UNIVERSITE DE POITIERS
Faculté de Droit et des Sciences sociales
Institut de droit public
SEMINAIRE DE DROIT CONSTITUTIONNEL
Professeur Dominique Breillat, sous la direction
Présenté par Aymar Kimbembe-Lemba
Année académique 2006-2007
THEME : LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE DANS LA
CONSTITUTION CONGOLAISE DU 20 JANVIER 2002 : L'ECART DU MIMETISME DE LA V
è REPUBLIQUE.
SOMMAIRE
INTRODUCTION
I/- L'INSTITUTION DU MONISME AU CONGO
I.1/- L'exceptionnalité des pouvoirs
dévolus au chef de l'Etat
I.2/- L'observation de la pratique de la V è
République
II/- L'INSTITUTION D'UN « SUPERMAN
POLITIQUE » AU CONGO
II.1/- Les enjeux de la majorité parlementaire
II.2/- L'éventualité d'absence de poursuites
judiciaires
INTRODUCTION
En répondant en juillet 1958 à certaines
questions des membres du comité consultatif constitutionnel lors des
travaux préparatoire de la constitution promulguée le 04 octobre
de la même année, en occurrence questions relatives au dualisme de
l'exécutif, le commissaire du gouvernement JANOT s'exprima en ces
termes : « peut-être notre rédaction est-elle
à bien des égards imparfaite, mais en tout cas l'esprit de ce
document n'est certainement pas d'instituer un bicéphalisme. Le chef du
pouvoir exécutif, c'est le premier ministre ; le président
de la République ayant un rôle différent, le rôle
d'homme qui veille au respect de la constitution(...), il est vrai, dans de
grandes circonstances, mais des circonstances ayant un caractère
exceptionnel1(*) ».Et F. MITTERAND, lors d'une intervention
télévisée en décembre 1981, dira que le chef de
l'Etat n'a pas à arbitrer entre les ministres, ni entre les ministres et
le premier ministre. Ces derniers doivent exécuter la politique
définie par lui dès lors que « le président de
la République a pour devoir de mettre en oeuvre le programme par lequel
il a établit contrat avec la nation.2(*) » Cela à l'image de DE GAULLE,
« c'est (...)du chef de l'Etat, placé au dessus des partis que
doit procéder le pouvoir exécutif ».Dans cette
alternative inscrira l'objet de l' étude sur le président de
la République au CONGO pour rechercher les raisons ou le niveau de
degré de l'écart du mimétisme juridique vis-à-vis
de la France.
Abritant l'administration de l'AFRIQUE EQUATORIALE
FRANCAISE , le CONGO fut régi par la constitution française
sus-indiquée. L'approbation de ce texte par referendum en septembre 1958
constitue la cause directe de la proclamation de la République du CONGO
en novembre 1958.
Après un traditionnel quinquennat depuis la
première constitution congolaise du 2 mars 1961, celle du 20 janvier
2002 a opté pour le septennat malgré plusieurs critiques3(*). Héritier des attributs
du président de la communauté4(*) et de ceux du chef du gouvernement, le
président de la République est vu autrement par les constituants
congolais. Les différentes Républiques n'ont pas pu
définitivement encadrer le champ d'action du chef de l'Etat à
cause de la transposition d'une matière exogène à chaque
nouvelle constitution. Mais la sacralité de la personne au pouvoir met
le président de la République au dessus de tout. Il est l'homme
de qui procède toute chose et de qui dépend toute chose. Il est
toujours censé mené une politique juste et équitable.
