Université de Nantes U.F.R. de
Psychologie
FAUX SOUVENIRS ET PROFONDEUR DE
TRAITEMENT
Mémoire de Master 1 en Psychologie
Cognitive
Maraccino Laure
22 Mai 2007
Directeur de Mémoire : Corson Yves
Second membre du jury : Colombel Fabienne
RESUME
Dix listes de quinze mots sémantiquement liés
entre eux sont présentées à des sujets. Chaque liste est
associée à un leurre critique. Nous avons fait varier un encodage
superficiel, profond, et de génération afin d'en observer les
effets sur la récupération. Cependant on ne remarque aucune
différence significative entre les rappels de leurres, bien que la
tendance présente un taux moins élevé en condition
profonde par rapport aux deux autres. Ce résultat, opposé aux
hypothèses de départ, indique que le processus de
distinctivité est ici central. Ce processus explique en effet les
résultats quant aux rappels de leurres ; cependant, afin de
déterminer le moment où se forment les faux souvenirs, une
étude exploratoire sera ensuite effectuée avec pour tâche
de récupération une condition d'inclusion.
TABLE DES MATIERES
RESUME p2
INTRODUCTION p.5
PARTIE THEORIQUE p.7
La mémoire sémantique p.7
Les prémices théoriques des faux souvenirs
p.8
Le paradigme DRM p.8
Les niveaux de traitement p.9
Modalités de présentation des items
p.13
A Présentation visuelle vs auditive
p.13
A Temps de présentation
p.14
La distinctivité p.14
Définition p.14
La source de l'information p.15
Les processus d'activation et de monitoring
p.16
La spécificité de l'encodage
p.17
La génération p.17
EXPERIENCE p.19
Problématique p.19
Hypothèse générale
p.19
Hypothèses opérationnelles
p.19
Méthode p.20
Participants p.20
Variables p.20
Plan de l'expérience p.20
Matériel et Procédure
p.20
Résultats p.21
Discussion des résultats p.22
ÉTUDE EXPLORATOIRE p.26
Méthode p.27
Participants p.27
Variables p.27
Plan de l'expérience p.27
Matériel et procédure
p.28
Résultats p.28
Comparaison planifiée p.30
Discussion des résultats p.33
DISCUSSION GENERALE p.35
BIBLIOGRAPHIE p.39
INTRODUCTION
Depuis des décennies, les travaux sur la mémoire
sémantique ont surtout porté sur ses succès. Afin de
mesurer ses capacités, certains chercheurs se servaient de tâches
d'apprentissage présentées sous forme de listes de mots. Or,
seuls les mots correctement rappelés importaient. Ceux qui ne figuraient
pas dans la liste étaient considérés comme des
échecs.
Cependant, certains chercheurs ont commencé à
s'y intéresser. Parmi eux, Deese (1959, cité par Méric,
2003) a constaté que lors d'un rappel de mots, d'autres concepts
considérés comme intrus étaient restitués. Il en
déduisit qu'ils étaient implicitement associés en
mémoire. Les échecs seraient donc porteurs de sens et à ce
titre méritent qu'on s'y attarde.
Le domaine des faux souvenirs soulève un vif
intérêt depuis quelques années, et de fait, présente
un large éventail de recherches portant sur leur origine et leurs
effets.
Roediger et McDermott, par exemple, s'interrogent sur la
formation des faux souvenirs. En 1995, s'appuyant sur les travaux de Deese, ils
élaborent le paradigme DRM (pour Deese-Roediger-McDermott) qui permet
leur création en laboratoire. Ce paradigme qui a l'avantage de minimiser
les contraintes en terme de temps et de matériel, va contribuer à
l'élaboration d'une multitude de recherches.
L'étude suivante a pour objectif de déterminer
les effets de l'encodage sur la création de faux souvenirs en utilisant
le paradigme DRM.
Après une explication brève de ce qu'est la
mémoire sémantique, seront présentés les
prémices théoriques des faux souvenirs, puis le paradigme DRM. Il
sera ensuite traité de différentes études sur les faux
souvenirs : des effets du niveau de traitement et des différents types
d'encodage permettant de faire varier la propagation de l'activation en
mémoire et donc l'apparition des faux souvenirs, ainsi que
différentes recherches portant sur les processus de distinctivité
et de source monitoring.
Notre expérience consiste à observer les effets
de différents encodages sur les faux rappels. Une étude
exploratoire effectuée sur la base de la condition d'inclusion nous
permettra de mettre en évidence la complexité des effets
d'encodage sur le rappel de mots et de leurres. Après une analyse
comparative des deux expériences, une discussion générale
mettra en relation l'expérience principale avec d'autres recherches
antérieures, et en évidence la difficulté que pose
l'inclusion dans l'étude des faux souvenirs.
PARTIE THEORIQUE
La mémoire sémantique
La mémoire est composée d'un ensemble de
registres ayant chacun un rôle spécifique et permettant le
stockage d'informations. On y trouve la mémoire épisodique qui
correspond à la mémoire autobiographique, celle des connaissances
individuelles, ou encore la mémoire procédurale qui concerne les
savoir faire, la routine, les procédures.
Est également incluse, la mémoire
sémantique dont cette étude fait l'objet. Elle concerne les
connaissances liées au langage et détermine la signification et
le sens des mots. Elle est conceptuelle et stabilisée en mémoire
à long terme.
La mémoire sémantique a été
expliquée par le modèle de réseaux (Collins & Loftus,
1975). Ce modèle la décrit comme une structure constituée
de noeuds stockant la signification des concepts, et de liens les reliant entre
eux. Elle est présentée sous forme hiérarchique et
fonctionne grâce à la propagation de l'activation : à
partir d'un item ; associés à celui-ci d'autres concepts vont
s'activer et se propager dans tout le réseau sémantique.
Cette notion d'activation est l'un des processus
utilisés dans l'étude des faux souvenirs, avec le monitoring :
- l'activation : à la présentation d'une liste
de mots, chaque item active en mémoire des concepts voisins. Ce
processus correspond à la phase d'encodage.
- le monitoring : lors de la récupération, le
sujet fait appel à un processus de décision afin de savoir si
l'item qui lui vient à l'esprit a bien été perçu.
Il s'agit de discriminer le mot qui a juste été activé en
mémoire de celui faisant partie de la liste au moment de l'encodage.
Ce sont les deux processus clés dans l'étude des
faux souvenirs et de leur création.
Les prémices théoriques des faux
souvenirs
Deese (1959, cité par Méric, 2003) a
montré que le degré d'association en mémoire est un
déterminant des faux souvenirs. En effet, les intrusions apparaissant
dans les listes de rappels sont prévisibles selon la fréquence
associative existante entre les mots présentés et les mots
intrus. La relation plus ou moins forte entre ces deux types de mot
déterminerait donc la présence dans les rappels de mots ne
faisant pas partie de la liste d'apprentissage.
La première hypothèse explicative des faux
souvenirs est entreprise par Underwood en 1965 (cité par Méric,
2003). Il se base sur la diffusion de l'activation en mémoire et sur les
processus d'association pour élaborer le modèle I.A.R. (Implicite
Associative Response). Selon lui, à la présentation d'un item,
deux types de réponses sont mis en jeu : la réponse
représentationnelle (RR) de l'item, et la réponse implicite
associative (IAR) qui en découle. Cette dernière est
générée de façon inconsciente. Au moment de
l'encodage, le sujet activerait implicitement un concept associé
à cet item. Lors de la récupération il reconnaîtrait
ou rappellerait cet associé précédemment activé. La
correspondance entre les deux types de réponse provoque effectivement
des confusions en mémoire. Par la suite Ayers et Reder (1998)
élaboreront un autre modèle à partir de celui-ci : le
modèle S.A.C. (Source of Activation Confusion) fondé sur le
traditionnel modèle associationniste. Le degré d'activation d'un
item et le nombre de fois qu'il a été activé augmente la
proportion d'associations dans le réseau et a donc pour
conséquence une meilleure récupération de cet item.
L'utilisation du paradigme DRM va permettre à un
certain nombre de chercheurs d'aller plus avant dans la concrétisation
des approches théoriques sur les faux souvenirs.
Le paradigme DRM
Les faux souvenirs sont soit des distorsions de
l'expérience réelle, soit des souvenirs
d'événements qui ne se sont jamais produits (Roediger &
McDermott,
1995). Ces distorsions peuvent provenir d'une source externe
(croyances, opinions, etc.) ou d'une source interne.
