2. Problématique
Les villes du monde ont connues des transformations marquantes
depuis la révolution industrielle. De villes faiblement habitées,
on est passé à des villes millionnaires. Ce rythme de croissance
urbaine devient un phénomène spectaculaire, majeur aux yeux des
décideurs politiques, spécialistes et simples citoyens. De
nombreux sommets se sont tenus pour parler du devenir des villes et de leur
durabilité depuis la publication du rapport de Brundtland. En 1950 moins
d'un tiers de la population (29%)5 était urbain. En effet la
population mondiale en 2006 était de 6,66 milliards dont la
moitié vivait en ville et d'après les projections des Nations
unies, le taux d'urbanisation de la planète dépasserait 60% en
2030 contre 29% en 1950 (Nations Unies, 2004). Cette
croissance de la part de la population mondiale vivant dans des villes se
développe à un rythme divers, à l'échelle de la
planète comme celles d'unités géographiques plus
restreintes.
Dans les pays développés, l'urbanisation a
été soutenue et accélérée par le processus
d'industrialisation du XIXe et XXe siècle qui a occasionné un
afflux massif des populations vers les foyers industriels à la recherche
de l'emploi avec comme effet une augmentation de la population (Ngom,
2013). L'urbanisation s'est traduite dans ces pays par
l'étalement des villes anciennes et la création des banlieues.
Dans ces pays industrialisés, néanmoins, l'urbanisation marque le
pas, voire fléchit : en effet, on y trouve plus que 35% des citadins,
contre 60% en 19507. Les taux d'urbanisation ont atteint la
saturation dans ces pays avec plus de 80% et les centres villes tendent
à se désengorger au profil des campagnes proches des espaces
urbains.
Outre que les pays développés, les pays en
développement connaissent un rythme de croissance urbaine très
élevé. La situation est loin d'être la même. Selon
Christel ALVERGNE (2008) « deux citadins sur trois vivent
» maintenant dans ces pays avec des taux de croissance urbaine de l'ordre
de 4 à 5% en Asie et en Afrique. Ce fait est plus remarquable au
début des années 1970, dont la majorité de la population
urbaine mondiale vit dans les pays en développement. Cette croissance
urbaine des pays en développement est portée par le vague
démographique. L'exode rural persiste mais le principale facteur de
l'explosion urbaine réside aujourd'hui dans le taux d'accroissement
naturel des citadins, qui demeure élevé en raison d'une
fécondité encore forte et de la chute de la mortalité. En
ce concerne le continent africaine la croissance urbaine s'est produite
essentiellement au cours des cinquante dernières années passant
d'environ 32
5 VÉRON, J., 2006, Op. Cit,
6 Rapport de l'ONU sur la population mondiale en
2006.
7 Urbanisation dans le monde
11
millions en 1950 à plus de 350 millions en
20058. La vitesse et l'échelle de cette croissance posent de
véritables défis à la région et aux
différents pays. L'Afrique de l'ouest n'est pas épargnée.
En effet, la croissance urbaine en Afrique de l'Ouest reflète ce
développement général. De 1950 à 2005, Nouakchott
en Mauritanie a fait face à une croissance de population de 1000
à 636 000 habitants, N'Djamena au Tchad de 37 000 à 866 000 et
Abidjan en Côte d'Ivoire de 59 000 à 3,5 millions (Obrist,
2006).
