UNIVERSITE LIBRE DE BRUXELLES
FACULTE DES SCIENCES PSYCHOLOGIQUES
ET DE L'EDUCATION
Mémoire de DEA en sciences psychologiques
et de l'éducation
Eléments pour une clinique
différentielle
de l'anorexie
à travers le stade du miroir
Présenté et soutenu par :
Sous la direction de :
Serafino MALAGUARNERA Monsieur le Professeur Philippe
FOUCHET
Année Universitaire 2006 - 2007
Table des matières
Premier chapitre
1. Introduction : formulation des
hypothèses...........................................2
2.
Historique....................................................................................4
3. La problématique de l'image du
corps.................................................7
3.1. La problématique de l'image du corps et les
facteurs de risque.............10
3.2. La problématique de l'image du corps et les
critères diagnostiques........10
3.3. La problématique de l'image du corps :
conclusion............................11
4. Les apports
psychanalytiques............................................................12
4.1. L'anorexie au regard de
l'hystérie..................................................12
4.2. Les références à la
dépression
mélancolique......................................14
4.3. L'anorexie vue comme une structure
spécifique.................................15
4.4. L'anorexie au regard des
psychoses................................................16
4.5. L'anorexie envisagée comme une conduite
addictive.............................17
5.
Conclusion......................................................................................18
Deuxième chapitre
1.
Introduction....................................................................................21
2. Le stade du
miroir.............................................................................21
2.1. Identification
symbolique...............................................................25
3. Développement des hypothèses :
introduction...........................................26
3.1. Cas d'anorexie se situant dans un contexte
psychopathologique
psychotique...............................................................................28
3.2. Cas d'anorexie se situant dans un contexte
psychopathologique
hystérique.................................................................................34
4.
Conclusion.......................................................................................37
Bibliographie.....................................................................................40
Premier chapitre
1. Introduction : formulation des
hypothèses
Nous avons choisi l'anorexie comme domaine d'étude et
de recherche. Avant les années soixante, cette pathologie était
peu connue par le public et les médecins. Elle constituait
essentiellement un objet de publication des psychiatres et des endocrinologues.
C'est seulement à partir des années soixante que l'anorexie
attire l'attention des cliniciens. Depuis, cette pathologie s'est
répandue de manière considérable, le mot
« anorexie » est devenu familier au public et tant les
publications que les théories se sont multipliées. Les apports de
différents domaines de recherche ont proliféré et se sont
enrichi à tel point qu'il apparaît difficile, de nos jours, de
concevoir de nouveaux éclairages. Dans un ouvrage récent, Ph.
Jeammet propose dans son introduction les réflexions suivantes :
« Que peuvent dire les psychanalystes concernant l'anorexie
mentale qui n'ait pas déjà été dit et souvent bien
dit ? Un grand nombre d'articles étrangers mais aussi
français lui ont été consacrés ainsi qu'à
son autre face, la boulimie...Tous ces travaux demeurent d'actualité. On
ne peut pas dire que les derniers rendent caducs les précédents.
Chacun apporte un éclairage complémentaire et se démarque
par l'élaboration psychopathologique ou par l'accent mis sur tel ou tel
aspect de la clinique ou du soin »1(*). En prenant acte de ces considérations, nous
voudrions proposer un éclairage complémentaire à l'aide du
stade du miroir qui se veut en continuité, et non pas en rupture, avec
les recherches précédentes. Plus précisément, nous
voudrions répondre aux deux questions posées par Ph. Jeammet
à l'introduction de son ouvrage «L'anorexie mentale» :
« S'agit-il d'un trouble relativement isolé des conduites
alimentaires ou d'une pathologie beaucoup plus diffuse de la vie sexuelle et
des relations objectales ? Faut-il la considérer comme une
entité morbide qui mérite d'être individualisée,
expression d'une pathologie spécifique de la personnalité ou
comme un trouble du développement qui s'inscrit dans des contextes
psychopathologiques très divers ?2(*) ».
Pour la première question, nous aborderons l'anorexie
comme une pathologie concernant essentiellement la dynamique pulsionnelle et
les relations objectales. Nous mettrons surtout l'accent sur le corps et son
image spéculaire, qui sont par ailleurs à la base de la vie
sexuelle et des relations objectales. Concernant la deuxième question,
nous envisagerons l'anorexie comme l'expression d'un trouble du
développement qui s'inscrirait dans des contextes psychopathologiques
divers. Dans le cadre de ce travail de DEA, nous prendrons en compte
essentiellement deux contextes psychopathologiques, notamment le domaine des
névroses et des psychoses. C'est la raison qui nous conduit
à proposer une démarche visant à établir une
clinique différentielle de l'anorexie. Pour ce faire, nous nous
emploierons à repérer les premiers éléments de
partage entre ces deux contextes psychopathologiques. Le stade du miroir sera
notre outil théorique à partir duquel nous dégagerons ces
premiers éléments.
Dans ce premier chapitre, nous nous fixerons l'objectif de
présenter, préciser et motiver ces premières
hypothèses. Pour ce faire, il nous sera utile, et quelque fois
nécessaire, de parcourir les moments cruciaux de l'histoire des
idées et les théories concernant l'anorexie. Au deuxième
chapitre, nous développerons ces hypothèses à l'aide d'un
outil théorique issu des apports psychanalytiques de J. Lacan, à
savoir le stade du miroir. Au début de ce deuxième chapitre, nous
prendrons le temps d'expliquer cet outil théorique et, par la suite,
nous montrerons son utilité théorique et méthodologique
dans cette démarche visant à établir une clinique
différentielle de l'anorexie.
Nous allons maintenant présenter un bref historique de
l'anorexie. Deux raisons nous conduisent à le proposer. D'une part, il
est toujours intéressant pour le lecteur d'avoir une introduction
historique sur un thème qui doit être approfondi. D'autre part, et
c'est la raison principale, nous y voyons une première occasion pour
montrer que la problématique de l'image du corps - notion essentielle
dans notre recherche - a été mise en évidence dès
les premières découvertes sur l'anorexie.
2. Historique
Bien que le mot anorexie3(*) fasse son apparition dans le domaine médical en
1584, les premières descriptions cliniques de l'anorexie mentale
commencent à partir du XVIIème siècle. Nous
avons en 1669 la description de la « consomption nerveuse »
de R. Morton4(*), et en 1789
celle de la « maladie nerveuse avec dégoût des
aliments » de Nadaud5(*). Les descriptions de R. Morton6(*) nous donne déjà un
tableau clinique détaillé de l'anorexie mentale: manque apparent
d'appétit, refus de nourriture, aménorrhée,
hyperactivité, constipation et cachexie. Cependant, l'anorexie mentale
comme entité clinique se constitue seulement à partir des
travaux de Ch. Lasègue7(*) en 1873 et W. Gull8(*) en 1874. Lassègue propose le terme de
« Inanition hystérique » pour nommer cette
pathologie qu'il considère comme une anomalie intellectuelle, un trouble
centrale et héréditaire avec refoulement d'un souhait plus ou
moins conscient. Gull9(*)
est le premier à proposer le terme « Anorexie
nervosa » décrit comme un état morbide causé par
des troubles centraux et héréditaires. Quelques années
plus tard, le terme « Anorexie mentale » est proposé
pour la première fois par Ch. Huchard10(*) qui pose, en outre, une distinction entre anorexie
gastrique et anorexie mentale. En 1895, Freud se penche aussi sur l'anorexie et
propose un rapprochement entre mélancolie et anorexie 11(*).
En 1908, Gille de La Tourette12(*) et P. Janet13(*) soulignent l'importance de la perception du corps
chez les anorexiques. La Tourette soutient que les patientes souffrent d'un
refus d'appétit plutôt que d'un manque d'appétit. De plus,
il souligne la présence d'un trouble de la perception du corps et de la
nourriture. Il pose, en outre, une distinction entre le refus de nourriture de
l'anorexie mentale, qui serait relatif, et le refus de nourriture du
psychotique, qui serait absolu. Dans l'observation du cas Nadia, Janet
relève une obsession de la honte du corps, d'où l'origine
névropathique du trouble de l'alimentation dans l'anorexie mentale, et
soutient l'idée que la crainte de l'embonpoint est liée à
la honte du corps.
Jusqu'en 1914, la plupart des cliniciens partage l'idée
qu'il y aurait des causes psychologiques à l'origine de l'anorexie. Mais
suite à la publication de Simmonds14(*) en 1914, qui explique que les
détériorations de la glande pituitaire antérieure sont
liées à la cachexie, l'anorexie est considérée en
termes endocriniens par la plupart des médecins au cours des deux ou
trois décennies suivantes. Cette publication engendre un débat
entre l'organogenèse et la psychogenèse qui s'estompe avec la
description de Sheehan15(*) de la nécrose hypophysaire du post-partum en
1937. Aujourd'hui, ce débat a été repris par certaines
conceptions psychosomatiques sous des termes différents. Dans les
années cinquante, il y a un retour massif des conceptions
psychologiques de l'anorexie mentale. Les différentes formes de
méthodes psychothérapeutiques, telles que la
phénoménologie, la psychanalyse, l'approche comportementale et
l'approche systémique apportent leurs contributions à
l'échafaudage théorique concernant l'anorexie mentale. Avant les
années soixante, l'histoire nosographique de cette pathologie est
marquée par le développement d'études psychopathologiques
restées sous l'influence du modèle de la névrose et,
à un moindre degré, de la psychose. A partir des années
soixante, il y a un développement des critères de diagnostic de
l'anorexie au niveau de la présentation clinique et des études
de l'organisation structurale de cette pathologie. Les critères
d'évaluation ne prennent plus seulement en compte l'évolution des
symptômes mais aussi les facteurs relationnels et de la
personnalité.
En 1965, à Göttingen se tient le symposium sous la
direction de J. E. Meyer et H. Feldmann qui représente une occasion pour
d'importantes contributions16(*) de H. Bliss, C. Branch, H. Thoma, S. Palazzoli, H.
Bruch. Ce symposium est considéré comme un tournant dans la
conception psychopathologie de l'anorexie mentale. Indépendamment de la
diversité des conceptions psychopathologiques des participants, il y a
trois conclusions communes partagées par les participants qui sont les
suivantes :
- l'anorexie mentale a une structure
spécifique ;
- le conflit essentiel se situe au niveau du corps et non pas
au niveau des fonctions alimentaires sexuellement investies ;
- elle exprime une incapacité d'assumer le rôle
génital et les transformations corporelles propres à la
puberté.
De ce bref parcours historique, nous retiendrons l'importance
de la problématique de l'image du corps chez les anorexiques mise en
évidence par plusieurs auteurs. Deux décennies seulement
après l'apparition de l'anorexie comme entité clinique, Gille de
La Tourette ne se limite plus à mettre uniquement l'accent sur
l'appétit, mais aussi sur le corps, en soutenant que l'anorexique
présente un trouble de la perception de leur corps. Dans cette
même lignée de la compréhension de l'anorexie, P. Janet
rattache la crainte de l'embonpoint avec une obsession de la honte du corps.
Malgré ces tentatives d'amener des notions concernant le corps au profit
de la compréhension de l'anorexie, la nourriture restera encore au
centre des recherches. Cependant, à partir des conclusions du symposium
de Göttingen de 1965, il y aura
un déplacement de l'intérêt de la
recherche vers les phénomènes concernant les relations avec le
corps. A partir de ce que nous venons de relever de ce bref parcours
historique, il nous semble pertinent de poursuivre d'une manière plus
ciblée une enquête sur d'autres apports théoriques qui ont
mis en évidence la problématique de l'image du corps chez les
anorexiques.
3. La problématique de l'image du corps
En 1973, H. Bruch18(*) considère l'anorexie essentiellement
comme un trouble de l'image du corps provoqué par des perturbations de
la perception intéroceptive. Ces perturbations, qui se manifesteraient
par une incapacité à reconnaître les sensations et les
besoins du corps, seraient consécutives à des attitudes
pathogènes de la mère. Celle-ci répondrait à toute
demande affective de l'enfant par l'alimentation et, en conséquence, lui
empêcherait de percevoir ses besoins réels tels que la faim, la
fatigue, le sommeil, etc. Ce vécu pouvant perturber les capacités
concernant la reconnaissance des perceptions intéroceptives provoquerait
une fragilité de la délimitation du moi et un défaut de la
construction de l'image du corps. En 1990, H. Bruch confirme les trois
caractéristiques principales de l'anorexie mentale
énoncées auparavant, notamment la perception presque
délirante du corps - trouble de l'image du corps -, la confusion des
sensations corporelles et un sentiment exagéré
d'inefficacité. Bien qu'elle soutienne encore ces trois aspects, elle
aurait tendance à les considérer comme l'expression d'une
idée de soi défectueuse, la crainte d'un vide intérieur et
la peur d'avoir quelque chose de mauvais en soi19(*).
Les relations pathologiques que l'anorexique entretient avec
l'image du corps ont été aussi mises en avant par la perspective
cognitivo-comportementale, selon laquelle l'anorexie serait liée
à une déficience des processus de maîtrise face aux
nouvelles demandes de l'adolescence. Dans une société qui
valorise l'apparence, la perception négative du corps et la peur
d'être grosse susciteraient des sentiments d'autoévaluation,
d'inadéquation et d'incompétence. En 1985, S. Orbach20(*) considère que les
magazines féminins présentent les régimes et le
contrôle du poids comme une solution aux difficultés d'adaptation
et à la crise de l'adolescence. La volonté de maigrir serait
alors une conduite d'évitement qui permettrait à l'adolescent de
faire face à une situation angoissante d'échec d'adaptation.
Branch et Eurman21(*)
proposent que l'amaigrissement susciterait également des renforcements
positifs externes et internes, produits habituellement au sein de l'entourage
familial et social sous forme d'encouragements. A partir d'un questionnaire
visant à analyser les attitudes de la famille et des amis, ils ont
observé que l'acceptation et l'approbation étaient
évoquées le plus souvent, et que l'anorexique était
fréquemment jugée attractive, enviée ou admirée.