En s'appuyant sur les travaux de Deese (1959), Roediger et
McDermott (1995) développent un paradigme qui génère des
faux souvenirs.
Le paradigme DRM consiste à apprendre des listes de 15
mots associés à un mot non présenté dans la liste
(le leurre critique). Par exemple, la liste d'items associés au leurre
critique sleep, présentera des mots tels que bed, rest,
awake, tired, dream, etc., le premier mot de la liste étant le plus
fort associé. Les résultats montrent des rappels avoisinant les
65% pour les mots étudiés. Les leurres critiques, soumis à
une grande variabilité interindividuelle sont quant à eux
récupérés de 10 à 70%.
Ils observent des résultats similaires en ce qui
concerne la reconnaissance.
Selon plusieurs auteurs, le rappel ou la reconnaissance de
leurres viendrait d'une difficulté à identifier la source, d'une
erreur d'attribution : les sujets pensent que le mot fait partie de la liste
alors que c'est lui qui l'a généré (Brédart, 2000,
cité par Brédart & Van der Linden, 2004 ; Hicks & Marsh,
1999).
Ainsi, une multitude d'études ont émergé,
mettant principalement en avant les effets de la propagation de l'activation
sur les faux souvenirs, via la manipulation des niveaux de traitements.
Les niveaux de traitement
Les niveaux de traitement ont été mis en
évidence par Craik et Lockhart, en 1972 (cités par Rhodes &
Anastasi, 2000). Ils suggèrent qu'à partir d'un apprentissage de
mots, ce qui est retenu est une sorte de trace laissée par les processus
de traitement, plutôt qu'un item stocké en mémoire. Cette
trace serait utilisée comme une source d'indice à propos de
l'item traité.
Les auteurs émettent l'hypothèse d'un continuum
dans le traitement. Il débuterait à un niveau superficiel pour
évoluer et s'approfondir de plus en plus. Leur théorie
énonce que plus le traitement de l'information est exploité, plus
les traces
mnésiques sont durables. La mémorisation est
bien meilleure comparativement aux traitements superficiels.
Lors d'une épreuve de rappel, les sujets restitueraient
donc plus facilement les items avec un traitement profond (analyse
sémantique), par rapport à un traitement peu profond (simple
analyse physique ou phonologique).
Pour illustrer cette hypothèse, ils présentent
des paires de mots en utilisant trois types d'encodage : superficiel,
intermédiaire, et profond. L'apprentissage en traitement superficiel
consiste à effectuer un encodage physique du stimulus en
détectant le nombre d'apparitions de la lettre « o ». Le
traitement intermédiaire est un encodage phonétique du stimulus.
Le sujet doit évaluer le degré de ressemblance phonétique
entre les deux termes. Enfin, concernant le traitement profond, il s'agit
d'effectuer un encodage sémantique du stimulus.
Les résultats indiquent un meilleur rappel des mots
pour l'encodage sémantique : le traitement profond des items
présentés provoquerait donc une meilleure mémorisation.
Les notions de propagation d'activation et de niveaux de
traitement ont été étendues au domaine des faux souvenirs.
L'hypothèse principale suggère que l'augmentation de la
propagation d'activation en mémoire accroît la mémorisation
et la probabilité de création de faux souvenirs.
En effet, Toglia, Neuschatz et Goodwin (1999) comparent deux
types de jugement lors d'un encodage : un jugement sémantique (la
tâche de pleasantness qui consiste à évaluer sur une
échelle de 1 à 5 le taux d'agréabilité de l'item)
et un jugement non sémantique (le mot contient-il la lettre « a
» ?). Lors de la récupération, après un jugement
sémantique des mots, ils observent une augmentation du rappel des items
présentés ainsi que des faux souvenirs.
Rhodes et Anastasi (2000) cherchent à déterminer
quelle approche est mise en jeu dans la création de faux souvenirs. Ils
comparent l'approche des niveaux de traitement (levels-of-processing approach)
à celle fondée sur l'activation (activation-based approach).
L'approche des niveaux de traitement prédit un meilleur rappel des items
de la liste et moins de faux souvenirs en condition profonde car la
mémorisation en est plus précise. L'approche basée sur
l'activation, quant à elle, prédit certes une meilleure
mémorisation des items, mais plus de faux souvenirs,
venant d'un processus relationnel plus important.
Pour vérifier laquelle de ces approches est
opérante, ils font deux expériences avec, pour encodage
superficiel, le compte du nombre de voyelles de chaque mot. Quant à
l'encodage profond, il fait appel à un jugement de concrétude et
d'abstraction dans la première expérience et à une
tâche de catégorisation dans la deuxième.
Les résultats indiquent pour les deux
expériences une supériorité de rappel d'items
présentés et critiques pour les deux encodages profonds qui
s'explique par une plus grande activation des items et de leurres
associés lors de ce type de traitement. Il semble donc que ce soit
l'approche basée sur l'activation qui est ici mise en jeu.
Thapar et McDermott (2001) comparent un encodage superficiel
(déterminer le nombre de voyelles de chaque item) et un encodage de type
pleasantness. Ils observent des résultats identiques à ceux
trouvés dans les expériences précédentes : une
augmentation de rappel de mots effectivement présentés et de
leurres en condition profonde.
Ces expériences nous indiquent clairement qu'un
traitement sémantique, en plus d'augmenter le taux de rappels de mots
présentés, provoque une meilleure probabilité de faux
rappels qu'un traitement superficiel. Cependant d'autres auteurs vont mettre en
évidence une absence d'effet de la profondeur sur les faux souvenirs.
Read (1996, cité par Tussing & Greene, 1997) fait
varier deux mécanismes de répétition pour l'apprentissage
et la mémorisation : la répétition de maintenance («
maintenance rehearsal ») qui garde les informations actives en
mémoire, et la répétition élaborée («
elaborative rehearsal ») qui permet un traitement plus profond. Il a pour
objectif d'établir une relation entre les niveaux de traitement et les
faux souvenirs. Pour ce faire, il utilise trois conditions : le rappel des mots
dans l'ordre, la répétition de maintenance et la
répétition élaborée. La condition
d'élaboration faisant appel à un niveau de traitement plus
profond que celle de maintenance, on s'attend à une différence
dans le rappel des leurres. Les deux conditions de répétition
dénotent bien un nombre supérieur de reconnaissance de leurres
que la condition standard. Cependant, les conditions de maintenance et
d'élaboration ont un taux équivalent de rappel de leurres.
Read en déduit que les processus sémantiques
demandant un traitement profond ne sont pas nécessaires à la
production de faux souvenirs. Tussing et Greene (1997) comparent la
pleasantness à une condition superficielle, où le sujet doit
déterminer si la première lettre de l'item présenté
est une voyelle et une condition intermédiaire, qui consiste à
compter le nombre de lettres de chaque item. Ils observent un taux plus
élevé de reconnaissance des leurres pour les traitements
superficiels et profonds. Malgré leur différence d'encodage, ces
deux conditions présentent des taux similaires de rappel de leurres.
Newstead et Newstead (1998) n'ont également
observé aucune différence significative des niveaux de traitement
sur les faux souvenirs, contrairement aux listes de mots. Ils comparent un
groupe contrôle de rappel à quatre autres groupes :
- (1) penser à la signification de chaque item
(elaboration group)
- (2) relier chaque item à l'expérience
personnelle (personal experience group)
- (3) créer des images mentales (imagery
group)
- (4) former des phrases avec les mots (chaining
group)
Ils observent un taux supérieur de rappel correct des
mots pour les conditions d'élaboration de la signification et de
formation de phrases par rapport aux deux autres. Cependant les groupes formant
des images mentales et ceux faisant référence à leur
expérience personnelle présentent un taux équivalent de
rappel de mots présentés. Concernant le rappel de leurres, ils
n'observent pas de différence significative entre les groupes.
Le groupe d'élaboration et celui de formation de
phrases n'ont donc pas d'influence sur les faux souvenirs mais affectent le
rappel de mots présentés. La précision d'un encodage
semble améliorer la discrimination des items perçus de ceux
simplement pensés. Ainsi, lorsque l'on pense à la signification
de chaque item ou lorsque l'on construit une phrase à partir de
celui-ci, on augmente la probabilité d'une meilleure
récupération tout en évitant une augmentation de rappel de
leurres. L'utilisation des formations de phrases, pour s'aider à
mémoriser les mots, semble diminuer largement le rappel de leurres
(Bower & Clark, 1969, cités par Newstead & Newstead, 1998).
