|
|
RÉPUBLIQUE DU CAMEROUN REPUBLIC OF
CAMEROUN
Paix-Travail-Patrie Peace-Word-Fatherland
*********** ***********
UNIVERSITÉ DE DSCHANG THE UNIVERSITY OF
DSCHANG
FACULTÉ DES SCIENCES FACULTY OF LAW AND
POLITICAL
JURIDIQUES ET POLITIQUES SCIENCES
DÉPARTEMENT DE SCIENCE DEPARTMENT OF
POLITICAL
POLITIQUE SCIENCE
ÉCOLE DOCTORALE
POST GRADUATE SCHOOL
DSCHAND SCHOOL OF LAW AND POLITICAL SCIENCES
UNITÉ DE RECHERCHE EN ANALYSE POLITIQUE,
STRATÉGIQUE
ET SOCIALE
|
|
IMPACTS DES CONFLITS LIÉS A LA
MOBILITÉ PASTORALE SUR LE DÉVELOPPEMENT ET LA GOUVERNANCE
DANS LA PROVINCE DU MAYO-KEBBI OUEST (TCHAD)
|
Mémoire en vue de l'obtention
|
Locale,
Titulaire
du diplôme de Master professionnel
Décentralisation et Développement
Présenté et soutenu publiquement par ALI
SALEH SOULEYMANE (CM-UDS-20SJP0725)
d'une maîtrise en Science Politique Sous la
direction de :
Dr DOUNKENG ZELE CHAMPLAIN Chargé de
cours et HDR
:
|
en Gouvernance
|
Année académique 2020-2021
|
|
|
AVERTISSEMENT
La Faculté des Sciences Juridiques et Politiques
n'entend donner aucune approbation aux idées et opinions
émises dans ce mémoire, celles-ci sont propres à leur
auteur qui en assume l'entière responsabilité.
i
DÉDICACE
À mes parents SALEH SOULEYMANE MAHAMAT et FATIMÉ
MAHAMAT
HISSEINE
ii
REMERCIEMENTS
iii
Il m'est particulièrement agréable d'exprimer ma
gratitude aux personnes ci-après pour leur concours à la
réalisation de ce travail.
Dans un premier temps, qu'il plaise à mon Directeur de
Mémoire, le Dr DOUNKENG ZELE CHAMPLAIN de bien vouloir accepter ici
l'expression de toute ma reconnaissance pour le sens de dévouement
à la tâche qu'il a su nous inculquer. Pour sa promptitude à
nous fournir conseils et éclairages tout au long de ce travail
malgré son calendrier chargé.
Je voudrais ensuite remercier tout le corps enseignant de la
Faculté des Sciences Juridiques et Politiques et de l'Université
de Dschang, et particulièrement ceux qui sont intervenus dans le cadre
du Master en Gouvernance Locale, Décentralisation et
Développement sous la coordination du Pr KEUTCHE JOSEPH pour avoir
bénéficié de leurs connaissances.
Merci aux membres du jury d'avoir accepté d'examiner notre
travail.
Nos pensées vont également à l'endroit du
Secrétaire Général de la province du Mayo-Kebbi Ouest M.
SADICK KHATIR ABDRAHMAN, du Directeur de Cabinet du Gouverneur M. MAHAMAT
ABDOULAYE, du Chef de Bureau du Secrétariat du Cabinet du Gouverneur M.
HASSANE, du technicien KEMONG PALLOU, du Délégué des
Droits de l'Homme de la province du Mayo-Kebbi Ouest M. TCHINDEBE TCHOUAFENE
pour leur disponibilité et leur apport à notre travail et surtout
pour la documentation.
Merci infiniment à mon père SALEH SOULEYMAN
MAHAMAT et ma chère mère FATIME MAHAMAT HISSEIN pour leur soutien
inconditionnel durant tout mon cursus scolaire et académique. Qu'Allah
vous bénisse amplement et vous garde pour que vous puissiez
bénéficier des fruits de ma réussite. Merci à mes
petits-frères HISSEINE SALEH SOULEYMANE, ZAKARIA SALEH SOULEYMANE et
TAHIR SALEH SOULEYMANE ; mes petites-soeurs ZARA SALEH
SOULEYMANE, RADIÉ SALEH SOULEYMANE, CHERIFA SALEH SOULEYMANE ;
mon neveu SALEH BRAHIM ABAKAR, ma nièce NADIFA BRAHIM ABAKAR et
ma fiancée KHADIDJA ABDRAMANE ABAKAR pour leur amour inconditionnel.
Surtout merci à ALLAH SOUBHAANAHOU WATA ALLA de nous
avoir gardé et guidé pour arriver à
l'échéance de ce travail. ALLAMDOU-LILLAH.
iv
LISTE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS
BAD : Banque Africaine de Développement
BEAC : Banque des Etats de l'Afrique Centrale
C. civ : Code Civil
CAD : Comité d'Aide au Développement
CEMAC : Communauté Economique et Monétaire de
l'Afrique Centrale
CITES : Convention sur le Commerce International des
Espèces de Faune et de Flore
Sauvages Menacées d'Extinction
CNRS : Centre National pour la Recherche Scientifique
CRDSC : Centre de Règlements des Différends
Sportifs du Canada
DEA : Diplôme d'Etudes Approfondies
DIAT : Diplôme d'Ingénieur d'Agronomie
Tropicale
ESSOR : Espaces, Société et Logiques
Economiques
FAO : Organisations des Nations Unies pour l'Alimentation et
l'Agriculture
F CFA : Franc de la Coopération Financière en
Afrique Centrale
Ha : Hectare
HCR : Haut Commissariat des Nations Unies pour les
Réfugiés
IDH : Indice de Développement Humain
Ibid. : Ibidem
IGAD : Autorité Intergouvernemental pour le
Développement
IIED : Institut International pour l'Environnement et
Développement
INS : Institut National de la Statistique
Interpol : Organisation Internationale de Police Criminelle
IRAD : Institut de Recherche Agricole pour le
Développement
v
OCDE : Organisation de la Coopération et du
Développement
ONG : Organisation Non Gouvernementale
MEC : Médiation entre Eleveurs et Cultivateurs au
Tchad
ONDR : Office National de Développement Rural
ONU : Organisation des Nations Unies
Op cit. : Opere Citato
p. : page
PIB : Produit Intérieur Brut
PNUD : Programme des Nations Unies pour le
Développement
PRODALKA : Programme de Développement Rural
Décentralisé du Mayo Dallah, Léré, de
la Kabia et du Mont Illi
PUF : Presses Universitaires de France
UNODC : Office des Nations Unies Contre les Drogues et le
Crime
vi
RESUMÉ
Compte tenu de la sévérité des conditions
climatiques qui ne font que s'aggraver chaque année et de la
montée en puissance de la démographie humaine et animale, les
éleveurs de la zone sahélienne et saharienne descendent avec les
animaux dans la zone soudanienne en saison sèche. Ils sont à la
recherche des conditions favorables aux animaux, et remontent dans leurs
territoires d'origine en début de la saison des pluies. Ce
déplacement dans la zone soudanienne ne passe pas sans poser des
problèmes. La zone soudanienne est une zone à vocation agricole
et les animaux peuvent détruire les champs, les filets de pêche,
côtoyer les aires protégées lors de leur
déplacement. Ce qui met les éleveurs en perpétuel conflit
avec les agriculteurs, les pêcheurs et les agents de l'Etat. Les usagers
des ressources naturelles ont développé des comportements de
moins en moins tolérants les uns envers les autres. Ces conflits ont
d'innombrables impacts sur le développement et la gouvernance des
provinces dans lesquelles ils sont fréquents. Dès lors, quels les
impacts des conflits liés à la mobilité pastorale sur la
gouvernance et le développement et quelles solutions préconiser
pour limiter ces derniers ? Nous dégageons de cette question principale
une hypothèse selon laquelle les conflits liés à la
mobilité pastorale impactent de manière négative le
développement et la gouvernance de la province, des mesures profondes
sont nécessaires sont nécessaires pour limiter les impacts de ces
conflits. Pour vérifier cette hypothèse, nous nous
intéressons dans un premier temps aux impacts des conflits liés
à la mobilité pastorale sur le développement et la
gouvernance dans la province et dans un second temps nous proposons des mesures
pour atténuer les impacts de ces conflits. Ces conflits occasionnent la
destruction de l'environnement, des champs, créent des pertes en vie
humaine, des pertes matérielles, désorganisent les groupes
sociaux... Ces impacts sont maintenus et alimentés par la corruption,
les fortes amendes lors des règlements des litiges, la pluralité
des instruments juridiques dans le monde rural, l'incompétence des
autorités administratives civiles et militaires... Pour atténuer
ces conflits qui ont endeuillé et continuent d'endeuiller les familles,
l'Etat et les Collectivités Autonomes doivent prendre des mesures qui
doivent s'imposer à tous, telles que l'amélioration et
harmonisation des textes régissant le monde rural, l'instauration une
paix civile entre les différents groupes, encourager le vivre-ensemble
etc.
Mots clés : impact, conflit,
développement, gouvernance, code pastoral.
vii
ABSTRACT
Talking into account the severity of the climatic conditions
which only worsen each year and the rise in human and animal demography, the
herders of the Sahelian and Saharan zone descend with the animals to the
Sudanian zone in dry season. They search of favourable conditions of animals
and return to their territories of origin at start of the rainy season. This
displacement in the Sudanian zone, for agricultural purposes, is not without
causing problems. During this displacement the animals can destroy the fields,
the fishing nets, rub shoulders with the protected areas. Which puts them in
perpetual conflict with farmers, fishermen and State agents. The users of
naturel resources have developed behaviors that are less and tolerant of one
another. These conflicts have innumerable impacts on the development and the
governance of the provinces in which these conflicts are frequent. Therefore,
what are the impacts of conflicts linked to pastoral mobility on development
and governance in the West Mayo-Kebbi province and what solutions can be
recommended to limit their impacts? We derive from this main question a
hypothesis according to which the conflicts related to pastoral mobility
negatively impacts the development and governance off the province, deep
measures are necessary the impacts of these conflicts. To verify this
hypothesis, we first look at the impacts of conflicts linked to pastoral
mobility on development and governance and secondly we propose measures to
mitigate the impacts of conflicts. These conflicts cause
destruction of the environment, the fields, create loss of
human life, material loss, disorganize groups social...These impacts are
maintained and fuelled by corruption, heavy fines for settling disputes, the
plurality of legal instruments in the rural world, the incompetence of civil
and military administrative authorities... That conflicts which have mourned
and continue to mourn families. The State help the local and regional
authorities must take measures which are essential to all, such as the
improvement ant the harmonization of the texts governing the rural world, the
establishment of civil peace between different groups, encourage living
together...
Keywords: impact, conflict, development,
governance, pastoral code.
SOMMAIRE
viii
INTRODUCTION GÉNÉRALE 1
PREMIÈRE PARTIE : 34
LES IMPACTS DES CONFLITS LIÉS À LA
MOBILITÉ PASTORALE SUR LE DÉVELOPPEMENT ET LA GOUVERNANCE DANS LA
PROVINCE DU MAYO-KEBBI OUEST
34
CHAPITRE I : 36
LES IMPACTS DES CONFLITS LIÉS À LA
MOBILITÉ PASTORALE SUR LE
DÉVELOPPMENT DE LA PROVINCE DU MAYO-KEBBI OUEST 36
Section 1 : Les impacts des conflits liés à la
mobilité sur le développement économique de la province
37
Section 2 : Les impacts sociaux des conflits liés
à la mobilité pastorale dans la province 47
CHAPITRE II : 57
LES CONFLITS LIÉS À LA MOBILITE PASTORALE,
EFFETS DE LA MAUVAISE
GOUVERNANCE 57
Section 1 : Politisation et mauvaise gestion des conflits
58
Section 2 : Pluralité des instruments juridiques dans
la gestion des conflits liés à la mobilité pastorale
64
SECONDE PARTIE : 72
LES MESURES D'ATTÉNUATION DES IMPACTS DES CONFLITS
LIÉS À LA MOBILITÉ
PASTORALE 72
CHAPITRE III : 74
LES MESURES D'ATTÉNUATION DES IMPACTS DES CONFLITS
LIÉS À LA MOBILITÉ
PASTORALE AU NIVEAU DE L'ÉTAT 74
Section 1 : Soutenir une gestion consensuelle et
décentralisée de l'espace agropastoral et des conflits
75
Section 2 : Amélioration des mecanismes de gestion des
conflits 81
CHAPITRE IV : 89
LES MESURES D'ATTÉNUATION DES IMPACTS DES CONFLITS
LIÉS À LA MOBILITÉ
PASTORALE DANS LA PERSPECTIVE DE LA DÉCENTRALISATION
89
Section 1 : Mise sur pied d'un système communautaire
d'alerte précoce 90
Section 2 : Mise en place d'un plan de communication, de
sensibilisation et d'éducation 93
CONCLUSION GÉNÉRALE 101
ANNEXES 105
LISTE DES ANNEXES 104
BIBLIOGRAPHIE 104
1
2
I. CONTEXTE DU SUJET
Les fléaux qui sévissent au Tchad nous
amène à nous interroger sur les conflits internes de ce pays. Ces
conflits sont très nombreux et sont devenus la forme de violence la plus
pernicieuse. De milliers de personnes ont été tuées dans
ces conflits, parmi ces nombreux conflits on y trouve les enlèvements
des personnes contre rançons, les oppositions foncières, les
hostilités intercommunautaires, les tiraillements liés à
la sorcellerie, les viols, les vols, les conflits liés à la
mobilité pastorale etc. Ils s'inscrivent dans un cadre plus
général d'insécurité au Tchad.
Le Tchad est un pays à vocation agricole, pastorale et
halieutique, son environnement naturel, sa composition humaine et sa culture
sont favorables à ces activités. Son économie repose
essentiellement sur ces secteurs, qui participent à hauteur de 20% au
PIB1. La dégradation des écosystèmes s'est
fortement accentuée ces dernières années, sous les effets
de plusieurs facteurs, dont les plus marquants sont la baisse de la
pluviométrie et l'accroissement rapide de la
démographie2. Cette crise pousse les éleveurs à
se déplacer progressivement vers la zone méridionale du pays.
Cette migration des personnes et du bétail vers le sud, zone à
vocation agricole ne se fait pas sans poser des problèmes sociaux.
Confrontés à l'hostilité du climat social, les
agriculteurs, les éleveurs et les pêcheurs ont
développé au fil du temps un comportement de moins en moins
pacifique. La cohabitation entre ces communautés est
émaillée d'affrontements aux issues souvent sanglantes et
meurtrières.
Ces conflits peuvent opposer les éleveurs aux
agriculteurs, de même que les éleveurs aux pêcheurs et aux
agents de l'État. Les conflits entre les éleveurs et les
agriculteurs sont de loin les plus nombreux et plus violents que ceux qui
opposent les éleveurs aux pêcheurs, ou aux agents de
l'État. Ces conflits entre les agriculteurs et les éleveurs
représentent près de trois quart des conflits liés
à la mobilité pastorale, et ont pris des proportions
inquiétantes depuis 2014. En plus des conflits entre les usagers
(agriculteurs, éleveurs et pêcheurs), ces conflits ont
également une autre dimension, celle qui oppose les éleveurs aux
institutions
1 ONU, « Profil de pays (Tchad) »,
Commission Économique pour l'Afrique des Nations Unies, Addis-Abeba,
ISBN : 978-99944-68-90-4, 2016, p. viii.
2 SOUGNABE (Pabamé), Le conflit
agriculteurs/éleveurs dans la zone soudanienne : cas du Moyen-Chari au
sud du Tchad, Mémoire de DEA en Espace, Société et
Logiques Économique et du Diplôme d'Ingénieur Agronome
Tropicale, Université de Toulouse le Mirail, septembre 2000, p. 47.
3
étatiques et non-étatiques. Parlant des conflits
entre les éleveurs et l'Etat, dans le Mayo-Kebbi Ouest, l'espace
où s'extériorisent ces conflits concerne souvent les aires
protégées3.
De nos jours, les conflits liés à la
mobilité pastorale demeurent une menace pour la sécurité
d'innombrables personnes et affectent les efforts visant l'instauration de la
stabilité et de la paix durable. Ces phénomènes existaient
et continuent d'exister avec des conséquences de plus en plus
drastiques. Les autorités administratives, militaires et politiques qui
sont censées régler ces conflits, sont souvent à la base
de la recrudescence.
Face à cette crise qui compromet la promotion de ces
secteurs clés de l'économie du pays, le gouvernement a
tenté en 2014 par une loi appelée « code pastoral » de
déterminer les principes fondamentaux en matière de pastoralisme,
ce projet de loi fut rejeté par le Conseil Constitutionnel la jugeant
d'inconstitutionnel, mais le 11 novembre 2014 l'Assemblée Nationale
adopte en seconde lecture le projet de loi portant code pastoral.
Les conflits liés à la mobilité pastorale
ne datent pas d'aujourd'hui. Historiquement, ce type de conflit qui a fait plus
de victimes (120 morts à l'arme blanche) a eu lieu au Nord entre les
arabes Misseriés et les Ratanins à Oum-Hadjer au Batha en
19474. Dans la zone soudanienne du Tchad, zone à vocation
agricole, il faut noter que jusqu'à des dates récentes, ces
conflits étaient limités. Avec la nouvelle situation
pluviométrique et l'augmentation de la population humaine et animale,
les transhumants nordistes, qui s'arrêtaient autrefois au centre du pays,
arrivent jusqu'au sud. Ces transhumants ne sont pas les bienvenues dans cette
zone où l'agriculture est la principale activité. Le
déplacement des transhumants pose alors des problèmes tout au
long de leur trajet. Les agriculteurs qui voient leurs champs détruits,
et les pêcheurs qui voient leurs filets détruits,
développent des comportements de moins en moins pacifiques.
Les ressources étant par nature limitées dans un
environnement donné, il faut les repartir entre les différentes
personnes ou groupes de personnes qui peuvent y prétendre. Les personnes
bénéficiaires ne sont pas toujours d'accord sur le
bien-fondé de cette répartition. C'est pourquoi, elles
décident souvent, lorsqu'elles ont épuisé divers moyens
pacifiques, de faire reconnaitre leur droit par le moyen du conflit. Le conflit
débute généralement par un acte compris par l'un des
protagonistes comme une transgression des règles communément
3 MARTY (André), SOUGNABE (Pabamé),
DJONATA (Djatto) et NABIA (Aché) (dir), Causes des conflits liés
à la mobilité pastorale et mesures d'atténuation, Rapport
d'étude, juin-septembre 2010, p. 41.
4 HUGOT, 1997, cité par SOUGNABE
(Pabamé) op cit. p.18.
4
admises. Ils ne perçoivent pas leur relation de la
même manière. L'un peut avoir l'impression de tendre vers la
négociation, l'autre, au contraire, le situer dans le cadre d'un
affrontement.
Les questions des conflits liés à la
mobilité pastorale sont une question de gouvernance et freinent le
développement et particulièrement le décollage
économique de ladite province. Ils sont une question de gouvernance dans
la mesure où c'est par la négligence du gouvernement que naissent
et se maintiennent généralement ces conflits. La majorité
des conflits naissent des problèmes de gouvernance, ces conflits
montrent la faiblesse ou l'incapacité de l'Etat à donner des
réponses urgentes aux questions de gouvernance. La majorité de
ces conflits ont pour cause la gestion des ressources naturelles. « La
bonne gouvernance est essentielle pour permettre à l'Afrique de
repousser les conflits et réaliser son potentiel » estime le
Secrétaire Général des Nations Unies.5
Dès lors, la lutte contre l'insécurité
apparait comme une priorité pour le gouvernement tchadien. Ainsi, notre
sujet ayant objet d'analyser les impacts des conflits liés
à la mobilité pastorale sur le développement et la
gouvernance de la province du Mayo-Kebbi Ouest s'avère
pertinent.
II. CLARIFICATION DES CONCEPTS DU SUJET
La définition des termes du sujet nous permet de bien
appréhender la question afin d'apporter les éléments de
développement plus pertinents. C'est en ce sens que, Jean-Louis BERGEL
affirme : « le chercheur doit pour toute étude, définir
au préalable les termes enfin que l'on sache bien de quoi il est
question »6. Il convient dès lors de définir
les notions suivantes : impact (1), conflit
(2), mobilité pastorale (3),
gouvernance (4) et développement
(5).
1. Impact
À l'origine, le mot impact vient du latin impactum
(heurter), qui signifiait uniquement l'endroit où venait frapper un
projectile7. L'usage du mot impact a depuis été
étendu à l'effet d'une action forte, brutale et par extension,
jugée inappropriée, effet, influence d'une action8.
5 Déclaration faite au troisième Forum
sur la gouvernance en Afrique, tenu à Bamako du 28 au 30 juin 1999.
6 BERGEL (Jean-Louis), « Théorie
générale de droit », Paris, Dalloz, 1989, p. 193.
7 Grande encyclopédie Larousse, 1962
cité par KEUTCHEU (Joseph), Cours d'Etude d'impact, audit et bilan des
projets et des actions de développement, Master II Gouvernance Locale,
Décentralisation et Développement, Université de Dschang,
Novembre 2020, p. 10, inédit.
8 Petit Robert 1878 cité par KEUTCHEU (Joseph)
ibid.
5
Et plus tard, l'influence décisive de quelque chose ou
de quelqu'un sur le déroulement de l'histoire des
événements (Petit Larousse 1988)9.
C'est cette évolution qui a conduit à utiliser
le mot « impact » pour définir les changements produits par un
phénomène sur l'environnement, l'économie, les
populations... Il est évident qu'un écart significatif existe
entre la définition initiale de la notion à son
appréhension actuelle relative aux changements produits par un
phénomène.
L'impact d'un phénomène est la situation issue
de l'ensemble des changements significatifs et durables, positifs ou
négatifs, prévus ou imprévus, dans la vie et
l'environnement des personnes ou des groupes et pour lesquels un lien de
causalité direct ou indirect peut être établi avec le
phénomène10. C'est cette dernière
définition qui sera retenue dans le cadre du développement de
notre thème.
2. Conflit
Au sens commun, si on s'en tient à la définition
donnée par le dictionnaire Le Robert, le conflit est la «
rencontre d'éléments, de sentiments contraires, qui s'opposent
» ; ou "Actions, idées, intérêts, ou
personnes opposées ou en compétition"11
Au sens sociologique, pour la plupart des sociologues, la
question des conflits n'était pas importante, les conflits ont
été ignorés pendant quarante ou cinquante ans dans les
études sociologiques. Le problème posé par Karl MARX au
XIXe siècle, a subi, selon la formule de MILLS une
"Elimination Magique" jusqu'aux années cinquante12. Les
théories animant la scène des sciences sociales insistaient alors
sur l'ordre, l'harmonie, les valeurs traditionnelles et l'intégration.
De nombreux mouvements sociaux complexes tels que le "Black Power" en
Amérique dans les années cinquante-soixante, la contestation
anti-Vietnam révélèrent l'importance jouée par les
conflits dans la dynamique sociale : la question des conflits devint un sujet
fondamental d'étude pour expliquer les mouvements sociaux.
SIMMEL donne une définition du conflit qui va à
l'encontre la plupart des auteurs que nous avons lus. Il considère le
conflit comme une force fondamentale de la vie sociale, il se
9 Ibid.
10 Ibid.
11 Encyclopédie Britannica, cité dans
Conflit : vers une définition générique par
DEHAIS (Fréderic) et PASQUIER (Philippe), article présenté
lors d'une conférence à Biarritz (France), janvier 2020, p. 2 ;
[En ligne] PDF disponible sur
http://oatao.univ-toulouse.fr
; consulté le 8 juin 2021.
12 Ibid.
6
place dans une tradition millénaire fondée par
HERACLIDE qui voit dans la guerre le père de tout
développement13.
Sandrine RUI, dans son ouvrage14, s'essaie à
la définition du conflit. Pour elle, le conflit est un antagonisme entre
individus ou groupes dans la société (ou entre
sociétés). Il survient " quand une décision ne peut
être prise par les procédures
habituelles.15"
D'une manière générale, la notion de
conflit apparait lorsque deux individus ou deux groupes d'individus ne
perçoivent pas la même chose de la même manière. Le
conflit est l'expression d'une crise, d'une rupture, d'un affrontement ou d'un
enjeu qui s'est instaurée entre deux acteurs. Les enjeux peuvent
évidemment être de différente nature : matérielle ou
immatérielle. L'accès aux ressources est un enjeu matériel
pour les éleveurs, les agriculteurs et les pêcheurs et l'honneur
ou le prestige d'un chef est un exemple d'enjeu immatériel. Notons que
les enjeux peuvent changer à mesure que le conflit se
développe.
Le conflit survient souvent suite à un malentendu
suivant le cadre où se situe chaque personne ou chaque groupe de
personnes, deux personnes qui entrent en conflit vivent souvent un malentendu.
Ceci nous amène à voir les types de conflit.
Un conflit peut être manifeste ou latent. Les conflits
manifestes sont ceux qui opposent ouvertement deux individus antagonistes au
sein d'une même communauté (éleveurs et éleveurs) ou
deux communautés différentes (éleveurs et agriculteurs).
Les conflits latents sont des types de conflits qui ne sont pas apparents mais
sont souvent les causes profondes des conflits manifestes. L'exemple type de
conflit latent dans ce cas, est le clivage Nord/Sud, musulman/chrétien,
qui est la cause profonde des conflits liés à la mobilité
pastorale.
Thomas KENNETH16 pour sa part, considère
deux types de conflits : le conflit intra individuel qui correspond à la
tendance d'un individu à fournir des réponses incompatibles entre
elles, et le conflit "dyadique", entre deux entités (deux groupes, deux
personnes...), qui selon l'auteur doit être vu comme un processus qui
englobe la perception, les émotions, l'humeur des deux parties. Le
conflit se déclenche lorsqu'une de deux entités perçoit un
état
13 HAHN (Aloïs), La sociologie du conflit
[note critique], Conflit du travail N° 3/90, 1990/32-2, Revue
publiée avec le concours du CNRS, pp. 376-377.
14 RUI (Sandrine), « Les 100 mots de la
sociologie » cité par YEBEGA NDANA (Nicolas), Cours de Sociologie
des conflits, Master I-Stratégie, Défense,
Sécurité, Gestion des Conflits et des Catastrophes au Centre de
Recherche d'Etudes Politiques et Stratégiques, Université de
Yaoundé II-SOA, 2019-2020, p. 5, inédit.
15 MARCH (James), Herbert Simon, « Organisations
» ibid.
16 Thomas (Kenneth) cité par DEHAIS
(Frédéric) et PASQUIER (Philippe), op cit. p. 3.
7
de frustration chez l'autre ou si elle se sent elle-même
en état de frustration vis-à-vis de l'autre entité. Thomas
KENNETH propose une modélisation des conflits qui, d'une part
s'intéresse à la dynamique des événements qui
créent le conflit, et d'autre part à un modèle statique
qui concerne les conditions de déclenchement d'un conflit.
Dans le cadre de notre travail, nous retenons la
définition de Sandrine RUI qui est la plus simple, la plus pratique et
largement admise et comprise à nos yeux. Elle considère le
conflit comme un antagonisme entre individus ou groupes dans la
société (ou entre sociétés). Il survient "
quand une décision ne peut être prise par les procédures
habituelles. "
3. Mobilité pastorale
Ayant pour origine le mot latin « Mobilitas
», la mobilité est un système de déplacement
dont la structure dominante sur les mouvements cycliques et en fonction des
conditions climatiques et écologiques.
Le pastoralisme est selon le code pastoral ce « mode
d'élevage fondé sur la mobilité permanente ou
saisonnière du cheptel »17 La mobilité
pastorale est donc ce système de déplacement permanent ou
saisonnier, et qui vise une occupation humaine et animale rationnelle afin de
préserver les conditions de production des ressources naturelles,
à savoir le tapis végétal, les pâturages
aériens et les ressources minérales18. Même si
cette définition demeure laconique, elle prend en compte la
signification des termes qui le composent.
Cette mobilité au Tchad, se fait souvent sous la forme
de la transhumance19. Elle est la caractéristique
indispensable pour les systèmes pastoraux. La mobilité pastorale
est reconnue par nombre d'observateurs comme un atout pour les systèmes
pastoraux, en ce qu'elle engendre une valorisation des ressources et une
amélioration de la productivité (viande, lait,
fécondité etc.)20.
17 Article 4 du code pastoral de la République
du Tchad.
18 BERNUS, cité par HIYA MAIDAWA (Moustapha)
BOUBACAR (Yamba), LEBAILLY (Philippe) et LUDOVIC (André) (dir),
Mobilité pastorale au Sahel et en Afrique de l'Ouest : essai de
synthèse, Journée Scientifique de l'Université Abdou
Moumouni de Niamey, janvier 2016, p. 3, [En ligne] PDF disponible sur
http://hdl.handle.net/2268/194584
; consulté le 6 avril 2021.
19 Selon l'article 4 code pastoral du Tchad, la
transhumance est l'ensemble de déplacements cycliques des animaux et/ou
des groupes sociaux à la recherche des ressources pastorales
rythmés par les saisons. Elle peut être pratiquée au niveau
national et transfrontalier.
20 MARTY (André) 2001, cité par HIYA
MAIDAWA (Moustapha) et al. (dir) op cit. p. 3.
8
Au Tchad, l'Etat a garanti la mobilité des animaux et
des personnes sur toute l'étendue du territoire national à
travers le code pastoral (article 7)21. Les dispositions sont prises
à cet effet ; les populations locales, les autorités
administratives et coutumières sont tenues de faciliter ces
déplacements et leur garantir l'accès aux services sociaux de
base (article 41 du code pastoral)22. Le code reconnait la
mobilité comme un mode rationnel et durable d'exploitation des
ressources pastorales à travers son article 50 : (1) « Les
éleveurs ont le droit d'accéder et d'exploiter librement les
ressources pastorales pour l'alimentation de leurs animaux ». (2)
« l'Etat et les Collectivités Territoriales
Décentralisés assurent l'accès équitable aux points
d'eaux aménagés ».
Pour nous, la définition la plus appropriée dans
le cadre de notre travail est la suivante : la mobilité pastorale est ce
système de déplacement permanent ou saisonnier, et qui vise une
occupation humaine et animale rationnelle afin de préserver les
conditions de production des ressources naturelles, à savoir le tapis
végétal, les pâturages aériens et les ressources
minérales. Nous avons retenu cette définition parce qu'elle prend
en compte la signification des mots qui composent le terme.
4. Gouvernance
La gouvernance est un terme qui a beaucoup
évolué depuis son émergence au XXe
siècle dans le secteur privé. Dans le domaine public, c'est un
mode particulier de gouvernement qui garantit l'instauration des normes et
d'institutions assurant un cadre prévisible et transparent pour la
conduite des affaires publiques23. La Banque Mondiale définit
la gouvernance comme étant l'ensemble de traditions et institutions
pour lesquelles le pouvoir s'exerce dans un pays avec pour objectif le bien de
tous.24 La Commission Européenne quant à elle
définit la gouvernance comme « les règles, les processus
et les comportements qui influent sur l'exercice des pouvoirs au niveau
européen, particulièrement du point de vue de l'ouverture, de la
participation, de la responsabilité, de l'efficacité et de la
cohérence »25.
21 La mobilité pastorale à
l'intérieur du territoire national est une liberté reconnue
à tout éleveur dans le respect de la réglementation
nationale en vigueur et des us et coutumes de la zone d'accueil.
22 Il est fait obligation aux services publics
d'accueil de garantir aux transhumants l'accès aux services sociaux de
base notamment de santé humaine et animale et d'éducation.
23 KEUTCHEU (Joseph), Cours de Développement
Local et Gestion de l'Interculturalité, Master II en Gouvernance Locale,
Décentralisation et Développement, Université de Dschang,
Janvier 2021, p. 9, inédit.
24 Banque mondiale, « La gouvernance
collaborative », site de la Banque Mondiale, [En ligne],
http://www.worldbank.org/wbi/gouvernance/fra/about-f.htm#approach
, consulté le 23 novembre 2020.
25 Union Européenne, « Gouvernance
européenne : un livre blanc », site officiel de la Commission
Européenne, [En ligne],
http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/site/fr/com/2001_0428fr01.pdf,
consulté le 23 novembre 2020.
9
Cette définition est adaptée au contexte
européen mais elle semble pour nous, plus claire et contient des
éléments qui sont incontournables pour les acteurs du
développement. Surtout cette définition met en relation la
gouvernance et la responsabilité. Le mot responsabilité pourrait
même à lui seul expliquer la gouvernance, car gouverner c'est
avoir une certaine responsabilité. L'ONU par le biais du PNUD offre une
définition de la gouvernance susceptible de rejoindre des
réalités internationales en cours. Pour cet organe onusien,
«governance can be seen as the exercise of economic, political and
administrative authority to manage a country's affairs at all levels. It
comprises the mechanisms, processes and institutions through which citizens and
groups articulate their interests, exercise their legal rights, meet their
obligations and mediates their differences».26 La
gouvernance peut être considérée comme l'exercice d'un
pouvoir économique, politique et administratif pour gérer les
affaires d'un pays à tous les niveaux. Elle comprend les
mécanismes, les processus et les institutions par lesquels les citoyens
et les groupes expriment leurs intérêts, exercent leurs droits
légaux, remplissent leurs obligations et arbitrent leurs
différends. C'est une tentative de traduction de cette définition
du PNUD.
À ces définitions des institutions, nous pouvons
ajouter l'apport des auteurs à la définition de la gouvernance.
Dans son ouvrage de référence pour les sciences
économiques, Alain BEITOINE définit le concept de gouvernance en
reprenant la définition d'un commissaire européen : «
Selon P. Lamy, la gouvernance est l'ensemble de transactions par lesquelles
des règles collectives sont élaborées,
légitimées, mises en oeuvres et contrôlées.
»27 Guy HERMET dans son ouvrage de référence pour la
science politique, ajoute au concept de gouvernance les notions d'actions
formelles et informelles, ces deux niveaux devant être
considérés comme partie intégrante de la gouvernance. Elle
désigne l' « ensemble de procédures institutionnelles,
des rapports de pouvoir et des modes de gestion publics ou privés
formels aussi bien qu'informels qui régissent notamment l'action
politique réelle »28. Marie-Claude SMOUTS et al.
offrent une définition plus étendue de la gouvernance. Pour ces
auteurs, « la gouvernance est un mode d'action publique par
interaction des acteurs privés et publics au-delà des
appartenances territoriales ». Dans cette problématique, la
gouvernance possède quatre propriétés : elle n'est pas un
système des règles ni une activité mais un
26 United Nations, « Gouvernance for
sustanaible human developement », sur le site du PNUD, [En ligne]
http://mirror.undp.org/magnet/policy/chapter1.htm#b,
consulté le 23 novembre 2020.
27 BEITINE (Alain), « Dictionnaires des sciences
économiques », 2e édition, Paris : Armand Colin,
200, p. 252.
28 HERMET (Guy), « Dictionnaire de la science
politique et des institutions politiques », 3e édition,
Paris, Armand Colin, 1998, p. 114.
10
processus ; elle n'est pas formalisée mais repose sur
les interactions continues ; elle n'est pas fondée sur la domination
mais sur l'accommodement ; elle implique à la fois des acteurs publics
et privés.29
Le cadre de notre travail, nous retenons la définition
suivante de la gouvernance qui veut qu'elle soit l'ensemble d'institutions qui
assurent la vie quotidienne des citoyens dans un territoire donné. Elle
requiert pour les acteurs une responsabilité et pour les citoyens une
participation. C'est une définition donnée par nous-même
qui veut faire ressortir les acteurs en présence dans la gouvernance et
leur relation.
5. Développement
Gilbert RIST définit le développement comme :
« l'ensemble de pratiques parfois contradictoires qui, pour assurer la
production sociale, obligent à transformer et à détruire,
de façon généralisée, le milieu naturel et les
rapports sociaux en vue d'une production croissante de marchandises (biens et
services) destinées, à travers l'échange, à la
demande sociale ».30 François PERROUX conceptualise
le développement comme « la combinaison de changements mentaux
et sociaux d'une population qui rendent apte à faire croître
cumulativement et durablement son produit réel global
».31 Pour Edgar MONTIEL32, « le
développement, dit-on n'est plus conçu comme devant être
une simple course de rattrapage, sur le plan économique, des nations
plus favorisées, conception qui a prévalu jusqu'à un
passé récent, mais bien comme une mise en oeuvre des
potentialités propres des sociétés en développement
en plus d'une exigence de réparation plus juste des richesses au niveau
national et international. C'est par cette double action, en effet, que le
développement intégré débouchera sur le droit
à l'expression des valeurs de civilisations issues de l'histoire et des
situations sociales spécifiques des sociétés
émergentes. Sans que soient reniés les apports fécondants
issus d'autres aires culturelles et certaines formes d'authenticité sont
désormais revendiquées comme facteurs de
développement33 ».
29 SMOUTS (Marie-Claude), BATISTA (Dario) et VENNESSOU
(Pascal), « Dictionnaire des relations internationales : Approches,
concepts, doctrines », Paris, Dalloz, 2003, p. 107.
30 RIST (Gilbert), « Le développement,
histoire d'une croyance occidentale », Presse de la Fondation Nationale
des Sciences Politiques, 1996, p. 23.
31 Perroux (François), « L'économie
du XXe siècle », Paris, PUF, 1961, p. 155.
32 Haut fonctionnaire de l'UNESCO, spécialiste
de l'Amérique Latine.
33 MONTIEL (Edgar) cité par LATOUCHE (Serge),
Faut-il refuser le développement ?, Paris, Presses
Universitaires de France, 1986, p. 10.
11
À ces définitions des auteurs, on y ajouter
quelques définitions des institutions. La Commission du Sud, dans un
rapport rédigé sous l'autorité de l'ancien
président tanzanien Julius K. Nyerere définit le
développement comme : « un processus qui permet aux êtres
humains de développer leur personnalité, de pendre confiance en
eux-mêmes et de mener une existence digne et épanouie. C'est un
processus qui libère les populations de la peur du besoin et de
l'exploitation et qui fait reculer l'oppression politique, économique et
sociale. C'est par le développement que l'indépendance politique
acquiert son sens véritable. Il se présente comme un processus de
croissance, un mouvement qui trouve sa source première dans la
société qui est elle-même en train d'évoluer. [...]
Le développement d'une nation doit se fonder sur ses ressources propres,
aussi bien humaines que matérielles, exploitées pleinement pour
la satisfaction de ses propres besoins [...] Le développement doit donc
être un effort du peuple, par le peuple et pour le peuple. Le vrai
développement est centré sur les êtres
humains.34 De son côté, l'OCDE/CAD définit
le développement comme : « un processus intégré
de stabilité politique et économique qui combine la bonne gestion
des affaires publiques et par la participation des populations,
l'investissement dans les ressources humaines, la confiance dans le jeu des
forces du marché, le souci de l'environnement et l'existence d'un
secteur privé dynamique ».35 Le
développement mobilisé dans le cadre de notre travail est un
développement sous-entendu local. Le développement local pour
Bernard VACHON est une « stratégie qui vise par les
mécanismes de partenariat à créer un environnement propice
aux initiatives locales afin d'augmenter la capacité des
collectivités en difficulté ; à s'adapter aux nouvelles
règles du jeu de la croissance macro-économique ; ou à
trouver d'autres formes de développement, qui part des modes
d'organisation et de production inédits intégreront des
préoccupations d'ordre social, culturel et environnemental parmi les
considérations purement économiques».36 Le
développement d'une région peut désigner plus simplement
l'amélioration de la qualité de vie de ses habitants.
Pour notre travail, nous retenons la définition du
développement donné par l'OCDE/CAD qui veut le
développement soit : « un processus intégré de
stabilité politique et économique qui combine la bonne gestion
des affaires publiques ». C'est une définition qui cadre
nettement avec l'orientation de notre thème.
34 Défis au Sud, Rapport de la Commission du
Sud, Paris, Économica, 1990, pp. 10-11 cité par RIST (Gilbert) op
cit. p. 329.
35 Rapport de l'OCDE/CAD, Paris, 1994.
36 VACHON (Bernard), « Le développement
local. Théorie et pratique », Boucherville, Gaëtan Morin
Éditeur, 1993, p. 104.
12
III. CONSTRUCTION DE L'OBJET DE L'ÉTUDE
Pour explorer profondément un thème d'une telle
ampleur, l'on est tenté de se demander : "de quoi il est question ?
". Tentative de réponse à cette question nous
conduit à déterminer les contours (1), la
justification (2) et l'intérêt du sujet
(3).
1. Délimitation de l'étude
Pour explorer profondément ce sujet et mieux le
comprendre, nous délimiterons ce dernier. A défaut de le
délimiter, nous courons le risque de ne pas pouvoir stopper notre
étude. Il y aura à voir plus loin et autant d'informations
susceptibles de renseigner la recherche. Ainsi, la délimitation de notre
travail se sera sur deux axes : la délimitation matérielle
(a) d'une part et la délimitation temporelle
(b) d'autre part.
a. La délimitation matérielle
Les conflits liés à la mobilité
pastorale ne se limitent pas seulement avec les agriculteurs, ils peuvent
également opposer les éleveurs à d'autres
communautés telles que les pêcheurs. Les conflits avec les
pêcheurs dégénèrent souvent quand, lors du passage
des animaux, ceux-ci détruisent les filets de pêche. Ces conflits
ont également une autre dimension. En plus des usagers (éleveurs,
agriculteurs et pêcheurs), les éleveurs en déplacement sont
en perpétuel conflit avec l'Etat, quand les animaux de ces derniers
côtoient les aires protégées. Dans notre étude, nous
mettons beaucoup plus l'accent sur les conflits entre les agriculteurs et les
éleveurs car ceux-ci sont très fréquents et plus
violents.
b. La délimitation temporelle
Notre étude commence à partir du début de
l'année 2014 à nos jours. C'est la période dans laquelle
les conflits liés à la mobilité pastorale ont fait plus de
victimes, laissant des familles dans la désolation totale. Cette date
est également historique dans la réglementation de ces conflits,
car c'est en 2014 que le code pastoral est promulgué. Il faut aussi
mentionner qu'avant 2014, ces conflits étaient régis par la loi
n°4 du 31 octobre 1959, une loi promulguée avant que le Tchad
n'accède à la souveraineté internationale. Toutefois,
cette délimitation temporelle ne sera obstacle à l'analyse de
certains textes encadrant la mobilité pastorale avant cette date.
13
2. La justification du choix de l'étude
Aujourd'hui, la gestion de l'espace du monde rural est devenue
une source de conflit entre les agriculteurs, les éleveurs et les
pêcheurs dans la zone méridionale du Tchad. Cette situation
compromet gravement le développement de ces secteurs qui constituent les
principales sources de revenu du pays après le pétrole. Le choix
de ce sujet se justifie par le fait que le sujet nous paraît pertinent,
intéressant, praticable, et utile. Il est pertinent parce qu'il pose un
problème très important et d'actualité, qui fait des
victimes en ce moment même. Les décideurs doivent être
éclairés pour leur permettre de prendre des bonnes
décisions. Il est intéressant dans la mesure où notre
motivation de faire les recherches sur les conflits liés à la
mobilité pastorale est durable. Nos origines de cette communauté
(éleveurs) nous ont permis également de connaître les
pratiques pastorales, base de compréhension de ces conflits. Notre sujet
est pratique, car le terrain (le Mayo Kebbi-Ouest) nous est familier. Notre de
travail de recherche est utile du fait qu'il a pour finalité de
comprendre la difficile cohabitation entre les agriculteurs, les
éleveurs et les pêcheurs. Il s'agit d'une part d'identifier les
impacts du conflit sur le développement et la gouvernance et d'autre
part de proposer des mesures d'atténuation des impacts de ces conflits.
L'objectif de ce travail n'est pas de s'engager en faveur d'un groupe ou de
l'autre, ni de porter un jugement sur le contenu des idées et moins
encore de faire un bilan des affrontements. Il est plutôt question
d'observer, de comprendre et d'analyser une situation qui a
évolué et qui est devenue un véritable conflit ouvert et
d'en proposer éventuellement des solutions.
3. L'intérêt du sujet
Tout travail scientifique entamé cherche à
apporter sa part de contribution, pour une meilleure compréhension du
phénomène étudié. Ainsi, notre thème portant
sur les « impacts des conflits liés à la mobilité
pastorale sur le développement et la gouvernance dans la province du
Mayo-Kebbi Ouest » revêt d'un double intérêt, un
intérêt scientifique et un intérêt sociopolitique.
Sur le plan scientifique, nous voulons apporter des
éclaircissements à la
compréhension du phénomène des conflits
liés à la mobilité pastorale. Ces conflits sont un
phénomène dont les acteurs sont divers, les impacts sont
négatifs pour le développement et la gouvernance de la
région, les causes sont plus profondes que nous le croyons, et les
autorités administratives et traditionnelles qui sont censées
être impartiales pour mieux prévenir et résoudre ces
conflits sont même souvent à la recrudescence de ces derniers.
14
Sur le plan sociopolitique, nous ambitionnons que notre
travail constitue un outil d'aide à la décision pour les
autorités administratives et traditionnelles et aux représentants
des ONG qui sont les acteurs de prévention et de résolution des
conflits liés à la mobilité pastorale.
IV. PRÉSENTATION DU LIEU DE STAGE : LE GOUVERNORAT
DE LA
PROVINCE DU MAYO-KEBBI OUEST
Avant de présenter la structure de notre stage, il nous
paraît plus judicieux de présenter brièvement le Tchad
(cadre général de notre étude) et la province du
Mayo-Kebbi Ouest (point focal de l'étude).
Le Tchad est un pays situé sur la ligne de contact
entre l'Afrique Nord et l'Afrique subsaharienne sans accès à la
mer. Devenu République le 28 Novembre 1958, il accède à
l'indépendance le 11 Août 1960. Il couvre une superficie de 1 284
000 km2, sur laquelle vivent environ 16 millions d'habitants dont
78% représentent la population rurale. Le Tchad se caractérise
par une profonde diversité de sa population, on y retrouve les Arabes,
les Kanembous, les Gourans, les Saras, les Toupouris, les Moundang, les
Zimés, les Zaghawas, Ngambayes, les Hadjaraï, les Ouaddaï etc.
repartis inégalement sur toute l'étendue du territoire, la
moitié de celle-ci est concentrée au sud qui représente
10% du territoire national, le taux de croissance démographique est de
3,2% (2019).37
Le pays est divisé en trois zones climatiques : la zone
saharienne, le plus vaste couvrant une superficie de 780 000 km2 38
au nord du pays, caractérisé par une pluviométrie de moins
de 350 mm, l'élevage constitue l'activité dominante,
l'agriculture reste localisée autour des oasis ; la zone saharienne
occupant une superficie de 374 000 km2 39 au centre a une
pluviométrie comprise entre 350-600 mm où coexistent
l'agriculture et l'élevage et la zone soudanienne qui s'étend sur
environ 130 000 km2 40 au sud, ayant une pluviométrie
annuelle de 600-1200 mm est une zone d'agriculture par excellence.
37 Banque mondiale, « Tchad - Vue d'ensemble
», site de la Banque Mondiale, [En ligne] disponible sur
www.banquemondiale.org/fr/contry/chad/overview#1
; consulté le 24 mai 2021.
38 DEMSOU (Themoi), KAGUEROU (Laoukoura) et BARA
(Laobeul), L'évolution de la contribution de la pêche à
l'économie du Tchad, FAO, Décembre 2005, p. 5.
39 Ibid.
40 Ibid.
15
À ces trois grandes zones climatiques correspondent des
types de végétation différents : le désert au nord,
la steppe dans la zone saharienne et la savane qui se termine par une
forêt claire dans la zone soudanienne.
Les données de la BEAC indiquent que la valeur
ajoutée du secteur de l'élevage du Tchad s'est accrue de 382,2
milliards de F CFA en 2006 à 467,7 milliards en 2015. Selon une
récente sortie du ministre de l'élevage et des productions
animales le 16 décembre 2020, lors du lancement de la vaccination
conjointe édition 2020-2021, l'élevage du Tchad représente
un capital financier de 11250 milliards de F CFA. Cette amélioration est
à mettre en relation avec l'accroissement de 30 % du cheptel sur la
même période.
Le recensement du bétail effectué de janvier
2013 à décembre 2016 a relevé l'existence d'un cheptel
considérable au Tchad. Il est constitué, en nombre de
têtes, de 24,8 millions de bovins, 26,5 millions d'ovins, 30,8 millions
de têtes de caprins, 6,4 millions de camelins, 1,1 million
d'équins, 2,8 millions d'asiniens et 1,7 million de porcins et 36
millions de têtes de volaille41. Ces chiffres font du Tchad le
troisième pays d'élevage en Afrique derrière la Somalie et
le Soudan.
L'élevage qui constitue la deuxième source du
pays après le pétrole est maintenu jusqu'ici par des pratiques
basées sur l'exploitation des ressources naturelles. Il s'adapte mal aux
aléas climatiques et aux restrictions dues à la pression
foncière qui lui sont imposées ces dernières
années. Il se caractérise par différents systèmes :
le nomadisme, la transhumance et un système mixte (agro-pastoral) qu'on
retrouve au centre et au sud du pays. Le système transhumant
représente 80% du capital de bétail du pays42.
L'agriculture tchadienne se caractérise par la
dualité entre culture vivrière et culture de rente. Les cultures
vivrières sont essentiellement les céréales (mil, sorgho,
riz, maïs...) cultivées traditionnellement pour couvrir les besoins
alimentaires du pays. Les cultures de rente (coton et gomme arabique) sont
cultivées pour l'exportation. L'arachide et le sésame s'imposent
également ces dernières années comme des cultures de rente
malgré la non-organisation de leur filière. L'agriculture