Toujours selon une perspective cognitivo-comportementale, P.
Slade22(*)
développe un modèle de l'anorexie mentale basé sur le
paradigme de l'analyse fonctionnelle. Comme pour tout comportement, il
définit la symptomatologie anorexique par deux ensembles de
variables : les événements antécédents et les
événements conséquents. Selon cet auteur, l'anorexie
serait le résultat d'un manque de stratégies pour faire face aux
perturbations émotionnelles. Slade propose que la perte de poids
initiale serait un événement qui renforcerait et maintiendrait le
jeûne ou les comportements compensatoires tels que l'exercice physique,
les purges, etc. Suite à une perte initiale de poids, l'anorexique
serait captivé par ce succès et lui donnerait une importance
exagérée qui se manifesterait par une perception
surévaluée de l'image du corps. Le jeûne serait alors un
comportement pour éviter cette pénible perception qui viendrait
ainsi renforcer négativement le comportement problématique. Le
modèle de Slade pose surtout le besoin de contrôle au centre de
l'anorexie mentale et de son maintien23(*). Ce besoin se manifesterait au travers d'une
restriction alimentaire qui serait renforcée positivement par les
sentiments de succès résultants et négativement par la
crainte de la prise de poids. Le succès consécutif à la
perte du poids aurait une fonction renforçatrice lorsque l'anorexique a
le sentiment de vivre plusieurs échecs ou de ne pas avoir le
contrôle sur les événements de la vie. Bien que ce
modèle prenne en compte la forme du corps et le poids, ces
paramètres ne sont pas mis au centre de l'anorexie. En 1985, D.M. Garner
et al.24(*) poseront ces
paramètres au centre de leur modèle cognitif. Selon ces auteurs,
la plupart des comportements observés chez les anorexiques seraient le
résultat de croyances, d'attitudes et de suppositions concernant la
signification du poids corporel, et les facteurs renforçateurs
conforteraient la croyance de la patiente selon laquelle il est absolument
nécessaire d'être mince. Gouvernées par des
impératifs internes d'évitement, les anorexiques deviendraient de
moins en moins susceptibles de prendre en compte les informations ou
expériences qui mettraient en doute leur système de croyances. En
1993, Garner25(*) propose
un modèle qui présente les troubles alimentaires comme un trouble
multidéterminé. Le contrôle du poids serait, selon cet
auteur, le meilleur moyen de s'auto-évaluer, de juger la valeur et
l'efficacité des actions.
En 1993, le modèle cognitif de Vitousek et
Ewald26(*) accorde une
place centrale aux processus d'information, à la représentation
de soi, aux variables de personnalité et à la motivation des
patients. Selon ces auteurs, les symptômes alimentaires seraient
maintenus par un ensemble d'idées surestimées concernant la forme
corporelle et le poids. Ces idées seraient provoquées par
l'interaction de caractéristiques individuelles stables - comme le
perfectionnisme et l'ascétisme - et les difficultés dans la
régulation des affects associés à des idéaux
socio-culturels concernant la beauté de la femme. Selon ce
modèle, il y aurait chez les anorexiques une distorsion entre la
représentation mentale et l'apparence réelle du corps. Les sujets
auraient tendance à avoir une représentation négative de
leur physique, ce qui entraînerait des sensations d'insatisfaction par
rapport à ce corps ou à une partie de celui-ci. Il arrive, en
outre, que des anorexiques se perçoivent comme beaucoup plus grosses
qu'elles ne le sont réellement en considérant leurs
déformations de sensations comme une réalité alors qu'il
s'agirait d'une erreur de pensée ou d'une distorsion cognitive27(*). Le thème de la
surestimation du poids a fait l'objet de plusieurs recherches. Whitehouse et
al.28(*) ont
utilisé une méthode qui permet de modifier une image
télévisée du corps en l'élargissant ou en la
rétrécissant et l'adolescente doit indiquer quand l'aspect
réel est atteint. Ils ont constaté l'absence de
différence entre la moyenne des réponses des anorexiques et du
groupe de contrôle. Une surestimation marquée du volume du corps
serait rare et, en général, les anorexiques auraient
conscience de leur minceur, mais elles se sentiraient grosses. Selon ces
auteurs, la peur d'être grosse renverrait plutôt à une
dépréciation de l'image du corps ou à un mécanisme
dysmorphophobique qu'à un trouble de la perception du corps.
3.1. La problématique de l'image du corps et les
facteurs de risque
A partir de plusieurs recherches, la problématique de
l'image du corps a été insérée parmi les facteurs
de risque. Une étude longitudinale29(*) de 1100 adolescents sans troubles de comportement
alimentaire a évalué les facteurs de risque de l'apparition d'un
de ces troubles au cours d'un suivi de trois ans. Pendant ce suivi, 2.9% des
sujets ont développé un trouble du comportement alimentaire. La
préoccupation corporelle et la pression sociale ont été
les seuls prédicteurs significatifs de l'apparition d'un trouble du
comportement alimentaire. Plusieurs enquêtes récentes montrent une
problématique de l'insatisfaction corporelle auprès des
adolescentes, qui représente la population la plus à risque d'une
atteinte d'un trouble de comportement alimentaire. Une étude30(*) de plus de 15.000 adolescents
de l'Union européenne a noté que 69% des adolescentes
étaient insatisfaites de leur poids. En Espagne, une
étude31(*) de 105
adolescents, d'âge moyen 15 ans, a relevé que 56% des adolescentes
étaient insatisfaites de leur corps et les parties du corps dont elles
souhaitaient maigrir étaient le ventre (52%), les fesses (42%), les
cuisses (39%), les hanches (18%). L'enquête européenne32(*) HBSC/OMS ( Health Behavior in
School-Aged Children » / Organisation mondiale de la santé ) a
montré, en France, que près d'une fille sur deux, à 15
ans, se trouvait trop grosse.
3.2. La problématique de l'image du corps et les
critères diagnostiques
Les trouble de la conscience et de l'image du corps figuraient
parmi les critères diagnostiques de l'anorexie mentale du
DSM-III33(*). Ce
critère était défini comme une perturbation de l'image du
corps ; par exemple, la personne dit « se sentir
grosse » même si elle est très amaigrie, ou elle croit
que certaines parties de son corps sont enrobés, alors qu'elles sont,
à l'évidence, maigres. Dans le DSM-IV34(*), ce critère devient une
perturbation du vécu du poids ou de la silhouette, une influence
excessive du poids ou de la silhouette sur l'estime de soi ou un déni de
la gravité de la perte du poids. Bien que le DSM-IV ait minimisé
l'importance des perturbations de l'image du corps dans l'anorexie, celles-ci
restent des traits qui caractérisent cette pathologie35(*).
La CIM-1036(*) - Classification Internationale des Troubles Mentaux
et des Troubles du Comportement - inscrit les troubles de l'alimentation au
sein de la section des syndromes comportementaux associés à des
perturbations physiologiques et à des facteurs physiques. Cette
classification énumère plusieurs éléments
concernant l'analyse du comportement et de la séquence alimentaire qui
doivent être complétés par une évaluation
psychopathologique générale portant particulièrement
l'attention sur trois types de troubles : les troubles de l'humeur, les
troubles addictifs et les troubles de la conscience et de l'image du corps. Ce
dernier, qui doit être exploré systématiquement, se
manifeste sous différentes formes : altération
dysmorphophobique de la perception du poids ou de la forme de son propre corps,
hantise de grossir ou influence excessive du poids ou de la morphologie
corporelle sur l'estime affective de soi, hyper-réactivité et
hyper-esthésie au regard d'autrui, déni de la maigreur actuelle,
de sa gravité ou de ses conséquences, etc.
3.3. La problématique de l'image du corps :
conclusion
Au terme de ce chapitre, nous retiendrons essentiellement
l'importance de la problématique de l'image du corps chez l'anorexique
accordée, à de degrés divers, par les auteurs que nous
avons mentionnés. De plus, certains de ces auteurs - tels que H. Bruch
et D.M. Garner - ont mis davantage l'accent sur cette problématique en
la posant au centre de leur modèle explicatif. En outre, nous l'avons
retrouvé parmi les troubles, selon le CIM-10, à prendre en compte
pour une évaluation psychopathologique générale visant
à établir le diagnostic d'anorexie, parmi les critères
diagnostiques du DSM-IV et les facteurs de risque. Les perturbations de l'image
du corps sembleraient en effet une caractéristique importante des
anorexiques. Elles se manifesteraient par un ensemble d'attitudes concernant le
poids et les formes du corps, dominées par un désir
effréné de minceur et une hantise de grossir. La peur de grossir
ne diminuerait pas avec l'amaigrissement, et le déni de la maigreur et
de sa gravité serait un signe classique. Cependant, face à leur
image spéculaire, les anorexiques manifesteraient des comportements
différents37(*) . Certaines se verraient grosses en dépit
de la réalité, la plupart se reconnaîtraient minces ou
même maigres mais elles peuvent croire trop volumineuses certaines
parties de leur corps, et d'autres seraient très fières de leur
apparence corporelle. Celles-ci, tout en étant
conscientes de leurs maigreurs, elles attribueraient à cet aspect une
valeur esthétique et morale exceptionnelle.
4. Les apports psychanalytiques
Considérer l'anorexie mentale comme un symptôme
ou comme une structure spécifique est une question qui a
été au centre des débats sur la place de l'anorexie
mentale dans la psychopathologie et dans la nosographie psychiatrique. Dans un
premier temps, l'anorexie a été assimilée à
l'hystérie, c'est-à-dire à une structure
névrotique, et à la dépression mélancolique.
Quelques décennies après, elle a été
considérée comme une manifestation d'une structure psychotique.
Après le tournant des années soixante, lorsque de nouvelles
catégories nosographiques deviennent de plus en plus d'actualité,
elle a été rapprochée tantôt à une structure
borderline tantôt à une structure narcissique. Dans cette
même période, un courant autonome progressivement dominant fait de
l'anorexie une structure autonome bien individualisée dans le champ
psychopathologique et psychiatrique. Plus récemment, plusieurs
auteurs ont mis en évidence la dimension addictive de l'anorexie
conduisant certains auteurs à l'intégrer dans le vaste champ des
toxicomanies. Nous allons repasser maintenant dans les détails la
plupart de ces différentes positions autour de l'anorexie
considérée comme un symptôme se situant dans de contextes
psychopathologiques divers ou comme une structure spécifique.
Nous voudrions souligner que l'énorme quantité
de travaux concernant l'anorexie rend difficile une présentation
précise. En raison des multiples références et des
différents niveaux où elles se situent, une
présentation sous la forme de regroupements rigides s'avère peu
aisée.
4.1. L'anorexie au regard de l'hystérie
Dans la clinique de l'anorexie, l'hystérie avait
déjà été évoquée dans les
descriptions de Gull, Lasègue, Charcot, Déjerine et Janet. Mais
il revient à Freud d'avoir rattaché d'une façon
déterminante l'anorexie à l'hystérie. Dès 1893, il
prend position sur la signification de l'anorexie mentale dans
différentes études clinique38(*). Au départ, il souligne surtout l'aspect
dépressif qui sera repris par de nombreux auteurs. Par la suite, dans
une lignée de compréhension basée sur l'hystérie,
Freud considère le symptôme anorexique comme un symptôme de
conversion qui serait provoqué par le refoulement de l'érotisme
oral. Le dégoût envers les aliments serait une défense
destinée à faire obstacle aux pulsions sexuelles. Les travaux
d'Abraham sur le sadisme oral apportent de nouveaux éléments aux
interprétations psychanalytiques sur l'anorexie. Selon cet auteur, au
niveau du stade oral cannibalique, l'activité sexuelle serait
fusionnée avec l'ingestion alimentaire. L'anorexie serait un combat
contre la sexualité devenue un repas dégoûtant à la
suite du refoulement du sadisme oral. Entre les deux guerres, l'influence des
théories de Freud et d'Abraham se retrouvent dans la plupart des
recherches psychanalytiques. En 1929, Maria Oberholzer présente devant
la Société suisse de Psychanalyse39(*) un compte rendu de traitement par la psychanalyse
d'une patiente atteinte d'anorexie mentale. C'est la cas d'une fillette de 13
ans, tombé à 33 kg, qui refusait de manger parce que la
nourriture la dégoûtait et qui vomissait continuellement. Le texte
publié en 1940 par Waller, Kaufman et Deutsch40(*) représente le point
culminant de ces interprétations considérant l'anorexie sur le
modèle de l'hystérie comme un combat contre la sexualité
consécutif au refoulement du sadisme oral.