Ainsi, Newstead et Newstead n'observent pas d'influence des
conditions expérimentales sur les faux souvenirs. Ceux-ci
présentent des proportions similaires aux rappels du groupe
contrôle.
Nous avons pu voir que les expériences de Read, Tussing
et Greene, et Newstead et Newstead montrent qu'un traitement sémantique
n'est pas nécessaire à la formation des faux souvenirs.
La question se pose alors au niveau des
expérimentations et des types de variables utilisées. Sont-elles
efficaces ? Permettent-elles de déterminer de façon fiable la
manière dont se forment les souvenirs ?
Des recherches vont également être
effectuées dans les mêmes années et ultérieurement
en utilisant d'autres variables et conditions afin de mieux cerner le processus
de faux souvenirs.
Modalités de présentation des items
A Présentation visuelle vs auditive :
Différents travaux vont comparer les modalités
de présentation des items : présentation auditive versus
visuelle.
Smith et Hunt (1998) ont pour objectif de montrer les effets
des modalités auditives et visuelles sur les faux souvenirs.
Selon eux, l'activation des leurres se ferait dès la
phase d'encodage. Ainsi une modalité de présentation est plus ou
moins susceptible d'augmenter les probabilités de discriminer les
leurres des items présentés.
Ils font l'hypothèse que la présentation
visuelle permettrait une meilleure discrimination des leurres critiques et des
mots présentés. Ainsi, un traitement visuel de l'information
entraînerait moins de faux rappels que la condition auditive grâce
à une meilleure distinctivité. Ils observent dans leur
expérience un moindre rappel de leurres en condition visuelle par
rapport à la condition auditive, mais aucune différence entre les
deux pour les mots présentés. Cette expérience confirme
leur hypothèse selon laquelle une présentation visuelle des items
provoquerait une meilleure discrimination qu'une présentation auditive.
Cette modalité augmente l'habileté des sujets à distinguer
les concepts activés pendant la phase d'encodage des items effectivement
présentés.
A Temps de présentation
Toglia et Neuschatz (1996) dans leur expérience
manipulent, non pas les niveaux de traitement, mais les temps de
présentation de chaque mot. Ils montrent qu'une présentation
rapide (une seconde) mène à un degré plus important de
faux rappels qu'une présentation lente (quatre secondes).
McDermott et Watson (2001) utilisent également des
durées de présentation de 20, 250, 1000, 3000, ou 5000
millisecondes par mot. Ils observent une variation des faux rappels en fonction
de la durée de présentation du matériel. Le rappel de
leurres augmente avec l'augmentation de la durée de présentation
quand les durées sont courtes (20 à 250 ms) puis diminuent avec
l'augmentation de la durée de présentation, quand les
durées sont plus longues (1000 à 5000 ms). En outre, plus la
durée de présentation est longue, plus le rappel correct des mots
augmente.
La distinctivité
Définition :
La distinctivité est l'attribution d'une
caractéristique spécifique à un item lors de l'encodage,
permettant de le distinguer des autres items. Ce processus permet une meilleure
discrimination du leurre lors de la récupération.
Dans le paradigme DRM, le processus de distinctivité
donne la possibilité de déterminer si le mot qui nous vient
à l'esprit a bien été perçu ou seulement
activé en mémoi re.
La source de l'information :
Plusieurs auteurs se sont penchés sur les processus
d'activation et de monitoring, essayant ainsi de déterminer le moment
critique où se forment les faux souvenirs.
Récupérer la source d'une information vient de
notre capacité à distinguer les souvenirs des productions
imaginaires. Les individus se servent généralement
d'informations contextuelles pour faire la distinction.
L'expérience de Loftus, Miller et Burns (1978) la
« misinformation effect » teste l'effet de la suggestion d'une
information nouvelle erronée. Une situation complexe est
présentée à des sujets divisés en deux groupes : un
groupe contrôle et un groupe expérimental. Le groupe
contrôle se voit poser une question concernant la situation réelle
exposée, tandis que le groupe expérimental se voit poser une
question erronée par rapport à cette situation. Dans le
deuxième cas, certaines personnes seront convaincues de la
véracité de la réponse à la question trompeuse.
Selon Loftus, l'information nouvelle modifie ou détruit la trace de
l'information o rig i nale.
Lindsay et Johnson (1989) supposent, quant à eux, que
la trace d'un évènement original coexisterait avec celle d'une
information nouvelle erronée. Les sujets rappellent la mauvaise
information à la place de l'originale car ils ne peuvent pas identifier
celle qui correspond à la situation réelle. Les individus ont des
difficultés à différencier les sources des deux traces.
Plusieurs travaux vont d'ailleurs en ce sens, opposés à
l'hypothèse de Loftus (Bekerian & Bowers, 1983 ; Bowers &
Bekerian, 1984, cités par Brédart, 2004).
Johnson, Hashtroudi et Lindsay (1993, cité par Hicks
& Marsh, 1999) distinguent les souvenirs d'évènements
externes des souvenirs d'évènements internes. Pour les premiers,
les détails perceptifs sont nombreux (visuels et auditifs), mais les
seconds, qui représentent les pensées ou encore les fantasmes,
contiennent peu d'éléments perceptifs.
Les informations perceptives et contextuelles sont
déterminantes pour l'attribution de la source à un
évènement. Ainsi, un souvenir généré
intérieurement peut se présenter comme réel s'il contient
beaucoup de détails perceptifs.
Par la suite, McDermott et Roediger (1998) étudient la
source, consciente ou inconsciente, de l'induction des faux souvenirs. Pour
eux, si le leurre vient inconsciemment à l'esprit lors de l'encodage,
cela suffirait pour induire un faux rappel ou une fausse reconnaissance des
mots. Cependant, s'ils sont consciemment activés lors de l'encodage,
leur rappel sera dû à une faille dans le processus de
monitoring.
Les processus d'activation et de monitoring :
Le fait que le leurre soit consciemment activé lors de
l'apprentissage des mots complique la discrimination. Ainsi, lorsque Anastasi,
Rhodes, Carter et Gaddy (1998, cités par Rhodes & Anastasi, 2000)
demandent aux sujets de nommer un associé pour chaque item
présenté en condition profonde, ils observent que les
participants commencent généralement leur rappel par le leurre,
c'est-à-dire le mot qu'ils avaient associé à l'item lors
de l'encodage. L'activation consciente du leurre au moment de l'apprentissage
conduit à plus de rappel de leurres. Le processus de monitoring, et donc
de distinctivité se trouvent compromis. Selon eux, les failles dans le
processus de monitoring sont génératrices de faux souvenirs.
Selon Hunt et Einstein (1981, cités par Storbeck et Clore,
2005) le processus d'activation peut se réaliser suivant deux types
d'encodage :
- l'encodage provoquant différentes relations à
d'autres concepts associés en mémoire (« relationnal
processing »). Il s'agit de la propagation de l'activation dans le
réseau sémantique.
- l'attribution de caractéristiques spécifiques de
l'item (« item-specific processing »), faisant appel à la
distinctivité.
Pour Roediger, Watson, McDermott et Gallo (2001), l'activation
du leurre critique ne mène pas forcément au rappel de celui-ci
lors de la récupération. Le processus de monitoring inhiberait
l'effet des faux souvenirs.
La structure Activation/Monitoring suggère que le
rappel de leurres lors de la récupération dépend aussi
bien de l'un comme de l'autre. Selon eux, l'activation et le monitoring sont
tous deux naturellement employés par les participants lors d'une
tâche de rappel ou de reconnaissance. Ils font cependant une distinction
entre le processus relationnel et le traitement spécifique de l'item. Ce
dernier mène à plus de souvenirs distinctifs, alors que le
processus relationnel augmente la probabilité de faux rappels, dû
à une plus grande activation en mémoire, et un nombre plus
important d'associations entre concepts.
La distinctivité mise en oeuvre lors du monitoring permet
de réduire la probabilité de rappel de leurres (Hege &
Dodson, 2004). Il s'agit non pas d'une
réduction de formation des leurres en mémoire, mais
d'une rétention efficace de ceux-ci grâce à une
stratégie de récupération.