constitue la troisième source de revenu après le pétrole
et l'élevage.
41 Constitué de cinq types de volaille :
poulets, pintades, oies, pignons et canards sans prendre en compte les autres
animaux, comme les lapins.
42 SOUGNABE (Pabamé), op cit. p. 11.
16
La pêche est la troisième activité du
secteur primaire la plus pratiquée et constitue la quatrième
source de revenu du pays. Le Tchad est l'un des pays sahéliens à
disposer d'importantes pêcheries et un potentiel halieutique pouvant
contribuer à la sécurité alimentaire et à
l'accroissement de l'économie nationale. Les superficies totales des
pêcheries varient de 24 000 à 70 000 km2 suivant les
années hydrologiques.43
Comme cela apparaît dans le titre même de notre
thème, notre étude ne s'étend pas à toutes les
provinces du Tchad. Elle se limite à la province du Mayo-Kebbi Ouest.
Cette province est créée par décret n°
419/PR/PM/MAT/2002 du 19 octobre 2002. Elle est l'une des vingt-trois provinces
du Tchad dont le chef-lieu est Pala. Elle constitue une des plus grandes
provinces économiques du pays avec une superficie de 15 052,5
km2 et une population de 788 580 habitants 44 qui
représente environ 5% de la population totale du pays. Elle est
limitée au Nord-Est par la Province de la Tandjilé, au Sud par la
Province du Logone Occidental et au Sud-Ouest par la Région du Nord
Cameroun. L'organisation administrative de cette province se présente
comme suit : cinq (5) départements, quinze (15) sous-préfectures
et quinze (15) communes45 et vingt (20) cantons, cinq cent
trente-huit (538) villages et trente-six (36) ferriques46.
Ayant un climat de type soudanien arboré de savane et
forêt, la province du Mayo-Kebbi Ouest permet le développement
d'une agriculture pluviale et d'un élevage extensif mais aussi une
pêche intensive dans le Lac Léré. Les conditions
climatiques d'une telle zone sont bien connues. Une saison des pluies qui
s'étale de mai à octobre, avec une concentration des pluies sur
les mois de juillet à septembre. Succède à cette saison
des pluies, une saison sèche où la température
dépasse régulièrement les 40° C.
Les principaux groupes ethnolinguistiques qui occupent le
Mayo-Kebbi Ouest sont les Zimés qui vivent majoritairement dans la zone
de Pala, les Moundang qui vivent dans les
43 DEMSOU (THEMOI) et al. op cit. p. 5.
44 Rapport de Synthèse sur la Situation des
Droits de l'Homme et de la Cohabitation Pacifique du Mayo-Kebbi Ouest, 2021, p.
3.
45 Ordonnance n°0038/PR/2018 portant
création des Unités Administratives et Collectivités
Autonomes. L'ordonnance ne fait pas mention des sous-préfectures par ces
derniers ont été supprimés comme Unités
Administratives par le premier Forum National Inclusif de 2018. Le second Forum
National Inclusif vient réhabiliter la sous-préfecture comme
Unité Administrative en 2020 avant même que les recommandations du
premier forum se concrétisent. Le nombre de sous-préfectures de
la province du Mayo-Kebbi Ouest mentionné dans notre travail est le
nombre de sous-préfectures avant le premier le premier Forum National
Inclusif. Il n'y a pas encore une ordonnance régissant les Unités
Administratives et des Collectivités Autonomes qui prend en compte les
recommandations du second forum.
46 Rapport de Synthèse sur la Situation des
Droits de l'Homme et de la Cohabitation Pacifique du Mayo-Kebbi Ouest, 2021, p.
4.
17
zones de Léré, Torrock et Lamé, les
Nbambayes se trouvent dans la zone de Gagal et les peuls qui occupent en grande
partie le Mayo Binder.
Le Mayo-Kebbi Ouest fait partie des zones les plus
arrosées du Tchad (700-1200 mm)47. Il est le domaine de la
savane arborée forestière qui pousse dans les sols rouges
ferralitiques. La valeur agricole de ces sols est très profonde
(5-10mm)48.
En dépit du renforcement du rôle de
l'élevage avec les nouvelles fonctions : l'épargne et la
mécanisation des cultures, son intégration au système est
encore mal perçue dans le Mayo-Kebbi Ouest. À ces deux
principales activités de la province s'ajoutent l'artisanat et le
commerce.
Les populations Zimés, Ngambayes et Moundang pratiquent
soit le christianisme, soit l'animisme. L'islam est pratiqué par la
population peule et la population venue de la zone septentrionale du pays
(commerçants et éleveurs).
Après cette brève présentation du Tchad
et du Mayo-Kebbi Ouest, place à la présentation de la structure
de notre stage.
Ayant à sa tête un Gouverneur, le Gouvernorat de
la province du Mayo-Kebbi Ouest est un service déconcentré de
l'Etat. Le Gouvernorat de la province comprend le Bureau du Gouverneur, le
Secrétariat Général de la Province et la Direction de
Cabinet. En plus de ces services, on y trouve de nombreux démembrements
ministériels au sein du Gouvernorat : la Délégation de la
Jeunesse et des Sports, la Délégation de la Fonction Publique,
des Marchés Publiques et aux Droits de l'Homme, la
Délégation de l'Economie, de la Planification du
Développement et de la Coopération Internationale et la
Délégation de la Police. Pour son fonctionnement, le Gouvernorat
dispose des ressources humaines (ensemble de personnes intervenant dans la vie
du Gouvernorat, dirigé par le Gouverneur, il a environ deux cents
personnes travaillant dans les différents services), les ressources
matérielles (l'immeuble abritant le siège du Gouvernorat et
d'autres immeubles gérés par lui) et en fin des ressources
financières (il dispose d'un budget semestriel de 30 000 000 F
CFA)49.
47 Rapport de Synthèse sur la Situation des
Droits de l'Homme et de la Cohabitation Pacifique du Mayo-Kebbi Ouest.
48 Ibid.
49 Chiffre obtenu lors d'un entretien avec le Chef de
Bureau du Secrétariat du Cabinet du Gouverneur.
18
V. APPROCHE MÉTHODOLOGIQUE
Dans le domaine des sciences politiques, le but de la
méthodologie est de permettre d'utiliser des théories afin
d'arriver à un résultat adéquat. Ainsi notre
méthodologie prendra en compte la revue de la
littérature(A), la problématique
(B), le cadre théorique (C), la
méthode de recherche (D), les techniques de recueil et
d'analyse des données (E), et l'articulation du travail
(F).
A. LA REVUE DE LA LITTÉRATURE
La revue de la littérature sert à faire le point
sur les travaux abordés par d'autres auteurs sur le sujet directement ou
en partie. Elle est fondamentale dans toute recherche scientifique. Pour Jean
Pierre FRAGNIERE « on est rarement le premier à aborder une
question. Plus précisément, le champ thématique que l'on
entreprend est déjà balisé par les études voisines
ou bien, il se réfère à des thèmes fondamentaux sur
lesquels les bibliothèques entières ont été
écrites ».50
Contrairement à ce qu'on croyait au début, il
existe un nombre impressionnant de productions sur les conflits liés
à la mobilité pastorale. La plupart des travaux consultés
cherchent à faire ressortir les causes, les types, les acteurs, les
mécanismes de préservation et de résolution de ces
conflits. Ces travaux sont principalement des ouvrages généraux,
des mémoires, des thèses, des articles et des rapports des
activités ou d'étude.
Jean-Paul GILG dans son article51, commence par
délimiter son étude. Son étude s'étend sur trois
(3) provinces du Tchad : le Kamen, le Batha et le Chari-Baguirmi. Ces
régions sont en réalité des zones d'élevage par
excellence. Ils regroupent plus de 75 % de l'effectif bovin et 60 % du troupeau
ovin-caprin. Dans un premier temps, Jean-Paul GILG essaye de faire ressortir
les causes de la mobilité pastorale dans ces régions. Il remarque
que c'est sont les conditions climatiques et leurs conséquences qui
poussent les pasteurs à se déplacer. À ce propos, il dit
ceci : « le climat n'a d'influence sur l'élevage que dans la
mesure où, par son agencement et aussi par la nature argileuse des
terrains de dépressions, favorise l'accumulation et la stagnation des
eaux de pluie. Avec l'eau, nous touchons à l'une des
50 FRAGNIERE (Jean-Pierre) cité par
DINGAM-OUDAL RATEBAYE (Edmond) Les acteurs internationaux et la gouvernance de
la commune de ville de N'Djamena : le cas du PNUD et de l'AFD, Mémoire
de Master en Gouvernance Locale, Décentralisation et
Développement, p. 10.
51 Jean-Paul GILG, Mobilité pastorale au
Tchad occidental et central, les Cahiers D'ETUDES AFRICAINES, École
Pratique des Hautes Etudes - Sorbonne, sixième section des sciences
économiques et sociales, 1963, pp. 491-510.
19
conditions essentielles de l'élevage. En effet, la
subsistance du bétail nécessite la présence
simultanée de deux éléments : l'eau et le pâturage.
Eau et pâturage ne sont, toutefois, accessibles au bétail que si
les conditions de salubrité sont satisfaisantes, que si la mouche
tsé-tsé, vectrice de maladies graves, les trypanosomiases, est
absente. Eau, pâturage et salubrité sont en général,
conditionnés par le climat, et plus particulièrement le volume et
l'étalement dans le temps des précipitations d'une part, par
l'attitude et la nature des terrains d'autre part ». Dans un second
temps, l'auteur passe en revue des différentes formes de nomadisme
pastorale. Avant d'exposer les différentes formes de nomadisme pastoral
de Jean-Paul GILG, nous faisons un arrêt sur une des principales
caractéristiques de ce phénomène. Dès l'entame de
la seconde partie, il écrit ceci : « Un mouvement pendulaire
accompagnant le déplacement du front pluvieux et amenant les groupements
d'éleveurs dans le sud et le nord est sa caractéristique la plus
nette ». Pour lui, il existe trois formes de mobilité
pastorale que sont le nomadisme qui est un simple mouvement pendulaire
accompagnant le déplacement du front pluvieux pratiqué par les
Bororo et les Arabes du Tchad central qui ciblent les mukhal 52 et qui
se caractérise par la dispersion ; le semi-nomadisme des Kréda et
des Kecherda et les déplacements des agriculteurs-éleveurs qui
sont conditionnés par des problèmes d'eau et commandés par
les conditions de salubrité et de cycles de culture. Même si
Jean-Paul GILG dans son article n'attaque pas directement les conflits
liés à la mobilité pastorale, ces travaux nous ont
éclairés sur plusieurs points. Les pratiques et les
systèmes d'élevage qu'il retrace nous ont permis de saisir avec
plus d'aisance les causes qui peuvent survenir de ces déplacements.
SOUGNABE Pabamé53 dans son mémoire de
DEA, présente d'abord le territoire comme espace de confrontation entre
les agriculteurs et les éleveurs, il affirme à ce sujet :
« à travers le fait de nommer les lieux, de les décrire,
et de les opposer à tels espaces se réalise une forme de
territoire pertinent pour l'acteur. On retrouve les marquages d'appartenance
à travers l'histoire de la vie " je suis né ici " » et
la négociation comme mécanisme de règlement de ce conflit.
Ensuite, il explore les pratiques de culture et d'élevage, base de
compréhension des conflits agriculteurs/éleveurs. Dans une partie
de son travail, il analyse les
52 Itinéraires de transhumance, les mukhal
sont les couloirs larges de quelques kilomètres, jalonnés de
mares et points d'eau temporaires qui sont, par tradition, la
propriété d'un groupe donné, jalonnés aussi par des
marchés importants. C'est un terme en arabe tchadien largement compris
par les agriculteurs et les éleveurs.
53 SOUGNABE (Pabamé), Le conflit
agriculteurs/éleveurs dans la zone soudanienne : le cas du Moyen Chari
au sud du Tchad, Mémoire de DEA, Espace, Société et
Logiques Économiques et de Diplôme d'Ingénieur d'Agronomie
Tropicale, Université de Toulouse le Mirail, septembre 2000, 87 p.
20
conflits agriculteurs/éleveurs comme un
phénomène multidimensionnel en ce sens qu'il y a une multitude
d'acteurs qui sont impliqués dans ces conflits. A ce titre, on peut lire
dans son travail ceci : « compte tenu du caractère rural de son
économie, qui se repose sur l'agriculture et l'élevage, le Tchad
a depuis longtemps vécu des conflits. Des conflits
d'intérêt mais aussi d'autorité entre les membres de
différentes communautés. Il peut s'agir de conflit entre
agriculteurs/agriculteurs, éleveurs/éleveurs ou
agriculteurs/éleveurs ou encore entre les différents chefs
(traditionnels, administratifs ou militaires). En fin, il présente
les mécanismes par lesquels ces conflits peuvent être
résolus. Pour lui, il n'existe pas au niveau national, un
mécanisme spécifique pour la résolution des conflits
agriculteurs/éleveurs et se penche sur le comité de dialogue et
d'entente de Kyabé et le comité de dialogue et d'entente de
Bédjondo qui sont des comités locaux de règlements des
conflits entre les agriculteurs et les éleveurs dans le Moyen-Chari.
André MARTY, Pabamé SOUGNABE, Djonata DJATTO et
Aché NABIA54 dans leur d'étude, comme l'indique
d'ailleurs le titre de leur rapport, s'intéressent aux causes des
conflits liés à la mobilité pastorale au Tchad dans sa
généralité et essayent de proposer des mesures
d'atténuation à ces conflits. Avant d'entrer dans le vif du
sujet, ces auteurs font un diagnostic des conflits liés à la
mobilité pastorale, ils relèvent que ces conflits ne se limitent
pas seulement entre les éleveurs et les agriculteurs ou les agriculteurs
et les pêcheurs mais vont jusqu'avec l'Etat et les ONG. Ensuite, ils
passent en revue des causes de ces conflits. Ils affirment ceci : «
les causes des différents conflits identifiés au Tchad sont
à replacer dans la dynamique que connaissent les pays
sahélo-soudaniens, dynamique issue des perturbations climatiques, de la
poussée démographique et de l'extension des surfaces agricoles
due en partie à la mécanisation. Tous ces facteurs ont
porté un coup dur aux pratiques de la mobilité pastorale. Parmi
les causes de cette mauvaise cohabitation entre les différents
utilisateurs, notamment entre les agriculteurs sédentaires et les
éleveurs transhumants, l'obstruction des couloirs de transhumance par
les agriculteurs et le non-respect de ces couloirs par les éleveurs sont
évoqués par les uns et les autres comme facteurs
déclencheurs de ces conflits. D'autres facteurs notamment
l'institutionnalisation du conflit, sa mauvaise gestion et le pluralisme des
droits et des instances de régulation rendent encore la situation plus
complexe ». Dans la dernière partie de leur travail, ils
proposent des mesures d'atténuation. Avant d'en
54 MARTY (André) et al., Causes des conflits
liés à la mobilité pastorale et mesures
d'atténuation, Rapport d'étude régie par la convention CDT
3000 et financé par la République du Tchad et l'Agence
Française de Développement, juin-septembre 2010, 123 p.
21
venir à ces propositions, ils font quelques remarques
importantes parmi lesquelles le fait que les autorités sont partiales
dans la résolution de ces conflits, les parties en conflit aspirent
à ce que l'Etat soit véritablement garant du droit et de la paix
sociale. Les chefferies sont marginalisées par l'Etat dans la
résolution de ces conflits. S'agissant des mesures d'atténuation
proposées par ces experts, ils proposent que l'Etat soit animé
d'une volonté politique de prévenir et de résoudre ces
problèmes de manière juste, former et informer les populations
sur les conflits liés à la mobilité pastorale,
préparer un code pastoral et redynamiser les structures
décentralisées de l'Etat en les plaçant au centre de la
résolution de ces confits.
Sabrina BEELER dans son ouvrage55
s'intéresse aux conflits entre les agriculteurs et les éleveurs
au nord-ouest du Mali. Après avoir situé le contexte et les
caractéristiques générales de la zone d'étude,
l'auteur démontre l'importance du pastoralisme. Il démontre en
profondeur que les éleveurs, lors des déplacements exploitent
mieux les ressources naturelles que sont les terres, les pâturages, les
résidus des champs, les mares et les puits pastoraux. Il ajoute que,
l'utilisation de ces ressources est réglementée par des «
conventions locales » mais il déplore le fait que ces conventions
soient de moins en moins respectées par les entités en
présence. Ensuite, il se penche sur les conflits entre les
communautés dans la zone. Il distingue deux types de conflit que sont
les relations conflictuelles à l'intérieur des communautés
et les conflits entre les agriculteurs et les éleveurs. Parmi les
conflits à l'intérieur des communautés, il
énumère les litiges fonciers, les conflits latents qui sont des
conflits de générations et les oppositions entre les
éleveurs sédentaires et les étrangers. Pour la
deuxième catégorie de conflits, il s'efforce à trouver les
causes. Ainsi, il trouve les causes en allant à la rencontre des
concernés. Pour les éleveurs sédentaires peuls, ces
conflits surviennent en raison des espaces limités destinés aux
pâturages, à la non-reconnaissance de plusieurs campements et
hameaux, à l'obstruction des pistes et alentours des mares par des
champs. Du point de vue des agriculteurs soninkés, les
dégâts des champs constituent le problème majeur, surtout
durant les années de médiocre pluviométrie. En fin, il
analyse la réglementation des conflits. Il fait ressortir les
différents moyens de réglementation que sont la
négociation entre les deux parties, la négociation devant le chef
de village et ses conseillers, l'intervention de la marie et le tribunal de
justice. Dans même la pensée, il s'intéresse à la
réglementation des conflits avant la décentralisation. Il
démontre dans ce sous-titre que la
55 BEELER (Sabrina), « Conflits entre
agriculteurs et éleveurs au nord-ouest du Mali », Londres, Preses
of International Institue of Envirnonment and Development, 2006, 42 p.
22
réglementation des conflits était plus facile
avant la décentralisation. Il affirme à cet effet que «
toutes les personnes interviewées sont unanimes : auparavant, selon
la majorité avant la décentralisation, il était plus
facile de résoudre les problèmes entre parties opposées.
On pardonnait plus facilement l'erreur de l'autre et on amenait moins vite les
affaires devant la justice. Selon les informateurs, les gens n'y voyaient pas
un intérêt économique et les amendes n'étaient pas
trop élevées. Les autorités coutumières qui
réglaient les conflits étaient plus respectées, et la
corruption était moins répandue qu'aujourd'hui. La
première instance chargée de la résolution des conflits
était, depuis la colonisation, le chef de village. Pendant la
colonisation, les cas qui dépassaient son niveau étaient
amenés devant le chef de canton. » Il s'arrête sans
donner les raisons pour lesquelles, la décentralisation a rendu
difficile la résolution des problèmes. Cet auteur, bien qu'il
n'aborde certaines questions en profondeur, il nous a permis d'avoir des
éclaircissements sur les « conventions locales » et le
règlement des conflits entre ces groupes avant le processus de
décentralisation du Mali.
HIYA MAIDAWA Moustapha, ANDRES Lucavic, YAMBA Boubacar et
LIBAILLY Philippe dans leur article56, comme on l'entend dans le
titre même de l'article, ils essayent de synthétiser la
mobilité pastorale au Sahel et en Afrique de l'Ouest. Avant d'entrer
dans le vif de leur sujet, ils consacrent une grande partie à la
définition de la mobilité pastorale en mobilisant plusieurs
auteurs et le code pastoral du Niger. Dans un premier temps, ils
démontrent que la mobilité pastorale est une meilleure
méthode pour la pratique de l'élevage extensif en ce sens qu'elle
favorise une meilleure mise en valeur des ressources naturelles dans les zones
arides et semi-arides. Ils disent à cet effet que : « cette
activité (mobilité pastorale) se place au carrefour des enjeux
d'ordre économiques pour sa sécurisation et sa mobilité
ainsi que les enjeux d'aménagement du territoire, malgré ces
quelques bouleversements à partir des années 1970-1980 ».
Par cette transition, ils commencent à démontrer les
contraintes auxquelles fait face la mobilité pastorale. Parmi ces
contraintes, ils mentionnent en bonne place le manque ou le retard de la
pluviométrie, les sécheresses récurrentes qui obligent les
éleveurs à aller dans les zones du sud comme lieu de refuge.
Ensuite, ils évoquent des difficultés d'ordre humain telles que
la montée de l'insécurité grandissante au Sahel
aggravée par les menaces d'Al-qaïda au Magreib Islamique et les
attaques de Boko-Haram. Dans un deuxième temps, dans un sous-titre
intitulé :
56 HIYA MAIDAWA (Moustapha) et al.,
Mobilité pastorale au Sahel et en Afrique de l'Ouest : essai de
synthèse, Journée Scientifique de l'Université Abdou
Moumouni de Niamey, 2016, p. 16, [En ligne] PDF disponible sur
http://hdl.handle.net/2268/194584
;
23
« Mobilité pastorale : entre usage rationnel et
stratégie résiliente », ils retracent les stratégies
développées par les pasteurs pour surmonter ces contraintes. Pour
eux, d'une part les éleveurs développent des alliances
socio-foncières et intercommunautaires telles que les assistances
mutuelles, la dot, la dette, les confiages, les dons et la solidarité
collective à travers l'islam etc. avec une structuration sociale bien
définie pour lutter contre les difficultés d'ordre humain.
D'autre part, l'élevage mobile s'adapte véritablement aux crises
et aléas en Afrique et dans le monde entier. Les éleveurs
s'ajustent aux mutations écologiques et spatiales tout en utilisant la
mobilité comme tactique de survie. Elle est utilisée pour faire
face aux sécheresses, les épidémies, les modifications de
parcours etc. Dans une troisième et dernière partie, les auteurs
font une lecture entre les mutations foncières et la mobilité
pastorale. Tout au long de cette partie, ils démontrent que la question
foncière au Sahel et en Afrique de l'Ouest présente des enjeux
complexes avec des rivalités qui constituent une menace réelle de
la paix sociale.
Mahaman MOHA dans son article57 après avoir
présenté géographiquement le Niger, s'intéresse en
premier lieu aux relations qui existent entre les agriculteurs et les
éleveurs hors des périodes de crise à
Roumbou-Sakabal58. Dans la littérature, très peu
d'acteurs se sont basés sur les relations hors crises, autrement dit les
relations non-conflictuelles. La majorité absolue des auteurs que nous
avons eus à parcourir s'intéressent aux relations conflictuelles
entre ces deux entités. Il montre qu'hors crise, les relations entre les
agriculteurs et les éleveurs sont des relations de
complémentarité. Cette complémentarité se manifeste
par le pacage des animaux dans les champs déjà
récoltés des agriculteurs, l'abreuvement des animaux, l'exhaure
et l'exploitation des points d'eau pendant la saison sèche dans les
localités d'agriculture extensive, la vente d'animaux et l'achat des
céréales. En deuxième lieu, il s'intéresse aux
relations conflictuelles entre les agriculteurs et les éleveurs.
L'auteur démontre que les relations entre les deux entités
peuvent se dégrader lors des dégâts sur les champs des
agriculteurs par les animaux des éleveurs, l'occupation des alentours
des mares en saison froide par les cultures de contre-saisons de manioc, de
calebassier..., la surexploitation des puits villageois par les
éleveurs, l'extension des champs d'agriculteurs sur l'espace pastoral et
les vols d'animaux. En troisième lieu, MOHA s'intéresse à
la manifestation de la crise à Roumbou-Sakabal. C'est une crise qui a
touché toutes les touches sociales de la population
57 MOHA (Mahaman), Les relations entre
agriculteurs et éleveurs en contexte de crise alimentaire à
Roumbou-Sakabal, Afrique contemporaine 2008/1, n° 225, pp.
137-159.
58 C'est un village du département de
Dakoro, qui est le plus grand département des cinq que compte la
région de Maradi, au Niger.
24
mais les éleveurs ont été les plus
exposés à cette crise. Dans cette crise, les éleveurs
faisaient face à une pénurie d'aliments pour les animaux, une
forte mortalité du bétail, la détérioration des
termes d'échange avec les agriculteurs, la désorganisation
sociale des pasteurs et l'accentuation des conflits autour de la gestion des
ressources naturelles. En quatrième et dernier lieu, dans un sous-titre
intitulé : « Quelques relations entre les éleveurs et
agriculteurs : stratégies de survie à Roumbou-Sakabal »,
l'auteur énumère et détaille les stratégies
développées par les agriculteurs et éleveurs pour faire
face à cette crise. Il cite la transhumance vers le sud après des
ententes avec les populations locales, la décapitalisation du
bétail (les prix d'animaux peuvent aller 150 000 F CFA à 15 000 F
CFA), les pasteurs ne vendaient ni n'achetaient les animaux et enfin la
pratique de la viande boucanée « banda » qui consistait
à abattre les animaux souffrants et sécher leur viande et
revendre.
Dans tous les travaux cités et la plupart des travaux
relatifs aux conflits liés à la mobilité pastorale, les
auteurs ont fait l'effort de faire ressortir les causes, les acteurs, les
mécanismes de résolution de ces conflits. Rares d'auteurs mettent
en relation les conflits liés à la mobilité pastorale, le
développement et la gouvernance. La particularité de notre
travail serait donc, de tenter de faire ressortir les impacts de ces conflits
sur le développement et la gouvernance. C'est ce manque que nous
cherchons à combler dans nos recherches.
B. LA PROBLÉMATIQUE
D'après Pierre BOURDIEU, Jean Claude CHAMBODERON et
Jean Claude PASSERON, « un objet de recherche si partial et si
parcellaire soit-il ne peut être défini et construit qu'en
fonction d'une problématique théorique permettant de soumettre
à une interrogation systématique les aspects de la
réalité mis en relation par la question posée
».59
La problématique est selon Michel DEAUD «
l'ensemble construit, au tour d'une question principale, (...) et des lignes
d'analyse qui permettrons de traiter le sujet choisi
».60
Ainsi nous dégagerons le problème de recherche
(1), les questions de recherches (2) et les
hypothèses (3).
59 BOURDIEU (Pierre), CHAMBODERON (Jean-Claude) et
PASSERON (Jean-Pierre) cités par DINGAM-OUDAL RATEBAYE (Edmond) op cit.
p. 20.
60 BEAUD (Michel), « L'art de la thèse,
comment préparer et rédiger une thèse de doctorat, un
mémoire de DEA ou une maitrise ou tout travail universitaire »,
Paris, La Découverte, 2003, p. 38.
25
1.Problème
À l'instar de la plupart des pays africains où
l'agriculture, l'élevage et la pêche sont les principales
activités économiques, les insurrections entre ces groupes sont
persistants. Les éleveurs de la zone septentrionale descendent
progressivement dans la zone la zone méridionale du pays, ils sont
à la recherche des conditions favorables aux animaux. Ce
déplacement dans la zone méridionale, zone à vocation
agricole ne passe sans des problèmes. Les animaux lors de leur
déplacement détruisent les champs, les filets de pêche et
côtoyant les aires protégées. En plus, les usagers des
ressources naturelles, ne sont pas toujours d'accord sur le bien-fondé
du partage de ces ressources entre eux, ce qui crée des conflits
perpétuels entre eux. Tantôt les insurrections entre ces usagers
déclenchent tantôt les tensions sont abaissées. C'est un
phénomène multidimensionnel fortement politisé que nous
aurons à analyser. Bien qu'existant avant, ce phénomène a
pris une allure inquiétante au début de l'année 2014 dans
le Mayo-Kebbi Ouest.
2.Questions de recherche
Nous formulons une question principale (a) et
des questions secondaires de recherche (b) qui nous
permettrons de notre sujet.
a. Question principale de recherche
L'adoption du code pastoral a permis de diminuer un peu les
tensions même s'il reste très contesté par les
agriculteurs. Toutefois, ce code n'a pas mis un terme à ces conflits de
longues dates. Les récents affrontements entre les agriculteurs et les
éleveurs dans la zone de Gagal sont une parfaite illustration.
Dès lors, quels sont les impacts des conflits liés
à la mobilité pastorale sur le développement et la
gouvernance de la province du Mayo-Kebbi Ouest et quelles solutions
préconiser pour limiter ces derniers ?
b.Questions secondaires de recherche
Quels sont les impacts économiques et sociaux des
conflits liés à la mobilité pastorale dans la province du
Mayo-Kebbi Ouest ? Quels sont les obstacles qui empêchent une bonne
gestion des conflits liés à la mobilité pastorale ?
Qu'est-ce que l'État central et les Collectivités peuvent pour
limiter les impacts de ces conflits ?
26
3 .Hypothèse
L'hypothèse peut être envisagée comme une
réponse anticipée que le chercheur formule à sa question
spécifique de recherche. BRIAMS et al. le décrive comme un
énoncé déclaratif précisant une relation
anticipée et plausible entre les phénomènes
observés ou imaginés.61
Afin de répondre à cette interrogation, nous
formulons des réponses provisoires. Elles peuvent être en partie
ou en totalité confirmées dans nos développements ou
même infirmées. Pour les interrogations soulevées au sujet
des conflits liés à la mobilité pastorale dans la province
du Mayo-Kebbi Ouest, nous formulons une hypothèse principale
(a) et des hypothèses secondaires
(b).
a. Hypothèse principale
Les conflits liés à la mobilité
pastorale affectent de manière négative le développement
économique et social mais surtout la bonne gouvernance de la province du
Mayo-Kebbi Ouest, des mesures profondes sont nécessaires pour
atténuer les impacts de ces conflits.
b. Hypothèses secondaires
Les conflits liés à la mobilité pastorale
occasionnent la destruction de l'environnement, des champs et des crimes et
cruautés sur les animaux d'élevage. La politisation, la gestion
des conflits, la pluralité des instruments juridiques et des acteurs de
l'application de ceux-ci sont les problèmes de gouvernance qui
constituent des difficultés pour la bonne des conflits liés
à la mobilité pastorale. L'Etat peut soutenir une gestion
consensuelle et décentralisée de l'espace et des conflits et
améliorer les mécanismes de gestion des conflits et les
Collectivités Autonomes ayant reçu des compétences et des
ressources peuvent également renforcer leur communication, la
sensibilisation et l'éducation des populations pour limiter les impacts
des conflits liés à la mobilité pastorale.
C. CADRE THÉORIQUE
La théorie du conflit est une théorie qui
postule que la société ou l'organisation fonctionne de
manière antagoniste du fait que chaque participant et les groupes
d'individus luttent pour maximiser leurs avantages.
61 MACE (Gordon) et PETRY (François), «
Guide d'élaboration d'un projet de recherche », Montréal,
Presses de l'Université Laval, 2017, 172 p.
27
Cette théorie est la plupart du temps appliquée
en vue d'expliquer le conflit entre les classes sociales, la lutte des classes
du prolétariat contre la bourgeoisie ainsi que pour les
idéologies capitaliste contre socialisme. La théorie essaie de
réfuter le fonctionnalisme. En effet, il n'est pas question de
considérer que les sociétés et les organismes fonctionnent
de sorte que chaque individu ou groupe joue un rôle spécifique,
comme des organes dans le corps.
Il y a des hypothèses de base radicale (la
société est éternellement en conflit, ce qui pourrait
expliquer le changement social), ou base modérée (la coutume et
les conflits sont toujours mélangés). La version
modérée tient compte du fonctionnalisme puisqu'elle accepterait
ce même jeu négatif d'institutions sociales.
L'essence de la théorie du conflit est mieux
résumée par la structure de la pyramide classique dans laquelle
une élite dicte des limites aux masses plus grandes. Toutes les
positions, lois, et traditions principales dans la société sont
conçues pour soutenir ceux qui ont traditionnellement été
dans la puissance, ou les groupes qui sont perçus être
supérieurs dans la société selon cette théorie.
La théorie peut être appliquée à
grande échelle, comme le gouvernement des Etats-Unis ou de la Russie
soviétique ou à petite échelle à l'instar d'un club
d'organisations, d'une école ou d'une église...
La théorie de conflit a été
élaborée notamment au Royaume-Uni par Max GLUKMAN et John REX,
aux Etats-Unis par Lewis A. COSER et Randall COLLINS, et en Allemagne par Ralf
DAHRENDORF, tous étant plus ou moins influencés par Karl MARX,
Ludwig GUMPLOXICS, Vilfredo PARETO, Georg SIMMEL et d'autres
pères-fondateurs de la sociologie européenne.
Comme nous l'indique le titre de notre thème, la
théorie du conflit est le cadre théorique le plus
approprié pour nous faciliter la compréhension de ce
phénomène. Elle nous donne cette facilité à
exprimer le jeu de la diversité d'acteurs et de désigner une
situation sociale où les acteurs divers agissent, dans le but de
préserver leurs avantages par un certain nombre de mécanismes. La
théorie du conflit, cadre théorique de notre étude se
justifie par sa capacité à nous faciliter la compréhension
des bases conflictuelles, ainsi que les interactions entre les éleveurs,
les agriculteurs et les pêcheurs. Elle nous permet également de
comprendre les relations entre les acteurs et même entre les acteurs et
les autorités traditionnelles, administratives et militaires.
28
Dans notre travail, nous appliquons la théorie de
conflits pour exprimer le jeu de la diversité d'acteurs et d'explorer
profondément une situation sociale (les conflits liés à la
mobilité pastorale) où les acteurs divers agissent, dans le but
de préserver leurs avantages, par un certain nombre de
mécanismes.
D. LA MÉTHODE DE RECHERCHE
La méthode de recherche que nous retenons pour mener
à bien notre étude, est l'interactionnisme stratégique.
Les relations sociales sont faites d'interaction. Les interactionnistes
centrent leurs analyses sur les interactions62. L'interactionnisme
cherche à construire une nouvelle façon d'analyser le social
à partir de l'hypothèse selon laquelle les individus sont des
sujets conscients. Ils proposent d'expliquer le social par des actions
où l'action a un sens pour les individus.
Michel CROZIER et Erhard FRIEDRENG63
suggèrent pour la compréhension des actions collectives à
partir des comportements d'intérêts individuels et parfois
contradictoires entre les acteurs.
Pour Jacques ROJOT64, l'important est de
réaliser la pertinence de cinq concepts fondamentaux de la
théorie de l'interaction : l'acteur, l'objet, les ressources, les
contraintes et la stratégie pour mieux cerner l'action des acteurs. Il
souligne à cet effet : « il est postulé que les acteurs
ont toujours des objectifs. Il n'y a pas d'acte gratuit, le comportement de
chacun dans une situation organisationnelle est toujours orienté par les
buts. Chacun est actif dans une direction qu'il suit vers ses propos objectifs
»
Pour mieux comprendre l'interactionnisme, nous passons en
revue des cinq concepts principaux de la théorie de l'interactionnisme
de ROJOT.
L'acteur : c'est un individu ou groupe
d'individus membre d'une communauté qui pose des actes selon les
objectifs qu'il vise. Plus simplement, l'auteur est la personne qui est
à l'origine de quelque chose. Dans le champ de notre étude, les
acteurs des conflits liés à la mobilité pastorale sont :
les usagers (les éleveurs, les agriculteurs, les bouviers et
accessoirement les pêcheurs) et les institutions étatiques et
non-étatiques. Les premiers concernés sont les éleveurs,
qui sont les propriétaires de bétail. Ces éleveurs, dans
la zone du
62 Les actions réciproques entre les
individus.
63 CROZIER (Michel) et FRIEDRENG (Erhard) cité
DJINGAM-OUDAL RATEBAYE (Edmond) op cit. p. 28.
64 ROJOT (Jacques), cité par DJINGAM-OUDAL
RATEBAYE (Edmond) op cit. p. 28.
29
Mayo-Kebbi Ouest sont les peuls et les haoussas, tous des
musulmans. À ceux-ci, il faut ajouter les commerçants, des
militaires, les administrateurs qui sont détenteurs des capitaux
investis préférentiellement dans le bétail. C'est sont
ceux-là que le code pastoral nomme expressément « les
propriétaires de capital-bétail ». Les seconds sont les
agriculteurs. Ces agriculteurs sont des sédentaires. Dans la
région, à part les groupes sus cités, tous les groupes
sont des agriculteurs, chrétiens et animistes. Il y a une autre
catégorie d'acteurs, souvent négligée par tout le monde,
pourtant ils sont les acteurs les plus importants, c'est sont les bouviers. Ils
sont les employés des éleveurs et c'est eux qui sont au-devant de
la scène. Ils sont malproprement qualifiés d'éleveurs. Les
derniers usagers concernés sont les pêcheurs, ces derniers entrent
en conflit avec les éleveurs transhumants quand les animaux, au passage
détruisent les filets de pêche. Les conflits entre les
éleveurs et les pêcheurs sont assez rares, car le Mayo-Kebbi Ouest
n'est pas une zone d'intense pêche, excepté le Lac
Léré. Même si ces conflits ont eu lieu autrefois autour du
Lac Leré, ils restent très limités. Les institutions
étatiques entrent en conflit avec les pasteurs lors des
déplacements, quand les animaux des éleveurs côtoient les
aires protégées (forêts classées, réserves de
faune, forêts sacrées, parcs nationaux, sanctuaires...). Ces
conflits peuvent également opposer les pasteurs transhumants aux
institutions non-étatiques à l'instar des ONG.
L'objectif : c'est l'idéal qu'un
acteur veut atteindre en posant un acte. Tout acte posé est en
réalité pour atteindre un but plus ou moins manifeste, les
objectifs ne sont jamais clairs, ni explicites voire contradictoires, c'est
là tout le sens du célèbre dicton « il n'y a pas
d'acte gratuit ». C'est en considérant ce dicton que les
agriculteurs refusent catégoriquement de comprendre l'argument le plus
souvent avancé par les éleveurs. Les éleveurs
prétendent toujours que, c'est à leur insu que les animaux
détruisent les champs. L'objectif des éleveurs, c'est d'avoir en
suffisance de pâturages et de l'eau pour les animaux. Les agriculteurs
quant à eux ont pour objectif de protéger leurs champs de toute
dévastation. Pour leur tour, les pêcheurs ont pour objectif de
préserver aussi longtemps que possible les filets pour avoir une
quantité suffisante de poissons.
Les ressources : c'est sont des moyens dont
disposent les acteurs pour la réalisation de leurs objectifs. C'est
ainsi que le code pastoral parle de ressources pastorales, qui sont l'
« ensemble des ressources clés nécessaires à
l'alimentation des animaux en élevage extensif. Exemple : l'eau, le
pâturage, les résidus de cultures, le foin stocké, les
terres
salées... »65 Pour les
agriculteurs, les ressources sont constituées des terres cultivables,
les tracteurs, la houe, l'eau... et en fin pour les pêcheurs, les
ressources sont les eaux, les filets, les pirogues, les bâches...
Les contraintes : c'est des choses qui
empêchent aux acteurs d'atteindre leurs objectifs, elles peuvent
être propres ou externes à l'auteur. Leurs importances sont
proportionnelles aux objectifs à réaliser. Dans le cadre de notre
étude, la majorité de ces contraintes sont naturelles. C'est
d'ailleurs ces contraintes qui sont à l'origine de la mobilité
pastorale au rang desquelles la diminution de la pluviométrie,
l'accroissement de la population, le retard des pluies... Pour les
agriculteurs, ces contraintes sont le retard des pluies, le manque d'espaces
pour cultiver, le manque de moyens modernes de culture, les criquets
pèlerins, les oiseaux dévastateurs... Pour les pêcheurs,
les contraintes sont entre autres le retard des pluies, le tarissement des lacs
ou rivières, le manque de moyens modernes de pêche...
La stratégie : est l'action de
l'auteur, qui pour réaliser une action, prend en compte les ressources
disponibles et les contraintes auxquelles il sera confronté dans une
situation donnée. Ainsi, toutes ces communautés ont
développé des stratégies dans leur domaine respectif. Les
stratégies des éleveurs sont la politique de contrôle
foncier, la recherche d'équilibre économique... Pour leur part,
les agriculteurs ont développé des stratégies telles que
l'appropriation des terres, la tendance vers une gestion individuelle, la
pratique de l'élevage, la préservation du niveau de vie, la
recherche de la sécurité alimentaire et des revenus
monétaires... et les pêcheurs ont développé cette
stratégie de s'adonner aux cultures riveraines, l'occupation de l'espace
lacustre...
L'interactionnisme stratégique nous a permis ainsi de
connaitre les acteurs des conflits liés à la mobilité
pastorale, leurs objectifs, leurs ressources, les contraintes auxquelles ils
sont confrontés et leurs stratégies. Dans le cadre de notre
travail, nous utilisons l'interactionnisme pour expliquer la difficile
cohabitation entre ces communautés, motivées chacun par des
intérêts personnels.
30
65 Article 4 du code pastoral.
31
E. LES TECHNIQUES DE RECUEIL ET D'ANALYSE DES
DONNÉES
Pour prétendre atteindre une vérité
scientifique, il faut nécessairement l'utilisation des techniques. Pour
mener à bien notre travail, nous utilisons des techniques de recueil
(1) et d'analyse des données (2).
1. Les techniques de recueil de données
Les données de notre travail ont été
recueillies à travers des techniques documentaires (a)
et les techniques de terrain (b).
a. La technique documentaire
Parlant de la documentation utilisée dans ce travail,
nous avons fait recours aux documents écrits (i) et aux
documents électroniques (ii).
(i) Les documents écrits
Dans cadre de nos recherches sur ce sujet, les documents
écrits utilisés sont pour l'essentiel :
- Des ouvrages généraux portant sur les conflits
liés à la mobilité pastorale, les conflits
agriculteurs/éleveurs et les conflits sur les ressources naturelles ;
- Des travaux universitaires notamment les thèses et
les mémoires portant sur les conflits liés à la
mobilité pastorale, les conflits agriculteurs/éleveurs et les
conflits sur les ressources naturelles ;
- Des rapports des ONG et des organisations internationales
sur les conflits liés à la mobilité pastorale, les
conflits agriculteurs/éleveurs et les conflits sur les ressources
naturelles ;
- Des coupures de presse et les revues scientifiques portant
sur les conflits liés à la mobilité pastorale, les
conflits agriculteurs/éleveurs et les conflits sur les ressources
naturelles.
(ii). Les documents électroniques
Il faut entendre par documents électroniques, tous les
documents gravés sur des supports autres que le papier notamment la
radio, la vidéo et l'internet. S'agissant des documents
électroniques utilisés dans notre travail, compte tenu de la
révolution opérée en matière de stockage des
données scientifiques, l'internet a été pour nous, le plus
utilisé lors des recherches. Par le biais de l'internet nous avons pu
consulter d'innombrables documents
32
tels que les ouvrages généraux, des
thèses, des mémoires, des articles, des rapports
d'activité en lien avec notre thème.
b. La technique de terrain
Le terrain est une étape obligée dans la
recherche, car il confirme nos écrits. Le terrain est à la fois
objet et notion66. Au titre d'objet, il est le temps et le lieu de
l'observation et de construction d'un rapport personnel du chercheur avec le
sujet de ses recherches. En tant que notion, le terrain signifie l'ensemble de
postures et de pratiques de recherche, par essence variés, visant
à rapprocher le chercheur d'une réalité palpable,
mesurable, parfois même jusque-là inconnue de lui au
préalable. Dans le cadre de notre travail, les principales
méthodes de recherche utilisées sont :
L'étude de cas, encore appelée
monographie est l'analyse approfondie d'un phénomène complexe,
dans un lieu ou un espace donné67. Le cas peut être une
organisation, un événement, un individu, un groupe que l'on veut
étudier en détail. Dans nos recherches, cette méthode nous
paraît important dans la mesure où le phénomène
complexe (conflits liés à la mobilité pastorale)
nécessite des investigations profondes pour faire ressortir les impacts
réels de ces conflits sur le développement et la gouvernance dans
la province et d'en proposer des solutions.
L'enquête est le recueil des
données auprès d'un échantillon d'individus ou de
situations68. L'enquête est une des principales
méthodes de recherche. L'enquête quantitative apporte une
information étendue et si l'échantillon est constitué
selon les règles de l'art son résultat est
généralisable. L'enquête qualitative apporte des
éléments plus directs et plus approfondis sur une
réalité plus restreinte. De ces éclairages sur
l'enquête, son utilisation dans nos travaux de recherche nous est
incontournable. L'enquête est importante dans notre travail, dans la
mesure où elle nous permet d'avoir des données, auprès
d'un échantillon d'acteurs de ces conflits. Pour enrichir notre travail,
nous utilisons une enquête mixte c'est-à-dire réunissant
les éléments de l'enquête quantitative et de
l'enquête qualitative.
66 NKOT (Fabien), Cours de Méthodes en
Science Politique, Master I, Université de Yaoundé II-SOA,
2019/2020, p. 26, inédit.
67 Ibid.
68 Ibid.
33
La méthode ethnographique est une
observation globale et dans la durée d'un phénomène ou
d'une population par contact direct du chercheur avec la
réalité69. Cette méthode est plus
utilisée par les ethnographes qui vont étudier les moeurs d'un
peuple. La méthode consiste à décrire aussi finement que
possible, grâce à l'observation et l'entretien avec les personnes
rencontrées, les faits. L'avantage de cette méthode est
d'apporter une grande richesse d'informations et d'analyses. La méthode
ethnographique est la troisième et dernière méthode
utilisée dans nos travaux de recherche. L'importance de son utilisation
ressort du fait qu'elle nous met en contact direct avec la
réalité. Elle nous amène à la rencontre des
principaux acteurs des conflits liés à la mobilité
pastorale et des acteurs impliqués dans la prévention et la
résolution70 de ces derniers. Elle nous met en contact direct
avec ces derniers par le biais de l'observation et des entretiens.
2. Les techniques d'analyse des données
Dans le cadre de nos recherches, pour une exploration
minutieuse des données recueillies, nous avons fait recours à une
technique d'analyse des données mixte c'est-à-dire alliant la
technique d'analyse des données quantitatives (chiffres) et la technique
d'analyse des données qualitatives (discours et textes). L'analyse des
données aura comme conclusion soit la vérification des
hypothèses posées au départ (ou leur invalidation), soit
une interprétation globale fournissant une réponse à tout
ou une partie des questions posées au départ71.
F. L'ARTICULATION DU TRAVAIL
Notre travail se divise en deux parties contenant chacune deux
chapitres. Dans un premier temps nous nous attèlerons sur les impacts
des conflits liés à la mobilité pastorale sur le
développement et la gouvernance (Première
partie) et dans un second temps nous proposerons des mesures
d'atténuation des impacts de ces conflits (Seconde
partie).
69 Ibid.
70 Les acteurs impliqués dans la
prévention et résolution des conflits liés à la
mobilité pastorale sont : les autorités administratives (le
gouverneur, le préfet et le sous-préfet), militaires (brigadiers,
policiers...) les autorités traditionnelles (les chefs de canton, les
représentants des chefs de canton) et les représentants des
ONG.
71 NKOT (Fabien), op cit. p.15.
PREMIÈRE PARTIE :
LES IMPACTS DES CONFLITS LIÉS À
LA
MOBILITÉ PASTORALE SUR LE
DÉVELOPPEMENT ET LA GOUVERNANCE
|
34
35
Comme tout conflit armé, les conflits liés
à la mobilité pastorale peuvent freiner le développement
d'un pays, en particulier dans le cas des pays à faible revenu (dont le
Tchad). Les effets de ces conflits peuvent se ressentir aussi bien à
l'échelle locale que nationale. Elles entravent la production agricole,
menacent les infrastructures sociales, économiques et
matérielles. Elles également sont un ferment
d'insécurité et entrainent des migrations à grande
échelle. Les denrées alimentaires qui se raréfient sont
utilisées comme arme stratégique par les parties en conflit,
plaçant les civiles dans des situations de famine.72 Il
ressort de cette vision de la FAO que les conflits ont d'énormes impacts
sur le développement et la gouvernance locale. Nous analyserons tour
à tour les impacts des conflits liés à la mobilité
pastorale sur le développement de la province du Mayo-Kebbi Ouest
(Chapitre I) et démontrer que les conflits liés
à la mobilité pastorale sont des effets de la mauvaise
gouvernance la province (Chapitre II).
72 Comité de la Sécurité
Alimentaire Mondiale, « Conflits et développement : un défi
pour la réalisation des Objectifs du Millénaire », Document
d'information, Domaine prioritaire pour une action interdisciplinaire :
Prévention, atténuation des catastrophes et plans d'intervention,
secours et redressement après une situation de crise (DPAI-REHAB),
trente-et-unième session, Evénement spécial : Incidence
des conflits et de la gouvernance sur la sécurité alimentaire et
rôle et adaptation de la FAO à l'appui de la concrétisation
des Objectifs du Millénaire pour le Développement, du 23 au 26
mai 2005 pp 3-4, [En ligne] PDF disponible sur
http://www.fao.org,
consulté le 26 mai 2021.

