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L'humanisation des soins en réanimation


par Laurane Gros
Institut interhospitalier Théodore Simon, Paris 13 - Infirmier  2024
  

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3. L'humanisation des soins infirmiers

3.1 Définition et historique

J'ai donc posé le cadre et les différents acteurs que sont les soignants et les patients à travers la relation et les enjeux qui sont à l'oeuvre dans un contexte de soin. En filigrane de ces questionnements et définitions, il y a le concept d'humanisation des soins infirmiers qui émerge. Le professeur T. Denise écrit dans ledit article que «la volonté d'humanisation des soins de réanimation trouve son origine dans les années 1980 avec, entre autres, l'émergence d'initiatives collectives issues du corps médical.». Cette volonté s'est approfondie en 2005 avec la loi Leonetti, qui vise «à renforcer les droits des malades et encadrer la fin de vie». Cependant, selon l'auteur, les spécificités de la réanimation que je me suis attachée à décrire, rendent «la discipline marquée par une culture de la survie qui continue de structurer l'organisation de la prise en charge».

La récente crise sanitaire a remis au jour la nécessité d'humaniser les soins. C'est du moins dans ce contexte que Sophie Lasserre, responsable de l'humanisation des soins au sein de la Fondation de France, s'exprime : «Aujourd'hui, on a une médecine de pointe qui nous permet de vivre mieux et plus longtemps. Cette technique protocolaire, qui même si elle est très positive, déshumanise un peu le soin. La fondation de France [...] veut remettre de l'humain dans le soin, car on sait bien qu'il est essentiel et vital dans l'acte thérapeutique.». La technologie médicale évolue, et les soignants interagissent avec les patients avec des techniques et des machines qui reproduisent des résultats sans plus considérer parfois la personne singulière qui réside derrière le patient de tous les jours. Le discours d'ouverture de Walter Hesbeen, infirmier et docteur en santé publique, secrétaire général de l'institut la Source, et vice-président du SIDIIEF, lors du congrès sur l'humanité du soin en 2004, compare le prendre soin au souci authentique de l'autre. À sa suite, Lise R. Talbot, directrice du département des sciences infirmières de la faculté de médecine de l'université de Sherbrooke, renonce à l'idée que la course à l'efficacité des soins réduise la part de l'humain dans la prise en charge. Pour elle, prendre en soin est un art. Pour elle, «cet art se compose d'attitudes et de façons d'êtres» propre aux infirmières, «puisqu'il s'agit de fournir au patient tout ce dont il a besoin pour favoriser la réparation du corps et de l'esprit». Tel que le décrit le décret de 1993 sur le rôle infirmier, la prise en charge infirmière doit reconnaitre la personne dans sa globalité. Lise Talbot dit que le «prendre soin est possible à la condition de considérer l'autre avec amour et d'accepter la complexité, l'individualité et le caractère unique de cet autre dans un lien de relation d'aide». Le philosophe humaniste E. T. Kamgue lui écrit que «pour que les hôpitaux

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puissent s'humaniser, il est important que la dignité humaine et la primauté de l'être humain constituent des repères fondamentaux pour les soins en leur sein».

«Trouver un sens à ce que l'on fait est le défi de la nouvelle éthique au travail.» W.

Glaser

3.1.2 Humanisation des soins infirmiers en réanimation adulte

Outre les défis actuels évoqués notamment lors de ce congrès sur l'humanité du soin, à savoir «la notion de productivité», les «exigences de rapidité et de performance» ou encore «l'obligation de toujours faire plus avec moins» (L. R. Talbot), le service de réanimation

représente un défi à lui tout seul du fait de ses spécificités. Le professeur T. Denise explique que les patients de réanimation sont «noyés sous les machines», et qu'ils subissent, comme leur famille à leur entrée dans leur service, «un dépaysement». C'est en ce sens que E. T. Kamgue assure que «l'accueil du malade et de sa famille est un facteur indispensable pour humaniser les soins et les structures de soins». Dans son article, T. Denise nomme certains actes, certaines attentions, destinés à «redonner du quotidien dans un contexte qui est précisément en rupture avec le cours normal de la vie individuelle.». Ceci a vocation à remettre de l'humain dans le soin.

Lors d'un stage, j'ai assisté à une réunion de l'équipe au sujet du projet de

l'humanisation des soins mis en place dans le service. À l'initiative notamment du docteur Vincent Das, chef du service de réanimation adulte de l'hôpital André Grégoire de Montreuil. Le service a repensé la prise en soin et le règlement du service pour privilégier le bien-être du patient et adoucir son expérience d'hospitalisation. Cette dernière peut être pour certains patients, source d'un stress post-traumatique. Selon les dires du Dr Das, voici quelques exemples de ce dont les patients de réanimation peuvent se plaindre :

- Discussions des soignants entre eux au lit du patient sans le considérer

- La peur et le stress liées aux machines, aux bruits et à la lumière artificielle - Le manque d'intimité

- Le peu de visite autorisée

- La douleur et la gêne liées aux manipulations corporelles des soignants...

Par ailleurs, le Dr Das souligne que si la stratégie défensive des soignants réside dans une forme de détachement, alors il y a un risque de déshumanisation des soins. En effet, dans cette forme de mise à distance, le patient est considéré comme un objet de soin, qui conduit le

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soignant à se désidentifier des besoins des patients et de la famille. Il y a une scission dans la relation de soin, ce qui me rappelle les enjeux relationnels évoqués plus haut. Afin de pallier ces problématiques, diverses initiatives ont été prises pour améliorer l'expérience des patients

:

- Moins de bruits nocturnes, d'avantage de lumière naturelle

- Introduction de massage et de musique lors des soins de nursing

- Personnalisation de la chambre par des effets personnels du patient (tableau, photos...) - Attention portée à l'intimité du patient

- Focaliser la discussion sur le patient en sa présence

- Élargissement des horaires de visites, accueil et espace dédiés aux enfants, mallette MAEVA

- Stimulation basale : attention portée aux expériences sensorielles des patients

- Biographie sensorielle : recueil de données des habitudes de vie du patient par la famille pour mieux le connaitre, et pour permettre aux soignant de recréer un environnement et une routine similaire.

- Formation au toucher thérapeutique...

Il me semble intéressant de préciser que des initiatives ont également été mises en place pour les soignants : une salle de détente avec fauteuil massant, des groupes de paroles, aménagement de la salle de détente... Les soignants ont pris l'habitude de toujours s'adresser au patient et de le prévenir des soins effectués même quand ce dernier est intubé et sédaté. Cela leur permet de ne pas traiter le patient comme un objet de soin. Certaines infirmières appellent les patients par leur prénom, pour créer une proximité et favoriser la relation de confiance. Les mesures prises mettent en évidence une prise en soin empathique du patient.

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