La spécificité de l'encodage :
La spécificité d'un encodage permet une
meilleure distinctivité. Pour Israel et Schacter (1997) le traitement
d'images étant plus spécifique que celui des mots, la
distinctivité en est facilité. Ils observent un taux
élevé de rappel correct et moins important de rappel de leurres
avec un encodage imagé, par rapport à un encodage de mots.
En effet les détails perceptifs améliorent la
distinctivité : lorsque l'on demande à un sujet de
spécifier le degré des détails perceptifs des mots
présentés, on observe moins de rappel de leurres (Mather, Henkel
& Johnson, 1997 ; Norman & Schacter, 1997, cités par
Brédart, 2004).
Hege et Dodson (2004) remarquent que la distinctivité
contribue à une réduction des faux souvenirs lors d'un encodage
d'images. Selon eux, ce type d'encodage diminuerait la formation des
représentations en mémoire de stimuli associés aux images.
Cela faciliterait ainsi le processus de distinctivité à la
récupération en provoquant moins de fausses reconnaissances.
En outre, la distinctivité peut être
étudiée grâce à un encodage de
génération qui consiste à déterminer la lettre
manquante du mot présenté.
La génération :
Certaines études ont montré l'effet
bénéfique de la génération sur l'encodage de l'item
et l'activation en mémoire des concepts associés à
celui-ci. Ces concepts associés vont servir d'indices lors de la
récupération pour retrouver l'item correct (Soraci, Franks,
Bransford, Chechile, Belli, Carr, & Carlin, 1994, cités par Soraci
Carlin, Toglia, Chechile et Neuschatz, 2003 ; Soraci, Carlin, Chechile, Franks,
Wills, & Watanabe, 1999, cités par Soraci et al, 2003).
Soraci et al (2003) ont pour objectif
d'étudier la relation entre les faux souvenirs et le processus de
génération. Le but de leur étude est de déterminer
si l'encodage de génération améliore la
récupération des mots présentés sans
augmenter la reconnaissance ou le rappel de faux souvenirs.
Dans une épreuve de reconnaissance, ils opposent une condition de
lecture simple des mots à une condition de génération. Les
résultats mettent en évidence l'efficacité de l'encodage
de génération : ils observent un taux supérieur de
reconnaissance des items présentés par rapport à la
condition de lecture simple, et un taux équivalent de fausses
reconnaissances pour les deux encodages. Ils remarquent le même
résultat avec une épreuve de rappel.
De ces expériences, on remarque l'effet
bénéfique de la génération sur la rétention
n'engendrant pas pour autant une augmentation des faux souvenirs. En effet, une
accentuation du traitement spécifique des items et, par
conséquent de distinctivité, limiterait les faux souvenirs.
EXPERIENCE
Problématique :
Les différents travaux concernant les effets de la
profondeur de traitement sur la création des faux souvenirs sont aussi
divers que divergents en raison de leurs modalités de
présentation, de récupération ou de leurs
résultats.
Bien que la plupart de ces travaux confirment l'effet
croissant d'un traitement profond sur le rappel ou la reconnaissance et les
faux souvenirs, nombreux sont ceux qui observent des effets contraires selon le
type d'encodage.
Notre expérience consiste à déterminer la
condition privilégiée qui réduira les faux souvenirs.
Pour cela on testera les différentes modalités
d'encodage et de récupération en faisant varier le traitement
superficiel, profond, et de génération, avec une consigne de
rappel libre immédiat où l'activation et le monitoring sont
à contribution.
Hypothèse générale :
On peut supposer que les rappels de mots et de leurres varient en
fonction des types d'encodages. Ainsi, on s'attend à des effets de
l'encodage sur les faux souvenirs.
Hypothèses opérationnelles :
Un traitement superficiel des items devrait entraîner des
taux plus faibles de mots présentés et de faux souvenirs que le
traitement profond.
On s'attend à ce que l'encodage
génération provoque moins de faux rappels que l'encodage profond
et, de manière générale, à un taux
élevé de rappel de mots présentés.
Ce type de traitement mène en effet à une meilleure
distinctivité des items.
On devrait aussi observer un meilleur rappel de mots
présentés et plus de faux souvenirs à la suite d'un
traitement profond qu'avec les deux autres.
Cet encodage implique une plus grande activation des concepts
associés à ces items.
Méthode
Participants :
109 étudiants de psychologie de l'Université de
Nantes sont répartis en 3 groupes : - un groupe de 33 étudiants
pour l'encodage génération : GS
- un groupe de 33 étudiants pour l'encodage profond :
PS
- un groupe de 43 étudiants pour l'encodage superficiel :
SS
Variables :
- Encodage à 3 modalités : E3
· Superficiel : le sujet doit compter les voyelles du mot
présenté (il écrit un chiffre)
· Profond : le sujet doit évaluer la pleasantness du
mot présenté (il écrit un chiffre de 1 et 5)
· Génération : le sujet écrit la
lettre manquante du mot présenté
- Variable dépendante : M2
· Nombre de mots correctement rappelés
· Nombre de leurres rappelés
Les réponses lors de l'encodage et les rappels sont
reportées dans un livret.
Plan de l'expérience :
S<E3>*M2
Matériel et Procédure :
Pour cette expérience on utilise la procédure DRM
soit dix listes de quinze mots chacune. Ces listes sont établies
à partir de celles de Lieury (1976).
Chaque mot est présenté sur un écran
d'ordinateur à intervalle de 3 secondes. Les sujets ont pour consigne de
rappeler les mots présentés. Le rappel se fait à la fin de
chacune des 10 listes.
Résultats
Tableau 1 : Moyenne des résultats
des rappels des mots présentés et des leurres en fonction des
groupes d'encodage (génération ; profond ; superficiel) :
|
Mots Présentés
|
Leurres
|
|
Écart-types
|
Moyennes
|
Écart-types
|
Génération
|
57
|
7,05
|
21
|
16,91
|
Profond
|
63
|
8,51
|
16
|
18,68
|
Superficiel
|
55
|
8,44
|
21
|
15,37
|
|
40
20
70
60
50
30
10
0
Mots Présentés Leurres
Génération Profond Superficiel
D'après une analyse globale, on peut noter un forte
significativité du facteur Type de mots (F (1,106) = 359.58,
p < .00001), mais aucune du facteur Groupe (F (2,106) =
.18, p = .83). On remarque en outre une interaction significative
entre les Groupes d'encodage et les Types de mots : F (2,106) = 3.60,
p = .03.
Cela signifie que selon les groupes, la différence
entre les mots présentés et les leurres n'est pas la même.
En effet le type d'encodage a des effets différents selon qu'il s'agit
de leurres ou de mots présentés.
Concernant les mots présentés, on note un taux
plus important de rappel pour la condition profonde (m = 63) que pour
les deux autres conditions, qui semblent,
elles, plus ou moins équivalentes (m = 57
pour la génération et m = 55 pour le traitement
superficiel). Cette équivalence est confirmée par l'absence de
différence significative entre les deux encodages. Cependant, la
différence des rappels entre la condition profonde et les deux autres
est significative (F (1,106) = 15.57, p = .0001).
Concernant les leurres, on remarque un moindre taux de rappel
pour la condition profonde (m = 16) par rapport aux deux autres
(m = 21) qui sont ici aussi équivalentes. Cependant on ne
dénote pas de différence significative entre les trois types de
traitement. La tendance est la même que pour les mots
présentés : les mêmes effets sont observés pour les
traitements « Génération » et « Superficiel
».
Les encodages « Génération » et
« Superficiel » produisent les mêmes effets qu'il s'agisse de
mots présentés ou de leurres. L'encodage « profond »
améliore le souvenir des mots présentés sans augmenter
pour autant les faux souvenirs du leu rre.
Discussion des résultats
On observe une variation des résultats selon le type
d'encodage, à partir d'une simple épreuve de rappel.
Les résultats concernant le taux de rappel de mots
présentés confirment dans l'ensemble nos hypothèses.
Tout comme on l'avait supposé, un traitement profond
provoque une meilleure performance lors de la récupération par
rapport au traitement superficiel. En effet, cet encodage fait appel à
un traitement sémantique avec l'évaluation de la pleasantness. Il
donne lieu à une large propagation de l'activation en mémoire
sémantique de concepts associés au mot présenté.
