WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le renouvellement du journalisme environnemental au prisme de la décroissance


par Guillaume Lemonnier
Sciences Po Lyon  - Master 1 AlterEurope, Études européennes et internationales 2020
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Conclusion :

Si la décroissance est un thème qui parle à plus en plus de monde, que ce soit auprès des militants écologistes ou auprès du grand public comme le révèlentdeux récents sondages91(*), elle reste majoritairement un OVNI, que ce soitdans le débat politique oumédiatique dominants. Pour autant, une des choses intéressantes à souligner est que la décroissance, malgré ou grâce à sa radicalité sémantique (et intellectuelle) continue à faire parler d'elle et gagne en crédibilité au fur et à mesure que la crise écologique s'aggrave. Si la traduction politique de la décroissance est un échec pour le moment, sa traduction au sein du militantisme écologique et du journalisme environnemental est plutôt une réussite. La revue Silence existe depuis 1982 et a réussi à faire un certain travail de fond idéologique pour la décroissance au début des années 2000. Le journal La Décroissance existe depuis 2004 et a réussi à ameuter un lectorat conséquent et fidèle, ce qui est louable pour un projet qui disposait de peu de moyens au départ, en comparaison à d'autres initiatives dans le journalisme alternatif comme Médiapart ou Reporterre. Nous pouvons également citer l'agriculteur Pierre Rahbi, l'économiste Serge Latouche et le politologue Paul Ariès qui sont trois piliers de la galaxie décroissante qui jouissent d'une certaine popularité et qui ont des entrées régulières au sein de médias dominants. De plus, si la galaxie décroissante a trouvé quelques relais en politique chez Les Verts, elle dispose surtout de puissants relais au sein du monde académique avec des expertscomme Jean-Marc Jancovici ou Aurélien Barrau et qui sont d'ailleurs très populaires sur les réseaux sociaux.La décroissance a également pavé la voie pour un courant encore plus radical, celui de la collapsologie avec à sa tête le français Pablo Servigne qui cumule plus de 120 000 ventes pour son premier livre Comment tout peut s'effondrer, publié en 2015. Nous pourrions également citer deux thinkthanks importants de la décroissance comme l'Institut Momenthum fondé par Agnès Sinaï (une ancienne du journal La Décroissance) et présidé par Yves Cochet ou encore le Comité Adrastia (fondé à Lyon) qui réfléchissent à une sortie de la société industrielle moderne et aux risques d'effondrement.

En outre, la survie des idées décroissantes au sein du journalisme environnemental et du militantisme écologique peut également s'expliquer par le fait que la décroissance renoue avec une certaine forme de radicalité qui fascine et qui plaît face à des politiques de « développement durable » qui ont déçu. En ce sens, si nous reprenons les travaux dePhillip Schlesinger et élargissons la focale, nous pourrions avancer que les différentes organisations, associations ou médias décroissants (comme le journal La Décroissance ou le revue Silence) sont ou pourraient être des « forces de contradiction, des collectifs bien organisées qui apportent des contre-définitions » de ce que doit êtrele journalisme environnemental et l'écologie politique. Un journalisme environnemental indépendant, rigoureux et cohérent où la rubrique écologie ne se trouve pas entre la publicité et la rubrique économie où des positions pro-croissance s'affichent clairement92(*). Une écologie politique qui fait le pari de la décroissance pour ralentir le réchauffement climatique et les destructions environnementales. Mais, comme le souligne Phillip Schlesinger, la portée des contre-définisseurs « dépend en partie de leurs poids », s'ils représentent une « majorité organisée » ou une « minorité conséquente » et s'ils ont une « légitimité à l'intérieur du système » ou s'ils souhaitent renverser la table et mettre en avant une autre légitimité93(*). Il est clair que la période de pandémie mondiale que le monde a connu en cette année 2020 a incontestablement permis de donner « un nouveau souffle au mouvement décroissantiste »94(*) et a pu donner raison à certaines prévisions de la galaxie décroissante. Néanmoins, le paradigme de la croissance économique et du « capitalisme vert » a encore de beaux jours devant lui.

S'il fallait approfondir cette étude qui comporte certaines limites, il serait intéressant d'enquêter davantage sur l'image de Lyon, qui est souvent considéré comme une, si ce n'est la « terre décroissante » de France. Il serait intéressant aussi d'analyser les idées et discours des journalistes environnementaux officiant dans les médias traditionnels pour tenter de saisir leur proximité ou leur distanciation par rapport à la décroissance et aux journalistes environnementaux alternatifs. Enfin, faire une analyse qualitative et quantitative des militants d'EELV (encartés) peut être un angle de recherche intéressant afin d'estimer de manière plus précise le poids des idées décroissantes, les logiques internes du parti et ses futures stratégies électorales.

* 91 En octobre 2019, un sondage Odoxa montre que 54% des français préfèrent le terme de décroissance à celui de croissance verte et pensent que le moyen le plus efficace pour résoudre les problèmes écologiques et climatiques actuels et futurs et de « changer fondamentalement notre mode de vie, nos déplacements et réduire drastiquement notre consommation ». En avril 2020, un sondage réalisée par l'institut Viavoice montre que 69% des français jugent nécessaire de « ralentir le productivisme et la recherche perpétuelle de rentabilité ».

* 92 Durant l'entretien avec Pierre Thiesset, il a notamment reproché aux journalistes environnementaux officiant dans les média traditionnels « le manque de cohérence », avec d'un côté la présence « d'articles qui peuvent aller dans notre sens en décrivant la situation écologique de manière objective comme dans le journal Le Monde », et de l'autre côté la présence de « prises de position qui vont être libérales et défendre l'intérêt des propriétaires du Monde ». Selon lui, « c'est pas vraiment avec eux qu'on pourrait construire une société plus écologiste ».

* 93 SCHLESINGER Phillip, ZEITLIN Edith, RIZZI Suzanne, ibid.

* 94 VAIRLET Florent, « Le nouveau poids du lobby de la «décroissance« », Les Echos Start, 25 juin 2020. [Internet]. [Consultéle 10 juillet 2020]. Disponible sur : https://start.lesechos.fr/societe/environnement/le-nouveau-poids-du-lobby-de-la-decroissance-1218643

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand