INTRODUCTION
"Bien que de violents antagonismes le divisent,
le monde actuel est, dans une large mesure, un
monde"transnational"."1(*)
Il n'est donc pas étonnant que les droits de l'homme
aient reçu de l'Organisation des Nations Unies une consécration
internationale, puis du Conseil de l'Europe une consécration
régionale.
Ces reconnaissances ont nécessité le
développement d'une "diplomatie des droits de l'homme" qui semble avoir
fait subir à ces droits une certaine politisation générant
leur perversion2(*). Il n'en
reste pas moins que les textes juridiques protecteurs des droits de l'homme
sont les fruits de ces débats politiques souvent difficiles.
La France a joué un certain rôle dans ces
discussions à l'O.N.U. et au Conseil de l'Europe. Quelle a
été sa contribution aux discussions diplomatiques concernant
l'internationalisation des droits de l'homme? Quelle fut sa conception de cette
internationalisation? Quelles décisions choisit-elle de prendre quant
à ses engagements propres en la matière? Voilà des
questions auxquelles ce travail tentera d'apporter quelques réponses.
Au cours d'un stage effectué en novembre 1995 au sein
de la Commission nationale consultative des droits de l'homme, ces
interrogations nous ont semblé représenter une
intéressante piste de recherche. Nos premières investigations
portèrent sur la participation française à
l'élaboration de la Déclaration universelle des droits de l'homme
et en particulier sur le rôle qu'avait pu jouer, autour de son
président René CASSIN, la Commission consultative
française des droits de l'homme, organe créé au
Ministère des Affaires Etrangères dès 1947. La
trace de cette Commission fut retrouvée aux archives diplomatiques
françaises. Leur dépouillement permit de reconstituer un projet
rédigé par elle en 1947 et destiné à la Commission
des droits de l'homme de l'O.N.U. Le projet comprenait une Déclaration
et un Pacte internationaux.
Outre leur intérêt concernant l'histoire de la
Commission consultative française, ces documents prennent place dans
l'histoire générale des droits de l'homme et notamment dans leur
échappée du domaine national. Il nous est donc apparu
nécessaire de chercher à comprendre davantage ce que recouvrait
l'internationalisation des droits de l'homme, afin de replacer la France au
sein de ce processus.
Ce mémoire comporte deux parties.
La première s'efforce de mettre en lumière le
rôle de la France dans l'internationalisation des droits de l'homme. La
protection internationale de ces droits avait été amorcée,
de façon incidente, lors de l'institution de la Société
des Nations après la première guerre. Il fallut cependant
attendre les découvertes liées à l'holocauste et voir
dévoilée la démesure de l'inhumanité à
laquelle l'homme pouvait parvenir, pour déclencher un électrochoc
général et faire tenir à la protection des droits de
l'homme une place d'importance au sein de la Charte des Nations Unies.
Nous tentons de déterminer quelle fut la participation
de la France, au sein de l'Organisation des Nations Unies, lors de
l'élaboration de textes internationaux de protection des droits
dont la violation apparaissait comme l'une des causes du second conflit
mondial.
La deuxième partie se propose de dégager
l'attitude adoptée par la France face à l'affirmation et à
la mise en oeuvre de garanties effectives de protection des droits de l'homme
au sein du Conseil de l'Europe. L'adoption d'un texte contraignant au sein
d'une organisation mondiale se révéla être une entreprise
difficile. Comme il était nécessaire de construire de
manière rapide des institutions de paix pour échapper au
cauchemar totalitaire, le Conseil de l'Europe, nouvelle organisation
internationale qui naquit d'une Europe exsangue, devait s'employer à
élaborer un texte régional de protection des droits de
l'homme.
Nous essayons de dégager l'empreinte de la France dans
les discussions qui aboutirent à la rédaction de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales, puis de faire apparaître sa position devant l'invitation
qui lui était faite de ratifier le document et d'accepter le recours
individuel, considéré par certains comme la "clef de voute des
libertés"3(*).
Nous concluons sur l'idée selon laquelle la
réticence de la France face aux engagements réels qui se
proposaient à elle en matière de droits de l'homme, a
contribué au développement de ce que l'on a pu appeler
"l'exception française".
PREMIERE PARTIE
DE LA S.D.N. A L'O.N.U: LE ROLE DE LA FRANCE EN MATIERE
DE DROITS DE L'HOMME
A la fin de la première guerre mondiale, la
société des Nations accomplit une première avancée
décisive du droit international dans le domaine que l'on n'appelle pas
encore la protection des droits de l'homme.
Son échec dans le maintien de la paix permit à
la Communauté internationale de tirer quelques leçons dont les
droits de l'homme seront, après la seconde guerre, parmi les premiers
bénéficiaires.
Par l'intermédiaire de René CASSIN, la France
jouera un rôle certain dans l'élaboration des instruments
internationaux de protection dont la préparation avait été
décidée par les nations nouvellement unies.
CHAPITRE I
VERS UNE CONCEPTION INTERNATIONALE DE LA PROTECTION DES
DROITS DE L'HOMME
Par "deux fois en l'espace d'une vie humaine"4(*) des conflits mondiaux ont
brisé des millions de vies, donnant à cette première
moitié du vingtième siècle un caractère de
cruauté massive encore jamais vue.
Pourtant lors du premier conflit, de grands esprits avaient
envisagé de créer, une fois les combats achevés, une
organisation destinée dans l'après-guerre à maintenir la
paix et à favoriser la coopération internationale dans le monde.
L'idée n'était pas nouvelle5(*). En France, le professeur
René CASSIN par exemple soulignait quelques précédents
importants6(*): il situait
le début de la défense de droits de l'homme au plan international
au XIXème siècle par la pratique des "interventions
d'humanité", mais selon lui, c'était à partir des
premières conventions tendant à prévenir et
réprimer le trafic d'esclaves que cette défense avait pris
l'aspect d'une réglementation positive. Il mentionnait le Traité
de Berlin de 1878 consacrant l'émancipation des Etats balkaniques, qui
stipulait la garantie de certains droits fondamentaux de leurs habitants:
liberté et pratique du culte, rejet des discriminations d'origine
raciale ou religieuse, égalité juridique pour tous.
Entre 1871 et 1914, Genève, où étaient
nées la Croix Rouge et les Conventions visant à "humaniser" la
guerre en obligeant les belligérants à respecter les
blessés, les prisonniers et les populations civiles (Conventions
humanitaires de Genève et Conventions de La Haye de 1899 et 1907)
7(*), avait abrité
plusieurs congrès internationaux ayant le même objet, dont un
congrès tenu en septembre 1874 où l'on avait tenté
d'établir une "codification du droit des gens"8(*).
Ces efforts de pacifisme, d'arbitrage et
d'internationalisation avaient presque tous été balayés en
août 1914.
En 1919, au lendemain de la guerre, fut constituée
sous l'influence inspiratrice du président WILSON une
Société des Nations (S.D.N.). Le nouveau Pacte ne contenait pas
de dipositions relatives au respect universel des droits de l'homme. D'une
manière indirecte la protection de ces droits devait cependant
connaître d'importants progrès à l'issue de la guerre.
La S.D.N. se révéla pourtant
incapable de remplir ses missions essentielles: faire renoncer aux guerres de
conquête le Japon, l'Italie et l'Allemagne. De sorte qu'en moins de vingt
ans s'ouvrait une seconde guerre mondiale encore plus effroyable que la
première, notamment pour les populations civiles.
De nouveau les Etats-Unis s'engagèrent et dès
1941 le président ROOSEVELT tentait de faire prévaloir des points
de vue idéalistes proches de ceux qu'avait formulé WILSON. Et de
même que les Alliés, vainqueurs de cette seconde guerre, avaient
crée la S.D.N., ils édifièrent l'organisation des Nations
Unies où, cette fois, les Etats Unis devaient prendre une part
décisive.
La Charte des Nations Unies, élaborée et
ratifiée en 1945,a repris à une échelle mondiale les
attributions de la S.D.N. en les élargissant à travers plusieurs
institutions. Les droits de l'homme, mentionnés de façon
explicite dans le texte, y ont joué, et y jouent encore, un rôle
majeur, favorisé il est vrai par le contexte international.
Pourquoi et comment les quarante-cinq premières
années de notre siècle ont constitué un contexte favorable
pour le développement de la protection internationale des droits de
l'homme et dans quelle mesure la France y a pris part, c'est ce que nous allons
tenter d'examiner en rappelant d'abord les antécédents de la
Société des Nations puis les options retenues lors de la
constitution de l'organisation des Nations Unies.
SECTION I: LA FRANCE, LA S.D.N. ET LES DROITS DE L'HOMME
Le terme de "Société des Nations" (en
abrégé S.D.N.) fut choisi en 1919- 1920 pour désigner le
groupement organisé d'Etats institué afin de développer la
coopération entre les Nations et leur garantir la paix et la
sûreté. Son régime juridique était défini
dans la partie I , intitulée: "Pacte de la S.D.N."9(*).
Le Pacte de la S.D.N. fut incorporé aux Traités
de paix (Traités de Versailles, de Saint-Germain, de Trianon, de
Sèvres) qui démantelèrent les Empires austro-hongrois et
turcs, répartirent les populations et redécoupèrent les
territoires.
"Malgré ses faiblesses et son inapacité
à gérer les crises économiques et monétaires qui
allaient entraîner un second cataclysme mondial, la S.D.N. [...] a
été la première tentative de l'histoire de
l'humanité pour faire fonctionner une organisation politique des Etats
dotée d'organes permanents, à compétence
générale et vocation universelle."10(*)
En cela même, elle constituait
déjà un progrès pour la protection internationale des
droits de l'homme. Car comme l'écrivait dans une étude
René CASSIN, il existe un lien étroit entre le respect pratique
des droits de l'homme dans la société où il vit et
l'établissement d'un ordre international véritable. De ce lien
découle l'importance et la difficulté d'une définition
universelle des droits de l'homme.
"Quand les ressortissants d'un Etat totalitaire ou
anarchique sont opprimés, les hommes des autres pays sont aussi
menacés. Par un processus implacable, c'est l'indépendance et la
vie même de l'ensemble des Nations qui sont mises en danger. Comment ne
pas reconnaître la corrélation entre, d'une part, la
démocratisation de la vie internationale, condition nécessaire
encore qu'insuffisante de la coopération pacifique des peuples et,
d'autre part, l'avènement d'une démocratie réelle à
l'intérieur des Nations? Et ne peut-on pas définir comme
démocratique les seuls régimes qui assurent le respect des droits
de l'homme?" 11(*)
L'échec global de la S.D.N.,
manifesté par le déclenchement de la guerre en 1939, ne condamna
pas l'idée d'une organisation universelle. Elle fut juridiquement
liquidée en avril 1946 après avoir coexisté six mois avec
sa remplaçante, l'Organisation des Nations Unies. Elle laissa un
important héritage dont la protection des minorités, des
populations indigènes et les avancées realisées dans le
domaine social constituent une part intéressante pour qui se propose
d'étudier l'histoire de la protection internationale des droits de
l'homme. Dans ces trois domaine, la France adopta des positions bien
déterminées.
A- Du système des Alliances à l'organisation
internationale de garantie de la paix: la position française
Le 8 janvier 1918, le Président
WILSON formula un message en quatorze points. Le point 14
annonçait que le réglement de la paix, pour être durable,
devait établir une organisation nouvelle des relations
internationales12(*).
L'établissement d'une Société des
Nations devait "offrir des garanties mutuelles d'indépendance politique
et d'intégrité territoriale aux petits comme aux grands
Etats".
La thèse de Scott G. BLAIR, intitulée "La
France et le Pacte de la Société des Nations", a mis en
évidence la complexité de la politique et de la diplomatie
françaises à l'égard de la préparation du Pacte
instituant l'organisation. Pour certains Français, il s'agissait d'une
entreprise propice et inespérée; pour d'autres, d'une aventure
redoutée et maléfique.
Le 25 janvier 1919, une semaine après l'ouverture de
la Conférence de la paix à Paris, la Conférence
plénière adopta la résolution portant création de
la S.D.N. Le désir de forger une organisation de maintien de la paix
existait depuis plusieurs siècles déjà. Mais ce ne fut que
durant la première guerre mondiale qu'il existât des hommes
suffisamment nombreux, motivés et influents pour transformer cette
idée en réalité13(*). La violence et l'étendue du conflit avaient
convaincu les hommes politiques et les diplomates de la nécessité
d'oeuvrer en ce sens. La Grande guerre devait être la "der des ders".
Les Français affichaient une attitude
générale de scepticisme. Le Président du Conseil
CLEMENCEAU, tout comme le Président de la République POINCARE,
n'avaient pas caché dans leurs discours qu'un traité de paix
juste devait se fonder non pas sur une organisation internationale mais sur la
punition de l'Allemagne. Si elle voyait cependant le jour, la
Société devait alors se munir, selon les français, de
toute une série de sanctions économiques, juridiques, politiques
et militaires, et disposer d'une armée de contingents nationaux
placés sous le commandement d'un Etat-Général
international.
Cette vision musclée du maintien de la paix
était inconciliable avec la conception anglo-américaine. Le
Président WILSON par exemple préférait des accords
généraux de paix garantis, non par une force militaire, mais par
le poids de l'opinion publique14(*). CLEMENCEAU notamment était attaché au
système des Alliances. Il n'envisageait pas qu'une
Société des Nations puisse un jour le remplacer, mais il
acceptait qu'elle devienne une "garantie supplémentaire"15(*):
"Si l'équilibre, qui s'est spontanément
produit pendant la guerre, avait existé auparavant, si l'Angleterre,
l'Amérique, la France et l'Italie étaient tombées d'accord
pour dire que quiconque attaquait l'une d'entre elles attaquait tout le monde,
la guerre n'aurait pas eu lieu. Il ne doit rien arriver qui puisse
séparer dans l'après-guerre les quatre puissances qui
étaient réunies dans la guerre."
Comme l'écrit l'historien Pierre
MIQUEL16(*), l'essentiel,
pour CLEMENCEAU était de concevoir la S.D.N. comme une alliance des
peuples victorieux donnant à la France un surcroît de
sécurité.
Léon BOURGEOIS encore, représentant de la
France à la S.D.N. (nommé par CLEMENCEAU) devait plus tard
s'exprimer sur la question: pour lui, la S.D.N.serait fondée sur
"l'obéissance à la volonté commune des Nations
civilisées", sous-entendu sur une alliance contre les pays non
civilisés tels l'Allemagne17(*). La position française s'opposait donc
à l'esprit de réconciliation de WILSON pour qui la simple
assemblée des puissances victorieuses ne pourrait constituer une
Société des Nations.
En juillet 1917, Alexandre RIBOT, Président du Conseil
français, transféra la question de la S.D.N. à un
comité officiel crée spécialement pour gérér
en France tout développement à ce sujet. Il fut
créé une Commission interministérielle d'études
pour la Société des Nations (C.I.E.S.N.), présidée
par Léon BOURGEOIS. Elle rédigea un projet, mais il n'est pas
certain que ce projet ait été déposé au bureau de
la Commission internationale de la S.D.N. chargée de rédiger le
Pacte définitif de la nouvelle organisation, lorsque, au cours de la
première séance du 3 février 1919, le plan
anglo-américain fut adopté18(*).
Ce fut ainsi à l'écart des
Français qu'Américains et Britanniques
rédigèrent l'avant-projet du Pacte (plan HURST-MILLER) et qu'ils
le firent adopter par la Commission. L'historien Pierre RENOUVIN écrit
à ce propos19(*):
"Le projet français dont le
principal auteur est Léon BOURGEOIS n'a aucun rôle: en fait, les
délégués français sont pratiquement tenus
en dehors des travaux préparatoires."
CLEMENCEAU apporta finalement
l'appui de la France à la création de la
Société des Nations, afin de gagner le soutien du
Président WILSON pour certaines revendications traditionnelles
françaises en matière de sécurité20(*). Mais l'absence de consensus
touchant au sens et à la portée de la future S.D.N., causa un
préjudice certain à l'affirmation de la position
française21(*).
Le Pacte constitutif de la S.D.N. fut adopté par les
Alliés et incorporé au Traité de Versailles. Il comportait
trente-deux membres fondateurs dont, paradoxalement, les Etats-Unis ne firent
pas partie22(*). Le
siège de la Société fut fixé à
Genève. Son Assemblée était formée de
délégués désignés par les Gouvernements et
chaque Etat y disposait d'une voix. Son Conseil, composé de membres
permanents (les "grandes puissances") et de membres non permanents élus
par l'Assemblée, était , en somme, le pouvoir
exécutif23(*). Une
Cour permanente de justice internationale, fut créée en
exécution de l'article 14 du Pacte de la S.D.N.24(*). Elle se composait de quinze
membres, siégeait à La Haye et tranchait les différends
entre les Etats qui avaient seuls qualité pour se présenter
devant elle (article 34 du Statut de la Cour).
Quelles que soient ses motivations, la France était
donc entrée à la Société des Nations. Elle
acceptait ainsi qu'une organisation internationale puisse garantir le maintien
de la paix. Or, comme on le sait, la paix repose sur de nombreux facteurs
imbriqués. En 1919, il n'était pas encore question
d'établir un lien entre le maintien de la paix et le respect des droits
de l'homme. Comme le soulignait René CASSIN, le Pacte de la S.D.N. ne
contenait aucune disposition relative à ces droits .
"Le Pacte de la Société des Nations ne
mentionnait nulle part le principe général des droits de l'homme:
il reste imprégné de la souveraineté des Etats et il fait
reposer le droit international sur les seuls Etats."25(*)
le Pacte n'en a cependant pas moins participé, de
façon incidente, à la maturation de l'idée selon laquelle
le respect des droits de l'homme nécéssite l'élaboration
d'institutions globales de sauvegarde. Cette contribution s'exprima
notamment26(*) à
travers trois sytèmes de protection mis en place par la S.D.N.: le
système des minorités, celui des mandats ainsi que celui du
travail. Tous trois en effet eurent comme implication la garantie des droits
des individus appartenant à certains groupes et la France y marqua son
empreinte.
B-Trois institutions facteurs de progrès pour les
droits de l'homme
Il est intéressant ici
d'étudier ces trois systèmes, car ils mettent en oeuvre des
techniques et procédures qui serviront de modèles lors de la
création de mécanismes de protection internationale des droits de
l'homme27(*).
1-Le système des
minorités
Il n'y a pas lieu de traiter ici des réalisations ou
des hésitations que la S.D.N. a rencontré, en pratique, en ce qui
concerne les minorités. Nous nous efforcerons simplement de montrer en
quoi les dispositions protectrices des minorités nationales ont
constitué une avancée pour les droits de l'homme et quelle
position fut adoptée par la France.
a) Une avancée pour les droits de
l'homme
Le pacte de la S.D.N. ne contenait aucun
élément concernant les obligations des Etats
envers les minorités. Le régime résultait de quatre
séries de textes: les traités de paix; les traités
spéciaux de minorités; les déclarations
unilatérales de certains Etats au moment de leur entrée dans la
S.D.N.28(*). Sous ce
régime, la pratique de la S.D.N. permettait en effet la garantie et le
contrôle des droits des minorités29(*), notamment par la voie des pétitions,
adressées au Secrétariat par une minorité
protégée ou l'un de ses membres. La pétition ne
constituait pas le maillon d'un procès entre le pétitionnaire et
le Gouvernement intéressé, mais une "source de renseignement
à l'usage des membres du Conseil pour permettre à ceux-ci
d'exercer les droits et devoirs qui découlent pour eux des
traités"30(*). Le
Conseil de la S.D.N. était en effet habilité à engager les
actions et à donner les directives nécessaires à la
prévention ou à la répression de toute infraction aux
obligations souscrites par les Etats à l'égard des
minorités.
Premier mécanisme de mise en oeuvre et de
contrôle international en matière de protection des droits de
l'homme, le système des minorités reposait sur un organe
essentiellement politique -le Conseil- plus soucieux d'arrangements que de
solutions juridiques31(*).
"La protection des minorités s'est ainsi
soldée par un échec dû, principalement, à la
pusillanimité du Conseil qui s'efforça de ménager la
susceptibilité des Etats soumis à son contrôle, et le
système ne sera pas rétabli en 1945."32(*)
Dès 1933, le départ de l'Allemagne,
conséquence de la politique du Gouvernement du III ème Reich, mit
en péril l'idée d'imposer aux Etats membres de la S.D.N. des
obligations en matière de droits de l'homme semblables à celles
souscrites par les Etats parties aux traités des minorités.
Surtout, cette tentative de réglement des questions
minoritaires mit en lumière deux revendications qui, après
la seconde guerre, seront parmi les fers de lance des défenseurs de la
protection internationale des droits de l'homme. La première visait
à faire reconnaître aux groupements humains que constituent les
minorités, la qualité de sujet de droit international.
"[Les minorités] voulaient principalement qu'on
leur confère la qualité de sujets de droit international
impliquant le droit de saisir directement le Conseil de la S.D.N. Ce faisant,
elles se heurtaient à la doctrine politique stato-nationale qui ne
reconnaissait qu'aux seuls Etats la qualité de personnalité
internationale consacrée par le statut de la Cour(...)."33(*)
Plus généralement, des juristes comme
René CASSIN, en France, se feront les apôtres de la reconnaissance
à tout homme de cette qualité qui, seule, devait lui permettre de
faire valoir sûrement ses droits, pourvu que la Communauté soit
dotée d'instances adéquates. Nous rejoignons ici la seconde
revendication, qui tendait à conférer à des organes comme
le Conseil ou la Cour, la compétence pour connaître des
contestations apparaissant entre les Etats et leurs propres
ressortissants. Cette revendication, véritable rempart contre le
butoir de la souveraineté des Etats, ne reçut à
l'époque aucune satisfaction. Mais les traités des
minorités mettaient cependant en oeuvre l'amorce d'un processus de
juridictionnalisation des droits de l'homme34(*). Même si cette innovation normative sera de peu
de portée pratique, la protection internationale des droits de
l'individu connut, dans le cadre du Pacte de la S.DN., une réelle
transformation qualitative35(*).
b) Une position française
particulière
D'une façon générale, la France ne
soutint pas la généralisation de la protection internationale des
minorités.
" [...] les arguments invoqués à l'encontre
[de cette généralisation] s'affirmait avec une énergie
impressionante, surtout de la part des Etats les plus considérables et
les plus influents, y compris la France."36(*)
Cette hostilité trouva par exemple à s'exprimer
lorsque fut suggérée par la Lituanie la création d'une
commission spéciale chargée d'élaborer le projet d'une
Convention générale entre tous les Etats fixant leurs droits et
devoirs envers les minorités37(*). Dans une véhémente déclaration,
le sénateur Henri de JOUVENEL avait, au nom de la France, exprimé
cette position38(*):
"Si la France ne signe pas de pareils traités,
c'est qu'elle n'a pas de minorités. Pour trouver des minorités en
France, il faudrait les inventer."
France, Italie, Angleterre... se montrèrent
également hostiles à la proposition lituanienne, alors qu'y
furent favorables la Pologne et la Roumanie.
"En raison de la prépondérance des grandes
puissances au sein de la S.D.N., l'universalisation de certains droits
considérés comme "des principes supérieurs de
civilisation", échoua par conséquent."39(*)
2-Le système des mandats
Dès novembre 1918, Américains et anglais se
mirent d'accord pour confisquer à l'Allemagne ses colonies et pour les
répartir entre puissances alliées et associées. La S.D.N.,
"héritière des Empires", conférait des "mandats" aux pays
successeurs de l'Allemagne. Ils n'auraient pas la souveraineté totale et
devraient fournir un rapport annuel. La France se montrait peu favorable
à ce système, mais s'y résigna cependant40(*). Après avoir
exposé le régime des mandats, nous poursivrons en nous penchant
brièvement sur deux exemples de mandats français.
a) Le régime des mandats
Le régime des mandats, instauré par l'article
2241(*) du Pacte de la
S.D.N., prévoyait un mécanisme de tutelle appliqué aux
anciennes colonies allemandes et aux anciens territoires non turcs de l'Empire
ottoman.
Les mandats exercés par la France en Syrie et au
Liban, par l'Angleterre en Palestine, Irak et Transjordanie étaient
qualifiés de mandats A (article 22, § 4 du Pacte). On
considérait que le développement culturel de ces régions
leur permettait d'accéder à une indépendance quasi-totale,
sous réserve du contrôle de leur administration par un mandataire.
Les mandats B et C (article 22, § 5 et 6), allaient aux ex-colonies
allemandes placées sous tutelle ou annexées par les puissances
coloniales. Ces régions, dont on estimait que les peuples étaient
"moins évolués", étaient directement administrés
par l'Etat mandataire. Les mandats C plaçaient sous la
législation même du mandataire les territoires qui y
étaient soumis42(*).
La nature de ces mandats était en effet
déterminée entre autres par un critère lié au
"degré de développement". Les "nations développées"
reçurent ainsi la "mission sacrée"43(*) de se voir confier en tutelle
les "peuples non encore capables de se gouverner eux-mêmes dans les
conditions particulièrement difficiles du monde moderne" (article 22,
§ 1, 2 et3). Elles exerçaient leur mandat au nom de la
Société des Nations.
Pour superviser le système, l'article 22 § 9
crée la Commission permanente des mandats44(*): Chargée de recevoir et
d'examiner les rapports annuels des mandataires d'une part, elle devait d'autre
part donner au Conseil son avis sur toutes les questions relatives à
l'exécution des mandats. Jean-Bernard MARIE a pu écrire45(*) que:
"par son statut et ses fonctions, la commission
permanente des mandats préfigure de la manière la plus
élaborée ce que pourrait être la Commission des droits de
l'homme qui sera créée [...] à l'issue de la seconde
guerre mondiale.
L'exécution des mandats comprenait la
protection d'un certain nombre de droits dont devaient bénéficier
les populations concernées46(*). L'article 22 exigeait, en son paragraphe 5, que:
"le Mandataire [...] assume l'administration du
territoire à des conditions qui, avec la prohibition d'abus, tels que la
traite des esclaves, le trafic des armes et celui de l'alcool, garantiront
la liberté de conscience et de religion, sans autres limitations
que celles que peut imposer le maintien de l'ordre public et des bonnes
moeurs[...]".
L'article 23 (b) prévoyait quant à lui que les
membres de la Société des Nations:
"s'engagent à assurer le traitement
équitable des populations indigènes dans les territoires
soumis à leur administration."
René CASSIN estimait que le régime des
mandats et les conventions comme celle du 25 septembre 1926 dirigée
contre l'esclavage avaient inauguré un système de protection
internationale des populations des pays sous mandat et plus
généralement des pays où les libertés personnelles
les plus élémentaires n'étaient pas garanties. Selon lui,
la Commission des mandats a été une réussite incontestable
de la S.D.N.47(*).
b) Deux exemples de mandats
français
Comme il a été dit plus haut, la France
reçut deux mandats classés A, la Syrie et le Liban. Nous
rappellons succintement l'histoire de ces mandats français.
L'accord de Sykes-Picot, conclu en 1916, prévoyait que
la Syrie et le Liban constitueraient des zones françaises. A la
Conférence de San Remo, en 1920, ces pays furent placés sous
mandat français48(*). L'historien Jean-Baptiste DUROSELLE précise
que la France s'efforça de créer un régime donnant
satisfaction, en Syrie, à la fois aux musulmans et aux
chrétiens. Elle établit d'abord plusieurs Etats, pour aboutir
finalement à la création de la Syrie centralisée et du
Liban49(*).
En Syrie, les Français durent établir une
administration mandataire50(*). Séparée d'un Liban élargi, la
Syrie fut divisée en quatre Etats: Damas, Alep, territoire des Alawites,
djebel Druze. En 1930, le haut-commissaire français Henri PONSOT
promulgua, de sa propre autorité, une Constitution51(*). Des élections eurent
lieu en 1932. Au mois de juin 1941, les forces britanniques, auxquelles
s'étaient jointes des Forces françaises libres,
attaquèrent les troupes françaises de Syrie et du Liban (relevant
du Gouvernement de Vichy), qui durent capituler.
Le général CATROUX, commandant des Forces
françaises libres du Levant, proclama, à la fin de 1941,
l'indépendance de la Syrie et du Liban, sans rien changer, en fait,
à l'administration française. Quand, après
l'élection en 1943 d'une chambre et d'un président, des troubles
éclatèrent, les Français décidèrent de
supprimer les derniers vestiges de l'administration mandataire et
évacuèrent totalement le pays en 1946.
Le général GOURAUD proclama, le 1er septembre
1920, l'Etat du Grand-Liban52(*). Il fallut construire un Etat libanais, le doter d'un
régime politique et, surtout, forger une nation. Le haut-commissaire
français reçut pour tâche principale l'adoption d'un statut
organique préparé par un Conseil représentatif élu.
La Constitution du 23 mai 1926, inspirée des lois françaises de
1875, transforme le Liban en République. Elle entérina
l'appartenance de chaque Libanais à une communauté religieuse
dotée d'un droit et de tribunaux spécifiques, conformément
à la tradition ottomane des millet ("nations") chrétiens
et juifs. Surtout, elle institue le "communitarisme politique", système
par lequel les communautés sont représentées
"équitablement" au sein de l'Etat, par des députés
élus suivant un double critère, confessionnel et régional,
sur la base des équilibres démographiques officialisés
plus tard par le recensement de 1932. A la suite de troubles, la Constitution
fut cependant suspendue.
Le général CATROUX proclama
l'indépendance en 1941, une fois le Gouvernement de Vichy
éliminé, au Liban, par la France Libre.
3-L'Organisation internationale du
travail.
L'Organisation internationale du travail (en
abrégé O.I.T.), originale par bien des aspects, fut
créée en 1919. Il faut d'emblée préciser, afin
d'éviter toute confusion, que dès les premiers temps de sa
constitution, l'Organisation allait développer une personnalité
bien distincte de celle de la S.D.N. Créée comme organisme
indépendant, elle fut toutefois reliée à la S.D.N. par
diverses dispositionsorganiques prévoyant notamment un siège et
un budget communs53(*).
Par l'intermédiaire d'un homme, Albert THOMAS, qui conduisit l'O.I.T.
durant ses années de formation, la France fut "l'inspiratrice"54(*) du dynamisme initial de
l'Organisation dont l'oeuvre de protection des travailleurs devait ouvrir la
voie de la reconnaissance internationale des droits économiques et
sociaux.
a) De la protection des droits des travailleurs
à la promotion des droits de l'homme
La création de l'O.I.T. fut l'aboutissement d'une
évolution des idées sociales développée tout au
long du XIX ème siècle et jusqu'à la Première
Guerre mondiale. Les conditions de travail et de vie du prolétariat,
nées de la révolution industrielle, apparaissaient
intolérables à un nombre de plus en plus grand
d'économistes et de sociologues. Ils s'efforcèrent sans
relâche de persuader les hommes d'Etat d'Europe de faire de
l'amélioration des conditions de travail l'objet d'accords
internationaux55(*). Il en
résulta, au début du siècle, plusieurs conférences
et la création d'une Association internationale pour la protection
légale des travailleurs, précurseur de l'O.I.T.