Ces différents concepts activés servent d'indices lors de
l'épreuve de rappel, facilitant la récupération des mots
précédemment présentés.
L'encodage superficiel ne nécessite qu'un traitement
au niveau lexical (ici compter les voyelles du mot). Le traitement
n'étant pas profond il y a très peu
d'activation en mémoire. Lors du rappel, il reste peu
de traces mnésiques des mots présentés, rendant plus
difficile leur récupération en mémoire. Ceci explique le
moindre taux de rappel des mots avec ce type de traitement.
L'encodage génération fait appel au processus
de distinctivité. La focalisation sur la lettre manquante du mot permet
un traitement sémantique. En effet le participant, en recherchant cette
lettre, doit activer en mémoire le mot et donc son sens. La focalisation
sur ce concept permet un traitement sémantique de celui-ci mais limite
l'activation. Ainsi cet encodage favorise le rappel correct des items sans pour
autant augmenter la propagation de l'activation vers des concepts
associés. On suppose donc un moindre taux de rappel de leurres. Soraci
et al. (2003) observent avec ce type de traitement un taux
élevé de rappel de mots mais pas d'augmentation au niveau des
leurres (expérience 3). Ils expliquent leurs résultats par le
processus de distinctivité qu'occasionne la génération.
Cependant dans notre expérience l'encodage
génération ne provoque pas une meilleure
récupération des mots présentés. Au contraire le
taux de rappel est inférieur à celui du traitement profond. Il
est possible que cet d'encodage selon les sujets s'apparente davantage à
un traitement lexical. La focalisation de la voyelle manquante provoquerait un
traitement plus ou moins superficiel. On peut supposer que le participant ait
recours à un traitement automatique pour trouver la lettre, donnant une
moindre importance au sens du mot. Ainsi le taux de rappel de mots
présentés s'en trouverait affecté.
Les résultats du rappel de leurres, quant à
eux, ne confirment pas nos hypothèses de départ.
Du fait du traitement superficiel des mots, la propagation de
l'activation étant moindre, on s'attendait à un taux moins
élevé de rappel de leurres par rapport à l'encodage
sémantique. Nous supposions qu'une importante propagation en
mémoire lors d'un traitement profond induirait plus facilement les faux
souvenirs. Cependant on observe une tendance de rappel de leurres plus
élevée en condition superficielle par rapport au traitement
profond. Ce résultat est également observé avec la
génération : on supposait que ce traitement n'engendrerait pas
d'augmentation de rappels de leurres grâce au processus de
distinctivité ; pourtant on remarque une tendance identique à
celle du traitement superficiel par rapport à
l'encodage profond.
Ce résultat pourrait s'expliquer par l'activation du
leurre au moment du rappel, conséquence de la récupération
des mots associés. En effet, lorsque le participant rédige sa
liste de mots au moment du rappel, on peut supposer que le fait d'écrire
les items effectivement perçus et associés entre eux,
provoquerait l'activation du leurre en mémoire sémantique. Ainsi,
tout se passerait à la phase de récupération. En examinant
dans notre expérience la position du leurre dans les listes de
récupération, la tendance du rappel de leurres se trouve en fin
de liste.
Quelques études récentes se sont
intéressées à la force des relations associatives au sein
du matériel (Roediger & al, 2001). En dehors du fait qu'une
liste de mots est fortement associée au leurre critique, elle est
également composée de concepts fortement associés entre
eux. Dans le cas d'un traitement peu profond, le taux élevé de
rappel de leurres découlerait donc de l'activation en mémoire
provoquée lors de la récupération, par le rappel du sujet
lui-même.
La propagation de l'activation, lors d'un traitement profond,
des concepts associés aux mots présentés, a pour
conséquence une augmentation des rappels de leurres. Cependant on
observe l'effet inverse. Nous ne pouvons donc pas interpréter nos
résultats en terme de propagation d'activation, mais plutôt en
terme de distinctivité. En effet, un traitement différentiel lors
de l'encodage permet une meilleure discrimination entre les items
présentés et ceux qui ont été activés.
Ainsi, si le rappel de leurres ne se trouve pas augmenté c'est
grâce au processus de distinctivité : celui-ci ne réduit
pas leur formation en mémoire, mais cette stratégie de
récupération permet de les retenir.
L'expérience décrite précédemment
mettait en oeuvre une tâche de rappel standard. Or selon le type de
traitement utilisé lors de l'encodage, les processus sollicités
seront différents au moment de la récupération des
items.
Un encodage peut s'effectuer selon deux possibilités :
la première est l'activation en mémoire, à partir de
l'item présenté, des concepts associés. La seconde est un
traitement spécifique de l'item, en lui attribuant une
caractéristique qui lui est propre. Cette seconde possibilité
permet, à la récupération, une meilleure discrimination du
mot perçu que celui activé en mémoire.
La réduction des faux souvenirs peut passer par la
récupération grâce à une variété de
stratégies telles que la distinctivité c'est-à-dire le
monitoring, ou bien lors de l'encodage suscitant soit un processus relationnel
entre concepts, soit un traitement spécifique des items.
Afin de déterminer le processus qui induit les faux
souvenirs, certains auteurs, plutôt que de faire varier les conditions
d'encodage, font varier les conditions de récupération en
utilisant le rappel de tous les items présentés ainsi que tous
ceux venant à l'esprit des participants. C'est la condition
d'inclusion.
ETUDE EXPLORATOIRE
Nous avons effectué une étude exploratoire afin
de tenter de déterminer le moment où se forment les faux
souvenirs : s'il s'opère au niveau de l'encodage, c'est que le processus
d'activation détermine les effets ; s'il se situe au niveau de la
récupération, c'est qu'il fait appel au processus de
monitoring.
Pour cela, on a utilisé la condition d'inclusion qui
consiste, au moment de la récupération, à rappeler les
mots présentés plus tous ceux qui nous viennent à
l'esprit. Une étoile devra être marquée à
côté des mots que les participants sont sûrs d'avoir
perçus.
La comparaison des conditions d'inclusion et standard
(expérience précédente) permet de mettre en
évidence les mécanismes utilisés dans la création
des faux souvenirs, selon la divergence ou l'équivalence des
résultats. Pour ce, nous partons du fait qu'une condition standard fait
appel à l'activation et au monitoring. La condition d'inclusion, quant
à elle, ne fait appel qu'à l'activation, le monitoring
n'étant pas nécessaire au moment même du rappel. Cependant,
il interviendra au moment où le participant devra marquer
l'étoile.
On peut émettre l'hypothèse que si l'on observe
sur les leurres une différence des effets selon les encodages entre les
conditions standard et inclusion, les faux rappels sont dus au monitoring.
Ainsi, tout découlerait du processus de décision.
Par contre, si la réduction des faux souvenirs
s'explique par l'activation, les taux de rappel de leurres devraient être
équivalents pour les deux conditions. Ceci signifierait que tout se
passe au moment de l'encodage.
Les hypothèses opérationnelles sont identiques
à celles de l'expérience précédente.
Méthode
Participants :
99 étudiants de psychologie de l'Université de
Nantes sont répartis en 3 groupes :
- un groupe de 35 étudiants pour l'encodage
génération : GS
- un groupe de 32 étudiants pour l'encodage profond :
PS
- un groupe de 32 étudiants pour l'encodage superficiel :
SS
Variables :
Les variables dépendantes et indépendantes sont
les mêmes que celles de l'expérience précédente :
- Encodage à 3 modalités : E3
· Superficiel : le sujet compte les voyelles du mot
présenté (il écrit un chiffre)
· Profond : le sujet évalue la pleasantness du mot
présenté (il écrit un chiffre de 1 et 5)
· Génération : le sujet écrit la
lettre manquante du mot présenté
- Variable dépendante : M2
· Nombre de mots correctement rappelés
· Nombre de leurres rappelés :
- leurres avec étoile - leurres activés
- leurres « ensemble »
Les réponses lors de l'encodage et les rappels sont
reportées dans un livret.
Plan de l'expérience :
Le plan d'expérience est similaire à celui de
l'expérience précédente :
S<E3>*M2
Matériel et procédure :
De même que pour les variables et le plan
d'expérience, le matériel et la procédure sont identiques
à ceux de l'expérience 1. Seule la consigne de restitution de
mots diffère : les sujets doivent rappeler les mots
présentés et tous ceux auxquels ils ont pensé. Ils doivent
de plus marquer d'une étoile les mots qu'ils sont certains d'avoir
perçus.