LES IMPACTS DES CONFLITS LIÉS À
LA
MOBILITÉ PASTORALE SUR LE
DÉVELOPPMENT DE LA PROVINCE DU
MAYO-KEBBI OUEST
CHAPITRE I :
36
37
Le développement local s'appréhende comme un
processus par lequel « un territoire génère en son sein
même des potentialités pour son propre développement tant
économique que social et politique, des dynamiques de projet, de
mobilisation et de changement »73. Pour atteindre cet
objectif, les élus locaux doivent élaborer des stratégies
de développement à partir d'une évaluation des
possibilités réelles des populations et des moyens dont ils
disposent. Si les acteurs locaux semblent incapables d'élaborer des
stratégies de développement et lutter contre les maux qui minent
le territoire, il y aura des conséquences délétères
sur la vie des citoyens. Dans ce sens et en se basant sur la définition
suivante du développement : le développement fait
référence globalement à l'ensemble de transformations
techniques, scientifiques, démographiques, sociales, etc. qui ont pour
conséquences d'améliorer la qualité et le cadre de vies
des habitants d'une région, d'un pays ou au-delà de tout un
continent, il a une connotation économique et sociale74,
nous remarquons que les conflits liés à la mobilité
pastorale freinent le décollage économique de la province
(Section 1) et mais ont aussi et surtout des impacts sociaux
très négatifs (Section 2).
SECTION 1 : LES IMPACTS DES CONFLITS LIÉS
À LA MOBILITÉ SUR LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE DE LA
PROVINCE
Le Mayo-Kebbi Ouest est une province dont l'économie
repose principalement sur l'exportation des produits agricoles notamment le
maïs, l'arachide et le sésame dans les autres provinces du pays et
même vers les pays voisins (le Cameroun et le Nigeria notamment) et
l'exportation sur pied des boeufs vers les mêmes pays. Les conflits
liés à la mobilité pastorale ont d'impacts négatifs
sur l'économie de la province. Ces impacts sont très nombreux
mais les plus délétères sont relatifs à
l'environnement (Paragraphe I) et des crimes et
cruautés sur les animaux et la détérioration des
échanges entre les agriculteurs et les éleveurs
(Paragraphe II).
73 THOENIIG (Jean-Claude), L'action publique
locale entre autonomie et coopération, Quel avenir pour l'autonomie
des collectivités locales ?, Caisse de Dépôts (dir),
Éditions de l'Aube, 1999, p. 107.
74 TALLA (Marius), Cours de Marketing des projets de
développement et techniques de plaidoyer, Master II Gouvernance Locale,
Décentralisation et Développement, Université de Dschang,
juin 2021, p. 4, inédit.
38
PARAGRAPHE I : LES IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX DES
CONFLITS LIÉS À LA MOBILITÉ PASTORALE
Dans les conflits liés à la mobilité
pastorale, les pertes économiques pour la province sont toujours
énormes. La détérioration de l'environnement d'une
manière générale (A) et la destruction
des champs plus spécialement (B) causent
énormément des manques à gagner sur le plan
économique pour la province.
A. La détérioration de l'environnement
La pratique du développement s'accompagne de plus en
plus de préoccupations de protection de l'environnement des populations.
Il s'agit de préoccupations qui sont inscrites dans une trajectoire dont
l'origine remonte à la Conférence de Stockholm sur les
établissements Humains et qui prennent toute leur importance lors de la
Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le
développement ou « Sommet de la Terre » de Rio de Janeiro en
1992 et plus tard, à l'occasion de la Conférence des Nations
Unies pour le développement durable qui s'est tenu à Johannesburg
en 2002. Le but de toutes ces rencontres internationales étaient de
concilier le développement et la protection de l'environnement. Elles
ont mis sur pied la notion de « développement durable », car
la course à la production conduit à une dégradation
irréversible de notre environnement75. Ces conférences
font naître également une véritable religion de la
protection de l'environnement. La protection de l'environnement est un enjeu
primordial pour le gouvernement de la République du Tchad. Il
s'apprécie par les mesures de protection de l'environnement. Mais cette
protection est fortement menacée lors des conflits liés à
la mobilité pastorale. À cet effet, l'UNODC, le
Secrétariat de la CITES, Interpol, l'Organisation Mondiale des Douanes
et la Banque Mondiale ont créé en 2010 le Consortium
International sur la lutte contre la criminalité faunique, avec pour
objectif de « fournir les services coordonnés pour aider les
pays à lutter contre le crime envers la faune ». La
mobilité pastorale constitue une des principales menaces qui
pèsent sur l'environnement après l'orpaillage clandestin et
devant le front pionner agricole et le braconnage76.
75 KEUTCHEU (Joseph), Cours d'Etude d'impact, audit et
bilan des projets et des actions de développement, Master II Gouvernance
Locale, Décentralisation et Développement, Université de
Dschang, novembre 2020, p. 7, inédit.
76 REMADJI NGAKOUTOU (Etienne), « Manuel de
Sensibilisation et de Formation des responsables des Administrations Publiques
Impliqués dans la Lutte Anti-Braconnage dans la Région du
Mayo-Kebbi Ouest », octobre 2014, N'Djamena, CUIN, p. 21.
39
Les éleveurs lors des déplacements dans la
province du Mayo-Kebbi Ouest côtoient les aires
protégées77 (forêts classées,
réserve de faune, forêts sacrées, parc national,
sanctuaires...). Les aires protégées sont les « pierres
angulaires » des stratégies nationales et internationales de
conservation. C'est ainsi que qu'elles font depuis 2004, l'objet d'un programme
spécial au sein de la convention sur la biodiversité. Les aires
protégées sont des outils de maintien in-situ
d'écosystèmes, d'habitats naturels et semi-naturels des
populations viables et certaines espèces d'animaux et arbres dans leur
environnement naturel. L'homme n'est pas exclu des aires
protégées, c'est d'ailleurs lui qui assure la gestion. Il a une
place importante sous des conditions spécifiques. Il y accède
sans y devenir un facteur d'appauvrissement, de pollution, de
dérangement ou de piétinement. Au Tchad, le réseau d'aires
protégées est composé de trois (3) parcs nationaux : le
Parc National de Zakouma, le Parc National de Manda et le Parc National de
Sena-Oura ; sept (7) réserves de faune : Ouadi Rimé-Ouadi Achim,
Fada Archei, Aboutelfane, Siniaka-Minia, Bahr-Salamat,
Binder-Léré et Mandélia ; une (1) réserve de
biosphère : le Lac Fitri ; un site de patrimoine mondial : Ounianga ;
deux (2) forêts classées ; sept (7) domaines de chasse : Domaine
de Douguia, Domaine de l'Aouk, Domaine de Melfi, Domaine de Kouloudia, Domaine
de Barh Erguig, Domaine de Chari-Onoko et Domaine d'Algue du Lac78.
Parmi les aires protégées du Tchad, un parc national sur les
trois, le Parc National de Sena-Oura, une réverse de faune sur les sept,
la réverse de Binder-Léré et une forêt
classée sur les deux, celle de Yamba Berté sont dans la province
du Mayo-Kebbi Ouest. En effet, ces espaces sont des zones de concentration de
biodiversité floristique et faunique. Elles sont
caractérisées par la relative abondance de la
végétation et des cours d'eau, la présence des formations
rupicoles le long des cours d'eau. Elles représentent aux yeux des
éleveurs des îlots de pâturages de bonne qualité
pendant la saison sèche. La pratique des feux précoces
d'aménagement favorise également les repousses fraiches
d'herbacées pérennes très recherchées par les
éleveurs à cette période de l'année. Ces zones ne
sont pas officiellement accessibles aux éleveurs mais sont l'objet de
plusieurs incursions du bétail transhument, sources de nombreux conflits
entre les transhumants et les gestionnaires de ces aires
protégées. Les cas de la forée classée de Yamba
Berté où dans le but de conservation de l'environnement l'Etat a
décidé de priver les populations locales et les transhumants des
ressources naturelles de cet espace. Ceci fut ressenti par ces derniers
comme
77 Tout espace dont l'accès au bétail
est soit interdit soit règlementé en vue de la protection des
espèces dont il contient, article 4 alinéa du code pastoral du
Tchad.
78 REMADJI NGATOUKOU (Etienne), op cit. pp. 8-11.
40
une injustice grave, au point de les pousser à des
incursions dans la forêt et le Parc National de Sena-Oura. Le Parc de
Sena-Oura est traversé périodiquement par les pasteurs et
occasionnant une destruction importante du parc dont de l'environnement. Ces
cas sont suffisamment illustratifs de la destruction de l'environnement lors
des conflits liés à la mobilité pastorale. Dans ces
espaces protégés, les animaux détruisent les arbrisseaux,
les bouviers pratiquent les mutilations d'arbres, les animaux sauvages sont
menacés dans leur habitat. Les animaux sauvages ne peuvent pas
être dans un même endroit que les boeufs. Dès que les boeufs
viennent dans une zone, les animaux sauvages de cette zone fuient les lieux. Si
les animaux vivent dans une zone, les cours d'eau et des mares de cette zone
tarissent très rapidement. Ils occasionnent également
l'ensablement des cours d'eau. 79
Le pastoralisme est considéré comme responsable
de la destruction de l'environnement en ce qu'il concourt à la
dégradation des sols et à l'accélération de la
désertification. La concentration des animaux autour des points d'eau et
de surpâturage entraine une détérioration du sol, suivi
d'une pollution de la nappe phréatique et une dégradation des
parcours80. À travers les littératures,
l'élevage est aussi considéré comme source
d'émission de gaz à effet de serre conduisant à
l'appauvrissement et à la pollution des ressources avec un impact sur la
biodiversité81. Certaines recherches82 ont
montré les impacts environnementaux de l'élevage sur le sol et
l'érosion avec des effets directs sur la végétation et les
ressources en eau. Ce sont là, des points négatifs
soulignés à l'encontre de la pratique du pastoralisme.
Au-delà de l'image négative portée par
l'élevage dans les débats courants, la mobilité pastorale
peut contribuer à la durabilité écologique et à
celles des ressources naturelles qu'elle utilise en zone aride et
semi-aride83. Contrairement à ce que pensent beaucoup de
scientifiques, l'élevage mobile est un système d'exploitation des
ressources flexibles. Cet
79 KENNONG (Pallou), technicien supérieur
des eaux et forêts travaillant à la Délégation
Régionale de l'Environnement de la Province du Mayo-Kebbi Ouest, lors
d'un entretien que nous avions eu à passer avec lui en date du 17 mai
2021.
80 CARRIERE (Marc) et TOUTAIN (Bernard), «
Utilisation des terres de parcours par l'élevage et infractions avec
l'environnement », Paris, Maisons-Alfort cedex-France, février
1995, p. 31.
81 DUMONTIER (Pierre) et al, 2013 ; BENHAMMOU (Farid)
2014 et LEAD/FAO, 2006.
82 CARRIERE (Marc), « Impact des
systèmes d'élevage pastoraux sur l'environnement en Afrique et en
Asie tropicale et sub-tropicale aride et sub-aride »,
Élevage et Environnement à la Recherche d'un Équilibre,
Scientific Environmental Monitoring Group, Universität des
SaarlandesInstitut für Biogeographie, Saarbrücken, juin 1996, 70
p.
83 BLANFORT (Vincent), « Impact des
systèmes d'élevage pastoraux sur la séquestration du
carbone (C) en milieux tropicaux semi-arides - cas du Ferlo
sénégalais, 2011 », [En ligne] disponible sur
http://www.supagro.fr,
consulté le 24 avril 2021.
élevage permet de bien gérer le pâturage
afin d'éviter le risque de surpâturage et de dégradation de
l'environnement. Aussi, les systèmes pastoraux mobiles ont fait
témoignage de leur efficacité économique et
environnementale, permettant une meilleure régénération de
la végétation. Bien qu'il existe quelques avantages de la
mobilité pastorale sur l'environnement d'une manière
générale et des champs particulièrement mais les
inconvénients de celle sont plus nombreux.
B. La destruction des champs
Les différends autour des dégâts dans les
champs sont nettement les plus nombreux en zone soudanienne. Dans toutes les
localités84 que nous avons visitées dans la province
du Mayo-Kebbi Ouest, les agriculteurs comme les éleveurs, les
autorités administratives, militaires et traditionnelles, ont
signalé les destructions comme une des plus graves conséquences
des conflits entre les agriculteurs et les éleveurs. Il s'agit des
dégâts occasionnés dans par le bétail des
éleveurs transhumants ou autochtones. La destruction des champs peut
être volontaire ou involontaire ou bien provoquée
c'est-à-dire occasionnée par les « champs pièges
». Elle est involontaire quand les animaux sortent à l'insu des
propriétaires et des bouviers, souvent la nuit pour détruire les
champs. Elle est volontaire quand les éleveurs conduisent sciemment
leurs troupeaux dans un champ pour se venger d'une des actions sues
citées. La destruction involontaire est souvent réglée
à l'amiable ou chez les chefs traditionnels, les leaders religieux, le
chef du groupement des éleveurs ou le chef du groupement des
agriculteurs. C'est la destruction volontaire des champs qui entraine souvent
des conséquences drastiques sur le plan économique et social.
Lors des conflits entre agriculteurs et éleveurs, des milliers
d'hectares de champ sont détruits. La destruction des champs peut aller
jusqu'à créer la pauvreté et des pénuries
alimentaires importantes. Ce qui fait que les denrées alimentaires
augmentent de prix. Ces destructions champêtres qui sont en nette
progression ces dernières années, sont au centre des
préoccupations tant des agriculteurs que des éleveurs qui se
rejettent les responsabilités. Les boeufs pâturent en brousse,
côtoient étroitement les champs en route ou clôturés
en brousse. Pour les agriculteurs cette situation résulte du refus
délibéré des éleveurs de respecter les usages
établis en la matière. Les éleveurs sont accusés de
rester tout le temps avec leurs animaux dans les villages alors que les champs
ne sont pas encore récoltés. Les éleveurs sont, en effet,
censés emmener le gros de leur troupeau au loin en pâturage, or,
ils pâturent toute l'année autour des villages.
41
84 Pala, Bara, Carrière, Mbaïla-Mbïla
et Soudjé.
42
Il faut également noter qu'il est difficile de
retrouver les éleveurs/bergers qui commettent les dégâts.
Les bergers des citadins sont, en effet, installés dans les campements
précaires auprès des villages d'agriculteurs avec leurs troupeaux
et sont prêts à s'en aller en cas de dégâts sans
crier gare85. D'après les informations que nous avons
recueillies sur le terrain, la plupart des destructions de cultures surviennent
accidentellement. Elles sont les conséquences du manque de vigilance des
bergers, ou d'éleveurs débordés par le grand nombre
d'animaux. L'âge du berger (s'il est mineur) et le nombre important des
animaux dans le troupeau pour un berger sont aussi cités comme causes
des incursions des animaux dans les cultures. D'autre part, les éleveurs
ne respectent pas la date de libération des champs pour entreprendre le
retour des animaux dans les villages.
Dans les ferriques86, l'élevage prime sur
l'agriculture et la chefferie traditionnelle (chef de ferrique) prend toujours
le parti des éleveurs à cause de leur niveau économique
important lors des conflits liés aux dégâts des champs. Les
agriculteurs ne sont pas dédommagés ou ne le sont pas à
leur juste valeur. Les agriculteurs dorment même parfois dans les champs
pour surveiller leurs cultures ou leurs récoltes de peur de
dégâts. En effet, les bergers peuvent de nuit ouvrir les
clôtures pour y faire pénétrer les animaux. Parfois
l'ampleur de la dévastation est grave, tout le champ est
dévasté. C'est la raison pour laquelle on leur interdit
systématiquement la vaine pâture quand une parcelle n'est pas
totalement récoltée. Certains reconnaissent la présence
des troupeaux avant la libération des champs. « Avant, les
animaux sont pâturés en brousse loin des champs dans des espaces
consacrés à cet effet par les chefs de canton, mais maintenant il
est très difficile voire impossible pour un éleveur de vivre seul
en brousse à cause de l'insécurité grandissante
» nous dit un propriétaire de bétail vivant à
Pala et exerçant d'autres activités commerciales dont ses boeufs
sont non loin de Bara.
Les éleveurs quant à eux estiment que la
question des dégâts champêtres, au-delà de ces
aspects, est aussi liée à la restriction d'un certain nombre de
droits à eux implicitement reconnus. Il s'agit notamment des couloirs de
passage et aires de repos et de parcage qui ont été
systématiquement colonisés par les champs rendant ainsi
périlleux le déplacement des troupeaux et la limitation des
possibilités des animaux pour trouver des aires de repos. Ils se
85 KOUSSOUMNA LIBA'A (Natali), « Étude
sur les conflits agro-pastoraux dans les régions camerounaises du Nord,
Adamaoua et Est », Maroua, Rapport final pour le compte du Groupe de la
BAD, le HCR et la Fédération Luthérienne Mondiale,
août 2016, p. 44.
86 Regroupement des campements d'éleveurs
ayant à leur tête un chef désigné par le
sous-préfet territorialement compétent.
43
plaignent aussi de certains actes que posent, selon eux,
délibérément les agriculteurs pour les amener à
commettre les dégâts. Il s'agit selon les termes utilisés
par les éleveurs des « champs pièges » ou « champs
de provocation » ou encore « champs à problèmes »
autour des cours d'eau ou dans les espaces réservés aux
pâturages clôturés pendant la saison pluvieuse.
Les dégâts des champs s'expliquent par le fait
que, le système d'élevage qui est purement traditionnel et de
type extensif et est loin d'être maitrisé. Les animaux en
pâture ne trouvent plus de pâturages laissés entre les
champs et la zone tampon des parcs. Aussi, l'occupation anarchique des terres
par les agriculteurs, qui obstruent les pistes de bétail est
également un facteur qui occasionne les dégâts des
champs.
La seule source de revenu des agriculteurs ruraux voire des
agriculteurs citadins est le gain sur la vente des récoltes. La
destruction des champs met dans un désarroi total les
propriétaires des champs. Cette destruction entraine directement la
pauvreté. La situation de pauvreté ne semble pas
s'améliorer dans la province du Mayo-Kebbi Ouest. Bien au contraire, la
pauvreté réelle augmente, surtout en ce qui concerne la
pauvreté monétaire. Vu sur cet angle, la pauvreté signifie
un manque d'accès ou un accès limité aux ressources
financières et matérielles ou surtout des services
institutionnels offerts par l'Etat ou la communauté en
général.
La province du Mayo-Kebbi Ouest est l'une des zones
d'agriculture par excellence du pays dont les produits sont exportés
dans d'autres provinces et même des pays voisins. La plupart des
agriculteurs vendent une partie de la récolte et consomment le reste en
attendant la saison prochaine. La destruction des champs lors des conflits
diminue ou anéantit carrément les récoltes, entrainant
directement une insécurité alimentaire endémique. Les
conflits liés à la mobilité ont d'innombrables impacts
négatifs sur l'agriculture qui se manifestent notamment par la
destruction des champs mais aussi sur l'élevage qui se manifestent par
les crimes et cruautés sur les animaux.
PARAGRAPHE II : LES CRIMES ET CRUAUTÉS SUR LES
ANIMAUX ET LA DÉTÉRIORATION DES TERMES D'ÉCHANGE ENTRE LES
AGRICULTEURS ET LES ÉLEVEURS
Les crimes et cruautés (A) sont des
actes très graves perpétués sur les animaux lors des
conflits. Ils entrainent des véritables pertes économiques pour
les éleveurs. Ces crimes et cruautés détériorent
également les échanges entre les agriculteurs et les
éleveurs (B) qui
devraient être des acteurs complémentaires et des
maillons essentiels de l'économie de la région.
A. Les crimes et cruautés sur les animaux
Le bétail est la principale source de revenu des
éleveurs. Les pasteurs, lors des conflits se trouvent confrontés
à de nombreux défis. Au premier rang desquels se trouve la
protection de leurs moyens d'existence. Les blessures sur les animaux et les
tueries d'animaux sont devenues les modes opératoires des agriculteurs
pour se venger contre les dévastations des champs par les animaux lors
des conflits.
Les animaux subissent des blessures de tout genre lors des
conflits liés à la mobilité pastorale. Les acteurs de ces
blessures sur les animaux sont les agriculteurs. Les blessures et les tueries
d'animaux sont rares que les destructions des champs mais des cas très
graves ont été enregistrés dans la province. Ces blessures
conduisent même à la mort les animaux. Les agriculteurs qui
surprennent les animaux dans leur champ, préfèrent se rendre
eux-mêmes justice. Les actes sont souvent perpétrés
après plusieurs avertissements ou des règlements à
l'amiable. En effet, les bergers abandonnent souvent les animaux seuls en
brousse. Lorsqu'ils entrent dans les champs des agriculteurs et que ces
derniers les y trouvent, à défaut de les conduire chez le chef du
village, ils les frappent avec le bâton mais le plus souvent avec des
objets tranchants tels que la machette87. Ce qui engendre des
blessures très graves sur les animaux. Qui pis est, des fois ces objets
sont trempés dans les substances toxiques qui tuent les animaux au
moindre contact. Les agriculteurs sont accusés de blesser les animaux,
mais on ne sait jamais qui le fait. Dans ce cas, l'éleveur porte plainte
contre inconnu. Les bergers alertent alors leurs « patrons » qui s'en
vont se plaindre directement à la brigade la plus proche, comme le
souligne le conseiller économique du gouverneur de la Province du
Mayo-Kebbi Ouest. Il va loin en disant : « les jugements chez les
commandants de brigade n'ont jamais satisfaits les agriculteurs, d'ailleurs ces
derniers sont pour la plupart des propriétaires de bétail.
» Ce choix exaspère d'autant plus les agriculteurs, lorsque
leurs champs sont détruits, privilégient le règlement de
proximité c'est-à-dire à l'amiable ou auprès du
chef de village qui est souvent aussi agriculteur ou proche des
agriculteurs.
Le bétail est un principal maillon de l'économie
du Tchad d'une manière générale et de la province du
Mayo-Kebbi Ouest particulièrement. Il constitue la seule source de
revenu
44
87 KOSSOUMNA LIBA'A (Natali), op cit. p. 48.
des pasteurs. Le gain des éleveurs se repose
essentiellement sur la vente du bétail ou des produits
dérivés du bétail (lait, peau, viande...). Les
éleveurs ont délaissé le mode de vie assurant leur
substance pour adopter un mode de vie fondé sur une économie
monétaire. Ils ne disposent d'assez de moyens pour se faire un revenu si
ce n'est la vente du bétail ou de ses produits. Les blessures sur les
animaux et la tuerie de ces derniers mettent dans un désarroi total les
propriétaires de bétail. Ce phénomène entraine
directement la pauvreté. La situation de pauvreté ne semble pas
s'améliorer dans la province du Mayo-Kebbi Ouest. Bien au contraire, la
pauvreté réelle augmente, surtout en ce concerne la
pauvreté monétaire. Vu sur cet angle, la pauvreté signifie
un manque d'accès ou un accès limité aux ressources
financières et matérielles ou surtout des services
institutionnels offerts par l'Etat ou la communauté en
général. Elle frappe même extrêmement la population
tchadienne dans sa généralité croissante (4,2 millions
d'habitants en 1975 ; 9,4 millions en 2004 et 11,2 millions en 2009). L'IDH
s'est établi en 2010 à 0,295 et en 2011 à 0,328
plaçant le pays respectivement au 163ème sur 169 pays
et 183ème rang mondial sur 187 pays
étudiés88.
Les crimes et cruautés sur les animaux réduisent
la reproduction chez les animaux dans la mesure où les animaux
blessés ou tués meurent des fois avec leurs petits.
Les actes barbares sur les animaux influencent aussi
très négativement sur la vente des produits dérivés
de l'élevage. Les produits du bétail qui sont la seconde source
de revenu pour les éleveurs sont principalement la viande et le lait. Ce
sont généralement les éleveurs qui répondent au
besoin de la population de la province en viande. Les boeufs des pasteurs sont
moins chers que les boeufs des éleveurs sédentaires. C'est
pourquoi les bouchers achètent plus les boeufs des pasteurs. Chaque
jour, au moins dix (10) boeufs sont abattus à l'abattoir de Pala. Le
lait des vaches est vendu dans toutes villes de la province par les filles et
les femmes de ces éleveurs. Chaque famille vend en moyenne vingt (20)
libres de lait par jour, quinze (15) libres en lait frais et cinq (5) libres en
lait caillé. Cette vente du lait est très rentable. Chaque femme
ou fille venue vendre le lait rentre au moins avec cinq mille francs.
Les conflits liés à la mobilité pastorale
occasionnent la disparition de certaines espèces de bétail. Ces
espèces uniques et irremplaçables et leur disparition,
irréversible, peut avoir des conséquences importantes sur
l'économie de la province. Tel est cas des boeufs de races soudaniennes
dont les échantillons sont ramenés par les grands éleveurs
pour reproduction de
45
88 REMADJI NGATOUKOU (Etienne), op cit. p. 17.
46
ces espèces dans la province. Actuellement avec la
sensibilisation des différents services (Délégation des
Droits de l'Homme de la Province)89 l'ampleur de ce
phénomène commence à régresser. Toutefois, ces
crimes et cruautés sur les animaux n'ont pas pris fin et
détériorent les termes d'échange entre les agriculteurs et
éleveurs.
B. La détérioration des termes
d'échange entre les agriculteurs et les éleveurs
Lorsque la saison des pluies s'annonce, les nomades quittent
le Sud et reviennent chez eux, accompagnent les animaux qui séjournent
quelque temps sur les terres qui doivent être prochainement mises en
culture, afin qu'elles soient convenablement fumées. Pendant cette
période, les éleveurs circulent librement dans les champs. Ils
ont depuis longtemps tissé des relations étroites avec les
agriculteurs chez lesquels ils descendent. Ils parquent leurs troupeaux dans
les champs de ces agriculteurs. Ces derniers profitent de la fumure organique.
En compensation, les éleveurs reçoivent de ceux-ci protection,
mais aussi récompense sous forme de son pour le bétail. Plusieurs
types de relations se sont développés entre les agriculteurs qui
sont sédentaires et les agriculteurs nomades notamment : le pacage,
l'abreuvage des boeufs, le commerce de bétail, le ravitaillement en
céréales...90
Ces relations bilatérales entre les agriculteurs et
éleveurs se manifestent le plus souvent par le pacage. Lors de la
descente des éleveurs dans la province du Mayo Kebbi-Ouest, ils
s'installent auprès des villages et pâturent leurs boeufs dans les
champs déjà récoltés. Ces relations de
complémentarité pérennes se sont développés
entre eux et certains villages, chaque chef de famille a son éleveur.
Les éleveurs, une fois dans la zone campent dans les champs de leurs
alliés sédentaires. La préoccupation majeure des
éleveurs pendant la sèche est l'abreuvement des leurs animaux.
Dans le Mayo-Kebbi Ouest dont la plupart des habitants sont agriculteurs, il
n'existe pas des puits pastoraux malgré la nouvelle concentration des
éleveurs dans la région. Les puits villageois servent des points
d'abreuvement des animaux. Pour abreuver les animaux dans un village, il faut
l'autorisation du chef de village ou le chef de terre.91 Ces chefs
reçoivent de fois des veaux lors du retour
89 Notamment la Tournée de Sensibilisation
et de Pacification de la Population dans les vingt (20) cantons de la province
du Mayo-Kebbi Ouest du 1er au 30 octobre sur les thématiques
: les enlèvements des personnes contre rançon, les conflits
intercommunautaires, les conflits confits, les conflits
agriculteurs/éleveurs etc. qui a vraiment porté de fruits. Cette
tournée a été initiée par la
Délégation Provinciale des Droits de l'Homme de la Province du
Mayo-Kebbi Ouest.
90 MOHA (Mahaman), Les relations entre
agriculteurs et éleveurs en contexte de crise alimentaire à
Roumbou-Sakabal, Paris, Afrique Contemporaine, 2008/1 N° 225, pp.
137-159.
91 Dans les villages où la tradition donne
plus de pouvoir au chef de terre au détriment du chef de village en
matière de gestion foncière du village.
47
des éleveurs dans leurs zones. Une autre relation de
complémentarité entre les agriculteurs et les éleveurs est
la vente d'animaux et l'achat des céréales par les
éleveurs et vice-versa. Les éleveurs ont souvent besoin des
céréales pour leur propre nourriture mais aussi pour donner aux
animaux. Ces derniers étant nomades et ne produisant pas les
céréales ventent les animaux et achètent des
céréales chez les agriculteurs. Les agriculteurs pour leur part,
ont besoin d'animaux soit pour la pratique de l'agriculture soit pour profiter
des produits dérivés de l'élevage (lait et viande), eux
aussi n'étant pas pour la plupart des propriétaires d'animaux
achètent les animaux chez les éleveurs mobiles. Ces derniers
vendent les animaux moins chers que les éleveurs sédentaires.
En cas de conflit, toutes ces relations favorables à
l'économie de la province sont détériorées. En ce
qui concerne le pacage, les éleveurs, quel que soient les relations
précédentes, ils ne peuvent plus venir s'installer auprès
des villages dont ils ont eu des problèmes avec l'un des ressortissants
par crainte de représailles. Ainsi, les relations bilatérales
entre ces derniers prennent fin causant des manques à gagner des deux
côtés. Parlant des relations d'abreuvement des animaux, elles se
détériorent également en cas de conflit. Un éleveur
mobile ayant des différends avec les ressortissants du village dans
lequel ils abreuvent ses animaux en saison sèche ne peut plus venir dans
ce village.
En fin, s'agissant du troisième type de relation entre
les agriculteurs et les éleveurs (échange des produits) sont
aussi mis en mal lors d'un conflit entre les entités. Les agriculteurs
ou les éleveurs ayant des précédents avec une famille
n'achètent, ni ne vendent leurs produits à ces derniers. Dans cet
esprit, les impacts des conflits liés à la mobilité
pastorale qui sont plus économiques deviennent de plus en plus
sociaux.
SECTION 2 : LES IMPACTS SOCIAUX DES CONFLITS
LIÉS À LA MOBILITÉ
PASTORALE
Les conflits liés à la mobilité pastorale
ont des impacts sociaux dévastateurs parmi lesquels les violations de
droits humains (Paragraphe I) et la mise en mal de la
sécurité des personnes dans la province et la
désorganisation sociale des pasteurs (Paragraphe
II).
PARAGRAPHE I : LES VIOLATIONS DES DROITS HUMAINS
Les conflits liés à la mobilité pastorale
sont des situations dans lesquelles les violations des droits humains sont
très fréquentes. Dans chaque conflit, des milliers de
48
citoyens sont blessés ou perdent la vie
(A) mais aussi et surtout beaucoup d'autres droits humains
sont mis en mal (B).
A. Les blessures et les pertes en vie humaine
L'interactionnisme stratégique nous conduit à
remarquer que les conflits liés à la mobilité pastorale
sont attisés par les intérêts partisans. En plus, ils sont
également attisés la circulation incontrôlée des
armes et des ressentiments vieux comme le monde dans l'environnement rural. Les
pouvoirs publics semblent incapables face l'escalade de la violence et le pays
continue de payer un lourd tribut en vie humaine.
Selon « Le Répertoire de foyers des conflits, des
violations des droits humains et quelques pistes de solutions
»92 du premier trimestre de l'année 2021, sur les dix
(10) conflits recensés, dans chaque conflit, il y a eu au moins trois
(3) morts et cinq (5) blessés.
Le droit à la vie est un droit fondamental reconnu par
la constitution de la République du Tchad en son article 17 qui dispose
: (1) « La personne humaine est sacrée et inviolable
» ; (2) « Tout individu a droit à la vie, à
l'intégrité de sa personne, à la sécurité,
à la liberté, à la protection de sa vie privée et
ses biens » et les instruments internationaux de droits humains dont
le Tchad fait partie notamment la Déclaration Universelle des Droits de
l'Homme du 10 décembre 1948 qui dit « Toute personne a droit
à la vie ». Ce droit ne peut être assuré que si
l'Etat crée des conditions nécessaires à la garantie de la
sécurité des personnes et garantit le droit à une vie
décente. C'est le sens de l'article 11 aliéna 1 et 2 du pacte
relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
Ce phénomène est accentué par
l'apparition des nouveaux éleveurs c'est-à-dire les
autorités administratives et militaires propriétaires de
bétail. Ces derniers ne sont pas sur le terrain. Ils ont des bouviers
qui travaillent pour eux, ces bouviers sont souvent choisis parmi les anciens
éleveurs et les fils des éleveurs de la communauté peule
ou haoussa. Ces éleveurs sont armés par ces autorités sous
prétexte de protection. Les bergers sont des « vrais provocateurs
» selon le langage des agriculteurs. Ils font entrer les animaux dans les
champs sciemment car ils savent sur qui ils comptent en cas de conflit. Ces
bouviers ne peuvent pas être attaqués sur le terrain par les
agriculteurs parce qu'ils détiennent une arme de guerre et
92 C'est un document élaboré par le
Délégué Provincial des Droits de l'Homme à
l'attention du Gouverneur de la Province du Mayo-Kebbi Ouest qui
répertorie les conflits et les violations des droits humains et essaye
de proposer des solutions à ces derniers.
49
quand le problème ira un peu plus loin, les patrons
prendront la relève. Ces bouviers n'hésitent même pas
à tirer à bout portant sur les personnes avec lesquels ils sont
en conflit, la plupart succombent de suite des blessures. Comme nous le dit un
agriculteur de Carrière, il est fort probable qu'on t'ôte la vie
dans ton champ pour avoir dit un mot qui ne plait à un bouvier. Qui plus
est, les éleveurs peuls utilisent les flèches trempés dans
les matières toxiques pour tirer sur les ennemis en cas de conflit. Ces
flèches tuent au moindre contact, c'est ce qu'on appelle en droit
l'homicide volontaire. La plus grave des atteintes aux droits humains est
l'homicide volontaire mais lors des conflits liés à la
mobilité pastorale d'autres droits humains sont également
violés.
B. Les autres violations des droits humains
Lors des conflits, aucun droit humain n'est respecté.
Les violations des droits partent la perte de la vie humaine aux arrestations
et détentions illégales en passant par les préjudices
physiques.
S'agissant des droits économiques, sociaux et
culturels, civils et politiques, il faut noter l'efficacité des
garanties constitutionnelles des droits de l'homme et des libertés
fondamentales : les droits civils et politiques consacrés par les
principaux instruments internationaux sont intégrés dans le
corpus de la constitution. Mais dans la pratique tout diffère, tous ces
droits mentionnés en noir sur blanc dans la constitution sont
bafoués lors des conflits liés à la mobilité
pastorale. L'article 18 de la constitution de la République du Tchad
dispose : « Nul ne peut être soumis, ni à des services ou
traitements dégradants et humiliants, ni à la torture
», l'article 19 de la constitution dans le même élan
dispose : « L'esclavage, la traite des êtres humains, le travail
forcé, la torture physique ou morale, les traitements inhumains, cruels,
dégradants et humiliants, les violences physiques, les mutations
génitales féminines, les mariages précoces ainsi que
toutes les autres formes d'avilissement de l'être humain sont interdites
», et l'article 21 est bref et concis : « Nul ne peut
être tenu en esclavage ou en servitude ». Ces trois passages de
la constitution consacrent le droit au respect de l'intégrité de
tout citoyen. Par ces dispositions, le constituant tchadien condamne fermement
toute atteinte illégale à l'intégrité physique.
Dans le premier, il interdit absolument les services ou traitements
dégradants et humiliants, et la torture. Dans le second, il interdit
avec la même rigueur l'esclavage, la traite des êtres humains, le
travail forcé, la torture physique ou morale, les traitements inhumains,
cruels, dégradants et humiliants, les violences physiques, les mutations
génitales féminines, les mariages précoces ainsi que
toutes les autres
50
formes d'avilissement de l'être humain. Dans le
troisième, il interdit formellement l'esclavage et la servitude. Le
législateur énumère l'article 21 de la constitution pour
besoin d'insistance, car les deux pratiques sont déjà interdites
dans les articles 18 et 19. Les droits sus cités sont mis en mal lors
des conflits liés à la mobilité pastorale. Les
éleveurs nomades, en déplacement achètent sur place des
enfants mineurs pour garder leurs boeufs. Ils les traitent comme des
bêtes de somme. Ces enfants sont vendus par leurs parents avec la
complicité des autorités locales. En guenilles, chaussures
usées au pied, les yeux rouges et mine renfrognée, ces enfants
essaient tant bien que de regrouper des troupeaux d'environ deux cent (200)
boeufs. L'âge de ces enfants bergers varie dans la plupart des temps de
treize (13) à neuf (9) ans. Il existe dans la région des
centaines d'enfants gardiens des boeufs de moins de dix-huit
(18) ans. Ils doivent garder les boeufs pour subvenir aux
besoins de leur famille et particulièrement de leur père qui
bénéficie des avantages sur le dos de ces enfants. Ces enfants
bouviers ont chaque année un veau pour un troupeau de cinquante (50)
à cent (100) boeufs et une somme de quinze mille (15 000) francs en
guise de récompense. Ils parcourent des milliers de kilomètres
à pieds, ils conduisent des fois les boeufs jusqu'à Adoumri au
Cameroun qui est un carrefour de vente des boeufs dont les commerçants
viennent du Tchad, du Cameroun, de la Centrafrique, de la République
Démocratique du Congo et du Nigéria. Ces enfants sont de plus en
plus maltraités par les propriétaires des boeufs, ils sont
souvent ligotés et frappés par ces derniers. Loin de leurs
parents, ces enfants sont obligés de reprendre le chemin de la brousse
avec les animaux. Ils passent de fois plus de trois jours sans rien manger et
leurs moments de repos sont en fonction de ceux des bêtes. «
L'esclave n'a pas droit à la nourriture » répondent
les propriétaires des boeufs lorsque les bouviers réclament de
quoi à se mettre sous la dent, les moins cyniques leur remettent en
guise de ration alimentaire journalière un peu de pâte de mil et
du lait caillé.93 Ils doivent se contenter des fruits
sauvages et boire, comme les bêtes dont ils ont la garde, les eaux
insalubres des mares et des marigots. Ils dorment la nuit parmi les boeufs
à même que le sol. Plus, ils n'ont jamais accès aux soins,
malheur à celui qui tombera malade. « Un jour, j'étais
tellement malade et un agriculteur m'a donné les médicaments. Il
m'a trouvé couché sous un arbre, en pleine brousse où je
n'avais plus la force de contrôler les boeufs. Il m'a ainsi aidé
juste pour l'amour de Dieu, si cet homme ne me donnait les médicaments
j'allais mourir, mes parents sont à plus 200 km d'ici » dit un
enfant bouvier qu'on a rencontré à la sortie de Carrière
sur la route de
93 ARTIDI (Claude), Les « enfants bouviers
» du sud du Tchad, nouveaux esclaves ou apprentis éleveurs ?,
Cahiers d'Etudes africaines, Volume 45, Cahier 179/180, 2005, p. 717.
Fianga. Dans ces conditions inhumains et dégradants,
certains ne pouvant pas supporter abandonnent le troupeau et fuient.
Malheureusement, ils sont très vite rattrapés et reconduits dans
les troupeaux par les propriétaires des boeufs qui sont pour la plupart
des militaires et des administrateurs qui convoitent le sud du pays pour
l'élevage qui sera un complément à leurs salaires. La
chance de ces enfants d'échapper des mains de ces propriétaires
est très mince. Cette question a été soulevée en
1993 lors de la Conférence Nationale Souveraine94 et reprise
au Forum National Inclusif de 2018 mais il n'y a pas encore de manifestations
pour pallier à ce phénomène.
Tous les droits relatifs à la justice sont mis en mal
lors des conflits liés à la mobilité pastorale. L'article
22 de la constitution dit : « les arrestations et détentions
illégales et arbitraires sont interdites ». Lors des conflits,
les arrestations illégales sont innombrables. Les agriculteurs sont de
plus en plus les victimes de ces arrestations. La plupart des éleveurs
sont les autorités administratives (gouverneur, préfet
sous-préfet) et militaires (Commandant de zone, commandant de brigade,
commissaire de police...) et des proches des militaires. Ceux-ci dès
qu'un problème éclate contre les agriculteurs, ils arrêtent
automatiquement ces derniers et les conduisent soit à la brigade soit au
commissariat de police où ils sont détenus sans accès
à la justice durant des semaines voire des mois. Plus grave, ils sont
conduits à la maison d'arrêt sans passer devant un juge. C'est
tout à fait contraire à l'article 23 de la Constitution qui
dispose : « Nul ne peut être détenu dans un
établissement pénitentiaire s'il ne tombe sous le coup d'une loi
pénale en vigueur ». L'article 26 de la Constitution est clair
: « La peine est personnelle. Nul ne peut être rendu responsable
et poursuivi pour un fait non commis par lui ». Mais la
responsabilité pénale collective est très fréquente
dans la province du Mayo-Kebbi Ouest notamment lors des conflits liés
à la mobilité pastorale. Quand une personne est recherchée
pour une responsabilité, un de ses proches est arrêté pour
contraindre le coupable à revenir. Cette pratique est contraire à
l'article 26 de la Constitution. L'article 27 de la Constitution interdit plus
clairement la responsabilité collective en ces termes : « Les
règles coutumières et traditionnelles relatives à la
responsabilité pénale collective sont interdites ».
D'autres droits fondamentaux relatifs à la justice sont
également foulés au pied notamment la présomption
d'innocence et l'accès même à une justice satisfaisante.
Pour le premier cas, l'article 25 de la Constitution de la République du
Tchad dispose : « Tout
51
94 Ibid.
52
prévenu est présumé innocent
jusqu'à l'établissement de sa culpabilité à la
suite d'un procès régulier offrant des garanties indispensables
à sa défense ». Tant qu'un jugement de condamnation
définitive n'est pas intervenu, l'inculpé doit être
considéré comme innocent même s'il existe contre lui des
indices graves et concordants de culpabilité. En outre, il revient
à celui qui accuse d'apporter les preuves de la culpabilité, le
doute profitant à l'accusé. La présomption d'innocence qui
est un droit fondamental qui est méconnue quand les conflits opposent
les riches propriétaires des boeufs aux pauvres agriculteurs.
L'agriculteur est jeté en prison avant que sa culpabilité ne soit
établie par une juridiction compétente. Pour le second, il
ressort clairement de la Constitution du Tchad que la loi assure à tous
les hommes le droit de se faire justice. Ainsi, deux conditions doivent
être remplies. En premier lieu, la justice doit être accessible au
justiciable. La justice n'est pas accessible à tous citoyens surtout
lors des conflits liés à la mobilité pastorale. La
corruption perpétuée par les nantis, la lenteur, le coût de
la justice font qu'elle n'est pas accessible à tous. En second lieu, le
justiciable doit avoir confiance à ses juges. Pour dire autrement, le
justiciable doit être jugé par un juge indépendant et
impartial. Cette confiance du justiciable envers ses juges est loin de
s'établir car l'argent a tout gâté comme le dit dans le
langage de la province.
L'article 28 de la Constitution tchadienne dispose : «
Les libertés d'opinion et d'expression, de communication f...] de
circulation f...] sont garanties à tous ». L'alinéa 1
de l'article 7 du code pastoral dispose : « La mobilité
pastorale à l'intérieur du territoire national est une
liberté reconnue à tout éleveur dans le respect de la
réglementation nationale en vigueur et des us et coutumes de la zone
d'accueil », cette disposition vient en complément à
l'article 28 de la constitution pour garantir la mobilité pastorale. Par
ces dispositions, le constituant tchadien proclame la liberté d'aller et
de revenir qui comprend la liberté de mouvement. La liberté de
mouvement dont il est question renvoie à la liberté de
circulation à l'intérieur du pays, bien que libre, elle peut
être soumise au contrôle d'identité au niveau des
barrières de police ou de gendarmerie. C'est sont là les
restrictions à la liberté d'aller et de revenir qui sont
fixées pour des raisons de sécurité intérieure,
d'ordre public et même de santé publique. S'il faut
apprécier la clarté de ces dispositions qui garantissent la
liberté de circulation, toute fois la réalité
diffère. Les éleveurs en mobilité subissent toute forme de
tracasserie, dans les villages où ils passent, leurs biens subissent des
violences physiques qui vont des blessures jusqu'à la mort de l'animal
des fois, le vol de bétail etc.
Le droit de propriété est un droit fondamental.
C'est le droit de posséder des biens, d'en jouir à l'effet de
réaliser sa destinée personnelle en s'appropriant tant
socialement
53
qu'économiquement. L'Etat ne peut en priver l'individu
que dans les cas où l'intérêt général est mis
en cause. Dans ce cas, on parlera d'expropriation pour cause d'utilité