La pratique constitutionnelle d'aujourd'hui est proche de
l'ère du « socialisme scientifique » des
années 19705(*). La
constitution de 2002 en remettant en cause celle du 15 mars 1992 qualifiable de
« copie collée » de celle de la France
déjà citée et reprend l'organisation traditionnelle des
pouvoirs publics assise sur la séparation de l'exécutif et du
législatif telle fixée par le premier texte
constitutionnel6(*) du CONGO
indépendant. Cette séparation provient de l'estimation et la
contemplation des institutions américaines suite à la
libération de la partie européenne sous l'emprise des dictatures
à la fin de la première moitié du XX è
siècle7(*) et surtout
les propos du général de GAULLE8(*) prononcés dans la capitale de la France libre
Le président et le parlement sont dans une situation égalitaire
quant à l'origine de leur pouvoir et une supériorité du
premier s'observe dans la pratique, dans l'animation des institutions car dans
un régime présidentiel, c'est toujours le président de la
République qui a une voix prépondérante ; l'animation
des institutions joue à son profit. Or la direction de l'Etat longtemps
laissée à un parti unique a pérenniser une situation
mettant le président en position de « pater
familias » selon sa personnalité. Cette situation a donc
bantoualiser les normes juridiques. La dualité de l'exécutif
français n'est pas reproduite en dépit de quelques tentatives et
même l'application du système français9(*). Ainsi, on va se demander :
pourquoi l'organisation de l'exécutif se démarque-t-elle de ce
dernier ? La V è République encadre-t-elle une scène
politique dans la copie serait néfaste ? On apportera les
réponses à ces questions le long de cette réflexion.
Par rapport à ce qui précède, il sera
justicieux d'examiner successivement l'absence d'un exécutif dualiste
(I) d'une part avant d'aborder la place du chef de l'Etat (II) de l'autre .
I/- L'INSTITUTION DU MONISME AU CONGO
L'organisation du président de la République au
CONGO se fera par l'estimation des institutions américaines,
modèle trouvé dans l'esprit du texte constitutionnel de la
communauté française. Donc, il apparaît deux observations
pour expliquer le choix du CONGO :le caractère exceptionnel des
pouvoirs du président de la République (1) et la coutume
constitutionnelle de la V è République (2).
I.1/- L'exceptionnalité des pouvoirs
dévolus au chef de l'Etat
En admettant le président de la République comme
l'homme qui veille au respect de la constitution, il est évident qu'il
ait des pouvoirs exceptionnels. Ceux-ci justifient l'attribution au chef de
l'Etat de tout le pouvoir exécutif.
En effet, la crise civile de 1959 entre le sud et le nord du
pays a donné une autre vision au rôle de garant de l'unité
nationale qu'incombe au président de la République. Le souci de
sauvegarder cette unité a poussé le constituant d'incorporer dans
le système hérité de la colonisation la tradition
américaine.
Le constituant français de 1958 a institué un
président de la République à la française dans un
régime parlementaire que le CONGO et autres territoires français
d'AFRIQUE ont vu des lacunes entraînant le
« non-suivisme » à la lettre tel est le cas du
CAMEROUN et de la COTE D'IVOIRE10(*) puisque le président ne recourt aux pouvoirs
exceptionnels que lors d'une menace de la vie de la Nation d'une manière
grave et immédiate11(*) et certaines de ses attributions sont
partagées12(*).
C'est le cas par exemple de la défense nationale13(*). Son rôle exceptionnel
n'apparaît qu'au niveau de son irresponsabilité vis-à-vis
du parlement .En revanche, celui du CONGO bien qu'irresponsable à la
française, détient ses pouvoirs exceptionnels. Il lui appartient
de transférer une partie de ses attributions à qui de son
choix14(*) et il a
l'initiative des lois concurremment avec le parlement15(*) ainsi qu'ils ont le droit
d'amendement16(*) .
Le pouvoir exécutif procède donc au CONGO du
président de la République. Mais qu'en est-il de la pratique
constitutionnelle de la V è République ?
I.2/- L'observation de la pratique de la V è
République
Au cours d'un demi-siècle de vie la constitution
française a donné naissance à une pratique ou coutume. On
s'en est servie au CONGO pour organiser les pouvoirs publics. Le premier
ministre est marginalisé par le chef de l'Etat sauf en cas de
cohabitation, situation d'ailleurs confuse et non appréciée. En
partant de ce postulat, le chef de l'Etat au CONGO est à la tête
du gouvernement et à bien des égards, il ne s'intéresse
pas seulement à assurer la présidence des comités de
défense nationale, il est aussi ministre de la défense17(*) .