Le Sénégal en tant que pays de l'Afrique de
l'Ouest n'a pas échappé à cette situation. Après le
recensement de 20029, la population urbaine est
estimée à 4 008 965 habitants soit un taux de 40,7%. La
croissance urbaine du Sénégal a connu une grande évolution
dans le temps, de 2 000 000 habitants en 1976 soit 34% elle passe à 2
658 000 habitants en 1988 soit 39%. Alors que pendant la même
période, le taux d'accroissement naturel est en baisse de 3,9% entre
1976 et 1988 il passe à 3,5% entre 1988 et 2002 et 15 millions en 2013
selon ANSD (2013). C'est dans cette perspective que s'inscrit
les propos d'AMADOU DIOP (2004), « la dynamique
d'urbanisation est très forte au Sénégal car une personne
sur deux vit dans les villes ». Cette urbanisation rapide n'est pas
précédée d'une politique d'anticipation et pose de
réels problèmes sur le plan économique et social. C'est le
cas dans de nombreuses villes africaines où environ cinquante pour cent
(50%) de la population vit dans des bidonvilles, manifestation physique et
spatiale de la pauvreté urbaine et de l'inégalité
intra-ville caractérisée par un habitat de moindre qualité
ou informel, le manque d'accès aux services de base, pauvreté et
l'insécurité (UN-habitat, 2003). D'où le
constat d'un déphasage entre urbanisation, les politiques urbaines et la
gouvernance urbaine. Cependant au Sénégal, le processus
d'urbanisation est caractérisé par la macrocéphalie de la
capitale. La région a connu une croissance urbaine exponentielle
à partir des années 1960 et représente aujourd'hui 49% de
la population urbaine du pays contre un taux nationale de
41,5%10. En 2016, la population urbaine de la
région de Dakar se chiffre à 3 308 16411 individus
avec un taux d'urbanisation de 96,4%12 sur un
terroir de 550 km2. Cette situation se justifie par le fait que la
capitale dakaroise concentre l'essentiel des activités du secteur
secondaire et tertiaire et constitue un monopole dans la gestion
administrative, économique, culturelle et sociale du
Sénégal. La région métropolitaine concentre 55% du
PIB national et
8 OBRIST B., 2006, « Risque et
vulnérabilité dans recherche en santé urbaine », La
revue électronique en sciences de l'environnement Vertigo,
Hors-Série 3
9 RGPH3, ANSD/Décembre 2006
10 ANSD (2010) cité par Cheikh Abdou Lahat
Ngom. (2013), urbanisation et problème de l'aménagement urbain
dans la périphérie de Dakar : le cas de la localité de
Tivaoune Peulh-Niaga, Mémoire de master II département de
Géographie, FLSH, UCAD, 122pages.
11 Situation Economique et Sociale de la Région
de Dakar, édition 2016
12 Situation Economique et Sociale de la Région
de Dakar, édition 2016
12
80% des entreprises enregistrées et des emplois du
secteur moderne13 et ces pourcentages pourraient croître dans
les années à venir sous l'effet des dernières orientations
économiques retenues. Compte tenu de ces opportunités, la
capitale attire une forte population au profit des autres régions du
fait de l'offre d'emploi et une meilleure condition de vie.
L'accélération du processus d'urbanisation résulte aussi
de nombreux facteurs. En effet, parmi ces facteurs ayant participés
à la croissance accélérée de la population, l'exode
rural est celui qui est le plus marquant. La population urbaine de Dakar voit
une arrivée massive de population rurale occasionnée par la
sècheresse du Sahel des années 70. Environ des milliers de
ruraux, chassés par la pauvreté et l'insécurité,
quittent chaque année des campagnes pour tenter leurs chances en ville.
Outre l'exode rural, l'accroissement naturel a aussi eu des effets dans
l'explosion démographique. Ainsi les nouvelles vagues d'arrivantes
s'installent en ville plus particulièrement dans les banlieues avec un
taux de natalité et de fécondité plus élevés
semblables à celle des campagnes. Cependant cette dynamique urbaine
affecte le centre-ville et se traduit souvent par le phénomène de
périurbanisation ou l'étalement urbain. Devant un tel état
de fait se pose des problèmes tels que l'urbanisation
incontrôlée, l'extension spatiale vers les
périphéries, le manque des services sociaux de base et de
nombreux litiges fonciers dont l'actualité est au coeur de la
problématique urbaine. Par ailleurs, la loi 64-46 du 17 Juin 1964
instituant le domaine national a été un élément
accélérateur du caractère dominant de ce modèle
populaire en intensifiant le déversement périphérique de
la ville car l'accès au foncier devient très difficile pour une
certaine catégorie de population. Ainsi, sa saturation et la
difficulté d'accès à la réserve foncière,
son hyper centralité et la densification de son armature urbaine
contraignent Dakar à se déployer vers la lointaine
périphérie comme le cas de la commune de Tivaoune Peulh l'une des
rares réserves foncières de la capitale.
