyen ». Tous les collectionneurs n'ont pas la
même histoire et donc la même passion. Tout les collectionneurs
n'ont pas la même fièvre, le même engouement ...les
mêmes symptômes.
Bibliographie
· Cogneau, Donnat (1990), Les pratiques culturelles
des Français - 1973-1989, Ministère de la Culture et de la
Communication, La Découverte/La documentation française
· Filser Marc, Le comportement du consommateur,
Dalloz
· Olivier Coron, les collectionneurs, approche
psychanalytique
· Ladwein (2000), Le comportement du consommateur et
de l'acheteur, Economica
· Muenstenberger (1996), Le collectionneur :
Anatomie d'une passion, Payot
· Gwénaëlle Vandeville, Le
collectionneur : un acheteur frustré, passioné, maniaque,
insatisfait... le cas d'un collectionneur de Spiderman
· Eric Pigani, Les collectionneurs sont-ils
névrosés ?, revue psychologie mars 2000
· Encyclopédie d'un collectionneur, Une
passion, une collection... !
·
http://sleevographia2.free.fr/0Collectionner.htm
* 1 CSP : Classe
SocioProfessionnelle
* 2 Robert Neuburger : «Les
Nouveaux Couples» (Ed. Odile Jacob, 1997).
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