En plus, le président de la République
n'hésitera pas à mettre fin aux fonctions d'un premier ministre
dont il n'a plus besoin de ses prestations. Cela justifie, en effet, la
responsabilité des membres du gouvernement devant celui du
CONGO18(*) à
l'instar des ETATS-UNIS d'AMERIQUE19(*) . On peut aussi parler de la nomination du premier
ministre issu de la majorité parlementaire, mais nous aborderons ce
point plus tard pour éviter la redondance.
Cette coutume dans certains cas fait penser à un
régime présidentiel. Déjà, M DEBRE, en
présentant le projet constitutionnel de 1958 au Conseil d'Etat,
reconnaît qu'après le déficit et l'insuffisance des
institutions constatés le long de l'histoire de la France ,
« résultats d'un régime conventionnel, de rechercher
refuge dans l'ordre et l'autorité du régime présidentiel
(...). Le régime présidentiel est actuellement dangereux à
mettre en oeuvre.20(*) » Par conséquent,
l'exceptionnalité des pouvoirs du chef de l'Etat hérité de
la France et sa pratique constitutionnelle explique le choix du monisme
congolais, le régime présidentiel.
Par ailleurs, le président de la République au
CONGO occupe une position qu'on ne peut laisser en dehors de notre étude
en vertu de tout ce qui vient d'être dit. Quelle est donc sa position
dans la vie politique ? Il a une position élevée dans la
hiérarchie des institutions , une place de
« superman » s'il faut emprunter l'expression de GEORGES
MOYEN21(*).
II/- L'INSTITUTION D'UN « SUPERMAN
POLITIQUE » AU CONGO
Le président de la République est une personne
qui n'est pas comme les autres. Dans cet Etat, les constituants ont
élevé le chef de l'Etat d'une façon progressive
jusqu'à créer un « superman politique » par
son rôle à jouer dans les enjeux de la majorité
parlementaire (1) et l'éventuel risque d'écarter toutes
poursuites judiciaires (2).
II.1/- Les enjeux de la majorité parlementaire
L'institution d'un régime présidentiel au CONGO
est compatible avec les traditions nationales. Le président de la
République et le parlement tire leur pouvoir du suffrage universel
direct à côté desquels la cour constitutionnelle joue le
rôle de régulateur. Pour éviter un parlement hostile
à la politique du locataire du palais du peuple, la majorité
parlementaire devient un enjeu majeur au cours de son mandat.
En textualisant la pratique sus-indiquée sur la
nomination du premier ministre issu de la majorité à
l'assemblée nationale22(*), la République a connu sa première
crise socio-politique de grandes portées. Cette manière de
nomination du chef de l'exécutif obligeait le président de
veiller sur l'activité législative pour empêcher tout
changement de majorité en sa défaveur, susceptible d'être
opéré après accords entre partis ou groupements
politiques, voire les élus indépendants.
A contrario, tout député ou sénateur
présenté par un groupement, association ou parti politique qui en
démissionnera au cours de sa législature perdra son siège
au parlement23(*) . Cette
pression faite aux parlementaires non indépendants a pour
finalité la stabilité de la majorité et un remède
à la politique du ventre susceptible d'être menée par
certains élus en vertu de la conjoncture, mais surtout pour que le
président ne fasse de la majorité un enjeu au moment des
élections législatives et non pendant la législature. Le
parlement est la clé de réussite du chef de l'Etat. C'est
pourquoi tous les partis s'investissent lors des compagnes législatives
en vu d'emporter cette majorité, ce qui préoccupe aussi le parti
au pouvoir pour empêcher une opposition entre le président et le
parlement. Cette situation hante déjà les esprits à
quelques mois des élections législatives.
Mais qu'est-ce qu'a prévu la constitution en
matière de responsabilité du locataire du palais du
peuple ?
II.2/- L'éventualité d'absence de poursuites
judiciaires
Il est évident que le président de la
République n'est justiciable devant la haute cour de justice qu'en cas
de haute trahison24(*) .
