Les conséquences du principe que de responsabilité pénale des personnes morales en droit camerounaispar Ivan De Nguimbous Tjat Limbang Université de Yaoundé II - Soa - Master en droit privé 2018 |
§2 : L'application des sanctions pénale à la personne morale59. Au-delà de la détermination d'un cadre général et d'un cadre concret des sanctions applicables aux personnes morales délinquantes, le législateur de 2016, a mené à bout tous les éléments importants d'une pénologie des personnes morales, à cet effet il a fixé les modalités de calcul de l'amende pour les personnes morales, mais également déterminé les sanctions pénale applicable aux personnes morales pour les infractions qui ne lui était pas jusqu'à l'admission du principe général imputable. Tous ces éléments visent de favoriser une effectivité dans l'application des sanctions pénales à la personne morale, mais il convient de préciser que si l'application des sanctions à la personne morale parait facile dans certaines hypothèses (A) dans d'autre, elle parait plus laborieuse (B). A- Les hypothèses d'application de la sanction pénale à la personne morale 60. Dans certaines circonstances il apparait que faire appliquer la sanction à une personne morale déclarée pénalement responsable parait simple (1) dans d'autres cas, elle parait plus laborieuse (2). 1- L'application commodedes sanctions pénales à la personne morale 61. L'Etat ayant le monopole de la contrainte légitime, il peut faire facilement exécuter toute décision de justice pénale178(*) à l'encontre personnes morales ayant leur siège sur le territoire camerounais179(*), surtout partant du fait que les personnes morales contrairement aux personnes physiques sont immobiles. Il nous parait également commode d'appliquer la sanction à la personne morale lorsqu'elle est « in bonis ». On dit d'une personne physique ou morale qu'elle est « in bonis » lorsqu'elle est maitresse de son patrimoine, parce qu'elle peut faire face à ses dettes180(*). Pour les sociétés commerciales ou les entreprises, elles sont dites« in bonis » lorsqu'ils ne sont pas dessaisis de leur patrimoine, et qu'ils ne font pas l'objet d'une procédure collective d'apurement du passif181(*). En tout état de cause le paiement d'une amende, l'interdiction d'investissement peut être mieux supportée par les personnes morales in bonis. 62.Mais la sanction pénale peut entrainer des difficultés chez la personne morale, en effet, le paiement d'une amende trop élevée peut entrainer la cessation de paiement la liquidation des biens de la société. Le juge devra donc nécessairement, compte tenu de l'importance de la personne morale et de la nature de l'infraction sanctionner la personne morale en fonction de son capital social ou de son chiffre d'affaire182(*). À côté de ces hypothèses d'application plus ou moins aisées, il existe des hypothèses d'application laborieuse des sanctions pénales à la personne morale 2- L'application laborieuse des sanctions pénales à la personne morale 63. Les hypothèses d'application laborieuse des sanctions pénales recouvrent les cas où la personne morale n'a pas son siège sur le territoire camerounais, et celles où la personne morale serait déjà en difficulté ou « in malis » et donc engagée dans une procédure collective d'apurement du passif183(*). 64. Tout d'abord, pour ce qui est de l'application de la sanction pénale à la personne morale n'ayant pas son siège sur le territoire camerounais, la difficulté vient du fait que le code pénal pose le principe de l'application territoriale de la loi pénale camerounaise. Si cette limitation est compréhensible pour les personnes physiques, parce que leur nationalité parait subsidiaire184(*), il suffit que la totalité ou une partie de l'infraction soit commise ou réputé commise au Cameroun, et leur mobilité peut être facilement résolue par la procédure d'extradition active ou passive185(*). Il n'en est pas de même pour les personnes morales qui ne se déplacent pas, et de ce fait le critère de territorialité de la loi pénale est limité par le fait que la personne morale ait son siège à l'étranger. À cet effet, pour ces personnes morales là, l'on ne saurait demander d'extradition, de sorte que même si elles sont jugées au Cameroun il serait difficile de faire exécuter la sanction dans les pays où elles ont leurs sièges social186(*), d'autant plus que l'article 14187(*) du code pénal lui-même ne reconnait que des hypothèses limitées dans lesquelles des sentences étrangères peuvent être appliquées au Cameroun. 