Le rappel se fait après chaque liste de mots.
Résultats
Tableau 2 : Moyenne des résultats
des rappels des mots présentés et des leurres en fonction des
groupes d'encodage (Génération ; Profond ; Superficiel) :
|
Mots Présentés
|
Leurres
|
Moyennes
|
Écart-types
|
Moyennes
|
Écart-types
|
*
|
Act.
|
Ens.
|
*
|
Act.
|
Ens.
|
*
|
Act,
|
Ens.
|
*
|
Act.
|
Ens.
|
Génération
|
52
|
2
|
54
|
7,6
|
2,2
|
7,1
|
15
|
34
|
49
|
14,1
|
23,5
|
26,3
|
Profond
|
58
|
1
|
59
|
7,1
|
1,1
|
6,9
|
17
|
24
|
41
|
14,5
|
23,7
|
24,8
|
Superficiel
|
48
|
2
|
50
|
8,3
|
1,9
|
7,7
|
10
|
52
|
62
|
10,3
|
25
|
21,7
|
40
20
70
60
50
30
10
0
Mots
présentés*
Leurres* Leurres Act, Leurres
Ens.
Génération Profond
Su perficiel
A l'aide d'une analyse globale, nous n'observons aucun effet
significatif des
facteurs Groupe et Type de mots: respectivement F
(2,100) = 2.06, p = .13, et F (1,100) = 2.08, p
= .15.
Cependant il existe une interaction significative entre les
groupes et les types de mots (F (2,100) = 9.58, p = .0001).
Le rappel de leurres et de mots présentés varie selon le type
d'encodage.
Les résultats des mots présentés
confirment ceux du rappel standard : le taux de rappel est supérieur en
condition profonde (m = 58) par rapport aux deux autres types
d'encodage qui sont plus ou moins équivalents (m = 52 pour la
génération et m = 48 pour le traitement superficiel).
Cette équivalence est confirmée par l'absence de
différence significative entre les deux encodages. En comparant le
groupe « Profond » aux deux autres on remarque une différence
significative : F (1,100) = 17.29, p = .00007.
Ces résultats sont similaires à ceux du rappel
standard : un traitement sémantique facilite le rappel de mots.
Concernant les leurres, trois conditions sont à distinguer
: les leurres avec étoile, les leurres activés, et la
totalité des leurres (« ensemble »).
Les leurres avec étoile correspondent aux mots que les
sujets étaient persuadés d' avoir perçus. Cette condition
implique les processus d'activation et de monitoring. On remarque que le taux
de leurres rappelés est supérieur pour la condition profonde
(m = 17) par rapport aux deux autres, et supérieur pour la
condition génération (m = 15) par rapport à la
superficielle (m = 10). Cependant on ne remarque aucune
différence significative entre les groupes «
Génération » et « Profond ».
En comparant les groupes « Génération
» et « Profond » avec celui du traitement superficiel, on
remarque une différence significative : F (1,100) = 5.26, p
= .02. Ceci indique qu'il y a une véritable baisse des leurres avec
un traitement superficiel. Ce résultat est à l'opposé de
l'expérience précédente, où ce type de traitement
provoquait un taux supérieur de rappel de leurre (bien que les
différences ne soient pas significatives).
Les leurres activés mais sans étoile impliquent
uniquement le processus
d'activation. On remarque un taux nettement supérieur
de leurres activés pour la condition superficielle (m = 52) par
rapport aux deux autres (m = 24 pour le traitement profond et m
= 34 pour la génération). Ces différences sont
d'ailleurs significatives (« Superficiel » versus «
Génération » : F (1,100) = 9.08, p = .003
; « Superficiel » versus « Profond » : F
(1,100) = 20.95, p = .00001). Cela indique clairement qu'il y a
une nette augmentation de rappel de leurres activés pour la condition
superficielle par rapport au traitement profond, où l'on observe un
moindre taux.
Les leurres « ensemble » correspondent à la
totalité des leurres avec étoile et des leurres activés.
Le taux de leurres est nettement supérieur en condition superficielle,
par rapport aux deux autres.
La différence entre les groupes « Profond »
(m = 41) et « Superficiel » (m = 62) est
significative : F (1,100) = 11.02, p = .001. Au contraire, le
groupe « Génération » n'obtient aucune
différence significative avec les deux autres groupes.
Les résultats des leurres dans les conditions «
Standard » et « Inclusion » avec étoile devraient
être similaires, car la consigne reste la même : celle de rappeler
les mots dont on est sûr de leur présence dans la liste. Cependant
ils diffèrent. Nous allons donc effectuer une comparaison
planifiée des résultats en condition standard et en condition
d'inclusion.
Comparaisons planifiées :
Ces résultats sont assez étonnants en raison de
leurs divergences. Nous allons nous pencher plus spécifiquement sur les
résultats des leurres en condition standard et des leurres
étoiles (tableau 3). Par la suite une observation des résultats
des rappels des mots présentés (tableau 4) suivant les deux
conditions nous permettra de déterminer si ces divergences concernent
uniquement les leurres.
Tableau 3 : Moyenne des
résultats des rappels de leurres * en condition standard et en condition
d'inclusion en fonction des groupes d'encodage (génération ;
profond ; superficiel) :
|
Rappel Standard des leurres
|
Rappel Inclusion des leurres*
|
Moyennes
|
Écart-types
|
Moyennes
|
Écart-types
|
Génération
|
21
|
16,91
|
15
|
14,1
|
Profond
|
16
|
18,68
|
17
|
14,5
|
Superficiel
|
21
|
15,37
|
10
|
10,3
|
25
20
15
10
5
0
standard *
Génération Profond Superficiel
En comparant les moyennes des trois encodages (tableau 3) pour
chaque condition, (standard : m = 19 vs étoile : m
= 14), on observe une différence significative : F (1,206)
= 7.29, p < .008.
Les rappels de leurres« standard » et de leurres
« étoile » semblent similaires en condition profonde
(respectivement m = 16 vs m = 17). Cette similarité
est confirmée par l'absence de différence significative entre les
deux.
Cependant, on en observe une pour l'encodage superficiel
(F (1,206) = 10.89, p < .001). Ce type de traitement
entraîne plus de faux rappels en condition standard qu'en inclusion.
Tableau 4 : Moyenne des
résultats des rappels de mots présentés en condition
standard et en condition d'inclusion en fonction des groupes d'encodage
(génération ; standard ; superficiel) :
|
condition standard
|
condition d'inclusion *
|
Moyennes
|
Écart-types
|
Moyennes
|
Écart-types
|
Génération
|
57
|
7,05
|
52
|
7,6
|
Profond
|
63
|
8,51
|
58
|
7,1
|
Superficiel
|
55
|
8,44
|
48
|
8,3
|
40
70
60
50
30
20
10
0
standard inclusion
Génération Profond Superficiel
Concernant les mots présentés, on observe dans
l'ensemble un taux plus élevé de rappels corrects avec une
instruction standard par rapport à l'inclusion. Cette différence
est d'ailleurs significative : F (1,206) = 24.5, p <
.0001.
En effet, les encodages en génération
(m = 57 vs m = 52) présentent une différence
significative (F (1,206) = 6.08, p < .02), de même
que pour la condition profonde (m = 63 vs m = 58) : F
(1,206) = 5.64, p <.02 ; et pour le traitement superficiel
(m = 55 vs m = 48) : F (1,206) = 14.23, p
< .0002.
Contrairement aux résultats des rappels de leurres
« étoile » et de leurres « standard », ceux des mots
présentés pour les deux conditions varient dans le même
sens. En effet, les différents types d'encodage ont des effets
similaires sur le rappel des mots présentés, selon une
instruction standard ou d'inclusion.
Discussion des résultats
On peut observer dans notre étude exploratoire une
grande divergence des résultats par rapport à ceux du rappel
standard.
Les encodages « Génération » et «
Superficiel » produisent les mêmes effets pour les mots
présentés : le rappel est moins important par rapport au
traitement profond. Le rappel de leurres avec étoile est plus
élevé en condition profonde par rapport aux encodages «
Superficiel » et « Génération ». Cependant les
leurres activés sont beaucoup plus nombreux pour l'encodage superficiel
que pour les deux a utres.