Or cette notion est laissée indéfinie et seuls les acteurs
politiques ont l'habilité de qualifier tout ce qui peut faire parti de
cette matière, la haute trahison tel est le cas du jugement des
dirigeants sous la constitution de 1992 en 2001. Cette attitude diffère
de la conception tchadienne qui apporte une définition à la
notion sus-indiquée. Le crime de haute trahison comprend : tout
acte portant atteinte à l'unité, à la forme
républicaine de l'Etat, à la laïcité, à la
souveraineté, à l'indépendance et à
l'intégrité du territoire national. On peut aussi assimilé
à cela : les violations graves des droits humains le
détournement des deniers publics, la corruption, etc.25(*)
Ce qui retient notre attention est l'article 88 qui
reconnaît aux anciens présidents de la République à
l'exception de ceux qui ont été déjà
condamnés le droit de bénéficier des avantages et une
protection déterminés par la loi. Une telle liberté
laissé à la loi risquerait à consacrer une absence de
poursuivre tout ancien président de la République devant la haute
cour de justice voire la cour pénale internationale ou limiter leur
immunité juridictionnelle. Tout cela est laissé à la magie
du temps parce qu' aucune disposition n'a complété cette
matière restée comme telle jusqu'alors.
En définitive, c'est la pratique constitutionnelle de
la V è République qui a engendré et renforcé le
régime présidentiel au CONGO. Les différences apparaissent
plus sur le plan textuel que pratique. Mais dans quelle cargaison serait le
président de la République dans cet Etat avec le projet de loi
sur la responsabilité pénale en France26(*) ?
* 1 Cf les travaux
préparatoire de la constitution de 1958
* 2 Archives France
télévision
* 3 elles concernent les partis
politiques qui voient en une telle option le recule de l'histoire
constitutionnelle de l'Etat puisque le quinquennat a le mérite de ne pas
trop laisser une personne au pouvoir dont la routine engendrait l'abus du
pouvoir.
* 4 titre XIII de la
constitution de 1958, rédaction originelle
* 5 Il n'y a pas d'opposition,
l'absence d' une opposition bénéficiant d'un statut et les moyens
d'action et le parlement est resté incomplet pendant une
législature qui prendra fin en cette saison sèche dû
à la crise du département du Pool. Tous les partis gravitent
autour du parti au pouvoir donnant l'impression d'un parti unique.
* 6 constitution du 2 mars
1961
* 7 Lors de la seconde guerre
mondiale(1939-1945).
* 8il proposa
l'indépendance à ceux qui l'auraient voulu après la
victoire au cours de la conférence de Brazzaville de février
1944
* 9 le système juridique
congolais s'étale sur celui de la France et le droit français est
applicable dans les matières que le législateur renvoie ou en cas
de silence du droit positif
* 10 constitution ivoirienne du
3 novembre 1960, titre II (art.12 et s.)
* 11 art. 16, constitution
française de 1958
* 12 art. 19,en dehors des
actes des art.8(al.1),11,12,16,18,54 et56 les restes sont
contresignés ; op. cit.
* 13 art. 15,pdt et
21,1er ministre ; op.cit.
* 14 art.74, constitution de
2002
* 15 art.118, op.cit.
* 16 art.123, op.cit.
* 17 sous la constitution de
juillet 1979 et l'acte fondamental d'octobre 1997
* 18 art.74,constitution de
2002
* 19 art.2 (sect.1),
constitution des USA du 17 septembre 1787
* 20 doc.
Franç.n°1.04/2006 , p.14
* 21 son cours sur les
institutions publiques congolaises enseigné à l'université
MARIEN NGOUABI,2002-2003
* 22 art.75,constitution de
1992
* 23 art.98(al.2),constitution
de 2002
* 24 art.153,op.cit.
* 25 art.173(nouv.) et
178(anc.) de la constitution du TCHAD du 31 mars 1996
* 26 Destitution du
présidant par le parlement, un véritable impeachment.
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