publique. L'Etat qui exproprie pour cause d'utilité publique devra
indemniser le propriétaire. Elle est inviolable et sacrée.
L'article 45 de la Constitution est sans ambiguïté : « la
propriété privée est inviolable et sacrée
». Le principe est que la propriété est un droit
imprescriptible et sacré de l'homme, pourtant la réalité
diffère. On constate une inégalité flagrante en
matière de propriété surtout lors des conflits liés
à la mobilité pastorale. La destruction des champs par les
éleveurs ; les blessures et les tueries d'animaux par les agriculteurs
sont des graves violations du droit de la propriété
privée. Ces violations des droits humains sont étroitement
liés à la mise en mal de la sécurité des personnes
dans la province et à la désorganisation sociale des pasteurs.
PARAGRAPHE II : LA MISE EN MAL DE LA
SÉCURITÉ DES PERSONNES DANS LA PROVINCE ET LA
DÉSORGANISATION SOCIALE DES PASTEURS
Les conflits liés à la mobilité pastorale
sont des facteurs de mise en mal de la sécurité des personnes
dans la province (A) et désorganisent socialement les
pasteurs (B).
A. La mise en mal de la sécurité des
personnes dans la province
L'insécurité généralisée
qui sévit dans la province du Mayo-Kebbi Ouest depuis plus de dix (10)
ans ne laisse pas indifférent les éleveurs pasteurs. La
présence des bandits armés de grand chemin dans les brousses
où les éleveurs mobiles font pâturer les boeufs
entretiennent cette insécurité. Les plus grandes victimes des
enlèvements contre rançons sont ces éleveurs ou leurs
bouviers. Le premier risque pour les éleveurs ou les bouviers est celui
de l'atteinte à leur intégrité physique. Dans la province,
nombreux sont de cas d'assassinat d'éleveurs, tentant de rentrer dans
leurs territoires d'attache. Il y a également les risques de rackets et
spoliation pour les éleveurs. Les éleveurs sont souvent victimes
de vol d'une partie ou la totalité de leurs troupeaux. Les
éleveurs sont obligés de se soumettre aux lois de ces «
forces négatives » qui les contraignent de les verser des taxes
forfaitaires afin de bénéficier de leur faveur voire de louer
leurs services pour la protection du bétail. Pour ceux qui
résistent, les membres de leurs familles sont pris en otage contre
rançons. En 2016, il y a dans la province vingt un (21)
enlèvements ont été perpétrés par les
malfrats et trente-quatre (34) prises d'otage contre rançons. Un total
de 13.500.000 de F CFA de rançons a été versé
aux
54
malfrats95. Plus de la moitié des victimes
de ces crimes sont des éleveurs. Tous ces risques obligent en ce moment
les éleveurs à s'installer non loin des villages et des grands
centres afin de se sentir en sécurité. Mais en faisant ceci, ils
prennent le risque de se retrouver à proximité des champs, ce qui
favorise des dégâts de culture, source de conflits avec les
agriculteurs, mettant de nouveau à péril la cohabitation
déjà fragile.
Les attaques collectives des campements des éleveurs
peuls ou haoussas soit par les agriculteurs qui se vengent de la destruction
des champs soit par des bandits armés dont le but est de prendre les
otages contre rançons sont très fréquentes. Les attaques
collectives des campements sont souvent injustifiées, car on y arrive
très difficilement à établir réellement que les
champs ont été détruits par les boeufs de tel ou tel autre
troupeau. Dans les situations pareilles, les agriculteurs sous les effets de la
colère agissent en allant attaquer les ferriques des éleveurs les
plus proches et la rétorque des éleveurs n'attend pas aussi. Les
agriculteurs et les éleveurs sont méfiants les uns envers les
autres, chacun se prépare pour riposter en cas d'attaque. Ce qui
crée une menace d'insécurité et une
insécurité réelle.
Dans leur déplacement, les boeufs côtoient les
aires protégées comme ci-haut mentionné, ce qui met en
conflit les écogardes et les éleveurs. Quand les boeufs entrent
les parcs nationaux ou les forêts classées, des
négociations sont entamées entre ces deux acteurs. La plupart des
écogardes considérant les conditions dans lesquelles ils
travaillent acceptent les avances des éleveurs. Les écogardes
récalcitrants n'acceptant pas les avances des éleveurs sont
élimés par ces derniers qui se regroupent en une dizaine de
personnes et attaquent collectivement les écogardes. Il y a aussi une
menace d'insécurité du côté des éleveurs, car
les écogardes sont équipés par l'Etat pour défendre
l'environnement. Ils ont à leur disposition une arme de guerre avec des
munitions et un téléphone tokaï. Les
écogardes n'hésitent pas à tirer à balle
réelle sur les éleveurs avec lesquels ils sont en conflit. Quand
c'est possible de négocier, les éleveurs négocient la paix
avec de l'argent ou les têtes des boeufs.
La détention illégale d'armes de guerre par les
éleveurs et leurs bouviers aggrave cette insécurité. Ces
armes servent de défense pour les éleveurs qui parcourent des
milliers de kilomètres avec les boeufs et en cas de conflit avec les
agriculteurs ces mêmes armes sont utilisées pour perpétuer
des dégâts sur les agriculteurs. Cette détention d'armes
par les éleveurs crée des sentiments d'insécurité
chez les agriculteurs. En plus de ces armes de
95 Compte rendu de la première
réunion annuelle régionale de sécurité dans la
province du Mayo-Kebbi Ouest du 02 Mars 2017, p. 3.
guerre, les flèches souvent trempées dans des
matières toxiques détenues par les éleveurs peuls et
haoussas créent ce sentiment d'insécurité chez les
agriculteurs car les flèches tuent au moindre contact. La
présence des malfrats dans les brousses créent aussi chez les
éleveurs un sentiment d'insécurité. Cette
insécurité à la longue entraine la perte du bétail
et cette perde du bétail est synonyme de désorganisation sociale
chez les pasteurs.
B. La désorganisation sociale des pasteurs
Les conflits liés à la mobilité pastorale
ont eu des conséquences très graves sur la vie des
éleveurs. Plusieurs éleveurs ont perdu complètement leurs
animaux. Les conséquences de ces pertes vont effectuer pendant de
nombreuses années les populations les plus touchées. C'est ainsi
que des éleveurs transhumants se sont sédentarisés dans la
vallée, perdant ainsi leur mode de vie pastorale. Au niveau individuel,
les pertes ont été si sévèrement ressenties que
cela s'est accompagné de perte de repères
socio-psychologiques.96 Pour la plupart d'éleveurs, les
animaux ne sont pas juste une richesse mais des compagnons de longues dates. Il
n'est pas rare de voir dans la province du Mayo-Kebbi Ouest, des
éleveurs devenir fous après avoir perdu une partie ou la
totalité de leur troupeau. Certains, quand ils perdent les animaux
n'arrivent pas à faire un autre travail, ils ne se sentent à
l'aise qu'à côté des animaux. C'est la raison pour
laquelle, la plupart des anciens éleveurs ayant perdu leurs animaux sont
recrutés par les propriétaires des boeufs bien placés en
ville pour garder leurs animaux où ils sont récompensés
chaque année avec une somme de quinze mille (15.000) F CFA et un
veau.
Une manifestation de la désorganisation des
éleveurs est la paupérisation. Les éleveurs
tchadiens sont depuis un temps affectés par un
processus de paupérisation. Cette paupérisation est
provoquée par une diminution importante de l'effectif de troupeaux. Le
cheptel des familles était estimé à deux-cent (200)
têtes de boeufs au début des années 2000 mais aujourd'hui,
on l'estime de soixante-dix (70) à cent (100) bêtes de boeufs.
55
96 MOHA (Mahaman), op cit.
56
CONCLUSION DU CHAPITRE I
En guise de conclusion de ce chapitre, nous pouvons retenir
que les conflits liés à la mobilité ont des
conséquences fâcheuses sur le développement
économique et social de la province. Les conséquences de ces
conflits ne favorisent pas un décollage économique effectif de la
province et maintiennent celle-ci dans une pauvreté endémique
inexplicable malgré toutes ses richesses. Sur le plan économique,
ils affectent l'économie verte dans son ensemble et
particulièrement les champs. En plus de ces impacts sur l'environnement
et l'élevage, lors des conflits à la mobilité pastorale,
les animaux sont victimes des crimes et cruautés humains et il y a une
détérioration des termes d'échange entre les agriculteurs
et les éleveurs. Sur le plan social, ils mettent en péril la
sécurité des personnes et de leurs biens, la
désorganisation sociale des pasteurs et la violation de tous les droits
humains protégés par une multitude d'instruments nationaux et
internationaux. Le développement d'une localité va de pair une
bonne gouvernance, à voir de près tous ces impacts des conflits
liés à la mobilité pastorale sont entretenus par la
mauvaise gouvernance. Alors, quels sont les impacts de la mauvaise gouvernance
sur ces conflits ? Une réponse pertinente à cette question nous
oriente à démontrer que les conflits liés à la
mobilité sont des effets de la mauvaise gouvernance.
CHAPITRE II :
LES CONFLITS LIÉS À LA
MOBILITE
PASTORALE, EFFETS DE LA MAUVAISE
GOUVERNANCE
57
58
Les conflits liés à la mobilité pastorale
sont une manifestation de mauvaise gouvernance de la province du Mayo-Kebbi
Ouest particulièrement et du Tchad d'une manière
générale. Ils détruisent la gouvernance de la province et
freinent tous les efforts des gouverneurs qui souhaitent installer un
système de gouvernance basé sur la transparence de la gestion des
affaires publiques de la province. Parmi ces facteurs qui aggravent les
conflits d'une manière générale et les conflits
liés à la mobilité pastorale d'une manière
particulière, il y a d'une part la politisation et la mauvaise gestion
des conflits (Section 1) et d'autre part la pluralité
des instruments juridiques dans la gestion des conflits liés à la
mobilité pastorale (Section 2). C'est sont
réelles difficultés de lutte contre les conflits liés
à la mobilité pastorale.
SECTION 1 : POLITISATION ET MAUVAISE GESTION DES
CONFLITS
Les conflits liés à la mobilité pastorale
s'aggravent par le fait que les conflits sont politisés
(Paragraphe I) et de la mauvaise gestion de ces derniers
(Paragraphe II).
PARAGRAPHE I : POLITISATION DES CONFLITS
Les conflits liés à la mobilité pastorale
sont politisés par la tendance à la bipolarisation des conflits
en clivage nord/sud et musulman/chrétien (A) et par le
soutien aveugle des élus locaux, des hommes politiques, des hommes
d'affaires voire les autorités administratives aux protagonistes
(B).
A. La bipolarisation des conflits en clivage nord/sud et
musulman/chrétien
Comme tous les problèmes dans la province du Mayo-Kebbi
Ouest, les conflits liés à la mobilité pastorale ont
tendance à être bipolarisés en nord/sud et en
musulman/chrétien. Au Tchad, le nord du pays est peuplé des
musulmans majoritairement éleveurs et commerçants. Ces
éleveurs du nord, compte tenu du manque ou du retard de la
pluviométrie au nord du pays et de la croissance du nombre de
bétail descendent au sud du pays dont les conditions de l'élevage
sont réunies en saison sèche et remonter au nord en saison
pluvieuse. Les agriculteurs du sud pensent que les éleveurs envahissent
leur territoire et qu'ils surexploitent les ressources naturelles de leur
territoire. En plus de cela, les séries de crises qui ont secoué
le Tchad depuis son accession à l'indépendance ont porté
des rudes coups à l'autorité de l'Etat et ont agi
profondément sur le tissu de coexistence pacifique entre les
éleveurs et les agriculteurs. L'Etat tchadien ne parvient pas à
assurer l'équilibre entre le monopole des
59
agriculteurs et des éleveurs.97 Ces crises
ont contribué à la bipolarisation de toute chose en nord/sud et
musulman/chrétien dont les conflits agriculteurs/éleveurs. Ces
mots (nordiste, sudiste, musulman et chrétien) sont utilisés pour
diviser les tchadiens, c'est pourquoi certaines crises prennent très
rapidement des tournures des conflits religieux ou régionalistes. Les
agriculteurs et éleveurs sont devenus méfiants des uns
vis-à-vis des autres. Quand un problème oppose un agriculteur du
sud et un éleveur du sud, le problème est rapidement
réglé chez les chefs traditionnels de la localité car
c'est une population homogène qui obéit à la même
tradition et la même religion. Mais au contraire quand le problème
oppose un éleveur originaire du nord et un agriculteur originaire du sud
la résolution de celui-ci devient de plus en plus complexe. Les
éleveurs refusent de résoudre les problèmes chez les chefs
traditionnels qui sont eux-mêmes des agriculteurs ou les proches des
agriculteurs. Ils trouvent toujours que les jugements de ces chefs sont
impartiaux et les agriculteurs quant à eux rejettent
catégoriquement les jugements devant les commandants de brigade ou les
autres autorités militaires et administratives qui sont des
propriétaires de bétail ou des proches des nantis
éleveurs, des commerçants bien placés en ville pour la
plupart. La quasi-totalité de ces commandants de brigade qui se
succèdent dans la province du Mayo-Kebbi Ouest sont des originaires du
nord et musulmans, ils ne font jamais un jugement indépendant et
impartial selon tous les agriculteurs rencontrés. Il existe une autre
dimension de ce clivage qui est plus grave et qui constitue une réelle
menace à la cohabitation des populations dans la province, c'est
l'opposition entre musulmans et chrétiens de la province. Dans la
province du Mayo-Kebbi Ouest, il y a des autochtones qui sont des musulmans
(les peuls). Même si les problèmes entre les agriculteurs
chrétiens et animistes et les éleveurs peuls musulmans n'ont pas
les mêmes ampleurs que les problèmes entre les agriculteurs du sud
et les éleveurs originaires du nord, ils sont plus complexes que ceux
qui opposent les agriculteurs et les éleveurs chrétiens ou
animistes. Ces protagonistes sont des fois soutenus dans ces conflits par les
élus locaux, les hommes politiques et des hommes d'affaires.
97 Document MEC, Programme visant
l'amélioration des relations et la résolution des conflits entre
éleveurs et cultivateurs au Tchad, 2007, p. 33.
60
B. Des conflits maintenus par le soutien des élus
locaux, des hommes politiques et des hommes d'affaires
Un autre facteur et non des moindres qui influence le
comportement des protagonistes, c'est le soutien de certains élus
locaux. Le conflit entre agriculteurs et éleveurs est devenu le cheval
de bataille des revendications des leaders politiques98. Les
conflits agriculteurs/éleveurs sont causés, animés et
maintenus par les hommes politiques. Le défunt président de la
République Idriss Deby Itno disait ceci en 2019 dans un discours :
« Les conflits intercommunautaires ne sont pas simplement
localisés dans une seule province du Tchad mais pratiquement sur
l'ensemble du territoire. C'est un phénomène qui est quelque part
initié ici à N'Djamena par des hommes politiques. Je pense que
nous devrions engager une guerre totale contre ceux qui portent des armes
illégalement et contre ceux qui sont à l'origine des morts
d'hommes dues à ces conflits sur l'ensemble du territoire.»
Cette allocution du président Deby prouve à suffisance que le
gouvernement est conscient du rôle que jouent les leaders politiques dans
l'aggravation des conflits entre agriculteurs et éleveurs. Lors d'un
déplacement dans le sud du pays, Saleh Kebzabo, leader de l'Union
Nationale pour la Démocratie et le Renouveau (UNDR) principal parti de
l'opposition dit dans un discours : « Défendez vos villages !
Les sudistes sont désarmés. Eux, ils sont armés. Deby ne
nous aime pas. Personne ne va vous protéger contre eux. Ils sont
armés, défendez-vous et ne vous laissez pas faire
»99. Ces propos de l'opposant Kebzabo ne sont pas
favorables au vivre-ensemble. Ces leaders tapis dans l'ombre tirent les
ficelles de ces conflits. Ce discours est un gravissime même si la
situation est grave. Il appelle à une véritable action pour
mettre fin à ce phénomène qui endeuille des familles
tchadiennes presque de manière cyclique100.
Les élus locaux, s'ils veulent favoriser le
renouvellement de leur mandat, doivent composer avec l'opinion du groupe
majoritaire. Dans la province du Mayo-Kebbi Ouest, les groupes majoritaires
sont les agriculteurs, c'est pourquoi ces derniers ne manquent le soutien des
députés et des conseillers municipaux. Certains élus
mènent des actions de développement
98 MARTY (André) et al. op cit. p. 58.
99 Nous avons eu ces propos de Saleh Kebzabo dans un
audio de vingt-sept (27) minutes qui a fait le tour de la toile tchadienne.
100 Journal le Sahel, Fini l'hypocrisie et les intentions
masqués ? Les agendas cachés sortent du terroir des politiciens,
[En ligne] disponible sur
www.lesahel.td,
consulté le 30 mai 2021.
61
de leur terroir mais dans le but d'allier la grande partie de
la population à leur parti font preuve de partialité dans la
gestion des conflits agriculteurs et éleveurs.101
Les hommes d'affaires financent mêmes les protagonistes
depuis la capitale. C'est le cas du conflit ayant opposé les
agriculteurs aux éleveurs dans le village Tehauré, canton
Doué, Département de El-Ouya, sous-préfecture de
Lamé rural où un agriculteur du nom Patalet Keudeu Laya
âgé de soixante-sept ans a été battu à mort
dans son champ et est retrouvé par les éleveurs peuls. Un
ferrique des éleveurs voisin au village est accusé par la
population. 102 Dans ce conflit, les hommes d'affaires
ressortissants de cette sous-préfecture ont dépensé des
sommes colossales pour le retrouver les criminels qui ont tué leur
frère, cette affaire a fait plus d'un an à la justice. Des
exemples peuvent être multipliés dans toutes les
sous-préfectures de la province. Les hommes d'affaires se regroupent et
collectent de l'argent pour aider leurs frères qui ont des
problèmes à la justice. Qui pire est, ces hommes d'affaires
convainquent leurs frères ne pas laisser tomber les problèmes
même s'ils sont conscients que les leurs sont fautifs et arrivent des
fois même à faire triompher leurs frères grâce
à la mauvaise gouvernance.
PARAGRAPHE II : MAUVAISE GESTION DES CONFLITS
L'erreur la plus abondante dans la gestion des conflits
liés à la mobilité pastorale est la méconnaissance
des acteurs autour de ces conflits (A), la corruption et les
fortes amendes lors de règlement de ces conflits sont aussi des effets
de la mauvaise gouvernance (B).
A. Le flou au tour des acteurs des conflits
Lorsqu'on pose mal un problème, on ne contribue plus
à le résoudre103. Le plus grand problème dans
la gestion des conflits liés à la mobilité pastorale,
c'est la méconnaissance des acteurs en présence. On a tendance
à ne voir que les agriculteurs et les éleveurs. Avant de donner
des détails sur les acteurs de ces conflits, il est intéressant
de connaitre le sens du mot acteur. L'acteur dans un conflit est un individu ou
groupes d'individus membre d'une communauté qui pose des actes selon les
objectifs qu'il vise. Plus simplement, l'auteur est la personne qui est
à l'origine de quelque chose. La théorie du conflit nous permet
de remarquer
101 MARTY (André) et al. ibid.
102 Rapport de la Délégation des Droits de
l'Homme sur le répertoire des foyers des conflits et des violations des
droits humains, 2019, pp. 5-6.
103 ATCHÉNÉMOU (Avocksouma Djona), Quand un
problème est mal posé, lu le 25 novembre 2020, page
Facebook.
62
avec aisance que les acteurs en présence sont nombreux
et chacun lutte pour préserver ses intérêts. Les acteurs
des conflits liés à la mobilité pastorale sont : d'une
part les éleveurs et les bouviers qu'on peut qualifier d'acteurs actifs,
car c'est eux qui sont à la source de tout problème du fait
qu'ils se déplacent avec les animaux qui causent des dégâts
au long de leur trajet et d'autre part les agriculteurs, l'Etat et
accessoirement les pêcheurs qu'on peut qualifier d'acteurs passifs qui
subissent les dommages causés par les animaux. Les éleveurs
entrent en conflit avec les agriculteurs lorsque les animaux détruisent
les champs de ces derniers, avec les l'Etat lorsque les animaux en
déplacement côtoient les aires protégées et avec les
pêcheurs lorsque les animaux détruisent les filets de pêche.
La première catégorie d'acteurs, c'est sont les éleveurs,
qui sont les propriétaires de bétail. Ces éleveurs, dans
la zone du Mayo-Kebbi Ouest sont les peuls et les haoussas, tous des musulmans.
À ceux-ci, il faut ajouter les commerçants, les militaires, les
autorités administratives qui sont détentrices des capitaux
investis préférentiellement dans le bétail. C'est sont
ceux-là que le code pastoral nomme expressément « les
propriétaires de capital-bétail ». La deuxième
catégorie d'acteurs, c'est sont les agriculteurs. Ces agriculteurs sont
des sédentaires. Dans la région du Mayo-Kebbi Ouest, à
part les groupes sus cités, tous les groupes sont des agriculteurs,
chrétiens et animistes. Il y a une autre catégorie d'acteurs,
souvent négligée par tout le monde, pourtant ils sont les acteurs
les plus importants, c'est sont les bouviers. Ceux-ci sont les employés
des éleveurs et c'est eux qui sont au-devant de la scène. Ils
sont malproprement qualifiés d'éleveurs. La dernière
catégorie d'acteurs, c'est sont les pêcheurs. Ces derniers entrent
en conflit avec les éleveurs transhumants quand les animaux, au passage
détruisent les filets de pêche. Les conflits entre les
éleveurs et les pêcheurs sont assez rares, car le Mayo-Kebbi Ouest
n'est pas une zone d'intense pêche, excepté le Lac
Léré. Même si ces conflits ont eu lieu autre fois autour du
Lac Leré, ils restent très limités. L'Etat est un acteur
incontournable dans les conflits liés à la mobilité
pastorale, car il est souvent en conflit avec les éleveurs quand les
animaux entrent dans les aires protégés. Les écogardes
sont souvent tués et abandonnés en pleine brousse par les groupes
d'éleveurs. Ce flou au tour des acteurs des conflits liés
à la mobilité pastorale, la corruption et les fortes amendes lors
de règlements des conflits sont des freins à la bonne
gouvernance.
B. La corruption et les fortes amendes lors de
règlement des conflits
Lors de règlement des conflits liés à la
mobilité, les parties sont confrontées à plusieurs
contraintes au premier rang desquelles la corruption et fortes amendes. Les
chefs traditionnels sont les premières autorités qui tentent de
résoudre les problèmes entre les
agriculteurs et les éleveurs. Ces autorités sont
corrompues de telle sorte que la population ne les fait plus confiance. Les
chefs traditionnels reçoivent des différents cadeaux de la part
de la population. Ces cadeaux sont pour la plupart reçus par ces chefs
avant que les problèmes ne déclenchent. C'est en quelque sort des
investissements corruptifs des populations. Il n'est pas rare de voir les
agriculteurs donner une partie importante de leur récolte au chef de
canton, au chef de village ou au chef de terre. Les éleveurs qui
séjournent dans une zone donnent des veaux à ces chefs
traditionnels du territoire d'accueil lors de leur retour dans leur zone
d'origine. Ces chefs qui reçoivent ces cadeaux ont une obligation morale
de se pencher du côté de leur bienfaiteur lorsque celui-ci se
présente devant lui pour un problème. Les autorités
administratives (sous-préfet, préfet et gouverneur) et les
autorités militaires (particulièrement les commandants de
brigade) ne sont non plus épargnées par ce
phénomène de corruption endémique. Il suffit de faire des
propositions concrètes à ces autorités pour gagner un
jugement. Devant les autorités administratives et militaires, c'est sont
généralement les éleveurs qui gagnent les jugements car
ils sont pour la plupart des nantis et qui ont l'élevage comme
deuxième ou troisième source de revenu. Cette corruption est
devenue générale et n'épargne aucune institution
même la justice. La justice est devenue un lieu où les plus
offrants gagnent toujours les procès. Les justiciables mettent en gage
des têtes d'animaux et d'autres biens ou donnent des sommes colossales au
juge en passant souvent par les huissiers qui leur facilitent la tâche
pour que ces derniers leur donne raison lors d'un jugement. Certains activent
leurs relations personnelles, leurs liens de parenté avec les juges ou
leurs proches pour que les jugements soient en leur faveur.
Qui plus est, des fortes amendes en nature ou en
espèces sont demandées à l'agriculteur et à
l'éleveur juste pour grossir leurs comptes et leurs propres troupeaux et
ne servent pas ou peu aux victimes pour la réparation de dommages
causés.104 Cette pratique est la favorite des commandants de
brigade qui pour la plupart sont des propriétaires de bétail dans
la zone où ils sont affectés. Ces commandants, quand ils arrivent
dans la province du Mayo-Kebbi Ouest, leur première intention c'est
d'élever les boeufs et faire grossir progressivement leur troupeau ou
remplir leurs comptes bancaires avant qu'ils ne soient affectés dans une
autre province moins propice ou démit de leur fonction. Le poste de
Commandant de Brigade de Pala est un poste juteux très convoité
par les proches du régime où les personnes affectées
peuvent profiter de la pluralité des instruments juridiques de la
63
104 MASSALBAYE, 1999 cité par MARTY (André) et al,
p. 60.
64
gestion des conflits liés à la mobilité
pastorale, manier le droit et se remplir les poches, les comptes bancaires et
les troupeaux.
SECTION 2 : PLURALITÉ DES INSTRUMENTS
JURIDIQUES DANS LA GESTION DES CONFLITS LIÉS À LA MOBILITÉ
PASTORALE
Le droit est perçu comme un instrument dont chaque
peuple se dote pour réguler la vie en société. Il a un
caractère général et impersonnel. La société
tchadienne est composite et l'économie de ce pays est basée
essentiellement sur l'agriculture et l'élevage. Ces dernières
années les tenants de ces secteurs sont en perpétuel conflit au
lieu d'être complémentaires. Pour les règlements de ces
conflits, plusieurs droits entrent dans le jeu. Ces droits peuvent cohabiter
(Paragraphe I), ou être conflictuels (Paragraphe
II).
PARAGRAPHE I : LES DIFFÉRENTS DROITS EN
VIGUEUR
La population de la province du Mayo-Kebbi Ouest est
cosmopolite et multi-religieuse. L'économie de la province se base
essentiellement sur l'agriculture et l'élevage. Les conflits entre ces
groupes sont très fréquents. Les agriculteurs et les
éleveurs sont soumis au même droit moderne (A)
mais chaque groupe ou sous-groupe est régi par un droit qui est
dicté par la coutume ou la charia (B).
A. Le droit moderne
Le droit moderne est le droit positif en république du
Tchad, c'est le droit applicable. C'est le droit qui régule les
différentes facettes de l'activité humaine. C'est un droit
hétérogène, autrement dit le droit moderne est applicable
à tout tchadien quelque en soit son origine et sa religion. Le droit
moderne réglemente des matières aussi diverses que variées
que sont entre autres le régime foncier, l'environnement, l'agriculture,
l'élevage, les droits de l'homme, les libertés publiques et
contient des dispositions ayant vocation à régir les conflits
liés à la mobilité pastorale. Nous commencerons par la
constitution et suivre avec les autres lois règlementant des domaines
sus cités.
? La constitution est la norme suprême de la
République du Tchad, le texte fondamental auquel doivent se conformer
les autres sources de droit interne (lois, règlements...). La
constitution délimite les rôles de l'Etat et des citoyens. Chacun
d'eux a des droits et devoirs. L'Etat protège les personnes physiques et
morales dans leur existence, leurs activités économiques,
sociales et leurs biens. Il garantit les libertés fondamentales des
citoyens : le droit à la libre circulation, le droit à la
propriété privée le droit à la vie etc. Il assure
à tous
l'égalité devant la loi, devant la justice et
les autres administrations. Les dispositions de la Constitution
bénéficient à tous et s'appliquent à tous de la
même manière.
y' Le code civil est l'ensemble de textes
régissant les matières de droit civil : la famille, les
obligations, les contrats, la responsabilité civile contractuelle et
délictuelle etc. La responsabilité contractuelle est
engagée lorsque l'un des contractants cause un tort à l'autre en
ne pas remplissant ses engagements. En effet, les relations contractuelles
librement consentis doivent être profitables aux parties. Si par
l'agissement fautif d'une partie, un dommage est causé à l'autre
partie, cette dernière a droit à une réparation (Articles
1146 et 1147). Dans le cadre de notre thème, le code civil a de
nombreuses dispositions régissant les relations entre les acteurs en
présence lors des conflits liés à la mobilité
pastorale. Prenons un exemple, un contrat de gardiennage a été
conclu entre un bouvier et un éleveur dans la zone de Pala. Le salaire
convenu est la remise d'un boeuf pour trois mois de travail. Après neuf
(9) mois de travail, le bouvier qui devrait recevoir trois (3) boeufs, n'a
rien. Le bouvier ayant exécuté ses obligations et
l'éleveur refusant d'exécuter les siens dépose une
plainte. Le Tribunal de première instance a condamné
l'éleveur à remettre les trois (3) boeufs convenus, après
témoignages des parents du bouvier devant lesquels le contrat avait
été conclu. L'article 1384 alinéa 1 du C. civ.
précise : « On est responsable non seulement du dommage que
l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par
le fait des personnes dont on doit répondre ». l'alinéa
3 du même article précise par exemple « les maîtres
et commettants pour les dommages causés par leurs domestiques et leurs
proposés ». En deux ans d'activité, le juge de paix de
Léré a traité quatre (4) cas de conflits ayant
opposés des agriculteurs locaux aux éleveurs nomades sur la
responsabilité du fait de leurs animaux105. En application
des articles sus cités, le juge a demandé aux éleveurs de
réparer les dommages causés par leurs animaux.
y' Le code pénal, en ce concerne les
conflits liés à la mobilité pastorale prévoit deux
contraventions. L'article 349 dudit code dispose : « seront punis
d'une amende de 500 F à 20.000 F inclusivement et pourront l'être
en outre de l'emprisonnement jusqu'à 15 jours au plus : les torts et
dommages volontaires ». Les torts et dommages volontaires dont parle
le code pénal sont d'une part, ceux qui, hors les cas prévus
à l'article 340, auront abattu, mutilé ou écorché
des arbres dont ils ne sont pas propriétaires et d'autre part, ceux qui
auront fait ou laissé passer des bestiaux sur le terrain d'autrui,
ensemencé ou chargé de récoltes en quelle saison que ce
soit.
65
105 MARTY (André) et al. op cit. p. 65.
66
? Le code pastoral est une loi qui a pour objectif de
déterminer les principes fondamentaux en matière de pastoralisme
en République du Tchad. Dans un premier temps, il traite des obligations
de l'Etat et des Collectivités Autonomes en matière de
pastoralisme. Ces obligations sont entre autre : l'obligation d'aménager
les couloirs de transhumance, les voies d'accès du bétail au
pâturage, les points d'eau, les cures salées et les marchés
à bétail. Ensuite, il détermine les droits d'accès
aux ressources pastorales que sont l'eau, les pâturages, les cures
salées et les aires protégées dans les conditions
déterminées par ce code. Il régule également les
relations entre les pasteurs, les propriétaires de capital-bétail
et les bergers. Et enfin, il traite de la prévention, de la gestion et
du règlement des conflits liés aux ressources naturelles.
Le droit moderne est complété par des lois
spécifiques qui ont chacune des dispositions relatives à la
mobilité pastorale : la législation foncière de juillet
1967, la loi n°038/PR/96 du 31 décembre 1996 portant code du
travail, la loi n°14/PR/98 du 17 août 1998 définissant les
principes généraux de la protection de l'environnement, la loi
n°016/99 du 18 août 1999 portant code de l'eau, la loi
n°7/PR/2002 du 5 juin 2002 portant Statut des Communautés Rurales,
la loi n°33/PR/2006 du 11 décembre 2006 portant répartition
des compétences entre l'Etat et les Collectivités Autonomes, la
loi n°14/PR/2008 du 10 juin 2008 portant régime des forêts,
de la faune et des ressources halieutiques etc. Dans la plupart des pays
africains, en plus du droit moderne, il existe un droit vers lequel les
citoyens aiment se pencher, ce droit peut être traditionnel ou religieux
comme le droit islamique.
B. Le droit coutumier et le droit musulman
Le système foncier coutumier met l'accent sur
l'appartenance de la terre aux groupes sociaux dont les plus étendus
sont les tribus, les clans, les lignages. À l'intérieur de ces
groupes, les terres sont reparties entre famille pour leur permettre de
cultiver et d'exploiter. La collectivité a un droit de
propriété et l'individu a un droit d'usage, de jouissance ou
d'usufruit. La présence de pasteurs nomades qui ont tendance à se
sédentariser remet fondamentalement en cause ce droit coutumier. Les
éleveurs s'installent où ils veulent sans demander le chef de
village la jouissance ci-dessus décrit et sans payer les redevances
coutumières. Une autre faille du droit coutumier est l'oeuvre des chefs
de canton ou de village qui vendent eux-mêmes l'espace communautaire
alors qu'ils sont chargés de le protéger. Au lieu d'en
céder la jouissance ou l'usage, ils transfèrent la
propriété. Ces transactions sont à moyen ou long terme
source de conflit. Il faut aussi relever que cette pratique est contraire
à
la Constitution de 2020 qui indique en son article 176
aliéna 2 : « Toutefois, les coutumes contraires à
l'ordre public ou celles qui prônent l'inégalité entre les
citoyens sont interdites. » Sur cette base, les pasteurs nomades
disposeraient des mêmes droits sur la terre que les
autochtones106. À Léré, dans le
département de Lac-Léré, le lac et les plaines sont les
propriétés du Gong, autorité coutumière
supérieure des Moundang. Les principaux utilisateurs des pâturages
sont le Gong lui-même pour l'entretien de sa cavalerie, les
propriétaires des boeufs de labour et les éleveurs (originaires
de Léré). Pour accéder aux plaines inondables, il faut
remettre des chèvres au Gong de Léré.
Le droit musulman ou la sharia est un droit appliqué
dans la partie septentrionale du Tchad. Ce droit est exporté
également dans le sud du pays mais difficilement applicable en
matière de gestion des conflits liés à la mobilité
pastorale du simple fait que le plus souvent ces conflits opposent des
personnes d'origine et de tradition différentes. La province du
Mayo-Kebbi Ouest n'est pas régie par le droit musulman. Toutefois, dans
le département de Mayo Binder, c'est ce droit qui prévaut en
grande partie. Compte tenu de la diversité de la population de la
province du Mayo-Kebbi Ouest, tous ces droits prévalent même
à des degrés différents qui des fois se complètent
des fois se contredisent.
PARAGRAPHE II : LA COHABITATION ET LES CONFLITS DES
DROITS
Comme nous l'avons souligné ci-haut, il existe une
diversité de normes juridiques relatives à la gestion des
conflits liés à la mobilité pastorale. Ces droits
cohabitent des fois (A), le droit moderne peut avoir des
convergences avec le droit coutumier ou le droit musulman, de même que le
droit coutumier et le droit musulman peuvent avoir des similitudes voire
être complémentaires. Ces droits peuvent avoir des conflits entre
eux (B) de la même manière qu'ils cohabitent.
A. La cohabitation des droits
Les différents droits intervenant dans la gestion des
conflits liés à la mobilité pastorale sont le droit
coutumier, le droit musulman et le droit moderne. Le droit coutumier est le
droit applicable dans la partie méridionale du pays. Elle se base sur la
coutume comme norme de référence. Le droit musulman est ce droit
applicable dans la zone septentrionale du pays, elle se base sur les normes
islamiques pour prévenir et régler les conflits. Contrairement
à ces
67
106 BONFIGLIOLI A. « Réflexions sur le foncier au
Tchad », 1989, cité par André Marty et al op cit. p.78.
68
droits qualifiés de « traditionnels », le
droit moderne est le droit positif au Tchad, il s'applique à tous sans
voir d'où vient le justiciable ou quelle religion il pratique. Il est
incarné principalement par la justice moderne. Les différents
droits en vigueur au Tchad ont beaucoup de similitudes puis qu'ils ont tous
pour objectif de sécuriser les personnes et leurs biens. En ce qui
concerne la gestion des conflits liés à la mobilité, s'ils
sont gérés par les chefs traditionnels de la province, ces
derniers appliquent le droit coutumier.
Selon les dispositions de l'article 215 de la Constitution,
les autorités traditionnelles et coutumières sont les
collaboratrices de l'administration. Cette disposition constitutionnelle est
complétée par celles de l'ordonnance n° 04/PR/2008 portant
Statuts et Attributions des autorités traditionnelles et
coutumières. En matière conflictuelle, elles ont un double
rôle :
- Le plan judiciaire, les autorités traditionnelles et
coutumières sont chargées de collaborer à la recherche des
auteurs de crimes, délits et contraventions, de procéder à
l'attestation des criminels, des délinquants et leur remise aux
autorités administratives et judiciaires.
- Sur le plan civil et coutumier, les autorités
administratives et judiciaires disposent du pouvoir de conciliation.
Le droit moderne, le droit traditionnel et le droit musulman
ont tous pour but de rendre justice aux citoyens et sont complémentaires
jusqu'à ce qu'un des droits refuse la reconnaissance d'une valeur
pourtant incontournable dans l'autre.
B. Les conflits des droits
Sur le même territoire, le juge applique le droit
moderne notamment le droit positif et les chefs traditionnels appliquent le
droit coutumier. Les pasteurs nomades exigent et obtiennent le plus souvent
l'application du droit islamique soit entre eux, soit entre eux et les
communautés non concernées par ce droit.
Les cultivateurs de toute la zone méridionale font
recours au droit coutumier pour régler les conflits entre eux. L'esprit
de ces coutumes est de ne pas percevoir ni exiger une compensation
financière en cas de crime. Le sang n'a pas de prix pour ces
communautés.
Cette situation de pluralité de droit est très
accentuée dans la province du Mayo-Kebbi Ouest où le peuple
Moundang, Zimé et Gamabaye ne connaissent pas le monnayage du sang alors
que les pasteurs nomades et une partie de la population autochtone (le peuple
peul) réclament l'application de la dia. À la lumière du
conflit entre un bouvier et un agriculteur à
Déli dans le Logone Occidental en date du 29 novembre
2009 que nous allons expliquer les conflits entre le droit coutumier et le
droit musulman d'une manière générale et la question de
monnayage du sang particulièrement sont à la recrudescence des
conflits liés à la mobilité pastorale. Le 29 novembre
2009, une bagarre éclate entre un bouvier et un agriculteur sans qu'il y
ait preuve de dévastation de son champ, l'agriculteur tue le bouvier. Le
lendemain, une deuxième bagarre éclate entre les deux
communautés. La brigade a enregistré des blessés de part
et d'autre. Le soir du même jour, les éleveurs ont constaté
la disparition d'un de leurs. Alertées, les autorités
traditionnelles, administratives et militaires se sont rendues le lendemain sur
les lieux et ont organisé une battue dans la brousse et ont
retrouvé le corps du disparu. Un des parents de la victime
présent sur les lieux, donne un coup de machette au chef de village et
le blesse grièvement. La bagarre a pu, une troisième fois,
être évitée grâce à un tir de sommation du
Commandant de Brigade présent sur les lieux. Le fils du chef de village
blessé organise des représailles. Ils investissent la brousse,
tuent trois bouviers et abattent quatre boeufs. Les autorités
provinciales et locales, le juge d'instruction, les agents de l'ONDR, la
presse, les parents des dernières victimes se sont rendus sur les lieux
pour constater les derniers crimes. Un cadavre se trouvait dans un champ de
sésame récolté, un deuxième sous un arbre et un
troisième au bord de la route. Il n'y a eu ni dévastation, ni
traces des boeufs dans le champ de sésame. Dans cette affaire, le juge
d'instruction a un rendu une ordonnance de non-lieu partiel et transmission des
pièces au parquet général pour poursuite. Vingt-six (26)
personnes sont accusées pour meurtre, assassinat et complicité
d'assassinat dont deux (2) femmes. Le juge a demandé l'inculpation de
quatre (4) d'entre eux pour assassinat, sept (7) pour complicité
d'assassinat, un (1) pour meurtre. Les deux femmes sont mises en liberté
provisoire. L'une est veuve avec six (6) orphelins, l'autre est enceinte de
plus de six (6) mois. Les parents des victimes ont réclamé huit
(8) millions de dia par victime. Les cultivateurs refusent de verser la somme
réclamée. Ce refus serait à terme source d'un autre
conflit.107
69
107 MARTY (André) et al. op cit. p.10.
70
CONCLUSION DU CHAPITRE II
À l'issu de ce chapitre, nous pouvons conclure que la
mauvaise gouvernance affecte très négativement les conflits
liés à la mobilité pastorale au point d'être un
élément aggravateur de ceux-ci. Cette mauvaise gouvernance dans
la gestion des conflits à la mobilité pastorale se manifeste par
la non-maitrise des acteurs en présence par les autorités
administratives, civiles et militaires, la corruption, les fortes amendes lors
de règlement des litiges et en fin par la pluralité des
instruments juridiques de la gestion de ces conflits. C'est sont ces facteurs
qui vouent à l'échec les efforts du gouvernement à travers
leurs représentants qui sont les gouverneurs, les préfets et les
sous-préfets qui essayent bien que mal à restaurer un climat de
paix et de quiétude pour les populations. La plupart des gouverneurs
nommés dans la province ont pour priorité de leur feuille de
route la sécurité des personnes et de leurs biens. Pour mettre
terme aux impacts négatifs des conflits liés à la
mobilité pastorale dans la province qui prennent des nouvelles ampleurs
depuis 2014 et instaurer une paix civile durable entre les communautés,
il faut penser à des mesures profondes d'atténuation de ces
impacts.
71
CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE
Au terme de cette partie, il apparait que les conflits
liés à la mobilité pastorale ont d'innombrables impacts,
négatifs pour la plupart dans la province du Mayo-Kebbi Ouest. Ces
conflits impactent grandement et d'une manière négative le
développement et la gouvernance de ladite province. En parlant des
impacts économiques de ces conflits, on peut retenir la destruction de
l'environnement et plus particulièrement des champs en ce qui concerne
l'agriculture. En ce qui concerne l'élevage, on peut retenir les crimes
et cruautés sur les animaux de la part des agriculteurs et la
détérioration des termes d'échange entre les agriculteurs
et les éleveurs qui sont les bases de l'économie de la province.
On peut y ajouter les impacts sociaux tels que la mise en mal de la
sécurité des personnes et de leurs biens et la
désorganisation sociale des pasteurs. S'agissant des impacts de la
mauvaise gouvernance, le moins qu'on puisse dire est que les conflits
liés à la mobilité pastorale sont maintenues et
alimentés par les autorités administratives, civiles et
militaires. La corruption, les fortes amendes lors de règlement des
litiges et la pluralité des instruments juridiques sont les canaux par
lesquels ces conflits sont maintenus et alimentés. On y voit un manque
de volonté de la part du gouvernement d'appuyer les initiatives ayant
pour but de diminuer ces conflits. Tous ces impacts ont maintenu et continuent
de maintenir la province dans un marasme économique. Pour finir avec ces
conflits et propulser un développement économique à
l'attente des populations, il faut aller à la base et proposer des
mesures d'atténuation originales prenant en compte les aspirations des
populations. Alors, quels seraient ces mesures ? C'est la question qui nous
conduira à analyser dans la seconde partie de notre mémoire les
mesures d'atténuation des conflits liés à la
mobilité pastorale dans la province du Mayo-Kebbi Ouest.
SECONDE PARTIE :
LES MESURES D'ATTÉNUATION DES
IMPACTS DES CONFLITS LIÉS À
LA
MOBILITÉ PASTORALE
72
73
Les conflits à la mobilité pastorale au Tchad ne
datent pas d'aujourd'hui, ils ont existé avant même que le Tchad
n'accède à l'indépendance. C'est dans le souci de les
atténuer que le Premier Ministre d'alors Ngarta Tombalbaye avait
promulgué la loi n° 4 du 31 octobre 1959 portant
réglementation du nomadisme et de la transhumance en République
du Tchad. Ils ont été évoqués lors de la
Conférence Nationale de 1993 et des deux Forums Nationaux Inclusifs
respectivement en 2018 et 2020 pour que le gouvernement prenne des mesures pour
les diminuer mais ces conflits existent et continuent d'endeuiller des familles
jusqu'à présent. Dans cette seconde partie de notre thème
nous essayerons de proposer des mesures concrètes pour atténuer
les impacts économiques, environnementaux, sociaux et
sécuritaires de ces conflits dans la province du Mayo-Kebbi Ouest. Ces
mesures seront d'abord au niveau de l'Etat central (Chapitre
III) et en suite dans la perspective de la décentralisation
c'est-à-dire dans les Collectivités Autonomes (Chapitre
IV).