Certains résultats semblent cependant suivre nos
hypothèses de départ. En effet la propagation de l'activation
induite par un traitement profond provoque un taux supérieur de rappel
de mots présentés et de leurres avec étoile par rapport
aux deux autres types de traitement. De plus, la condition de
génération présente un taux supérieur de rappel de
mots présentés par rapport à la condition superficielle.
Ceci est dû au processus de distinctivité mis en oeuvre lors de la
récupération, ainsi qu'à la focalisation sur l'item lors
de l'encodage, permettant un traitement profond de celui-ci. La
distinctivité lors de l'encodage permet aussi de limiter les faux
rappels, ce qui est par ailleurs observé dans le rappel de leurres avec
étoile.
La condition d'inclusion spécifie de marquer une
étoile pour les mots perçus par les sujets comme présents
dans la liste. Le taux inférieur de rappel de leurres peut s'expliquer
par le doute que peuvent avoir les sujets quant à la présence du
mot dans la liste, qui dans ce cas ne marquent pas d'étoile.
Ceci pourrait expliquer la contradiction dans le
résultat de rappel de leurres, élevé dans la condition
standard et moindre dans la condition d'inclusion.
En effectuant une comparaison planifiée des deux
études, on remarque que la condition standard provoque un meilleur taux
de rappel de mots présentés que la condition d'inclusion.
Cependant, nous devrions observer les mêmes résultats. Le fait que
les sujets doivent mettre une étoile lorsqu'ils sont sûrs de la
présence du mot en inclusion, et donc le critère de certitude
plus élevé mène à un moindre rappel.
Paradoxalement, les sujets doutent plus. Une autre
possibilité pouvant expliquer ce résultat est qu'en inclusion,
les participants doivent se rappeler tout ce dont ils se souviennent, ce qui
accroît l'incertitude.
En outre, plus de leurres sont faussement rappelés en
condition standard par rapport à l'inclusion lorsque l'on compare les
trois groupes confondus.
La condition d'inclusion semble provoquer une meilleure
discrimination des leurres par rapport aux mots présentés lors de
la récupération.
DISCUSSION GENERALE
Dans l'expérience principale (la condition standard),
nous examinons l'existence d'un effet de l'encodage en mémoire
sémantique sur une épreuve de rappel via le paradigme DRM.
Nous allons voir dans la discussion en quoi nos
hypothèses de départ vont à l'encontre des
résultats observés dans l'expérience principale, et
l'explication de ceux-ci à partir de la tâche de pleasantness et
des modalités de présentation. Enfin je mettrai en
évidence les biais liés à la condition d'inclusion, biais
probablement à l'origine des divergences observées dans les
rappels de leurres par rapport à la condition standard.
Contrairement à ce que l'on supposait, un encodage
sémantique ne provoque pas obligatoirement un rappel élevé
de leurres ; le traitement superficiel d'items mène à plus de
faux rappels que le traitement profond, bien que ce ne soit pas significatif.
En effet les hypothèses étaient basées sur la propagation
de l'activation en mémoire et la théorie des niveaux de
traitement de Craik et Lockhart. Cette théorie postule qu'un traitement
profond d'un item mène à plus de faux rappels qu'un traitement
superficiel.
Force est de constater que la distinctivité s'impose
comme processus principal de l'interprétation de nos
résultats.
Selon Smith et Hunt (1998) le traitement sémantique,
grâce à un encodage de type pleasantness, provoque un meilleur
rappel de mots présentés sans pour autant augmenter le rappel de
leurres. La discrimination entre un item étudié et un leurre lors
de la récupération dépend du traitement distinctif
effectué au moment de l'encodage. En évaluant le degré de
pleasantness d'un item, on attribue une caractéristique
spécifique à celui-ci. Ainsi cet encodage permet un moindre taux
de rappel de leurres.
Dans leur expérience Smith et Hunt comparent les
conditions d'encodage standard et de pleasantness. Les résultats
indiquent un taux moins élevé de rappel de leurres avec la
condition pleasantness par rapport à la condition standard. Les
mêmes résultats sont observés dans notre
expérience avec ce type d'encodage.
Nous pouvons, en outre, interpréter nos
résultats en fonction des modalités de présentation. Dans
notre expérience, les mots sont présentés visuellement
à intervalle de 3 secondes.
McDermott et Watson (2001) font varier les temps de
présentation des items. Ils observent avec une présentation de
3000 ms, un taux de leurres plus ou moins équivalent aux nôtres en
condition profonde (m = 14 versus m = 16 pour notre
expérience) et superficiel (m = 20 versus m = 21). On
remarque en outre une même tendance dans la variation des
résultats selon l'encodage : un taux de rappel de leurres en condition
superficielle supérieur à celui du traitement profond.
McDermott et Watson expliquent leurs résultats en
traitement sémantique par la distinctivité effectuée lors
de l'encodage.
Une présentation inférieure à 1 seconde
donnerait lieu à des processus automatiques. Les sujets n'auraient pas
le temps de mettre en oeuvre un quelconque processus stratégique, comme
attribuer une caractéristique spécifique à l'item. Ce
serait donc l'activation qui serait prise en compte. Cependant, une
présentation supérieure à 1seconde permet aux sujets
d'utiliser des stratégies pouvant s'opposer aux effets de la propagation
de l'activation. Au moment de la récupération, les participants
peuvent alors utiliser les traitements distinctifs effectués sur les
items lors de l'encodage afin de limiter le rappel des leurres.
Smith et Hunt (1998) font aussi varier les modalités de
présentation des listes de mots. Selon eux, la présentation
visuelle des items permet une meilleure discrimination des mots
présentés par rapport aux leurres, contrairement à la
présentation auditive. Une présentation visuelle accentue les
détails perceptifs. Cette meilleure discrimination peut entraîner
un taux moins élevé de rappel de leurres même pour un
encodage profond, par rapport à la condition auditive. Ils observent
moins de rappels de leurres avec un traitement visuel, qu'avec un traitement
auditif.
Nous pouvons donc supposer que la présentation visuelle
ainsi que le temps de présentation des items dans notre
expérience a contribué à la spécificité de
l'encodage, et facilité le monitoring à la
récupération.
La distinctivité lors de la récupération
est la conséquence de la spécificité de
l'encodage. Par conséquent, Smith et Hunt
émettent l'hypothèse que le leurre pourrait venir de l'encodage,
lors de l'activation, tout comme le postulait Underwood (1965) avec le
modèle IAR.
Il semblerait donc que le traitement profond facilite un
traitement spécifique de l'item au moment de l'encodage, et une
meilleure probabilité de distinctivité de celuici lors de la
récupération. Ainsi ce type d'encodage aurait pour tendance plus
de rappels corrects d'items, et moins de leurres, car les résultats ne
sont pas significatifs.
Afin de déterminer le moment où se forment les
faux souvenirs, nous avons utilisé la condition d'inclusion lors d'une
expérience exploratoire.
Le faible taux de rappel de leurres avec étoile pour
l'encodage génération pourrait être expliqué par un
biais au niveau des passations : la voyelle manquante pouvait être
différente selon les mots (cf. annexe) : pour le mot « mare »,
on présente au sujet « m.re », ce qui peut
donner « mure » ou « mère » ; de
même pour le mot « pure » où l'on observe de temps en
temps le mot « père » ce qui change totalement
l'efficacité de l'induction du leurre. On observe de plus une forte
tendance des participants à marquer une étoile auprès de
ces mots incorrects. Ils sont donc persuadés que ces mots font partie de
la liste. Ces mots ne sont absolument pas associés au leurre critique.
Leur encodage et leur rappel empêchent par conséquent l'activation
du leurre.
Afin de limiter les biais au niveau de l'encodage
génération, il faudrait reconstruire des listes en
vérifiant à l'aide d'une étude pilote, que la voyelle
manquante ne présente pas d'ambiguïtés en s'inspirant par
exemple de la procédure de Soraci et al (1 994, cités
par Soraci & al, 2003) et qui présentent, en même
temps que le mot, une phrase qui le définit. Ainsi ils minimisent le
risque de confusions quant à la voyelle manquante.