Dans les années cinquante, J. Lacan situe la
problématique de l'anorexie au niveau de la dialectique des premiers
échanges entre le bébé et la mère. Dans les
premiers moments de sa vie, le nouveau-né émet des cris pour que
la mère puisse satisfaire son besoin. En lui répondant, l'adulte
transforme le cri en appel qui devient une première forme d'engagement
aussi bien dans la parole que dans l'ordre symbolique, et qui sera aussi le
prototype de toute demande. Pour obtenir la satisfaction de ses besoins, le
bébé va s'adresser à la mère en modulant
progressivement les appels qui se transformeront en demandes articulées
grâce au langage. Ainsi, le besoin entre dans le cycle des
échanges entre la demande de l'enfant et la réponse de la
mère. Dans cette dialectique d'échange, la réponse de la
mère est vécue par l'enfant comme un don et comme une preuve
d'amour. En réponse à la demande, la mère ne donne pas
seulement ce qu'elle a, notamment le lait, mais aussi ce qu'elle n'a pas,
à savoir l'amour. A partir de cette dialectique, l'enfant peut aussi
bien expliciter une demande non pas pour voir apparaître l'objet dans sa
matérialité mais pour renouveler la preuve d'amour. La demande
d'une satisfaction d'un besoin se transforme ainsi en une demande d'amour. Au
quotidien, il est facile d'observer le plaisir qu'un enfant éprouve en
répétant une demande sans pour autant s'attendre à une
réponse matérielle. En répétant la demande,
l'enfant ne vise pas l'objet mais le rien qui lui permet de renouveler la
demande d'amour. Il est donc important que la mère n'écrase pas
la demande de l'enfant mais qu'elle maintienne un certain écart entre le
besoin et la demande. C'est grâce, en effet, à cet écart
que l'enfant accède au désir. Quant à l'anorexie, le
symptôme serait une réaction à ce rien attendu qui est
comblé par un objet de satisfaction. Ainsi, l'anorexique refuserait
l'objet de satisfaction du besoin, à savoir l'aliment, pour rechercher
ce rien. En raison de ce processus, Lacan définit le symptôme de
l'anorexie non pas comme « ne pas manger », mais comme
« manger rien ». Selon Bidaud41(*), en plaçant le sujet
dans l'histoire du désir et dans la relation à l'Autre, Lacan
apporte des éléments essentiels quant à
l'aliénation dont souffre l'anorexique.
En 2000, T. Vincent42(*) considère l'anorexie comme une nouvelle forme
de manifestation de l'hystérie qui avait tant monopolisé
l'attention des psychiatres du XIXème siècle. Cet
auteur reprend la distinction entre désir et besoin, introduite par J.
Lacan, pour expliquer la problématique de l'anorexie. Dans une
société marquée par la pousse à la consommation, la
facilité d'obtenir la satisfaction du besoin mettrait en péril la
dimension du désir. L'anorexique s'engagerait dans un combat contre cet
écrasement du désir, de plus en plus présent dans notre
société, en refusant un objet du besoin tel que l'aliment. Par ce
refus, l'anorexique affirmerait l'importance du manque dans l'économie
du désir et le sacrifice exercé sur son propre corps serait une
tentative d'inscrire le manque qui pourrait relancer le désir.
4.2. Les références à la
dépression mélancolique
La dépression mélancolique est, après
l'hystérie, le modèle le plus souvent pris comme
référence. En 1895, dans ses premiers écrits, Freud
avait mis en avant un rapprochement entre mélancolie et anorexie :
« La névrose alimentaire parallèle à la
mélancolie est l'anorexie. L'anorexie des jeunes filles - qui est un
trouble bien connu - m'apparaît, après observations
poussées, comme une forme de mélancolie chez des sujets à
sexualité encore inachevée. La malade assure ne pas manger
simplement parce qu'elle n'a pas faim. Perte d'appétit - dans le domaine
sexuel, perte de libido »43(*). Cette dimension dépressive sera reprise par
de nombreux auteurs dont certains rattacherons l'anorexie à la
dépression et d'autres mettrons en évidence les symptômes
dépressifs chez les anorexiques. Dans les années cinquante, deux
auteurs américains - G. Bychowski44(*) et G. Gero45(*) - ont rattaché l'anorexie à la
dépression : le premier considère certaines anorexies comme
des dépressions latentes et le deuxième considère
l'anorexie comme un équivalent de la dépression, ayant
noté l'importance de la régression narcissique, des conflits
oraux et des mécanismes d'introjection. Plusieurs auteurs47(*) ont soutenu la parenté
de l'anorexie mentale avec la psychose maniaco-dépressive.
Corcos48(*) soutient
qu'aucune preuve est venue étayer sérieusement cette
parenté. Bien que la dimension dépressive est centrale pour
l'anorexie, les études récentes soulignent que l'on ne peut
l'assimilée aux seules manifestations dépressives49(*). En ce qui concerne la
relation entre anorexie et symptômes dépressifs, ceux-ci ont
été souvent relevées auprès des anorexiques, mais
la proportion varie considérablement d'une étude à l'autre
en fonction de la période sur laquelle porte l'étude et des
critères retenus50(*). D'autre part, plusieurs auteurs51(*) ont mis en évidence que
la majorité des anorexiques présentent des passages de
dépression symptomatique au cours de leur vie. Cependant, ces
symptômes apparaissent essentiellement avant et après l'anorexie,
notamment lorsque le patient sort de cette pathologie.
4.3. L'anorexie vue comme une structure
spécifique
Suite au Symposium de Göttingen en 1965, plusieurs
auteurs ont considéré l'anorexie mentale comme une structure
spécifique. Dans cette lignée de pensé, nous devons situer
aussi un auteur que nous avons déjà traité52(*), à savoir H. Bruch.
Nous allons ici nous arrêter, à titre d'exemple, seulement sur les
auteurs, notamment E. Kestemberg, J. Kestemberg et S. Decobert, qui ont
publié un ouvrage53(*) considéré comme un incontournable
passage pour ceux qui veulent se pencher sur l'anorexie. En 1972, ces auteurs
apportent trois cas cliniques à partir desquels ils proposent de
nouvelles hypothèses métapsychologiques sur l'anorexie. Ils
décrivent une organisation narcissique originale, apparentée
à la psychose, où le conflit oedipien serait à peine
structuré et susciterait à l'adolescence une régression
vers des fixations préobjectales. Cette régression, mise en
oeuvre selon des modalités spécifiques, ne rencontrerait aucun
point de fixation au niveau des zones érogènes et elle
s'arrêterait seulement au niveau de ce que ces auteurs appellent les
précurseurs de la relation avec l'objet et de l'organisation du moi. A
ce niveau, il y aurait une prévalence d'images archaïques peu
différenciées et d'un désir d'omnipotence destructeur
assuré par le refus de la dépendance. L'organisation pulsionnelle
serait caractérisée par un recours spécifique au
masochisme érogène primaire où le plaisir serait
lié directement au refus de la satisfaction du besoin. La
non-satisfaction d'un besoin vital serait ainsi érotisée. Il en
serait de même au niveau des relations où primerait la recherche
constante du plaisir de l'insatisfaction. L'orgasme de la faim, qui
caractérise l'anorexique, serait la forme la plus représentative
de ce processus.
4.4. L'anorexie au regard des psychoses
Pendant les années trente, des psychanalystes
reconnaissent que les recherches basées exclusivement sur le refoulement
de la pulsion orale ne peuvent rendre compte de la complexité de
l'anorexie, et remarquent la présence d'états psychiques plus
proches de la psychose. Par exemple, G. Nicolle54(*) pose en 1938 une distinction entre l'anorexie mentale
et le refus de nourriture symptomatique de l'hystérie pour envisager
l'anorexie comme une affection mentale grave plus proche d'un état
pré-psychotique. A partir des années quarante, le centre des
recherches se déplace sur des états psychiques plus proche de la
psychose, tels que les déformations du moi. En 1944, H. Meng55(*) observe des formes de
régression au cours de l'anorexie mentale qui seraient beaucoup plus
proches d'un cadre psychotique que névrotique. Dans la névrose,
les symptômes faisant suite à la régression sont
l'expression de conflits qui laissent presque intact le moi. En revanche, dans
la psychose, le moi est atteint dans sa structure primaire. D'importantes
déformations du moi observées chez les anorexiques portent cet
auteur à placer au centre de l'anorexie la problématique du moi
et, de ce fait, à la rapprocher au domaine de la psychose.
En se basant en partie sur les travaux de M. Klein et
Fairbairn, M. Selvini-Palazzoli56(*) considère l'anorexie mentale comme une forme
de « psychose mono-symptomatique » qualifiée de
« paranoïa intrapersonnelle ». Dans cette forme
particulière de psychose, se situant à mi-chemin entre les
positions schizoparanoide et dépressive, l'image du corps serait
vécue comme un persécuteur. En ayant observé une
persistance de la faim chez l'anorexique jusqu'à la phase terminale, cet
auteur souligne que la notion de peur de la nourriture ne serait pas au premier
plan et ce qui prédominerait serait plutôt le sentiment que
le corps nourri soit menaçant. Ainsi, S. Palazzoli met au centre de
cette pathologie la nécessité de contrôler le corps
vécu comme dangereux.
4.5. L'anorexie envisagée comme une conduite
addictive
Selon Corcos57(*), la plupart des différents apports faisant
suite au Symposium de Göttingen de 1965 aurait placé la
problématique de l'identité au centre de l'anorexie mentale.
Cette vulnérabilité de l'identité sera
développée d'une manière spécifique par Ph.
Jeammet58(*) dans les
années nonante. Cet auteur considère l'anorexie comme une
conduite défensive qui protègerait le « Moi »
d'un risque de désorganisation et d'un effondrement de ses assises
narcissiques. Il aborde les troubles du comportement alimentaire à
travers ce qu'il appelle les aménagements de la dépendance. Il
décrit la dépendance comme un jeu dialectique d'investissement et
de contre-investissement entre la réalité psychique interne et la
réalité externe du monde perceptivo-moteur. Elle devient
problématique lorsqu'elle s'impose comme une modalité
prévalente et durable au détriment d'autres modalités. Il
y aurait alors un sur-investissement de la réalité
perceptivo-motrice visant à protéger une réalité
psychique défaillante ou menaçante sur laquelle le sujet
dépendant ne peut s'appuyer. Le sujet dépendant ne disposerait
pas, pour des raisons qui pourraient être diverses, d'une base
suffisamment sécurisante au niveau de sa réalité interne.
Cette modalité prévalente peut concerner différentes
structures et organisations psychiques, et apparaître ou
disparaître en fonction des variations entre la réalité
psychique et externe envers laquelle l'anorexique est extrêmement
sensible.
En mettant en avant la dimension addictive chez les
anorexiques, Ph. Jeammet et al.59(*) ont intégré l'anorexie dans le vaste
champ des toxicomanies. Ces auteurs regroupent dans la catégorie des
addictions différentes conduites tels que l'alcoolisme, le tabagisme, le
jeu pathologique, les troubles des conduites alimentaires (anorexie, boulimie),
les surconsommations médicamenteuses, en particulier de psychotropes,
mais aussi certaines conduites suicidaires et/ou de prise de risque. Ce
regroupement repose sur les mêmes constatations cliniques suivantes:
début à l'adolescence avec réactivation
d'événements infantiles ; compulsivité avec obsessions
idéatives concernant l'objet et la conduite addictive ; sentiment
de manque ou de vide et impulsivité précédant le recours
à l'objet addictif ; substitution d'une dépendance à
l'objet humain par une dépendance à un objet externe
inanimé, disponible et manipulable, etc. L'ensemble de ces conduites
addictives partage la mise en oeuvre d'actes visant à détruire le
corps propre, les liens et la propre capacité de penser. Le choix de
l'objet addictif dépendrait à fois de l'offre, notamment les
conditions socio-économiques et culturelles, et de la structure
psychique du sujet. L'objet toxique n'aurait pas le même effet et il ne
lui sera pas accordé la même fonction selon les différentes
structures. Bien que les données cliniques des conduites addictives
traduisent une problématique narcissique commune comportant des points
similaires tels que des failles narcissiques et des mécanismes
neurobiologiques de dépendances, ceux-ci peuvent se manifester à
partir de structures psychiques différentes. Celles-ci donneront une
teinte différente à la fonction accordée à l'objet
toxique.
5. Conclusion
Dans ce premier chapitre, nous nous étions fixé
l'objectif de présenter, préciser et motiver nos premières
hypothèses. En premier lieu, nous avons montré l'importance de la
problématique de l'image du corps chez les anorexiques. A travers un
premier parcours historique, bien que succinct, nous avons eu l'occasion de
souligner que, dès les premières découvertes, quelques
auteurs ont tenu compte de cette problématique pour spécifier
davantage le fonctionnement psychique de l'anorexie. En 1965, les conclusions
du Symposium de Göttingen ont présenté un déplacement
de l'intérêt de la recherche, jusqu'à ce moment
centré sur la nourriture, vers les phénomènes concernant
les relations avec le corps. Ensuite, nous avons poursuivi une enquête
concernant les apports théoriques de H. Bruch et de ceux faisant
référence à une perspective cognitivo-comportementale. De
cette enquête, nous avons retenu que la plupart des auteurs que nous
avons mentionnés accordait, à des degrés divers, une place
importante à la problématique de l'image du corps. Certains de
ces auteurs, comme Bruch et Garner, lui ont davantage attribué une place
importante en la mettant au centre de leur modèle explicatif. Nous avons
également eu l'occasion de montrer l'intérêt qu'elle occupe
dans le DSM-IV, CIM-10 et parmi les facteurs jugés à risque. Dans
ce résumé de littérature que nous avons proposé, il
apparaît que les perturbations concernant les relations que l'anorexique
entretient avec son image du corps semblerait en effet une
caractéristique importante de ces patients. Elles se manifesterait par
un ensemble d'attitudes concernant le poids et les formes du corps,
dominées par un désir effréné de minceur et une
hantise de grossir. Cependant, ces perturbations se manifesteraient sous
différentes modalités. Certaines se verraient grosses en
dépit de la réalité, la plupart se reconnaîtraient
minces ou même maigres mais elles peuvent surestimer certaines parties de
leur corps, et d'autres seraient très fières de leur apparence
corporelle. Celles-ci, tout en étant conscientes de leurs maigreurs,
attribueraient à cet aspect une valeur esthétique et morale
exceptionnelle.
Ensuite, nous avons abordé la littérature
psychanalytique concernant l'anorexie. Dans ce domaine de recherche, peu
d'auteurs ont mis la problématique de l'image du corps au centre de
leurs théorisations. Parmi ces auteurs, nous avons mentionné les
travaux de S. Palazzoli qui a mis au centre de l'anorexie la
nécessité de contrôler le corps vécu comme
dangereux. Cependant, la plupart des auteurs, et plus particulièrement
ceux de ces vingt dernières années, ont mis au coeur de cette
pathologie la problématique de l'identité et du narcissisme.