LES MESURES D'ATTÉNUATION DES
IMPACTS DES CONFLITS LIÉS À
LA
MOBILITÉ PASTORALE AU NIVEAU DE
L'ÉTAT
CHAPITRE III :
74
75
Garantir la sécurité aux personnes vivant sur
son territoire et protéger leurs biens est une mission régalienne
de l'Etat. La notion de sécurité des personnes et des biens se
trouve incontestablement depuis quelques temps sous les feux de
l'actualité, quand l'on songe par exemple aux textes adoptés dans
ce domaine ces dernières années ou à l'ordonnance relative
à l'état d'urgence à l'est du pays qui ont amené le
gouvernement à faire référence à la «
gravité des atteintes à la sécurité publique.»
Ce discours a pris une ampleur exceptionnelle avec les dernières
attaques des rebelles du FACT (Front pour l'Alternance et la Concorde au
Tchad). Toutefois, cette notion n'a rien de nouveau contrairement à
celle de la sécurité juridique par exemple.108 Face
à la montée en puissance du phénomène des conflits
liés à la mobilité pastorale, l'Etat doit prendre des
mesures pour faire face à ces derniers. Pour y arriver, l'Etat peut dans
un premier temps soutenir une gestion consensuelle et
décentralisée de l'espace agropastoral et des conflits
(Section 1) et dans un second temps, compte tenu de la
multitude d'acteurs qui interviennent dans l'application des textes dans le
monde rural, déterminer le champ d'intervention exact de ces derniers
(Section 2).
SECTION 1 : SOUTENIR UNE GESTION CONSENSUELLE ET
DÉCENTRALISÉE DE L'ESPACE AGROPASTORAL ET DES
CONFLITS
Dans la gestion des conflits liés à la
mobilité pastorale, l'Etat est responsable de tout et de rien. Autrement
dit, il est présent dans toutes les phases de règlement de ces
conflits mais apporte rarement satisfaction aux parties lésées.
L'Etat doit transférer certaines compétences aux
Collectivités Autonomes pour aller un peu plus loin dans le processus de
décentralisation enclenché. Pour prévenir et mieux
gérer les conflits liés à la mobilité pastorale,
l'Etat doit accompagner un zonage de l'espace (Paragraphe I)
dont la compétence reviendrait aux Collectivités Autonomes avec
une forte participation de la population et privilégier une gestion
consensuelle de ces conflits (Paragraphe II) qui peut
être facilité par les chefs traditionnels et coutumiers.
108 JACQUINOT (Nathalie), Le juge administratif et la
sécurité des personnes et des biens, in : Qu'en est-il de la
sécurité des personnes et des biens ? Mutations des Normes
Juridiques n° 7, Presses de l'Université de Toulouse 1 Capitole,
2008, p. 92.
76
PARAGRAPHE I : LE ZONAGE DE L'ESPACE
L'Etat tchadien doit faire du zonage un principe majeur de la
gestion de l'espace pour mieux prévenir les conflits liés
à la mobilité pastorale. Le zonage est une technique qui
permettra de lutter très efficacement contre les conflits agriculteurs
et éleveurs, mais malheureusement l'Etat ne fait rien dans ce sens. Les
chefs de canton, les chefs de village et les chefs de terre essayent bien que
mal à zoner leurs territoires de compétence respectives pour
lutter contre ces conflits. Avant de voir la nécessité
d'impliquer les populations dans le zonage, (B) nous mettrons
un accent particulier sur la consistance du zonage (A).
A. Consistance du zonage
Le zonage dont il sera question dans le cadre des conflits
liés à la mobilité pastorale consiste à
découper la terre en portions exclusivement affectées soit
à l'élevage soit à l'agriculture. Il reste une
stratégie importante à la fois pour la sécurisation des
activités pastorales et agricoles et pour la prévention des
conflits entre les agriculteurs et les éleveurs. Dans de nombreux pays
en Afrique109 où les deux activités sont les
principaux maillons de l'économie, l'approche de zonage s'est
avérée un passage obligé dans la recherche d'un consensus
autour du partage de l'espace, bien que les facettes et les degrés de
réussite sont différentes. Nous proposons une approche
différente de celle du Burkina Faso qui a objectif de
sédentariser les pasteurs en créant des zones spécifiques
à l'élevage à l'exemple celle de Doubégué.
Convaincu des avantages de la mobilité pour les animaux au Tchad et
compte tenu des aléas climatiques, le zonage que nous proposons a pour
objectif de lutter contre les conflits en déterminant des zones
spécifiques à l'élevage et à l'agriculture pendant
la saison pluvieuse. Ces secteurs doivent cohabiter et être
complémentaires mais la séparation de l'agriculture et de
l'élevage n'est pas une solution viable.110
Dans une perspective strictement pastorale, l'utilité
du zonage se manifeste notamment en saison des pluies, pendant le cycle
végétatif des cultures pluviales. L'existence des espaces
complètement libres d'implantation de champs est une condition
nécessaire pour assurer une alimentation rationnelle, libre de tout
stress, et pour ainsi atteindre les paramètres zootechniques
souhaités. En même temps, l'existence de ces espaces garantit que
le bétail
109 La République Centrafricaine est l'un des premiers
pays en Afrique à adopter le système de zonage avant qu'elle
n'accède à l'indépendance.
110 ELODIE (Robert), Les zones pastorales comme solutions aux
conflits agriculteurs/pasteurs au Burkina Faso : l'exemple de la zone pastorale
de la Boubégué, Dynamiques des campagnes tropicales Cahiers
d'Outre-Mer, n° 249, Janvier-Mars 2010, pp. 50-51.
77
reste, pendant cette période, à l'écart
des zones de cultures, pouvant ainsi permettre à celles-ci de finir leur
cycle sans perturbations en termes de dégâts par le
bétail.
En saison sèche, le problème se pose un peu
différemment. Les animaux sont attirés aussi par les zones
agricoles du fait des réserves pastorales dans les bas-fonds, de
l'accès aux points d'eau permanents, le pâturage
post-récolte des champs etc. Dans la région du Mayo-Kebbi Ouest,
c'est sont les cultures de contre-saisons, autrement dit la culture
pluriannuelle du sorgho et du manioc qui s'oppose à l'ouverture des
zones agricoles aux troupeaux pendant la saison sèche mais avec une
réelle implication des populations, cette difficulté peut
facilement être surmontée.
B. L'implication des populations dans le zonage
Les relations entre les communautés et l'Etat dans la
mise en oeuvre des projets de développement sont tantôt
conflictuelles tantôt harmonieuses. Comme dans tous les projets de
développement d'ailleurs, il faut impérativement impliquer les
acteurs concernés au processus de zonage. Cette implication des acteurs
consistera de préférence à les laisser eux-mêmes, de
manière conjointe définir les critères de
délimitation. Cette approche permet d'aboutir à des zonages plus
fonctionnels qui pourraient tenir compte d'un ensemble de critères
auparavant peu considérés comme les besoins futurs en terres
fertiles, l'accès à des points d'eau permanents, les mises en
défens nécessaires liés à la dégradation
etc.111
Afin de pallier aux problèmes de champs pièges
le long des couloirs de passage des animaux, la délimitation et le
balisage des couloirs créeraient des situations moins ambiguës,
rendant cette pratique plus difficile. Quant à l'utilisation des zones
agricoles en saison sèche par le bétail, les règles
à mettre en place pourraient être conçues de manière
plus souple. Bon nombre d'éleveurs nous ont confirmé lors de
notre tournée, que lorsque les bases de partage de l'espace entre
éleveurs et agriculteurs sont saines et qu'il existe des règles
conjointement et réciproquement respectées, l'écartement
des troupeaux des champs pérennes posait beaucoup moins de
problèmes. Pour les cultures de contre-saisons de sorgho et de manioc,
la confection des clôtures, une pratique répandue à travers
toute l'Afrique, est une solution envisageable pour réduire les risques
de divagation. Au cas où cette possibilité d'accéder
à la zone agricole serait accordée aux éleveurs, il serait
cependant important qu'un dispositif de conservation sur
111 GOTHARD (Alain Guy Ghislain), La gestion des conflits
entre agriculteurs et éleveurs dans la commune de Navaka, Mémoire
de Master, École Supérieure Digitale, Paris, 2012, p. 76.
78
les dates d'ouverture et de fermeture soit convenu, ainsi,
même si des conflits éclatent, ils peuvent facilement être
gérés d'une manière consensuelle.
PARAGRAPHE II : GESTION CONSENSUELLE DES CONFLITS LIES
A LA
MOBILITE PASTORALE
Dans les conflits liés à la mobilité
pastorale, les belligérants optent soit pour les règlements
formels soit pour les règlements traditionnels. Les règlements
formels des conflits surtout s'il s'agit des conflits liés à la
mobilité pastorale se passent soit à la Brigade soit à la
justice. Les règlements traditionnels que peuvent être les
règlements à l'amiable (A) ou devant les
autorités traditionnelles (B) offrent de nombreux
avantages aux populations concernées. Par conséquent, ils doivent
être privilégiés au détriment des règlements
dits formels.
A. Privilégier le règlement des conflits
à l'amiable
Compte tenu de la malhonnêteté des commandants de
brigade qui, à chaque occasion veulent profiter des paisibles citoyens
pour remplir leurs poches ou gonfler leurs troupeaux ; de la lenteur, du
coût élevé, de la dépendance de la justice, du fait
que des chefs traditionnels et coutumiers soient corrompus et partiaux ; les
citoyens en conflit doivent privilégier les règlements à
l'amiable sans frais, rapides et consensuels. Ils s'effectuent directement
entre l'agriculteur victime et l'éleveur responsable des
dégâts et vice-versa. C'est une entente mutuelle entre deux
parties, sans intervention ni d'une tierce personne, ni des autorités,
ceci pour éviter que l'affaire ne monte à un niveau
supérieur, qui ne rendrait pas forcément plus transparent ou plus
satisfaisant. Le règlement à l'amiable est de loin l'arrangement
le plus utilisé en cas de dévastation de cultures, les blessures
sur les animaux, notamment dans le cas des dégâts de peu
d'importance. On aurait cru que la tension latente qui règne entre les
agriculteurs et les éleveurs ces derniers temps rendrait cette
démarche plus rare et plus difficile, mais la pratique des rackets
systématiques par les autorités pousse les deux entités
à continuer à privilégier ce mode de règlement. Il
est difficile d'en estimer la fréquence mais le nombre de
règlements à l'amiable parait nettement supérieur à
celle des autres règlements. Plusieurs interlocuteurs ont
souligné qu'il serait toujours mieux de se mettre d'accord sans
interférence de tiers et de déterminer la hauteur des
dédommagements dans un processus de négociation. L'Etat doit
aider les paysans à régler leurs problèmes tant qu'il est
possible à l'amiable, ce type de règlement a d'innombrables
avantages pour les parties. L'Etat doit appuyer cette démarche en se
rassurant qu'avant chaque jugement devant ses instances (la
79
police, la gendarmerie, la justice, la sous-préfecture
etc.) que les parties ont essayé un arrangement à l'amiable qui
n'a pas abouti. Son but étant d'assurer une vie paisible aux citoyens,
l'Etat doit renvoyer les agriculteurs et les éleveurs à
régler leurs problèmes entre eux tant qu'il y a cette
possibilité.
Les négociations tiennent généralement
compte des dégâts causés mais également de la
capacité financière de celui qui les a causés. Cette
méthode comporte beaucoup d'avantages. Elle permet aux parties de
discuter de manière plus informelle du différend auquel ils font
face. En effet, ce caractère informel permet d'aborder ouvertement des
facteurs, tels que les intérêts, les besoins, les contraints, les
inquiétudes ou les circonstances, qui sont importants pour les parties
mais qui ne seraient pas pertinents à titre de preuve dans un processus
d'arbitrage112. La plupart des agriculteurs estiment cependant que
la somme versée ne représente pas la valeur réelle des
dégâts, tandis que les éleveurs estiment qu'ils sont
victimes de surestimations systématiques. En effet, les éleveurs
se voient souvent contraints d'accepter des dommages surévolués
et de payer pour avoir la paix sociale. La plupart d'entre eux
préfèrent un arrangement rapide pour se débarrasser de
l'affaire et continuer leur chemin. Cependant, à l'heure actuelle la
plupart de paysans ont tendance à vouloir saisir les autorités
traditionnelles.
B. Renforcer les capacités des autorités
traditionnelles et coutumières pour la gestion des conflits
Dans la province du Mayo-Kebbi Ouest, sont
considérées comme des autorités traditionnelles, les chefs
suprêmes113, le Lamido114, les chefs de cantons,
les chefs de village, les chefs de ferriques ou les représentants de ces
chefs dans une localité. Les litiges entre agriculteurs et
éleveurs ne sont soumis à ces autorités que, quand les
deux parties n'ont pas pu s'entendre à l'amiable. Les mésententes
surviennent généralement quand l'éleveur estime que les
dégâts ont été surestimés par l'agriculteur
ou quand après s'être entendu sur un montant de
dédommagement, l'éleveur tarde à s'en acquitter.
112 LIVEMOIS (Cynthia Colas), Réflexion sur les
avantages et désavantages des modes de règlements de
différends offerts par le CRDSC, juin 2015, [En ligne] PDF
disponible sur
http://www.crssc-sdrcc.ca,
consulté le 21 juin 2021.
113 Les chefs suprêmes dans la zone septentrionale du
pays sont très nombreux et l'équivalent des sultans dans le nord
du Nord. Dans la province du Mayo-Kebbi Ouest, il y a deux chefs suprêmes
le Gong de Léré et Lamé tous de la communauté
Moundang.
114 Le Lamido est un chef suprême des peulhs, il a le
même rang que le Gong dans la province, il réside à Binger,
c'est d'ailleurs le seul chef suprême des peulhs du pays.
Dans ces cas, l'affaire est tout d'abord portée devant
le chef du village sur le territoire duquel se situe la parcelle
détruite. Ce n'est que quand celui-ci n'arrive pas à concilier
les deux parties que la plainte est orientée chez le chef de canton
territorialement compétent. Soulignons que dans beaucoup de cas, cette
procédure n'est pas toujours respectée. En effet, il arrive que
le chef de canton et le chef suprême soit directement touchés par
des plaintes, sans que le chef de village sur le territoire duquel les cultures
ont été dévastées ne soit au courant de l'affaire.
Très rares autrefois, pour plusieurs raisons principalement le fait que
les éleveurs ne sont pas souvent d'accord des jugements de ces derniers,
le nombre de plaintes déposées auprès des autorités
traditionnelles, à en croire les concernés, serait
multiplié dans les cinq (5) dernières années.
Théoriquement, dès qu'une de ces autorités traditionnelles
reçoit une plainte concernant les dégâts aux cultures, elle
doit dépêcher sur les lieux une équipe composée des
techniciens de l'ONDR et de ses conseillers pour constater les faits. Le
constat en question consisterait en l'évaluation de la superficie
dévastée et en l'identification des différents types de
cultures qui s'y trouvent, afin de déterminer le coût des dommages
subis par l'agriculteur. C'est les agents de l'ONDR qui les seuls
compétents à pouvoir déterminer le coût des dommages
que l'éleveur doit payer. C'est ce montant qui constitue le
dédommagement qu'exigent les chefs traditionnels à
l'éleveur au profit du propriétaire du champ, en compensation du
préjudice subi. Mais dans les faits, toutes ces dispositions ne sont
généralement pas respectées. Le plus souvent, soit les
techniciens de l'ONDR sont mis à l'écart, et l'affaire est
tranchée au gré des conseillers des chefs
(inexpérimentés) envoyés par ce dernier pour constater les
faits sur le terrain. Dans ces conditions, les amendes découlent plus du
hasard que d'une évaluation objective. Selon les éleveurs, les
dommages seraient surestimés de façon structurelle au profit non
seulement du paysan mais aussi des chefs et leurs conseillers qui en tireraient
un profit. Un des plus grands soucis dans la gestion des conflits agriculteurs
et éleveurs est que dans l'évaluation des dégâts
champêtres, seuls les techniciens de l'ONDR115 sont
compétents et que les techniciens de l'élevage sont mis à
l'écart. C'est une injustice flagrante envers les éleveurs.
L'Etat doit veiller à ce que les ingénieurs des deux secteurs
soient impliqués dans l'évaluation des dégâts,
même si les techniciens de l'élevage n'ont pas les
compétences qu'il faut pour évaluer les dégâts, ils
doivent au moins représenter les éleveurs. L'Etat doit porter
main forte à ces chefs qui font de leur mieux pour que la population
vive paisiblement. Ils sont manqués de moyens financiers,
matériels et de ressources humaines. Ils utilisent des fois leurs
propres moyens pour rendre
80
115 Les techniciens de l'ONDR sont des ingénieurs
agronomes.
81
service à l'Etat ou des fois, ils sont
rémunérés par les usagers. Pour rendre indépendants
ces chefs des usagers, il faut que l'Etat les rémunèrent à
leur juste valeur, car un chef dépendant des miettes des citoyens rend
des jugements moins clairs et partiaux, l'Etat doit impérativement
améliorer les conditions de travail de ces derniers.
SECTION 2 : AMÉLIORATION DES MECANISMES DE
GESTION DES CONFLITS
Les mécanismes de gestion des conflits liés
à la mobilité pastorale sont défaillants. Les textes qui
encadrent la mobilité pastorale ne favorisent qu'une catégorie
d'acteurs en l'occurrence les éleveurs et par conséquent
nécessitent une nette amélioration (Paragraphe
I) pour propulser les deux secteurs de l'économie nationale. Le
champ d'intervention des acteurs qui participent à la résolution
de ces conflits est flou. L'Etat doit faire un effort d'harmonisation des
textes régissant le monde rural et de détermination du champ
d'intervention exact des acteurs d'application de ces textes
(Paragraphe II).
PARAGRAPHE I - AMÉLIORATION DES TEXTES EN
VIGUEUR
Le principal texte qui encadrait la mobilité pastorale
de 1959 à 2014 était la loi n° 4 du 31 octobre 1959.
À partir de 2014, un code pastoral fut adopté, il a pour objet de
déterminer les principes fondamentaux en matière de pastoralisme
en République du Tchad116, vu que le dispositif en vigueur
à savoir la loi n°4 du 31 octobre 1959 portant
réglementation du nomadisme et de la transhumance est tombée en
désuétude117. Pour tous les observateurs tchadiens, ce
code est partial et ne favorise que le pastoralisme. Ces allégations
s'avèrent vraies, c'est pourquoi une révision de celle-ci est
impérative (A). Pour arriver à un climat de paix
entre les agriculteurs et les éleveurs, l'Etat peut appuyer
l'élaboration des codes pastoraux locaux (B) en
conformité avec le code pastoral de la République prenant en
compte les réalités de chaque localité.
A. Réviser le code pastoral
Le code pastoral du Tchad a été très
controversé dès le début de son adoption. Il a
été adopté en 2014 par l'Assemblée Nationale mais
après un tollé général de la population, ce code a
été retoqué par le Président de la
République. Au début de l'année 2015, une nouvelle loi
portant code pastoral a été adoptée par l'Assemblée
Nationale après une seconde lecture.
116 Article 1 du code pastoral de la République du
Tchad
117 Rapport de la Commission Développement Rural et
Environnement du 7 novembre 2014
82
Malgré toutes ces controverses sur la loi, le code
pastoral n'a jamais satisfait une partie de la population, les agriculteurs et
fait la part belle aux éleveurs. Beaucoup d'agriculteurs pensent que
« Le code pastoral a pour but de transformer le sud du Tchad en un
grand champ de pâture au bétail des éleveurs du nord
» à la suite du discours du député et
président du parti UNDR (Union Nationale pour le Renouveau et la
Renaissance) à l'Assemblée Nationale en septembre 2015
rapporté par le Journal Abba Garde. Ce code n'a jamais fait
l'unanimité malgré qu'il a passé trois fois devant
l'Assemblée Nationale. Il doit être révisé pour
palier à ce problème de partialité. Tout le monde est
aujourd'hui conscient que les conflits agriculteurs/éleveurs ont
été aggravés par le phénomène de nouveaux
éleveurs c'est-à-dire les autorités administratives
civiles et militaires qui pratiquent l'élevage ou l'agriculture
intensive dans le sud du pays. Lors d'une interview accordée à
Info235, le Secrétaire Général du PDL (Parti pour la
Démocratie et les Libertés) dit ceci : « Les
administrateurs civils et militaires sont devenus des éleveurs
possédant plusieurs milliers de têtes de bétail. Ils louent
les services des bouviers à qui ils donnent armes et minutions.»
Conscient de ce phénomène, le député
NDIGUINDJITA DODIH KEMTOBAYE a envoyé un texte d'amendements comportant
un titre et trois nouveaux articles à la Commission Développement
Rural et Environnement réunie le 7 novembre 2014 pour proposer une
nouvelle version du code pastoral. Il propose : (1) Les autorités
administratives civiles et militaires et le personnel des forces de
défense et de sécurité détendeurs de
capital-bétail seront interdits de pratiquer l'élevage et
l'agriculture extensifs dans le ressort territorial de l'exercice de leur
fonction. (2) Les autorités administratives civiles et militaires et le
personnel des forces de défense et de sécurité
détenteurs de capital-bétail seront interdits de s'ingérer
dans le règlement pacifique des conflits survenus entre les usagers des
ressources naturelles sauf cas de trouble à l'ordre public. (3) Les
autorités administratives civiles et militaires et le personnel des
forces de défense et de sécurité, responsables ou
complices de pratiques incompatibles avec l'exercice de leur fonction tel que
stipulé dans le « code pastoral nouveau » seront
relevés d'office de leur fonction dans les quinze (15) jours francs qui
suivent la constatation des faits par un agent assermenté de l'Etat et
seront radiés de l'effectif de leur corps d'origine. Ils doivent
être passibles de poursuites judiciaires. Le capital-bétail sera
mis à la disposition des établissements pénitentiaires et
hospitaliers ou à l'armée pour servir l'alimentation des
effectifs. Ces amendements ont été rejetés par le
gouvernement en raison de la sensibilité du problème dit-il. Un
tel amendement ne peut passer devant la présidente de la Commission
Développement Rural et Environnement de l'Assemblée Nationale, le
ministre en charge de l'Elevage et de l'Hydraulique ou même le
Président de la République qui sont tous eux-
83
mêmes des éleveurs. Nous pensons que ces
amendements sont idoines pour diminuer les conflits liés à la
mobilité pastorale et nous déplorons le refus
délibéré de l'Etat par quel moyen que ça soit
d'interdire l'élevage et l'agriculture extensifs aux autorités
administratives civils et militaires dans leur zone d'affection.
L'article 46 de ce code postule : Les normes de maillage
à observer pour l'implémentation des puits pastoraux sont les
suivants :
- En zone saharienne : 50 kilomètres entre deux points
d'eau ; - En zone sahélienne : 25 kilomètres entre deux points
d'eau ; - En zone soudanienne : 25 kilomètres entre deux points
d'eau.
Cette disposition du code est perçue comme arbitraire
par les populations du sud du fait qu'elle ne respecte pas les
réalités de la zone soudanienne. La zone saharienne est une zone
moins habitée et n'est pas une zone d'agriculture extensive dont les
normes de maillage ne posent pas de problèmes, de même que la zone
sahélienne. Dans la zone soudanienne, les réalités
diffèrent nettement, elle est une zone d'agriculture extensive et la
densité de la population est importante. Une distance de 25
kilomètres entre les puits pastoraux occasionnait des destructions
fréquentes des champs. Dans le premier code pénal, cette distance
était de 12,5 kilomètres, après des amendements de la part
de la majorité des députés du sud, elle a
été ramenée à 25 kilomètres.
L'article 43 dudit code dispose : « Il est fait
obligation aux agriculteurs de clôturer à tout moment les
parcelles maraîchères.» Lors du débat autour du
code pénal à l'Assemblée Nationale, le
député HAROUN KABADI par ailleurs président de cette
assemblée a suggéré la reformulation de l'article en :
« Il est fait obligation aux agriculteurs de construire des
clôtures des champs ». La commission a rejeté cet
amendement en avançant l'argument suivant : la construction des
clôtures des champs est source de destruction de l'environnement.
L'idée derrière « clôturer les champs » est
qu'elle peut se faire avec les branches d'arbres ou arbustes épineux et
l'idée derrière « construire des clôtures » est
qu'elle peut se faire avec un mur en briques et tout autre moyen que
l'agriculteur juge efficace. Le fait que le code pastoral refuse la
construction des clôtures des champs sous prétexte de destruction
de l'environnement est pour beaucoup, une manière où l'Etat
après avoir garanti tout le domaine national à l'élevage
fait de leurs champs des espaces de pâturage aux animaux. Cet état
d'esprit de clivage dans le code pastoral peut être au moins
atténué avec des codes locaux.
84
B. Appuyer l'élaboration des codes locaux
Depuis quelques années, l'établissement de
conventions locales constitue un outil privilégié pour de
nombreux intervenants en Afrique, afin de formaliser des accords locaux sur le
partage de l'espace et des règles de conduite en matière de
l'utilisation des ressources naturelles. Une convention locale de gestion des
ressources naturelles peut être définit comme un accord
écrit ou non, entre deux ou plusieurs acteurs locaux notamment les
groupes sociaux, les administrations locales, les services techniques et les
ONG, définissant les règles d'accès et d'utilisation de
leurs ressources en vue de leur conservation ou leur exploitation rationnelle
et durable.118 De telles dispositions pourraient être
complétées par des plates-formes agriculteurs et éleveurs
au niveau local. Il s'agit d'une forme juridique souple pour réglementer
la cohabitation des deux groupes, qui est à la hauteur des acteurs
locaux et qui s'intègre bien dans le contexte de la
décentralisation entamée en prenant en compte les
réalités de chaque localité. L'avantage de ces codes
réside notamment dans le degré élevé
d'appropriation des dispositions de gestion par les principaux acteurs
concernés, à cause du caractère conjoint de leur
élaboration. De ce fait, l'acceptabilité et la probabilité
d'être respectés risquent d'être comparativement beaucoup
plus élevées qu'au niveau des dispositions nationales
unilatérales imposées par décrets ou arrêtés
ministériels. La validation juridique de ces conventions locales et leur
reconnaissance en tant que réglementations obligatoires peuvent parfois
être complexes. A priori, les Collectivités Autonomes
détentrices des compétences transférées par l'Etat
sont les lieux privilégiés pour leur adoption finale par le biais
soit du Conseil Municipal soit du Conseil Régional. Le débat sur
la valeur juridique des conventions locales est très fréquent.
Alors que les uns119 s'escriment à trouver dans les
textes de lois, les fondements juridiques des conventions locales, les
autres120 insistent sur le caractère illégal,
ou plutôt le caractère illicite de ces
pratiques121. C'est là où l'Etat peut
vraiment venir en appui à ces collectivités en les aidant
à adopter des codes multilatéraux et originaux prenant en compte
les aspirations des populations et même aller plus loin en harmonisant
les textes régissant le monde rural et en déterminant le champ
d'intervention exact des acteurs d'application de ces textes.
118 DJIRE (Moussa), les Conventions Locales au Mali : outils de
gestion durable des ressources naturelles, Rapport de « Réussir la
décentralisation », Bamako, octobre 2003 p. 31.
119 Konaté, 1998 et 2000 ; Sanogo 2002.
120 Dicko, 2002.
121 Moussa DJIRE, op cit.
85
PARAGRAPHE II : HARMONISATION DES TEXTES
RÉGISSANT LE MONDE RURAL ET DÉTERMINATION DU CHAMP D'INTERVENTION
EXACT DES ACTEURS DE L'APPLICATION DE CES TEXTES
Il y a une multitude de textes régissant le domaine
rural. Cette multitude de textes va de pair avec une multitude d'acteurs
intervenant dans la gestion des conflits liés à la
mobilité pastorale. Harmoniser les textes qui encadrent la gestion des
conflits liés à la mobilité pastorale (A)
et déterminer le champ d'intervention exact des acteurs d'application du
droit dans le monde rural (B) sont une manière de
faciliter aux usagers le processus de règlement de ces conflits.
A. Harmonisation des textes en vigueur dans le monde
rural
Les textes en vigueur dans le monde rural sont très
nombreux comme nous l'avons détaillé dans un paragraphe
consacré à cet effet. Il s'agit notamment de la Constitution, le
Code Pastoral, le Code Civil, le Code Pénal, la Législation
foncière de juillet 1967, la Loi n°038/PR/96 du 31 décembre
1996 portant code du travail, la Loi n°14/PR/98 du 17 août 1998
définissant les principes généraux de la protection de
l'environnement, la loi n°016/99 du 18 août 1999 portant code de
l'eau, la Loi n°7/PR/2002 du 5 juin 2002 portant statut des
Communautés Rurales, la loi n°33/PR/2006 du 11 décembre 2006
portant répartition des compétences entre l'Etat et les
Collectivités Autonomes, la Loi n°14/PR/2008 du 10 juin 2008
portant régime des forêts, de la faune et des ressources
halieutiques. En plus de ces textes du droit positif tchadien, on peut citer le
droit conventionnel développé dans les zones d'intervention du
PRODALKA où quatre conventions ont été signées
entre 1995 et 2008 parmi lesquelles on peut citer la convention locale de
gestion des couloirs de transhumance dans la partie ouest de la réserve
de faune Binder-Léré de juillet 1995. Sur le plan international,
le Tchad fait partie de la convention régissant l'Union
Économique de l'Afrique Centrale du 5 juillet 1994 qui, en son article 2
préconise « la création d'un marché commun
fondé sur la libre circulation des biens, des services, des capitaux et
des personnes », le contrôle de la Communauté
Économique du Bétail, de la Viande et des Ressources Halieutiques
(CEBEVIRHA) de la CEMAC pour le bétail et la Convention du 28 novembre
1989 relative aux droits de l'enfant ratifié par le Tchad par ordonnance
n°018/PR/90 du 28 juillet 1990. Tous ces textes rendent complexes les
procédures de règlement des conflits liés à la
mobilité pastorale et donnent une plus grande marge
d'appréciation aux juges et par conséquent rend les jugements de
ces derniers moins crédibles aux yeux des justiciables. Une
harmonisation des textes nationaux régissant le monde rural s'impose en
s'inspirant de ce
86
qu'a fait le Cameroun pour trouver une « solution »
à la crise anglophone en fusionnant les textes antérieurs pour
avoir un code général des Collectivités Autonomes prenant
en compte les spécialités de la partie anglophone. De la
même manière, le Tchad peut fusionner tous ces textes ci-haut
cités pour avoir un code pastoral prenant en compte les
particularités de chaque région. Cette harmonisation des textes
peut être précédée d'un Dialogue National en vue de
rechercher des voies et moyens pour atténuer les conflits liés
à la mobilité pastorale et poser les jalons d'une vraie paix
civile entre ces protagonistes de tout temps. Les acteurs d'application de ces
textes sont aussi nombreux que les textes.
B. Déterminer le champ d'intervention exact des
acteurs d'application du droit dans le monde rural
La multitude d'acteurs organisant le monde rural va de pair
avec la multitude des textes. Ces acteurs sont entre autres les chefs
traditionnels et coutumiers (chefs suprêmes, Lamido, chefs de canton,
chef de village et chef de ferrique ou leurs représentants), les
autorités administratives civiles (gouverneur, préfet,
sous-préfet) et militaires (policiers et brigades notamment pour ce cas)
et les acteurs judiciaires. Tous ces acteurs interviennent dans la
résolution des conflits liés à la mobilité
pastorale mais aucun texte ne précise leur champ d'intervention exact.
Lors d'un conflit, les protagonistes saisissent qui ils veulent et cela pose
souvent problème. Les agriculteurs (originaires de la région pour
la plupart d'entre eux) veulent amener leurs problèmes chez les chefs
traditionnels qui selon eux, incarnent leurs traditions. Les éleveurs
par contre évitent ces chefs dits traditionnels. Pour eux, ce sont des
agriculteurs ou des proches des agriculteurs et ne rendent jamais des sentences
impartiales. Les éleveurs (venant du nord pour la plupart et
majoritairement de religion musulmane) veulent toujours être jugés
à la brigade et cette fois-ci, ce sont les agriculteurs qui fuitent ces
brigadiers pour les mêmes raisons. L'Etat peut rendre accessible d'une
autre manière ces acteurs en traçant une itinéraire en
suivant l'esprit des instances de la justice moderne. En d'autres termes,
l'Etat peut faire de telle sorte que pour tout conflit lié à la
mobilité pastorale, les protagonistes avant la saisine de qui que
ça soit essayent un arrangement à l'amiable. En cas de non
succès de cet arrangement, ils peuvent saisir les chefs traditionnels et
coutumiers, en cas d'insatisfaction d'une partie, ils peuvent saisir la brigade
ou les autres autorités administratives civiles et militaires. La
justice sera saisie en dernier lieu. À chaque fois qu'on saisit un
acteur pour un règlement de conflit, il doit exiger un
procès-verbal de l'acteur qui lui est inférieur
hiérarchiquement sans lequel il ne peut pas rendre un jugement. C'est
une manière d'imposer la suivie des voies qui vont conduire à la
justice. En faisant ceci, l'Etat
87
rend service aux usagers et se rend service lui-même. Il
rend service aux usagers parce qu'il les épargne le plus que possible de
la lenteur et du coût élevé de la justice et se rend
service dans la mesure où les problèmes arrivent chez lui avec
quelques pistes de solutions proposées soit par les usagers
eux-mêmes soit par les chefs traditionnels par le biais des
procès-verbaux établis à chaque fois qu'un acteur tente de
résoudre un problème.
88
CONCLUSION DU CHAPITRE III
Pour finir, nous pouvons retenir de ce troisième
chapitre portant sur les mesures d'atténuation des conflits liés
à la mobilité pastorale au niveau de l'Etat que, pour
atténuer ces conflits ce dernier doit soutenir une gestion consensuelle
et décentralisée de l'espace agropastoral en aidant les
Collectivités Autonomes à zoner leur espace agropastoral en des
zones spécifiques à l'agriculture et des zones spécifiques
à l'élevage. Ces zones doivent impérativement être
respectées surtout pendant la saison des pluies. Il doit
également soutenir une gestion consensuelle des conflits en
privilégiant les règlements des conflits à l'amiable et en
renforçant les capacités des autorités traditionnelles et
coutumières en matière de gestion des conflits et surtout en les
rendant moins dépendants des citoyens lambda. Pour être plus
efficace, l'Etat doit également penser à améliorer et
harmoniser les textes régissant le monde rural et déterminer par
une loi le champ d'intervention exact des acteurs d'application de ces textes.
La décentralisation entamée par le Tchad depuis les années
1996, voudrait que l'Etat accompagne les Collectivités Autonomes
à l'accomplissement de certaines tâches administratives en les
transférant les compétences nécessaires. Dans cet
état d'esprit, ces collectivités peuvent eux aussi initier des
mesures d'atténuation des conflits liés à la
mobilité pastorale. C'est dans ce sens que, nous avons consacré
le second chapitre de la seconde partie aux mesures d'atténuation des
impacts des conflits liés à la mobilité pastorale dans la
perspective de la décentralisation.