65. Pour les personnes morales « in malis », la difficulté de l'application de la sanction prononcée à leur encontre dépend du fait que leur situation soit ou non irrémédiablement compromise, l'application de la sanction pénale peut précipiter la cessation paiement et même diminuer les chances des créanciers de la personne morale de se voir rembourser, qu'ils soient chirographaires ou munis de sûreté188(*). Au-delà des hypothèses d'application de la sanction pénale, se trouve le problème des modalités d'applications desdites sanctions. B- Les modalités d'application des sanctions pénales à la personne morale 66. La détermination des modalités d'application des sanctions pénales aux personnes morales, marque un tournant décisif. Cette détermination a redonné à l'obligation pesant sur les personnes morales de subir la répression toute sa splendeur. À ce sujet, le législateur fixe les modalités d'application des sanctions patrimoniales (1) et celles extrapatrimoniales(2). 1- Les modalités d'application des sanctions patrimoniales 67. Dans cette catégorie, l'on classe les sanctions qui touchent directement le patrimoine et donc le portefeuille de la personne morale à savoir l'amende, les confiscations, et mêmes celles qui retentissent indirectement sur le patrimoine de la personne morales comme les sanctions touchant l'activité de la personne morale. 68. Pour ce qui est de l'amende, le législateur de 2016 indique que le taux maximum de celle appliquée à la personne morale doit être égal au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques189(*). Bien plus, lorsque la personne morale est coupable d'un crime pour lequel seul la peine d'emprisonnement est prévue, le législateur préconise que le juge lui applique une amende dont le montant oscille entre un million (1 000 000) à cinq cents million (500 000 000) de francs190(*). Ces différentes amendes semblent dérisoires si l'on considère la taille de certaines personnes morales, mais elles peuvent également être lourdespour d'autre191(*).Le juge devra donc nécessairement, dans le choix du montant de l'amende applicable aux personnes morales, jouer avec les taux plancher et plafond, en fonction des personnes morales, soit pour éviter que la peine d'amende ne soit trop légère, soit pour éviter qu'elle ne pousse la personne morale à la cessation de paiement.Mais le critère principal devrait rester le degré de gravité de l'infraction. 69. Pour ce qui est des confiscations, l'article 35 du Code pénal camerounais prévoit que cette sanction s'applique sur tous les biens meubles ou immeubles appartenant au condamné, lesquels biens sont saisis lorsque ceux-ci ont servi d'instrument pour commettre l'infraction ou qu'ils en sont le produit. Cette sanction est facile à mettre en oeuvre lorsque le « corpus delicti » se trouve au Cameroun. La personne morale peut n'être que propriétaire apparent des biens confisqués ayant servis à la commission de l'infraction. Mais si les biens ont été volés au véritable propriétaire, on envisagera bien que ces derniers lui soient restitués. 70. D'autres sanctions visant l'activité de la personne morale et retentissant sur son patrimoine sont également appliquées suivant des modalités particulières. Il s'agira donc pour les instances compétentes de faire appliquer les peines telle la fermeture d'établissement, ou de succursales ayant servi à la commission des faits incriminés, le placement sous assistance judiciaire et l'interdiction de s'investir dans une activité précise pour une durée déterminée. Pour être appliqué la fermeture d'établissement ne dois pas excéder cinq (05) ans, pendant lesquels la personne morale sera interdite d'exercer l'activité à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise192(*). Le placement sous assistance judiciaire nécessite pour son application la désignation d'un mandataire de justice dont la mission de contrôle et la durée seront précisée par la juridiction de jugement193(*). Le mandataire doit rendre compte au parquet de façon régulière de l'accomplissement de sa mission194(*), cette mission ne pouvant porter que sur l'activité à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise. Le parquet compétent saisit à la fin de la mission du mandataire et sur la base du compte rendu de celui-ci la juridiction qui a prononcé le placement sous surveillance judiciaire, laquelle relève la personne morale de ladite mesure195(*). L'application de la peine d'interdiction pour la personne morale de s'investir directement ou indirectement porte sur l'une ou plusieurs activités prévues par son objet social. Il s'agit donc de toucher la personne dans sa raison d'être. L'interdiction peut devenir perpétuelle en cas de récidive196(*). Le législateur a aussi envisagé l'application des sanctions extra patrimoniales. 