Le 25 janvier 1919, sur la demande instante des syndicats de
plusieurs pays, parmi lesquels la Confédération
générale du travail (C.G.T.) française, la
conférence de paix établit une Commission de législation
internationale du travail chargée d'étudier les conditions de
travail en vue d'une action internationale, et de créer une institution
permanente rattachée à la S.D.N. La Commission rédigea,
sous la forme de "principes généraux", ce que les commentateurs
s'accordent pour désigner comme une véritable charte du travail.
Elle retint par ailleurs le projet d'organisation présenté par la
délégation britannique. L'ensemble fut adopté par la
commission le 28 avril 1919 et devint la partie XIII du traité de
Versailles (articles 387 à 427)56(*).
L'Organisation comprenait (et comprend toujours puisqu'elle
devint en 1946 la première institution spécialisée
reliée à l'O.N.U.) une Conférence générale
des représentants des membres dont la composition était
tripartite et un Bureau international du travail placé sous la direction
d'un Conseil d'administration (article 388).
C'est le B.I.T. qui fixait l'ordre du jour des sessions de la
Conférence (article 396, alinéa 2) après avoir
examiné les propositions faites par les Gouvernements ou les
organisations d'employeurs et de travailleurs.
La Conférence pouvait adopter des "propositions" qui
prenaient la forme soit "d'une recommandation,soit d'un projet de
convention internationale (article 405), chaque Etat membre s'engageant
à soumettre la recommandation ou le projet aux autorités
compétentes dans son pays, tout en sachant que ces propositions ne
peuvent "diminuer la protection déjà accordée par sa
législation aux travailleurs" (principe d'interprétation de
l'article 405). L'article 416 prévoit que, "dans le cas où l'un
des membres ne prendrait pas [...] les mesures prescrites à l'article
405, tout autre membre aura le droit d'en référer à la
Cour permanente de justice internationale". L'article 417 rappelle à ce
titre que la décision de la Cour "n'est pas susceptible d'appel".
Plusieurs procédures de contrôle étaient
prévues par les textes. La première consistait en l'examen du
rapport que chacun des membres doit présenter annuellement
(article 408). La seconde forme de contrôle était la
réclamation que toute organisation professionnelle
ouvrière ou patronale pouvait adresser au B.I.T. si l'un des membres
n'assure pas "d'une manière satisfaisante l'exécution d'une
convention à laquelle (il) a adhéré" (article 409). La
troisième repose sur la réception de plaintes que tout
membre pouvait déposer au B.I.T. contre un autre membre qui, "à
son avis, n'assurerait pas d'une manière satisfaisante
l'exécution d'une convention que l'un et l'autre auraient
ratifiée en vertu des articles précédents" (article 411,
alinéa 1)57(*).
Le Conseil d'administration était habilité
à provoquer la formation d'une Commission d'enquête (aricle 411,
alinéa 3) qui rédigeait un rapport contenant les recommandations
et les éventuelles sanctions d'ordre économique contre
l'Etat mis en cause (article 414). Ce rapport était publié par le
Secrétaire général de la Société des nations
(article 415).
Ces procédures, sommairement exposées
ici58(*), se
révélèrent être d'une grande importance car elles
furentt utilisées pour la défense de plusieurs principes qui,
rapidement énumérés par l'article 427 de la partie XIII du
traité de Versailles, couvraient un large domaine venant recouper en
maints endroits celui des droits de l'homme.
Les principes formulés par l'article 427, "s'ils sont
maintenus intacts dans la pratique par un corps approprié d'inspecteurs,
(...) répandront des bienfaits permanents sur les salariés du
monde"59(*).
Les auteurs ont souligné le caractère
précurseur desdits principes60(*), qui concernent notamment le droit d'association; le
droit d'atteindre par son travail un niveau de vie convenable; celui du repos
hebdomadaire; celui pour les mineurs de ne pas travailler afin de continuer
leur éducation et d'assurer leur développement physique; la non
discrimination entre les sexes en matière de salaire et entre
salariés légaux en matière de conditions de travail.
L'adoption de la semaine de quarante-huit heures est annoncée comme "un
but à atteindre". Afin d'assurer l'application des mesures de protection
des travailleurs, "chaque Etat devra organiser un service d'inspection, qui
comprendra des femmes".
A la lecture de cette liste, on perçoit
aisément les raisons pour lesquelles Jean-Bernard MARIE écrivait
que la diversité des questions abordées par l'O.I.T. lui
permettait d'être à l'avant-garde de la protection internationale
des droits de l'homme61(*). Gérard COHEN-JONATHAN insistait lui aussi sur
le rôle très actif de l'O.I.T. dans la protection mais aussi dans
la promotion des droits de l'homme62(*). Marie-Claude SMOUTS en arrive pour sa part à
la conclusion selon laquelle63(*):
"L'O.I.T. fut plus proche de l'universalité que ne
le fut jamais l'institution à laquelle elle était
rattachée."
Il n'est qu'à lire le Préambule de la
partie XIII du Pacte de la S.D.N., conçu comme le "programme" de
l'Organisation (article 387, alinéa 1) pour s'en convaincre:
"Attendu que la Société des nations a pour
but d'établir la paix universelle, et qu'une telle paix ne peut
être fondée que sur la base de la justice sociale [...]."
"Attendu qu'il existe des conditions de travail
impliquant pour un grand nombre de personnes l'injustice, la misère et
les privations, ce qui engendre un tel mécontentement que la paix et
l'harmonie universelles sont mises en danger, et attendu qu'il est
urgent d'améliorer ces conditions: par exemple, en ce qui concerne [...]
le recrutement de la main d'oeuvre, la lutte contre le chômage,[...], la
protection des travailleurs contre les maladies, [...], la protection des
enfants, des adolescents et des femmes, [...], l'affirmatiion du principe de la
liberté syndicale[...];
Attendu que la non-adoption par une nation quelconque
d'un régime de travail réellement humain fait obstacle aux
efforts des autres nations d'améliorer le sort des travailleurs
dans leurs propres pays;"
Les hautes Parties contractantes, mues par des sentiments
de justice et d'humanité aussi bien que par le désir d'assurer
une paix mondiale durable, ont convenu ce qui suit: [...]".
De l'indispensable coopération entre les nations au
lien indissoluble entre le respect des droits des individus, leurs conditions
de vie et la paix internationale, la plupart des principes directeurs de la
protection internationale des droits de l'homme sont ici contenus en
germes.Plus particulièrement:
"En mettant l'accent sur le lien existant entre la paix
mondiale et la paix sociale, le Pacte de la S.D.N. est ainsi à l'origine
de la reconnaissancede droits économiques et sociaux catégoriels
-les droits des travailleurs- qui, il faut le noter, précède au
plan international l'affirmation des droits "classiques" (civils et
politiques)."64(*)
L'O.I.T. fut ainsi, logiquement, la seule instance
internationale à survivre à la seconde guerre mondiale.
b) Un Français "inspirateur"de l'O.I.T.
"Le député socialiste, professeur
d'histoire et homme politique français Albert THOMAS,
"personnalité de forte envergure", assura l'organisation du Bureau
à ses premiers temps et contribua au rayonnement de l'O.I.T."65(*)
Albert THOMAS, collaborateur de Jean JAURES, rédacteur
en chef de "L'Humanité" en 1904, député socialiste en
1910, puis ambassadeur et membre du Gouvernement français pendant la
guerre, était en effet un homme passionné par les questions
sociales66(*). Il fut le
premier des 8 directeurs qui, depuis 1919, se sont succédés
à la tête du Bureau international du travail67(*). Il conserva ce poste de 1919
à sa mort, en 1932. Treize ans au cours desquels les travaux de
l'Organisation internationale furent très riches.
Albert THOMAS participa ainsi à l'élaboration
de nombreuses conventions adoptées par la Conférence
internationale du travail.
Pendant sa présidence, quelques 32 conventions furent
adoptées68(*),
parmi lesquelles on citera plusieurs illustrations:
- en 1919, 5 conventions sur la durée du travail, le
chômage, la protection de la maternité, le travail de nuit des
femmes, celui des enfants et l'âge minimum requis pour travailler;
- en 1921, 3 conventions sur le droit d'association, sur la
réparation des accidents du travail et sur le repos hebdomadaire;
- en 1925, une convention sur l'égalité de
traitement;
- en 1927, une convention sur l'assurance-maladie;
- en 1930, deux conventions sur le travail forcé et sur
la durée du travail.
Les premières Conventions, et, en particulier, la
Convention n. 11 de 1921 sur le droit d'association des travailleurs agricoles,
inaugurèrent la série des Conventions affirmant les droits
fondamentaux de l'homme69(*).
La France et la Grande-Bretagne furent les maîtres
d'oeuvre de la gestation de l'O.I.T. Albert THOMAS, immédiatement
nommé à la présidence du B.I.T., fut l'animateur d'une
politique fondée sur la coopération des Gouvernements, des
employeurs, des travailleurs et des courants confessionnels70(*). Il chercha à faire
reconnaître, dès les premiers pas de l'Organisation., les droits
de la personne humaine. En 1931, à Genève, voici ce qu'il
déclarait au cours de la séance d'ouverture du Congrès du
christianisme social:
"Notre oeuvre de protection ouvrière n'a de
valeur... que si elle tend à rénover les hommes, à former
des hommes..."71(*)
Albert THOMAS reprenait par là, sous une autre forme,
les propos qu'il avait tenu en septembre 1928 en Alsace à l'occasion de
l'inauguration d'une plaque en l'honneur de Daniel LE GRAND, un des plus grands
précurseurs du B.I.T:
Toute réforme sociale ne vaut que comme un moyen
de civilisation supérieure, comme un moyen de développer en tout
homme la personnalité humaine. [...] Cette pensée [...] doit,
sans relâche, animer notre oeuvre internationale..."72(*)
Mais c'était un homme pragmatique, à qui
n'aurait certainement pas déplu l'expression antonymique
d"idéalisme pratique" avec laquelle René CASSIN devait
désigner, comme nous le verrons, son combat en faveur des droits de
l'homme.
"A défaut d'une politique bien définie,
n'est-il pas nécessaire de chercher à définir et à
créer cette politique par le jeu même de la vie quotidienne, par
une activité sans cesse en éveil et bien coordonnée de
pays à pays? Doctrines, principes, politiques, programmes, le premier
soin doit être de bien définir et orienter nos premières
démarches."73(*)
Pour lui, la justice sociale n'était pas une affaire
de théoriciens, d'intellectuels, mais une oeuvre d'hommes efficaces et
animés par des convictions explicites en vue de transformer en
profondeur la réalité humaine. Il mit ainsi en place une
stratégie internationale d'envergure.
SECTION II: LA PRISE DE CONSCIENCE
Le sursaut d'espoir en l'institution d'une paix
internationale qui suivit le deuxième conflit mondial eut pour
conséquence une spectaculaire réorganisation internationale ainsi
que l'épanouissement d'une foi nouvelle en une protection universelle
des droits de l'homme.
A-La réorganisation internationale de
l'après-guerre
1-Du message de ROOSEVELT à la
Conférence de Yalta
La seconde guerre mondiale révéla avec
brutalité la situation précaire des droits de l'homme. Si
l'idée d'une généralisation de la protection
accordée aux minorités n'était pas mûre dans les
années 1930, le choc provoqué par la guerre de 1939-1945, guerre
totale atteignant massivement les populations civiles, a joué le
rôle d'un détonateur.
Les civils, victimes impuissantes du conflit, connaissent
l'occupation, les bombardements, l'exode, la déportation.
"Ce ne sont plus les minorités ou les populations
autochtones qui sont particulièrement menacées, c'est l'homme de
la rue."74(*)
"Plus que tous ceux qui l'ont
précédé, le second conflit mondial apparaît comme
une guerre de croisade; et d'abord contre le mépris de la personne
humaine érigé en système par le nazisme et le
fascisme."75(*)
Des voix s'élèvent dès les
premières années de la guerre pour traduire l'indignation
générale. Le Président Franklin ROOSEVELT, dans un message
adressé au Congrès des Etats-Unis le 6 janvier 1941, exprime
officiellement cet état d'esprit. Il entrevoit un monde prochain
organisé en nations unies76(*) et fondé sur les libertés d'expression
et de religion, le droit d'être à l'abri du besoin
(nécessitant la conclusion d'accords économiques assurant
à tous, en temps de paix, une vie saine) et le droit de vivre à
l'abri de la peur (impliquant une réduction des armements
s'étendant au monde entier)77(*).
"Si la destruction physique ou morale est le tribut
à payer par tous, il faudra lors de la reconstruction reconnaître
les droits intangibles qui appartiennent à chacun. C'est le sens du
message que le Président ROOSEVELT adresse [...]"78(*)
Au lendemain de Pearl Harbor, les Etats-Unis entreprirent de
faire adopter une "Déclaration des nations unies".
"Les représentants des Gouvernements signataires
s'(y) engageaient à poursuivre ensemble la guerre contre les puissances
de l'Axe jusqu'à la victoire finale, sans conclure d'armistice ou de
paix séparée, et à construire un système de
sécurité après la guerre. Cette déclaration
d'alliance signée par vingt-six nations allait donner son nom à
la future organisation mondiale. Mois après mois, nonobstant la fureur
des combats et le fracas des armes, les conférences interalliées
ont réuni experts et fonctionnaires des nations unies pour jeter les
bases des organisations de l'après-guerre"79(*)
Parmi elles, l'U.N.E.S.C.O, la Food and
Agriculture organization (en français Organisation pour
l'alimentation et l'agriculture) ainsi que l'U.N.R.R.A. (United relief and
Rehabilitation Administration -en français Organisation des Nations
Unies pour le secours et le relèvement). L'O.I.T. se met
résolument au service des Alliés au terme d'une Conférence
réunie à New York en 1941 et adoptera le 10 mai 1944 la
"Déclaration de Philadelphie" qui devait énoncer pour la
première fois dans une résolution internationale le principe de
la protection internationale des droits de l'homme80(*).
Le projet de créer une organisation internationale
globale est, quant à lui, expressément formulé dans la
"Déclaration de Moscou" du 30 octobre 1943 qui proclame:
"la nécessité d'établir,
aussitôt que possible une organisation internationale fondée sur
le principe d'une égale souveraineté de tous les Etats,
organisations dont pourront être membres tous les etats pacifiques,
grands et petits, afin d'assurer le maintien de la paix et de la
sécurité internationale."81(*)
Cette décision fut réaffirmée
à la Conférence de Téhéran (novembre 1943) qui
réunit STALINE, ROOSEVELT et CHURCHILL. Dès le 9 décembre
1943 fut créé à Washington un groupe d'études de la
future organisation internationale82(*).
Les grands traits de la future organisation furent
élaborés lors des Conférences de Dumbarton Oaks de
1944: l'une, du 21 au 28 septembre entre les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la
Russie, l'autre, du 29 septembre au 7 octobre, entre les Etats-Unis, le
royaume-Uni et la Chine. Pour ce qui concerne les droits de l'homme, les
propositions apparurent décevantes:
"A la vérité, le plan de Charte des Nations
Unies, préparé à Dumbarton Oaks par les experts
américains, anglais et soviétiques, s'est borné à
indiquer "que l'organisation devrait faciliter la solution des problèmes
humanitaires internationaux d'ordre économique, social et autres et
promouvoir le respect des droits de l'homme et des libertés
fondamentales"."83(*)
La France, dont le gouvernement provisoire n'allait
être reconnu, de jure, que fin octobre, ne fut pas invitée. Il fut
cependant décidé, comme on sait, qu'elle serait membre permanent
du Conseil de sécurité, au même tître que les quatre
participants de Dumbarton Oaks. Le 23 octobre 1944, le gouvernement provisoire
français fut reconnu par les trois grandes puissances Alliées, le
Canada, l'Australie, le brésil, le Pérou, la
Nouvelle-Zélane, la Colombie, le Vénézuéla et la
Suède, le 24 par la Chine, suivie de nombreux autres Etats.
La France ne fut néanmoins pas invitée à
la Conférence de Yalta, qui se tint en février 1945. Les
bases de la future organisation y furent précisées. On y
décida la convocation d'une Conférence des Nations Unies à
San Francisco, en vue de préparer la Charte de l'organisation.
2-L'existence d'une organisation globale: une
nécessité.
La Conférence de San Francisco eut lieu du 25
avril au 26 juin 1945.Y participèrent tous les Etats qui avaient
déclaré la guerre à l'Axe avant le premier mars 1945. Les
Puissances invitantes étaient les "Trois Grands" et la Chine. Le
gouvernement français cru devoir refuser d'être Puissance
invitante, n'ayant participé ni à Dumbarton Oaks ni à
Yalta.
A la différence de ce qui avait été
pratiqué pour le Pacte de la S.D.N., la Charte des nations Unies ne
devait pas être incluse dans le texte des traités de paix:
"L'Organisation des Nations Unies était
responsable de l'avenir, non du passé."84(*)
La Conférence des Nations américaines tenue
à Chapultepec et le Gouvernement provisoire de la république
française-ce dernier sur le rapport d'une commission ad hoc85(*)-proposèrent des
amendements concernant l'inclusion du respect des droits de l'homme parmi les
buts de la future organisation et le renforcement du rôle du Conseil
économique et social86(*). René CASSIN rapporte que les débats de
San Francisco du printemps 1945 furent très influencés par ces
amendements, qui coincidèrent avec les découvertes effroyables
faites dans les camps allemands d'extermination87(*).
A la Conférence de San Francisco, les Nations
parachevèrent l'oeuvre entreprise en créant un nouveau
système de sécurité collective confié à
l'O.N.U. La Charte des Nations Unies fut signée le 26 juin 1945
L'O.N.U , qui succéda à la S.D.N., se vit doter
d'organes permanents et reçut une vocation universelle, des
compétences générales et la responsabilité du
maintien de la paix et de la sécurité internationales. Ses
organes principaux sont l'Assemblée générale, le Conseil
de sécurité, le Conseil économique et social, le Conseil
de tutelle, le Secrétariat et la Cour internationale de justice88(*).
B-Promotion et protection universelles des droits de
l'homme
1-Droits de l'homme et Charte des Nations
Unies
a) Quelle place?
"Relevant jusqu'alors, par excellence, de la
"compétence exclusive" des Etats[...], les droits de l'homme ne peuvent
plus être ignorés de la sphère internationale dès
lors que leur négation par les Puissances de l'Axe est tenue pour l'une
des causes principales de l'éclatement du conflit; la réalisation
du premier des buts des Nations Unies, le maintien de la paix et de la
sécurité internationales89(*),, exige le respect des droits fondamentaux de la
personne humaine, institué, lui aussi, en objectif essentiel de
l'organisation tant par l'alinéa 2 du préambule que par l'article
1er, paragraphe 3, de la Charte."90(*)
En effet, dans le préambule, immédiatement
après avoir affirmé leur volonté de "préserver les
génération futures du fléau de la guerre" (§1), les
signataires de la Charte se déclarent résolus à proclamer
leur foi (§2):
"dans les droits fondamentaux de l'homme, dans
la dignité et la valeur de la personne humaine, dans
l'égalité des droits des hommes et des femmes, ainsi que des
nations, grandes et petites."
L'article 1 de la Charte ne relie pas explicitement le
maintien de la paix au respect des droits de l'homme. En revanche, son
paragraphe 3, qui institue comme un but des Nations Unies la réalisation
de la coopération internationale, établit un rapport
direct entre cette réalisation et, d'une part, la résolution des
problèmes internationaux d'ordre économique, social, intellectuel
ou humanitaire, d'autre part le développement et l'encouragement du
respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous,
sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion91(*).
Pour René CASSIN, le premier progrès
consacré par la Charte réside dans l'idée de placer comme
base de l'Organisation, l'interdépendance entre paix et
sécurité internationales d'une part, et des conditions meilleures
de bien-être économique et social et le respect des droits de
l'homme, d'autre part92(*).
b) Quel contenu?
Les libertés sont fictives sans garanties sociales et
économiques, c'est pourquoi les Nations Unies ont résolu de
"favoriser le progrès social" et d'"instaurer de meilleures conditions
de vie"93(*). Pour y
parvenir, le meilleur moyen est la coopération entre les nations, qui
permettra de résoudre les problèmes internationaux d'ordre
économique, intellectuel ou humanitaires94(*).
Le professeur Maurice FLORY observe95(*) que le développement
d'une coopération internationale dans le domaine sensible des droits de
l'homme tend à réduire la zone d'application de l'exception du
domaine réservé96(*). Les droits de l'homme relèvent d'abord de la
politique interne à chaque pays, mais ils découvrent
progressivement la situation d'interdépendance dans laquelle ils se
trouvent en la matière. La coopération que l'Assemblée
générale a la charge de développer, s'adresse aux Etats,
mais dès lors qu'il est question de droits de l'homme, c'est l'individu
qui en devient le bénéficiaire.
Cette analyse s'inscrit dans l'idéal
démocratique qui apparaît dans la Charte dès ses premiers
mots par l'utilisation de l'expression "peuples des Nations Unies". Elle
tranche avec l'usage de la formule classique de "Hautes Parties Contractantes"
qui était celle du Pacte de la S.D.N. Dans un régime
démocratique, les traités, comme tous les actes engageant le vie
de l'Etat, sont en effet conclus par les représentants du peuple et en
son nom.
Les rédacteurs de la Charte ont précisé
leur intention de promouvoir et de protéger les droits de l'homme dans
l'article 55, alinéas a, b, c de la Charte qui assigne à
l'Organisation économique et sociale des Nations Unies une triple
mission correspondant au but visé par l'article 1, alinéa 3. Pour
créer des conditions nécéssaires à la paix,
les Nations Unies favoriseront le "respect universel et effectif
des droits de l'homme et des libertés fondamentales".
La Charte érigea la protection internationale des
droits de l'homme au nombre des devoirs primordiaux incombant aux organes
principaux des Nations Unies.
L'Assemblée générale reçut
la charge de provoquer des études et de faire des recommandations en vue
de "faciliter pour tous (...) la jouissance des droits de l'homme et des
libertés fondamentales"97(*). Sa troisième Commission, ou Commission des
questions sociales, humanitaires et culturelles, qui siège à New
York, examine notamment les rapports de la Commission des droits de l'homme de
l'E.C.O.S.O.C. Celui-ci est en effet placé sous l'autorité
de l'Assemblée générale.
Sans entrer pour le moment dans les détails, il faut
noter que de par sa fonction de coordination des activités
économiques, et surtout sociales, de l'Organisation, il est l'organe
principal dans le domaine des droits de l'homme. Il est habilité
à "faire des recommandations en vue d'assurer le respect effectif des
droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous" (article 62,
alinéa 2).
Le conseil de sécurité est responsable
du maintien de la paix et de la sécurité internationales, ce qui
lui confère deux rôles essentiels: le réglement des
conflits et la lutte contre les agressions. Il intervient ainsi, lorsque le
maintien de la paix peut être menacé par des attentats aux droits
de l'homme, sur le fondement des articles 24, 34 et 39.
La Cour internationale de justice est l'organe
judiciaire principal des Nations Unies. L'Assemblée
générale et le Conseil de sécurité peuvent lui
demander un avis consultatif sur toute question juridique. Ce n'est qu'à
partir de 1949 que la Cour a été amenée, à travers
des arrêts dont la question des droits de l'homme n'était pas
l'objet, à s'interroger sur la valeur juridique des droits fondamentaux
et à se prononcer sur la nature et l'étendue des obligations qui
pèsent sur les Etats98(*).
Cette protection a été complétée,
comme nous allons le voir, par la prévision de l'institution d'un organe
subsidiaire du Conseil économique et social, chargé de veiller au
progrès des droits de l'homme.
2-La création d'une Commission des droits
de l'homme à l'O.N.U.
"Du discours au Congrès du Président
ROOSEVELT à la Conférence de San Francisco, les raisons du combat
secrètent les buts d'après la victoire. Dès lors
l'idée s'impose qu'aucune paix ne saurait être établie
durablement sans que le respect universel des droits de l'homme ne soit garanti
sur le plan international.
Et, fruit d'une maturation douloureuse, la Commission des
droits de l'homme qui sera instituée dans le cadre de la nouvelle
organisation mondiale, devra être la pierre de touche de cette
garantie."99(*).
La Commission des droits de l'homme a été
créée en 1946 sur la base de l'article 68 de la Charte des
Nations Unies, qui autorisait au Conseil économique et social
d'instituer "des commissions pour les questions économiques et sociales
et le progrès des droits de l'homme [...]".
Dès sa première session, tenue à Londres
au début de l'année 1946, l'Assemblée
générale, approuva les recommandations de la Commission
préparatoire des Nations Unies de la fin de l'année 1945
relatives à l'institution de la Commission des droits de
l'homme100(*). Saisie
des projets de déclaration internationale déposés par les
délégations de Cuba et de Panama, elle décida de renvoyer
la question à la Commission des droits de l'homme, exprimant ainsi
l'espoir de voir la question inscrite à l'ordre du jour de sa
deuxième session. Ce fut donc très rapidement que la Commission
s'attela à la tâche.
a) Organisation de la Commission
Un Comité initial de neuf personnes ,
dénommé Nuclear Commission, fut réuni par le
Conseil économique et social avant de créer définitivement
la Commission. Elus par l'E.C.O.S.O.C. pour leurs compétences et vertus
personnelles, ses membres étaient chargés d'exprimer des
recommandations au Conseil tant sur les termes du mandat que sur la composition
définitive de la Commission.
Le Comité élut E. ROOSEVELT (Etats Unis) comme
présidente, R. CASSIN (France) comme vice-président et K.C. NEOGI
(Inde)101(*) lors de sa
réunion du 29 avril 1946 à Hunter College et entendit les
suggestions présentées par les grandes associations
internationales s'intéressant à la protection des droits de
l'homme qu'il avait convoqué à cet effet. Il formula ses
propositions dans un rapport qu'il remis à l'E.C.O.S.O.C.
Le Comité initial recommanda que la Commission
plénière fut composée de 18 membres, élus pour
trois ans et renouvelables par tiers, et qu'elle soit assistée de trois
sous-commissions (liberté d'information, protection des
minorités, droits de la femme). Le conseil l'a suivie sur ces points. En
revanche, il n'a pas ratifié les propositions du Comité quant
à la qualité des membres de la future Commission. Celui-ci avait
en effet proposé que les membres soient des personnalités
indépendantes siégeant à titre individuel, mais le Conseil
a préféré leur conférer le statut de
délégués du gouvernement. Ce choix présentait un
inconvénient majeur:
"[la Commission] n'a pas pu, quels qu'aient
été les mérites individuels de ses membres, manifester,
dans des moments décisifs, cette indépendance qui eût
été nécessaire pour en faire l'organe de tout premier rang
préposé au développement d'une action absolument nouvelle
des Nations Unies."102(*)
La première session de la Commission définitive
des droits de l'homme se tint en janvier-février 1947. Parmi ses
dix-huit membres, on comptait P.C. CHANG, vice-président chinois; C.
MALIK, rapporteur libanais et R. CASSIN. Ils furent assistés du juriste
canadien J.P. HUMPHREY.
b) Mandat de la Commission.
L'E.C.O.SO.C. prit, le 16 février 1946, lors de
sa première session, une résolution dans laquelle il
déterminait le mandat de la Commission en plaçant en tête
l'élaboration d'une déclaration. Le paragraphe 2 de la
résolution est explicite sur ce point103(*):
"Elle aura pour tâche de présenter au
Conseil des propositions, recommandations et rapports concernant: a) Une
déclaration internationale des droits de l'homme; b) des
déclarations et conventions internationales sur les libertés
civiques, la condition de la femme,la liberté de l'information et les
questions analogues; c) la protection des minorités; d) la
prévention des discriminations fondées sur la race, le sexe, la
langue ou la religion."
Au début de 1947,le Conseil économique et
social élargit le mandat de la Commission en ajoutant un point e) ainsi
conçu104(*):
"Toute autre question relative aux droits de l'homme, qui
ne serait pas visée par les points a), b), c) et d).
La résolution de 1946 prévoyait en outre que la
Commission ferait des études, formulerait des recommandations,
fournirait des informations à la demande de l'E.C.O.S.O.C.(§3).
SECTION III. LA CREATION D'UNE COMMISSION CONSULTATIVE
FRANCAISE DES DROITS DE L'HOMME
Alors que le processus d'internationalisation des droits de
l'homme commençait à se préciser, la France souhaitait
rester fidèle à sa "tradition" en matière de protection
des libertés fondamentales.
Elle manifesta sa volonté de coopérer avec les
Nations Unies qui avaient lancé l'idée d'une Charte
internationale des droits, en créant, auprès du ministère
des Affaires Etrangères une Commission consultative dont le
Président n'était autre que le professeur René CASSIN, qui
devait imprégner le groupe de sa philosophie.
A-La nécessité d'un relais de travail en
France
En répondant à un voeu émis par le
Conseil économique et social, la France perpétuait sa tradition
de "patrie des droits de l'homme". La création d'une Commission
consultative des droits de l'homme, venant renforcer cette image, avait
néanmoins une utilité immédiate, le représentant de
la France ne pouvant seul supporter les travaux préparatoires de la
position française au sein de la Commission des droits de l'homme de
l'O.N.U. Il lui fallait, en France, un aréopage composé de telle
sorte qu'un débat constructif puisse s'y établir.
1-La tradition française des droits de
l'homme
La France était présente dans le groupe de
travail mis en place pour déterminer le mandat de la future Commission
des droits de l'homme de l'O.N.U. Son intérêt pour les droits
fondamentaux n'est cependant pas né avec la décision des Nations
Unies d'en faire un des buts principaux de leur action.
Attribuer à la France la paternité des droits
de l'homme pourrait être considéré comme abusif par
d'autres prétendants tels que la Grande-Bretagne ou les Etats-Unis; il
n'est cependant pas interdit de rappeler que la Déclaration
française des droits de l'homme, adoptée par l'Assemblée
constituante en 1789, a été et demeure l'un des textes phares en
la matière pour tous ceux qui, dans le monde, en sont curieux. La
fierté qu'en tire la France se manifeste par la volonté de
perpétuer ce qu'elle appelle sa tradition.
L'image d'un pays historiquement "champion" des droits de
l'homme est celle que veulent défendre les hommes comme René
CASSIN. En 1943, alors que la guerre fait encore rage, cette
préoccupation ne faillit pas: à Londres, au sein du Gouvernement
français en exil dirigé par le général de GAULLE,
un projet de déclaration des droits et des devoirs de l'homme est
élaboré par une Commission spéciale d'études
créée dans le cadre du Commissariat à la Justice conduit
par René CASSIN105(*).