Comme nous le verrons au chapitre suivant, le stade du miroir introduit par J.
Lacan met étroitement en lien l'identité et le narcissisme avec
l'image du corps, et plus précisément avec l'image
spéculaire. Il nous semblerait finalement possible soutenir
l'idée que la problématique de l'image du corps, tel qu'elle est
articulée par le stade du miroir de J. Lacan, occupe une place
prééminente dans l'anorexie. Ainsi, nous croyons avoir
montré une pertinence « à priori » du choix
de nous appuyer sur le stade du miroir pour procéder à la
recherche d'éléments pour une clinique différentielle de
l'anorexie. Il nous reste à éclaircir ce deuxième aspect
de notre recherche, à savoir l'intérêt à nous
engager sur la voie d'une clinique différentielle de l'anorexie.
A travers un parcours des différents apports
psychanalytiques, nous avons vu que l'anorexie mentale a été
considérée soit comme un symptôme qui se manifesterait
à partir de différents contextes psychopathologiques soit comme
une structure spécifique. Ces différentes lectures ont
été au centre des débats sur la place de l'anorexie
mentale dans la psychopathologie et dans la nosographie psychiatrique. Du point
de vue historique, nous avons vu que l'anorexie a été d'abord
assimilée à l'hystérie et à la dépression
mélancolique. Ensuite, elle a été considérée
comme la manifestation d'une structure psychotique. Après le tournant
des années soixante, lorsque de nouvelles catégories
nosographiques deviennent de plus en plus d'actualité, elle est
assimilée tantôt à une structure borderline tantôt
à une structure narcissique. Dans cette même période, un
courant progressivement dominant fait de l'anorexie une structure autonome bien
individualisée dans le champ psychopathologique et psychiatrique. Plus
récemment, plusieurs auteurs ont mis en évidence la dimension
addictive de l'anorexie conduisant certains auteurs à l'intégrer
dans le vaste champ des toxicomanies. En concevant le symptôme de
l'anorexie comme une fonction défensive contre des affects
dépressifs non structurés pouvant se manifester à partir
de structures psychiques différentes, ces auteurs n'ont pas
abandonnée l'idée que l'anorexie puisse être
envisagée comme un symptôme à partir de différents
contextes psychopathologiques. Ils reprennent l'axe névrotique ainsi
que psychotique mais sous des termes un peu différents de ceux de la
littérature classique. A titre d'exemple, selon Corcos le symptôme
se manifesterait dans un registre névrotique précaire,
plutôt que dans le cadre d'une névrose structurée, ou dans
un registre narcissique ou limite - psychoses passionnelles froides,
toxicomanie - , plutôt que dans le monde narcissiquement clos de
certaines psychoses. D'autres auteurs - comme Lacan, T. Vincent, Bidaud, Nasio
et d'autres auteurs qui se réfèrent à Lacan - reprennent
certains regroupements classiques et assimilent l'anorexie à une
structure hystérique ou psychotique. Sur la base de ces
considérations, il nous paraît donc encore d'actualité de
nous pencher sur une recherche visant à établir une clinique
différentielle de l'anorexie. En effet, même quand
l'hypothèse d'une structure psychopathologique autonome est
évoquée, les auteurs sont amenés à la rapporter
à des mécanismes non spécifiques qui peuvent se retrouver
dans différentes structures. Il nous semble raisonnable de poser
l'hypothèse que la distinction entre symptôme et structure
permettrait de rendre compte des différents axes névrotiques et
psychotiques évoqués dans la littérature sur l'existence
de différents types d'anorexies selon la structure du sujet.
En suivant cette orientation selon laquelle l'anorexie
s'inscrirait dans des structures psychiques sous-jacentes différentes,
nous voudrions soutenir l'hypothèse que le vécu et la
problématique de l'image du corps chez les anorexiques se
manifesteraient différemment en fonction des différentes
structures psychiques. Dans le cadre de ce travail de DEA, cette
hypothèse nous permettra de poser les bases cliniques et
théoriques de ce que nous appelons « une clinique
différentielle ». Au prochain chapitre, notre souci sera,
entre autres, de présenter et développer cette démarche.
Deuxième chapitre
1. Introduction
Dans ce deuxième chapitre, nous nous proposons
d'entamer un développement des hypothèses
présentées au chapitre précédent. Nous consacrerons
la première partie aux explications du cadre conceptuel concernant le
stade du miroir qui représente l'espace théorique où
s'inscrit notre tentative de repérer les premiers éléments
de ce que nous avons appelé « une clinique
différentielle ». Comme dit au premier chapitre, dans le cadre
de ce travaille de DEA, nous prendrons en compte essentiellement deux contextes
psychopathologiques, à savoir l'axe psychotique et l'axe
névrotique. Au terme de ce travail, nous voudrions montrer la pertinence
du choix de cet outil théorique et avoir repérer les premiers
éléments de partage entre ces deux contextes psychopathologiques.
Au sujet de l'anorexie dans ses rapports avec la psychose, nous ferons
état des recherches de S. Thibierge concernant les troubles de la
reconnaissance et de la nomination en psychopathologie. Nous voudrions montrer
la pertinence des contributions de cet auteur quant à un
éclaircissement concernant la pathologie de l'image du corps
auprès de cas d'anorexie se situant dans un contexte psychopathologique
psychotique.
2. Le stade du miroir
A la fin des années vingt, H. Wallon aborde le
thème du miroir dans le développement mentale de l'enfant lors de
ses cours donnés60(*) à la Sorbonne qui seront mis par écrit
et réuni dans un ouvrage61(*). Cet auteur considère le moment où
l'enfant se reconnaît dans le miroir comme une étape importante du
développement mentale de l'enfant. Face au miroir, l'enfant
réagit devant son image et croit être l'image qu'il voit. C'est
pour cette raison que l'enfant rit, tend les bras et appelle l'image
reflétée dans le miroir. Selon cet auteur, cette étape ne
correspond pas à un stade en lui-même mais elle est
insérée, parmi les stades qu'il décrit, dans le
stade dit « émotionnel ». Elle n'est donc qu'un
terme parmi d'autres au sein d'une série d'intégrations
successives qui montrent que l'évolution psychologique est nouée
de façon complexe à l'évolution biologique. Selon Wallon,
la notion du corps propre62(*) ne serait pas une donnée innée, mais
elle se construirait. Actuellement, si certains auteurs63(*) proposent un caractère
inné de la notion du corps propre, la plus part continuent à
admettre que la représentation de notre corps se construit d'une
façon ou d'une autre64(*).
En 1935, P. Schilder65(*) introduit le terme d'image du corps. En soulignant
l'existence d'une image optique à laquelle la perception est
rapportée, il préfère le terme d'image du corps à
celui de schéma corporel. Ce terme ne désigne pas seulement une
connaissance physiologique, mais renvoie également au concept de libido
et à la signification sociale du corps. Du point de vue de
l'organisation libidinale, l'image du corps s'organiserait autour des orifices
du corps ou, selon les termes de Freud, autour des zones
érogènes. Nous pouvons en déduire que, selon Schilder, le
corps en entier n'est pas investi de la libido. En 1939, J. Lhermitte publie
l'ouvrage « l'image de notre corps 66(*) ». Nous y trouvons
l'idée, bien qu'elle soit indiquée d'une façon implicite,
que non seulement les zones érogènes du corps sont investies de
la libido mais l'image du corps dans son ensemble le serait également.
Entre ces deux dates, Lacan soutient d'une façon explicite, lors d'une
intervention67(*) au
congrès de l'International Psychoanalytic Association à Marienbad
en 1936, que l'image du corps reflétée dans le miroir est
entièrement investie de la libido. Cet auteur donnera un compte rendu
écrit de cette intervention seulement en 1949, intitulé
« Le stade du miroir comme formateur du je telle qu'elle nous est
révélée dans l'expérience psychanalytique68(*) ».
Dans cet écrit de 1949, Lacan expose le stade du miroir
qu'il situe entre le 6ième et 18ième mois
de vie. Il s'appuie, en partie, sur les travaux de Köhler69(*) concernant l'aperception
situationnelle et les observations de Baldwin. L'aperception situationnelle se
manifesterait par le plaisir que le bébé éprouve à
reproduire les mouvements d'une image sur lui-même et sur des objets ou
personnes de l'entourage. Baldwin avait remarqué que ce
phénomène décrit par Köhler pouvait être
observé à partir du 6ième mois lorsque le
bébé se trouve devant un miroir. A partir de cette correspondance
entre la perception visuelle et la perception cénesthésique
des mouvements du corps, apparaîtrait le moment d'intégration, et
donc de mise en commun entre le corps et l'image. Le raisonnement suivant, bien
que d'une manière inconsciente, se mettrait en place chez le
bébé: « quand je me sens bouger, l'image bouge
exactement au même moment ; je souris, elle sourit ; donc c'est
bien moi ». Le phénomène de reconnaissance,
attesté par les signes de jubilation sur le visage du bébé
qui caractérise sa rencontre avec son image
reflétée70(*), se produirait à partir de ce moment
d'intégration. Bien que Lacan ait mis l'accent sur le moment de la
reconnaissance, il y a surtout une autre raison qui l'a poussé à
introduire le stade du miroir dans le domaine psychanalytique. En effet, ce que
nous avons appelé « moment d'intégration »
n'est pas uniquement la source du phénomène de la reconnaissance,
mais aussi d'un phénomène appelé
« identification ». En psychanalyse, ce terme se
réfère à un processus qui produit une transformation, un
changement chez le sujet lorsqu'il assume une image. Cette première
assomption est cruciale pour l'identification du sujet, c'est-à-dire
pour l'acquisition de ce que nous appelons une identité. Le stade du
miroir manifesterait donc un dynamisme affectif essentiel pour l'être
humain. Dès ce premier écrit sur le stade du miroir, la
reconnaissance et l'identification sont deux concepts qui ne se recouvrent pas,
bien qu'au départ ils soient étroitement liés.
Il y a aussi un autre aspect important à retenir de ce
stade. La jubilation avec laquelle l'enfant salue son image
reflétée dans le miroir traduirait le plaisir de recevoir de
cette image une « gestalt », une unité alors que du
point de vue de la maturation physiologique il n'a pas encore une
maîtrise sur la coordination motrice. Lacan trouve une confirmation,
quant à l'importance qu'il accorde à la forme, dans des
données de l'éthologie animale qui montrent certains effets de
maturation et de structurations biologiques opérées par la seule
perception visuelle du semblable. Il cite uniquement les travaux de R. Caillois
connu pour ses essais de description du mimétisme animal et
végétal. Lacan retient surtout l'effet morphogène de
l'image à certains moments : des êtres vivants rencontrent,
pendant leur croissance, des formes dont la seule perception ont une influence
décisive sur leur développement ultérieur. Quant à
l'être humain, la forme du corps propre reflétée dans le
miroir permettrait à l'enfant d'anticiper une unité que
réellement il n'a pas étant donné qu'il n'en a pas encore
les moyens neuroniques et moteurs. Cette unité anticipée
découvre en retour un corps qui, du fait de cette nouvelle
réflexivité, va se sentir morcelé. Ainsi, le morcellement
ne serait pas une donnée première dictée par une
cénesthésie chaotique, mais il serait comme le choc en retour de
cette unité donnée trop tôt dans l'image ; il serait
un fait d'image. Cette unité anticipée se produit au travers de
l'identification à l'image spéculaire. Cependant, cette mise en
forme n'a aucune valeur de plénitude ou de résolution car il y
aura toujours la tension initiale entre une insuffisance réelle,
c'est-à-dire l'état réel de l'enfant au moment où
il se reconnaît dans le miroir, et l'anticipation d'une totalité
virtuelle.
Lacan a réarticulé la problématique
freudienne du narcissisme à partir de cette élaboration de
l'identification spéculaire. La forme spéculaire du corps
à laquelle l'enfant s'identifie représente
l' « idéal ich » - moi idéal - introduit
par Freud dans « Pour introduction au narcissisme71(*) ». Lacan soutient
que l'investissement libidinal de l'image constitue une normalisation en tant
qu'elle polarise le narcissisme dans une forme contraignante de la
représentation et elle constitue la souche des identifications
secondaires. Grâce à cette identification, nous avons la
représentation de l'unité ou de la permanence de tout ce qui nous
entoure. C'est en effet à partir de la première étape du
stade du miroir que la permanence de l'objet se met en place et que, vers le
8ième mois, l'enfant ne sourit plus à toutes les
personnes. Cependant, cette identification présente également un
caractère aliénant car cette unité et cette permanence
sont toujours posées dans une ligne de fiction anticipatrice,
méconnue par le sujet lui-même. Nous voyons là se dessiner
une antinomie entre un corps réel, non coordonné et
morcelé, et un corps imaginaire. Dés le début, la
reconnaissance de cette forme unitaire implique une méconnaissance
réelle, motrice et neurologique, et une méconnaissance normale du
fonctionnement réel du corps. Cette forme de méconnaissance se
manifeste, comme l'a souligné S. Thibierge72(*), dans le cas du membre
fantôme73(*). Il
nous semble possible de soutenir l'hypothèse que cette forme de
méconnaissance soit à la base des relations pathologiques que
l'anorexique entretient avec son corps.