2- Les modalités d'application des sanctions extrapatrimoniales 71. Les sanctions extrapatrimoniales, sont celles qui ne touchent pas le patrimoine. Elles visent en partie l'existence de la personne morale, mais aussi son image de marque. S'agissant l'existence de la personne morale, elle est atteinte par la peine de dissolution. Son application consiste en « la mise à mort de la personne morale »197(*). Concrètement, pour appliquer la peine de dissolution, la décision la prononçant doit comporter le renvoi de celle-ci devant la juridiction compétente pour procéder à la liquidation à la diligence de la personne morale198(*). Les règles applicables à la dissolution dépendront de la nature de la morale et de sa situation financière. Ainsi dans le cas des sociétés commerciales in bonis, il s'agira d'appliquer les articles 266 et suivants, 902 et suivants de l'AUSCGIE. 72. S'agissant de l'image de marque de la personne morale, elle est atteinte par la publication de la décision sanctionnant la personne la sanctionnant. Cette sanction est appliquée pour une durée de deux (02) mois au maximum en cas de crime ou délit, et de quinze (15) jours au maximum en cas de contravention. Cette publication peut aussi se faire par voie de presse au frais du condamné et peut se limiter au dispositif de la décision. Et tous commentaires objectifs de la décision sont libres199(*). * 178SOH FOGNO (D. R.) « La sanction pénale des personnes morales en droit camerounais » in LE NEMRO Revue Trimestrielle de Droit Economique Janvier/mars 2020, p. 62. * 179 Voir l'article l'art. 7 al. 2 du code pénal, sont compris dans le territoire de la République du Cameroun, en plus de la terre ferme, les eaux territoriales et l'espace aérien au-dessus de ce territoire et de ces eaux, ainsi que les navires et aéronefs immatriculés au Cameroun. * 180Lexique juridique des expressions latines, 6ème édition, Paris, LexisNexis, 2014, p. 141. * 181 Vocabulaire juridique,sous la direction de Gérard CORNU, Association Henri Capitant, 10ème édition, Paris, PUF, 2014, p. 528 et Lexique des termes juridiques op.cit., p. 527. * 182SOH FOGNO (D. R.),op.cit. p. 75. * 183Ibid.p.78. * 184Ibid. * 185Ibid. p. 71. * 186V. SOH FOGNO (D-R.), La résolution des conflits de lois dans l'espace en matière d'extradition passive, Mémoire de Maîtrise en droit privé et carrières judiciaires, Université de Dschang, 1998-1999. * 187 Article 14 code pénal de 2016 « Les sentences pénales prononcées contre quiconque, par des juridictions étrangères, ne produisent d'effet sur le territoire de la république que si : le fait est qualifié de crime ou de délit de droit par la loi pénale de la République ; la régularité de la décision, son caractère définitif et sa conformité avec l'ordre publique de la république sont constatés par la juridiction saisie d'une poursuite à l'encontre de la même personne ou par la Cour d'Appel du lieu de résidence du condamné saisie par le ministère public. * 188SOH FOGNO (D. R.) « La sanction pénale des personnes morales en droit camerounais », op.cit. p.79. * 189 Article 21-1 CP alinéa 2 code pénale de 2016 « Le maximum de l'amende applicable aux personnes morales est égal au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques ». * 190 Article 25-1 alinéa 3 code pénal de 2016 « Lorsqu'une personne morale est coupable d'un crime pour lequel seule une peine d'emprisonnement est prévue, l'amende encourue est d'un million (1 000 000) à cinq cents millions (500 000 000) de franc ». * 191SOH FOGNO (D. R.) « La sanction pénale des personnes morales en droit camerounais » op.cit. p.79 * 192 Article 25-3 code pénal de 2016. * 193 Article 34-1 alinéa 1 CP« la peine de placement sous surveillance judiciaire est applicable aux personnes morales pénalement responsable et consiste dans la désignation d'un mandataire de justice dont la mission de contrôle et la durée sont précisées par la juridiction de jugement ». * 194 Article 34-1 alinéa 2 CP. * 195 Article 34-1 alinéa 4 CP. * 196 Voir Article 36 alinéa 3 et 4 CP. * 197SOH FOGNO (D. R.) « La sanction pénale des personnes morales en droit camerounais »,op.cit. p. 60. * 198 Article 25-2 alinéa 3 du code pénal de 2016. * 199 Article 33 alinéa 1, 2, 3, 4, 5, 6 CP. |
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