Au moment de la préparation de la Déclaration
internationale des droits de l'homme (premier nom de la Déclaration
universelle), il s'était avéré nécessaire de
créer en France un cénacle qui, autour de René CASSIN,
travaillerait à l'élaboration d'un projet destiné à
être par la suite discuté devant la Commission des droits de
l'homme des Nations Unies.
Le Ministre des Affaires Etrangères y pourvut en 1947.
Il répondit de cette façon au voeu émis par le Conseil
économique et social conformémént aux articles 55 et 56 de
la Charte des Nations Unies par lesquels les membres s'engagent à agir
"tant conjointement que séparément en
coopération avec l'Organisation" pour favoriser "le respect universel et
effectif des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous
sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion".
2. L'arrêté Teitgen de
1947
Pierre-Henri TEITGEN, haut fonctionnaire français,
appartenait à cette catégorie d'hommes qui crurent, après
la seconde guerre, à l'internationalisation de la protection des droits
de l'homme. Ministre des Affaires Etrangères, il prit en 1947 un
arrêté qui créa une Commission dont l'histoire, cinquante
ans après, est loin d'être terminée.
a) Dénomination, composition et structure de
la Commission.
Par un arrêté en date du 17 mars 1947106(*), le Ministre des Affaires Etrangères Pierre
Henri-TEITGEN met en place une "Commission consultative pour la codification du
droit international et la défense des droits et devoirs des Etats et des
droits de l'homme". Deux nouveaux arrêtés en date du 14 mars 1948
et du 25 novembre 1949 en modifient la composition primitive107(*).
Les membres et interlocuteurs de la jeune Commission semblent
avoir toujours hésité sur la manière la plus
adéquate de la désigner. Difficulté pratique (la
dénomination choisie par l'arrêté était très
longue) ou de fond (méconnaissance du rôle de cette Commission),
la combinaison de ces deux hypothèses explique certainement ces
imprécisions. On peut apporter un élément d'explication
à en disant qu'elles sont le signe apparent du caractère
indéterminé que revêtissent souvent les commissions
créées sans solennité particulière108(*) et qui doivent se contenter
des locaux et secrétariat "prêtés" par d'autres
ministères, comme c'était le cas de la Commission consultative
à ses débuts.
Les appellations les plus courantes croisées
jusqu'à présent dans les documents des Archives diplomatiques
sont celles de "Commission consultative des droits de l'homme", "Commission
consultative française des droits de l'homme" et "Commission
consultative interministérielle des droits de l'homme". D'autres
dénominations se rencontrent aussi comme celle de "Commission
consultative pour les questions juridiques",ou bien celle de "Commission
consultative de droit international" (ou "pour les questions de droit
international") qui se rapproche davantage de l'intitulé
mentionné dans l'arrêté fondateur, ou encore celle de
"Commission nationale consultative", ce qui est plus surprenant.
Un élément n'est cependant jamais
négligé dans le nom de la Commission. Il s'agit de l'adjectif
"consultatif", essentiel quant à la mission de cet organe. Pour
éviter toute confusion avec la Commission des droits de l'hommme de
l'O.N.U., nous désignerons la Commission française par les mots
de "Commission consultative".
Devant une telle diversité de dénominations, on
peut s'interroger sur le fondement d'un rapprochement entre la Commission
créée par l'arrêté et la Commission s'occupant des
droits de l'homme dont les travaux se trouvent aux Archives du Quai d'Orsay.
Ces doutes doivent être lévés dès à
présent. La lecture d'une lettre de René CASSIN à Robert
SCHUMAN établit en effet un lien certain entre la "Commission
consultative des droits de l'homme" et la commission créée par
l'arrêté du 17 mars 1947109(*). De plus, pour ce qui concerne l'appellation de
"Commission consultative pour les questions juridiques", il est
mentionné dans un document qu'elle a été constituée
en mars 1947 sous la présidence de René CASSIN110(*). Il s'agit donc bien,
également, de la Commission consultative des droits de l'homme et non
d'une autre commission, comme on aurait pu légitimement le penser avant
enquête.
Depuis 1947, la Commission a connu divers
remaniements111(*). On
la retrouvera en 1984, sous la présidence de Nicole QUESTIAUX,
Conseiller d'Etat. Appelée "Commission consultative des droits de
l'homme", elle assistait de ses avis le Ministre des Relations
Extérieures quant à l'action de la France en faveur des droits de
l'homme dans le monde et particulièrement au sein des organisations
internationales et amorça l'élargissement de sa compétence
au plan national, compétence qui fut officiellement étendue par
un décret en date du 21 novembre 1986.
Ce décret rattacha la Commission au Secrétariat
d'Etat chargé des droits de l'homme auprès du Premier Ministre.
Composée de quarante membres (représentants des grandes
associations, du Parlement, des ministères concernés et
de.personnalités choisies pour leur compétences), elle
était nommée pour deux ans et présidée par Jean
P-BLOCH.
En 1989, elle fut directement rattachée au premier
Ministre et se vit attribuer la faculté d'auto-saisine. Son
Président fut le Conseiller d'Etat Paul BOUCHET jusqu'en mars 1996, date
à laquelle Jean KAHN pris sa succession.
A l'occasion du vote de la loi de juillet 1990 tendant
à réprimer tout acteraciste, antisémite ou
xénophobe, la Commission recut la tâche d'établir un
rapport annuel sur le sujet. Elle fut expressément reconnue comme
indépendante en février 1993. Elle dispose aujourd'hui de locaux
propres et d'un personnel permanent. Tous ces éléments lui
confèrent la solennité qui lui manquait en 1947.
En 1947, elle était composée d'une dizaine de
membres112(*),
universitaires, diplomates et juristes sous la présidence de René
CASSIN. En tant que représentant de la France à la Commission des
droits de l'homme, ce dernier était nécessairement
l'homme-clé de la Commission française. Sa position lui donnait
une vue d'ensemble profitable aux travaux du groupe. Son assistant Pierre
JUVIGNY113(*), membre du
Conseil d'Etat, délégué suppléant assurant la
représentation normale de la France à partir de l'élection
de CASSIN en 1955 à la présidence de la Commission de l'O.N.U.,
apportera une contribution substantielle aux débats engagés
devant la Commission française, bien qu'il ne jouisse pas du prestige
lié à la réputation de René CASSIN.
La Commission consultative pouvait "s'adjoindre de nouveaux
membres et faire appel au concours du service juridique du ministère des
Affaires étrangères et de conseillers techniques ou d'experts"
(article 3). Une note114(*) nous apprend que la Commission avait ainsi
été augmentée sur la demande de René CASSIN, de
personnalités et de représentants des ministères
intéressés En 1951, 9 ministères sont
représentés à la Commission consultative115(*). Parmi les ministères
ou secrétariats d'Etat concernés, citons ceux de la Justice, de
l'Intérieur, de l'Education Nationale, de la Santé Publique, du
Travail et de la France d'Outre-Mer116(*).
Son secrétariat était assuré par le
Secrétariat des Conférences internationales du ministère
des Affaires étrangères, avec l'assistance d'un maître des
requêtes au Conseil d'Etat (article 4).
Elle se réunissait sur convocation du
Secrétariat des Conférences et généralement dans la
salle de conférences du service de presse au Quai d'Orsay, n'ayant pas
de locaux propres117(*).
Le Secrétariat se chargeait de solliciter de la part des
ministères les contributions (appréciations, suggestions,
propositions) nécessaires à l'efficacité des
débats118(*).
René CASSIN avait semble-t-il toute latitude pour
décider de l'opportunité de convoquer la Commission. Il en
informait le Secrétariat qui se chargeait de transmettre l'information
aux personnes intéressées119(*). Cependant, le Secrétariat pouvait convoquer
la Commission consultative sans l'aval de son Président120(*).
b) Mission et fonctionnement de la
Commission
Sa mission était explicite: il s'agissait de
"préparer les travaux des commissions des Nations Unies chargées
par l'Assemblée Générale de la codification du droit
international et de la définition des droits et devoirs de
l'homme"(article 1). Son domaine se limitait donc à la sphère
extérieure et n'empiétait d'aucune façon sur la
sphère interne.
Ses membres se réunissaient pour discuter de l'ordre
du jour de la prochaine session de la Commission des droits de l'homme de
l'O.N.U. Il pouvait arriver qu'ils se constituent en groupes de travail ou
Comités qui présentent leurs propositions au cours de
séances plénières121(*).
Pour la préparation des travaux concernant le projet
de pacte des droits économiques, sociaux et culturels, la Commission
consultative créa ainsi un "groupe de travail sur la liberté de
l'enseignement"122(*).
Les débats en son sein donnèrent lieu à des comptes-rendus
où étaient distinguées les thèses de la
minorité et celles de la majorité de ses membres, lorsque le
consensus était rendu impossible123(*).
Dans les cas les plus délicats ou lorsque des opinions
différentes se manifestaient au sein de la Commission, le
secrétariat envoyait une note au Ministre des Affaires
Etrangères, pour son information personnelle ou en vue des entretiens
que celui-ci pourrait avoir avec René CASSIN.
Sa compétence était uniquement consultative, ce
qui signifiait qu'elle ne disposait d'aucun pouvoir décisionnel quant
à la position qu'adoptait la France devant la Commission des droits de
l'homme des Nations Unies. Elle donnait au Gouvernement français des
avis qu'il était libre de suivre ou de ne pas suivre.
Les instructions étaient ensuite
rédigées par le ministère des Affaires Etrangères
en tenant compte de la position du Gouvernement et soumises au Ministre ou au
Secrétaire Général.
Dans les cas où il s'agissait non d'instructions aux
délégués français mais d'observations officielles
présentées sur un sujet important par le Gouvernement en
réponse à une demande du Secrétaire Général
des Nations Unies, la signature du Ministre était toujours
demandée. Ainsi en a-t-il été pour les "observations et
propositions du Gouvernement français sur le pacte des droits de
l'homme"124(*)qui seront
exposées plus loin.
Quelques exemples de questions examinées par la
Commission consultative.
1947: forme du texte international des droits de
l'homme (déclaration, convention?)125(*).
1948: étude des documents et préparation
des amendements et des projets français concernant la Charte
Internationale des droits de l'homme, laquelle comprendrait une
déclaration, un pacte et des mesures d'application et de
contrôle126(*);
1949: préparation concernant la
précision de la position du Gouvernement ainsi que l'émission par
lui de propositions et de réponses au Secrétaire
Général de l'O.N.U., au sujet du projet de pacte
préparé par la Commission des droits de l'homme, d'un
questionnaire des Nations Unies portant sur les mesures de mise en oeuvre et,
enfin, au sujet de la liste des crimes qu'il convient de faire figurer dans un
"projet de code des crimes contre la paix et la sécurité de
l'humanité"127(*);
1950: préparation du projet de réponse
du Gouvernement français concernant trois rubriques:
- définition de chacun des droits garantis par le
pacte;
- question de l'insertion dans le pacte des droits
économiques, sociaux et culturels;
- mesures de mise en oeuvre (droit de pétition des
particuliers soutenu par les membres non ministériels de la Commission
consultative)128(*).
Voeu adressé au Gouvernement: protection
juridictionnelle des droits de l'homme dans l'Union française.
Conclusion de la Commission consultative: "nécessité
d'améliorer le système des recours internes et de mettre
aussitôt que possible à l'étude la création d'une
Cour suprême de l'Union française"129(*).
1957 : suggestion de la Commission consultative au
gouvernement de proposer d'organiser à Paris un cycle d'études
sur le droit d'asile, pour la célébration du Xème
anniversaire de la Déclaration Universelle des droits de l'homme.
3. Une influence variable
La Commission que présidait René Cassin
était apparemment peu connue des différents ministères, si
l'on en croit les présentations qui en étaient faites au
début des courriers la concernant. Elle n'en était cependant pas
moins appelée à jouer un rôle non négligeable.
Concernant un ordre du jour de la Commission française portant entre
autres points sur le projet de Pacte des droits de l'homme
préparé par la Commission onusienne, le directeur du
Secrétariat des Conférences, qui rédigea en octobre 1949
une lettre au nom du Ministre des Affaires Etrangères et destinée
au Ministre de l'Intérieur, marquait ainsi son insistance130(*):
"Je crois devoir appeler votre particulière
attention sur l'importance des prochaines réunions de la Commission
consultative française des droits de l'homme à la suite
desquelles le Gouvernement sera amené non seulement à prendre sur
le plan international une position morale, mais à souscrire des
engagements juridiques précis de portée souvent
considérable."
Cependant le rôle qui était accordé
jusqu'ici à la Commission semble avoir été
fragilisé dans les années suivantes. Dans une lettre de 1956 au
Secrétariat des Conférences, René CASSIN exprimait son
inquiétude à propos de l'avenir de la Commission131(*). Il n'en expliqua pas les
raisons mais lança au Gouvernement français une invitation
à prendre position pour redonner à celle-ci "une activité
conforme au but pour lequel elle a été créee." Il
prévut de demander audience en temps voulu au Ministre pour s'entretenir
de cette question.
Si l'on s'interroge sur la raison des difficultés
rencontrées par la Commission consultative, les archives de l'O.N.U.
conservées au Quai d'Orsay contiennent peut-être plusieurs pistes
intéressantes.
Cette Commission a-t-elle souffert de la position de la
France, vigilante sur la protection de l'Union française, et des heurts
frontaux avec la majorité anti-colonialiste de la Commission des droits
de l'homme de l'O.N.U (C.D.H.).132(*)?
Essuye-t-elle les tourmentes liées à la
situation particulièrement embarrassante de la France vis à vis
de la C.D.H. pendant les évênements d'Algérie?
Devant la politisation des questions soulevées lors
des débats concernant les pactes et leurs mesures d'application, le
Gouvernement eut-il tendance à enfermer la Commission consultative dans
des compétences uniquement techniques, supprimant de la sorte son
intérêt comme instance ouverte aux débats
interdisciplinaires de fond 133(*)?
Apporter une réponse serait évidemment
hasardeux, les pistes de recherche étant elles-mêmes très
loin d'être épuisées.
Nous nous bornerons à rapporter une déclaration
du Président CASSIN prononcée lors d'une séance de la
Commission consultative134(*). La question porte sur l'enseignement (dans le cadre
des projets de pactes), mais nous demanderons la permission de lui accorder une
portée plus générale. Parlant au nom du Gouvernement
français, il annonce:
"Notre position restera prudente et modérée
à l'image de la pluralité de nos intérêts".
S'il faut en croire la formule américaine "Adapt or
Die", une diplomatie digne de ce nom doit être capable de s'adapter
à toute situation. Dans la matière qui nous retient ce sont ainsi
les droits de l'homme qui s'adaptent, afin de ne pas contrecarrer une
orientation politique donnée. Même des personnalités de
grand charisme se voient contraintes de s'y soumettre.
B-Un président prestigieux: René CASSIN
Après un bref aperçu des actions qui lui ont
valu sa réputation avant et pendant la seconde guerre mondiale, nous
essayerons de comprendre en quoi le charisme de René CASSIN a pu
imprégner les travaux de la Commission consultative et, par rebond, ceux
qui préparèrent la Charte internationale des droits de
l'homme.
1. Un "globe trotter de la paix"
Avocat, professeur agrégé de droit135(*), René CASSIN enseigna
d'abord à Lille, puis à Paris. Il s'intéressa dès
avant la seconde guerre à de multiples domaines qui, selon André
CHOURAQUI, présentaient tous la particularité d'être des
conséquences de sa "haine de la haine"136(*). C'est pourquoi Marc AGI, auteur notamment d'une
biographie de CASSIN, a nommé celui-ci le "globe-trotter de la
paix"137(*).
Blessé à la bataille de la Marne, il fonda
l'Union fédérale des anciens combattants et tentera à la
veille de la seconde guerre d'endiguer la fascisation croissante de ces
mouvements.
Pendant l'entre-deux guerres, il prononça des discours
à la Société des Nations (en tant que
délegué de la France à partir de 1924) et au Bureau
international du travail. Il défendit le Pacte Briand-Kellog de
"renonciation à la guerre comme instrument de politique
nationale"138(*) et
devint membre de la délégation française à la
Conférence du désarmement. Il voua une admiration sans bornes
à BRIAND en qui il reconnut l'"un des chefs spirituels de la
S.D.N."139(*)
2. René CASSIN et la France Libre.
La guerre de 1939-1945 le verra dès les premiers
moments lutter auprès du général de Gaulle contre le
national-socialisme allemand et le fascisme italien, , fidèle à
son idéal de paix mais aussi à une certaine idée de son
pays et de sa dignité. Tandis que PETAIN et LAVAL organisaient la
capitulation, le général lança son fameux "appel du 18
juin". Celui-ci marqua pour CASSIN le vrai début de la
résistance140(*).
Il écrira que141(*):
"en affirmant le caractère mondial de la guerre,
le jeune général de Gaulle avait montré qu'il
n'était pas seulement un militaire, champion des divisions
blindées, mais un homme d'Etat patriote aux vues
prophétiques".
Il répondit à son appel dans les 36
heures. Au "Conseil de Défense", premier "Gouvernement", premier
organisme officiel des Français libres à Londres, dont l'objectif
principal était de rendre incessant l'échange de renseignements
entre Londres et les chefs de la Résistance intérieure, CASSIN
fut nommé par de GAULLE secrétaire permanent. Il créa au
sein du Conseil un service de la Justice destiné en particulier à
exercer le droit de grâcier les condamnés. Pour lui, doter le
Conseil de véritables institutions démocratiques devait permettre
d'éviter les affrontements civils à la
Libération142(*).
Lorsque le général lui donnera à relire son projet de
Constitution du "Comité national" français, CASSIN y apportera
quelques aménagements dans un sens plus démocratique. Il demanda
en effet l'insertion immédiate d'un article concernant la constitution
d'une Assemblée consultative destinée à fournir au
Comité national une expression aussi large que possible de l'opinion
nationale143(*).
Par une ordonnance du 24 septembre 1941, le
général institua un "Comité national". Il en expliquait
ainsi le rôle144(*):
"Il serait l'organe de direction réuni autour de
moi. Les "commissaires" y délibèreraient collectivement de toutes
nos affaires. Chacun d'eux aurait à diriger un des "départements"
où s'exerçait notre activité. Tous seraient solidaires des
décisions prises. En somme, le Comité serait le gouvernement. Il
en aurait les attributions et la structure[...]. Y étaient
chargés: de l'Economie, des Finances, des Colonies, PLEVEN; de la
Justice et de l'Instruction publique, CASSIN; des Affaires Etrangères,
DEJEAN".
Alors que CASSIN était auparavant, en
l'absence de DE GAULLE, le véritable responsable de la France
libre145(*), s'occupant
pratiquement de presque toutes les affaires du "gouvernement", il sentit se
rétrécir le domaine de sa compétence. Marc AGI se demande:
"son "républicanisme" intransigeant a-t-il finit par
déplaire?".
CASSIN réagit pourtant positivement à ce
remaniement qui le frustrait de "tout contact avec les efforts de
libération de la France, soit dans les relations, soit dans la
résistance intérieure"146(*):
"Comment ne pas discerner que mon département me
permettrait, plus qu'aucun autre, de travailler à la fois à la
restauration de l'influence intellectuelle et morale de la France dans le
monde, et à celle des Droits de l'Homme si cruellement bafoués
par l'hitlérisme?"
Ayant la responsabilité de l'enseignement du
français et du rayonnement de la culture française, il
établit entre eux une unité. Nous retrouvons ainsi l'importance
qu'il accordait à l'utilisation de cette langue: comme l'écrit
Marc AGI, "défendre une langue équivaut" en
effet "à défendre un ensemble de principes qui la
dépassent". Pour cet auteur, ce n'est donc pas un hasard si la
Déclaration de 1789 a été
rédigée en français, car il existe un lien très
étroit entre la langue et la civilisation147(*). L'utilisation de la langue
française comme langue de communication dans les instances
internationales était une des préoccupations constantes de
René CASSIN dans laquelle il est permis de voir un symbole de la
fierté nationale constructive qui l'animait. On lit ainsi dans un
exposé relatif à la 3ème session de la Commision des
droits de l'homme148(*):
"M. CASSIN se félicite de l'usage qui a
été fait de la langue française au cours de cette session:
en dehors de lui-même, les délégués belge,
yougoslave et égyptien n'ont utilisé que le français; le
délégué soviétique et deux
délégués sud-américains se sont servis de notre
langue chaque fois qu'ils n'utilisaient pas la leur".
Si le terme de "juriste de la France libre" est resté
dans les mémoires pour désigner CASSIN et contribuer à
l'assise de son autorité, ses attributions judiciaires au sein du
Comité national français crée par de GAULLE restaient
cantonnées à l'organisation et à la présidence
d'une sorte de tribunal pour ressortissants français auteurs de crimes
sans gravité149(*).
C'est cependant à ce poste qu'il créa la
Commission spéciale d'études dont nous avons parlé plus
haut. Elle rédigea un projet de déclaration des droits et des
devoirs de l'homme qui se voulait être une suite donnée au voeu
formulé en 1789 par l'abbé GREGOIRE: adjoindre à la
déclaration des droits de l'homme et du citoyen une déclaration
des devoirs en se fondant sur la corrélation étroite existant
entre les uns et les autres. CASSIN vouait une grande admiration à
l'abbé GREGOIRE. Dans un dicours prononcé à la Sorbonne en
tant que délégué de l'Académie des Sciences morales
et politiques le 4 décembre 1950150(*), il déclara:
"D'autres voix ont déjà
célébré ou vont exalter les efforts incessants qu'il a
accomplis en faveur des esclaves, des opprimés ou des
persécutés de tout sexe, de toute religion (y compris la sienne),
de tous pays et de toutes races. [...]. Qu'il me soit permis de souligner la
grandeur et en même temps le caractère prophétique de ses
écrits et de son action, dans trois domaines immenses, à savoir
la défense des droits de l'homme, la délimitation des droits et
des devoirs des Etats et l'organisation de la coopération entre savants,
gens de lettres et artistes de tous les pays."
L'abbé GREGOIRE avait en effet pris une part active
à la discussion et au vote de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789. Il obtint que le nom de Dieu fut placé en
tête du Texte. Il ne fut pas suivi sur l'inclusion d'une
déclaration des devoirs, ni en 1789, ni en 1793, ni en 1948 mais
René CASSIN estimait, et sur ce point la remarque empiète sur le
second chapitre de cette première partie, que l'idée centrale
était sauvée par la reprise dans la Déclaration
Universelle, sous une forme différente et plus générale,
de l'avant-projet français de juin 1947:
"L'article 29 de la Déclaration Universelle
adoptée à Paris, le 10 décembre 1948, article qui, comme
un fronton couronne la colonnade des droits et libertés de l'homme, ne
se borne pas à indiquer les limitations nécessaires de ces
droits. Il proclame expressément que [ René CASSIN cite le texte]
l'individu a des devoirs envers la communauté dans laquelle, seul, le
libre et plein développement de sa personnalité est
possible."
Le projet élaboré en 1943, que nous
n'avons pas réussi à trouver mais dont le titre est
déjà assez évocateur, nous autorise à penser qu'en
tant que commissaire du Gouvernement de la France Libre, René CASSIN
préparait aussi l'avenir, c'est à dire le monde de
l'après-guerre, et cela tant du point de vue des droits de l'homme que
de celui de l'éducation, dont il acquit la conviction qu'elle
était le "salut du monde"151(*). Ses activités internationales allaient dans
ce sens.
Au titre de commissaire à l'Instruction publique, il
participera à la préparation de ce qui deviendra la
Conférence permanente des ministres de l'Education alliés, dont
les travaux seront à l'origine de la fondation de l'Organisation des
Nations Unies pour l'éducation, les sciences et la culture
(U.N.E.S.C.O.)152(*). En
sa qualité de commissaire à la Justice, il se consacrera à
la préparation du mode de punition des criminels de guerre. Il oeuvrera
ainsi au sein des Conférences interalliées des ministres de la
Justice, qui donneront naissance aux projets de juridiction pour le futur
tribunal de Nuremberg153(*).
3. René CASSIN, apôtre de la paix et de
l'universalité
Nous empruntons à Gaston MONNERVILLE le qualificatif
qu'il employait pour désigner René CASSIN, qu'il décrivait
comme un "apôtre tenace et inlassable de la sauvegarde des droits de
l'homme et du respect de ses libertés"154(*).
Il n'est pas question ici de faire un inventaire des toutes
les actions et réflexions de René CASSIN à propos des
droits de l'homme, mais de voir en quoi sa conception d'une matière si
sujette à interprétations diverses, a pu imprégner la
Déclaration universelle des droits de l'homme, dont il suivit
personnellement toutes les phases de l'élaboration, jusqu'à son
vote au Palais de Chaillot à Paris le 10 décembre 1948.
b) paix et droits de l'homme
Les activités de René CASSIN, qu'il s'agisse de
celles qu'il mena avant la guerre de 1939 ou pendant celle-ci, tendaient d'une
façon générale à la défense de la paix. Or
celle-ci est intimement liée au respect des droits de l'homme. Pour
renLa guerre de 39-45 en constitua une illustration:
"Si la première guerre mondiale a
été idéologiquement livrée pour
l'indépendance des nationalités ainsi que pour
l'établissement de la sécurité collective et
l'organisation de la paix internationale, la seconde guerre mondiale a
revêtu essentiellement le caractère d'une croisade pour les droits
de l'homme."
On ne saurait donc construire une paix durable sans leur
appui.
Cette conviction se retrouve, si l'on se limite aux textes
qui nous occupent, chez les pères fondateurs de la Déclaration
Universelle, des Pactes de 1966, ainsi que chez les rédacteurs de la
Convention européenne de sauvegarde de 1950. Elle entraînera
CASSIN dans un combat sans fin.
René CASSIN savait cependant que les droits de l'homme
ne représentaient que l'une des conditions nécessaires à
l'existence de la paix internationale. Il l'expliqua dans le discours qu'il
prononça lors de la remise de son prix Nobel de la paix en
1968155(*):
"Nul ne saurait oublier les autres [aspects], tels que
l'éducation, le désarmement, la coopération technique et
financière.
En définitive, l'organisation de la paix doit se
baser sur des considérations de raison et d'intérêt bien
entendu. Elle suppose des efforts immenses pour modifier par l'éducation
des mentalités anciennes-travailler à des limitations
d'armements, manifester sa solidarité envers ceux qui ont faim,
coopérer à la consolidation des entités familiales ou
étatiques. Mais la raison ne suffit pas. Les facteurs émotionnels
et notamment le sentiment de la Justice ne sauraient être
abandonnés à ceux qui les utilisent pour la haine et la
destruction"
Mais ce qui justifiait en grande partie la lutte en faveur de
ces droits pour René CASSIN, qui connut deux guerres, c'était que
la rupture de la paix qui avait conduit à la tragédie de la
seconde guerre, s'était faite sur le problème des droits de
l'homme156(*). Il
rappelait qu'en 1933, à l'occasion de la plainte déposée
devant le Conseil de la Société des Nations par un citoyen
allemand de Haute-Silésie, concernant une violation par le régime
hitlérien du traité germano-polonais conclu en 1922, sous les
auspices de la S.D.N. (pour la garantie du droit des minorités sur ce
territoire), les délégués des Etats membres
votèrent un projet de résolution qui invitait chacun des
Gouvernement à respecter, chez lui, les droits de l'homme, même
s'ils n'étaient pas inscrits dans un traité en particulier ni
même visés expressément dans le Pacte de la S.D.N.
Le débat initialement enfermé dans le cadre des
"minorités" tendait à être élargi jusqu'au plan le
plus général, celui des droits de l'homme.
Quelques jours après ce vote, l'Allemagne
annonçait son retrait de la Conférence de limitation et de
réduction des armements et de la Société des Nations,
après que GOEBBELS eut rappelé que le troisième Reich ne
se départirait pas du principe" Charbonnier est maître chez
soi":
"La souveraineté du Reich interdit à
quiconque de s'immiscer dans ses affaires intérieures. La manière
dont il traite ses ressortissants ne regarde que lui."
CASSIN réagit en tant que juriste: il se fit
l'avocat d'une reconnaissance de la qualité de "personne de droit
international" à tout homme, seul moyen d'échapper à sa
condition de "chose" entre les mains du bon ou du mauvais vouloir des
souverainetés. Cette idée explique son attachement à voir
se réaliser le respect effectif et universel des droits de
l'homme, attachement qui devait notamment se manifester dans ses prises de
position au cours de la préparation de la Charte internationale.
b) Droits de l'homme et
universalité
Marc AGI a consacré sa thèse à la vie et
l'oeuvre de René CASSIN en l'intitulant: "De l'universalité comme
fondatrice du concept des droits de l'homme"(...) Pour expliquer sa conception
de l'universalité, René CASSIN lui-même se
référait à Jacques MARITAIN, philosophe catholique et
tomiste, un des premires et rares intellectuels ayant adhéré au
gaullisme, qui devait être nommé ambassadeur de France
auprès du Vatican. Se référant à un livre
publié par l'U.N.E.S.C.O. au sujet de la Déclaration Universelle
des droits de l'homme157(*), CASSIN écrit158(*):
"C'est le philosophe Maritain (...) qui a vu juste en
disant qu'il ne fallait pas chercher une conciliation théorique ou une
synthèse proprement philosophique, mais trouver une convergence pratique
d'idéologies et de principes d'action fondamentaux. Or, c'eût
été manquer de cet idéalisme pratique que de se refuser
à tenter la synthèse des aspirations communes à tous les
hommes. Il n'est nullement vrai que dans les sociétés
occidentales, on ne pense qu'à la liberté d'expression: on pense
aussi au pain. Et il n'est pas dit qu'il n'y a pas d'aspiration à la
liberté dans les pays où c'est le problème du pain qui est
encore prépondérant. Dans l'ensemble, la conception universaliste
de la Déclaration mérite donc d'être
approuvée"
Nous verrons bientôt que René CASSIN ne perdit
pas l'occasion d'affirmer sa conception de l'universalité des droits de
l'homme quand, à la Commission de l'O.N.U., cette question fut
abordée.
CHAPITRE II
L'ETABLISSEMENT D'UNE CHARTE INTERNATIONALE DES DROITS
DE L'HOMME
On sait aujourd'hui que Déclaration et Pactes forment
un ensemble cohérent nommé Charte internationale. La
première manifeste la volonté de la Communauté
internationale, les seconds traduisent cette volonté en dispositions
conventionnelles.
Après la seconde guerre mondiale, ceux qui
pensèrent la Charte dûrent d'abord s'entendre sur sa forme, sur
son agencement et sur la méthode avec laquelle serait
élaboré son texte.