LES MESURES D'ATTÉNUATION DES
IMPACTS DES CONFLITS LIÉS À
LA
MOBILITÉ PASTORALE DANS LA
PERSPECTIVE DE LA
DÉCENTRALISATION
CHAPITRE IV :
89
90
Le Tchad est un Etat unitaire décentralisé. Il a
deux niveaux de décentralisation que sont les communes et les provinces.
Comme le recommande les sacro-saints principes de la décentralisation,
l'Etat doit transférer certaines de ses compétentes aux
Collectivités Autonomes. Les collectivités étant plus
proches des populations et connaissant mieux les besoins de ces derniers,
l'Etat doit les accompagner pour garantir la sécurité et la
quiétude à la population de leur terroir. Ayant reçu des
compétences de la part de l'Etat, les Collectivités Autonomes
doivent multiplier des initiatives pour garantir la sécurité des
personnes et de leurs biens dans la province. Dans cet esprit et pour lutter
contre les conflits liés à la mobilité pastorale, les
Collectivités Autonomes dans lesquelles ces conflits sont
fréquents peuvent mettre sur pied un système communautaire
d'alerte précoce (Section 1) et un plan de
communication, de sensibilisation et d'éducation des populations
(Section 2) dans les localités où elles sont
territorialement compétentes.
SECTION 1 : MISE SUR PIED D'UN SYSTÈME
COMMUNAUTAIRE D'ALERTE PRÉCOCE
L'objectif premier d'un système d'alerte précoce
est de permettre aux individus et aux communautés de réagir
à temps et de manière appropriée aux dangers afin de
réduire les risques de décès, de blessures, de pertes
matérielles et de dégâts. Les alertes doivent
réussir à faire passer le message et à inciter les
personnes en danger à agir. Pour réussir la mission de ce
système communautaire d'alerte précoce, la communication lors des
alertes, (Paragraphe I) la connaissance des risques et les
mesures d'intervention (Paragraphe II) doivent être des
priorités.
PARAGRAPHE I : LA COMMUNICATION LORS DES ALERTES
La communication lors des alertes précoces est la
condition sine qua non pour la réussite du système
d'alerte précoce. Pour remplir les conditions d'une communication
profitable à la population, cette dernière doit être
efficace (A) et ses moyens (B) doivent
être connus de tous.
A. Efficacité de la communication
La diffusion est la fourniture de messages d'alerte, mais on
parle de communication que lorsque l'information est reçue et comprise.
Le fondement de toute communication des messages d'alerte reposera sur le
format et la formation des messages, sur les méthodes de diffusion, sur
l'éducation et la préparation des parties prenantes, ainsi que
sur la
91
compréhension des risques qu'elles courent. La
définition classique de l'efficacité est le fait de «
produire l'effet attendu, d'atteindre son but, d'aboutir à des
résultats utiles. », donc une communication efficace est une
communication qui atteint son objectif.122
Les messages d'alertes efficaces doivent être courts,
concis, compréhensibles et exploitables, ils répondront aux
interrogations « quoi ? », « où ? », « quand ?
», « pourquoi ? » et « comment réagir ? ». Les
volontaires doivent rester cohérents au fil du temps. Il faut concevoir
les messages d'alerte en fonction des besoins précis des utilisateurs
visés. L'utilisation d'un langage clair avec des phrases courtes et
simples améliore la compréhension du message de la part des
utilisateurs. En outre, l'information la plus importante du message doit
être présentée en premier lieu, suivie des autres
renseignements.
Une communication efficace des risques et des alertes exige de
connaître les destinataires. Dans toutes les localités de la
province, les populations sont très variées, avec des origines,
des expériences, des perceptions, des circonstances et des
priorités différentes. Il faut donc tenir compte de cette
diversité lors de toute tentative de communication. Lors de
l'émission des messages d'alertes, il convient donc d'identifier les
préoccupations de la communauté touchée de façon
à protéger leurs intérêts (par exemple les
instructions visant à protéger le bétail) avec des moyens
aussi efficaces que possibles.
B. Les moyens de communication
Il faut prévoir des moyens de communication afin de
répondre aux besoins individuels des communautés qui couvrent
toute la population concernée. Ils peuvent reposer sur divers formats
(textes, graphiques, messages audio) et moyens (radios, tambours,
téléphones, crieurs, hauts parleurs des mosquées, alertes
visuelles et même des messagers à pied et à dos de cheval
pour les lieux isolés) en fonction des circonstances. Les alertes
doivent être diffusées au travers de différents canaux pour
s'assurer qu'elles parviennent au plus vite aux utilisateurs finaux. Du reste,
la communication est aussi fortement améliorée lorsque des
messages d'alerte cohérents proviennent de plusieurs sources fiables.
Des sensibilisations fréquentes peuvent se révéler
efficaces au déclenchement d'une réaction de la population.
122 Le bloc du management et développement personnel,
« Les secrets d'une communication efficace ! » [En ligne]
sur
www.management.efe.fr/2016/12/19/secrets-dune-communication-efficace/
19 décembre, 2016, consulté le 13 juin 2021.
92
Les réseaux de diffusion des alertes doivent être
connus de tous les destinateurs et doivent de préférence
être cohérents pour les différents types d'alerte pour
minimiser le risque de confusion ou de malentendu chez les utilisateurs. Il
faut que la transmission des alertes soit fiable et que les utilisateurs en
accusent réception. La transmission ne sera ainsi que si les volontaires
chargés d'alerte ne connaissent les risques que les populations
encourent et adoptent des bonnes mesures d'intervention.
PARAGRAPHE II : CONNAISSANCE DES RISQUES ET LES
MESURES D'INTERVENTION À ADOPTER
La connaissance des risques qui pèsent sur les
populations (A) et adopter des bonnes mesures d'intervention
(B) sont des conditions complémentaires à
l'efficacité et aux moyens de communication pour un système
d'alerte précoce qui a pour mission de protéger les vies et les
biens des populations.
A. Connaissance des risques
Pour que le système d'alerte précoce
réponde aux attentes des populations, il faut que ceux qui mènent
des actions dans ce cadre connaissent les risques que courent les populations.
Sans connaître les risques, aucune solution concrète ne peut
être proposée. Les informations concernant les dangers et la
vulnérabilité sont essentielles pour presque tous les aspects et
presque toutes les étapes d'une gestion des risques des conflits par
l'action de l'homme. Le risque est résultat de l'interaction entre un
phénomène dangereux et les éléments menacés
au sein de la communauté qui sont vulnérables face à un
tel impact.123 Les populations et les autorités responsables
de la gestion des risques doivent être informées du rôle du
système communautaire d'alerte précoce. Il convient de
préciser la chaîne de diffusion et les responsabilités des
parties concernées dans un plan local d'intervention. Au sein de leur
structure et en fonction des différents types de risques possibles pour
les différents lieux, les populations et les responsables administratifs
et civils doivent identifier et désigner les volontaires qui
émettent des alertes et diffusent les informations. Pour les dangers
localisés, la communication accordera probablement plus confiance
à des informations provenant d'une
123 AMADA (Kennedy), « Renforcement des
capacités des systèmes d'alerte précoce et de
réaction rapide au niveau local tout en garantissant la participation
des leaders traditionnels, des femmes et des jeunes à travers une
formation en analyse et rapportage », Rapport de l'Activité
1.3.1 du projet « soutenir les mécanismes de consolidation de la
paix au niveau communautaire et l'inclusion des jeunes dans les zones
situées à la frontière entre le Cameroun et le
Tchad», Mai 2019, p. 45.
93
personne disposant de connaissances de la localité
plutôt que d'un étranger qui pourrait ne pas être
suffisamment sensible aux besoins sur place et qui se maitriserait pas les
mesures d'intervention.
B. Les mesures d'intervention
Si l'on veut que le Comité de Vigilance qui a
été fusionné au Conseil des Sages et des Personnes
Ressources réponde aux aspirations des populations notamment diminuer
les conflits liés à la mobilité pastorale, il faut
renforcer ses capacités à régir aux conflits.
L'éducation et la sensibilisation du public, la participation des
parties prenantes, la présentation des alertes et leur communication
contribuent à l'adoption d'une réaction appropriée
à l'alerte. Il est possible d'accroitre le niveau de préparation
de la communauté à réagir aux dangers naturels
grâces à son éducation. Il convient de familiariser les
individus avec les dangers, les moyens de diffusion, la signification des
alertes et les mesures à prendre pour diminuer les pertes et les
dommages. Cela doit être fait bien avant que les conditions dangereuses
ne forment. Le potentiel de réaction approprié des individus est
considérablement amélioré lorsqu'ils sont informés
des risques qu'ils courent et des actions qu'ils peuvent mener pour sauver leur
vie et leurs biens en cas d'urgence. La sensibilisation aux dangers naturels ne
doit pas être négligée aussi à tous les niveaux dans
les communautés. La sensibilisation des communautés sur la
prévention et des modes de règlement de conflit est très
importante et surtout quand les comités de vigilance ou d'autres
organisations villageoises sont impliqués dans la gestion. Quand elle
est suivie de la mise en place d'un plan de communication, de sensibilisation
et d'éducation des populations concernées, elle deviendra plus
bénéfique pour ces dernières.
SECTION 2 : MISE EN PLACE D'UN PLAN DE COMMUNICATION,
DE SENSIBILISATION ET D'ÉDUCATION
Les Collectivités Autonomes manquent d'initiatives dans
lesquelles elles envoient des délégations pour communiquer avec
les populations sur les attentes de ces derniers. Pour faire face aux nombreux
conflits dont la population est victime, les collectivités doivent
mettre sur pied un plan de communication (Paragraphe I) et de
sensibilisation et de d'éducation (Paragraphe II) des
populations. Les populations à travers leurs représentants ou
même directement peuvent être impliquées dans la gestion des
conflits.
94
PARAGRAPHE I : LE PLAN DE COMMUNICATION
Ce plan de communication aura pour objectif principal
d'instaurer une paix civile entre les agriculteurs et les éleveurs qui
sont des groupes antagonistes qui ne s'entendent jamais, des ennemis
jurés. Les Collectivités Autonomes doivent promouvoir et
restaurer la paix civile entre les agriculteurs et les éleveurs
(A) en faisant table rase du passé. Il ne suffit pas
seulement de faire table rase du passé mais il faut également
multiplier les initiatives pour encourager le vivre-ensemble qui permettra de
combattre les conflits à la racine (B).
A. Promouvoir et restaurer un climat de paix civile entre
agriculteurs et éleveurs
La restauration de la paix civile entre les agriculteurs et
les éleveurs s'impose comme préalable à toute
activité de développement, notamment dans les zones où les
manifestations de conflit ont largement dépassés les simples
querelles de dévastation de champs ou des blessures sur les animaux et
ont pris des tournures inquiétantes avec des morts d'homme, des actes de
vengeance et de clivage nord/sud ou musulman/chrétien. Les
phénomènes des attaques collectives des campements
d'éleveurs afin de s'emparer de leurs biens, puis le sentiment de
complicité des autorités locales, des familles notables, puis des
autres citoyens qu'on croyait indemnes de ce genre de phénomènes,
ont laissé des empreintes profondes, qu'il faut surmonter.
La meilleure manière pour parvenir à un climat
de paix sociale est celle de la multiplication des tournées ou des
ateliers locaux entre agriculteurs et éleveurs. En effet, l'historique
de l'encadrement des populations rurales montre bien que l'habitude courante
est celle d'aborder les deux groupes de manière séparée.
Ce clivage déjà, ne favorise pas une paix durable. Certaines
autorités militaires et administratives ne font jamais les choses dans
le sens d'un règlement des conflits mais alimentent ceux-ci
plutôt, ils préfèrent gérer le désordre car
c'est rentable. Les deux parties ne peuvent pas arriver par leurs propres
forces à organiser des tournées ou ateliers de pacification, il
faut impérativement l'appui d'une tierce instance pour faciliter les
réunions de concertation entre elles. Si la majorité de personnes
pensent qu'il faut l'intervention de l'Etat à travers les
Délégations des Droits de l'Homme, nous pensons plutôt
à des instances neutres, comme les ONG, les projets, puis d'autres
acteurs de la société civile. L'Etat peut se limiter à un
rôle de tutelle. Les ateliers et les tournés de pacification
devront porter sur le diagnostic des problèmes opposant les deux
parties, puis sur l'ébauche de solutions visant la conciliation et la
cohabitation pacifique.
95
En cas de conflits violents, graves ou persistants, les
ateliers de concertation pourraient être précédés
par des initiatives de médiation des conflits. Cette approche, qui vise
la réconciliation entre les groupes concernés à partir
d'une démarche active de consultation et de négociation, exige
l'intervention des personnes expérimentées dans le domaine. Les
outils des « commissions de vérité et de
réconciliation»124, puis des « pardons collectifs
», expérimentés dans un certain nombre de pays en Afrique et
en Occident, pourraient servir d'une certaine inspiration. Au Tchad,
l'opportunité pour des interventions en termes de médiation de
conflits ne se présente que localement, jamais les médiations de
conflits ont fait l'objet des conférences ou des ateliers nationaux. En
marge de la Conférence Nationale Souveraine de 1993 et des deux Forums
Nationaux Inclusifs de 2018 et 2020, les conflits liés à la
mobilité pastorale et surtout les conflits agriculteurs et
éleveurs ont été abordés mais jamais ils n'ont
retenus l'attention de l'exécutif.
Cette approche nationale pourrait dans un deuxième
temps être complétée par la facilitation, toujours par
l'intermédiaire des institutions neutres, des tournées
ponctuelles au niveau local (Sous-Préfecture, Département,
Province,) en réunissant autour d'une table l'ensemble des acteurs
concernés au niveau rural (autorités politiques, administratives,
coutumières, tribunaux, gendarmerie, plates-formes villageoises,
techniciens, organisations socioprofessionnelles, etc.). Ces tournées
devraient permettre de faire table rase sur les malversations de part et
d'autre du passé et de discuter sur les principes d'une cohabitation
pacifique entre éleveurs et agriculteurs d'un côté, mais
aussi entre ces deux parties et les différents acteurs de l'Etat.
B. Encourager le vivre-ensemble
Promouvoir et restaurer un climat de paix entre les
agriculteurs et les éleveurs est une très bonne initiative pour
garantir une paix durable. Pour maintenir durablement cette paix, il faut
multiplier des initiatives encourageant le vivre-ensemble. Dans chaque
province, la Délégation en charge des droits humains peut
instaurer un Prix Provincial de cohabitation pacifique. Il doit être
décerné à toutes les personnes oeuvrant dans ce sens, les
particuliers, les autorités traditionnelles, militaires et
administratives, responsables religieux, politiques, les entreprises, les
associations et toutes les organisations, les fonctionnaires, les
commerçants,
124 La commission de vérité et de
réconciliation est une juridiction ou une commission non juridique mise
en place après des périodes troubles politiques, guerres civiles,
dictature, conflits violents ou persistants, qui pour objectif d'aider les
sociétés pour sortir de crise. Elle a été
expérimenté dans de nombreux pays notamment l'Afrique du Sud, la
Tunisie, le Burundi, le Canada, la Cote d'Ivoire etc.
96
les élus locaux etc. promettant le vivre-ensemble par
les actions qu'ils mènent et respectant eux-mêmes les droits
humains. L'objectif dudit prix serait de : respecter, encourager et promouvoir,
vulgariser les régimes des droits humains et de la cohabitation
pacifique, améliorer le brassage entre les populations et amorcer le
développement par le respect de la cohabitation.
En plus de ce prix de cohabitation pacifique, dans chaque
province, on peut instaurer une journée de vivre-ensemble en paix
provinciale en s'inspirant de celle des Nations Unies étant donné
que nous n'avons vu aucune manifestation du 16 mai dite journée
internationale du vivre-ensemble en paix dans les provinces ni même au
niveau national. D'après l'ONU « le vivre-ensemble en paix,
c'est d'accepter les différences, être à l'écoute,
faire preuve d'estime, de respect et de reconnaissance envers autrui et vivre
dans un esprit de paix et d'harmonie ».125 Comme celle des
Nations Unies, la Journée Provinciale du Vivre-ensemble en Paix sera un
moyen de mobiliser régulièrement les efforts de la province en
faveur de la paix, de la tolérance, de l'inclusion, de la
compréhension et de la solidarité, et l'occasion pour tous
d'exprimer le désir profond de vivre et d'agir ensemble, unis dans la
différence et dans la diversité, en vue de bâtir une
société viable reposant sur la paix, la solidarité et
l'harmonie126. Cette journée peut être
célébrée chaque année à la place de
l'indépendance de Pala, chef-lieu de la province sous l'autorité
du gouverneur de la province. La Délégation des droits l'homme et
le protocole du gouverneur peuvent s'en charger de l'organisation dudit
événement. Il va falloir impliquer les chefs de canton, les chefs
de village et les chefs de ferrique pour qu'ils passent à leur tour le
message aux populations profondes. Pour y arriver, chaque communauté
doit continuer à agir en faveur de la réconciliation afin de
contribuer à la paix et au développement durable, notamment en
collaborant avec les communautés, les chefs religieux et d'autres
parties prenantes, en prenant des mesures de réconciliation et de
solidarité et en incitant les êtres humains sensibilisés et
éduqués au pardon et à la compassion.127
PARAGRAPHE II : LE PLAN DE SENSIBILISATION ET
D'ÉDUCATION
Un plan de sensibilisation et d'éducation est une
action qui peut être entreprise par les Collectivités Autonomes en
complément au plan de communication pour prévenir les conflits
125 Cette définition est celle de l'Assemblée
des Nations Unies réunie le 8 décembre 2017 pour l'adoption de la
résolution A/RES/72/130 proclamant le 16 mai Journée
Internationale du vivre-ensemble en paix.
126 ONU, Journée Internationale du vivre-ensemble en paix
16 mai, [En ligne]
www.un.org/fr/obdervances/living-in-peace-day,
consulté le 18 juin 2021.
127 Ibid.
97
liés à la mobilité pastorale. La
sensibilisation et l'éducation des populations (A)
répondront aux attentes de l'administration et des administrés
que si elles sont suivies de la mise en place des plates-formes de cohabitation
(B) qui vont pérenniser ses acquis (de la
sensibilisation et l'éducation).
A. Sensibilisation et éducation des populations
concernées
Les organisations de la société civile,
notamment les ONG pourront apporter positivement leur concours à la
recherche des solutions aux conflits liés à la mobilité
pastorale et surtout les conflits agriculteurs et éleveurs en menant des
sensibilisations. Leur contribution relève particulièrement de
leur compétence en matière de pacification de la population. Les
ONG religieuses et des organisations socioprofessionnelles ont des
facilités à passer des messages de paix et de vivre-ensemble, car
elles sont plus proches des populations. Les projets de développement
peuvent agir dans le sens de la sensibilisation des parties prenantes afin de
garantir l'impact de leurs interventions.
Ces acteurs, pour mener à bien ces sensibilisations
doivent maîtriser les procédures en vigueur en matière de
gestion des conflits liés à la mobilité pastorale et
sensibiliser les populations dans ce sens c'est-à-dire les apprendre
leurs droits et surtout les procédures de gestion des conflits.
L'ignorance de ces procédures peut constituer un sérieux handicap
pour les agriculteurs et les éleveurs. Aussi, la plupart des citoyens
sont très souvent perdus dans leur démarche, avec à terme
le découragement et la frustration. Ils perdent du temps et
dépensent d'argent et aucun résultat. La connaissance des
procédures pourrait être améliorée à travers
des ateliers et conférences où les associations et les
groupements villageois doivent prendre part. Pour impacter les populations et
surtout compte tenu du taux d'analphabétisme dans la province, ces
conférences peuvent être animées en français, en
arabe et aussi et surtout dans les langues locales.
Les éleveurs ont plus besoin de connaître leurs
droits car ces derniers, lors des déplacements sont victimes de toutes
les sortes d'abus des hommes en tenue. C'est pourquoi il est indispensable
d'instruire ces éleveurs sur leurs droits. Les éleveurs subissent
des peines ou s'acquittent d'amendes qu'ils n'auraient pas dû payer s'ils
avaient été au courant des textes juridiques en vigueur.
L'enseignement des règles élémentaires de droit aux
populations villageoises leur permettrait de mieux se défendre des
autorités qui profitent souvent de leur naïveté pour les
racketter. Ces enseignements pourraient s'effectuer sous forme ludique
(théâtre, sketchs, etc.), de projection de films, etc. Ils
seraient plus accessibles à ces derniers si
98
les sketchs et filmes se passent en langue locale et
pérennisés par des plates-formes de cohabitation.
B. Création des plates-formes de cohabitation
L'instauration de la paix sociale entre les agriculteurs et
les éleveurs ne pourra pas se limiter aux simples ateliers ou
conférences de pacification. En réalité ces ateliers et
conférences ne constituent qu'une étape de la consolidation de la
paix entre les agriculteurs et éleveurs. Ils ne doivent donc pas rester
des initiatives vides mais s'insérer dans une stratégie à
long terme. Dans cet esprit, les conférences et les ateliers pourraient
converger vers des plates-formes ou cadres permanents de réflexion et de
concertation. Composées de manière paritaire par des
représentants des deux groupes en place, en particulier des sages, ces
plates-formes pourront jouer un rôle primordial dans la réflexion
sur l'avenir de la cohabitation, c'est-à-dire la détermination
des modalités pratiques et des mesures à prendre pour la
prévention des futurs conflits. Les chefferies traditionnelles des deux
côtés, étant les acteurs classiques dans le traitement des
conflits, doivent de préférence être des membres d'office
de ces cadres. S'il faut apprécier à sa juste valeur la mise en
place du Conseil des Sages et des Personnes Ressources (CSPR) qui correspond
à cet esprit de cadre, cependant, il reste beaucoup à faire pour
que ce cadre soit une plate-forme qui peut garantir une paix durable. D'abord
pour sa composition, les membres qui sont au nombre de huit (8) sont
insuffisants, certains chefs traditionnels sont exclus, il n'y a pas des places
exclusivement réservées à eux. Le président du
conseil est désigné par le gouverneur de la province. Son
objectif qui est d'instaurer une quiétude entre les communautés
pour une paix durable. Son rôle d'éveil, de surveillance,
d'information et de sensibilisation tout en servant au développement de
la province est noble mais les lacunes ci-haut mentionnées doivent
être réparées pour qu'elle puisse arriver à ses
missions. Le CSPR est siégé à Pala, loin des agriculteurs
et des éleveurs si ces derniers ne viennent pas eux-mêmes
solliciter son aide. Le CSPR peut désigner une représentation
permanente dans chaque canton de la province pour être plus proche des
populations. Au niveau du canton, le CSPR doit prendre en compte les traditions
de chaque localité pour mieux prévenir les conflits.
99
CONCLUSION DU CHAPITRE IV
En somme, à la fin de ce chapitre, il importe de
retenir qu'à la suite de l'Etat, les Collectivités Autonomes
peuvent prendre des mesures pour diminuer les conflits liés à la
mobilité pastorale sur leur territoire. Elles peuvent notamment mettre
sur pied des systèmes communautaires d'alerte précoce avec une
communication efficace dont les moyens seront connus de tous, dont les
volontaires chargés de la communication maîtriseront les risques
et connaitront les mesures à adopter pour intervenir. Elles peuvent
aller plus loin en mettant en place des plans de communication, de
sensibilisation et d'éducation des populations qui peuvent aboutir
à l'instauration des plates-formes de cohabitation pacifique qui
permettront de pérenniser les acquis des plans de communication, de
sensibilisation et d'éducation. Ils peuvent instaurer sur leur
territoire, une paix civile durable entre les agriculteurs et les
éleveurs qui sont en perpétuel conflit et encourager le
vivre-ensemble par des conférences, des ateliers et des forums, des
journées de paix et des prix provinciaux appelant sur la table toutes
les couches de la société.
100
CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE
En résumé, dans cette seconde partie de notre
mémoire consacrée aux mesures d'atténuation des impacts
des conflits liés à la mobilité pastorale, il était
question pour nous de voir les mesures que peuvent être prises pour
atténuer les impacts de ces conflits. Il ressort après analyse
que, l'Etat et les Collectivités Autonomes peuvent chacun prendre des
mesures allant dans ce sens car garantir la sécurité des
personnes et les biens de ces derniers qui vivent sur leur terroir est une de
leurs missions régaliennes. L'Etat peut arriver à satisfaire
cette mission en soutenant une gestion consensuelle et
décentralisée de l'espace agropastoral et des conflits, en
améliorant et harmonisant les textes régissant le monde rural et
déterminer le champ d'intervention exact des acteurs d'application de
ces textes. Les Collectivités Autonomes en poursuivant les actions de
l'Etat au niveau local peuvent, elles aussi aller dans le sens
d'atténuer les impacts des conflits liés à la
mobilité pastorale en mettant sur pied des systèmes
communautaires d'alerte précoce et des plans de communication, de
sensibilisation et d'éducation des populations dont les acquis peuvent
être pérennisés par la mise en place des plates-formes de
cohabitation pacifique dans lesquelles tous les acteurs seront
conviés.
101
CONCLUSION GÉNÉRALE
Arrivé au terme de notre rédaction portant sur
les impacts des conflits liés à la mobilité pastorale sur
le développement et la gouvernance dans la province du Mayo-Kebbi Ouest,
il est temps de faire un bilan succinct de nos observations.
Il était question pour nous d'analyser les impacts des
conflits sur le développement et la gouvernance dans la province et
faire des propositions concrètes pour atténuer les impacts de ces
conflits afin garantir une vie paisible aux citoyens. Pour y arriver, l'Etat et
les Collectivités Autonomes rencontrent assez de difficultés. Ces
problèmes sont issus eux-mêmes de la mauvaise gouvernance, c'est
sont notamment : la corruption, les fortes amendes lors des règlements
des conflits, l'incompétence des autorités administratives et
militaires, la politisation des conflits, le soutien des élus locaux,
des hommes d'affaires et des hommes politiques aux protagonistes, la
pluralité des instruments juridiques dans la gestion des conflits... Ces
problèmes empêchent tout règlement acceptable des
conflits.
Pour des raisons méthodologiques, nous nous sommes
intéressé dans un premier temps aux impacts des conflits
liés à la mobilité pastorale sur le développement
et la gouvernance de la province. Il s'agit de la première partie dans
laquelle nous avons essayé de faire ressortir les impacts proprement
dits de ces conflits sur le développement et la gouvernance dans le
premier chapitre. Des observations issues de ce premier chapitre, il en
découle qu'il existe des barrières pour la bonne gestion de ces
conflits. C'est qui nous a amené à parler de ces
difficultés, tous, des effets de la mauvaise gouvernance au
deuxième chapitre. À l'issu de cette première partie, nous
avons constaté que les conflits liés à la mobilité
pastorale sont des oppositions très persistantes ces dernières
années avec des conséquences drastiques à tous les
niveaux. Des solutions pour atténuer les impacts de ces conflits
d'imposent. C'est pourquoi tout au long de la deuxième partie, nous
avons proposé des mesures d'atténuation des impacts de ces
conflits. Dans le troisième chapitre, nous avons proposé des
mesures d'atténuation au niveau de l'Etat qui a pour mission
régalienne de garantir la sécurité des personnes et de
leurs biens. Dans le quatrième chapitre, nous avons proposé des
mesures dans la perspective de la décentralisation, étant
donné que les Collectivité Autonomes ont reçu des
compétences de la part de l'Etat pour améliorer les conditions de
vie des citoyens.
Globalement, les constatations qui se dégagent de notre
étude montrent que nos hypothèses n'ont pas été les
fruits d'un hasard, car elles ont été vérifiées
à travers les données quantitatives et qualitatives avec
lesquelles nous nous sommes servis dans notre travail et montrent que les
conflits liés à la mobilité pastorale ont des impacts
négatifs, pour la plupart
102
du temps sur le développement économique et
social et sur la gouvernance dans la province et que ceux-ci nécessitent
des pistes d'amélioration.
Après avoir traité les problèmes qui ont
préoccupés dans cette recherche, il nous a semblé
indispensable de proposer des solutions palliatives pour diminuer les effets de
ces conflits. Il s'agissait en fait des mesures d'atténuation. Ces
mesures se situent à deux niveaux, au niveau de l'Etat central et au
niveau des Collectivités Autonomes. Au niveau de l'Etat, ces mesures
peuvent concerner le soutien de l'Etat à une gestion consensuelle de
l'espace agro-pastoral, renforcer les capacités des autorités
traditionnelles et coutumières en matière de gestion des
conflits, améliorer les textes régissant le monde rural,
déterminer le champ d'intervention exact des acteurs intervenant dans la
gestion des conflits liés à la mobilité pastorale, appuyer
l'élaboration des codes locaux respectant les traditions et les
pratiques de cette province... Au niveau des Collectivités Autonomes,
ces mesures peuvent concerner la mise en place d'un système
communautaire d'alerte précoce efficace avec des moyens et des mesures
d'intervention connus de tous, dans lequel les risques réels qui
pèsent sur les populations doivent être identifiés. Elles
peuvent concernés également l'instauration de la paix civile
entre les différents groupes, encourager le vivre-ensemble, sensibiliser
et éduquer les populations en créant des plates-formes de
cohabitation pacifique.
La compilation des données ayant concouru à la
rédaction du présent travail ont été rendu possible
grâce à un travail qui nous transportées à la
réalité de la pratique sur le terrain notamment au gouvernorat de
la province du Mayo-Kebbi Ouest et les villages et ferriques dans lesquels les
conflits liés à la mobilité pastorale sont
récurrents. Nous avons à cet effet, dans le cadre de notre stage
recueilli les données qualitatives et quantitatives, non seulement
auprès des services du gouvernorat, mais également auprès
des populations et les autorités traditionnelles et coutumières
pour connaitre les causes, les modes de règlement, les impacts sur
l'agriculture, l'élevage, l'environnement, la sécurité des
personnes et la manifestation de ces conflits liés à la
mobilité pastorale.
En somme, les conflits liés à la mobilité
pastorale ont d'innombrables impacts négatifs sur le
développement et la gouvernance dans la province. Ces impacts sont la
destruction des champs, la destruction de l'environnement, les blessures et la
tuerie d'animaux, la détérioration des termes d'échanges
entre les agriculteurs et les éleveurs, la désorganisation
sociale des pasteurs, les violations des droits humains, la mise en mal de la
sécurité des personnes et de leurs biens, eu égard des
informations que nous avons reçues et confirmées et les
témoignages des populations concernées sur le terrain. En plus
des impacts de ces conflits sur le développement et la gouvernance de la
province du Mayo-Kebbi Ouest, nous nous
103
préoccupons par l'épineuse question de la
transfrontalité des conflits liés à la mobilité
pastorale. Malgré qu'il existe quelques traités et accords
internationaux régissant la mobilité pastorale sur le plan
sous-régional, des milliers d'éleveurs tchadiens croupissent dans
les prisons des pays voisins. En fait, comment le Tchad compte assurer la
sécurité des éleveurs dans la mobilité pastorale
transfrontalière ? Quelles sont les actions menées par les pays
de la CEMAC pour sécuriser la mobilité pastorale ?
ANNEXES
LISTE DES ANNEXES
Annexe 1 : Guide d'entretien avec les responsables des services
du gouvernorat de la province du Mayo-Kebbi Ouest
Annexe 2 : Guide d'entretien avec les agriculteurs Annexe 3 :
Guide d'entretien avec les éleveurs Annexe 4 : Les photos
illustratives
Annexe 5 : Carte climatique du Tchad
Annexe 6 : Carte de végétation du Tchad
Annexe 7 : Code pastoral de la République du Tchad Annexe
8 : Attestation de stage
104
105
Annexe 1: Guide d'entretien avec les
responsables des services du gouvernorat de la province du Mayo-Kebbi Ouest.
GUIDE D'ENTRETIEN AVEC LES RESPONSABLES DES SERVICES DE
LA
PROVINCE DU MAYO-KEBBI OUEST.
Je m'appelle ALI SALEH SOULEYMANE, je suis un
stagiaire aux services du Gouvernorat de la province du Mayo-Kebbi Ouest. Je
mène des recherches sur : « Les impacts des conflits
liés à la mobilité pastorale sur le développement
et la gouvernance dans la province du Mayo-Kebbi Ouest ».
À cet effet, je souhaite avoir des informations relatives
à ce sujet dans votre service.
Je vais vous rassurer que toutes les informations que vous
mettez à notre disposition resteront confidentielles et essentiellement
destinées à la science. Elles ne seront utilisées que dans
le cadre de notre travail de recherche.
1- Comment naissent les problèmes entre les
agriculteurs et les éleveurs dans le Mayo-Kebbi Ouest ?
2- Quels sont les impacts des conflits liés à
la mobilité pastorale sur l'économie de la province du Mayo-Kebbi
Ouest ?
3- Quels sont les impacts sociaux de ces conflits
développement et sur la gouvernance de la province ?
4- Quels sont les personnes les plus exposées aux
conséquences de ces conflits ?
5- Quelles sont les mesures prises par votre service pour
limiter les impacts de ces conflits ?
Tout en espérant que vos portes nous seront toujours
ouvertes pour les renseignements complémentaires, veillez agréer
Monsieur/Madame, l'expression de nos remerciements pour votre bonne
compréhension et votre disponibilité.
106
Annexe 2: Guide d'entretien avec les agriculteurs
Je m'appelle ALI SALEH SOULEYMANE, je suis un
stagiaire aux services du Gouvernorat de la province du Mayo-Kebbi Ouest. Je
mène des recherches sur : « Les impacts des conflits
liés à la mobilité pastorale sur le développement
et la gouvernance dans la province du Mayo-Kebbi Ouest ».
À cet effet, je souhaite avoir des informations sur vos
relations avec les éleveurs mobiles.
Je vais vous rassurer que toutes les informations que vous
mettez à notre disposition resteront confidentielles et essentiellement
destinées à la science. Elles ne seront utilisées que dans
le cadre de notre travail de recherche.
1- En quelle période les éleveurs descendent dans
votre zone ?
2- Comment naissent les problèmes entre vous et les
éleveurs dans le Mayo-Kebbi Ouest ?
3- Qu'est-ce que l'Etat, les Collectivités Autonomes
font pour que vous viviez en paix ?
4- Comment vous sécurisez vos champs ?
5- Quelles sont les conséquences de ces conflits sur
vos vies et vos biens ?
6- Après un conflit, est-il facile de revenir au
meilleur sentiment avec les personnes avec lesquelles vous avez eu des
différends ?
7- Quels sont les personnes les plus exposées aux
conséquences de ces conflits ?
8- Comment vous réglez les problèmes entre vous
et les éleveurs et quels sont les acteurs qui interviennent dans ces
règlements ?
9- Parmi ces acteurs vous saisissez qui en premier lieu et
pourquoi ?
10- À votre niveau, qu'est-ce que vous faites pour
prévenir et régler les conflits entre vous en ne recourant
à personne ?
Tout en espérant que vous seriez disponibles pour nous
donner des renseignements complémentaires en cas besoin, recevez nos
remerciements pour votre bonne compréhension et votre
disponibilité.
107
Annexe 3: Guide d'entretien avec les
éleveurs
Je m'appelle ALI SALEH SOULEYMANE, je suis un
stagiaire aux services du Gouvernorat de la province du Mayo-Kebbi Ouest. Je
mène des recherches sur : « Les impacts des conflits
liés à la mobilité pastorale sur le développement
et la gouvernance dans la province du Mayo Kebbi Ouest ».
À cet effet, je souhaite avoir des informations sur vos
relations avec les agriculteurs.
Je vais vous rassurer que toutes les informations que vous
mettez à notre disposition resteront confidentielles et essentiellement
destinées à la science. Elles ne seront utilisées que dans
le cadre de notre travail de recherche.
1- En quelle période vous descendez dans votre zone
soudanienne et pourquoi ?
2- Quels sont avantages de la mobilité pastorale ?
3- Quelles difficultés rencontrez-vous lors des
déplacements ?
4- Comment surmontez-vous ces difficultés ? Qui vous
vient en aide ?
5- Autrefois, les éleveurs en déplacement
s'arrêtaient dans la zone sahélienne, vous vous rappelez des
années dans lesquelles les éleveurs ont commencé à
aller dans la zone soudanienne dès fois jusqu'aux frontières avec
le Cameroun et la République Centrafricaine ?
6- Comment naissent les problèmes entre vous et les
agriculteurs dans la zone soudanienne ?
7- Qu'est-ce que l'Etat, les Collectivités Autonomes
font pour que vous viviez en paix ?
8- Quelles mesures prenez-vous pour que vos animaux ne
détruisent pas les champs des cultivateurs lors vos déplacements
dans le sud ?
9- Quelles sont les conséquences de ces conflits sur
vos vies et vos biens ?
10- Sentez-vous en sécurité lors des
déplacements ?
11- Utilisez-vous des objets de quelque nature pour vous
défendre en cas d'attaque ?
12- Après un conflit, est-il facile de revenir au
meilleur sentiment avec les personnes avec lesquelles vous avez eu des
différends ?
13- Quels sont les personnes les plus exposées aux
conséquences de ces conflits ?
14- Comment vous réglez les problèmes entre
vous et les agriculteurs et quels sont les acteurs qui interviennent dans ces
règlements ?
15- Parmi ces acteurs vous saisissez qui en premier lieu et
pourquoi ?
108
16- À votre niveau, qu'est-ce que vous faites pour
prévenir et régler les conflits entre vous en ne recourant
à personne ?
Tout en espérant que vous seriez disponibles pour nous
donner des renseignements complémentaires en cas besoin, recevez nos
remerciements pour votre bonne compréhension et votre
disponibilité.
Annexe 4: Les photos illustratives