On observe dans la condition d'inclusion des résultats
assez différents de ceux en condition standard. Les leurres avec
étoile supposent une consigne identique à celle de la condition
standard. Cependant les résultats sont totalement inversés. Pour
l'encodage profond, on observe un taux inférieur de leurres en condition
standard, et un taux supérieur en inclusion par rapport aux deux autres.
Les types d'encodages étant identiques pour les deux expériences,
le traitement de
l'item et donc l'activation en mémoire
sémantique restent par conséquent les mêmes. En effet ce
sont les mêmes mots et les mêmes consignes d'encodage pour les deux
conditions. Seule la phase de récupération diffère. Les
divergences dans les résultats s'expliqueraient donc par l'action du
monitoring, lors de la récupération : étant donné
que l'encodage est similaire, l'activation en mémoire des items est
obligatoirement identique pour les deux expériences. On peut supposer
que les variations des résultats indiquent un effet du monitoring, et
donc du processus de décision quant à la présence ou non
du mot dans la liste.
La condition d'inclusion ne dépendrait que de
l'activation. Cependant l'index * spécifie le processus de monitoring.
En effet, l'inscription de l'étoile signifie de discriminer les items
perçus de ceux uniquement pensés.
Ainsi l'inclusion nécessite l'activation puis le
monitoring, mais à des moments différents de la condition
standard. Ainsi une réserve est émise quant à l'effet du
monitoring, en raison des biais exprimés ci-dessus.
Les différents résultats dans les deux
conditions découlent probablement d'autres processus. Les études
effectuées sur la condition d'inclusion sont peu nombreuses et
récentes. Ce type de rappel est encore mal maîtrisé. De
futures recherches s'avèrent donc nécessaires sur ce sujet afin
de mieux comprendre le fonctionnement de cette modalité.
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of associates : How robust is the effect. Psychonomic Bulletin &
Review, 4, 572-576.
ANNEXES
TABLE DES MATIERES
Annexe 1 : p.3
Listes des mots présentés aux participants
p.3
Annexe 2 : p.4
Consigne de la Condition Génération en
Standard p.4
Consigne de la Condition Génération en
Inclusion p.5
Consigne de la Condition Profonde en Inclusion
p.6
Consigne de la Condition Superficielle en Standard
p.7
Annexe 3 : p.8
Présentation d'une liste de mots lors de
l'encodage Génération p.8
Annexe 1
Listes de mots présentés aux participants
:
Liste 1
|
Liste 2
|
Liste 3
|
Liste 4
|
Liste 5
|
Chaussure
|
Voiture
|
Eglise
|
Train
|
Laine
|
Pied
|
Vitesse
|
Clocher
|
Voyage
|
Mouton
|
Marche
|
Auto
|
Curé
|
Wagon
|
Pull
|
Lacet
|
Pollution
|
Religion
|
Locomotive
|
Tricot
|
Botte
|
Accident
|
Croix
|
Gare
|
Doux
|
Chaussette
|
Locomotion
|
Village
|
Express
|
Vierge
|
Chausson
|
Rapide
|
Prière
|
Sifflet
|
Pelote
|
Cuir
|
Essence
|
Cathédrale
|
Vapeur
|
Coton
|
Pointure
|
Moteur
|
Culte
|
Electrique
|
Naturel
|
Semelle
|
Véhicule
|
Cloche
|
Marchandises
|
Douillet
|
Soulier
|
Panne
|
Prêtre
|
Retard
|
Pure
|
Sabot
|
Accélérateur
|
Messe
|
Ticket
|
Veste
|
Talon
|
Amende
|
Temple
|
Auto couchette
|
Agneau
|
Cirage
|
Conduire
|
Catholique
|
Métro
|
Chinée
|
Usure
|
Décapotable
|
Chapelle
|
Omnibus
|
Couverture
|
Verni
|
Guimbarde
|
Monastère
|
Transsibérien
|
Echarpe
|
43
Liste 6
|
Liste 7
|
Liste 8
|
Liste 9
|
Liste 10
|
Diable
|
Porte
|
Canard
|
Ski
|
Tigre
|
Enfer
|
Ouverte
|
Mare
|
Neige
|
Lion
|
Corne
|
Fenêtre
|
Sauvage
|
Montagne
|
Jungle
|
Dieu
|
Fermée
|
Boiteux
|
Sport
|
Rayures
|
Fourche
|
Maison
|
Orange
|
Nautique
|
Féroce
|
Satan
|
Entrée
|
Basse Cour
|
Glisse
|
Afrique
|
Tentation
|
Clé
|
Laqué
|
Hiver
|
Panthère
|
Démon
|
Sortie
|
Palme
|
Chalet
|
Force
|
Malin
|
Poignée
|
Bec
|
Alpes
|
Peur
|
Mauvais
|
Cochère
|
Etang
|
Anorak
|
Fauve
|
Queue
|
Vitrée
|
Plume
|
Combinaison
|
Bengale
|
Lucifer
|
Chambranle
|
Barbote
|
Descente
|
Rugir
|
Péché
|
Serrure
|
Oie
|
Froid
|
Souplesse
|
Satyre
|
Verrou
|
Barbarie
|
Luge
|
Cruel
|
Superstition
|
Claquer
|
Caneton
|
Piste
|
Sibérie
|
Belzébuth
|
Entrebâiller
|
Colvert
|
Slalom
|
Zoo
|
Annexe 2
Consigne de la Condition Génération en
Standard
Vous allez voir successivement 10 listes de mots.
A chacun de
ces mots, il manque une voyelle.
Chacun des mots sera présenté
pendant 3
secondes.
Pendant ces 3 secondes, vous devrez trouver la
voyelle
manquante et l'inscrire sur votre livret.
A la fin de chaque liste, vous devrez écrire autant de
mots que
vous pourrez rappeler.
Vous aurez 1 minute pour rappeler chaque liste.
Au bout de cette minute, vous tournerez la page et on
passera
alors à la liste suivante.
Consigne de la Condition Superficielle en
Standard
Vous allez voir successivement 10 listes de mots.
Chacun des mots sera présenté
pendant 3
secondes.
Pendant ces 3 secondes, vous devrez compter et inscrire
sur
votre livret le nombre de voyelles contenues dans le mot.
A la fin de chaque liste, vous devrez écrire autant de
mots que
vous pourrez rappeler.
Vous aurez 1 minute pour rappeler chaque liste.
Au bout de cette minute, vous tournerez la page et on
passera
alors à la liste suivante.
Consigne de la Condition Profonde en
Inclusion
Vous allez voir successivement 10 listes de mots.
Chacun des mots sera présenté
pendant 3
secondes.
Pendant ces 3 secondes, vous devrez juger si le mot vous
est
émotionnellement
agréable ou
désagréable
sur une échelle en 5 points - 1 ___2 ___3___4 ___5 +
A la fin de chaque liste, vous devrez écrire
- Tous
les mots que vous vous rappelez avoir vus
- Et tous les mots
supplémentaires qui vous sont venus à
l'esprit pendant la
présentation de la liste et pendant le rappel.
Pour distinguer ces
deux types de mots, vous marquerez un
astérisque à
côté des mots que vous êtes sûrs d'avoir vus.
Vous
aurez 1 minute pour rappeler chaque liste.
Au bout de cette minute, vous
tournerez la page et on passera
alors à la liste suivante.
Consigne de la Condition Génération en
Inclusion
Vous allez voir successivement 10 listes de mots.
A
chacun de ces mots, il manque une voyelle.
Chacun des mots sera présenté
pendant 3
secondes.
Pendant ces 3 secondes, vous devrez trouver la
voyelle
manquante et l'inscrire sur votre livret.
A la fin de chaque liste, vous devrez écrire
- Tous
les mots que vous vous rappelez avoir vus
- Et tous les mots
supplémentaires qui vous sont venus à
l'esprit pendant la
présentation de la liste et pendant le rappel.
Pour distinguer ces
deux types de mots, vous marquerez un
astérisque à
côté des mots que vous êtes sûrs d'avoir vus.
Vous
aurez 1 minute pour rappeler chaque liste.
Au bout de cette minute, vous
tournerez la page et on passera
alors à la liste suivante.
Annexe 3
Exemple de la présentation d'une liste de mots
lors de l'encodage Génération.
Liste 1
Bott_ Chauss_tte
Cha_sson
Cu_r Point_re
Sem_lle
So_lier Sab_t T_lon Cirag_ Us_re V_rni