Les Etats trouveront ensuite assez vite un terrain d'entente
sur le contenu de la Déclaration, mais il fallu attendre beaucoup plus
longtemps pour qu'ils s'accordent sur un texte contraignant comprenant les
mesures d'application et de contrôle des droits proclamée dans la
Déclaration. Ils y parvinrent cependant, près de vingt ans
après l'adoption de la Déclaration universelle.
La France, représentée par son
délégué René CASSIN, prit une part importante dans
la rédaction de la Déclaration ainsi que dans les débats
concernant les Pactes.
SECTION I: LES ETAPES PREPARATOIRES
On peut distinguer plusieurs stades dans le travail de
préparation de la Charte des droits de l'homme159(*). Ils
s'échelonnèrent entre le 27 janvier 1947 et le 10 décembre
1948.
A- Les différentes conceptions de la future Charte
des droits de l'homme
En 1946, l'Assemblée générale
des Nations Unies manifeste sa volonté de discuter de
l'élaboration de la Charte des droits de l'homme dès la session
de 1947. Le projet de Charte est donc le sujet de débat le plus
important que rencontre la Commission des droits de l'homme à
l'époque160(*).
L'édiction d'une norme internationale partait d'une
idée ambitieuse. Elle visait à concevoir un outil de protection
des droits de l'homme valable partout dans le monde, à édicter
une norme mondiale qui énonce les droits fondamentaux de l'ensemble du
genre humain.
La forme de l'instrument à élaborer devait se
montrer à la hauteur de ces aspirations. C'est pourquoi avant même
la création de l'Organisation des Nations Unies, le Département
d'Etat américain avait en effet envisagé d'intégrer une
Déclaration des droits dans le corps même de la Charte161(*). Devant l'opposition du
Royaume Uni et de l'U.R.S.S., l'idée fut cependant abandonée.
Il avait ensuite été imaginé que la
future Charte pourrait être adoptée par l'Assemblée
générale des Nations Unies, en tant qu'amendement
à la Charte de San Francisco à peine entrée en
vigueur. Mais cette option, si elle était juridiquement possible,
s'avérait politiquement impraticable. Une pensée de René
CASSIN nous éclaire sur ce point162(*):
"L'idée qu'on pût porter la moindre atteinte
à l'article 2 paragraphe 7 déniant aux Nations Unies toute
qualité pour intervenir dans les affaires relevant essentiellement de la
compétence d'un Etat, n'aurait eu , en cette période, vraiment
aucune chance de succès."
Les associations civiques internationales avaient quant
à elles pensé que la Charte pourrait revêtir la forme d'une
Déclaration, manifeste constitutionnel. Elle aurait
été incorporée dans la Constitution nationale, ou,
à défaut de l'existence de celle-ci (comme au Royaume-Uni par
exemple), dans la législation de chaque Etat membre, après un
vote solennel des Nations Unies. Cette solution s'est
révélée irréalisable pour les mêmes raisons
que la formule énoncée plus haut. René CASSIN lui trouvait
pourtant une "grande élévation morale".
Lord DUKESTON, membre britannique de la Commission, avait
suggéré de soumettre à l'Assemblée, dans un
ensemble de résolutions, un projet de Convention destinée
à être signée et ratifiée par chacun des Etats
membres. Ce projet suscita les résistances des délégations
qui redoutaient d'assumer des engagements juridiques précis. Il
rencontra aussi l'hostilité des délégations qui jugeaient
impossible, dans le court délai imparti, d'improviser une oeuvre trop
technique.
De son côté, la représentante des Etats
Unis proposa à la Commission dès le 28 janvier 1947 de
préparer une Déclaration-manifeste. Le
délégué français explique le succès de cette
idée163(*):
"Comme elle était plus simple, d'effet moral plus
assuré, qu'elle n'impliquait aucune réduction immédiate de
souveraineté des Etats et que sa réalisation dans un délai
très étroit semblait possible, elle a rallié l'ensemble
des membres de notre organisme préparatoire."
Cependant plusieurs membres de la Commission, dont
René CASSIN, ont estimé que l'abandon de la proposition
britannique, sérieuse et précise, constituerait une erreur. Il a
donc été admis que la Déclaration internationale
proclamant les principes des droits de l'homme devrait être
conjuguée avec des dispositions conventionnelles. L'ensemble
constituerait la Charte internationale.
Ce fut pour apaiser les appréhensions des
délégations gouvernementales qui ne purent obtenir, dès
San Francisco, l'annexion d'une Déclaration internationale des droits de
l'homme à la Charte des Nations Unies, que le Président des Etats
Unis TRUMAN promit, lors de la clôture de cette Conférence, que
serait adopté, dans le plus court délai, un international
Bill of Human Rights, c'est-à-dire une Charte spéciale des
droits de l'homme, digne de l'attente des peuples164(*).
B- Décisions de procédure
Au cours de sa première session, tenue à New
York du 27 janvier au 2 février 1947, la Commission des droits de
l'homme décida de confier à son seul bureau (comprenant la
présidente, le vice-président et le rapporteur), le soin
d'élaborer, avec le concours du Secrétariat, un premier
avant-projet de Déclaration sous forme de résolution de
l'Assemblée.
Cette décision de procédure,
"déplorable" selon René CASSIN, s'expliquait par les exigences
trop strictes formulées par l'Assemblée générale en
1946 quant au délai de préparation de la Charte. Le
problème des mesures d'application, sur lequelle les divergences
s'étaient immédiatement accusées, était ainsi
relégué à plus tard. René CASSIN devait en tirer
une certaine amertume165(*):
"Alors que les questions de "mise en oeuvre" des droits
reconnus avaient déjà été évoquées
sur mon insistance dans le rapport du groupe initial de 1946, c'est à
grand peine que, devant les objections tirées de leur "caractère
prématuré" j'obtins, en janvier 1947, le principe d'une
"exploration" confiée au bureau de la Commission."
Ce fut notamment pour cette raison que la décision du
Conseil économique et social de substituer au bureau un Comité
de rédaction, rencontra l'approbation du
délégué français. Cette décision fut prise
sur proposition de la présidente de la Commission des droits de
l'homme166(*). La
résolution de l'E.C.O.S.O.C du 28 mars 1947 porta en effet à huit
le nombre des membres du groupe de rédaction, en rajoutant aux trois
personnalités déjà désignées et acceptantes,
les délégués des trois autres pays membres permanents du
Conseil de Sécurité (France, Royaume-Uni, U.R.S.S.) et de deux
autres Etats. Le bureau ne comprenait en effet aucun Européen, ni de
représentant de l'Amérique latine ou des républiques
populaires, et ces absences apparaissaient dommageables au regard des ambitions
attachées à un tel projet. Au contraire, dès la nomination
du Comité de rédaction, près de la moitié.des
membres de la Commission représentaientt les principales cultures et les
différents systèmes juridiques. Participant directement à
l'élaboration du projet de Déclaration issu de la Commission, il
permit au texte du Comité de rédaction de faire largement
autorité par la suite167(*).
C- Définition de la mission du Comité de
rédaction
Entre le 9 et le 25 juin 1947, le Comité des huit se
réunit ainsi à Lake Success pour la première fois. Ses
débats eurent pour base un travail établi par le
Secrétariat Général des Nations Unies entre février
et juin 1947, sous la direction du Professeur HUMPHREY, directeur de la
division des droits de l'homme, assisté du Professeur GIRAUD168(*).
Ce document contenait, méthodiquement
regroupés, tous les principes et les thèmes ayant trait aux
droits de l'homme qui avaient déjà été retenus dans
les textes de constitutions ou déclarations nationales, ainsi que les
propositions de déclaration internationale déposées devant
l'Assemblée générale par les gouvernements de Panama et de
Cuba et, surtout, un substantiel avant-projet de Déclaration comprenant
quarante-huit articles. Cet avant-projet, qui s'inspirait des différents
projets de Déclaration soumis à la Commission lors de sa
première session, était déjà très complet
puisqu'il prenait en compte tant les droits civils et politiques que les droits
économiques, sociaux et culturels169(*).
Si le programme de travail tracé était devenu
moins précipité depuis la constitution du Comité, il n'en
était pas mois très chargé. Le Comité dût
préparer de front deux documents de travail: l'avant-projet de
déclaration définissant les principes généraux et
une ébauche de convention sur les points susceptibles, de l'avis du
Comité, faire l'objet d'obligations formelles170(*).
Parallèlement au travail concernant la
Déclaration, le Comité examina donc les points pouvant
constituer le fond d'un projet de Convention en partant d'une
proposition émise par Royaume-Uni. A cette fin, le Comité de
rédaction, sur la proposition du représentant de l'U.R.S.S.,
constitua tout d'abord un groupe de travail composé d'Eléanor
ROOSEVELT, de René CASSIN, du Lord DUKESTON, du Dr Charles
MALIK171(*). Il fut
chargé de proposer.un regroupement logique des articles de
l'avant-projet préparé par le Secrétariat; une nouvelle
rédaction des différents articles tenant compte des discussions
du Comité de rédaction; une répartition des articles entre
une Déclaration et une Convention. A l'issue des trois séances de
travail, le groupe décida, afin de donner davantage
d'unité au document, de confier à une seule personne, le
professeur René CASSIN, la rédaction d'un projet de
Déclaration d'après les articles de l'avant-projet du
Secrétariat.
Enfin, le Comité fut saisi de propositions et
observations au sujet des moyens d'application pratique d'une
déclaration internationale des droits de l'homme. Parmi elles,
René CASSIN souligne la proposition australienne tendant à
instituer un tribunal international des droits de l'homme, chargé de
juger les cas de violation de ces droits. Le Comité n'en approuva aucune
et se borna à les transmettre à la Commission, certaines d'entre
elles apparaissant peut-être trop audacieuses pour qu'elle pût se
prononcer.
D- Les progrès de la Charte.
Tenue à Genève à la fin du 2 au 17
décembre1947, la seconde session de la Commission des droits de l'homme
fut l'occasion de donner un caractère précis et définitif
à la méthode d'élaboration de la Charte, provisoirement
choisie en janvier 1947172(*).
D'une part, sur une initiative de M.DEHOUSSE,
délégué belge, il fut décidé que la charte
prendrait la forme d'un tryptique dont le volet central serait la
Déclaration internationale, et dont les volets latéraux seraient,
d'une part une convention juridiquement obligatoire dénommée
Pacte et de l'autre, des mesures d'application, c'est à dire de garantie
internationale173(*).
Comme conséquence de cette option, l'organisation
interne de la Commission a été améliorée dans le
sens d'une plus grande effectivité. Le travail a en effet
été réparti entre trois groupes, ayant respectivement la
charge des projets de déclaration, convention et mesures d'application.
La question se posa de savoir si l'expression"Charte des
droits (Bill of Rights) ne devrait s'appliquer qu'à la
Convention ou à la Déclaration, ou aux deux documents pris
ensemble. Afin de clarifier ces termes, la Commission décida d'appliquer
le terme "Charte internationale des droits de l'homme" ou "Charte des droits"
à l'ensemble des documents en préparation; d'utiliser le
treme de "Déclaration pour les articles proposés par le premier
groupe de travail et amendés par la Commission plénière;
de donner le nom de "Pacte des droits de l'homme à la Convention
préparéé par le second groupe et examinéé
par la Commission; enfin, d'appeler "mesures d'application le résultat
des propositions soumises par le troisième groupe174(*).
D'autre part, la Commission des droits de l'homme examina
l'avant-projet de Déclaration issu du Comité de rédaction
de juin et de nouveau rapporté par le délégué de la
France. Il reçut une première mise au point concernant les droits
civils et politiques qui fit dire à René CASSIN que175(*):
"Le projet de Déclaration a réellement pris
figure à cette session."
Celui-ci évolua en effet vers une reconnaissance plus
large des droits économiques, sociaux et culturels,droits
consacrés seulement dans les constitutions du XX ème
siècle, notamment en Amérique latine et en Union
Soviétique (texte de 1937), à côté des droits
classiques proclamés dans les déclarations des XVIIIème et
XIXème siècle. Pour la première fois, le
délégué soviétique (M. BOGOMOLOV) prit une part
positive aux débats, ce qui représentait un progrès
considérable dans le travail de la Commission. On retiendra notamment de
ce projet que les devoirs de l'Etat y sont affirmés en termes
impératifs dans chaque article et qu'ils sont rigoureusemnt liés
aux affirmations concernant la liberté individuelle, le droit à
la sûreté et à la vie.
"L'avant-projet soumis à la séance
plénière couvrit donc l'ensemble des droits et facultés
indispensables, à notre époque, à l'épanouissement
de la personne humaine." 176(*)
E- Vers une solution de compromis
Du 24 mai au 18 juin 1948, les travaux de la troisième
session de la Commission des droits de l'homme, tenue à New York, se
déroulèrent en séance plénière et aucun
groupe de travail ne fut constitué. Les articles proposés pour la
Déclaration furent examinés un à un et la Commission
dût faire face au conflit entre pays socialistes et pays occidentaux au
sujet du libellé des articles concernant les droits économiques,
sociaux et culturels, exigeant des "devoirs" précis des Etats pour les
premiers, ne représentant que des "facultés" pour les
seconds177(*).
La Commission connut ainsi une situation de blocage
sérieuse. En effet, à la relecture de l'avant-projet
adopté lors de la session de Genève, des corrections se sont
avérées nécessaires afin de dissiper les équivoques
nées de la référence systématique au rôle de
l'Etat. En effet, celui-ci ne devait pas être compris comme étant
le seul responsable de la protection et de la réglementation des droits
de l'homme. L'homme devait être envisagé, dans ses rapports, non
pas seulement avec l'Etat, mais avec les groupes sociaux les plus divers dont
il fait partie: famille, tribu, cité, profession, confession...
Le conflit s'accusa nettement sur le libellé
reconnaissant les droits économiques, sociaux et culturels de l'homme,
c'est-à-dire des prérogatives conférant à celui-ci
vocation à une prestation (et pas une simple faculté).
Plusieurs délégations "à structure non
socialiste" manifestèrent leur intention d'assortir l'affirmation des
droits économiques, sociaux et culturels de réserves
insérées dans chaque article et concernant la possibilité
financière pour la société de faire face à une
telle prestation.
Afin de surmonter l'obstacle, CASSIN eut l'idée de
marquer, dans un texte-chapeau, les caractères communs à
l'ensemble de ces droits en les distinguant de ceux précédemment
énumérés, la satisfaction des droits économiques,
sociaux et culturels étant placée dans une situation de
dépendance des ressources de chaque pays et de la
coopération internationale178(*). Ce texte deviendra plus tard l'article 22 de la
Déclaration.
Aucun compromis ne parvenant à se dessiner entre les
pays au sujet de la rédaction du Pacte, la Commission prit le parti de
ne pas attendre davantage à propos de ce premier élément
de la Charte des droits de l'homme.
Ses membres s'accordèrent donc sur le renvoi du projet
de Déclaration à l'examen des gouvernements, afin que ceux-ci
décident si, malgré l'absence du projet de Pacte qui aurait
dû l'accompagner, il pouvait être immédiatement transmis par
l'E.C.O.S.O.C. au vote de l'Assemblée générale de 1948.
En 1951179(*), René CASSIN expliquait comme suit la
dificulté à laquelle avait été confrontée la
Commission:
"Si l'on voulait attendre l'achèvement par la
Commission du projet de Pacte, qui se révélait très
difficile, pour le soumettre à l'Assemblée en même temps
que la Déclaration, on risquait de laisser passer une conjoncture
favorable. Accepter, au contraire, la dissociation des deux travaux,
c'était risquer d'endormir l'opinion publique dans l'illusion que le
vote d'une Déclaration manifeste suffirait à tout."
Dans un commentaire paru en 1968180(*), René CASSIN
précisait que déjà, la "guerre froide" avait
commencé et menaçait de compromettre l'adoption et d'une
déclaration, et d'une convention.
La balance des Gouvernements a finalement
penché dans un sens favorable au vote immédiat de la
Déclaration, après que M. ATTLEE, Premier ministre du Royaume
Uni, accepta d'abandonner (sous l'influence du professeur Harold LASKI,
alerté par CASSIN) sa position demeurée jusqu'alors favorable
à la présentation conjuguée de la déclaration et du
texte.
Par un vote du Conseil économique et social,
émis au cours de la session qu'il tint en juillet 1948 sous la
présidence de M. MALIK à Genève, celui-ci, par un vote
unanime et sans discussion, transmit donc purement et simplement à
l'Assemblée générale, le projet de Déclaration
élaboré par la Commission des droits de l'homme.
C'est ainsi que dès l'automne 1948, à Paris,
l'Assemblée générale discuta et vota le texte de la
Déclaration, alors même que les Pactes dûrent attendre cette
consécration jusqu'en 1966, sans parler des mesures d'application qui ne
trouvèrent guère l'écho qui avait été
escompté pour elles au départ.
SECTION II:LA DECLARATION INTERNATIONALE DES DROITS DE
L'HOMME
"La Déclaration Universelle des droits de l'homme
(...) est le fruit d'un long effort des savants soutenus par l'opinion
publique, finalement valorisé par les gouvernements et les organisations
internationales officielles"181(*).
Ce texte est devenu une référence dans le monde
entier.
"Après la seconde guerre, le grand
évènement est l'adoption par l'O.N.U. de la Déclaration
universelle des droits de l'homme en 1948.
Les droits de l'homme vont alors devenir l'un des
éléments clés du système mondial [...]."182(*)
Il s'avèrera être un instrument de pression
internationale s'exerçant par le canal du milieu diplomatique mais aussi
par la voie des associations et ligues de la société civile. Il
est donc intéressant de voir comment il a été
élaboré.
A-L'idéalisme pratique des pères fondateurs
de la Déclaration
L'expression d'"idéalisme pratique", qu'affectionnait
René CASSIN, devait revêtir une certaine réalité
lors des premiers travaux préparatoires à la
Déclaration.
"La difficulté principale qui apparut dès
le début fut de savoir comment trouver, non seulement pour tel droit ou
telle liberté de l'homme, mais pour les principes généraux
touchant l'unité du genre humain et les attributs essentiels de la
personne humaine (dignité, liberté, égalité, devoir
de fraternité, etc.) des formules n'obligeant pas le Comité
à prendre parti sur la nature de l'homme et de la société
et à affronter des controverses métaphysiques, notamment le
conflit des doctrines spiritualistes, rationalistes et matérialistes sur
l'origine des droits de l'homme."183(*)
Les quelques tentatives en vue de préciser
cette origine (en mentionnant le Créateur notamment) se
révélèrent infructueuses184(*).
Ce fut finalement "l'idéalisme pratique", celui que
louait CASSIN en commentant l'abbé GREGOIRE, qui anima les membres de la
Commission.
"Dès lors q'une formulation adéquate a
permis d'arrêter les principes fondamentaux sans qu'il en résulte
un engagement métaphysique particulier, la voie a été
largement ouverte et l'énoncé des divers droits s'en est suivi
facilement sur la base des document diponibles"185(*).
Jean-Bernard MARIE devait écrire que l'accord
d'"idéalisme pratique" constitué par la Déclaration
n'avait pu être atteint que grâce à la personnalité
et à la compétence des membres de la Commission ayant
participé à son élaboration. Caractérisés
par une grande diversité de culture, de formation et de
compétence, les membres de la Commission réalisèrent
l'amorce d'un travail pluridisciplinaire que devait exiger toujours davantage
la matière des droits de l'homme186(*).
La Déclaration universelle fut adoptée par
l'Assemblée générale réunie au Palais de Chaillot
à Paris le 10 décembre 1948. Tous les membres des Nations Unies
votèrent en sa faveur, à l'exception des Etats du bloc
communiste, mécontents de l'absence de toute mention du droit des
peuples à disposer d'eux-mêmes187(*), de l'Afrique du Sud et de l'Arabie Saoudite, qui
s'abstinrent.
B- D'une Déclaration internationale à une
Déclaration universelle
Le caractère "universel" de la Déclaration
adoptée en 1948 était un point sur lequel le représentant
de la France à la Commission des droits de l'homme insistait188(*). Ce texte avait en effet
d'abord été conçu comme une Déclaration
internationale. Il devait être une proclamation faite par des
représentants d'Etats, ce qui liait les droits de l'homme à une
conception interétatique de la société universelle
réduite à l'état de communauté juridique
"internationale".
Peu à peu s'est dégagée l'idée
que, l'homme devant être le centre de la Déclaration, il ne
fallait pas laisser aux Etats un rôle exclusif. C'est pourquoi la
délégation française, suggéra que la
Déclaration commence, comme la Charte des Nations Unies, par la formule:
"Nous, peuples des Nations Unies...". Cette suggestion fut cependant
écartée. Mais une autre proposition française,
défendue par le représentant CASSIN, fut acceptée par
l'Assemblée générale des Nations Unies: il s'agissait de
celle qui tendait à changer l'intitulé de la Déclaration.
L'Assemblée lui a ainsi conféré
l'appellation de "Déclaration Universelle", indiquant par
là qu'elle émanait de la Communauté juridiquement
organisée de tous les peuples du genre humain et qu'elle exprimait les
aspirations communes à tous les hommes189(*).
"Cette reconnaissance à tout être humain, en
tout lieu et à toute époque, d'un minimum consistant de droits
fondamentaux jette la base d'un nouveau droit commun international: en ce sens,
le droit international des droits de l'homme prétend exprimer des
valeurs -la dignité de l'homme, l'égalité des hommes- qui
constituent un fonds commun à toutes les civilisations et à
toutes les religions. L'atteste le rayonnement de la [Déclaration] qui
va irradier à la fois les législations nationales (certains Etats
nouveaux l'incorporerons dans leurs constitutions: Indonésie,
Costa-Rica, Haïti) et les textes internationaux."190(*)
Si, comme on a pu l'écrire191(*), l'essentiel de la
pensée de René CASSIN sur la nature des droits de l'homme
était contenu dans la Déclaration, c'est en partie parce qu'elle
ne venait pas choquer sa conception de l'universalité.
Il expliquait192(*) que l'aspect universel de la Déclaration
tenait à ce qu'elle ne visait pas l'Etat comme le constant et
seul débiteur de la protection des droits de l'homme, un homme
qu'il voulait ériger en sujet du droit international.
Selon CASSIN, la Déclaration s'était en effet
gardée de poser en dogme la dualité entre l'individu et l'Etat.
Afin de montrer que la Déclaration excluait le système
d'après lequel la Société dite internationale ne serait
composée que d'Etats et ne comprendrait pas les êtres
humains eux-mêmes193(*), il procèdait à une
exégèse du texte. Il relèvait la fréquente
utilisation des termes de "société" (Préambule;
art.1,§3; art.22; art.29,§1) et de "communauté"
(art.27,§a; art.29,§1). Il notait également que l'individu
était envisagé dans ses rapports avec les groupes sociaux dont il
peut faire partie: famille, cité, groupes confessionnels, professionnels
etc s'élargissant jusqu'à la grande Société
humaine.
C-Evolution du contenu des dispositions de la
Déclaration
Le projet présenté par le
délégué français à la deuxième
session de la Commission des droits de l'homme comprenait un Préambule
et quarante-six articles répartis en huit chapitres qui traitaient
successivement: des principes généraux, du droit à la vie
et à l'intégrité physique, des libertés
personnelles, du statut juridique, des libertés publiques, des droits
politiques, de la nationalité et de la protection des étrangers,
enfin, des droits sociaux, économiques et culturels194(*).
CASSIN remania son projet en prévision de la
troisième session de la Commission et ramena le texte de la
Déclaration à trente articles195(*).
Selon lui, le projet qui fut adopté à la
troisième session de la Commission réalisa un juste milieu entre
la conception britannique d'une Déclaration très succinte et la
conception soviétique d'une Déclaration très
touffue196(*). Le
représentant de la France put dans l'ensemble faire valoir la conception
française, mais certains articles auxquels elle tenait se sont
trouvés affaiblis.
Le droit d'asile, par exemple, était plus
fermement protégé par le projet français qu'il ne le fut
par le projet final. L'article 10 du texte français prévoyait en
effet que les Nations Unies "étaient tenues" de procurer un asile
à toute personne persécutée. L'article 14 de la
Déclaration universelle lui reconnaît simplement le droit "de
bénéficier de l'asile en d'autres pays".
Concernant le droit de posséder une
nationalité, la Commission consultative française avait
imaginé la formule suivante (article14):
"Tout individu a droit à une nationalité.
Les Nations Unies ont avec les Etats-Membres le devoir de prévenir
l'apatridie.
Toute personne qui ne jouit pas de la protection d'un
Gouvernement sera placée sous la protection des Nations Unies."
Là non plus, comme on le sait, rien de
semblable ne se retrouve dans le texte de l'article 15 de la Déclaration
universelle.
Dans une moindre mesure, l'égalité des salaires
entre hommes et femmes était plus appuyée dans le projet
français puisque l'article 21, alinéa 3 faisait mention
expressément de l'interdiction de cette discrimination, alors que les
rédacteurs du projet final inscrivirent simplement dans le
libellé de l'article 23, alinéa 2:
"Tous ont droit, sans aucune discrimination, à un
salaire égal pour un travail égal."
Il est vrai que la formule choisie permettait aussi
d'élargir le champ des discriminations prohibées.
Enfin, et surtout souligna le
délégué français dans le compte-rendu qu'il fit
à la Commission consultative, toute recommandation aux Etats de
conformer aux termes de la Déclaration leur législation et leur
pratique a été éliminée du texte comme rentrant
dans le domaine de la mise en oeuvre, alors que le projet français
était sur ce point particulièrement formel197(*). Ces mentions auraient pu
conférer à la Déclaration une valeur supérieure, en
attendant que soit adopté le texte contraignant.
"On peut (donc) regretter que l'Assemblée
générale ait été trop prudente en hésitant
à affirmer [...] certaines responsabilités de l'Organisation des
Nations Unies. Les principes proclamés par elle pour la première
fois au nom de la communauté humaine organisée ont cependant une
immense valeur, alors que jusqu'ici les constitutions, déclarations ou
lois de certains pays n'avaient pu les formuler qu'avec une autorité
nationale."198(*)
Toutefois, comparant la Déclaration au "portique d'un
temple"199(*), il
affirmait la nécessité de donner une effectivité
réelle aux droits proclamés:
"[...] le portique ne saurait être une superbe
façade derrière laquelle il n'y a rien. Il faut que les portes de
la Déclaration, qui permettent d'entrer dans le temple des droits de
l'homme, mènent effectivement quelque part."200(*)
SECTION III- LES MESURES D'APPLICATION ET DE CONTROLE
L'inconvénient présenté par la
Déclaration était le caractère discutable de sa valeur
juridique201(*). les
débats auxquels elle donna lieu montrèrent que, pour de nombreux
Etats, elle ne revêtait "que" la portée morale appartenant
à toute résolution de l'Assemblée
générale.
Pour remédier à cet inconvénient, les
Nations Unies ont donc voulu insérer dans un Pacte qui aurait, lui, la
valeur de toute convention, le plus grand nombre possible des dispositions de
la Déclaration. Afin de rendre ce pacte véritablement
obligatoire, elles ont par ailleurs décidé qu'il devrait
comprendre comme partie intégrante le troisième
élément de la Charte des droits de l'homme: les mesures
internationales de contrôle.
La délégation française suivit avec
attention les travaux des Nations Unies sur le Pacte. Sa position fut à
l'image de celle qu'adoptèrent les pays dont l'histoire avait
croisé celle de la colonisation.
Dès 1947, l'idée de compléter la
Déclaration universelle par des pactes a pris corps aux Nations Unies et
a été notamment défendue par René CASSIN au sein de
la Commission des droits de l'homme202(*). Après le vote de la Déclaration
universelle, la préparation des Pactes s'est trouvée, selon le
voeu de l'Assemblée, au premier plan des préoccupations de la
Commission. En 1954, le Conseil économique et social a transmis à
l'Assemblée les projets rédigés par la Commission.
A-La position française à l'égard des
mesures d'application et de contrôle
Les instructions que recevait la délégation
française à la Commission des droits de l'homme de l'Organisation
des Nations Unies étaient préparées, comme nous l'avons vu
plus haut, par la Commission consultative des droits de l'homme et le
ministère des Affaires étrangères.
Délégué, vice-président en 1949 puis
président en 1955, René CASSIN était supplée par
Pierre JUVIGNY.
Un document issu des archives diplomatiques203(*) en date de 1955 expose les
thèses qui furent adoptées par la délégation
française de 1947 depuis l'adoption de la Déclaration universelle
des droits de l'homme par l'Assemblée générale en
décembre 1941.
1-Deux idées principales
Il apparaît que la position française
s'ordonnait autour de deux idées majeures. La première visait
à donner au Pacte un caractère universel: les français
aspiraient à voir ratifier la future convention par le plus grand nombre
d'Etats possible. La seconde tendait à les rendre efficaces: des
obligations précises devaient être assorties d'un système
de contrôle permettant de veiller à leur exécution.
Cette double préoccupation engagea la France à
préconiser dès 1949 la formation de deux Pactes distincts: l'un
relatif aux droits civils et politiques, l'autre aux droits économiques,
sociaux et culturels. Les droits civils et politiques devaient donner lieu
à des engagements de la part des Etats et pouvaient être garantis
immédiatement après ratification. Les droits économiques,
sociaux et culturels exigeant quant à eux l'action de l'Etat, ne
devaient recevoir satisfaction que par étapes, alors même qu'ils
avaient été admis dans leur principe. Les obligations
étatiques concernant ces droits ainsi que les modalités de
contrôle correspondantes ne pouvaient donc dépasser l'engagement
de réaliser progressivement des réformes204(*).
Mais la France ne souhaitait pas pour autant que la
dualité des Pactes porte atteinte à l'unité de la
protection internationale des droits de l'homme. Les milieux anglo-saxons
penchaient pour la thèse selon laquelle il y avait, dans la
Déclaration universelle, des droits et libertés plus fondamentaux
que d'autres. Il était selon cette thèse plus urgent de
rédiger d'abord un pacte concernant les droits civils et politiques,
plus anciennement reconnus et plus faciles à définir. Les droits
économiques, sociaux et culturels viendraient en seconde position.
"Ainsi préconisée, la thèse de la
pluralité des Pactes se présente comme un choix d'ordre politique
et mystique, à proposer aux Nations Unies. Le débat sur la
"préeminence transcendantale" de tels ou tels droits que les auteurs de
la Déclaration universelle animés d'un idéalisme pratique
se sont gardés de trancher, ce débat d'ordre métaphysique
a été crûment ouvert à propos du Pacte et des
mesures de mise en oeuvre et a naturellement déchaîné des
polémiques en liaison avec la "guerre froide des deux
blocs"."205(*)
Pour la France, la pluralité de Pactes successifs
dépourvus de lien entre eux se heurtait à l'esprit de la
Déclaration: il n'y a pas de libertés fondamentales de
première ou de deuxième classe. La délégation
française s'est donc ralliée à la solution qui
préconisait l'élaboration de pactes distincts mais comportant
plusieurs clauses identiques. Elle suggéra également dans ce sens
que les deux instruments fussent présentés conjointement à
l'examen de l'Assemblée générale.
