L'irruption de l'imaginaire dans le débat
politique
Au coeur du texte du projet de loi relatif à
l'immigration à l'intégration transparaît une
représentation imaginaire menant à une division dans la
perception des immigrés. De ce fait, deux catégories principales
distinctes existent dans l'espace symbolique : les immigrés
occidentaux ou communautaires et les immigrés de pays pauvres demandeurs
du droit d'asile. Pour ce cas précis, nous rejoignons Maria Jarymowicz
dont nous avons précédemment évoqué la teneur des
travaux. Ainsi l'endogroupe national se construit sous la forme du rejet d'un
exogroupe, celui des immigrés non européens. Cette
altérité est atténuée par la présence
d'immigrés communautaires qui apparaissent ici comme une
médiation entre un « Nous » et un
« Eux ». Ainsi, la parole symbolique de la loi a
institué dans le réel les immigrés communautaires
grâce à un statut particulier qui sanctionne le partage d'un
ensemble de pratiques permettant de se retrouver autour d'une identité
supérieure. C'est une médiation culturelle qui apparaît
dans cette interprétation comme le plus petit dénominateur commun
entre des fragments d'une pratique symbolique nationale avec des
éléments de pratiques européennes.
A propos du droit de vote, il est apparu au sein du Palais
Bourbon un ensemble de discours montrant parfaitement la difficulté du
statut intermédiaire des étrangers européens. Lorsque
Noël Mamère (Les Verts) propose de donner le droit de vote à
tous les étrangers, le rapporteur de la commission de lois Thierry
Mariani (UMP) formule la réponse suivante :
« Je reste pour ma part attaché au fait que
le droit de vote soit lié à la nationalité.
Monsieur Mamère, vous avez raison de souligner qu'il y
a une inégalité de traitement entre les étrangers, mais
n'oubliez pas que, pour les étrangers européens, il existe un
droit de réciprocité, ce qui n'est pas le cas pour les
autres ».
Ce à quoi Jean-Christophe Lagarde (UDF)
répond :
« Il est au moins un point sur lequel je serai
d'accord avec M. Mamère, celui concernant les citoyens
communautaires, lesquels ne devraient d'ailleurs pas, selon moi, être
qualifiés d'étrangers puisque nous avons choisi de créer
une citoyenneté de l'Union européenne. Les citoyens
communautaires sont dans une situation à la fois absurde et
scandaleuse : ils ne peuvent voter que pour deux élections, les
municipales et les européennes, et ils peuvent remplir des fonctions
électives dans les conseils municipaux sans pouvoir être maires
adjoints.[...] Je suis donc favorable, monsieur Mamère, et je tenais
à préciser ce point, à l'idée de donner aux
citoyens communautaires vivant dans notre pays un droit de vote complet, sans
restrictions.
En revanche, pour les étrangers non communautaires, il
faut revenir à la notion de citoyenneté. M. Braouezec vient
de dire que cette notion pouvait être découplée de la
nationalité ».
Enfin le député Eric Raoult (UMP), élu en
Seine-Saint-Denis, se satisfait de l'adoption d'une mesure favorisant les
étrangers communautaires en s'exprimant ainsi :
« Cette carte de séjour spécifique
constitue une innovation qui va permettre de mener de front la bataille de
l'intégration et la bataille de l'emploi. Nous ne pouvons que saluer
cette initiative car, chers collègues, comme tous mes compatriotes, je
préfère en effet le plombier polonais aux marabouts et autres
laveurs de carreaux ».
A la vue de ces interventions, il apparaît que le statut
de l'exogroupe permet de reformuler une définition de la
nationalité. En outre, on assiste ici à la mise en exergue d'une
conception occidentale de l'immigration. L'ouverture d'une discussion sur
l'inégalité de statut entre étrangers renvoie ceux qui ne
font pas partie du rang intermédiaire à une catégorie
secondaire, d'autant que le message qui leur est alors renvoyé porte sur
un partage de valeurs. Cela a pour conséquence de placer le rapport
à l'autre dans une hiérarchie sur la base de la
nationalité.
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