A l'endroit où se manifeste cette opposition entre une
image « toute une » et un corps morcelé, le
« je » intervient pour assumer ces deux termes. Il
revêtirait donc la fonction de représenter l'un et l'autre terme
de cette crise irréductible entre un état physique réel et
anticipation virtuelle. Le « je » qui intervient dans
cette inadéquation entre cet état physique et l'image serait la
matrice symbolique qui devra se symboliser grâce au langage. Nous pouvons
constater que, dès cet écrit, Lacan fait intervenir la dimension
symbolique pour expliquer le stade du miroir. A partir du premier
séminaire74(*),
Lacan accordera une place prééminente à la dimension
symbolique concernant la constitution de l'image spéculaire. Dans le
séminaire sur le transfert75(*), il introduit « la nomination »
comme un moment logique essentiel du stade du miroir. L'adulte, près
d'un enfant qui se regarde au miroir, reconnaît et nomme le corps
reflété de l'enfant dans le miroir. En d'autres termes, pour que
l'enfant puisse s'identifier à l'image, il doit être avant tout
identifié par l'autre. Dans des cas extrêmes de maltraitance,
l'enfant qui n'est pas reconnu par l'adulte n'accèderait pas au stade du
miroir. Plusieurs mots associés au nom propre seront pris en compte par
l'enfant pour spécifier son identité. Ces mots, et plus
précisément ces traits symboliques qui représentent le
sujet dans l'ordre du langage, seraient la traduction de l'Idéal du moi
freudien. Ce processus est appelé par Lacan « identification
symbolique ».
2.1 Identification symbolique
Dans le séminaire IX76(*), Lacan reprend la distinction entre l'identification
imaginaire et l'identification symbolique. Pour approfondire celle-ci, il
introduit les questions préalables au thème sur l'identification
symbolique par l'exemple de la balle de ping-pong qui disparaît et
apparaît à nouveau. Lorsque la balle apparaît à
nouveau, nous disons avec certitude « c'est la même
balle ». Ce rapport qui se constitue entre « c'est la
balle » avec « c'est encore la même balle »
est l'expérience la plus simple concernant le registre de
l'identification. Bien que ce type d'expérience puisse se produire chez
l'animal, il y en a d'autres concernant toujours le registre de
l'identification qui leurs sont exclus. Lacan cite un exemple issu du folklore
concernant un serviteur qui retrouve dans le corps de la souris le
propriétaire décédé. Il y aurait ici une assomption
spontanée faite par le sujet de l'identité de deux apparitions
pourtant bien différentes. Dans ce cas-ci, ce que vise le
« c'est encore lui », c'est-à-dire la
réapparition de l'être du propriétaire, est possible
grâce au langage, et plus précisément à la
nomination. Nous ne pouvons retrouver cette expérience auprès
d'un chien parce qu'il n'a pas la capacité de nommer. Comme soutient
Lacan, il est possible d'attribuer au chien la parole en raison de sa
capacité à aboyer lorsque le maître ouvre la porte de la
maison étant déjà une forme d'appel à l'autre. Or
nous ne pouvons lui attribuer le langage dans le sens d'un univers symbolique.
En effet, nous avons du mal à soutenir qu'un chien puisse retrouver
l'être de son maître dans l'apparition d'un animal.
Concernant le stade du miroir, l'enfant peut dire
« c'est moi » après l'apparition ou disparition de
l'image parce qu'il y a eu une « nomination », à
savoir un adulte qui lui ait dit « c'est toi, tu es... ».
L'adulte qui s'occupe de l'enfant est le premier représentant d'un lieu,
que Lacan appelle « Autre », où se déroule
l'univers symbolique. Cependant, la nomination revêt aussi d'autres
fonctions. Nous avons déjà expliqué que l'identification,
qui se met en place au stade du miroir, est la souche des identifications
secondaires. En d'autres termes, à partir de cette première
identification, l'enfant pourra s'identifier à d'autres personnes, tel
que le père, la mère, enseignant, etc. La nomination permettra
à l'enfant de se percevoir toujours identique à lui-même,
sans se confondre avec les différentes personnes auxquelles il s'est
identifié. Dans ce séminaire sur l'identification, Lacan
considère le nom propre, auquel il consacre un développement
important, le trait symbolique princeps auquel l'être humain s'identifie.
A partir du nom propre, plusieurs traits symboliques se suivront et
s'enchaîneront. L'enfant s'identifiera à certains de ces traits
à partir desquels il se sentira aimable et percevra d'une certaine
façon son corps propre.
En guise de synthèse, nous proposons une description
plus schématique des points abordés concernant le stade du
miroir :
- Identification imaginaire. La forme, la gestalt du corps
donne le support pour l'identification imaginaire. Cette première
identification est la matrice sur laquelle s'enchaînerons les autres
identifications.
- Identification symbolique. Au travers de la nomination,
l'enfant est identifié par l'Autre et le « je »,
première matrice symbolique, se traduit en un « je suis
untel ». A partir de cette matrice symbolique, plusieurs traits
symboliques, auxquels l'enfant s'identifie, s'enchaînerons. C'est
grâce à cette identification symbolique, à la nomination
par le nom propre, que l'enfant peut se sentir toujours le même
malgré les différentes identifications imaginaires.
- Identification ( imaginaire ou symbolique) sur le versant
transitif et intransitif. Dans le sens intransitif, l'enfant s'identifie
« à quelque chose », en l'occurrence à une
personne ou à un trait symbolique. Dans le sens transitif, l'enfant
identifie « quelque chose », en l'occurrence une personne,
un objet ou un trait symbolique. Le stade du miroir est un moment
incontournable où se met en place l'identification imaginaire et
symbolique sous la modalité transitive et intransitive.
3. Développement des hypothèses :
introduction
Au premier chapitre, nous nous sommes employés à
mettre en évidence l'importance de la place que les
phénomènes concernant les relations avec l'image du corps
occupent auprès des anorexiques. Il s'agira maintenant de
préciser les rapports entre le symptôme anorexique et l'image du
corps, et plus précisément l'image spéculaire, et la
fonction du symptôme anorexique dans un contexte psychopathologique
psychotique et névrotique. Dans le cadre de ce travail de DEA, nous nous
limiterons à prendre en compte seulement les cas d'anorexie qui se
manifestent pendant la période pubertaire en remettant pour un travail
de doctorat un élargissement de cas concernant d'autres périodes
de la vie. Il est généralement proposé que l'anorexie soit
un désordre qui se rencontre plus fréquemment à
l'adolescence et qui soit, en plus, lié au processus même de cette
période de la vie. En raison de cette spécificité, S.
Palazzoli77(*) distingue
l'anorexie mentale de l'anorexie chronique et de l'anorexie
« neurotique ». L'anorexie chronique se manifesterait
dès la première enfance en présentant de graves troubles
de l'intestin. L'anorexie « neurotique » peut
apparaître à n'importe quel âge et se manifesterait en
réaction à une situation insoutenable ou à un traumatisme
psychique. En revanche, l'anorexie mentale se manifesterait pendant la
période pubertaire ou post-pubertaire. Ce qui explique la
dénomination de « Pubertats-magersucht »
adoptée par les germanophones qu'on peut traduire avec « manie
de l'adolescence pour la maigreur ». La notion même
d'adolescence78(*) renvoie
à l'émergence de changements corporels aussi profonds que
déterminants et toute tentative de s'adresser à une pathologie de
cet âge se doit de prendre en compte le corps. Il nous semble donc
raisonnable, pour ce travail de DEA, de nous limiter à prendre en compte
seulement les cas d'anorexie qui se manifestent pendant la période
pubertaire.
Pour les deux contextes psychopathologiques, nous situons donc
le déclenchement et la formation du symptôme anorexique pendant la
période pubertaire. Selon Freud79(*), la puberté représente la
période finale des transformations corporelles e psychiques. En raison
de ces transformations impliquant le corps sous différents aspects, le
sujet est confronté à nouveau aux assises princeps composant le
stade du miroir80(*),
notamment : le fonctionnement réel du corps comprenant, entre
d'autres, les pulsions ; les identifications imaginaires ; les
identifications symboliques. Ce processus complexe est marqué par la
réactualisation d'une problématique infantile liée
essentiellement à la sexualité. L'issu de ce processus, teint de
conflit, sera déterminé par l'organisation oedipienne et les
défenses que le sujet mobilise pour contrer l'appel à la
jouissance81(*).
Au sujet de l'anorexie, nous voudrions soutenir
l'hypothèse que, lorsque les premiers signes sensibles et visibles de la
puberté apparaissent, l'anorexique manifesterait un refus à se
sentir femme - ou à se sentir homme - et de voir son corps de femme - ou
son corps d'homme. La vue de son corps deviendrait insupportable et
l'anorexique voudrait bannir de sa vie psychique cette représentation.
Plus précisément, ce que l'anorexique voudrait bannir concerne
les caractères qui signifient l'être femme ou l'être homme
et maigrir serait une tentative à gommer ces caractères
signifiants liés à la sexualité. A partir de ce moment,
nous supposons deux destins différents de cette représentation et
un vécu spécifique concernant la propre image spéculaire
selon le cadre nosographique où ils se situent. Ce sont nos
premières hypothèses plus détaillées concernant les
premiers éléments de ce que nous avons appelé
« une clinique différentielle de l'anorexie à travers
le stade du miroir » et que nous voudrions mettre à
l'épreuve à travers le développement que nous proposons
à partir d'ici.
3.1. Cas d'anorexie se situant dans un contexte
psychopathologique psychotique
Comme nous l'avons indiqué au début de ce
chapitre, nous ferons ici état des recherches de S. Thibierge au sujet
des troubles de la reconnaissance et de la nomination en psychopathologie.
Selon cet auteur, il y aurait des pathologies étroitement liées
à l'image spéculaire considérée comme le moment
où se constituent et se lient les repères subjectifs primordiaux
de la reconnaissance et de l'identification. Ces pathologies montreraient une
problématique concernant la perte d'une signification ayant une
incidence sur l'image spéculaire. Cet auteur relève une
corrélation entre cette perte et une atteinte de la consistance de
l'image spéculaire dans les agnosies et dans les psychoses. Dans le
domaine de la neurologie, Thibierge considère que la perte d'une
signification, expliquée à partir d'une lésion
cérébral, obligerait le sujet à réaménager
les coordonnées concernant le sens de son expérience avec son
propre corps. Dans ce domaine, il est possible d'observer plusieurs
phénomènes qui vont d'un sentiment d'étrangeté
à des formes proches de l'hallucination ou de l'idée
délirante.
Pour exemple concernant le domaine des agnosies, nous allons
reprendre la prosopagnosie. Le mot « prosopagnosie82(*) » a
été proposé par Bodamer83(*), en 1947, pour désigner l'incapacité
à reconnaître les visages de personnes connues, dont la
reconnaissance reste possible à l'aide de stimulus auditifs - tel que la
voix - ou de stimulus visuels non physionomiques - tels que les
caractéristiques des vêtements, signes caractéristiques,
etc. Dans les cas plus graves, le patient ne reconnaît pas le visage des
familiers et son propre visage. Cependant, excepté certains cas84(*), il sait qu'un visage c'est un
visage, et la plupart des fois il distingue également le sexe et la
race, mais il ne sait plus reconnaître un visage comme le visage d'untel.
Selon Thibierge, ce type d'agnosie serait consécutif à une
atteinte aux liaisons des différents éléments
impliqués dans la reconnaissance et identification des visages. Le
rapport entre le visage et la physionomie forme un type particulier
d'unité qui se donne comme image dans ce qu'on appelle la reconnaissance
des personnes et comme nom dans le nom propre. Dans la prosopagnosie, ces trois
éléments - l'unité, le nom qui la symbolise et l'image
qui le représente - sont atteints dans leurs
corrélations85(*).
Selon cet auteur, cette pathologie laisserait apparaître
essentiellement deux séries de phénomènes. La
première série concernerait une disjonction du nom et de l'image,
celle-ci étant décomposée en éléments chacun
identifiables sans que l'individualité puisse être reconnue et
le visage nommé. En ce qui concerne la deuxième série de
phénomènes, Thibierge souligne l'importance d'en tenir compte
malgré sa rareté. Pour éclaircir ces
phénomènes, ainsi que d'autres faisant l'objet de son ouvrage,
Thibierge propose une distinction entre « reconnaissance »
et « identification ». Il est possible de retrouver, bien
que d'une manière implicite, cette distinction dans la pensée de
Freud. Dès le début, cet auteur avait mis en évidence que
le reconnaissable pour la conscience n'épuise pas le champ de la
représentation, et constitue une fonction dérivée et
discontinue. A tout moment, une représentation non présente au
niveau de la perception peut envahir le champ scopique et s'imposer pendant
quelques instants. Certains cas fournis dans « Psychopathologie de la
vie quotidienne86(*) » nous offrent de bons exemples à ce
sujet. Par exemple, lorsque nous disons ou nous lisons un mot à la place
d'un autre, nous réalisons que nous avons de fait identifié autre
chose que ce que nous pensions reconnaître. La deuxième
série de phénomène concernant la prosopagnosie se
présente comme une déformation de l'image qui se porte
électivement sur le visage tout en laissant intacte la reconnaissance de
celui-ci87(*). En d'autres
termes, il y aurait un phénomène d'identification, selon le sens
que Thibierge lui donne, c'est-à-dire l'émergence d'une
représentation psychique modifiant le percept. Pour les rapprochements
d'ordre phénoménologique à la clinique de certains cas
d'anorexie, il nous semble intéressant de proposer l'observation
suivante, rapporté par les auteurs, chez une malade :
« Les visages sont étirés dans le sens de la largeur,
et elle met l'accent sur la laideur des physionomies qu'elle voit ; ainsi
à l'observateur elle déclare : `vous avez les
lèvres étirées, le nez élargi, vous êtes
grimaçant, vous êtes étiré plutôt dans le sens
de la largeur, c'est quelque chose de pas beau, vos yeux sont
étirés avec un énorme rond dessous.' La déformation
s'étend à son propre visage vu dans le miroir : ` Je vois
une vieille femme toute déformée, je ne m'imagine pas que je suis
comme ça : par exemple, je sais que j'ai la bouche très
arquée, quand je me regarde dans la glace je ne m'en aperçois
même pas, j'ai le front plissé, ridé.' 88(*)».