2-Formation des Pactes: contribution technique de
la France
Sur le plan technique, les Pactes consacrèrent
l'essentiel des thèses françaises. Elle prit ombrage de la
tentative aboutie qui visait à transporter l'oeuvre accomplie sur le
terrain politique:
"[les] deux articles premiers des Pactes suffisent
à compromettre l'ensemble d'une édification juridique qui
s'inscrit, par ailleurs, dans la tradition française quant au
développement de la protection des droits de l'homme."206(*)
a) Pacte relatif aux droits civils et
politiques
Dans la conception française, le Pacte relatif aux
droits civils et politiques devait en premier lieu comporter, sous forme
d'obligations imposées aux Etats, tous les droits civils et politiques
énoncés dans le Déclaration universelle: droit de recours
devant un tribunal indépendant (article II du projet
français207(*));
droit à la vie (article IV); droit d'être préservé
de la torture, de la servitude et du travail forcé (article VII); droit
à la liberté et garantie d'habeas corpus (aricle VIII); droit de
ne pas être privé de liberté pour cause
d'inexécution d'obligation contractuelle (article IX); liberté
d'aller et venir (article X); garanties accordées à
l'étranger expulsé (article XI); droit à un procès
équitable(article XII); non rétroactivité de la loi
pénale (article XII); droit à la personnalité juridique
(article XIV); liberté de pensée, de conscience et de croyance
(article XV); liberté d'expression (article XVI); liberté de
réunion (article XVII); droit d'association (article XVIII);
égalité devant la loi et interdiction de toute discrimination
(article XIX).
Les représentants de la France souhaitèrent que
la mise en oeuvre du Pacte fût assurée tant par un Comité
des droits de l'homme composé de personnalités
indépendantes élues par la Cour internationale de Justice et
compétent pour connaître des violations du Pacte
alléguées par les Etats, que par un système de rapports
annuels présentés par les Etats sur les progrès
réalisés dans le domaine des droits de l'homme. Les mesures
adoptées relativement à la mise en oeuvre étaient donc
dans une large mesure conformes aux propositions françaises208(*).
Concernant la nature des engagements des Etats cependant
(article 2 du Pacte), la délégation française n'obtenint
pas la mention de l'expression "dans un délai raisonnable".
Enfin, parmi les droits civils et politiques
énoncés par la Déclaration universelle, seul le droit
d'asile (article 14) ne devait pas figurer, malgré les propositions
réitérées à cet égard par la France, dans le
texte de la Commission.
b) Pacte relatif aux droits économiques,
sociaux et culturels
Les français souhaitaient en premier
lieu qu'à l'exemple du Pacte des droits civils et politiques, l'autre
Pacte contienne lui aussi tous les droits économiques, sociaux et
culturels énoncés dans la Déclaration universelle. En
second lieu, l'obligation assumée par les Etats devait recevoir une
application progressive. Enfin la délégation française
avait demandé que le système de contrôle, principalement
formé par les rapports, n'exclue pas une compétence partielle du
Comité des droits d l'homme.
Le Pacte des droits économiques, sociaux et culturels
soumis à l'Assemblée était également assez proche
de la conception française209(*). La France estima cependant que deux lacunes
étaient à déplorer. L'une concernait le droit de
propriété, qu'aucun article ne consacre dans le texte
conventionnel, contrairement à ses voeux. L'autre intéressait la
protection matérielle et morale des auteurs de création
scientifiques, artistiques et littéraires210(*).
B-Quelques facteurs d'immobilisme
1-Au regard des Pactes
Toute entreprise de rédaction d'une convention des
droits de l'homme comporte l'affront d'un nombre infini de points de friction
entre l'homme et l'Etat. Les Etats qui discutèrent des projets de Pactes
d'application de la Déclaration universelle craignaient de créer
une catégorie d'Etats privilégiés qui, ayant
repoussé eux-mêmes tout contrôle international, pourraient,
par Etats, organisations ou particuliers interposés, s'immiscer dans les
affaires intérieures des Etats contractants211(*).
Les Pactes devaient être non seulement à la fois
conservateurs (pour s'assurer la ratification de tous les Etats membres)
et progressistes (pour promouvoir les droits de l'homme) mais aussi
à la fois assez largement conçus (pour que des conventions
particulières puissent venir s'y intégrer par la suite sans
remaniements) et assez précis (pour ne pas présenter de lacune
permettant à un Etat malhonnête d'y contrevenir.
En 1951, le Secrétariat des Conférences du
ministère des Affaires Etrangères écrivait, dans une note
adressée au Ministre concerné, ce qui suit212(*):
"Dans le cadre des Nations Unies, les difficultés
que présentent actuellement la conclusion d'un tel Pacte sont quasi
insurmontables."
Par leurs incidences, deux facteurs expliquaient pour le
Secrétariat cette situation.
Le premier résidait dans l'origine coloniale de la
majorité de l'Assemblée générale. Il conduisait
l'Assemblée à tourner le Pacte en une "machine de guerre pour la
désintégration des puissances coloniales" De ce fait, il
éveillait la méfiance de certaines de ces puissances, telles la
France.
Le second facteur était constitué par la
présence dans le monde de deux idéologies contradictoires.
"[Ce facteur] incite les Etats totalitaires à
prendre une position particulière par rapport aux droits à
reconnaître et, d'autre part, les rend irréductiblement hostiles
à toute limitation de leur souveraineté en faveur d'une
communauté internationale où ils se trouvent en minorité.
Le zèle de beaucoup d'Etats démocratiques s'en trouve par
contre-coup diminué, ces Etats répugnant à trop s'engager
dans un Pacte dont ils savent être seuls à assumer les
obligations."
Le Secrétariat des Conférences ajoutait que
l'atmosphère de conflit qui régnait dans le monde faisait
apparaître à chaque Etat plus précieuse que jamais sa
liberté d'action sur les personnes relevant de sa compétence.
2-Au regard des mesures de
contrôle
Les mesures de contrôle du respect des termes de la
Convention devaient, comme on l'a dit, être insérées dans
les textes des Pactes. Cependant, dans le travail de rédaction, les
discussions portant sur les droits protégés et celle concernant
ces mesures étaient engagées de façon
séparée.
Après avoir écarté le droit de
pétition des particuliers et des organisations qui avait
été revendiqué par René CASSIN, la Commission des
droits de l'homme s'était prononcée lors de sa troisième
session, en faveur du droit de plainte des Etats et de la
création d'une Commission de contrôle.
a) Oppositions à la Commission
consultative
A ce propos, des oppositions eurent lieu au sein de la
Commission consultative française213(*). La majorité préconisait en effet un
recours devant une haute juridiction internationale, comprenant une
procédure d'enquête et de conciliation confiée à un
Parquet international, cette enquête devant être menée
à la fois en droit et en fait. De son côté, la
minorité s'était opposée au projet qu'elle tenait à
la fois pour utopique et dangereux:
"Utopique, car l'opinion internationale
ne lui semblait pas encore mûre pour la création d'une juridiction
pénale internationale appliquée aux droits de l'homme. Dangereux,
parce que la france, pays libéral, ne cherchera pas à
étouffer les pétitions dirigées contre elle, et qu'au
surplus, administrant des territoires d'Outre-Mer, elle risque de se trouver
devant une inflation de pétitions dont certaines pourraient être
gênantes."
Estimant qu'une attitude purement négative
n'était pas possible, la minorité se prononçait pour
l'institution d'une Commission de onze membres désignés par
l'Assemblée générale et ayant un simple pouvoir de
recommandation. Cette commission devait pouvoir faire des enquêtes
limitées à l'étude des textes législatifs ou
réglementaires ou d'actes d'exécution, sans être
habilitée à procéder à des investigations sur
place. Au cas où la recommandation n'aurait pas eu d'effet, un recours
à la Cour internationale de justice devait pouvoir être
envisagé.
Le projet de la Commission consultative d'avril 1948
prévoyait finalement les deux thèses (articles 21 à 34).
Une Commission de contrôle devait être composée de onze
membres désignés par l'Assemblée générale et
sieger à Genève. Elle devait contrôler les dispositions
législatives, administratives et juridictionnelles en vigueur dans
chacun des pays contractant en vue de vérifier leur conformité
avec la Convention. Elle devait pouvoir être saisie d'une requête
émanant d'un Etat, d'une organisation non gouvernementale ou d'un
particulier. Après examen, la Commission adressait des recommandations
aux Etats, aux autres organes de l'O.N.U. ainsi qu'à d'autres
organisations internationales. Elle pouvait demander un avis consultatif
à la Cour de justice.
Par ailleurs, la Commission consultative avait initialement
prévu dans son projet de pacte un article 33 qui avait imaginé la
"possibilité d'instituer une procédure juridictionnelle
internationale qui serait mise en mouvement par un ministère
public agissant pour le compte des Nations Unies". La Commission ne fut
apparemment pas suivie par le Ministre qu'elle conseillait, car l'article fut
éliminé du projet.
b) une situation inextricable
Le texte qui avait reçu l'accord de la Commission des
droits de l'homme lors de sa troisième session fut transmis au Conseil
économique et social, qui lui même le transmit à
l'Assemblée en la priant de se prononcer sur la question de savoir si
les mesures d'application et de contrôle étaient
satisfaisantes214(*).
Celle-ci remit tout en question en invitant dans une résolution la
Commission des droits de l'homme à examiner le cas des pétitions
que des particuliers et organisations pouvaient présenter pour se
plaindre de la violation du Pacte.
Finalement, seul l'article visant l'obligation de ne pas
formuler une clause coloniale reçut une forme définitive en 1951,
fait significatif là aussi du climat régnant sur
l'Assemblée générale215(*). Le Secrétariat des Conférences cite
le libellé du paragraphe 2 de la résolution de
l'Assemblée216(*)
en expliquant que celui-ci montrait mieux que ne pouvaient le faire de longs
développements:
"les raisons qui ont inspiré le texte
précédent et l'état d'esprit de la plus haute instance
internationale où la démagogie et un idéologisme quelque
peu aveugle l'emportent sur le sens du réel chaque fois que les passions
anti-colonialistes s'y donnent libre cours."
La situation apparaissait
en effet inextricable. Aucun accord ne parvint à se dessiner
quant à la rédaction des articles définissant les droits
reconnus. Il fallut attendre le 16 décembre 1966 pour sortir de
l'impasse et voir l'Assembléé générale adopter les
deux Pactes qui entrèrent en vigueur en janvier et mars 1976,
malgré l'hostilité ou l'indifférence d'Etats comme la
Chine, les Etats-Unis, le Japon, le Brésil, le Mexique, les Etats les
plus développés du continent africain (Zaïre
excepté), la Grèce, la Turquie... et la France, seul membre de la
Communauté économique européenne d'alors à ignorer
totalemnt les Pactes217(*). Pour Jacques MORGEON, professeur à
l'Université de Sciences sociales de Toulouse, le dédain
français pour les Pactes s'appuyait sur un "nationalisme orgueilleux".
qui devait également expliquer la longue ignorance de la Convention
européenne des droits de l'homme, et la réticence avec laquelle
la France y est devene partie218(*).
DEUXIEME PARTIE
INCERTITUDES DE LA POLITIQUE FRANCAISE DES DROITS DE
L'HOMME AU CONSEIL DE L'EUROPE
Après la seconde guerre mondiale, l'Organisation des
Nations Unies ne détenait pas le monopole de la réflexion sur la
protection internationale des droits de l'homme.
Parallèlement à l'élaboration de la
Charte internationale à l'O.N.U., le Conseil de l'Europe travaillait lui
aussi à la rédaction d'un texte régional contraignant.
Mais si, au sein de l'organisation mondiale, la
difficulté tenait à la nécessité de réunir
autour des mêmes idées une soixantaine de pays aux histoires
multiples et répartis sur toute la surface du globe, les dix-sept Etats
qui formaient le Conseil de l'Europe, libres et indépendants depuis des
siècles, se rapprochaient non seulement par la géographie mais,
dans les grandes lignes, par une communauté d'idéologie, de
culture et de religion.
L'uniformité de ces facteurs était un
élément propice à la conclusion d'une Convention sur les
droits de l'homme.
Une fois l'instrument européen signé, il fut
néanmoins victime d'un douloureux paradoxe: le pays où
siégeaient ses organes, la France, ne l'avait pas ratifié. Et
quand en 1974 l'Etat remédia à cette lacune, ce fut pour
l'amputer de sa disposition essentielle, celle qui accorde le droit de recours
individuel.
CHAPITRE I-ENTRE IMAGINATION ET MEFIANCE:LE PARADOXE
FRANCAIS
On comprend aisément que les européens aient
voulu, au milieu des années quarante, réaliser une oeuvre de paix
destinée à conjurer les démons de la guerre. L'objectif
visé était déjà celui de l'Organisation des Nations
Unies, mais celle-ci rencontrait d'immenses obstacles dans l'adoption d'un
texte contraignant des droits de l'homme, alors même que ces droits
apparaissaient comme l'une des raisons d'espérer en un avenir pacifique.
Manifestation spontanée des mouvements
européens de l'immédiat après-guerre, le conseil de
l'Europe reprit ainsi le flambeau de la protection internationale des droits de
l'homme et parvint assez rapidement à obtenir l'entrée en vigueur
d'une Convention.
La France, qui avait fait preuve d'imagination lors de la
préparation du texte et encouragé activement son
élaboration, devait pourtant refuser longtemps sa ratification.
SECTION 1- LE SOUFFLE DE L'APRES-GUERRE
La perspective d'une protection supranationale des droits de
l'homme souleva des espoirs nouveaux un peu partout dans le monde. Adoptant un
caractère universel à l'Organisation des Nations Unies, elle
était appelée à prendre de façon progressive une
forme régionale dans le cadre de l'Organisation des Etats
Américains, du Conseil de l'Europe, puis de l'Organisation de
l'Unité Africaine.
Loin de s'exclure (même si des rivalités
apparurent au début), les protections universelle et régionale
devaient se compléter au bénéfice d'une plus grande
effectivité des garanties accordées aux droits fondamentaux. La
réalisation majeure du Conseil de l'Europe réside ainsi dans
l'adoption d'une Convention permettant un contrôle des violations des
droits.
A- Convention européenne et Déclaration
universelle des droits de l'homme: un idéal commun.
1- La sauvegarde des droits de l'homme comme moyen
de réaliser l'union
a) Les origines du Conseil de
l'Europe
L'idée de créer une union européenne
n'était pas nouvelle Elle avait été proposée non
seulement par des hommes politiques mais aussi par des philosophes et
poètes. Les noms de Pierre DUBOIS, de Georges PODIEBRAD, roi de
Bohème, de SULLY, de l'Abbé de SAINT-PIERRE et de SAINT-SIMON
sont à cet égard très connus et ces hommes ont
élaboré des plans détaillés en vue de la
création d'une union européenne, mais aucun de ces plans n'a
été réalisé219(*).
En France, dès 1925, des hommes politiques tels que
BRIAND ou HERRIOT se firent les avocats de l'idée
européenne220(*).
En 1929, Aristide BRIAND, président du Conseil des Ministres et Ministre
des Affaires Etrangères, tenta de susciter la création d'une
véritable fédération européenne qui entrerait dans
le cadre des "ententes régionales" encouragées par l'article 21
du Pacte de la S.D.N. Il prononça le 5 septembre 1929 un discours devant
l'Assemblée de la Société des Nations dans lequel il dit
notamment:
"Je pense qu'entre des peuples qui sont
géographiquement groupés comme les peuples d'Europe, il doit
exister une sorte de lien fédéral [...]. C'est ce lien que je
voudrais m'efforcer d'établir [...]. Je suis sûr aussi qu'au point
de vue politique, au point de vue social, le lien fédéral, sans
toucher la souveraineté d'aucune des nations qui pourraient faire partie
d'une telle organisation, peut-être bienfaisant, et je me propose,
pendant la durée de cette session de prier ceux de mes collègues
qui représentent ici des nations européennes de bien vouloir
envisager officieusement cette suggestion et de la proposer à
l'étude de leur Gouvernement, pour dégager plus tard, pendant la
prochaine session de l'Assemblée peut-être, les
possibilités de réalisation que j'y crois
décerner."221(*)
Après ce discours, il fut chargé de soumettre
aux différents Gouvernements un mémorandum
détaillé afin de rendre possible un examen plus approfondi de la
question lors de la session suivante de l'Assemblée.
Comme seul résultat pratique, une résolution
fut votée impliquant la création d'une "Commission
européenne" de la S.D.N. Mais l'Assemblée réunie en
septembre 1931 fit passer l'idée de désarmement universel avant
celle des ententes régionales. La commission d'étude tint sa
dernière session en 1932, alors que son président, BRIAND,
était mort et que HITLER était en train de conquérir le
pouvoir. Le projet BRIAND n'était pas parvenu à tempérer
la peur des Etats d'abandonner même la plus petite parcelle de leur
souveraineté. Le projet avait pourtant essayé de contourner cet
obstacle, en masquant la réalité, c'est-à dire que toute
organisation interétatique est inconciliable avec l'idée de
souveraineté absolue.
En 1948, il existait deux mouvements principaux favorables
à la création d'une fédération européenne
occidentale : le "Mouvement européen" avec pour présidents
CHURCHILL, BLUM (remplacé après sa mort par SCHUMAN), SPAAK et DE
GASPERI; et l'"Union parlementaire européenne" animée par le
comte de COUDENHOVE-KALERGI.222(*)
En novembre 1947, les divers mouvements
européens apparus unirent en effet leurs efforts en créant un
"Comité international de coordination des mouvements pour l'unité
de l'Europe" pour préparer le "Congrès de l'Europe" qui se tint
du 7 au 10 Mai 1948 à La Haye, et proposa de créer une union
européenne. Le Comité devait se transformer en "Mouvement
européen" en novembre 1948.
"Le succès a été retentissant. Dans
une atmosphère d'espoir et de ferveur, près de 800 personnes
venues de presque tous les pays d'Europe de l'Ouest, écrivains,
syndicalistes, industriels, parlementaires, hommes politiques ont
imaginé les premières institutions européennes, les
principes généraux d'un marché commun, une charte des
droits de l'homme, une cour de justice internationale pour faire respecter ces
droits."223(*)
La Commission politique, présidée par Paul
RAMADIER, préconisait la mise en place d'une Assemblée
européenne composée de représentants des Parlements. Une
proposition de Paul REYNAUD prévoyant l'élection au suffrage
universel de cette Assemblée, fut contrée aussi bien par les
délégués britanniques que par les ressortissants des
petits Etats. La commission s'en tint à l'idée d'une
Assemblée délibérative, expression de l'opinion publique
européenne. Elle suggérait également la création
d'une Charte des droits de l'homme, garantie par une Cour
suprême."224(*)
Le Gouvernement français s'inspira de ces travaux et
décida de les soumettre aux cinq membres du Pacte de Bruxelles.
Conclu le 17 Mars 1948 entre la France, le Royaume-Uni et le
Bénélux, le Traité des Cinq ne se bornait pas à
établir une alliance militaire. Il prévoyait aussi une
coopération économique, sociale et culturelle.
Mais ses structures restaient très classiques, avec un
"Conseil consultatif" composé des ministres des Affaires
Etrangères, et pour le suivi, un "Comité permanent"
réunissant les ambassadeurs des Etats parties à
Londres.225(*)
Le Gouvernement français ainsi que la Belgique
obtinrent, malgré l'opposition anglaise au projet, la constitution d'un
"Comité d'étude chargé de proposer les mesures à
prendre en vue de réaliser une union plus grande des Etats
européens", qui se réunit à Paris à la fin de
l'année 1948.
"Du côté français, l'on
désirait la création d'une Assemblée consultative, ayant
un caractère représentatif, embryon d'un futur Parlement
européen, et l'on envisageait sans crainte l'abandon éventuel
d'une portion de la souveraineté nationale. Du côté
anglais, l'on mettait l'accent sur le maintien intégral de la
souveraineté nationale, et l'on réclamait la création d'un
simple "Comité des ministres", se réunissant
périodiquement, assisté tout au plus par une Assemblée
dont les membres seraient nommés par les Gouvernements."226(*)
Après la séparation du Comité
d'étude, les ministres des Affaires Etrangères
décidèrent la création d'un Conseil de l'Europe
composé d'un Comité des ministres où devaient se
prendre les décisions et d'une Assemblée
consultative européenne faisant des recommandations et
formée des représentants des parlements nationaux. Un compromis
fut ainsi réalisé entre la coopération diplomatique et la
représentation parlementaire.
Le traité constitutif contenant le statut du Conseil
de l'Europe fut signé à Londres le 5 Mai 1949 par dix pays. Il
fut entendu que le Conseil de l'Europe serait ouvert aux 17 pays membres de
l'Organisation européenne de coopération économique
(O.E.C.E.)227(*) Le
siège est fixé à Strasbourg pour symboliser le
rapprochement franco-allemand.
b) Le rapport entre les buts du Conseil de l'Europe
et les droits de l'homme
Le Congrès de La Haye avait fait apparaître
l'Europe dans toutes ses contradictions dans le débat opposant les
"unionistes" partisans de l'union, et non de l'unité (conservateurs
britanniques) et les "fédéralistes" issus des rangs
français, italiens, belges et néerlandais.228(*) Le Conseil de l'Europe resta
marqué par cette cohabitation initiale de projets contradictoires, ce
qui explique le flou des objectifs de l'Organisation.
Son statut prévoit (article 1, alinéa a) que
"le but du Conseil de l'Europe est de réaliser une union plus
étroite entre ses membres afin de sauvegarder et de promouvoir les
idéaux et les principes qui sont leur patrimoine commun et de favoriser
leur progrès économique et social". Emmanuel DECAUX pose la
question229(*) :
" [...] qu'entendre par "une union plus
étroite" ? "
Mais derrière ce but général, le
professeur entrevoit deux objectifs. L'un d'eux est de "favoriser le
progrès économique et social". Il conduira le Conseil de l'Europe
à l'élaboration d'une Charte sociale européenne. L'autre
objectif, le plus important en pratique, est la réunion des libres
démocraties européennes. La défense de la
démocratie libérale correspond ainsi à un "patrimoine
commun".
Le statut rappelle les bases d'une démocratie
véritable : primauté de l'Etat de droit, pluralisme politique des
démocraties représentatives, protection des libertés
individuelles et des droits de l'homme. Ainsi que le précise l'article
1, alinéa b du statut du Conseil230(*):
"[Le] but [du Conseil de l'Europe] sera poursuivi au
moyen des organes du Conseil, par l'examen des questions d'intérêt
commun, par la conclusion d'accords et par l'adoption d'une action commune dans
les domaines économique, social, culturel, scientifique, juridique et
administratif, ainsi que par la sauvegarde et le développement des
droits de l'homme et des libertés fondamentales."
Le respect des droits de l'homme est considéré
comme une condition sine qua non de l'adhésion d'un Etat européen
au Conseil de l'Europe. On na pu se demander si la France, du fait de sa
qualité de membre du Conseil de l'Europe, était tenue de
ratifier la Convention.
"Sur le plan politique, on relève que le Conseil
de l'Europe est un club fermé, dont les règles d'admission sont
très strictes puiqu'il ne peut comprendre que les Etats
démocratiques. Or, la Convention est l'expression même de la
démocratie, car le respect de ses dispositions aboutit à
créer un régime démocratique. Pour appartenir au Conseil
de l'Europe, un Etat doit donc ratifier la Convention.
Ce syllogisme a toujours été présent
à l'esprit de l'Assemblée Consultative lorsqu'en vertu d'une
résolution statutaire de mai 1951, elle est consultée par le
Comité des Ministres sur l'invitation que celui-ci se propose d'adresser
à un Etat européen à devenir Membre ou Membre
associé du Conseil de l'Europe: dans sa réponse au Comité
des Ministres, l'Assemblée a en effet constamment insisté sur la
nécessaire ratification de la Convention par le nouvel Etat Membre. Mais
le Comité des Ministres n'a jamais fait sien ce syllogisme, se bornant,
dans le cas particulier de la République Fédérale
d'Allemagne et de la Sarre, à leur demander d'insérer dans
l'instrument d'acceptation du Statut la déclaration précisant
qu'ils ont "la volonté d'accepter les principes directeurs et les buts
du Conseil de l'Europe tels qu'ils sont exposés dans le Préambule
et l'article 3 du Statut."231(*)
2- La Déclaration universelle comme source
et cadre de référence
Les alinéas 2 et 3 du Préambule de la
Convention de sauvegarde des droits de l'homme et libertés fondamentales
sont ainsi libellés232(*) :
"Considérant la Déclaration universelle
des droits de l'homme, proclamée par l'Assemblée
Générale des Nations Unies le 10 décembre 1948;
Considérant que cette Déclaration tend
à assurer la reconnaissance et l'application universelles et effectives
des droits qui y sont énoncés".
Les premiers projets de Convention européenne
renvoyaient même explicitement aux numéros des articles de la
Déclaration universelle de 1948. On estima par la suite qu'il fallait
donner aux droits garantis une existence autonome. Ils furent définis de
manière plus détaillée. Les références
à la Déclaration disparurent du corps de la Convention, mais on
ne manqua pas d'affirmer, dans le Préambule233(*) le lien étroit qui
subsistait entre le traité européen et le document universel le
plus important de l'époque en matière de droits de l'homme.
Comme on le sait dans les années 49, 50 et 51 pendant
lesquelles se préparait la Convention, les Pactes venant parfaire la
Charte internationale des droits de l'homme n'étaient pas encore
ratifiés. Cependant, les discussions dont les premiers projets faisaient
l'objet à la Commission de l'O.N.U. servirent également
d'éléments de référence aux auteurs de la
Convention européenne, ce qui explique les similitudes entre les
dispositions de la Charte internationale et celles du document
européen.
Quelle signification générale cette
référence à l'instrument universel de protection des
droits de l'homme devait-elle avoir ?
L'idée était qu'en principe, il n'y avait pas
de contradiction entre les efforts régionaux et universels pour
défendre ces droits. La protection régionale renforçait la
protection universelle, en même temps qu'elle y puisait son
inspiration.
Cet idéal, que revendiquait Pierre-Henri TEITGEN, ne
parvint pas immédiament à faire consensus.
B- Le rôle de la France dans l'élaboration de
la Convention
1- Le débat entre
universalisme et régionalisme
Devant la paralysie des travaux de la Commission des droits
de l'homme de l'O.N.U. pour élaborer les Pactes, un dilemme politique se
présentait aux responsables occidentaux.
Fallait-il continuer à mettre l'accent sur une mise en
oeuvre universelle de la Déclaration ou tenter d'édifier un
système régional plus effectif?234(*)
Déjà, du temps de la Société des
Nations, lors de la tenue de discussions autour du projet d'union
européenne de BRIAND, la question du rapport entre l'Organisation
globale et une hypothétique Organisation régionale avait
été posée. Répondant au mémorandum du
Gouvernement français, les gouvernements européens
reconnaissaient la nécessité de développer une
coordination en Europe, tout en insistant sur le fait qu'aucune entreprise ne
devait affaiblir, ni, a fortiori, entraver l'action de la S.D.N.235(*). Comme l'impliquait
l'article 21 du Pacte de la Société des Nations, l'Europe devait
contribuer à renforcer et à faciliter la mission de la S.D.N.:
organiser et assurer la paix mondiale. Aristide BRIAND avait expliqué en
ces termes cette conception236(*):
"[...] je ne crois pas qu'il y ait antagonisme entre les
associations régionales admises comme telles par le pacte de la S.D.N.
Au contraire, des facilités nouvelles naîtraient pour elle de
cette union des pays européens.
La S.D.N. est universelle; elle travaille dans
l'universalité. Elle a une tâche énorme à remplir
dans le monde. La S.D.N. reste au-dessus, bien au-dessus, pour arbitrer les
difficultés qui n'ont pu être réglées entre les
nations[...]. Une union européenne, bien loin de gêner les
activités de la SDN, ne ferait que les faciliter."
Le débat devait rebondir, après la seconde
guerre mondiale, au sujet de la protection internationale des droits de
l'homme.
En France, comme ailleurs, les opinions divergeaient. Dans
ses mémoires, Pierre-Henri TEITGEN a révélé son
désaccord avec René CASSIN sur ce choix.
Alors que TEITGEN préconisait l'institution d'une Cour
européenne des droits de l'homme,
"René CASSIN, qui avait de l'influence sur les
gouvernements, s'y opposait vigoureusement parce qu'il admettait difficilement
que puisse fonctionner en dehors de sa Charte universelle des droits de l'homme
une organisation régionale en état de les garantir plus
efficacement."237(*)
Inversement, certains fédéralistes y
voyaient une dispersion car ils estimaient inutile une telle institution dans
une Europe qui respectait les libertés élémentaires de
l'homme.
Techniquement, le dédoublement juridique sera
aisément aménagé par la suite, étant donné
notamment le dégré supérieur de supranationalité
qui caractérise la Convention européenne, laquelle créa au
profit des citoyens d'Europe le droit de traduire leur Etat devant une Cour
internationale238(*).
Aujourd'hui, le débat politique entre universalisme et
régionalisme a gardé toute son actualité, avec les risques
d'européocentrisme qu'il implique, face à une césure, de
plus en plus marquée depuis l'écroulement des régimes
comunistes européens, entre le Nord et le Sud239(*).
2- Vers l'élaboration d'un système
européen de protection des droits de l'homme
a) Les discussions
préliminaires
Lors du Congrès de La Haye de mai 1948, La
Commission politique du Mouvement européen présidée
par Paul RAMADIER avait adopté une résolution qui
prévoyait que la future Assemblée européenne
élaborerait une Charte des droits de l'homme et proposerait la
création d'une Cour de Justice ayant la possibilité d'appliquer
les sanctions nécessaires au respect de cette Charte. Ainsi, chaque
citoyen européen pourrait faire respecter ses droits fondamentaux
éventuellement violés par une justice nationale partisane.
La Commission juridique d'études était
chargée de présenter un projet définitif. Pierre-Henri
TEITGEN, qui fut son rapporteur, a décrit ses
démélés initiaux avec le président de cette
Commission, le belge Fernand DEHOUSSE240(*):
"de graves divergences nous opposaient sur des questions
telles que les libertés familiales, le droit de propriété,
la liberté de l'enseignement, à l'image de celles qui, en
Belgique plus encore qu'en France, opposaient depuis longtemps socialistes et
chrétiens sociaux. Pourtant, très vite, le miracle se
produisit...".