Lors d'un échange avec les sages de BIRDJI-BAOU (30
avril
2021).

Chef de ferrique de Gonkaria (au milieu) photo prise le 2 avril
2021 dans la chefferie.

Femmes et filles peuls et haoussas qui ont quitté les
ferriques pour aller le lait en ville. Photo prise le 3 avril 2021 à
l'entrée ouest de Pala.

Photo prise avec un enfant bouvier de neuf (9) ans, au
ferrique de Ouro-Dolé (30 avril 2021).
109

Des éleveurs et agriculteurs réunis autour du chef
de ferrique et du chef de village pour écouter la tendance d'un jugement
(5 mai 2021).

Agriculteurs (E) et éleveurs (E) que nous avons
eu mettre ensemble pour connaitre les actions qu'ils mènent chacun
de leur côté pour prévenir les conflits (12 mai
2021).

Lieu d'habitation d'un éleveur dans le ferrique de
BIRDJI-DAOU (30 avril 2021).

Quelques habitants du ferrique de SOUDJÉ avec lesquels
nous avons eu des échanges (10 mai 2021).
110
NB : les huit photos illustratives sont des
photos filmées par nous-même lors de notre stage à Pala,
chef-lieu de la province du Mayo-Kebbi Ouest.
Annexe 5 : Carte climatique du Tchad

111
112
Annexe 6: Carte de végétation du
Tchad

Annexe 7: Code pastoral de la République du Tchad
RÉPUBLIQUE DU TCHAD Unité - Travail -
Progrès
PRESIDENCE DE LA REPUBLIQUE
Loi N° IPR/2014
PORTANT CODE PASTORAL
Vu la Constitution ;
L'Assemblée Nationale a délibéré et
adopté en sa séance du ................. Le Président de
la République promulgue la Loi dont la teneur suit
TITRE I : DES DISPOSITIONS GENERALES
,Chapitre I : De l'objet et du champ
d'application
Article 1PY: La présente Loi
portant Code pastoral, a pour objet de déterminer les principes
fondamentaux en matière du pastoralisme en République du
Tchad.
Article 2: La présente Loi
s'applique à l'élevage pastoral des
espèces bovines, ovines, caprines, camélines,
équines et asines.
Sont exclus du champ d'application de cette Loi les aspects
liés à la santé animale, à l'exploitation du
bétail et à sa commercialisation_
Chapitre Il : De la définition de la politique
en matière de pastoralisme
Article 3 : L'Etat est responsable de
la définition de la politique générale en matière
de pastoralisme.
Chapitre Ill : Des définitions
Article 4 : Au sens de
la Loi, on attend par
· Accords sociaux : ensemble des us,
coutumes et pactes par lesquels les groupes sociaux ayant un lien de sang ou
non s'acceptent et échangent à travers des obligations de
solidarité réciproques. Ces accords sociaux sont fondés ou
non sur des alliances ;
· Alliances : Conventions (formelles ou
informelles) sociales à travers lesquelles deux ou plusieurs groupes
sociaux se définissent des formes de solidarité, d'entraides et
d'obligations en rapport avec l'espace et les ressources naturelles ;
· Aire de pâturage ; espace
traditionnellement réservé aux pâturages ;
1
·
114
Aire de séjour : site d'accueil des
animaux en saison sèche à l'étape ultime de la
transhumance ;
· Aire de stationnement : espace bien
pourvu en ressources pastorales sur lequel se reposent momentanément les
animaux avant de poursuivre la transhumance
· Aire protégée : tout
espace dont l'accès au bétail est soit interdit soit
réglementé en vue de la protection des espèces qu'il
contient ;
· Berger : toute personne qui garde et
conduit les animaux aux pâturages et aux points d'abreuvement ;
· Couloir de transhumance : tout
itinéraire reliant la zone de pâturage du terroir d'attache au
pâturage des zones d'accueil ;
· Cures salées : terme
désignant par défaut les sites de gisements de natron sur
lesquels les animaux séjournent en saison de pluies. Ce sont
égaiement des sites où des caravanes de pasteurs viennent
séjourner aux fins d'approvisionnement en natron ;
· Domaine public naturel de l'État :
ensemble des cours d'eau permanents ou non, des lacs, étangs et
sources dans la limite des plus hautes eaux avant débordement ainsi
qu'une bande de ZS mètres au-delà de cette limite, des
îles, ilots, bancs de sable et atterrissements se formant dans les
fleuves, les nappes d'eau souterraine, des gîtes minéraux et
miniers et des forêts classées ;
· Droits d'accès aux ressources :
ensemble de dispositions formelles ou informelles permettant à
un groupe de pasteurs d'accéder aux ressources naturelles et d'y
revendiquer des droits d'usage communautaire ;
· Nomadisme : tout déplacement
imprévisible dans te temps et dans l'espace des hommes et des animaux
à la recherche de pâturages et de l'eau d'abreuvement ;
· Pasteur : tout éleveur qui
tire ses principaux revenus d'un élevage pratiqué suivant un mode
d'utilisation des ressources fondé sur la mobilité ;
· Pâturages : ensemble des
ressources naturelles principalement végétales habituellement
utilisées pour assurer l'alimentation des animaux ;
· Pastoralisme : mode d'élevage
fondé sur la mobilité permanente ou saisonnière du cheptel
;
2
· Piste â bétail: corridor
qu'emprunte le bétail pour accéder aux ressources pastorales.
Il désigne aussi les itinéraires des
opérations de convoyage d'animaux de commerce ;
· Point d'abreuvement : point d'eau
pouvant être utilisé pour l'abreuvement des troupeaux ;
· Propriétaire de capital-bétail:
toute personne détentrice des capitaux investis
préférentiellement dans le bétail ;
· Ressources pastorales : ensemble des
ressources clés nécessaires à l'alimentation des animaux
en élevage extensif. Exemple : l'eau, le pâturage, les
résidus de cultures, le foin stocké, les terres
salées...
· Site sacré : endroit
utilisé pour les cérémonies d'initiation traditionnelle ou
pour l'organisation des cultes traditionnels ;
· Terroir d'attache : unité
territoriale à laquelle restent attachés les pasteurs lorsqu'ils
se déplacent à l'occasion de la transhumance et vers laquelle ils
y retournent;
· Terroir d'accueil : unité
territoriale déterminée et reconnue vers laquelle convergent les
pasteurs en saison sèche à la recherche des ressources pastorales
;
· Transhumance : déplacement
cycliques des animaux et/ou groupes sociaux à la recherche des
ressources pastorales rythmés par les saisons. Elle peut être
pratiquée au niveau national ou transfrontalier;
· Zones de concentration : sites
pourvus de ressources naturelles clés vers lesquelles affluent les
animaux pendant une période de l'année.
Chapitre IV : Des principes fondamentaux
Article 5: L'Etat a l'obligation de promouvoir
toutes formes de l'élevage.
Article b : L'Etat garantit
l'accès aux ressources pastorales situées en dehors des
propriétés privées et des aires protégées,
dans les conditions prévues à l'article 10.
Article 7 : La mobilité
pastorale à l'intérieur du territoire national est une
liberté reconnue à tout éleveur dans le respect de la
réglementation nationale en vigueur et des us et coutumes de la zone
d'accueil.
Au niveau sous-régional, elle est régie par des
accords et conventions inter-Etats.
z
115
Article 8 : L'Etat a l'obligation d'assurer un
accès équitable aux ressources
pastorales sans distinction d'origine, de race, de sexe ou de
religion.
Article 9 : Les éleveurs disposent d'un
droit d'usage sur les ressources pastorales situées sur leur territoire
d'attache et leur territoire d'accueil. L'exercice de ce droit d'usage n'exclut
pas l'accès des autres usagers A ces ressources.
Un décret d'application interministériel
précisera les différentes zones en fonction de leur vocation sur
l'ensemble du territoire national.
Article 10 : Il est fait obligation
aux éleveurs de participer a une gestion rationnelle et durable des
ressources pastorales avec le souci de la préservation des droits des
générations présentes et futures. Tout éleveur
a le devoir de respecter et de protéger
l'environnement.
Article 11.: Les activités
minières et pétrolières qui ont pour conséquence la
perte de droits d'usage pastoraux entraînent l'indemnisation ou la
compensation des titulaires de ces droits.
Article 12 : L'espace pastoral
constitué des couloirs de transhumance, de pistes à
bétail, des aires de stationnement, des pâturages et des ouvrages
hydrauliques ne peut faire l'objet d'une appropriation privée.
Article 13 : Les éleveurs ont
droit, dans leurs déplacements, au respect de leur vie privée et
de leurs biens, en particulier le bétail.
Article 14: Tout conflit susceptible
d'être engendré par l'utilisation des ressources pastorales doit
d'abord faire l'objet d'un règlement devant les instances ou
institutions de proximité prévues à cet
effet.
Article 15: Dans leurs
.déplacements, les éleveurs ont une obligation permanente de
surveillance et de contrôle de leur bétail. Ils veillent au
respect des biens d'autrui dont les champs.
Article 16: il est interdit d'obstruer
les couloirs de transhumance, les pistes à bétail et les voies
d'accès à l'eau, identifiés, répertoriés et
matérialisés, reconnus comme tels ou faisant l'objet d'un
accord.
Article 17 : En tout endroit et
à tout moment, les communautés pastorales et leurs organisations
doivent être associées aux divers processus
décisionnels affectant les ressources pastorales d leur
disposition.
TITRE 1i : DE LA GESTION DE L'ESPACE PASTORAL
Chapitre I : De la mobilité des animaux
116
117
Section 1 : Des obligations de l'Etat et des
Collectivités Territoriales Décentralisées
Article 18: L'Etat et les
Collectivités Territoriales Décentralisées ont
l'obligation d'aménager des couloirs de transhumance pour assurer le
déplacement du bétail entre les terroirs d'attache et les zones
d'accueil. L'Etat et les Collectivités Territoriales
Décentralisées ont égaiement l'obligation
d'aménager des voies d'accès du bétail aux
pâturages, aux points d'eau, aux cures salées et aux
marchés à bétail.
Article 19 : L'Etat et les
Collectivités Territoriales Décentralisées mettent en
place des centres de secours en matière de santé et de
sécurité le long des couloirs de transhumance, à
proximité de grands marchés â bétail et dans les
zones de concentration de bétail.
Article 20: L'Etat et les Collectivités
Territoriales Décentralisées aménagent des points
d'eau et des aires de stationnement le long des couloirs de transhumance.
Section 2: De l'identification, de la
délimitation et de la matérialisation des couloirs de
transhumance et des pistes â bétail
Article 21 : Les couloirs de
transhumance existants à la date d'entrée en vigueur de la
présente loi doivent être recensés,
réhabilités en priorité, et classés dans le domaine
public national.
Article : Les pistes à
bétail existantes â la date d'entrée en vigueur
de la
présente loi doivent être recensées,
réhabilitées en priorité, et classées dans le
domaine public de la Région où elles se trouvent.
Article 23 : A la demande du
Gouvernement ou des usagers, de nouveaux couloirs de
transhumance peuvent être créés dans une Région
selon un processus participatif impliquant les Conseils Régionaux, les
Conseils Départementaux, les Communes, [es Communautés Rurales,
les organisations professionnelles de pasteurs et les autorités
traditionnelles.
Il revient au Conseil Régional, sollicité par le
Ministère en charge de l'Elevage pour la création de couloirs de
transhumance, après concertation avec les organes
énumérés à l'alinéa précédent,
de faire à l'Etat des propositions d'identification et de
délimitation.
Sur la base de la délibération du Conseil
Régional, le Gouvernement adopte par voie de décret les couloirs
de transhumance qui lui sont proposés et procède à leur
classement dans le domaine public national.
L'Etat veille à une bonne jonction, au plan
national, des différents couloirs de transhumance.
5
118
Un décret d'application détermine les
modalités de consultation des différents organes
précités.
Article 24 : A la demande du
Gouverneur de Région, de nouvelles pistes â bétail peuvent
être créées dans les Départements selon un processus
participatif impliquant le Conseil Départemental, les Communes, les
Communautés Rurales, les Organisations professionnelles et les
Autorités Traditionnelles.
Il revient au Conseil Départemental
sollicité par le Gouverneur, après concertation avec les
organes énumérés à I'alinéa
précédent, de faire au Gouverneur des propositions
d'identification et de délimitation des pistes à bétail.
Sur la base de la délibération du Conseil Départemental,
le Gouverneur adopte par voie d'Arrêté la
proposition d'identification et de délimitation des couloirs de
transhumance.
Les autorités de la Région se substituent
à tout Conseil Départemental qui n'a pu présenter dans les
délais requis sa délibération relative à la
proposition d'identification et de délimitation de pistes pastorales
locales.
Le Gouverneur adopte par voie d'Arrêté les pistes
à bétail qui lui sont proposées et procède à
leur classement dans le domaine public régional.
Le Gouverneur veille à une bonne jonction, au plan
régional, des différentes pistes à bétail.
Article 25 : L'Etat se substitue
à tout Conseil Régional qui n'a pu présenter dans les
délais requis sa délibération relative à la
proposition d'identification et de délimitation de couloirs de
transhumance.
Article 26 : Quelle que soit la
région traversée, la largeur d'un couloir de transhumance ou
d'une piste à bétail doit permettre tout ce qui est
nécessaire pour en user, dont la fluidité dans la circulation des
troupeaux.
E1rticle 27 : Tout document
d'urbanisme ou d'aménagement du territoire ne saurait
méconnaître l'existence d'un couloir de transhumance lorsque
celui-ci traverse ou contourne une agglomération urbaine.
Article 28 : Dès lors que le
couloir de transhumance a été crée, le Ministère en
charge de l'Elevage procède sans délai à l'organisation de
sa matérialisation.
Dés lors que la piste à bétail a
été créée, les autorités de la Région
procèdent sans délai à l'organisation de sa
matérialisation.
Articje 29 : L'Etat a l'obligation de
viabiliser les couloirs de transhumance et les pistes à bétail
par des points d'eau, des aires de stationnement et des services sociaux de
base dont la santé et l'éducation.
6
119
Article 30 : L'Etat et les
Collectivités Territoriales Décentralisées veillent
à la sécurisation des couloirs de transhumance à vocation
transfrontalière.
Section 3 : Du régime juridique
Article 31 : Les couloirs de
transhumance régulièrement classés dans le domaine
public national et les pistes â bétail
classées dans le domaine public de la Région sont
inaliénables et imprescriptibles.
Lorsqu'un couloir de transhumance ou une piste pastorale
locale fait l'objet d'un déclassement, il tombe dans le domaine
privé de l'Etat ou de la Région selon le cas.
Article 32 : L'Etat et ses services
déconcentrés en charge de l'élevage ont l'obligation de
veiller à ce que les couloirs de transhumance et les pistes pastorales
locales respectent leur destination.
Article 33: L'Etat et les
Collectivités Territoriales Décentralisées contribuent
à la mise en place des mécanismes de gestion concertée des
couloirs de transhumance et des pistes à bétail.
Chapitre II : Des aires de stationnement
Article 34 : Il revient à
chaque Conseil Régional, après concertation avec les Conseils
Départementaux et les Communautés Rurales traversées par
un couloir de transhumance, d'identifier et de délimiter les aires de
stationnement le long de ce couloir. Celles-ci relèvent de son domaine
public.
Article. 35: La gestion des
aires de stationnement relève du Conseil Régional par le biais de
ses services techniques.
Article 36 : Le séjour sur une
aire de stationnement est à titre temporaire. Le séjour sur une
aire de stationnement ne crée aucun droit de propriété sur
l'espace occupé ni sur la fumure laissée.
Article 37 : Toute aire de
séjour doit être dotée des points d'eau,
d'une école nomade et des services de santé humaine et animale
mobiles.
Chapitre 1n: De l'insertion des transhumants dans les
zones d'accueil
Article 38 : L'accueil des
transhumants dans une zone d'accueil se fait sur la base des accords sociaux
passés avec les populations autochtones dans le respect de leurs us et
coutumes.
Article 39 : Lorsqu'ils transhument
dans les zones qui ne leur sont pas familières, les éleveurs sont
tenus de s'informer auprès des autochtones pour éviter de faire
pâturer les animaux dans les sites sacrés et les aires
protégées.
7
Article 40 : L'accès aux
points d'eau privés et communautaires dans une zone d'accueil se fait
sur la base d'un accord avec les propriétaires ou les gérants.
Une contribution à l'entretien des infrastructures peut être
demandée.
Article 41 : li est fait obligation aux
services publics des zones d'accueil de garantir aux transhumants
l'accès aux services sociaux de base notamment de santé humaine
et animale et d'éducation.
Chapitre IV : De l'insertion des transhumants dans les
zones agricoles
Aricle 42 : II est institué,
pour prendre en compte la nécessité d'une bonne
intégration entre l'agriculture et l'élevage, un système
de fermeture et de libération des champs de cultures pluviales en zone
agricole.
Les dates de fermeture et de libération des champs sont
déterminées dans chaque Région par un Arrêté
du Gouverneur après concertation avec le Conseil Régional, le
Conseil Départemental, les Communes, les Communautés Rurales, les
Organisations Professionnelles d'agriculteurs et
d'éleveurs.
Article 43:1! est fait obligation aux
agriculteurs de clôturer à tout moment les parcelles
maraîchères.
Article 44: Dans les zones de culture
de décrue, les agriculteurs et les éleveurs ont l'obligation de
veiller à leurs champs et animaux de jour et de
nuit.
Article 45 : L'agriculteur qui
souhaite bénéficier de la fumure des animaux peut autoriser le
parcage dans son champ.
Chapitre V : De l'hydraulique pastorale
Article 4 a : Les normes de maillage
à observer dans l'implantation des puits pastoraux sont les suivants
:
- En zone saharienne : 50 kilomètres entre deux
points d'eau ; - En zone sahélienne : 25 kilomètres entre deux
points d'eau ;
- En zone soudanienne : 25 kilomètres entre deux
points d'eau.
Article 42: Les ouvrages d'hydraulique pastorale
sont constitués :
- des puits à usage pastoral, publics ou forés
à l'initiative des communautés et des personnes de bonne
volonté ;
- des stations de pompage ;
- des mares à vocation pastorale spécialement
aménagées à cet effet.
120
Article 48 ; Afin de sécuriser
la mobilité du bétail transhumant ou d'ouvrir de nouveaux
pâturages inexploités par manque de points d'eau, l'Etat a
l'obligation de creuser des mares à vocation pastorale.
Article 49 : Il est interdit
d'implanter des villages sédentaires dans la zone d'emprise des points
d'eau pastoraux énumérés aux articles 47 et 48.
TITRE Ill : DES DROITS D'ACCES AUX RESSOURCES
PASTORALES
Article 50 : Les éleveurs ont
le droit d'accéder et d'exploiter librement les ressources pastorales
situées dans les zones pastorales pour l'alimentation
de leurs animaux.
Dans les zones non pastorales, ils peuvent
accéder à ces ressources dans les règles et les conditions
prévues par la réglementation en vigueur.
L'Etat et les Collectivités Territoriales
Décentralisées assurent l'accès équitable aux
points d'eau aménagés.
Chapitre I : De l'accès â l'eau
Article 51 : Les eaux relevant du
domaine public naturel de l'Etat, à savoir les cours d'eau permanents ou
non, les lacs, les mares et sources, sont accessibles sans restriction au
bétail à travers des pistes à bétail ou des
servitudes librement consenties par les riverains ou résultant d'un
accord avec les organisations d'éleveurs, et sans perception de taxe ou
de redevance.
Les éleveurs utilisateurs des eaux relevant du domaine
public naturel sont tenus de s'en servir rationnellement dans le respect des
droits des autres usagers.
Article 52 : Les mares à vocation
pastorale creusées dans les conditions définies à
l'article 48 sont à l'usage exclusivement pastoral. Elles ne sauraient
être exploitées à d'autres fins.
Article 53 : Les puits
traditionnels, réputés appartenir à une communauté,
ne sont accessibles au bétail qu'avec l'autorisation des
représentants de cette communauté. Il en est de même des
puits privés.
Article 54 : Les ouvrages hydrauliques
réalisés sur financement public ou à l'initiative d'une
Organisation Internationale, d'une Organisation Non Gouvernementale, d'un
donateur privé sont à l'usage de tout éleveur pour
l'abreuvement de son troupeau, dans le respect des règles et
conditions en vigueur.
Article 55 : L'Etat a l'obligation de
préserver l'usage multifonctionnel des ouvrages de retenue des eaux de
ruissellement en zone pastorale.
9
121
122
Article 56 : Tout usager d'un point d'eau a
l'obligation de l'entretenir.
Article 57: Les
bénéficiaires des points d'eaux aménagés peuvent
participer au frais d'entretien selon les modalités
définies d'entente partie avec tous les utilisateurs et les
autorités décentralisées.
Article 58: Les Collectivités
Territoriales Décentralisées, les services
déconcentrés de l'Etat, les autorités traditionnelles et
les organisations d'éleveurs, d'agriculteurs et de pêcheurs, le
cas échéant, apportent leur concours pour la mise en place des
comités de gestion de points d'eau afin de réduire ies conflits
entre les différents usagers.
Article 59: Les eaux de pluie peuvent
être recueillies par tout occupant d'une aire de stationnement, d'un
campement ou de tout espace pour l'abreuvement du bétail.
Article 60 : Les communautés
Rurales, en concertation avec les services déconcentrés du
Ministère en charge de l'élevage, du Ministère en charge
de l'Environnement et du Ministère en charge de l'Aménagement du
Territoire, les Organisations d'éleveurs, d'agriculteurs et de
pêcheurs, délimitent, en cas de nécessité, dans les
eaux de surface, des zones exclusivement réservées aux
activités de pêche.
Chapitre lI : De l'accès aux pâturages
Article 61 : L'accès aux
ressources Fourragères est libre sous réserve du respect des
droits des autres usagers.
Article 6Z : L'accès aux
résidus culturaux au profit des éleveurs est régi par les
accords et alliances sociaux ainsi qu'au respect du calendrier de
libération de champs.
Article 43 : Les champs mis en
jachère ne peuvent être accessibles au bétail,
qu'avec l'accord express de leurs propriétaires.
ArtisgAcents : Le pâturage dans une
forêt privée se fait avec l'accord de son propriétaire.
Article 65 : L'accès du
bétail dans les zones insulaires se fait sur la base des accords sociaux
existants entre les parties concernées.
Article 66 : Le pâturage
peut-être momentanément suspendu par décision du
sous-préfet territorialement compétent, sur proposition d'une
Communauté Rurale, sur un périmètre bien défini
pour permettre la coupe de paille et l'élagage des arbres aux fins de
coffrage des puits traditionnels et de construction d'habitation.
10
123
Article 67: Aucune
autorité administrative, traditionnelle ou militaire n'est
autorisée à percevoir une taxe ou une redevance liée
à l'utilisation des pâturages.
Chapitrent : De l'accès aux cures
salées
Article 68: Les cures salées
réputées n'appartenir à aucune personne
publique ou privée sont accessibles sans restriction au
bétail.
Article 69 : Les cures salées
placées sous la gestion d'une communauté ne sont accessibles au
bétail qu'avec l'accord de celle-ci.
Article 70 : Les cures salées
qui entrent dans le patrimoine privé d'un particulier ne sont
accessibles au bétail qu'avec l'autorisation de son
propriétaire.
Chapitre 1V : De l'accès aux aires
protégées.
Article 71: En cas de crises pastorales
aiguës, l'Etat à l'obligation de mobiliser toutes les ressources
nationales pour y faire face.
Un décret d'application pris en conseil de
ministre précisera à titre exceptionnel les modalités
d'accès aux aires protégées.
TITRE IV : DES DROITS ET OBLIGATIONS DES PASTEURS,
DES PROPRIETAIRES DE CAPITAL-BETAIL ET DES BERGERS
Chapitre I : Du Pasteur
Article 7Z : L'Etat a l'obligation
d'assurer la sécurité du pasteur et de ses biens.
Article 7a.: L'Etat a l'obligation d'adapter les
dispositifs nationaux de prévention et de gestion de crises
résultant de la sécheresse, de la famine, des épizooties
et épidémies aux particularités des communautés
pastorales.
Artiçle 74: Les pasteurs
sont obligatoirement impliqués dans les concertations touchant à
la gestion des ressources pastorales.
Chapitre ll : Des propriétaires du
capital-bétail
Article 75 : Le propriétaire de
capital-bétail dispose des mêmes droits et devoirs
que le pasteur dans l'accès aux ressources pastorales.
Article 76: Le propriétaire de
capital-bétail, qui ne participe pas à la transhumance, est dans
l'obligation de désigner parmi les bergers conduisant le troupeau son
mandataire en mesure de le représenter dans les actes civils et dans
toutes les procédures devant les instances de concertation, de
conciliation ou devant la justice. Il s'agit d'un mandat express susceptible
d'être présenté à tout moment.
ll
124
Chapitre lu : Du berger
Article 77 : Nul ne peut
être recruté comme berger avant l'âge de dix huit ans
révolu.
Article 78 : La
rémunération du berger doit résulter d'un accord librement
conclu avec le propriétaire du capital-bétail dans le respect de
la législation en vigueur en matière d'emploi de la main
d'oeuvre.
Article 79 : Le berger, qu'il soit
recruté par un propriétaire de capital-bétail ou
employé dans le cadre d'une exploitation familiale, a droit à un
traitement humain.
Article 80: Le berger salarie a
l'obligation de conduire le troupeau en toute responsabilité
et de lui apporter tous les soins nécessaires.
TITRE V : DES ORGANISATIONS PASTORALES
Article 81~:
Les organisations pastorales sont membres de droit de toutes les
instances paritaires mises en place au niveau local, régional ou
national pour assurer la gestion des ressources pastorales.
Article 82: Les organisations
pastorales et leurs structures faîtières bénéficient
des programmes de renforcement des capacités basés notamment sur
la formation, l'appui à la dynamique organisationnelle et le
développement d'échanges d'expériences.
TITRE VI: DE LA PREVENTION, DE LA GESTION ET DU
REGLEMENT DES CONFLITS LIES AUX RESSOURCES NATURELLES
Chapitre 1 : De la prévention des conflits
Article $3 : Les instances
traditionnelles communautaires constituent les cadres privilégiés
pour la prévention, la gestion et le règlement à l'amiable
des conflits liés à l'utilisation des ressources naturelles.
Article 84: L'Etat et les
Collectivités Territoriales Décentralisées encouragent, en
cas de nécessité, la création de cadres de concertation
intercommunautaire regroupant les représentants ou association
d'agriculteurs, d'éleveurs et de pêcheurs le cas
échéant.
Les instances de concertation développent une politique
tendant :
à l'instauration d'une culture de paix entre tous les
utilisateurs des ressources naturelles ;
à une cohabitation pacifique ;
au respect des us et coutumes des populations des zones d'accueil
et d'attache ;
12
125
- au respect du calendrier de fermeture et de libération
des champs ;
- à faciliter l'insertion des éleveurs transhumants
dans les zones d'accueil et d'attache.
Elles peuvent faire des propositions pour une meilleure
organisation de l'espace pastoral et une meilleure gestion des ressources
naturelles entre les éleveurs, les agriculteurs et les
pêcheurs.
Elles mènent des campagnes de sensibilisation sur le droit
en vigueur en matière de pastoralisme.
Article 85: Les instances de
concertation peuvent élaborer des conventions locales de gestion
concertée des ressources naturelles servant de cadre pour un
règlement de conflits.
Chapitre ll : Du règlement de conflits
Article 86 : Dans tout conflit relatif
à l'utilisation des ressources pastorales où il n'y a pas
atteinte à l'ordre public, la recherche d'une conciliation doit
être privilégiée.
Article 87 : La procédure de
conciliation se fait soit devant les instances communautaires traditionnelles
soit devant les structures mises en place dans le cadre d'une convention locale
de gestion de ressources naturelles.
Article 88 : Tout litige ayant abouti
à une conciliation entre les parties doit être
considéré comme définitivement réglé ; un
procès-verbal est dressé à titre de constat.
Article : Dans tout conflit lié à
l'utilisation des ressources naturelles, il
n'est fait recours qu'aux juridictions compétentes qu'en
cas d'échec de la procédure de conciliation.
Article 90. : Le droit commun de la
responsabilité civile est celui applicable pour le Règlement des
litiges résultant du fait personnel ou pour les dommages causés
par les animaux.
Chapitre Ill : Des infractions et sanctions
Article 91 : Constituent un délit au sens
de la présente loi et est puni d'un emprisonnement de un (1) mois
à six (6) mois, d'une amende de 50.000 à 200.000 franc
:
- Tout acte de cruauté en vers un animal pour
avoir divagué dans un champ ou pour s'être abreuvé dans un
point d'eau faisant partie d'une propriété ;
- Le fait d'avoir volontairement fait paltre le
bétail dont on a la garde dans un champ, une parcelle
maraîchère et verger;
13
126
- Les auteurs des obstructions volontaires des pistes
à bétail, des couloirs de transhumance et des voies
d'accès à l'eau ;
- Ceux qui auront volontairement conduit le troupeau
sur un site sacré ;
- Ceux qui auront volontairement laissé le
troupeau détruire les filets de pêche dans des zones
réservées à cet effet ;
- Ceux qui auront installé les filets de
pêche dans des zones réservées à l'abreuvement du
bétail.
Article 92 : Constitue un délit au sens
de la présente loi et est puni d'un emprisonnement de un(1) â
trois (3) ans et d'une amende de 200.000 à 500.000
francs :
le fait d'incendier volontairement une zone de
pâturage ; l'utilisation des produits toxiques empoisonnant les eaux
d'abreuvement et le pâturage ;
toute destruction des infrastructures pastorales,
notamment les ouvrages hydrauliques ;
tout traitement dégradant de bergers
salariés.
TITRE Vll : DES DISP0SITIONS TRANSITOIRES ET
FINALES
Article 93 : En attendant la mise en
place et le fonctionnement des organes délibérants des
Collectivités Territoriales Décentralisées, à
savoir le Conseil régional, le Conseil
Départemental, les Communautés Rurales, leurs attributions, dans
le cadre de cette loi, sont exercées par les services
déconcentrés de l'Etat.
Article 94 : l'Etat a l'obligation
d'accompagner l'évolution de l'élevage pastoral vers
l'élevage moderne.
Article 95 : Les modalités
d'application des dispositions de la présente loi sont fixées par
décret pris en conseil des Ministres sur proposition du Ministre
en charge de l'Elevage et de l'Hydraulique.
Article 96: La présente Loi
abroge toutes dispositions contraires notamment la Loi N° 04 du 31 Octobre
1959, sera enregistrée, publiée au journal Officiel de la
République et exécutée comme Loi de l'Etat.
N'Djamena, le
IDRISS DEBY ITNO
14
Annexe 8 : Attestation de stage