La commune de Tivaoune Peulh située à trente
kilomètres (30 km2) du centre de Dakar constitue aujourd'hui
le foyer de la production des parcelles. La zone devient de plus en plus
très attractive du fait que le coût du foncier est abordable par
rapport au centre-ville de Dakar. Sa primauté sur le plan politique par
rapport aux localités environnantes réside aux avantages
économiques qu'offrent la localité et du fait que la zone vient
d'être érigée en communauté rurale avec le
décret 2011-706 du 6 juin 2011 portant le découpage de la CR de
Sangalkam et en commune après l'Acte III de la décentralisation
en 2013 avec la suppression de la CR en commune. De ces avantages, la commune
de Tivaoune Peulh voit une arrivée massive de populations ainsi que de
leadeurs politiques. En effet la croissance de cet établissement
humain
13 Revue de l'urbanisation, Ville Emergente pour le
Sénégal Emergent.
13
est tout à fait fulgurante, avec moins d'une centaine
d'habitants constitués en majorité peulhs au moment de sa
création, Tivaoune Peulh est aujourd'hui une ville en gestation qui
continue de croître aussi bien sur le plan démographique que
spatial (Ngom, 2013). Ainsi selon CHEIKH ABDOU LAHAT
NGOM (2013) dans mémoire de master II sur «
Urbanisation et problématique de de l'aménagement urbain dans
la périphérie de Dakar : le cas de de la localité de
Tivaoune Peulh-Niaga », souligne que Tivaoune Peulh est de 2574
habitants en 2002 à 4000 habitants en 2004 pour atteindre 11853
habitants en 2010. Ce qui fait qu'en six ans (2004-2010), le village a eu un
surplus de 7853 soit un gain annuel de 1308 individus. Cette poussée
démographique rapide ne s'accompagne pas de la mise en place de
structures d'insertion capable d'offrir de débouchés en termes
d'emplois. Quels sont les facteurs qui favorisent cette dynamique urbaine et
quelles sont les actions menées par les acteurs de la gouvernance
urbaine dans le cadre des mutations engendrées par l'urbanisation ?
Par ailleurs, cette croissance urbaine de la zone
couplée aux problèmes de la gouvernance pose des soucieux majeurs
en termes d'insuffisance notoire en matière des services sociaux de
base, d'équipements et infrastructures, le chômage et des
systèmes d'évacuation des eaux usées. A cela s'ajoute un
véritable problème qui est le foncier qui constitue aujourd'hui
une préoccupation prépondérante des acteurs territoriaux.
En effet, l'octroi, par l'Etat, de larges superficies foncières aux
promoteurs immobiliers et aux coopératives d'habitats, ne trouve pas
souvent l'adhésion des autochtones qui dénoncent le manque de
transparence et de concertation dans l'attribution de ces terres (Ngom,
2013). Ceci se traduit souvent par le manque de surfaces agricoles,
les transformations paysagères dont les conséquences
environnementales sont ressenties par les autochtones, la dégradation
des zones patrimoines entre autres.
C'est ainsi qu'au regarde des multiples raisons que pose le
problème de gouvernance dans la zone, que la responsabilité des
dirigeants politiques, administratifs et surtout des acteurs territoriaux est
engagée au premier plan pour mettre en oeuvre des mesures susceptibles
d'appuyer et de protéger les populations de tous les maux dont souffrent
les villes aujourd'hui. Dans le cadre de l'urbanisation, la bonne gouvernance
constitue un pilier fondamental dans la gestion des affaires urbaines ainsi que
territoriaux. Ce qui traduit que la participation et la responsabilité
de chaque acteur deviennent une nécessité. Devant un tel
état de fait, l'Etat en tant qu'acteur principale est au premier rang, a
développé des stratégies d'urbanisation de
l'agglomération urbaine de Dakar, en générale, et de la
zone de Tivaoune Peulh en particulier : c'est le PDU horizon 2025 et le PUD
dont le but est de favoriser un développement harmonieux. Ainsi il
serait intéressant de se poser la question si ces outils de
rationalisation de l'espace
14
(PUD, PDU-2025) sont efficaces pour résoudre les
problèmes qui se posent dans la zone ? Les différents acteurs
sont-ils impliqués dans la gestion de la gouvernance ? Et quelles sont
les stratégies développées par les acteurs pour parvenir
à la bonne gouvernance ?
15
Questions de recherche
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