Un avant-projet de Convention européenne des
droits de l'homme fut présenté le 12 juin 1949 au Comité
des Ministres du Conseil de l'Europe, qui venait d'être mis en place et
auquel revenait la tâche de fixer l'ordre du jour de la première
session de l'Assemblée consultative, prévue du 10 août au 8
septembre 1949 à Strasbourg.
Lors de la première session du Comité des
Ministres, tenue le 9 août à Srasbourg, le vote sur le maintien du
point intitulé "définition, sauvegarde et développement
des droits de l'homme et libertés fondamentales" fut négatif. Le
débat opposait les pays qui considéraient que les
développements à ce sujet étaient rendus inutiles par les
délibérations étendues au sein de l'Organisation des
Nations Unies sur la question, et ceux qui, d'un autre côté,
soulignaient l'attente considérable de l'opinion publique en la
matière.
La postion française appartenait plutôt au
premier groupe. Robert SCHUMAN l'exposa au cours des travaux
préparatoires241(*):
"[J']estime prématuré de soulever la
questions de la sauvegarde et du développement des droits de l'homme,
étant donné que les Nations Unies s'occupent déjà
de ce problème; le Comité [...] ne doit pas rivaliser avec les
Nations Unies, à moins que la question ne soit étudiée,
à l'avenir, d'un point de vue purement européen, auquel cas elle
pourrait être à nouveau soulevée".
Pour lui, on s'exposait à voir coexister deux
déclarations, ce qui n'était pas souhaitable.
En réalité, le problème n'était
pas de répéter une déclaration, mais de créer une
Cour de justice. Car si l'on avait longuement débattu la question des
droits de l'homme aux Nations Unies, on n'était pas encore parvenu
à rédiger un texte ayant une force obligatoire.
Le Comité accepta que l'Assemblée passe outre
le vote négatif qu'il avait émis et qu'elle impose son propre
ordre du jour. Pierre-Henri TEITGEN fut chargé d'exposer devant
l'Assemblée, le 19 août 1949, les grandes lignes de l'avant-projet
de la Commission juridique du mouvement européen: à ce stade
préliminaire, le texte prévoyait la garantie d'une dizaine de
libertés et de droits fondamentaux et mettait en place pour ce faire une
Cour européenne des droits de l'homme, composées de neuf juges,
qui, après filtrage par une Commission nommée par elle,
statuerait sur les décisions gouvernementales, les mesures
législatives, administratives ou judiciaires manifestement contraires au
principe des droits garantis.
La Convention européenne est le résultat d'une
série de navettes entre l'Assemblée consultative et le
Comité des Ministres, chacun confiant tour à tour les points
techniques à des Commissions spécialisées.
La question fut d'abord renvoyée à la
Commission juridique de l'Assemblée dont Pierre-Henri TEITGEN
était le rapporteur.
b) Les premiers travaux de l'Assemblée
consultative
La Commission juridique établit une liste de droits et
en précisa les mécanismes de garantie: la possibilité de
"plaintes individuelles" rendait indispensable la création d'une Cour
européenne, la Cour internationale de justice ne pouvant être
saisie, comme on l'a vu, que par les Etats. La Commission admettait toutefois
que les Etats puissent saisir la Cour de La Haye s'ils le
préféraient. Il ne s'agissait pas , en effet, d'opposer l'ordre
juridique européen et l'ordre juridique international
général.
La majorité de la Commission avait adopté la
thèse du "contrôle juridictionnel en deux étapes", avec une
première phase d'enquête et de conciliation, puis, en cas
d'échec, le recours à une véritable juridiction. Le
rapporteur concluait son discours en évoquant la notion de
souveraineté242(*):
"On nous fait remarquer aussi qu'il faut tenir compte de
la souveraineté de l'Etat et ne pas donner compétence à
une juridiction européenne pour contrôler les législations
internes, les actes exécutifs ou judiciaires des Gouvernements de
l'Europe. On prétend que c'est attentatoire à la
souveraineté nationale.
Me sera-t-il permis de dire, mes chers collègues,
que la souveraineté se lit des deux côtés. L'envers de la
médaille, c'est très beau et très grand peut-être.
L'endroit, cela signifie aussi quelques fois, et aujourd'hui surtout, la
solitude et la misère. La solitude et la misère, c'est ausi la
guerre. Enfin, il ne s'agit pas, lorsque nous voulons garantir et
protéger les libertés en Europe, de diminuer la
souveraineté d'un Etat par rapport à un autre Etat, de donner
prééminence à un Etat sur un autre Etat. Il s'agit de
limiter la souveraineté des Etats du côté du droit, et, de
ce côté-là, toutes les limites sont permises".
Le projet de Convention de garantie collective des droits de
l'homme fut adopté par l'Assemblée et transmis au Comité
des Ministres.
c) Les travaux du Comité des
Ministres
Au lieu de lui donner immédiatement
son approbation de principe, comme l'aurait souhaité l'Assemblée,
le Comité des Ministres décida de renvoyer le projet de
Convention à l'examen d'un comité d'experts. Il n'attendit
pas pour cela que la Commission des droits de l'homme ait adopté un
texte définitif ce qui remporta, cette fois, l'adhésion de la
France.
Précisant qu'un long délai serait
peut-être nécessaire avant l'adoption d'une Convention des Nations
Unies, Robert SCHUMAN déclara en effet qu'étant donné que
tous les membres du Conseil de l'Europe n'étaient pas membres des
Nations Unies, il était impossible d'attendre le résultat des
négociations onusiennes pour donner suite aux recommandations de
l'Assemblée.
Le comité d'experts était composé
d'éminents juristes au nombre desquels figurait le professeur Charles
CHAUMONT, également membre de la Commission consultative
française et à ce titre très au fait des
difficultés rencontrées par la Commission des droits de l'homme.
Il se réunit en mars et février 1950 et partit
d'un accord de principe en faveur de la création d'une Convention de
sauvegarde des droits de l'homme entre les Etats membres du Conseil de
l'Europe. Mais les experts se séparèrent entre les partisans de
l'adoption du projet amendé de l'Assemblée, qui comprenait une
énumération rapide des droits protégés,
évitant ainsi de reprendre les délicats travaux de la Commission
des droits de l'homme (Belgique, France , Italie), et les tenants d'une
définition précise des droits et de leurs limitations,
sans laquelle il aurait selon eux été impossible pour les Etats
de s'engager (Royaume-Uni, Pays-Bas). De même que les experts
décidèrent que la création de la Cour était une
décision politique qu'il ne leur appartenait pas de trancher, ils
laissèrent aux ministres le choix de régler la question d'une
définition ou d'une simple énumération des droits.
Une nouvelle fois placés au pied du mur, les ministres
chargèrent une conférence de hauts fonctionnaires de
trancher les questions laissées en suspend en vue d'aboutir à une
solution transactionnelle.
La Conférence se réunit du 8 au 17 juin 1950
sous la présidence du délégué suédois Sture
PETREN. La France y était toujours représentée par Charles
CHAUMONT qui, au sujet de la création d'une Cour, exprima clairement la
position de son pays243(*):
"Le Gouvernement français considère
l'élaboration d'un mécanisme pratique et efficace de protection
juridictionnelle comme essentiel. Sur le plan universel, des résultats
substantiels ne pourront probablement pas encore être atteints. Le
maintien d'une certaine notion dépassée de souveraineté,
renforcée par les différences de civilisations et
d'idéologies en est la cause. Sur le plan européen, cet obstacle
ne doit pas exister. Dans le droit interne, la sauvegarde du droit est
conditionnée par l'existence des tribunaux. Sur le plan international,
la situation ne peut pas être diférente. Il faut à la fois
une Commission et une Cour. Seule la fonction juridictionnelle assure le
respect du droit. La commission est aussi utile car, dans certains cas, la
conciliation peut permettre la sauvegarde. Sans doute, il aurait mieux valu
donner à l'individu le libre accès à la Cour, mais dans un
esprit de compromis et de réalisme cela a été
exclu[...]."
Partagé par l'Italie, la Belgique et l'Irlande, ce
point de vue rencontrait l'opposition du Royaume-Uni, de la Norvège, de
la Suède, de la Grèce et de la Turquie qui, à l'image des
Pays-Bas, désapprouvaient la création d'une Cour susceptible de
s'immiscer dans les affaires intérieures des Etats.
Un compromis s'esquissa à la suite de la suggestion du
président qui avançait l'idée d'un règlement
judiciaire facultatif. Pour Charles CHAUMONT, la solution transactionnelle
de la clause facultative n'avait de valeur qu'à la condition de
réunir autour d'elle l'unanimité. Or aucun accord ne se
profilait. La discussion se reporta sur les pouvoirs de la Commission et sur le
droit d'accès des individus à celle-ci (droit de pétition)
ainsi que sur le rôle du Comité des Ministres. Le
délégué français, auteur d'un amendement sur le
pouvoir de décision du Comité après avis de la commission,
pensait qu'il était essentiel que la procédure engagée
aboutisse à une décision obligatoire.
Dans son rapport, la Conférence des hauts
fonctionnaires constata l'absence d'unanimité en son sein, et
présenta un texte unique de Convention dans lequel sont exposés
la solution transactionnelle en matière de définition des droits
et le projet de Cour facultative (malgré l'opposition
néerlandaise et britannique).
d) L'adoption du projet de
Convention
Les 23 et 24 juin 1950, la Commission des questions
juridiques se réunit pour débattre avec le rapporteur du
comité d'experts et de la Conférence des hauts fonctionnaires.
Elle souligna plusieurs lacunes tenant à l'absence de
référence aux institutions démocratiques, à la
garantie du droit de propriété ainsi qu'au droit des parents
concernant l'éducation donnée à leurs enfants. Elle
souhaitait par ailleurs que le nombre de neuf Etats acceptant la
compétence obligatoire de la Cour, auquel était
subordonnée l'élection des juges, soit réduit
sensiblement, afin de ne pas retarder exagérément l'institution
de la Cour.
Le Comité des Ministres examina le rapport
début août, après consultation de la Commission juridique.
Le Royaume-Uni proposa à cette occasion une autre solution
transactionnelle sur le recours individuel, fondée sur un système
de déclaration facultative des Etats. Cette proposition
réunit en sa faveur une forte majorité, ce qui permit au Conseil
des Ministres d'adopter le projet de Convention le 7 août 1950.
De son côté, l''Assemblée adopta le 25
août une recommandation donnant son avis favorable au projet de
Convention tout en l'assortissant de plusieurs amendements.
Le 4 novembre 1950, au palais Barberini à Rome, le
Comité des Ministres signa solennellement le texte de la Convention tel
qu'il l'avait adopté en août. La Convention de sauvegarde des
droits de lhomme et des libertés fondamentales entra en vigueur le 3
septembre 1953, après le dépôt par dix pays de leurs
instruments de ratification (conformément à son article 66,
paragraphe 2)244(*).
Contre toute attente, la France ne figura pas parmi ces
Etats. Tous les autres pays ratifièrent peu à peu le texte,
soulignant le retard français. Avec une adhésion en date de 1974,
la France fut en effet l'avant-dernier Etat (avant la Suisse) à avoir
ratifié la Convention.
SECTION II- LA RETENUE FRANCAISE FACE A LA RATIFICATION DE
LA CONVENTION
Alors qu'elle avait joué un rôle moteur dans son
élaboration, que ce soit au stade parlementaire avec Pierre-Henri
TEITGEN, ou au niveau des experts avec Charles CHAUMONT, jusqu'à la
signature par Robert SCHUMAN à Rome, pourquoi la France devait-elle
désormais marquer le pas? Comme sans doute pour toutes les questions
engageant les Etats, la vraie réponse se trouve dans un ensemble de
facteurs. Nous tenterons d'exposer les principaux.
Une présentation succinte des différents
arguments juridiques précèdera un exposé des raisons
inavouées qui guidèrent les gouvernements successifs.245(*)
A- Les raisons avancées par les Gouvernements
français
1- Sous la Quatrième
République
Sous la IVème République, cinq arguments
principaux furent avancés contre la ratification de la Convention :
- la Convention ne serait qu'une "énumération
de principes généraux dont l'application est laissée
à la législation interne de chaque pays signataire" (avis de
l'Assemblée de l'Union française).
- la Convention laisserait "au bon vouloir des Gouvernements
l'extension de ses dispositions aux territoires extra-européens",
établissant ainsi une "intolérable discrimination raciale" (avis
de l'Assemblée de l'Union française).
- l'article 11 de la Convention priverait "en fait tous les
fonctionnaires de la liberté de réunion et d'association".
- l'article 16 de la Convention placerait les
étrangers "sous un régime d'arbitraire et d'exception".
- l'article 2 du premier protocole additionnel porterait
"obligation de subventionner les écoles confessionnelles", étant
ainsi contraire au caractère laïc de la République.
2- Sous la Cinquième
République
La Vème République se targuait d'avoir
résolu le problème de "l'Ecole" et d'avoir résorbé
les séquelles de la guerre d'Algérie, mais elle ne ratifia pas
non plus la Convention européenne.
En novembre 1964, le Garde des Sceaux Jean FOYER avait
exposé, lors d'un débat à l'Assemblée
parlementaire, trois objections à cette ratification :
- elle obligerait la France à "modifier certains
articles fondamentaux de (son) Code de Procédure pénale".
- la Convention obligerait également la France
à supprimer le monopole de l'ORTF et à accepter sur le territoire
national n'importe quelle radio ou télévision privée.
- les dispositions fondamentales de la Convention seraient
rédigées "en contemplation des règles du droit criminel
britannique et en méconnaissance totale des règles de la
procédure criminelle en vigueur dans notre pays".
B- Des raisons inavouées?
Selon Karel VASAK, les arguments invoqués sous les
IVème et Vème Républiques étaient mineurs et l'on
pouvait se demander si les motifs véritables de l'abstention
française ne résidaient pas ailleurs.
Sous la IVème République, l'application de la
Convention risquait de mettre en cause la législation d'exception
née de la guerre d'Algérie.
Sous la Vème République, la conception de
l'Etat qui prévalait était radicalement contraire à la
philosophie de la Convention, dont l'article 15 (entérinant des
dérogations à certaines obligations assumées par les Etats
contractants aux termes de la Convention) n'excluait nullement la
compétence des organes de la Convention de porter un jugement sur
les mesures prises pour faire face à des situations exceptionnelles. Il
n'était alors pas concevable, en France, que les actes pris par le
Président de la République en vertu de l'article 16 de la
Constitution du 4 octobre 1958, puissent être examinés et
même censurés par un organe européen.
CHAPITRE II- VERS L'ENGAGEMENT
Pendant vingt ans, les Gouvernements successifs
français hésitent à s'engager. De leur côté,
parlementaires et universitaires prennent à coeur l'incitation
adressée à leur pays de suivre les traces des principales
démocraties européennes dans leur défense des droits de
l'homme.
Et quand en 1974, la France, pressée de toutes parts,
ratifie la Convention, c'est pour la recouvrir d'un voile de méfiance
qui tempère nettement les enthousiasmes.
Section I- La ratification de la Convention en 1974
A- Les pressions en faveur de la ratification
Pour les universitaires, intellectuels et parlementaires,
les discussions concernant la non-ratification de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales devaient se pousuivre. Il se chargèrent de faire savoir au
gouvernants que l'engagement français était non seulement
possible, mais aussi très attendu par les défenseurs des droits
de l'homme, qu'ils soient nationaux ou européens.
1- Les parlementaires manifestent leur
intérêt pour la ratification
Se rappelant au bon souvenir des Gouvernements, les
parlementaires entreprirent à plusieurs reprises de les faire glisser
sur les voies de la ratification.
Par deux fois, des projets de loi furent
déposés246(*): le Gouvernement LANIEL en 1953 déposa un
projet qui fut jugé défavorable par l'Assemblée de l'union
française; le Gouvernement MOLLET en fit autant en 1956, mais la
procédure fut interrompue à la suite des évènements
du 13 mai 1958.
Sous la présidence d'Alain POHER se tint au
Sénat le 16 juin 1970, un riche débat sur le thème de la
"non-ratification de la Convention européenne des droits de
l'homme"247(*). Gaston
MONNERVILLE avait posé une question orale au Premier Ministre concernant
les raisons exactes pour lesquelles le Gouvernement français
refusait de soumettre au Parlement le projet de loi l'autorisant à
ratifier la Convention. Ce fut Maurice SCHUMAN, Ministre des Affaires
étrangères, qui lui répondit.
Gaston MONNERVILLE rappelait les buts du Conseil de l'Europe
et l'engagement solennel de la France en leur faveur par sa signature à
Londres, le 5 mai 1949, puis se livrait à une analyse rapide de la
Convention européenne, en mentionnant que son objectif était plus
politique que juridique, puisqu'il s'agissait de la défense de la
personne humaine contre les tyrannies et les totalitarismes. Il estimait que,
derrière les arguments invoqués par les Gouvernements, "se
[cachait] mal la vieille conception périmée et attardée de
la souveraineté rigide, absolue des Etats, source de trop de malentendus
entre les peuples et parfois hélas! de trop de guerre."248(*)
En effet, après un exposé des motifs juridiques
classiques du refus français (O.R.T.F., procédure pénale
etc), le Ministre laissa affleurer dans sa réponse une phrase qui
révélait que le Gouvernement n'estimait pas nécessaire de
doubler les garanties nationales accordées aux droits de l'homme de
garanties européennes249(*):
"Soyez vigilants, vous ne le serez jamais trop, sur le
respect de la liberté et de la prééminence du droit! Quand
vous nous croirez -cela peut arriver!- à juste raison ou à tort,
coupables ou suspects d'une violation, interrogez-nous, critiquez-nous,
forcez-nous à nous justifier, mais n'attachez pas plus d'importance
à la lettre qu'à l'esprit, à la cendre qu'à la
flamme, aux textes qu'aux actes.
Rappelons-nous, comme le disait, il y a vingt ans, un
président de la République, que certains hors de nos
frontières aiment donner des leçons, faute de pouvoir donner des
exemples."
2- La mobilisation des
universitaires
Un colloque organisé du 5 au 7 novembre 1970 par la
Faculté de droit et des sciences économiques de Besançon,
avec le concours de l'Université de Besançon et la collaboration
de l'Institut International des Droits de l'Homme (Fondation René
CASSIN) se donna pour objet de mesurer lui aussi l'importance
réelle des obstacles juridiques invoqués pour justifier le
refus de la france de ratifier la Convention.
Avec quatre professeurs des Facultés de droit, deux
maîtres des requêtes au Conseil d'Etat, un sénateur, le
secrétaire général de l'Institut précité et
un prix Nobel de la paix, la liste des intervenants se révélait
prestigieuse.
René CASSIN expliqua quel
était, selon lui, le sens à donner aux travaux du colloque
"Notre colloque doit être celui d'une étude
juridique soigneuse qui doit apporter à notre opinion d'abord, et
à nos pouvoirs publics ensuite, une contribution positive pour amener
notre pays, de la manière la plus convenable, à entrer
complètement dans le cercle des adhérents de la Convention
européenne et à prendre ainsi dans son application toute la place
qui lui est due: si le hasard des textes m'a permis d'être membre de la
cour, le siège de la France est cruellement vide à la commission
européenne."250(*)
Pour Claude JESSUA, doyen de la Faculté de droit et
des sciences économiques de Besançon, la conclusion de la
rencontre tenait en une phrase:
"Que tant d'obstacles dont on nous faisait des montagnes
se soient avérés en fin de compte de simples taupinières,
cela aura été sans doute le principal mérite de ce
colloque que de l'avoir montré.
B- Le processus enclenché
La mobilisation en France autour de la question de la
ratification française de la Convention, avait atteint une ampleur telle
qu'un auteur a parlé à ce sujet de "mini affaire Dreyfus".
Une dynamique fut enclenchée. Elle devait aboutir
à la ratification de la Convention.
1- Une mini-affaire Dreyfus
Les protestations se multipliaient et les parlementaires de
l'opposition continuaient de harceler le Gouvernementà ce sujet. Pour
Jean-Louis BURBAN, l'affaire de la ratification de la Convention
européenne des droits de l'homme avait pris en France, dans les milieux
concernés et les chancelleries européennes, les proportions d'une
"mini-affaire Dreyfus"251(*). En plus des pétitions, articles
polémiques, colloques universitaires qui jalonnèrent ces vingt
ans, un évènement imprévu vint hâter le
dénouement. René CASSIN obtint le prix Nobel de la Paix. Le
Storting de Norvège justifiait ainsi son choix252(*):
"[Le prix est décerné à M. CASSIN]
en raison de ses travaux en tant que vice-président de la Commission de
l'O.N.U. qui, en 1948, publia la Déclaration universelle des droits de
l'homme, et parce que au cours des vingt dernières années, il n'a
cessé d'oeuvrer au respect des droits de l'homme, sur le plan mondial et
sur le plan européen."
Après s'être initialement opposé à
Pierre-Henri TEITGEN sur la question d'une protection européenne des
droits de l'homme, René CASSIN s'était rangé à
l'idée selon laquelle la contradiction entre les garanties universelles
et régionales n'étaient qu'apparentes. Le 21 janvier 1959, il
était parmi les premiers juges élus de la Cour européenne
des droits de l'homme, dont il fut vice-président puis
président253(*).
Il décida de se servir de son prix Nobel comme levier pour obtenir la
ratification de la Convention254(*). Il parcourut la France en faisant des
conférences et déclara à Tomans que si la France ne
ratifiait pas dans un délai raisonnable, il quitterait avec éclat
ses charges strasbourgeoises. Le 6 décembre 1972, il signa avec six
autres prix Nobel un appel solennel au chef de l'Etat, Georges
POMPIDOU255(*).
Parallèlement, les arguments exposés plus haut
pour refuser de franchir le pas tant attendu avaient progressivement perdu de
leur force, cédant peu à peu devant les critiques
exprimées au cours des débats suscités par le Parlement,
s'étiolant sous l'influence des arguments développés par
nombre de spécialistes, s'amenuisant au gré des réformes
législatives jusqu'à perdre leur valeur juridique pour ne plus
revêtir qu'une signification essentiellement politique256(*). Les promesses
exprimées à plusieurs reprises ne furent tenues que lorsque le
Gouvernement se trouva convaincu de l'opportunité d'accomplir ce "geste
politique " et "européen", ainsi que le Ministre des Affaires
Etrangères Michel JOBERT définit le dépôt du projet
de loi tendant à autoriser la ratification de la Convention257(*).
2- La ratification
décidée
Le 31 janvier 1973, le président Georges POMPIDOU
cèda aux pressions et son Gouvernement déposa un projet de loi de
ratification258(*). Il
devait d'abord être déposé devant le Sénat, qui le
vota le 30 octobre 1973 à l'unanimité des suffrages
exprimés, puis devant l'Assemblée nationale qui l'adopta le 20
décembre suivant.
Par la loi n° 73-1227 du 31 décembre 1973, le
Gouvernement français était donc autorisé à
ratifier la Convention et ses Protocoles n° I, III, IV et V. C'est le
président POHER, européen convaincu, qui, lors de son
intérim à la Présidence de la république, devait
apposer la signature de la France sous la loi portant ratification en mai
1974259(*).
"Si la France n'évitait ainsi que de justesse
d'être le dernier des Etats membres actuels du Conseil de l'Europe
à ratifier cette Convention, du moins peut-elle s'enorgueillir d'avoir
dignement célébré le vingt-cinquième anniversaire
de la Déclaration universelle des droits de l'homme, adoptée
précisément à Paris le 10 décembre
1948..."260(*)
Mais la conclusion faite par Michel JOBERT à la fin de
son exposé des motifs laissait apparaître les raisons des limites
que le Gouvernement français apportera à cette ratification
tardive261(*):
"[Le Gouvernement] ne pense pas que cet engagement soit
indispensable pour assurer aux citoyens les libertés que leur
garantissent nos lois, mais il pense nécessaire que la France marque,
à côté des autres pays européens, l'attachement aux
droits de l'homme qui caractérise notre histoire."
C- LES LIMITES DE L'ENGAGEMENT
"Non contente de n'être que le seizième pays
sur dix-sept à devenir partie à la Convention, la France tente de
limiter dans une large mesure les conséquences de son
engagement."262(*)
La ratification française ne donna pas satisfaction
aux défenseurs de la protection effective des droits de l'homme en
Europe. En précisant le sens qu'elle donnait à certaines
dispositions de la Convention, en en rejetant d'autres, la France avait en
effet atténué de manière conséquente la
portée du texte.
1- Les dispositions précisées par
la France
La France apporta des restrictions à son acceptation
des dipositions auxquelles elle ne pouvait se soustraire(1)263(*). Il s'agissait de la
déclaration interprétative de l'article 10 de la Convention et
des réserves émises au sujet de ses articles 5, 6 et 15264(*).
a) Déclaration interprétative:
article 10
Le Gouvernement français jugea
préférable de préciser, par une déclaration
interprétative, que les dipositions législatives relatives
à l'Office de radio et de télévision français
(O.R.T.F.)265(*)
étaient considérées comme en harmonie avec les exigences
de la Convention proclamant en son article 10 la liberté d'expression.
La Commission avait pourtant montré dans sa
jurisprudence qu'elle ne considérait pas l'existence du monopole de
l'Office comme contraire à la Convention. Les seules difficultés
auraient donc pu provenir d'une utilisation de l'Office contraire aux principes
posés par la convention, mais on pouvait se demander si une simple
déclaration interprétative aurait été, en cas de
contestation, de nature à faire obstacle à l'application du texte
européen de protection des droits de l'homme.
b) Réserves: articles 5 et 6; article
15
La réserve concernant les articles 5 et 6 de la
Convention semblait avoir été motivée par une prudence de
dernière heure, contrairement à celle que le Gouvernement
déposa au sujet de l'article 16266(*).
Renonçant à émettre une réserve
relative à l'article 5 de la Convention pour ce qui est de la
procédure pénale de droit commun et spécialement de la
réglementation relative à la garde à vue267(*), la France émit une
réserve à propos des articles 5 et 6 (privations de
liberté et garanties juridictionnelles) pour préserver certains
textes relatifs au statut des militaires268(*). Ce fut un recours intenté devant la
Commission par des militaires néerlandais peu avant la décision
française de ratification qui convainquit le Gouvernement, peu
désireux de connaître les mêmes difficultés, de
déposer cette réserve.
La réserve portant sur l'article 15 venait au
contraire conclure un long débat de nature plus politique que
juridique269(*). La
difficulté est née du rapprochement de ce texte avec celui de
l'article 16 de la Constitution française. La France se montrait en
effet réticente devant la possibilité d'un contrôle
exercé en pareil cas par les organes du Conseil de l'Europe, ce
contrôle étant susceptible d'aboutir à la censure des
décisions prises par le Président de la République
française, qu'il se soit agit de la décision initiale de recourir
à l'article 16 de la Constitution ou des mesures prises en application
de cette décision.
La réserve prise par la France s'articulait en deux
éléments:
- d'une part, elle tendait à éviter toute
divergence dans l'appréciation des conditions de mise en oeuvre de ces
dispositions d'usage exceptionnel, en établissant que si les conditions
requises par l'article 16 de la Constitution (de même que par la
législation sur l'état de siège ou l'état
d'urgence) étaient réunies, on devait "considérer que les
conditions exigées par la Convention pour que soit légitimement
mis en oeuvre l'article 15, l'[étaient] également"270(*);
- d'autre part, la réserve précisait que le
texte de l'article 15 ne devait pas limiter le pouvoir du Président de
la République de prendre les "mesures exigées par les
circonstances" au sens de l'article 16 de la Constitution.
La réserve ne portait que sur le premier alinéa
de l'article 15. Elle ne touchait donc ni les droits dont la garantie
était assurée même en temps de crise, ni l'obligation
d'information relative aux mesures adoptées, aux motifs qui les
inspiraient ou à leur durée d'application.
Le journal "Le Monde", qui semblait avoir saisi la
philosophie du texte européen de sauvegarde des droits de l'homme,
résumait ainsi les précisions apportées par la
France271(*):
"Le sort des français ne sera [...] guère
modifié par l'application de la Convention. Ses dispositions, en effet,
n'ont pas été conçues pour susciter des réformes,
mais pour exprimer un droit commun des libertés publiques telles
qu'elles sont d'ores et déjà définies dans les Etats
européens raisonnablement démocratiques. La ratification
n'entraîne aucune modification du droit français, et les
réserves qui ont été formulées au sujet des
articles de la Convention dont on aurait pu penser qu'ils auraient une
incidence sur le statut de l'O.R.T.F., le régime disciplinaire dans les
armées ou l'article 16 de la Constitution, l'ont été pour
que l'on soit bien sûr que notre législation échappe
à toute mise en cause."
2- Les dispositions écartées par la
France
La position de la France à l'égard des
dispositions de caractère non obligatoire de l'ensemble conventionnel
mérite d'être précisée car elle amputait de
façon importante l'intérêt même de la
ratification272(*). Plus
encore que les réserves dont la portée n'excèdait pas
l'importance de celles faites par les autres Etats parties à la
Convention, la conversion de l'Etat français apparaissait prudente du
fait de son refus d'effectuer les gestes complémentaires qui rendrait
total son engagement: ratification du Protocole n°2 et déclaration
prévue à l'article 25 de la Convention273(*).
Le Protocole n°2 prévoit que la Cour peut,
à la demande du Comité des Ministres, donner des avis
consultatifs sur des questions juridiques concernant l'interprétation de
la Convention et de ses Protocoles. Le Gouvernement l'écarta au motif
que la procédure d'avis consultatif pourrait "être employée
pour éviter d'avoir à respecter les règles contraignantes
qui sont applicables aux recours contentieux formés devant le juge
international, par exemple celle de l'épuisement préalable des
recours internes"274(*).
Mais cette attitude apparut aux yeux de plusieurs comme
illogique, dès lors que la France avait déclaré
expressément accepté la juridiction obligatoire de la Cour au
contentieux (article 46 de la Convention). Gaston MONNERVILLE par exemple avait
vu une "contradiction entre le fait de faire la déclaration conforme
à l'article 46 [...] et celui de ne pas accepter le Protocole
n°2275(*).
Tous les commentateurs ont souligné que le refus
français présentant la plus grande portée pratique avait
été constituée par la décision de ne pas faire la
déclaration facultative prévue à l'article 25 de la
Convention et de ne pas admettre, ainsi, que la Commission puisse être
saisie "par toute personne physique, toute organisation non gouvernementale ou
tout groupe de particuliers".
Parce qu'elle écartait ainsi la disposition la plus
originale et la plus novatrice276(*) de la Convention, l'abstention de la France à
cet égard a été très vivement ressentie -et
critiquée- au cours des débats parlementaires277(*).
On peut citer en illustration une déclaration de Roger
POUDONSON, rapporteur de la Commission des Affaires Etrangères, de la
Défense et des Forces Armées278(*):
"Le recours individuel constituait [...] la pierre
angulaire du mécanisme de la Convention; c'est la première fois
que des individus se voient reconnaître, en matière de droits de
l'homme, un droit d'accès direct devant un organe international à
caractère partiellement judiciaire.