Pour le domaine des psychoses, S. Thibierge soutient et
démontre que la perte d'une signification atteint les coordonnées
même de l'image spéculaire et a une incidence sur la signification
et sur les deux versants de la reconnaissance et de l'identification. Cette
clinique est illustrée par les syndromes de Capgras89(*) et de Frégoli. Pour
exemple, nous allons prendre en compte le syndrome de Frégoli qui a
été décrit par Courbon et Fail90(*) en 1927. Classé parmi
les délires d'identification des personnes, ce syndrome doit son nom
à un fameux transformiste italien qui incarnait lors de ses
représentations de nombreux personnages. La personne atteinte de ce
syndrome est convaincue qu'une même personne, généralement
persécutrice, s'incarne dans divers proches en modifiant constamment son
aspect. Le persécuteur est souvent un inconnu, mais il peut parfois
être désigné comme un proche, un voisin, un soignant ou un
membre de la famille. Il change de visage et apparaît comme une
même personnalité qui prend différentes apparences. Jacques
Vié91(*) et Pierre
Janet92(*) ont
donné des contributions importantes qui précisent certains
aspects cliniques des syndromes de Capgras et de Frégoli. Le premier cas
cité par Vié concerne une femme dont le mari est parti en guerre
de 1914-1918. Internée en 1923, elle soutient que son mari n'est en
réalité jamais parti parce qu'elle a eu de fréquents
rapports sexuels avec lui, mais il dissimulait son identité sous
différentes apparences. Du point de vue de la reconnaissance, du
percept, elle se rend bien compte qu'il y avait des différences
physiques, mais son mari pouvait changer de figure facilement en étant
un véritable illusionniste. Elle a eu donc des relations avec plusieurs
hommes qui semblent différents mais qui sont en réalité
toujours le même, à savoir son mari. Cette femme spécifie
ce « même » en évoquant le fait que lors des
rapports sexuels c'était toujours la même façon de faire. A
propos de ce cas, S. Thibierge nous propose les considérations
suivantes : « Ce qui vient polariser chez elle
l'identification du même trait récurrent, auquel peut
indifféremment s'accrocher n'importe quelle apparence d'homme, c'est
quelque chose à quoi son propos attache une valeur
caractéristique d'énigme ou de bizarrerie, à savoir la
fonction sexuelle ici détachée comme telle, dans une
répétition indifférenciée. Ce trait, c'est son
mari, un, unique et le même quelle que soit l'image93(*) ». Bien que
cette patiente puisse reconnaître au niveau du percept une
différence entre l'homme qu'elle voit et son mari, elle
identifie un trait qui s'impose au niveau du percept en lui donnant la
certitude que l'homme qui est en face d'elle est son mari.
Nous allons maintenant proposer un rapprochement entre la
perte d'une signification ayant une incidence sur l'image spéculaire,
comme ça a été développé par Thibierge, et
certains cas d'anorexie qui semblent se situer du côté de la
psychose où la perte de signification concernerait des caractères
liés à la sexualité. Nous reprendrons, en partie, le
développement de ce processus pathologique avec J.D. Nasio94(*) qui le situe, comme nous
l'avons nous même proposé, pendant la puberté. Comme
indiqué à l'introduction de ce paragraphe, c'est à partir
des changements corporels profonds que la vue du corps propre devient
insupportable et que l'anorexique veut bannir de sa vie psychique cette
représentation. Nous allons maintenant suivre le destin de cette
représentation qui est bannie dans une organisation psychotique et,
ensuite, spécifier sa nature.
S. Freud a toujours soutenu l'idée qu'un
événement, une représentation ou une sensation
inconciliable avec le fonctionnement psychique habituel peut déclencher
des symptômes névrotiques ou une psychose hallucinatoire. Il a mis
essentiellement l'accent sur l'aspect inconciliable d'une expérience
avec l'ensemble du fonctionnement psychique et sur le conflit qui s'ensuit. La
manière de répondre à ce conflit, appelé
« mécanisme de défense »,
déterminerait la spécificité de la pathologie, à
savoir soit une névrose soit une psychose. En 1984, Freud propose une
mécanisme de défense spécifique pour la psychose et
choisit le verbe « rejeter » pour l'indiquer. Ainsi, dans
le cas de la psychose, le sujet rejetterait la représentation
insupportable ou son substitut à l'extérieur du psychisme. A ce
sujet, Freud écrit : « Il existe une sorte
de défense bien plus énergique et bien plus efficace qui consiste
en ceci que le moi rejette (verwirft) la représentation insupportable en
même temps que son affect et se conduit comme si la représentation
n'était jamais parvenue au moi »95(*). A cette période,
l'état psychotique serait donc, selon Freud, l'expression d'une
tentative désespérée du moi de se préserver en se
débarrassant d'une représentation inassimilable qui, comme un
corps étranger, menacerait son intégrité. A partir de
cette description du processus psychotique, nous pouvons décrire
schématiquement deux temps : un premier temps où il y aurait un
surinvestissement par le moi d'une représentation incompatible avec les
autres représentations normalement investies, et un deuxième
temps où le sujet rejetterait violemment cette représentation
engendrant ainsi une abolition de la réalité dont la
représentation était la copie psychique.
Dans les « Etudes sur l'hystérie »,
lorsqu'il présente la première description du transfert
négatif, Freud emploie le « rejet » comme un
synonyme du refoulement, à propos d'une patiente hystérique qui
aurait « rejeté » dans l'inconscient un désir
ancien d'être embrassée par un homme avec qui elle avait
conversé96(*).
Beaucoup plus tard, dans « Totem et tabou », on rencontre
une acception du « rejet » qui dérive de la
précédente et qui est placée au fondement de la conscience
morale97(*). Ce concept
apparaît aussi dans le cas clinique « L'homme aux
loups 98(*)» et
l'écrit « La négation99(*) ». Malgré ces
différentes apparitions de ce mot « rejet », le
statut théorique reste incertain dans les travaux de Freud. Les
significations liées à ce terme sont donc assez variées,
néanmoins on peut essentiellement les ramener à trois100(*) : dans le sens d'un refus
qui peut s'opérer sur le mode du refoulement, dans le sens d'un rejet
sous la forme du jugement conscient de condamnation101(*) et dans le sens d'un
mécanisme de défense bien plus énergique que le
refoulement. Lacan mettra en avant ce dernier sens, en se
référant surtout à deux textes de Freud :
« L'homme aux loups » et l'écrit « La
négation». Cet écrit sur « la
négation » permettra à Lacan de préciser la
« forclusion », mot qu'il préfère à
celui de « rejet », dans son rapport à un
procès primaire qui comporte deux opérations
complémentaires : l'introduction dans le sujet et l'expulsion hors
du sujet. La première opération consisterait à accepter
une représentation, la deuxième à la refuser. La
première de ces opérations est ce que Lacan nomme
« symbolisation », ou « Bejahung »
(position, affirmation) primaire. La seconde, appelée forclusion,
consisterait à ne pas symboliser ce qui aurait dû l'être.
Le refoulement et la forclusion échouent tous les deux
dans leur tentative de contrer la représentation intolérable de
la castration puisque celle-ci fait inévitablement retour, mais les
modalités névrotiques et psychotiques de ce retour sont
très différentes. Dans la névrose, ce qui est
refoulé et son retour sont homogène étant tout les deux de
nature symbolique. Tandis que dans la psychose, ce qui est rejeté et son
retour sont profondément hétérogènes. Dans le cas
du refoulement, le retour de la représentation est encore une
représentation qui fait toujours partie du moi. Par exemple, un
symptôme névrotique serait un retour de même nature
symbolique et tout aussi intégré au moi que la
représentation refoulée, tandis que le retour psychotique serait
tout autre chose que la représentation rejetée. Selon Lacan, ce
qui serait rejeté, et qui ne serait donc pas symbolisé,
réapparaîtrait dans le réel. A titre d'exemple, la
non-acceptation et non symbolisation de la castration dans le cas de l'Homme
aux loups102(*)
réapparaîtrait dans le réel sous la forme d'une
hallucination. L'image hallucinée de son petit doigt coupé,
n'ayant aucune des propriétés symboliques d'une
représentation, est saisi par le moi sans aucun affect et perçue
avec la netteté d'une réalité indéniable qui lui
serait étrangère. Lorsque Lacan isole le concept de forclusion
chez l'Homme aux loups, ce concept est mis en relation avec la fonction
paternelle.
La fonction paternelle mettrait en place la
« barrière de l'inceste » pour réguler la
position du sujet à l'égard de son désir et de sa
jouissance. Il convient de souligner que selon Lacan103(*) la forclusion se porterait
sur un signifiant particulier lié à la fonction paternelle,
appelé par Lacan « Nom-du-Père », et non sur
des signifiants quelconques, ni sur des expériences singulières.
Cependant, plusieurs auteurs104(*) se référant aux travaux de J. Lacan
supposent l'existence d'une forclusion qui porterait sur des
éléments autres que le Nom-du-Père. Dans le cadre de ce
travail de DEA et de ce développement sur la forclusion, nous
retiendrons de Freud et de Lacan essentiellement les deux points
suivants :
- La représentation que le moi veut bannir de sa
réalité psychique concerne la réalité
sexuelle ;
- L'hypothèse d'un mécanisme de défense
bien plus énergique que le refoulement appelé
« forclusion ». Ce mécanisme serait
spécifique à une organisation psychotique.
Sur la base des éléments que nous venons de
développer, il nous semble possible de proposer une modalité
spécifique du fonctionnement psychique de l'anorexique chez un sujet
s'inscrivant dans une structure psychotique. Nous avons choisi de prendre en
compte les cas d'anorexie qui se déclenchent pendant la puberté.
A cette période, le sujet se trouve face à de complexes
transformations corporelles et psychiques qui entraîne la
réactualisation d'une problématique infantile liée
à la sexualité. Concernant la psychose, il s'agirait d'interroger
la manière dont s'actualise, lors de ce processus de la puberté,
le rapport du sujet à la sexualité. Plus
précisément, il s'agirait d'interroger la manière de
répondre à l'appel de la jouissance dans une organisation
psychique où la position du sujet n'a pas été
régularisé à l'égard du désir et de la
jouissance par la fonction paternelle. Comme nous l'avons déjà
indiqué, face aux changements corporels, l'anorexique voudrait bannir de
sa vie psychique les caractères qui représentent, au niveau de
l'image spéculaire, l'être femme ou l'être homme. Une
représentation insupportable et bannie de la vie psychique selon les
modalités propre à la forclusion réapparaîtrait dans
le monde des sens en tant que chose hallucinée, visuelle, auditive,
olfactive ou tactile. L'hallucination serait donc un trouble grave de la
perception provoquée par un trouble de la symbolisation, à savoir
par l'expulsion d'une représentation ou signification que le sujet ne
peut pas tolérer. Dans les cas d'anorexie chez un sujet psychotique, la
fille refuserait d'intégrer dans le moi la représentation
inacceptable du corps féminin. Ainsi, la représentation
repoussante du corps féminin réapparaîtrait sous la forme
d'une hallucination visuelle, c'est-à-dire celle de se voir grosse.
A présent, il nous semble possible de proposer un
rapprochement entre les manifestations pathologiques de la patiente atteinte du
syndrome de Capgras citée par Vié et cette clinique de l'anorexie
sur un versant psychotique. Comme nous l'avons expliqué, la patiente
citée par Vié, bien qu'elle pouvait reconnaître des
différences au niveau de la reconnaissance, identifiait toujours le
même trait sur une personne qui n'était pas son mari lui donnant
la certitude que celle-ci était son mari. Dans la clinique de l'anorexie
dans une structure psychotique, l'anorexique, bien qu'elle puisse
reconnaître et distinguer au niveau du percept une forme grosse d'une
forme maigre, identifierait toujours le même trait de grosseur sur son
image spéculaire en lui donnant la certitude qu'elle est grosse.
L'anorexique s'engagerait ainsi dans un combat sans fin contre ces traits
persécuteurs de grosseur. Nous voyons ici le corps persécuteur
décrit par Selvini105(*) qui considérait cette pathologie comme une
forme de « psychose mono-symptomatique ».
3. 2. Cas d'anorexie se situant dans un contexte
psychopathologique hystérique
L'hystérie et l'anorexie ont plusieurs points en commun
que nous allons succinctement énoncer ici et que nous reprendrons avec
T. Vincent106(*). Comme
pour l'hystérie, le corps de l'anorexique est au centre de la pathologie
et devient une scène où la souffrance se donne à voir. A
la fin du XIXème siècle, cette souffrance se
manifestait sous la forme de crises, de spasmes et de convulsion ; de nos
jours, elle apparaît sous la forme de cachexie. Par ailleurs, bien qu'il
y ait des formes masculines d'hystérie et d'anorexie, elles restent
essentiellement des formes féminines.
Comme dit à l'introduction de ce paragraphe, nous avons
choisi de prendre en compte les cas d'anorexie qui se déclenchent
pendant la puberté. A cette période, le sujet se trouve face
à de complexes transformations corporelles et psychiques qui
entraînent la réactualisation d'une problématique infantile
liée à la sexualité. Concernant l'hystérie, il
s'agirait d'interroger la manière dont s'actualise, lors de ce processus
de la puberté, le rapport du sujet à la sexualité et
d'interroger le type de défense mobiliser pour contrer l'appel à
la jouissance faisant suit aux transformations du corps. Ces deux aspects, le
corps et la jouissance, ont été étroitement liés
à l'hystérie dès les premiers développements sur
cette pathologie proposés par Freud. Sans vouloir nous attarder dans les
détails des découvertes du fonctionnement psychique de
l'hystérique, il importe ici de nous arrêter seulement sur
quelques points saillants. Si nous abordons l'hystérie du point de vue
descriptif, nous pouvons dire qu'il s'agit d'une névrose qui
apparaît le plus souvent pendant des événements difficiles
ou des périodes critiques de la vie, comme par exemple à
l'adolescence107(*).