UNITE - TRAVAIL- PHOGREN
REPUBLIQUF Di; TCHAD
Conseil Militaire dc Transition
Présidence du Consed
Pritnature
Nlinisrere de l'Administration du Territoire Et dei la
Décentralisation
Province du Mayo-liebbi ouest Secrétariat
General
No0, PCMn' /PM/MATH /PM1{o/SC3 /soV t
ATTESTATION DE FIN
/E,

Je soussigné HASSANE Province du \la)'o-Kebbi Ducs
SALEI [ SOULEYMANE, F Locale, Décentralisation
l'Université de Dschan Académique d'un (01)
luverneur de la , Monsieur ALI
outi-ernance entent à
1) a suivi un Stage de notre
institution.
En foi de quo' .rë- attestation de fin de stage
lui

eur
Le G
19 Mai 20l1
HASSANE S
127
INE
est établie pour : e r ce que de
droit.
BIBLIOGRAPHIE
128
I - OUVRAGES GÉNÉRAUX
- BEITINE (Alain), « Dictionnaires des sciences
économiques », 2e édition, Paris, Armand Collin,
1999, 252 p ;
- FONTAN (Jean-Marc), « D'un système d'acteurs
à un écosystème d'intervention », Montréal,
Parole d'exclues, Novembre 2017, 104 p ;
- HERMET (Guy), « Dictionnaires de la science politique
et des institutions politiques, 3e édition, Paris, Armand Colin, 1998,
288 p.
- LATOUCHE (Serge), « Faut-il refuser le
développement ? », Paris, Presses Universitaires de
France, 1986, 216 p ;
- MELE (Patrice), LARUE (Corine), « Territoires d'action
», Paris, L'Harmattan, 2008, 272 p ;
- PERROUX (François), « L'économie du
XXe siècle », Paris, Presses Universitaires de France,
1961, 814 p ;
- RIST (Gilbert), « Le développement, histoire
d'une croyance occidentale », Presses de Science Po, 1996, 511 p ;
- SMOUTS (Marie-Claude), BATISTA (Dario) et VENNSSOU (Pascal),
« Dictionnaire des relations internationales : approches, concepts,
doctrines », Paris, Dalloz, 2003, 506 p.
- VACHON (Bernard), « Le développement local :
Théorie et pratique », Boucherville, Gaëtan Morin
Éditeur, 1994, 331 p.
II - OUVRAGES SPÉCIFIQUES
- BEELER (Sabrina), « Conflits entre agriculteurs et
éleveurs au nord-ouest du Mali », Londres, Presses of International
Institue for Environment and Development, 2006, 42 p ;
- CARRIERE (Marc), « Impact des systèmes
d'élevage pastoraux sur l'environnement en Afrique et en Asie tropicale
et sub-tropicale aride et sub-aride », Élevage et Environnement
à la Recherche d'un Équibre, Scientific Environmental Monitoring
Group, Universität des SaarlandesInstitut für Biogeographie,
Saarbrücken, juin 1996, 70 p ;
129
- CARRIERE (Marc) et Bernard (TOUTAIN), « Utilisation des
terres de parcours par l'élevage et infractions avec l'environnement
», Paris, Maisons-Alfort cedex-France, février 1995, 95 p ;
- DEMSOU (Themoi), KAGUEROU (Laoukoura) et Dara (LAOBEUL),
« L'évaluation de la contribution de la pêche à
l'économie du Tchad », pour le compte du FAO, septembre 2015, 45 p
;
- FAO, « Conflits et développement : un
défi pour la réalisation des Objectifs du Millénaire
», Rome, 2005, 11 p ;
- FAO, « Profil National, Genre des Secteurs de
l'Agriculture et du Développement Rural », N'Djamena, 2018, 112 p
;
- INS, « Statistique sur la Gouvernance, la Paix et la
Sécurité (GPS) au Cameroun en 2014 », Yaoundé, juin
2016, 59 p ;
- KRÄTLI (Saverio) et TOULMIN (Camilla), « Conflits
entre agriculteurs et éleveurs en Afrique subsaharienne ? »,
Londres, International Institue for Environment and Development, 2020, 113 p
;
- MAGRIN (Géraud), DJAMIL (Moctar Ahmed) et NEAOUNODJI
(Frédéric) (dir), « Note prospective sur les Enjeux du
Développement Rural au Tchad », Agence Française de
Développement, N'Djamena, Novembre 2011, 48 p ;
- ONU, « Profil de pays » (Tchad) de la Commission
économique pour l'Afrique des Nations Unies, Addis-Abeba, 2016, 28 p
;
- RELMADJI NGAKOUTOU (Etienne), « Manuel de
Sensibilisation et de Formation des responsables des Administrations Publiques
Impliqués dans la Lutte Anti-Braconnage dans la Région du
Mayo-Kebbi Ouest », N'Djamena, CUICN, 2014, 84 p ;
- SAWADOGO (Moumini), SISSOKO (Keffing), DANGBEGNON (Constant)
BENGALY (Zakaria), GARANE (Hamidou) et MAÏGA (Alkassoum) (dir), «
Étude sur la transhumance frontalière et les conflits liés
à l'utilisation des ressources naturelles en Afrique de l'Ouest »,
Dakar, CORAF/WACARD, 2015, 94 p.
III - OUVRAGES MÉTHODOLOGIQUES
- BEAUD (Michel), « L'art de la thèse, comment
préparer et rédiger une thèse de doctorat, un
mémoire de DEA ou une maitrise ou tout travail universitaire à
l'ère du Net », Paris, La Découverte, 2006, 19 p ;
- BERGEL (Jean-Louis.), « Théorie
générale de droit », Paris, Dalloz, 1989, 193 p ;
- GRAWITZ (Madeleine), « Lexiques des sciences sociales
», Paris, Dalloz, 1981, 376 p ;
130
- MACE (Gordon) et PETRY (François), « Guide
d'élaboration d'un projet de recherche », Montréal, Presses
de l'Université Laval, 2017, 172 p.
IV- THÈSES ET MÉMOIRES
- DINGAM-OUDAL RATEBAYE (Edmond), « Les acteurs
internationaux et la gouvernance de la commune de ville de N'Djamena : le cas
du PNUD et de l'AFD », Mémoire de Master, Gouvernance Locale,
Décentralisation et Développement, Université de Dschang,
2017, 105 p ;
- GOTHARD (Alain Guy Ghislain), « La gestion des conflits
entre agriculteurs et éleveurs dans la commune de Navaka en
République Centrafricaine », Mémoire de Master, École
Supérieure du Digital, Paris, 2012, 96 p ;
- KPEROU GABO (Byll Orou), « Impacts
socio-économiques de la transhumance transfrontalière dans la
zone riveraine du PARC W du Benin », Université Cheikh Anta Diop,
Dakar, Ecole Inter-Etats des Sciences et Médecine
Vétérinaires, 2006, 156 p ;
- SOUGNABE (Pabamé), « Le conflit
agriculteurs/éleveurs dans la zone soudanienne : le cas du Moyen Chari
au sud du Tchad », Mémoire de DEA Espaces, Sociétés
et Logiques Économiques et du Diplôme d'Ingénieur
d'Agronomie Tropicale, Université de Toulouse le Mirail, septembre 2000,
86 p.
V- ARTICLES
- ARTIDI (Claude), « Les enfants bouviers » du
sud du Tchad, nouveaux esclaves ou apprentis éleveurs ?, Cahiers
d'Etudes africaines, Volume 45, Cahier 179/180, 2005, pp. 713-729 ;
- DONGMO (Aimé Landry), HAVARD (Michel), MBIANTOUM
(Mathurin), NJOYA (Aboubakar) (dir), Responsabilité sociétale
et étatique dans la gestion des terroirs et des relations agriculture -
élevage au Nord - Cameroun : vers un cadre de concertation,
Yaoundé, Revue Scientifique de l'IRAD, 2007, pp. 8-85 ;
- ELODIE (Robert), Les zones pastorales comme solution aux
conflits agriculteurs/pasteurs au Burkina Faso : l'exemple de la zone pastorale
de Doubégué, Dynamiques des campagnes tropicales, Cahiers
d'Outre-Mer, 2010, pp. 47-71 ;
- GILG (Jean-Paul), Mobilité pastorale au Tchad
occidental et central, Paris, in les Cahiers D'ETUDES AFRICAINES,
École Pratique des Hautes Etudes - Sorbonne, sixième section des
sciences économiques et sociales, 1963, pp. 491-510 ;
131
- JACQUINOT (Nathalie), Le juge administratif et la
sécurité des personnes et des biens, in : Qu'en est-il de la
sécurité des personnes et des biens ? Mutations des Normes
Juridiques n° 7, Presses de l'Université de Toulouse 1 Capitole,
2008, 91-105 ;
- KONARE (Daouda) et COULIBALY (Mamadou) (dir), Evaluation
des Impacts de la Transhumance sur les Ressources Pastorales au sud du Mali
dans la Commune Rurale de Dabia (Cercle de Kéniéba),
European Scientific Journal Edition, Volume 15, N° 21, 2019, pp. 202-227
;
- MOHA (Mahaman), Les relations entre agriculteurs et
éleveurs en contexte de crise alimentaire à Roumbou-Sakabal,
Pais, Afrique Contemporaine, 2008/1 N° 225, pp. 137-
159 ;
- THOENING (Jean-Claude), L'action publique locale entre
autonomie et coopération, Quel avenir pour l'autonomie des
collectivités locales ?, Caisse de Dépôts (dir),
Éditions de l'Aube, 1999, pp. 103-128.
VI- TEXTES JURIDIQUES
- Code civil du Tchad ;
- Code pastoral du Tchad ;
- Code pénal du 9 juin 1967 ;
- Constitution de la République du Tchad ;
- Convention de la Communauté Economiques du
Bétail, de la Viande et des Ressources
Halieutiques (CEBEVIRHA) de la CEMAC ;
- Convention du 28 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant
ratifié par le Tchad par
ordonnance N° 018/PR/90 du 28 juillet 1990.
- Convention locale de gestion des couloirs de transhumance dans
la partie ouest de la
réserve de faune Binder-Léré de juillet 1995
;
- Convention régissant l'Union Economique de l'Afrique
Centrale du 5 juillet 1994 ;
- Législation foncière de juillet 1967 ;
- Loi n°4 du 31 octobre 1959 portant réglementation
du nomadisme sur le territoire de la
République du Tchad ;
- Loi N° 019/PR/2019 portant ratification de l'ordonnance
n°043/PR/2018 du 31 Août
2018 portant orientation Agro-Sylvo-Pastorale et Halieutique ;
- Loi n° 14/PR/98 du 17 août 1998 définissant
les principes généraux de la protection de
l'environnement ;
132
- Loi n°14/PR/2008 du 10 juin 2008 portant régime
des forêts, de la faune et des ressources halieutiques.
- Loi n°33/PP/2006 du 11 décembre 2006 portant
répartition des compétences entre l'Etat et les
Collectivités Autonomes ;
- Ordonnance N° 038/PR/2018 portant création des
Unités Administratives et des Collectivités Autonomes ;
- Ordonnance N° 04/PR/2008 portant Statuts et
Attributions des autorités traditionnelles et coutumières ;
VII- RAPPORTS D'ACTIVITES ET D'ÉTUDES
- AMADA (Kennedy), « Renforcement des capacités
des systèmes d'alerte précoce et de réaction rapide au
niveau local tout en garantissant la participation des leaders traditionnels,
des femmes et des jeunes à travers une formation en analyse et
rapportage », Activité 1.3.1 du projet « soutenir les
mécanismes de consolidation de la paix au niveau communautaire et
l'inclusion des jeunes dans les zones situées à la
frontière entre le Cameroun et le Tchad», Mai 2019, 61 p ;
- DJIRE (Moussa), « les Conventions Locales au Mali :
outils de gestion durable des ressources naturelles », Rapport de
Réussir la décentralisation, Bamako, octobre 2003, 89 p ;
- FERRARI (Florence) et ALHASCARI (Solkem), « Gestion des
ressources naturelles et gestion des conflits sur les ressources naturelles :
quelles améliorations possibles ? », étude
réalisée dans le cadre du Projet d'appui à la
prévention des conflits et à la coexistence pacifique au Tchad,
septembre 2016, 31 p ;
- IGAD, Projet Cartographie, évaluation et gestion des
ressources en eaux transfrontalières dans la sous-région IGAD,
Tome II, Composante socioéconomique, décembre 2011 ;
- KOUSSOUMNA LIBA'A (Natali), « Etude sur les conflits
agro-pastoraux dans les régions camerounaises du Nord, Adamaoua et Est
», Rapport final pour le compte du Groupe de la BAD, le HCR et la
Fédération Luthérienne Mondiale, Maroua, août 2016,
129 p ;
- MARTY (André), SOUGNABÉ (Pabamé),
DJATTO (Djonata) et NABIA (Aché), « Causes des conflits liés
à la mobilité pastorale et mesures d'atténuation »,
Rapport d'étude régie par la convention CDT 3000 et
financé par la République du Tchad et l'Agence Française
de Développement, N'Djamena, juin-septembre 2010, 123 p ;
133
- OCEDE, « Défis au Sud », Rapport de la
Commission du Sud, Paris, Économica, 1990, Rapport de l'OCDE/CAD, Paris,
1994, 334 p ;
- République Démocratique du Congo, «
Projet d'Appui au Développement Intégré de l'Economie
Rurale », par le Groupe d'Etudes et d'Interventions, septembre 2019, 22 p
;
- République Démocratique et Populaire
d'Algérie, Rapport du projet : « Développement Local et
Démocratie Participative Capdel », 2016, 88 p ;
- République Populaire et Démocratique
d'Algérie, Rapport de clôture du Programme de Développement
Intégré des Provinces de Taounate, Al Hoceima, Chefchaouen,
Tetouan et Larache ; 2009-2011, 40 p ;
- République du Tchad, « Elevage pastoral : une
contribution durable au développement et à la
sécurité des espaces sahelo-sahéliens », Ndjamena
(Tchad), Actes du Colloque, 27-29 mai 2013, 162 p ;
- République du Tchad, Rapport de la Commission
Développement Rural et Environnement de l'Assemblée du Tchad, 7
novembre 2014, 34 p ;
- Réseau Ouest-Africain pour l'Edification de la Paix,
« Atténuer les conflits agropastoraux en Afrique de l'ouest : La
nécessité de réviser les moyens d'actions pour
l'application effective des recommandations », rapport thématique,
Avril 2020, 8 p.
VIII - COURS POLYCOPIÉS
- KEUTCHEU (Joseph), Cours de « Développement
Local et Gestion de l'Interculturalité », Master II Gouvernance
Locale, Décentralisation et Développement, Université de
Dschang, janvier 2021, inédit ;
- KEUTCHEU (Joseph), Cours d' « Etude d'impact, audit et
bilan des projets et des actions de développement », Master II
Gouvernance Locale, Décentralisation et Développement,
Université de Dschang, novembre, 2020, inédit ;
- KEUTCHEU (Joseph), Cours de « Méthodologie de
rédaction d'un mémoire », Master II « Gouvernance
Décentralisation et Développement », Université de
Dschang, juin 2021, inédit ;
- NKOT (Fabien), Cours de « Méthodes en Science
Politique », Master I, Université de Yaoundé II-SOA,
2019/2020, inédit ;
- TALLA (Marius), Cours de « Marketing des projets de
développement et techniques de Plaidoyer », Master II Gouvernance
Locale, Décentralisation et Développement, Université de
Dschang, juin 2021, inédit ;
134
- YEBEGA NDJANA (Nicolas), Cours de « Sociologie des
conflits », Master I-Stratégie, Défense,
Sécurité, Gestion des Conflits et des Catastrophes au Centre de
Recherche d'Etudes Politiques et Stratégiques, Université de
Yaoundé II-SOA, 2019-2020, inédit.
IX - WEBOGRAPHIE
- Banque mondiale, « La gouvernance collaborative »,
site de la Banque Mondiale, [En ligne],
http://www.worldbank.org/wbi/gouvernance/fra/about-f.htm#approach
, consulté le 23 novembre 2020 ;
- Banque mondiale, « Tchad - Vue d'ensemble », site
de la Banque Mondiale, [En ligne] disponible sur
www.banquemondiale.org/fr/contry/chad/overview#1
; consulté le 24 mai 2021 ;
- BARMA (Yacouba), « La mauvaise gouvernance freine le
développement en Afrique », [En ligne]
https://latribune.fr ;
consulté le 27 décembre 2020 ;
- BLANCFORT (Vincent), « Impact des systèmes
d'élevage pastoraux sur la séquestration du carbone (C) en
milieux tropicaux semi-arides - cas du Ferlo sénégalais »,
2011 [En ligne] disponible sur
http://www.supagro.fr ;
consulté le 24 avril 2021 ;
- Comité de la Sécurité Alimentaire
Mondiale, « Conflits et développement : un défi pour la
réalisation des Objectifs du Millénaire, Document d'information,
Domaine prioritaire pour une action interdisciplinaire : Prévention,
atténuation des catastrophes et plans d'intervention, secours et
redressement après une situation de crise (DPAI-REHAB) »,
trente-et-unième session, Evénement spécial : Incidence
des conflits et de la gouvernance sur la sécurité alimentaire et
rôle et adaptation de la FAO à l'appui de la concrétisation
des Objectifs du Millénaire pour le Développement, du 23 au 26
mai 2005, [En ligne]PDF disponible sur
http://www.fao.org ;
consulté le 26 mai 2021 ;
- DEHAIS (Fréderic) et PASQUIER (Philippes), «
conflit : vers une définition générique »,
2000 [En ligne] PDF disponible sur
http://oatao.univ-toulouse.fr
consulté le 8 juin 2021 ;
- HIYA MAIDAWA (Moustapha), BOUBACAR (Yamba), LEBAILLY
(Philippe) et LUDOVIC (André) (dir) ; « Mobilité
pastorale au Sahel et en Afrique de l'Ouest : essai de synthèse
», Journée Scientifique de l'Université Abdou Moumouni
de Niamey, janvier 2016, [En ligne] PDF disponible sur
http://hdl.handle.net/2268/194584,
consulté le 6 avril 2021 ;
135
- Journal le Sahel, « Fini l'hypocrisie et les
intentions masqués ? Les agendas cachés sortent du terroir des
politiciens », [En ligne] disponible sur
www.lesahel.td ;
consulté le 30 mai 2021 ;
- Le bloc du management et développement personnel,
« Les secrets d'une communication
efficace ! » [En ligne] sur
www.management.efe.fr/2016/12/19/secrets-dune- communication-efficace/
19 décembre 2016, consulté le 13 juin 2021 ;
- LEBLON (Anaïs), « Le patrimoine pastoral au
prisme de la décentralisation politique », Géographie
et cultures, 79/2011, [En ligne] depuis le 25 février 2013,
https://journals.openedition.org/gc/362
; consulté le 17 janvier 2021 ;
- LIVEMOIS (Cynthia Colas), « Réflexion sur
les avantages et désavantages des modes de règlements de
différends offerts par le CRDSC » juin 2015, [En ligne] PDF
disponible sur
http://www.crssc-sdrcc.ca,
consulté le 21 juin 2021 ;
- ONU, Journée Internationale du vivre-ensemble en paix
16 mai, [en ligne] disponible
www.un.org/fr/obdervances/living-in-peace-day,
[En ligne] consulté le 18 juin 2021 ;
- Union Européenne, « Gouvernance
européenne : un livre blanc », site officiel de la
Commission Européenne, [En ligne], disponible sur
http://eur-
lex.europa.eu/LexUriServ/site/fr/com/2001_0428fr01.pdf,
consulté le 23 novembre 2020 ;
- United Nations, Gouvernance for sustanaible human
developement, site du PNUD, [En ligne] disponible sur
http://mirror.undp.org/magnet/policy/chapter1.htm#b
consulté le 23 novembre 2020.
X- AUTRES
- Compte rendu de la première réunion annuelle
régionale de sécurité dans la région du Mayo-Kebbi
Ouest, mars 2017, 14 p ;
- Document MEC, Programme visant l'amélioration des
relations et la résolution des conflits entre éleveurs et
cultivateurs au Tchad, 2007, 89 p ;
- Recensement général de l'élevage de la
République du Tchad du mai 2018 ;
- Rapport de synthèse sur la situation des droits de
l'homme et de la cohabitation pacifique du Mayo-Kebbi Ouest,
rédigé par la Délégation provincial des droits de
l'homme de ladite province ;
- Répertoire de foyers de conflits, des violations des
droits humains et quelques pistes de solutions, 6 p.
136
TABLE DE MATIERE
SOMMAIRE viii
INTRODUCTION GÉNÉRALE 1
I. CONTEXTE DU SUJET 2
II. CLARIFICATION DES CONCEPTS DU SUJET 4
1. Impact 4
2. Conflit 5
3. Mobilité pastorale 7
4. Gouvernance 8
5. Développement 10
III. CONSTRUCTION DE L'OBJET DE L'ÉTUDE 12
1. Délimitation de l'étude 12
a. La délimitation matérielle 12
b. La délimitation temporelle 12
2. La justification du choix de l'étude 13
3. L'intérêt du sujet 13
IV. PRÉSENTATION DU LIEU DE STAGE : LE GOUVERNORAT DE
LA
PROVINCE DU MAYO-KEBBI OUEST 14
V. APPROCHE MÉTHODOLOGIQUE 18
A. LA REVUE DE LA LITTÉRATURE 18
B. LA PROBLÉMATIQUE 24
1.Problème 25
2.Questions de recherche 25
a. Question principale de recherche 25
b.Questions secondaires de recherche 25
3 .Hypothèse 26
a. Hypothèse principale 26
b. Hypothèses secondaires 26
C. CADRE THÉORIQUE 26
D. LA MÉTHODE DE RECHERCHE 28
E. LES TECHNIQUES DE RECUEIL ET D'ANALYSE DES DONNÉES
31
1. Les techniques de recueil de données 31
a. 137
La technique documentaire 31
(i) Les documents écrits 31
(ii). Les documents électroniques 31
b. La technique de terrain 32
2. Les techniques d'analyse des données 33
F. L'ARTICULATION DU TRAVAIL 33
PREMIÈRE PARTIE : 34
LES IMPACTS DES CONFLITS LIÉS À LA MOBILITÉ
PASTORALE SUR LE
DÉVELOPPEMENT ET LA GOUVERNANCE 34
CHAPITRE I : 36
LES IMPACTS DES CONFLITS LIÉS À LA MOBILITÉ
PASTORALE SUR LE
DÉVELOPPMENT DE LA PROVINCE DU MAYO-KEBBI OUEST
36 SECTION 1 : LES IMPACTS DES CONFLITS LIÉS À LA
MOBILITÉ SUR LE
DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE DE LA PROVINCE
37 PARAGRAPHE I : LES IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX DES CONFLITS LIÉS
À LA
MOBILITÉ PASTORALE 38
A. La détérioration de l'environnement 38
B. La destruction des champs 41 PARAGRAPHE II : LES CRIMES ET
CRUAUTÉS SUR LES ANIMAUX ET LA DÉTÉRIORATION DES TERMES
D'ÉCHANGE ENTRE LES AGRICULTEURS ET LES
ÉLEVEURS 43
A. Les crimes et cruautés sur les animaux 44
B. La détérioration des termes d'échange
entre les agriculteurs et les éleveurs 46 SECTION 2 : LES IMPACTS
SOCIAUX DES CONFLITS LIÉS À LA MOBILITÉ
PASTORALE 47
PARAGRAPHE I : LES VIOLATIONS DES DROITS HUMAINS 47
A. Les blessures et les pertes en vie humaine 48
B. Les autres violations des droits humains 49 PARAGRAPHE II
: LA MISE EN MAL DE LA SÉCURITÉ DES PERSONNES DANS LA
PROVINCE ET LA DÉSORGANISATION SOCIALE DES PASTEURS 53
A. La mise en mal de la sécurité des personnes
dans la province 53
B. La désorganisation sociale des pasteurs 55
CONCLUSION DU CHAPITRE I 56
CHAPITRE II : 57
138
LES CONFLITS LIÉS À LA MOBILITE PASTORALE,
EFFETS DE LA MAUVAISE
GOUVERNANCE 57
SECTION 1 : POLITISATION ET MAUVAISE GESTION DES CONFLITS
58
PARAGRAPHE I : POLITISATION DES CONFLITS 58
A. La bipolarisation des conflits en clivage nord/sud et
musulman/chrétien 58
B. Des conflits maintenus par le soutien des élus
locaux, des hommes politiques et des
hommes d'affaires 60
PARAGRAPHE II : MAUVAISE GESTION DES CONFLITS 61
A. Le flou au tour des acteurs des conflits 61
B. La corruption et les fortes amendes lors de
règlement des conflits 62 SECTION 2 : PLURALITÉ DES
INSTRUMENTS JURIDIQUES DANS LA GESTION
DES CONFLITS LIÉS À LA MOBILITÉ PASTORALE
64
PARAGRAPHE I : LES DIFFÉRENTS DROITS EN VIGUEUR 64
A. Le droit moderne 64
B. Le droit coutumier et le droit musulman 66
PARAGRAPHE II : LA COHABITATION ET LES CONFLITS DES DROITS
67
A. La cohabitation des droits 67
B. Les conflits des droits 68
CONCLUSION DU CHAPITRE II 70
CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE 71
SECONDE PARTIE : 72
LES MESURES D'ATTÉNUATION DES IMPACTS DES CONFLITS
LIÉS À LA
MOBILITÉ PASTORALE 72
CHAPITRE III : 74
LES MESURES D'ATTÉNUATION DES IMPACTS DES CONFLITS
LIÉS À LA
MOBILITÉ PASTORALE AU NIVEAU DE L'ÉTAT
74 SECTION 1 : SOUTENIR UNE GESTION CONSENSUELLE ET
DÉCENTRALISÉE DE
L'ESPACE AGROPASTORAL ET DES CONFLITS 75
PARAGRAPHE I : LE ZONAGE DE L'ESPACE 76
A. Consistance du zonage 76
B. L'implication des populations dans le zonage
77 PARAGRAPHE II : GESTION CONSENSUELLE DES CONFLITS LIES A LA MOBILITE
PASTORALE 78
A. Privilégier le règlement des conflits
à l'amiable 78
139
B. Renforcer les capacités des autorités
traditionnelles et coutumières pour la gestion des
conflits 79
SECTION 2 : AMÉLIORATION DES MECANISMES DE GESTION DES
CONFLITS 81
PARAGRAPHE I - AMÉLIORATION DES TEXTES EN VIGUEUR 81
A. Réviser le code pastoral 81
B. Appuyer l'élaboration des codes locaux
84 PARAGRAPHE II : HARMONISATION DES TEXTES RÉGISSANT LE MONDE RURAL
ET DÉTERMINATION DU CHAMP D'INTERVENTION EXACT DES ACTEURS DE
L'APPLICATION DE CES TEXTES 85
A. Harmonisation des textes en vigueur dans le monde rural
85
B. Déterminer le champ d'intervention exact des
acteurs d'application du droit dans le
monde rural 86
CONCLUSION DU CHAPITRE III 88
CHAPITRE IV : 89
LES MESURES D'ATTÉNUATION DES IMPACTS DES CONFLITS
LIÉS À LA
MOBILITÉ PASTORALE DANS LA PERSPECTIVE DE LA
DÉCENTRALISATION 89 SECTION 1 : MISE SUR PIED D'UN SYSTÈME
COMMUNAUTAIRE D'ALERTE
PRÉCOCE 90
PARAGRAPHE I : LA COMMUNICATION LORS DES ALERTES 90
A. Efficacité de la communication 90
B. Les moyens de communication 91 PARAGRAPHE II :
CONNAISSANCE DES RISQUES ET LES MESURES
D'INTERVENTION À ADOPTER 92
A. Connaissance des risques 92
B. Les mesures d'intervention 93 SECTION 2 : MISE EN PLACE
D'UN PLAN DE COMMUNICATION, DE
SENSIBILISATION ET D'ÉDUCATION 93
PARAGRAPHE I : LE PLAN DE COMMUNICATION 94
A. Promouvoir et restaurer un climat de paix civile entre
agriculteurs et éleveurs 94
B. Encourager le vivre-ensemble 95
PARAGRAPHE II : LE PLAN DE SENSIBILISATION ET
D'ÉDUCATION 96
A. Sensibilisation et éducation des populations
concernées 97
B. Création des plates-formes de cohabitation 98
CONCLUSION DU CHAPITRE IV 99
140
CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE 100
CONCLUSION GÉNÉRALE 101
ANNEXES 104
LISTE DES ANNEXES 104
BIBLIOGRAPHIE 105
|