Les Etats ont montré une grande réserve
lorsqu'il s'est agi d'introduire des requêtes les uns contre les autres.
Seules dix requêtes ont été déposées en vingt
ans. Au contraire, le nombre des requêtes individuelles s'est
élevé à près de 5.600.[...]."
Mieux en effet que les requêtes
inter-étatiques, les recours individuels permettaient un contrôle
effectif par les organes de Strasbourg des manquements à la
Convention279(*). Mais
le Gouvernement n'afficha pas une attitude rigide à ce propos. Il
présenta cette abstention comme une précaution: selon lui, il
s'agissait en effet d"apprécier les implications de l'introduction de la
Convention dans notre droit avant de permettre aux individus de mettre en cause
devant la Commission l'application qu'en feront les institutions nationales, et
notamment nos tribunaux"280(*), lesquels, selon le gouvernement, "ont besoin d'un
délai [...] pour s'adapter au droit de la Convention"281(*).
Cette attitude de prudence, d'expectative, a pu
apparaître singulière282(*). Pourquoi, alors que l'accent avait
été mis sur le fait que le pays disposait d'un système de
protection des libertés individuelles enviable par la plupart des
Etats283(*), la France
avait-elle besoin d'un délai de réflexion? Le Gouvernement ne
pouvait avoir oublié que les recours individuels n'étaient
acceptables (entre autres exigences), qu'après épuisement
des voies de recours internes...
Après tout, le Gouvernement avait peut-être, lui
aussi, besoin d'avancer progressivement. Son abstention sur ce point
n'était d'ailleurs pas de principe, puisqu'elle était
présentée comme "provisoire". En effet, entre 1974 et 1981, les
gouvernants opposèrent aux revendications visant à effectuer la
déclaration de l'article 25, leur propre satisfaction concernant le
respect des droits de l'homme en France, ce qui faisait réagir les
parlementaires284(*):
" [...] pour que notre action, nos critiques soient
crédibles, encore faut-il que nous ayons nous-même bonne
conscience. Il ne s'agit pas d'avoir toujours les yeux fixés vers l'Est;
il faut aussi regarder ce qui se passe en Europe, et tout d'abord en
France.
[...]. Est-il normal que notre pays, pays des droits de
l'homme, ait attendu vingt ans pour ratifier cette convention, mais sans
admettre le recours individuel qui constitue la meilleure garantie de
défense pour les victimes de l'injustice et de l'arbitraire du
pouvoir?"
Sans succès cependant, la réponse du
Gouvernement demeurant inexorablement identique à sa position
première285(*):
"Le Gouvernement n'a pas perdu de vue le problème
de l'acceptation du droit de recours individuel dans le cadre de la Convention
européenne des droits de l'homme. Ainsi que le sait l'honorable
parlementaire, cette convention peut avoir des implications sur une large part
de notre droit. Il est donc nécessaire, pour apprécier les
incidences que pourrait avoir une acceptation du droit de recours individuel,
d'étudier le développement progressif de l'application de la
convention [...]."
Un article du "Monde", intitulé "La paille dans
l'oeil" résumait à sa manière la situation286(*):
"La poutre qui se trouve dans l'oeil de notre voisin ne
doit pas nous empêcher de voir la paille qui est dans le nôtre.
[...].
Certains contesteront l'intérêt de mettre en
place une pareille machinerie pour la protection des droits de l'homme dans des
pays où, précisément, ces droits sont d'une manière
générale respectés, alors que l'on s'inquiète si
peu d'empêcher les violations flagrantes et caractérisées
qui interviennent dans d'autres parties du monde. Il y a évidemment des
violations plus graves ailleurs. Mais cela n'en diminue pas la
nécessité pour nous de mettre de l'ordre dans nos propres
affaires. Les pêchés de nos voisins ne justifient ni n'excusent
nos insuffisances."
Mais jusqu'à quand faudrait-il attendre? Les
sceptiques s'interrogeaient287(*):
"Des étapes sont peut-être
nécessaires. Mais il faut espérer que moins de vingt-cinq ans
s'écouleront entre celle qui vient d'être franchie et celle qui
est annoncée.
SECTION II- L'ACCEPTATION DU RECOURS INDIVIDUEL: UN
ENGAGEMENT COMPLET
De 1974 à 1981, les critiques unanimes et
indignées des commentateurs de la ratification française au sujet
de la non-acceptation du droit de recours individuel ne parvinrent pas à
désarmer la méfiance des Ministres des Affaires
Etrangères.
Ce fut en 1981, à la faveur de l'alternance
présidentielle, que la France se mit au diapason des autres grands pays
démocratiques. Le nouveau Gouvernement fit de la déclaration de
l'article 25 son premier acte de droit international en l'annonçant par
la voix de son Ministre des Affaires Européennes, André
CHANDERNAGOR, dès le 30 mai 1981288(*).
Tout en acceptant le recours individuel au profit de ses
ressortissants, le Gouvernement ne crut pas devoir lever les réserves
à la Convention émises en 1974289(*). Toutefois, si l'on considère que, d'une
part, le monopole de la radio-télévision avait été
atténué290(*) et que, d'autre part, les tribunaux des forces
armées avaient été supprimés et le Code de
discipline militaire révisé dans un sens plus libéral, les
deux premières réserves perdaient beaucoup de leur importance. Il
ne restait plus que la troisième, la plus importante291(*).
Sans la possibilité du recours interne, non seulement
la Convention recevait en France, pour diverses raisons, une application
interne insuffisante, mais de sucroît elle hypothéquait
l'application internationale de la Convention292(*).
A- Une application interne insuffisante
Malgré les efforts déployés par les
tribunaux français pour appliquer la Convention, le refus du recours
individuel rendait sa mise en oeuvre insuffisante.
1-Application par les tribunaux
Dans l'ensemble, les tribunaux français n'ont
guère fait de difficultés pour admettre l'intégration dans
l'ordre juridique français des dispositions de la Convention.
Il est utile de rappeler à ce sujet que la France fait
partie de cette catégorie d'Etats qui admettent l'intégration des
conventions internationales dans leur droit national du seul fait de la
ratification. Ainsi, après sa ratification et sa publication au
Journal Officiel du 4 mai 1974, en vertu d'un décret datant de la
veille, la Convention a ipso-facto une "autorité supplémentaire
à celle des lois" (sous réserve de réciprocité), en
vertu de l'article 55 de la Constitution. Les juges, qu'ils soient de l'ordre
administratif ou judiciaire, doivent donc appliquer effectivement la
Convention.
Il est apparu qu'en 1981, le juge administratif n'avait fait
aucune application de la Convention. Plus préoccupant, le Conseil d'Etat
semblait éviter de faire application du texte.européen. Par un
arrêt d'Assemblée du 8 décembre 1978, Groupe d'information
et de soutien aux travailleurs émigrés, la Haute Juridiction
avait par exemple annulé le décret du 10 novembre 1977,
suspendant partiellement le droit pour les familles des travailleurs
immigrés de les rejoindre. Dans cette affaire, le Conseil d'Etat,
suivant son Commissaire du Gouvernement, a admis -ce qui est conforme à
l'inspiration fondamentale de la Convention de 1950- que la France
protège les droits de "l'homme" et pas seulement ceux des "citoyens",
mais, pour l'affirmer, il s'est fondé non sur la Convention
(article 12) mais sur un principe général du droit. Le Conseil
d'Etat ne refusait pas de faire application de la Convention, mais en donnait
une interprétation restrictive.
Les juridictions de l'ordre judiciaire quant à elles
ont appliqué le texte européen sans hésitation et
même parfois en visant d'office certains articles de la
Convention293(*).
Il était donc difficile d'admettre que "les occasions
d'application directe des dispositions de la Convention européenne des
droits de l'homme, notamment par nos juridictions, n'ont pas été
assez nombreuses pour que l'on puisse apprécier l'incidence de cette
Convention sur notre droit interne", comme l'indiquait le Ministre des Affaires
Etrangères en 1977 en réponse à une question écrite
posée par M. KIEFFER294(*).
Si la Convention se trouvait effectivement
intégrée dans l'ordre juridique français, le
contrôle de sa mise en oeuvre demeurait imparfait.
2- Contrôle de la mise en oeuvre de la
Convention
L'application effective de la Convention ne suffisait
cependant pas à priver d'utilité l'acceptation du recours
individuel; trois "manquements" pouvaient en effet surgir, qui tenaient
à l'inadvertance du Gouvernement, à des problèmes
d'interprétation ainsi qu'à certaines pratiques administratives
ou juridictionnelles dépassées295(*).
Les inadvertances sont constituées par une
incompréhension de la portée de la ratification française.
A titre d'exemple, le Tribunal de grande instance de Laval affirma dans un
jugement du 29 avril 1977296(*) que:
"les juges ont pour mission et obligation d'appliquer les
lois régulièrement votées et promulguées sans
pouvoir en apprécier ni la constitutionnalité, ni la
compatibilité avec tel principe consacré par une convention
internationale, fût-elle ratifiée."
De telles erreurs risquaient de compromettre le
contrôle effectif de l'application de la Convention par les
autorités françaises. De cette constatation, on pouvait choisir
de conclure qu'elles confortaient l'attitude prudente du Gouvernement, ou, au
contraire, qu'elles rendaient plus nécessaire encore le contrôle
effectué par la Commission et la Cour européennes des droits de
l'homme. Mais la Commission européenne ne peut être saisie
qu'après épuisement des voies de recours internes (article 26 de
la Convention). Or les erreurs commises étaient le fait des juridictions
de première instance seulement, ce qui diminuait la menace de voir la
France s'exposer à une condamnation de Strasbourg.
Des problèmes d'interprétation pouvaient
surgir. Dans ce cas, le contrôle international viendrait faciliter
l'interprétation quelques fois délicats des dispositions de la
Convention de sauvegarde. Au sujet de la portée de son article 9 par
exemple, des difficultés ont surgi: certains tribunaux avaient
estimé qu'il était incompatible avec le statut français de
l'objection de conscience alors que d'autres, utilisant la procédure du
sursis à statuer, attendait l'interprétation du Ministre des
Affaires Etrangères297(*).
S'il était vrai que le mode normal
d'interprétation des traités en droit des gens demeurait
l'interprétation unilatérale par chaque Etat, il n'en restait pas
moins qu'on risquait d'aboutir, du fait des divergences d'interprétation
entre les organes nationaux et les organes européens, à une
protection différente des droits de l'homme selon les pays. Or le but de
la Convention était de créer un système européen
unique de sauvegarde.
Quant au troisième manquement possible, il touchait
aussi bien le pouvoir exécutif et l'administration, que le pouvoir
législatif et l'autorité judiciaire, tous trois tenus aux
obligations de la Convention depuis sa ratification en 1974. Mais le
contrôle du juge était incomplet, qu'il s'agisse du contrôle
exercé sur les actes du pouvoir législatif298(*) , ou de l'autorité
judiciaire ou administrative299(*).
Il s'agissait de la plus grave des carences du système
français de contrôle.
B-L'acceptation du recours individuel: une
nécessité pour l'application internationale de la Convention
L'inefficacité de l'action étatique n'en
rendait que plus pressante l'acceptation du droit de requête
individuelle.
1-Inefficacité de l'action
étatique
En ratifiant la Convention européenne, la France avait
du même coup accepté l'application de son article 24, qui
prévoit la saisine de la Commission par toute partie contractante, en
cas de manquement présumé à ses dispositions par une autre
partie contractante.
Entre 1953 et 1981, seules 14 requêtes étatiques
avaient été déposées, concernant cinq groupes
d'affaires300(*). Pour
quatre d'entre eux l'Etat demandeur avait un intérêt direct
et politique à voir le problème réglé.
Le système des requêtes étatiques, s'il
paraissait en théorie efficace puisqu'il investissait chaque pays d'un
rôle de ministère public garant du respect des valeurs
fondamentales d'une organisation internationale, s'est avéré
très décevant à l'épreuve de la pratique, les Etats
ne souhaitant pas risquer de faire aux autres ce qu'ils ne désiraient
pas qu'on leur fît.
"Ainsi [l'Etat] se trouve-t-il dans cette situation
ambigüe de redresseur de torts qui sait à l'occasion être
lui-même l'auteur des torts."301(*)
Comme le soulignait en 1965 le professeur François
MONCONDUIT l'action étatique ne peut être considérée
comme suffisante pour assurer la protection efficace des droits et des
libertés garantis, car toute intervention d'Etat présente
l'inconvénient inévitable de politiser le débat.
Paralysé par des considérations diplomatiques, les Gouvernements
sont mal placés pour apprécier l'importance et la gravité
des violations subies par les personnes, surtout si les victimes n'ont pas leur
nationalité302(*).
2- La France adhère pleinement aux
idéaux de la Convention
Le 2 octobre 1981, André CHANDERNAGOR, Ministre
délégué auprès du Ministre des Relations
Extérieures, remettait au Secrétaire Général du
Conseil de l'Europe la déclaration suivante303(*):
"Au nom du Gouvernement de la République
française, je déclare, conformément à l'article 25
de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme [...] reconnaître
pour une période de cinq ans à compter de la présente
déclaration, la compétence de la Commission européenne des
droits de l'homme pour être saisie d'une requête adressée au
Secrétariat Général du Conseil de l'Europe par toute
personne physique, toute organisation non gouvernementale ou tout groupe de
particuliers qui se prétend victime d'une violation, par l'une des
Hautes parties contractantes, des droits reconnus dans la Convention[...]"
La France tirait trois catégories d'avantages à
agir ainsi304(*).
En premier lieu, elle donnait une portée effective
à son engagement en permettant, par la déclaration de l'article
25, que les personnes privées se trouvent hissées au rang de
véritables sujets du droit international. Après avoir fait valoir
leurs droits devant les tribunaux nationaux, les particuliers, groupes de
particuliers ou organisations non gouvernementales, peuvent désormais
agir au plan international en saisissant la Commission européenne
d'une requête contre l'Etat. Celle-ci cherche à obtenir un
règlement amiable entre les parties. En cas d'échec, l'affaire
peut-être déférée à la Cour
européenne des droits de l'homme, dans les trois mois qui suivent la
transmission du rapport de la Commission à l'Etat
intéressé et au Comité des Ministres. La Cour peut
être saisie par l'Etat, la Commission, et, depuis 1994, par les personnes
privées305(*).
En second lieu, elle rompait l'isolement de la France. A
l'époque en effet, seules Chypre, l'Espagne, la Grèce, Malte et
la Turquie l'accompagnaient dans le refus d'effectuer la déclaration de
l'article 25. La reconnaissance du droit de requête individuelle permit
à la France de prendre place, à part entière, au sein de
la Communauté des libres démocraties d'Europe.
En troisième lieu, l'acceptation du recours individuel
rendait probable une évolution des mentalités. Autorités
administratives, juges et législateurs devaient se montrer attentif
à ne pas commettre d'excès susceptibles d'être
condamnés par les autorités de Stasbourg. Les juristes, la
doctrine, et même l'opinion publique devaient devenir plus sensibles
à la protection européenne des droits de l'homme. Rappelons que
la Convention était mal connue en France, même après sa
ratification. Dans un article datant de 1977, le président de la Cour
d'appel de Paris apportait par exemple une "mise au point' suite à la
parution d'une note dans laquelle on lisait que les juridictions
françaises ne pouvaient appliquer que les lois françaises
et devaient faire abstraction des conventions diplomatiques, même
régulièrement ratifiées et publiées au "Journal
Officiel"306(*). Le
président rappelait non sans ardeur la volonté des
Constituants307(*):
"Dans la conjoncture actuelle, la civilisation
occidentale doit se résigner à s'organiser ou à
disparaître à plus ou moins brève échéance.
Il est donc vital d'assurer sur le plan national l'exécution des
conventions passées dans le cadre de la Communauté
européenne; c'est ce que veut notre Constitution du 4 octobre 1958
[...]."
CONCLUSION
Nous nous posions en début d'étude la question
du rôle tenu par la France dans le contexte général
d'internationalisation des droits de l'homme.
Nous avons pu constater que la France avait occupé une
place importante lors de la rédaction de la Charte internationale
des droits de l'homme, notamment par le biais de la Commission consultative et
de son président, René CASSIN.
Pourtant, la France, qui avait été si
présente à l'O.N.U. et qui, au Conseil de l'Europe, avait
semblé continuer sur sa lancée à travers des hommes comme
Pierre Henri TEITGEN, devait marquer le pas en refusant
l'adhésion puis l'engagement vigoureux à la Convention
européenne des droits de l'homme.
Cette étude s'est avérée
présenter certaines difficultés. Le sujet, très riche en
lui-même, n'a pu être traité que de façon
circonscrite. D'une part, parce qu'en l'état actuel des recherches, la
position du Gouvernement français quant aux projets que lui
présentait la Commission consultative française n'a pas
été déterminée avec précision. D'autre part,
parce que nous n'avons fait qu'évoquer les raisons profondes des
hésitations françaises, lesquelles prenaient racine dans un
contexte de politique internationale spécifique.
En effet, si l'émergence de la protection
internationale des droits de l'homme bénéficia de ce "contexte
favorable", elle dut très tôt faire face au découpage
politique du monde qui devait prendre forme après la guerre. De la "Joie
de vivre" mise en couleurs par le peintre Pablo PICASSO en 1946, il
n'était déjà plus question l'année
suivante308(*).
L'unanimité que réunit autour d'elle la Déclaration
universelle des droits de l'homme ne doit pas faire illusion: si
l'universalité de ces droits fut proclamée, la
non-universalité de leur respect était déjà devenue
évidente309(*).
Dès le 5 mars 1947, CHURCHILL mentionnait dans un
discours prononcé à Fulton le "rideau de fer" qui séparait
désormais les occidentaux du bloc communiste. Les 30 juin et 24 juillet
suivants, des bombes atomiques américaines explosaient dans l'atoll de
Bikini. L'équilibre de la terreur, reposant sur une dissuasion
nucléaire réciproque, conduisait à une paix relative entre
les "grands", mais ne devait pas moins empêcher les conflits
régionaux d'éclater : guerres coloniales destructrices,
guerres civiles sanglantes comme celle du Cambodge par exemple.
Les refus français rappelés plus haut
s'expliquaient notamment par l'entrée du pays dans une période de
décolonisation: soulèvement malgache et débuts de la
guerre d'Indochine en 1947; guerre d'Algérie à partir de 1954...,
furent les tragédies que l'on sait.
Pourtant la ténacité d'hommes comme René
CASSIN ou Pierre-Henri TEITGEN qui, en France, luttèrent avec talent
pour aboutir à une protection effective des droits de l'homme, devait
à terme trouver un écho globalement favorable.
Malgré les traditionnels réflexes protecteurs
des Etats, on admet communément aujourd'hui l'existence d'un "noyau dur"
de droits, minimum auquel les Etats sont soumis de façon
absolue310(*). Les
victimes de violations ne sont désormais plus seules face à
l'Etat. Elles disposent de voies de recours dont le mécanisme mis en
place à l'échelle européenne représente la
réalisation la plus aboutie, puisqu'il permet à celles-ci de
saisir une instance de protection dans le cas où les voies internes ne
leur auraient pas donné satisfaction. En ce sens, le Conseil de l'Europe
représente pour la paix un facteur d'espoir important.
Sur le plan universel, le projet français de Pacte
international des droits de l'homme rédigé par la Commission
consultative française311(*) en 1947 pourrait prendre une nouvelle
actualité, à l'occasion de la discussion portant sur la
création d'une Cour criminelle internationale destinée, il est
vrai, non pas à sanctionner les violations des droits de l'homme en
général, mais à mettre en accusation les auteurs de crimes
contre l'humanité en particulier. Si l'on en croit le journal "Le Monde"
du 9 septembre 1996, la France, qui avait soutenu le projet de Cour à
l'origine, "est accusée"312(*) d'avoir fait volte-face. Si cette position se
confirme, certains pourraient y voir une expression supplémentaire de ce
qu'ils nomment "l'exception française".
* 1 A COCATRE-ZILGIEN, R.D.P.
1978, p. 649
* 2 F. SUDRE, Droit
international et européen des droits de l'homme, pp. 11 et 12.
* 3 André
COCATRE-ZILGIEN, R.D.P. 1978, p.650.
* 4 Expression du
Préambule de la Charte des Nations Unies (paragraphe 1).
* 5 Scott BLAIR par exemple
estime en effet qu'il ne manque pas d'hommes de bonne volonté qui se
sont consacrés aux problèmes de la paix et de la
coopération internationales. Voici la liste suggestive qu'il propose.
Elle est tirée de l'ouvrage de F. P. WALTERS, A History of the League
of Nations: Hugo GROTIUS; Emeric CRUCE, Duc de SULLY; William PENN;
Gottfried Wilhem LEIBNIZ; l'Abbé de SAINT-PIERRE; Emmanuel KANT; Claude
Henri de SAINT SIMON; Pierre Joseph PROUDHON et Victor HUGO.
Scott BLAIR, La France et le Pacte de la
Société des Nations, p. 4, note 1.
* 6 Recueil des cours de
l'Académie de droit international, 1951, p.245.
* 7 Le comité Nobel,
qui, en 1901, décerne son prix de la paix à Henri DUNANT, le
fondateur de l'organisation, déclare que: "La Croix Rouge est la
première organisation visant consciemment à promouvoir une
réélle fraternité entre les peuples par le seul fait que
les médecins et infirmiers doivent secourir indistinctement amis et
ennemis".
Cité par Rony Brauman dans L'action humanitaire,
p.36.
* 8 Henri
Frédéric AMIEL, Journal intime, tome VI de
l'édition intégrale, L'Age d'homme, Lausanne, 1986.
* 9 Dictionnaire de la
terminologie du droit international, édition Sirey, 1959, pp.
569-570.
* 10 Marie Claude SMOUTS,
Les organisations internationales, p. 64.
* 11 René CASSIN,
Recueil des cours de l'Académie de droit international, 1951, p.
243.
* 12V. ce message en annexe
n.1, cité par Pierre RENOUVIN in Le traité de Versailles.
pp.118 à 120.
* 13 Scott BLAIR, op.cit.,
p. 4.
* 14Ibidem, p. 357.
* 15Ibidem, pp. 372 et
373.
* 16 Pierre MIQUEL, La
paix de Versailles, pp. 167-173, cité par Scott BLAIR, ibidem,
p.429.
* 17 Discours de Léon
BOURGEOIS exprimé devant WILSON le 25/01/1919, cité par Scott
BLAIR,op.cit., pp.429 et s.
* 18 L'incertitude est
liée à l'absence de secrétariat lors des premières
séances de la Commission, ibidem, p.461.
* 19 Cité par Scott
BLAIR, ibidem, p. 413.
* 20Ibidem, p. 375.
* 21Ibidem, p. 583. V. par
exemple p. 595, la paralysie des efforts déployés par Léon
BOURGEOIS, occasionnée par le manque de soutien de la part de
CLEMENCEAU.
* 22 Le Sénat refusa
de donner son autorisation de ratification. Cette non-implication allait
fragiliser gravement l'institution de la S.D.N.
* 23 Pierre RENOUVIN, Le
Traité de Versailles, p. 78. Pour plus de détails sur les
organes principaux de la Société, v. en annexe n.2, DUROSELLE,
Histoire diplomatique 1919-1957, pp. 70 et 71.
* 24 Art. 14 du Pacte de la
S.D.N.: "Le Conseil est chargé de préparer un projet de Cour
permanente de justice internationale et de le soumettre aux Membres de la
Société. Cette Cour connaîtra de tous différends
d'un caractère international que les parties lui soumettront. Elle
donnera aussi des avis consultatifs sur tout différend ou tout point,
dont la saisira le Conseil ou l'Assemblée."
* 25 René CASSIN,
Recueil des cours de l'Académie de droit international, 1951,
p.246.
* 26 La S.D.N. marqua
également de nombreuses avancées en matière de droit
humanitaire par exemple (protection des réfugiés
particulièrement), que nous nous bornons à mentionner ici, ce
travail ne portant que de façon indirecte sur la S.D.N.
* 27 Jean-Bernard MARIE,
La Commission des droits de l'homme de l'O.N.U., p.10.
* 28 Joseph YACOUB, Les
minorités. Quelle protection?, p.256.
* 29 Pour les détails
tenant au mécanisme de protection, v. ibidem, pp. 264 à 270.
* 30 Note du 10/06/1926 du
Secrétaire général au Conseil, citée par Joseph
YACOUB, op.cit., pp. 265-266.
* 31 Jean Bernard MARIE,
op.cit.,p.11.
* 32 Frédéric
SUDRE, Droit international et européen des droits de l'homme, p.
33.
* 33 Joseph YACOUB,
op.cit.,pp.269 et 270.
* 34 Frédéric
SUDRE, op.cit.
* 35 Ibidem, p.31.
* 36 Yves de LA BRIERE,
1935, cité par Joseph YACOUB, op. cit., p. 304.
* 37 Joseph YACOUB, ibidem,
p.305 et s.
* 38 Ibidem, p.306.
* 39 Ibidem, p. 307.
* 40 Jean-Baptiste
DUROSELLE, Histoire diplomatique de 1919 à nos jours, pp. 53 et
54.
* 41 V.le libellé de
cet article en annexe n.3 (traité de Versailles, Pacte de la S.D.N.).
* 42 Larousse
encyclopédique, imprimerie Larousse, 1963, tome septième,
p.22.
* 43 Vingt-six ans plus
tard, la Charte de l'O.N.U. reprendra l'expression dans son chapitre XI
(déclaration relative aux territoires non autonomes), article 73. Le
Conseil des tutelles recevra d'ailleurs compétence, comme la commission
des mandats de la S.D.N., pour établir des questionnaires et des
rapports concernant l'administration de chaque territoire (article 88), mais
ils seront adressés à l'Assemblée générale
et non au Conseil.
* 44 Pour une
présentation de cette Commission, v. Jean-Bernard MARIE, op.cit.,
p.12.
* 45 Jean-Bernard MARIE,
op.cit., p.11.
* 46Idem.
* 47 René CASSIN,
op.cit., p. 246.
* 48 Encyclopaedia
Universalis, vol. 21, p. 1008.
* 49 J.-B. DUROSELLE,
Histoire diplomatique de 1919 à nos jours, 1990, p. 126.
* 50 Encyclopaedia
Universalis, 1989, vol. 21, p.1008.
* 51 J.-B. DUROSELLE
* 52 Encyclopaedia
Universalis, op. cit., vol. 13, p. 711.
* 53 Document O.I.T.,
Revue du travail, n. 8, 1994, p.11.
* 54 V. in Dictionnaire
historique MOURRE.
* 55 Les Notices de la
documentation Française, Les Organisations internationales à
vocation universelle, p.55.
* 56 Pour le libellé
de cette partie XIII portant sur le travail, v.en annexe n.4.
* 57 Il s'agit du
système des plaintes dites étatiques, qui se retrouve dans la
plupart des textes internationaux de protection des droits de l'homme de la
seconde moitié du XX ème siècle.et dont il est courant de
voir stigmatisée l'inefficacité, au contraire des plaintes dites
individuelles.La peur des représailles constitue en effet un frein
important au bon fonctionnement de ce système. Le proverbe "ne fais pas
à autrui ce que tu ne voudrais pas qu'on te fît", fondement d'une
morale élémentaire, est une règle de conduite que semblent
affectionner les Etats, jaloux de leur souveraineté.
* 58 Se reporter au texte de
la partie XIII, en annexe,.pour plus de détails procéduraux.
* 59 Conclusion de l'article
427, établie par les Hautes Parties Contractantes.
* 60 Par exemple René
CASSIN, op.cit., p.246 et Jean-Bernard MARIE, op.cit., p.9.
* 61 Jean-Bernard
MARIE,ibidem.
* 62 Article "droits de
l'homme" de l'Encyclopaedia Universalis, 1989, volume sept, pp. 709-722.
* 63 Marie-Claude SMOUTS,
op.cit., p.70.
* 64 Frédéric
SUDRE, op.cit., p.35.
* 65 Marie-Claude SMOUTS,
Les organisations internationales, p.70.
* 66 V. notamment la
Notice d'information préparée par le Bureau de
l'information publique du B.I.T., en date de septembre 1990, p. 2 et 3.
* 67 Le second directeur
français fut Francis BLANCHARD, entre 1974 et 1989.
* 68 V. O.I.T., Titres
officiels des conventions adoptées par la Conférence
internationale du Travail
* 69 Revue du
travail, op.cit, p.13.
* 70B.I.T., Les
églises protestantes et la question sociale , contribution de Louis
CHRISTIAENS, pp.3 à 5.
* 71 Ibidem, p.3.
* 72 Ibidem, p.4.
* 73 Albert THOMAS,
ibidem.
* 74 Jean-Bernard MARIE,
op.cit., p.13.
* 75 Jean-Pierre COT et
Alain PELLET, la Charte de l'O.N.U., commentaire article par article,
p.12.
* 76 La paternité du
terme lui revient, Notice de la documentation Française, op.cit.,
p.15.
* 77 V.le contenu du message
en annexe n.5.
* 78 Jean-Bernard MARIE,
op.cit. p.14.
* 79 Marie-Claude SMOUTS,
op.cit., p.71.
* 80 Marie-Claude SMOUTS,
op.cit., p.73.
* 81 Les Notices de la
documentation Française, op.cit., p.15.
* 82 J-B. DUROSELLE,
Histoire diplomatique, 1919-1957, p.478.
* 83 René CASSIN,
op.cit, p.247.
* 84 J-B. DUROSELLE,
op.cit., p.480.
* 85 Il y a peut-être
un lien avec la Commission spéciale d'études créée
par CASSIN en 1943, dont il sera question dans le cadre de la prochaine section
de ce travail..
* 86 René CASSIN,
op.cit., p. 248.
* 87Idem.
* 88 Pour la
répartition des compétences entre ces organes, v.en annexe n.
6.
* 89 Article 1, § 1 de
la Charte de l'O.N.U..
* 90 Jean-Pierre COT et
Alain PELLET, La Charte de l'O.N.U., commentaire article par article
,p.12.
* 91 Chapitre I, article 1,
alinéa 3 de la Charte de l'O.N.U..
* 92 René CASSIN,
op.cit. p. 248.
* 93 Préambule,
alinéa 4.
* 94 J-B. DUROSELLE, op.cit,
pp.481 et 482.
* 95 Dans son commentaire de
l'article 13, §1, b in La Charte de l'O.N.U., commentaire article par
article , pp. 139 et s.
* 96 Article 2, §7 de
la Charte de l'O.N.U., excluant de la compétence de l'Organisation "les
affaires qui relèvent essentiellement de la copétence nationale
d'un Etat". Le Pacte de la S.D.N. parlait quant à lui, dans son article
15, de question laissée à la "compétence exclusive" de
chaque Etat.