Dès les premières descriptions cliniques de cette pathologie, le
corps a été la scène princeps où les
symptômes ont été découverts. En effet,
l'hystérie se manifeste le plus souvent sous la forme de symptômes
somatiques tels que les perturbations de la motricité -
difficultés de la marche, paralysies des membres, paralysies faciales,
etc. -, les troubles de la sensibilité - douleurs locales, migraines,
etc. - et les troubles sensoriels - cécité, surdité, etc.
Du point de vue psychique, l'hystérie serait surtout, selon la
psychanalyse, un état pathologique concernant le lien que
l'hystérique entretient avec autrui. Ce lien est dominé par un
fantasme inconscient où le sujet joue le rôle d'une victime
malheureuse et constamment insatisfaite. La psychanalyse a découvert que
cet état d'insatisfaction permettrait à l'hystérique de
se mettre à l'abri d'un danger qu'elle redoute le plus. Selon Freud, ce
danger remonte à l'enfance, et précisément à la
période du « complexe d'OEdipe » indiquant la
scène fantasmatique où le sujet a peur de jouir de ce qu'il
désire le plus. En mettant au centre de cette pathologie le complexe
d'OEdipe, la psychanalyse à préciser la nature de cette peur. Le
grand danger redouté et menaçant pour l'hystérique serait
le danger de vivre la satisfaction d'une jouissance maximale assimilée
à l'inceste. A partir de ce danger, l'hystérique s'évertue
pour éviter toute expérience susceptible d'évoquer un
état de pleine ou absolue satisfaction. La possibilité de jouir
deviendrait donc la peur principale contre laquelle l'hystérique met en
oeuvre un scénario fantasmatique destiné à se prouver et
prouver au monde qu'il n'y a de jouissance qu'insatisfaite. Le maintien d'un
état d'insatisfaction serait donc une forme de protection contre la
menace d'une jouissance perçue comme un risque de
désintégration.
Nous voudrions, à présent, exposer notre
hypothèse. A la puberté, les transformations corporelles, qui
réactualisent une problématique infantile liée à la
sexualité, révoquerait le danger de cette jouissance maximale
assimilée à l'inceste. Lorsque les premiers signes sensibles et
visibles de la puberté apparaissent, l'anorexique ne voudrait pas
accepter de se sentir femme et de voir son corps de femme. Plus
précisément, l'anorexique s'inscrivant dans une structure
hystérique, ne refuserait pas d'être une femme en tant que
personne de sexe féminin opposé au sexe masculin, mais elle
refuserait le corps féminin en tant qu'objet de jouissance. La vue de
son corps deviendrait insupportable et l'anorexique voudrait bannir de sa vie
psychique les caractères signifiants du corps pouvant évoquer la
jouissance. A la différence de l'anorexique chez un sujet psychotique,
le mécanisme de défense mis en oeuvre pour se défaire de
ces premiers signes sensibles et visibles de la puberté serait le
refoulement.
L'anorexique éloignerait donc de sa vie psychique ces
caractères signifiants comme source de jouissance par le refoulement et
les tiendraient à l'écart de la conscience en mettant en place un
idéal ayant comme but la minceur. Cet idéal de minceur
permettrait ainsi de reconquérir un corps infantile où aucun
signe visible évoquant la jouissance n'apparaît encore. Cet
idéal prendrait davantage appui et se nouerait autour de l'idéal
social largement véhiculé par les médias concernant les
exigences féminines de minceur, de régime et de performance. Cela
expliquerait par ailleurs l'augmentation de cas d'anorexies dans des
sociétés108(*) où cet idéal est largement
diffusé et partagé. Nous voyons là
réapparaître la classique suggestibilité hystérique
qui paraît à première vue à l'opposé de la
volonté tenace qui caractérise l'anorexique. Du point de vue du
stade du miroir, cet idéal correspondrait à l'idéal du
moi.
Il y aurait aussi un rapprochement entre cet idéal de
l'anorexique et certains idéaux présents dans l'histoire de
notre culture. Selon T. Vincent109(*), l'anorexique reproposerait une expérience
subjective, certainement d'une manière renouvelée, s'inscrivant
dans le vaste mouvement du renoncement à la chair qui fût à
certaines époques de l'humanité un idéal social et qui a
été particulièrement traité par P. Brown110(*). Dans ce mouvement, le corps
était vécu à la fois comme le lieu de l'âme - le
temple de Dieu - et à la fois comme le lieu de la chair habité
par le péché. Le corps était au centre d'une pratique de
la contention visant essentiellement la sexualité
considérée comme ce qui marque les corps d'une différence
qui renvoie continuellement à la faute originelle. Le mal prend racine
de cette différence sexuelle qui soutient l'exercice de la
sexualité et ses tentations de concupiscence. Celui ou celle qui choisit
la volonté de Dieu contre les caprices de la chair s'engage dans le
célibat ou plus encore dans la virginité, et en particulier la
virginité féminine puisqu'elle fait résistance à la
pratique de la sexualité et à ses conséquences tel que
l'enfantement. L'engendrement était aussi considéré comme
la racine du mal parce qu'il transmet à chaque nouveau-né le
péché d'Adam et Eve. Selon T. Vincent l'anorexique pousse
à l'extrême la contention, le jeûne et, l'abstinence et le
renoncement et « ce qu'elle veut sauver, c'est l'esprit comme
volonté et comme domination, et à lire les nombreux
témoignages qu'elle laisse ça ou là, jamais l'esprit ne
paraît aussi aiguisé que lorsque la chair est
matée111(*) ».
4. Conclusion
Au terme de cette étude, il nous semble possible de
proposer des hypothèses de recherche pour un travail de doctorat
concernant le thème « éléments pour une clinique
différentielle de l'anorexie à travers le stade du
miroir ».
En premier lieu, nous avons proposé d'aborder
l'anorexie comme une pathologie concernant essentiellement la vie sexuelle et
les relations objectales. Plus précisément, nous avons
proposé de mettre l'accent sur les conflits se situant au niveau du
corps, et non pas au niveau des fonctions alimentaires. Au terme du premier
chapitre, nous avons montré l'importance des perturbations concernant
les relations que l'anorexique entretient avec son corps et son image du corps
à partir d'une étude approfondie de la littérature sur
l'anorexie. En raison de cette importance du corps et de l'image du corps, nous
avons choisi de nous appuyer sur le stade du miroir pour procéder
à la recherche d'éléments visant à établir
ce que nous avons appelé « une clinique différentielle
de l'anorexie ».
En second lieu, nous avons proposé d'envisager
l'anorexie comme l'expression d'un trouble s'inscrivant dans des contextes
psychopathologiques divers. Dans le domaine psychanalytique, l'anorexie a
été considérée soit comme un symptôme se
manifestant à partir de différentes organisations psychiques soit
comme une structure spécifique. Cependant, même quand
l'hypothèse d'une structure psychopathologique autonome est
évoquée, les auteurs sont amenés à la rapporter
à des mécanismes non spécifiques qui peuvent se retrouver
dans différentes structures. A travers un parcours des différents
apports psychanalytiques, nous avons montré la pertinence de nous en
tenir, dans un premier temps, à deux contextes psychopathologiques,
notamment à une structure psychotique et névrotique. En posant
l'hypothèse d'une distinction entre symptôme et structure, nous
voudrions rendre compte des différents axes névrotiques et
psychotiques évoqués dans la littérature sur l'existence
de différents types d'anorexies selon la structure du sujet. A partir de
ce choix, nous motivons l'intérêt à nous engager sur la
voie d'une clinique différentielle de l'anorexie et à
repérer des éléments de partage entre ces
différents contextes psychopathologiques. Nous avons proposé le
stade du miroir comme terrain théorique où puiser et
dégager ces éléments.
En suivant cette orientation selon laquelle l'anorexie
s'inscrirait dans des structures psychiques sous-jacentes différentes,
nous avons consacré une partie de ce deuxième chapitre aux
développements des premiers éléments visant à
établir une clinique différentielle de l'anorexie. Pour un souci
de clarté et de simplicité, nous nous sommes limités
à prendre en compte une seule période de la vie pendant laquelle
se déclencherait et se formerait le symptôme anorexique.
Cependant, nous souhaiterions pouvoir remettre à un travail de doctorat
la prise en compte d'autres tranches d'âge. La période de la vie
que nous avons choisi est la puberté en raison de l'idée
partagée par la plupart des auteurs que l'anorexie serait un
désordre qui se rencontre plus fréquemment à l'adolescence
et qui serait, en plus, liée au processus même de cette
période. Pendant la puberté, le sujet est confronté
à de complexes transformations corporelles et psychiques qui
entraînent la réactualisation d'une problématique infantile
liée à la sexualité. Lors de ce processus, le rapport du
sujet à la sexualité est remis en cause. Pour les deux contextes
psychopathologiques, notamment la structure psychotique et névrotique,
nous avons soutenu l'hypothèse que, lorsque les premiers changements
corporels se présentent, l'anorexique voudrait se défaire des
caractères qui signifient l'être femme ou l'être homme, et
maigrir serait une tentative de gommer ces caractères signifiants
liés à la sexualité. Selon le contexte psychopathologique
de référence, nous avons supposé la mise en oeuvre de
mécanismes spécifiques pour contrer l'appel à la
jouissance et faire face à ce refus, et une position subjective
différente du vécu de l'image spéculaire. Au terme de ce
chapitre, il nous semble raisonnable d'avancer les hypothèses
suivantes :
- Concernant l'anorexie s'inscrivant dans une structure
psychotique, l'anorexique mettrait en oeuvre un mécanisme
spécifique appelé « forclusion ». Ce
mécanisme entraînerait des perturbations de la perception de
l'image spéculaire selon les modalités que nous avons
décrites. En résumant, la représentation repoussante du
corps féminin réapparaîtrait sous la forme d'une
hallucination visuelle, c'est-à-dire celle de se voir grosse. A partir
de ce trouble, l'anorexique s'engagerait à poursuivre un jeûne
pour se défaire de ces caractères hallucinés. Concernant
la position subjective du vécu de l'image spéculaire,
l'anorexique se verrait grosse en dépit de la réalité et
vivrait son corps comme persécuteur. Cependant, cette hypothèse
nous oblige à introduire et à proposer une hypothèse
supplémentaire concernant la forclusion. Tout en partageant
l'hypothèse d'une forclusion liée à la fonction paternelle
étant spécifique à une organisation psychotique, nous
supposons également l'existence d'une forclusion qui porterait sur des
éléments autres que le Nom-du-Père. Or, cette
hypothèse concernant la forclusion, étant donné qu'elle ne
porterait pas sur le Nom-du-Père, soulèverait plusieurs questions
telles que : « Quel statut devrions-nous donner
à cette forclusion ? Devrions-nous la supposer toujours
spécifique à une structure psychotique ? Quel serait son
rapport avec la forclusion qui porte sur le
Nom-du-Père ? » Dans le cadre de ce travail de DEA, nous
n'avons pu soulever ces questions car elle nécessiteraient une
développement à part et, surtout, une mise à
l'épreuve de la clinique. Cependant, nous souhaiterions y donner suite
dans le cadre d'un travail de doctorat.
- Concernant l'anorexie s'inscrivant dans une structure
hystérique, l'anorexique mettrait en oeuvre un mécanisme
spécifique appelé « refoulement ». Le sujet
tiendrait à l'écart de la conscience le contenu refoulé
à travers la mise en place d'un certain type d'idéal. En
résumant, cet idéal se rapprocherait à une
expérience subjective, certainement d'une manière
renouvelée, s'inscrivant dans le vaste mouvement du renoncement
à la chair qui fût à certaines époques de
l'humanité un idéal social et se nouerait, de plus, autour de
l'idéal social largement véhiculé par les médias
concernant les exigences féminines de minceur, de régime et de
performance. Cet idéal pousserait l'anorexique à s'engager dans
un combat contre les caractères signifiants qui apparaissent au niveau
de l'image spéculaire pouvant évoquer le contenus refoulé.
Cet idéal de minceur permettrait ainsi de reconquérir un corps
infantile où aucun signe visible évoquant la jouissance
n'apparaît encore. Concernant la position subjective du vécu de
l'image spéculaire, l'anorexique se situant dans cette structure
psychique se sentirait très fière de son apparence corporelle,
mais également insatisfaite de son but atteint. Tout en étant
consciente de sa maigreur, elle attribuerait à cet aspect une valeur
esthétique et morale particulière.
Nous pensons avoir ainsi justifié nos premières
hypothèses et notre cadre théorique de référence.
Nous avons en outre proposé de premiers éléments pour une
clinique différentielle de l'anorexie mentale qui attendent d'être
approfondis, élargis et mis à l'épreuve de la clinique.
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* 1 Birot E., Chabert C.,
Jeammet Ph. et al. Soigner l'anorexie et la boulimie - Des psychanalystes
à l'hôpital. Paris : PUF, 2006, pp. 3-4.
* 2 Jeammet Ph. L'anorexie
mentale. Paris : Doin Editeurs, 1985, p. 2.
* 3 Du grec
« anorexia », `an' priv., gr. Orexis appétit, manque
d'appétit.
* 4 Kestemberg E., Kestemberg
J., Decobert S. (1972) La faim et le corps. Une étude
psychanalytique de l'anorexie mentale. Paris : PUF, 1983, p. 14.
* 5 Op. Cit., p. 14.
* 6 Cf. Brusset B.
« L'anorexie mentale des adolescents » in Lebovici
S., Diatkine R., Soulé M. Nouveau traité de psychiatrie de
l'enfant et de l'adolescent. Volume 2, Paris : PUF, 2004,
p.1693-1711.
* 7 Decourt J.
« L'anorexie mentale au temps de Ch. Lassègue et de W.
Gull ». Presse Méd., 1954, 62, 16, p. 355-358.