* 97 Article 13, §1,b,
de la Charte de l'O.N.U..
* 98 Affaire du
détroit de Corfou opposant le Royaume Uni à l'Albanie. La Cour a
pris en compte "certains principes généraux et bien reconnus,
tels que des considérations élémentaires
d'humanité".
* 99 Jean-Bernard MARIE,
op.cit.,p.14.
* 100 Jean-Bernard Marie,
op.cit.,p.40.
* 101 U.N.E.S.C.O., La
Déclaration universelle des droits de l'homme, pp.11 à 17.
* 102 René CASSIN,
op.cit.,1951, p. 260.
* 103 René CASSIN,
op.cit., p.258.
* 104 René CASSIN,
op.cit., p.261.
* 105 René CASSIN
La pensée et l'action, p.99
* 106 J.O.R.F. du 27
mars 1947, p. 2849 , voir en annexe n.7.
* 107 Archives
diplomatiques, fichier O.N.U., carton 385, Note pour le ministre, 24 janvier
1951, p.8
* 108 Celle d'un
arrêté, pris par un ministre seul, est limitée par
comparaison avec celle d'un décret pris en conseil des ministres, sans
parler de la solennité que confère à une commission sa
mention dans une loi, qui émane des représentants du peuple.
* 109Archives
diplomatiques, ibidem, Lettre du 6 avril 1950 de René CASSIN au
Ministre des Affaires Etrangères, p.1.
* 110 Archives
diplomatiques, ibidem, Note du Secrétariat des Conférences
pour le ministre du 14/02/1948.
* 111 Plaquette de la
Commission nationale consultative de 1993 et article de Dominique TURPIN, sur
la même Commission in Revue de droit public, 1989, (1), pp. 61 à
90.
* 112 V. annexe 7, article
2 de l'arrêté du 17 mars 1947.
* 113 Archives
diplomatiques, fichier O.N.U.,carton 383, Lettre du 31janvier 1956 de
René CASSIN au ministre des affaires étrangères à
l'attention de M. BROUSTRA, chef du Service des Conférences
Internationales: "Je souhaite expressement que vous vouliez bien
désigner pour ce poste [de délégué
suppléant] M. JUVIGNY, maître des requêtes au Conseil
d'Etat, qui, depuis 5 ans déjà, est mon collaborateur dans ce
domaine et qui a une expérience consomméede toutes les questions
touchant aux droits de l'homme qui ont pu venir soit à
l'Assemblée générale des nations Unies, soit au Conseil
économique et social, soit à l'Organisation internationale de
travail, soit à l'U.N.E.S.C.O. Or, la Commission des droits de l'homme
est le foyer où se concentrent toutes les études par ailleurs
dispersées".
* 114Archives
diplomatiques,ibidem, note du Secrétariat des Conférences du
29/04/1948 sur les travaux de la Commission consultative.
* 115 Archives
diplomatiques, ibidem, note pour le Ministre, 24 janvier 1951, p.8.
* 116 Archives
diplomatiques, fichier O.N.U., cartons 380 et 384, Comptes-rendu des
réunions du 19 mars 1957 et du 19 novembre 1957 de la Commission
consultative des droits de l'homme ; carton 380, Note du 10/06/1949 du
Secrétariat des Conférences à la Sous-direction
d'Asie-Océanie, p.2.
* 117 Par exemple archives
diplomatiques, fichier O.N.U., carton 385, Minute du 24 octobre 1949 du
Ministre des affaires étrangères au Ministre de
l'intérieur, p.2.
* 118Archives
diplomatiques, ibidem, Lettre du Ministre des Affaires Etrangères au
Ministre de l'Intérieur du 24/10/1949, p.2.
* 119Archives
diplomatiques, fichier O.N.U.,carton 382, Lettre du 4 mars 1952 de
René CASSIN au Ministre des Affaires Etrangères, p.1:
"La session de la Commission des droits de l'homme devant
s'ouvrir [...], j'ai estimé nécessaire de convoquer la
Commission consultative [...]. La premièere réunion tenue hier
[...]."
* 120 Archives
diplomatiques, fichier O.N.U., carton 386, Lettre du 29 janvier 1959 de
WOLFROM à CASSIN:
"Par lettre[...] notre représentant permanent
auprès des Nations Unies me rend compte de la réunion [...] du
comité spécial de la C.D.H.. chargé d'étudier le
droit en vertu duquel nul ne peut être arbitrairement
arrêté, détenu ou exilé. [...]. La question pourra
être évoquée, si vous le désirez, lors de la
réunion de la Commission nationale consultative qui aura lieu le le 13
février prochain[...].
On constate que le président CASSIN est
consulté sur le contenu de l'ordre du jour mais aussi informé de
la tenue de la réunion qu'il n'avait donc pas convoquée
lui-même. La compétence de convocation de la Commission est
peut-être un élément qui a connu une évolution entre
1947 et 1959, dernière année où il soit question de cette
Commission en l'état actuel des recherches au Quai d'Orsay.
* 121 Pour un exemple
concernant la préparation de la session de la C.D.H. s'ouvrant le 14
avril 1952, voir Archives diplomatiques, fichier O.N.U., carton 382, Lettre
du 4 mars 1952 de René CASSIN au Ministre des Affaires
Etrangères, p.1.
* 122 Archives
diplomatiques, fichier O.N.U., carton 384, Compte-rendu de réunion de
la Commission consultative en date du 27 novembre 1957.
* 123 Archives
diplomatiques, fichier O.N.U., carton 382, Note du Secrétariat des
Conférences du 29/4/1948, à propos de la nature des mesures
d'application.
* 124 Archives
diplomatiques, fichier O.N.U., carton 385 Note pour le Ministre, 24 janvier
1951, p.7 à 9; Note pour le Ministre , 27 février
1950.
* 125 Archives
diplomatiques, fichier O.N.U., carton 382, Note du 29/11/47.
* 126 Archives
diplomatiques, fichier O.N.U., carton 385, Note du Secrétariat des
Conférences pour le Ministre, 14/02/1948, p.4.
* 127Archives
diplomatiques, ibidem, Lettre du Ministre des Affaires Etrangèeres au
Ministre de l'Intérieur du 24/10/1949.
* 128Archives
diplomatiques, ibidem, Note du Secrétariat des Conférences du
27/02/1950, p.2 et 3.
* 129 Archives
diplomatiques, ibidem, Voeu adressé au gouvernement par la Commission
consultative des droits de l'homme siégeant au ministère des
Affaires Etrangères, in Lettre de René CASSIN
à Robert SCHUMAN, Ministre des Affaires Etrangères, du
6/4/1950.
* 130 Archives
diplomatiques, fichier O.N.U. carton 385, Minute du 24 octobre 1949 du
Ministre des Affaires Etrangères au Ministre de l'intérieur
p.4.
* 131 Archives
diplomatiques, fichier O.N.U. carton 383, lettre du 31/ 01/56 de
René CASSIN àVincent BROUSTRA. Voir en annexe n.8.
* 132 Archives
diplomatiques, fichier O.N.U., carton 382. Etude du 7/05/52 intitulée
"La mauvaise méthode suivie par la C.D.H.depuis le vote de la
Déclaration des Droits de l'Homme". Note du 26/03/1955.
* 133 Archives
diplomatiques, fichier O.N.U., carton 383. Lettre du 8/03/58 du
Secrétaire général de l'ambassade de France à
M.CASSIN. V. en annexe n.9.
* 134 Archives
diplomatiques, fichier O.N.U., carton 380, Compte-rendu de la réunion
de la Commission consultative du 19 mars 1957, p.6.
* 135 V. notice
biographique en annexe n. 10.
* 136 Préface du
livre de Marc AGI, René CASSIN, fantassin des droits de
l'homme.
* 137 Marc AGI, De
l'universalité comme fondatrice du concept de droits de l'homme dans la
vie et l'oeuvre de René CASSIN. p.61 et s.
* 138 René CASSIN,
La pensée et l'action, p.68.
* 139 René CASSIN,
La pensée et l'action , Chapitre "Aristide BRIAND".
* 140 Marc AGI, op.cit. ,
p.103 et s.
* 141 René CASSIN,
op.cit, chapitre "Charles DE GAULLE".
* 142 Marc AGI, op.cit., p.
127 et s.
* 143 Marc AGI,
René CASSIN, fantassin des droits de l'homme , pp. 144 et
145.
* 144 De
GAULLE,Mémoires de guerre , Tome I, p. 219 et s., cité par
Marc AGI, ibidem.
* 145 Marc AGI, op.cit., p.
134 et s.
* 146 René CASSIN,
Les hommes partis de rien, pp. 406 et 408, cité par Marc AGI in
René CASSIN, fantassin des droits de l'homme , pp. 145 et 149.
* 147 Marc AGI, ibidem,
p.146.
* 148 Archives
diplomatiques, fichier O.N.U., carton 382, Commission consultative des
droits de l'homme, séance du 8 juillet 1948, p.2.
* 149Marc AGI,ibidem.
* 150 René CASSIN,
La pensée et l'action, pp.96 à 102.
* 151 Marc AGI, De
l'universalité comme fondatrice du concept de droits de l'homme dans la
vie et l'oeuvre de René CASSIN pp. 146 et s..
* 152 Marc AGI,
René CASSIN, fantassin des droits de l'homme , p. 147.
* 153 Marc AGI, De
l'universalité..., pp.146 et s.
* 154 Gaston MONNERVILLE,
J.O., Doc parl., Sénat, 1973-74, séance du 30/10/73, p.
1540.
* 155 René CASSIN,
La pensée et l'action , p. 175.
* 156 René
CASSIN,Recueil des cours de l'Académie de droit international de
La Haye, année 1951,pp 241, 242.
* 157 U.N.E.S.C.O.,
Autour de la nouvelle Déclaration universelle des droits de
l'homme, Paris, éd. Du Sagittaire, 1948, 236 p., mahheureusement
trouvé seulement en référence
* 158 René CASSIN,
op.cit., p.286.
* 159 René
CASSIN.op.cit., pp. 273 à 276.
* 160 René CASSIN,
La pensée et l'action, pp.103 à 117, reproduisant un
article paru dans la Revue de droit contemporain, numéro 1-1968,
Bruxelles, intitulé Historique de la Déclaration universelle
de 1948.
* 161 Jean-pierre COT et
Alain PELLET, La Charte des Nations Unies, commentaire article par
article, p. 13.
* 162 René CASSIN,
La pensée et l'action, p.106.
* 163 René CASSIN,
La pensée et l'action, p. 106.
* 164 René CASSIN,
Recueil des cours de l'Académie de droit international, 1951, p.
258.
* 165 René CASSIN,
La pensée et l'action, p.107.
* 166 Jean-Bernard MARIE,
La Commission des droits de l'homme de l'O.N.U., p.138.
* 167Idem.
* 168 René CASSIN,
Recueil des cours de l'Académie de droit international,1951,
p.273.
* 169 Jean-Bernard MARIE,
La Commission des droits de l'homme de l'O.N.U., p.139.
* 170Idem, citant le
rapport de la première session du comité de rédaction.
* 171 Jean-Bernard MARIE,
op.cit., pp.139 et 140.
* 172 René CASSIN,
La pensée et l'action, p. 109.
* 173Idem.
* 174 Jean-Bernard MARIE,
La Commission des droits de l'homme de l'O.N.U., pp. 139 à
140.
* 175 René CASSIN,
Recueil de cours de l'Académie de droit international, p. 275.
* 176 René CASSIN,
la pensée et l'action, p.109.
* 177 Jean-Bernard MARIE,
La Commission des droits de l'homme de l'O.N.U., p. 146.
* 178 Ce texte
apparaîtra dans le libellé de l'article 22 de la
Déclaration universelle. V. René CASSIN, La pensée et
l'action, p.111, et Recueil des cours de l'Académie de droit
international, 1951, p.275.
* 179 René CASSIN,
Recueil des cours de l'Académie de droit international, p.276.
* 180 René CASSIN,
La pensée et l'action, p.111.
* 181 René CASSIN,
Recueil de cours de l'Académie de droit international, p.271.
* 182 Yadh BEN ACHOUR,
Politique, religion et droit dans le monde arabe, pp.228-229.
* 183 René CASSIN,
La pensée et l'action, p.108.
* 184 On touchait ici
à l'essence même des droits de l'homme. Ceux-ci étaient et
demeurent en effet "impossibles à dissocier de leur version occidentale,
sauf à faire perdre aux mots toute leur signification: mettre les droits
de l'homme sous la dépendance des droits de Dieu, c'est affecter leur
substance d'un coefficient d'incertitude qui revient à la nier". Mohamed
ARKOUN, auteur de cette remarque, expliquait (Le Monde du 15 mars 1989)
que "la perception des droits de l'homme dans une pensée occidentale
réduite au seul rationalisme positiviste et historiciste
[renforçait] le malentendu avec l'islam, qui [avait] pensé ces
droits de l'homme dans le cadre plus large des droits de Dieu". Ces
réflexions rejoignent la question du lien étroit qui existe entre
les droits de l'homme et la laïcité (Cornélius CASTORIADIS,
Le Monde, 30 novembre 1990):
"Nous avons face à nous, avec l'islam ou
l'hindouisme, des blocs d'imaginaire pour lesquels la structuration religieuse
du monde est fondamentale. Ils ne se laissent pas véritablement corroder
par l'imaginaire occidental de l'égalité, de la liberté,
de la justice. Comment opérer dans ces cultures, sans les
détruire, cette laïcisation du domaine public qui est
nécessaire à l'autonomie politique?"
V. in Patrick WACHSMANN, Les droits de l'homme, pp. 43
et 48.
* 185 Jean-Bernard MARIE,
La Commission des droits de l'homme de l'O.N.U., p.141.
* 186 Jean-Bernard MARIE,
ibidem, p.150.
* 187 Patrick WACHSMANN,
op.cit., p.35.
* 188 Voir pp. 276 à
283 du Recueil des cours de l'Académie de droit international de
l'annnée 1951.
* 189 Mentionnons
simplement que pour certains, les droits de l'homme étaient et demeurent
le reflet d'une conception de l'universalité. "Au demeurant, le
nombre important d'hommes et de femmes qui quotidiennement combattent, au
péril de leur liberté et de leur vie, pour faire plier les
dictatures partout dans le monde est le plus irrécusable des
témoignages en faveur de l'universalisme des droits de l'homme. Mais en
déduire l'universalité de ces derniers serait prendre ses
rêves (occidentaux) pour la réalité (mondiale)". "Le
constat de l'absence d'universalité n'implique évidemment aucune
capitulation devant les assassins en puissance." V. Patrick WACHSMANN, pp. 42
et 46.
* 190
Frédéric SUDRE, op.cit., P. 42.
* 191 Marc AGI,
René CASSIN, fantassin des droits de l'homme, p. 317.
* 192 Recueil des cours
de l'Académie de droit international, 1951,p.279.
* 193 René CASSIN,
Recueil des cours de l'Académie de droit international, 1951, p.
280
* 194 Jean-Bernard MARIE,
La Commission des droits de l'homme de l'O.N.U., p.140.
* 195 Archives
diplomatiques, carton O.N.U. 382, envoi du Secrétariat des
Conférences à l'Ambassadeur de France auprès du Conseil de
Sécurité, 30 avril 1948. Ce texte figure en annexe n.11.
* 196 Archives
diplomatiques, ibidem, Séance de la Commission consultative des
droits de l'homme du 8/07/1948. Exposé de CASSIN sur la troisième
session de la Commission des droits de l'homme.
* 197 V.les articles 28
à 30 du projet français.
* 198 René CASSIN,
La pensée et l'action, p.113.
* 199 Le parvis de ce
temple est formé par le Préambule affirmant l'unité de la
famille humaine et son soubassement est constitué par les principes
généraux de liberté, d'égalité, de
non-discrimination et de fraternité proclamés dans les articles 1
et 2. Quatre colonnes d'importance égale soutiennent le portique. La
première est celle des droits et libertés d'ordre personnel
(articles 3 à 11); la seconde concerne les droits de l'individu dans ses
rapports avec les groupements dont il fait partie et les choses du monde
extérieur (articles 12 à 17); le troisième pilier est
celui des facultés spirituelles, des libertés publiques et des
droits politiques fondamentaux articles 18 à 22); le quatrième
pilier est celui des droits économiques, sociaux et culturels (articles
22 à 27). Sur ces quatre colonnes est posé un fronton marquant
les liens entre l'individu et la société. Les articles 28
à 30 affirment la nécessité d'un ordre social
international tel que les droits et libertés de la personne puissent y
trouver leur plein effet. Ils proclament aussi l'existence des individus envers
la communauté et fixent les limites que l'homme ne peut franchir. Ainsi
la Déclaration marque-t-elle un élan continu de l'individuel vers
le social. V. René CASSIN, Recueil des cours de l'Académie de
droit international, 1951, pp. 278 et 279.
* 200 René CASSIN,
Recueil des cours de l'Académie de droit international, 1951,
p.279.
* 201 Archives
diplomatiques, carton O.N.U. 385, Note pour le Ministre du 24/01/1951,
doc "S".
* 202 Archives
diplomatiques, carton O.N.U. 384, La délégation
française à la Commission des droits de l'homme, 1955.
* 203 Carton O.N.U. 384,
La délégation française à la Commission des
droits de l'homme, 1955.
* 204Ibidem, p.III; Amnesty
international, Au-delà de l'Etat, p.68.
* 205 René CASSIN,
Recueil des cours de l'Académie de droitbinternational, 1951,
p.301.
* 206 Archives
diplomatiques, op.cit., p.IX.
* 207 V. Ce projet en
annexe n.12.
* 208 Archives
diplomatiques, op.cit., p.VI.
* 209 Aucun document du
type de celui concernant le Pacte des droits civils et politiques (projet de
la Commission consultative française) n'a pour l'heure été
trouvé aux archives diplomatique relativement à ce Pacte. La
remarque provient d'un document souvent cité au cours des
dernières pages: La délégation française
à la Commission des droits de l'homme ,op.cit., p.VII.
* 210 Ces droits figurent
dans la Déclaration universelle aux articles 17 et 27, alinéa
2.
* 211 Archives
diplomatiques, carton O.N.U. 385, Note du Secrétariat des
Conférences pour le Ministre, 24/01/1951, p.3.
* 212Idem.
* 213 Archives
diplomatiques,, carton O.N.U. 382 Note du Secrétariat des
Conférences du 29/4/1948.
* 214 Archives
diplomatiques, carton O.N.U. 385, Note du Secrétariat des
Conférences du 24/01/1951.
* 215 Texte de l'article:
"Les dispositions du présent pacte s'étendront ou seront
applicables également au territoire métropolitain d'un Etat
signataire et à tous les territoires qu'ils soient [non autonomes, sous
tutelle ou coloniaux qu'administre ou gouverne cet Etat".
* 216 texte
concerné: "L'Assemblée prie le Conseil économique et
social d'inviter le Commission des droits de l'homme à étudier
les voies et moyens qui garantissent aux peuples et aus Nations le droit de
disposer d'eux-mêmes et à rédiger à cet égard
des recommandations [...]".
* 217 Jacques MOURGEON,
Annuaire français de droit international, 1978, p.295.
* 218 Ibidem, p.296.
* 219 Nikolaus VON MACH,
Le Conseil de l'Europe et la Charte des Nations Unies, p.33.
* 220 Ibidem, p. 44 et
s.
* 221 Ibidem, p. 45.
* 222 V. J.B. DUROSELLE,
Histoire diplomatique, 1919-1957, p. 547 à 549.
* 223 Marie-Claude SMOUTS,
les Organisations internationales, p. 93
* 224 Emmanuel DECAUX,
Le Conseil de l'Europe, Jurisclasseur europe fasc. 6100, p.5.
* 225Ibidem, p. 6.
* 226 J.B. DUROSELLE,
Histoire diplomatique, 1919-1957, P. 548
* 227 La Turquie et la
Suisse par exemple étaient membres de l'O.E.C.E., première
institution de coopération créée en avril 1948 pour
encadrer l'acheminement de l'aide américaine dispensée dans le
cadre du plan Marshall. Elle accomplit sa mission, qui consistait à
contribuer au redressement des économies ouest-européennes en
aidant au développement des échanges et au retour progressif
à la convertibilité des monnaies - V. Marie-Claude SMOUTS, Les
Organisations internationales, p. 92.
* 228 Emmanuel DECAUX,
op.cit., p.5
* 229 Ibidem, p.7.
* 230 PETTITI, la
Convention européenne des droits de l'homme, p.128.
* 231 Karel VASAK, Colloque
de Besançon, p.561.
* 232 PETTITI, op.cit.,
commentaire du Préambule par Théo VAN BOVEN, p.125 et s.
* 233 Remarque:
l'article 31 de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités
reconnaît expressément l'indivisibilité du lien existant
entre le Préambule et le corps d'un traité donné.
* 234 Emmanuel DECAUX,
Les Etats parties et leurs engagements, in La Convention
européenne des droits de l''homme, pp.3 à 25.
* 235 Nikolaus VON MACH,
op.cit., p. 48.
* 236 Ibidem, pp. 52 et
53.
* 237 P.H. TEITGEN,
Faites entrer le témoin suivant, Ouest-France, cité par
Emmanuel DECAUX, ibidem, p.4.
* 238 Jean-Louis BURBAN,
Le Conseil de l'Europe, p.5.
* 239 Emmanuel DECAUX,
Les Etats parties et leurs engagements, ibidem, p.5.
* 240 Pierre-Henri TEITGEN,
op.cit., p.480.
* 241 Emmanuel DECAUX,
op.cit., p.8.
* 242 Emmanuel DECAUX,
op.cit., pp.10 et 11.
* 243 Emmanuel DECAUX,
op.cit., p.13.
* 244 Gaston.MONNERVILLE
résuma ainsi, lors d'une séance au Sénat figurant en note
n. 12 ( J.O. Débats, Sénat, 17/06/1970, pp. 814 à
824), les rubriques importantes de la Convention: "droit de la
vie, qu'il a fallu préserver après les massacres et
les génocides de la deuxième guerre mondiale [...]; respect de la
personne humaine: interdiction de la torture; interdiction des traitements
inhumains et dégradants, interdiction de l'esclavage et du travail
forcé; non rétroactivité des lois [...]; droits
sacrés de la défense et présomption d'innocence dont doit
bénéficier l'accusé [...]; enfin, protection de la vie
privée."
* 245 Remarque: Il
revient au professeur Karel VASAK d'avoir analysé les raisons
officielles et officieuses de la France à ce sujet. V. Colloque de
Besançon, Revue des droits de l'homme, pp. 563 à 566
* 246 Jean-Louis BURBAN,
Le Conseil de l'Europe, p.80.
* 247 J.O.
Débats, Sénat,op.cit.
* 248 J.O.
Débats, op.cit., p. 817.
* 249 Ibidem, p.820.
* 250 Colloque de
Besançon, p. 557.
* 251 Jean-Louis BURBAN,
Le Conseil de l'Europe, p.79.
* 252 Ib idem, p.83.
* 253 Karel VASAK, op.
cit., p.558.
* 254 Jean-Louis BURBAN,
op.cit., p.83.
* 255 Le Monde, 7
décembre 1972.
* 256 Jean-François
VILLEVIEILLE, La ratification par la France de la Convention
européenne des droits de l'homme, Annuaire français de droit
international, 1973, pp. 922 à 927.
* 257 Michel JOBERT,
J.O. Débats, Sénat, 30 octobre 1973 , p. 1547
* 258 Marc AGI,
René CASSIN, fantassin des droits de l'homme, p. 286 et s.
* 259 L'année
politique1974, édition du Grand Siècle, 1975, 454p., p.
225;
* 260 Jean-François
VILLEVIEILLE, op.cit., p.923.
* 261 Exposé des
motifs, J.O. Doc. Parl., Sénat, 1ère session ordinaire,
1973-74, n°2, p.8, en annexe n.13.
* 262 Alain PELLET, la
ratification par la France de la Convention européenne, Revue de
droit public, 1974, p. 1350.
* 263 Jean-François
VILLEVIEILLE,op.cit., pp.922 à 927.
* 264 J.O., 4 mai
1974, p. 4756, en annexe n. 1(.
* 265 Notamment le
régime établi par la loi du 10 juillet 1972. V. Charles DEBBASCH,
La Convention et le régime de l'O.R.T.F., in Colloque de
Besançon, op. Cit., pp. 638 et s.
* 266 Jean-François
VILLEVIEILLE, op.cit., pp.925 à 927.
* 267
L'incompatibilité entre la procédure pénale
française et les exigences de la convention était pourtant un
argument invoqué précédemment par la France contre la
ratification. V. Georges LEVASSEUR, La Convention et la procédure
pénale française, in Colloque de Besançon, op. Cit.,
pp.595 et s.
* 268 Textes
concernés: article 27 de la loi du 13 juillet 1972 relatif au
régime disciplinaire dans les armées et article 375 du code de
justice militaire. Il en résulte notamment que l'échelle des
peines applicables est déterminée par décret, et non par
la loi.
* 269 V. Nicole QUESTIAUX,
La Convention européenne des droits de l'homme et l'article 16 de la
Constitution du 4 octobre 1958, Colloque de Besançon, op.cit.,
pp.651 et s.
* 270 Exposé des
motifs, op. Cit., p. 7.
* 271 Le Monde, 6
avril 1974, en annexe n. 14.
* 272 Jean-François
VILLEVIEILLE, op.cit., pp. 923 et 924.
* 273 Alain PELLET,
op.cit., pp. 1365 à 1370.
* 274 Michel JOBERT,
J.O. Débats, Sénat, op;cit.
* 275 Gaston MONNERVILLE,
ibidem, p.1541.
* 276 Le Monde,
op.cit, p.7.
* 277 Jean-François
VILLEVIEILLE, op.cit., p923.
* 278 Roger POUDONSON,
J.O. Débats, op.cit; p.1540.
* 279 Alain PELLET, op;
cit., p. 1367.
* 280 Michel JOBERT,
exposé des motifs, op.cit.
* 281 Michel JOBERT,
J.O., Débats, Sénat, op.ci.t., p.1547.
* 282 Jean-François
VILLEVIEILLE, op.cit., p.923.
* 283 Michel JOBERT,
op.cit.
* 284 Jean PERIDIER,J.
O. Débats, Sénat, août-octobre 1978, p. 2804. V. aussi
par exemple Jean-Pierre COT inJ.O.,Débats, A.N., 23/07/74 et M.
KIFFER, in J.O.,Débats, A.N., 6 mai 1977, p2570.
* 285 Le Ministre des
Affaires Etrangères, réponse au sénateur Francis PALMERO,
in J.O., Débats, avril-mai 1980, p.1097.
* 286 Le Monde, 1er
octobre 1978.
* 287 Le Monde, 6
avril 1974.
* 288 Jean-Louis BURBAN,
Le Conseil de l'Europe, p.79.
* 289 Au Sénat, en
réponse à une question orale, le Ministre CHANDERNAGOR a
justifié ainsi la position du Gouvernement: "Le problème de
savoir si le Gouvernement maintenait ou levait ces réserves ne s'est pas
posé pour une raison simple et pratique. J'ai moi-même
proposé, à ce moment-là, comme il était de mon
devoir, de déposer la déclaration prévue à
l'article 25. Nous avions le souci d'aller vite. Si on avait en même
temps posé le problème des réserves, il s'en serait suivi
une consultation assez longue des différents services. Or,
l'expérience des Gouvernements précédents a prouvé
que cette procédure risquait d'être longue." J.O.,
Sénat, séance du 13 octobre 1981, p. 1952.
* 290 Par la loi du 9
novembre 1981
* 291 Jean-Louis BURBAN,
op.cit., p.84
* 292 Alain PELLET, La
reconnaissance par la France du droit de requête individuelle devant la
Commision européenne des droits de l'homme, Revue de droit public,
1981, pp. 69 à 103.
* 293 Arrêt "Baroum",
bull., n° 346, p.906, cité par PELLET, op.cit.,p.79.
* 294 A. N., séance
du 6 mai 1977, J.O. A.N. Débats, mai 1977, p.2570.
* 295 Alain PELLET, op.
cit., p.80.
* 296 Ann. Conv. Eur. D.
H., 1977, p.750, cité par PELLET, op.cit., p.82.
* 297 Alain PELLET,
op.cit., p.84.
* 298 Conseil
constitutionnel, décision du 15 janvier 1975, rendue sur la
conformité de la loi sur linterruption volontaire de grossesse à
l'article 2 de la Convention: le Conseil refuse d'examiner la conformité
d'une loi aux stipulations d'un traité ou accord international.
* 299 Le Conseil d'Etat fit
difficulté, jusqu'à l'arrêt Nicolo de 1989, pour
faire prévaloir un traité international de
préférence à une loi postérieure (jurisprudence
Syndicat général des fabricants de semoules de france,
C.E.,section, 1er mars 1968), alors que les juridictions judiciaires,
respectueuses de l'article 55 de la Constitution, faisaient prévaloir
les dispositions d'un engagement international sur toute loi interne,
même postérieure (Cafés Jacques Vabre, , C.Cass, Chambre
mixte, 24 mai 1975).
* 300 Alain PELLET,
op.cit., pp.90-91.
* 301 idem, citant Karel
VASAK, La Convention européenne des droits de l'homme, p.182.
* 302 Idem., citant
François MONCONDUIT, La Commission européenne des droits de
l'homme, Sijthoff, Leyde, 1965, p. 181.
* 303 Gérard
COHEN-JONATHAN, La reconnaissance par la France du droit de recours
individuel devant la Commission européenne des droits de l'homme, in
Annuaire français de droit international, 1981, p.271., citant
J.O., 14 octobre 1981,p. 2783.
* 304 Alain PELLET,
op.cit., p.92.
* 305 Protocole 9,
entré en vigueur le 10 octobre 1994. Sur le détail du
mécanisme d'application de la Convention, v. notamment AMNESTY
INTERNATIONAL, Au-delà de l'Etat, pp. 261 à 266.
* 306 L'auteur de la note
recommandait de faire prévaloir les lois internes sur la Convention
européenne
* 307 Georges CHEVALLIER,
Au sujet de l'application par les juridictions françaises de la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales, J.C.P., 1977, I-2832.
* 308 Le Monde,
3/09/1996.
* 309 Patrick WACHSMANN,
Les droits de l''homme, p.35.
* 310 Préface de
Théo VAN BOVEN, in AMNESTY INTERNATIONAL, Au-delà de
l'Etat, p. 27.
* 311 qui
préconisait l'institution d'une procédure juridictionnelle
internationale mise en mouvement par un Ministère public agissant pour
le compte des Nations Unies
* 312 "dans les couloirs"de
l'O.N.U, par de "nombreux délégués" selon l'article du
Monde, cité dans le texte.
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