* 8 Ibid.
* 9 Kestemberg E.,
Kestemberg J., Decobert S. (1972) La faim et le corps. Une
étude psychanalytique de l'anorexie mentale. Paris : PUF,
1983, p. 14.
* 10 Ibid.p. 14.
* 11 Freud S. La naissance
de la psychanalyse. Paris : PUF, 1956, p. 93.
* 12 Cf. Jeammet Ph.
L'anorexie mentale. Paris : Doin Editeurs, 1985, p. 3.
* 13 Cf. Brusset B.
Psychopathologie de l'anorexie mentale. Paris : Dunod, 1998,
p.2.
* 14 Cf. Jeammet Ph.
L'anorexie mentale. Paris : Doin Editeurs, 1985, p. 3.
* 15 Ibid., p. 3.
* 16 Kestemberg E.,
Kestemberg J., Decobert S. (1972) La faim et le corps. Une
étude psychanalytique de l'anorexie mentale. Paris : PUF,
1983, p. 14.
17 Ibid., p. 32.
* 18 Bruch H. Les yeux et
le ventre : l'obèses, l'anorexique et moi dedans. Paris :
Payot, 1975.
* 19 Bruch H. Conversations
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* 20 Orbach S. «
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* 22 Slade P. «
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* 23 Cf. Fuso S.
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* 24 Garner D.M., Bmis K.M.
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* 25 Garner D.M. «
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* 26 Vitousek B.K., Ewald
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* 27 Apfelbaum-Igoin L.,
Ceulemans V., Charlier D. et al. Cahiers critiques de thérapie
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« Structures des dépressions chroniques et latentes,
XXIème Congrès international de Psychanalyse
». Copenhague, juillet 1959, Rev. Fr. Psychanal., 1961, 4-5-6.
* 45 Cf. Kestemberg E.,
Kestemberg J., Decobert S. (1972) La faim et le corps. Une
étude psychanalytique de l'anorexie mentale. Paris : PUF,
1983, p. 14.
46Ibid., p. 38.
* 47 Cantwell D.P.,
Sturzenberger S. et Coll. « Anorexia nervosa. An affective
disorder ? ». Arch. Gen. Psychiatr., 1977, 34, n° 9, p. 1087 -
1093 ; Winokur A., March V. et Mendels J. « Primary
affective disorder in relatives of patients with anorexia nervosa ».
Am. J. Psychiatry, juin 1980, 137, 6, p.695-698.
* 48 Corcos M. Le corps
insoumis, Psychopathologie des troubles des conduites alimentaires.
Paris : Dunod, 2005, p. 17.
* 49 Corcos M., Loas G.,
Flament M. et al. « Risk factors for addictive disorders ».
Am / Psychiatry, 2001.
* 50 Jeammet Ph. L'anorexie
mentale. Paris : Doin Editeurs, 1985, p. 52.
* 51 Porot M.
« L'anorexie mentale : protestation et
dépression ». Sem. Hôp. Paris, 1981, 57, n°
43-44, p.1837-1840 ; Dugas M., Gueriot C., Julien P. « Les
moments dépressifs de l'anorexie mentale », Ann.
Méd. Interne 1973, 124, 7, p. 858-859.
* 52 Voir paragraphe 3.
* 53 Kestemberg E.,
Kestemberg J., Decobert S. (1972) La faim et le corps. Une
étude psychanalytique de l'anorexie mentale. Paris : PUF,
1983.
* 54 Nicolle G. «
Prepsychotic anorexia ». Proc. Roy. Soc. Med., 1938, 3, p.
1-15.
* 55 Meng H. Psyche
und Hormon. Berne : Hans Huber, 1944.
* 56 S. Palazzoli propose
cette élaboration en 1963 en s'appuyant sur les travaux de M. Klein et
Fairbairn. Elle maintient cette position lorsqu'elle s'oriente vers les
thérapies familiales systémiques : Selvini-Palazzoli M.
« La famille de l'anorexique et la famille du
schizophrène. Une étude transactionnelle ».
Actualité psychiatrique, 1982, 12, p. 15-25.
* 57 Corcos M. Le corps
insoumis. Psychopathologie des troubles des conduits alimentaires.
Paris : Dunod, 2005, p.14.
* 58 Jeammet Ph.,
« Vers une clinique de la dépendance. Approche
psychanalytique » in Padieu U. et al. Dépendance et
conduite de consommation. Questions en santé pyblique, Inercomissions
Inserm. Paris : Les Editions Inserm, 1997, pp. 33-56 ; Jeammet
Ph., Corcos M., Evolution des problématiques adolescentes. La
dépendance et ses aménagements. Paris : Doin, 1999.
* 59 Jeammet Ph.
« Vers une clinique de la dépendance. Approche
psychanalytique ». in Padieu R. et al. Dépendance et
conduites de consommation. Questions en santé publique. Intercomissions
Inserm. Paris : Les Editions Inserm, 1997.
* 60 1929-1930 et 1930-1931.
* 61 Wallon H. Les
origines du caractère chez l'enfant. Les préludes du sentiment de
personnalité. Paris : PUF, 1949.
* 62 Wallon H.
« Comment se développe chez l'enfant la notion du corps
propre ». J Psychol. Paris, 1931, 28, p. 705-748.
* 63 Gallagher S.,
Buttervworth G.E., Lew A., Cole J. « Hand-mout coordination,
congenital absence of limb, and evidence for innate body schemas ».
Brain Cogn, 1998, 38, p. 53-65; Melzack R. « Phanton limbs and the
concept of a neuromatrix ». Trends Neurosci, 1990, 13, p. 88-92.
* 64 Ramachandran V.S.,
Hirstein W. « The perception of phantom limbs ». The D.O.
Hebb lecture. Brain, 1998, 121, p. 1603-30.
* 65 Schilder P. L'image du
corps. Paris : Gallimard, 1968.
* 66 Lhermitte J.
« L'image de notre corps ». Paris :
Harmattan, 1998.
* 67 Lacan J., Le titre de
l'intervention est « The looking-glas phase » qui
apparaît dans la revue officielle de l'I.P.A., l'Internaional
Psychoanalytic Association, tome I, p. 115, mais le contenu n'y
apparaît pas. L'unique source d'information disponible sur ce travail
sont les notes prises par Françoise Dolto lors d'un exposé
préliminaire que fit Lacan à Paris, devant les membres de la
Société Psychanalytique de Paris. Cf. Le Gaufey G. Le lasso
spéculaire. Une étude traversière de l'unité
imaginaire. Paris : E.P.E.L., 1997.
* 68 Lacan J.(1948)
« Le stade du miroir comme formateur du je telle qu'elle nous est
révélée dans l'expérience
psychanalytique » in : Ecrit, Paris : Seuil,
édition en poche, 1966, p. 92-99.
* 69 Köhler W. The
mentality of apes, Routledge and Kegan. London : Paul, 1925, trad.It.
« L'intelligenza nelle scimmie antropoidi ». Firenze :
Giunti Barbera, 1961.
* 70 Lacan J. (1949)
« L'agressivité en psychanalyse » in :
Ecrits, Paris : Seuil, édition en poche, 1999, p. 112.
* 71 Freud S. (1914)
« Pour introduction au narcissisme » in : La vie
sexuelle. Paris : PUF, 1969, p. 81-105.
* 72 Thibierge S., Morin C.
« L'image du cors en neurologie : de la
cénesthésie à l'image spéculaire. Apports cliniques
et théoriques de la psychanalyse ». Evol. Psychitr.,
2004, 69, p. 417-430.
* 73 Ramachandran V.S.,
Hirstein W . « The perception of phantom limbs».
The D.O. Hebb lecture, Brain, 1998, 121, p. 1603-30.
* 74 Lacan
J. (1955-1956) Le séminaire. Le moi dans la théorie de
Freud et dans la technique de la psychanalyse. Paris : Seuil, 1978.
* 75 Lacan J. (1960-1961)
Le Séminaire VIII. Le transfert. Paris : Seuil, 1991.
* 76 Lacan J. (1961) Les
séminaire IX. L'identification. Séminaire inédit. Cf.
Safouan M. Lacaniana. Les séminaires de Jacques Lacan.
Paris : Fayard, 2001, p. 185-230 ; Dor J. Introduction
à la lecture de Lacan. Paris : Denoël, 2002,
p.372-381.
* 77 Selvini-Palazzoli M.
L'Anoressia mentale. Dalla terapia individuale alla terapia familiare.
Milano : Feltrinelli, 1981.
* 78 Cf. Birreaux A. Le
corps adolescent. Paris : Bayard, 2004.
* 79 Freud S. (1905) Trois
essais sur la théorie de la sexualité. Paris :
Gallimard, 1987.
* 80 Dor J.
« Langage et communication dans la problématique
lacanienne des psychoses » in : Ladame F., Gutton P.,
Kalogerakis M. Psychoses et adolescence. Paris : Masson, 1989,
p.46-49.
* 81 Maleval J.C. La
forclusion du Nom-du-Père. Le concept et la clinique. Paris :
Seuil, 2000, p.285.
* 82 du grec prosopon =
visage
* 83 Denes G., Pizzamiglio
et al. (1990) Normalità et patologia dei processi cognitivi,
Bologna : Zanichelli, 2000, p. 520-521.
* 84 Cf. Sacks O. (1985)
L'homme qui prenait sa femme pour un chapeau. Paris : Editions du
Seuil, 1992.
* 85 Thibierge S.
Pathologies de l'image du corps. Etude des troubles de la reconnaissance et
de la nomination en psychopathologie. Paris : PUF, 1999, p. 189.
* 86 Freud S. (1901)
Psychopathologie de la vie quotidienne. Paris : Payot, 1967.
* 87 Thibierge S.
Pathologies de l'image du corps. Etude des troubles de la reconnaissance et
de la nomination en psychopathologie. Paris : PUF, 1999, p. 189.
* 88 Thibierge S.
Pathologies de l'image du corps. Etude des troubles de la reconnaissance et
de la nomination en psychopathologie. Paris : PUF, 1999, p.
189-190.
* 89 Capgras J., Lucchini
P., Schiff P. « Du sentiment d'étrangeté à
l'illusion des sosies ». Bull. sco. clin. méd. ment.,
décembre 1924, p. 210-217.
* 90 Courbon P., Fail G.
« Syndrome d'illusion de Frégoli et
schizophrénie ». Bull. Soc. clin. méd. ment.,
1927, 5-6-7, p. 121-125.
* 91 Vié J.
« Un trouble de l'identification des personnes : l'illusion
des sosies », Ann. méd.-psych., 1930, t. I, p.
214-237.
* 92 Janet P.
« L'hallucination dans le délire de
persécution », Revue philosophique, 1932, janvier
à juin, p. 61-98 et 279-331 ; « Les sentiments dans
le délire de persécution ». Journal de
psychologie, 1932, mars-avril, p. 161-241 et mai-juin, p. 401-461.
* 93 Thibierge S.
Pathologies de l'image du corps. Etude des troubles de la reconnaissance et
de la nomination en psychopathologie. Paris : PUF, 1999, p. 64-65.
* 94 Nasio J.-D. Mon corps
et ses images. Paris : Payot, 2007.
* 95 Freud S. (1894)
« Les psychonévroses de défense »
in : Névrose, psychose et perversion, Paris : PUF,
1973, p. 1-14.
* 96 Freud S. (1892-1895)
Etudes sur l'hystérie. Paris : PUF, 1967, p. 245.
* 97 La conscience morale
est « la perception interne du rejet de certains désirs
que nous éprouvons, étant bien entendu que ce rejet n'a pas
besoin d'invoquer des raisons quelconques, qu'il est sûr de
lui-même », Freud S. (1912-1913) Totem et tabou.
Paris : Payot, 1986, p. 82.
* 98 Freud S. Cinq
psychanalyses. Paris : PUF, 1954.
* 99 Freud S. (1925)
« La négation » in OEuvre
complètes. Vol. XVII, Paris : PUF, p. 165-171.
* 100 Laplanche J., Pontalis
J.-B. Vocabulaire de la psychanalyse. Paris : PUF, 1967,
p.164.
* 101 On trouve dans cette
acception le mot composé « Urteilsverwerfung » dont
Freud indique lui-même qu'il est synonyme de
« Verurteilung » qui signifie « jugement de
condamnation ».
* 102 Freud S. (1918)
« L'homme aux loups » in : Cinq
psychanalyses, Paris : PUF, 1995.
* 103 Lacan J. (1958-1959)
Le séminaire III. Les psychoses. Paris : Seuil, 1981.
* 104 Pour exemple, Melman
propose « une tentative de forclusion propre à cet âge
(adolescence) » : Melman Ch., « Une question
particulière du père à
l'adolescence ? », in Clinique psychanalytique.
Articles et communications. 1973-1990, publication de
l'Association freudienne, Paris : Grenoble, 1991, p. 193 ; J.-D.Nasio
propose « une forclusion locale » in : Les yeux de
Laure. Transfert, objet a et topologie dans la théorie de J. Lacan.
Paris : Fammarion,1987.
* 105 Voir le paragraphe 4.4
du premier chapitre de notre travail.
* 106 Vincent T. (2000)
L'anorexie. Paris : Odil Jacob, 2006.
* 107 Nasio J.-D.
L'hystérie ou l'enfant magnifique de la psychanalyse.
Paris : Payot, 1995, p.15.
* 108 Gordon R. A.
Anorexie et boulimie, anatomie d'une épidémie sociale.
Paris : Stock, 1992.
* 109 Vincent T. (2000)
L'anorexie. Paris : Odil Jacob, 2006.
* 110 Brown P. Le
Renoncement à la chair. trad. Dauzat P-E. et Jacob C., Paris :
Gallimard, 1988.
* 111 Vincent T. (2000)
L'anorexie. Paris : Odil Jacob, 2006, p. 161-162.
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