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Les conséquences du principe que de responsabilité pénale des personnes morales en droit camerounais


par Ivan De Nguimbous Tjat Limbang
Université de Yaoundé II - Soa - Master en droit privé 2018
  

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§2 : L'effectivité dans la mise en oeuvre des conditions de la responsabilité pénale des personnes morales

35. L'énoncé de l'alinéa (a) de l'article 74-1 du code pénal de 2016 harmonise les conditions qui étaient déjà énoncées dans plusieurs lois spéciales. Cette harmonisation revigore l'obligation de subir la répression en ce qu'elle a une certaine effectivité.Étudier l'effectivité d'une règle peut d'abord vouloir dire interroger sonapplication133(*)(A)mais également, l'atteinte d'un résultat escompté lors de la création de la règle (B).

A- L'effectivité dans l'application des conditions de la responsabilité des personnes morales

36. Si l'ineffectivité peut s'entendre de la non application d'une règle par les autorités en charge de son implémentation, de son contrôle et même des magistrats compétents pour poursuivre et sanctionner leur violation, l'effectivité repose quant à elle, comme l'affirmait déjà le Doyen Jean Carbonnier sur « l'application »134(*) de la règle ; le contrôle ou la conformité des différents acteurs aux dispositions de cette règle135(*). De ce point de vue, parler de l'effectivité des conditions de la responsabilité pénale des personnes morales revient à constater que le juge exige effectivement l'identification d'une personne physique agissant es qualité pour se prononcer sur la culpabilité de la personne morale (1) ou encore, lorsque l'application stricte semble compromise, se base sur des présomptions qui permettrons l'application des dispositions légales (2).

1- L'identification formelle de la personne physique agissant es qualité, une exigence première de la jurisprudence

37. Pour mettre en oeuvre la responsabilité pénale personnes morales, le législateur exige que l'infraction commise pour son compte soit commise par un organe ou un représentant. Pour l'application de cette condition, la plupart des jurisprudences étrangères136(*) ont exigé pour cela que la personne physique servant de substratum humain à la personne morale soit formellement identifiée. Elles ont ensuite exigé que l'intention coupable soit recherchée chez l'organe dirigeant la personne morale ou le représentant de celle-ci plutôt que chez la personne morale elle-même137(*). À cet effet, une faute distincte de la personne morale n'avait pas besoin d'être établie pour que celle-ci soit rendue responsable138(*), ce qui favorise aussi plus souvent l'engagement de la responsabilité des personnes physiques. La jurisprudence camerounaise, devraitdonc opter pour la même technique de l'identification pour que l'alinéa (a) de l'article 74-1 reçoive une application littérale.

38. Pourtant, pour des raisons d'opacité dans la gestion de la personne morale139(*), les jurisprudences étrangères ont décidé de procéder par un raisonnement par déduction en présumant la commission d'une infraction par un organe ou un représentant de la personne morale lorsque la situation ne permettait pas une identification formelle.

2- La présomption d'identification de la personne physique agissant es qualité, une exigence palliative de la jurisprudence

39. L'utilisation de la présomption d'identification est le résultat d'une évolution réalisée en étapes successives, et presque imperceptibles140(*). Les juges de fond d'instance et des cours d'appel ont commencé à raisonner comme si l'infraction était commise en tous ses éléments, par la personne morale elle-même. Ce changement de vision des juges de fond, s'est répercuté sur les hautes juridictions. En France, la Cour de cassation a en effet rejeté un pourvoi qui reprochait à l'arrêt rendu par la cour d'appel de n'avoir pas fait le constat que l'infraction avait été commise par un organe un représentant. La haute juridiction a en effet jugé que dans ce cas d'espèce nul besoin n'était de prouver formellement l'implication d'une personne physique lorsque les circonstances laissaient clairement apparaitre que l'infraction a « nécessairement été commise par un organe ou un représentant »141(*).

Cette analyse faite par la haute juridiction semble pertinente. Elle a vocation à s'appliquer à des infractions qui n'étaient pas forcément destinées à être perpétrées par des êtres sans chair comme les homicides, les coup et blessures involontaires. Il est donc possible de condamner la personne morale parce qu'il peut être supposé que celle-ci n'a pas « par ses organes ou représentants, accompli toutes les diligences qui s'imposaient à elle en matière de sécurité »142(*), ou même parce que l'infraction ayant été commise dans le cadre « de la politique commerciale des sociétés et ne peuvent, dès lors, avoir été commises, pour le compte des sociétés, que par leurs organes ou représentants »143(*).

40. La présomption de commission de l'infraction par l'organe ou le représentant semble donc être une astuce pour assurer l'application de l'alinéa (a) l'article 71-1 du code pénal camerounais, dans les cas où, il est difficile de l'appliquer stricto sensu. Il semble intéressant pour la jurisprudence camerounaise d'explorer la même piste, même si de sévères critiques doctrinales ont été portées sur le raisonnement par présomption ont été portées144(*).

Tout compte fait, il semble que les conditions de responsabilité pénale des personnes morales décrites par le législateur pourraient être appliquées soit de façon stricte soit de façon plus large par les présomptions, ce qui lui confère une certaine effectivité et qui renforce la répression des personnes morales. Mais sont-elles effectives dans ce sens où elle permet une imputation de l'infraction à la personne morale ?

B- L'effectivité dans l'atteinte des résultats escomptés par l'application desdites conditions

41. Les conditions décrites par le législateur si elles sont appliquées, visent à établir le lien entre la commission d'une infraction et la personne morale. Ces conditions ont été élaborées d'abord pour permettre de faire endosser à la personne morale la qualité d'auteur de coauteur ou de complice. Ensuite pour établir en vertu de l'imputation, que la volonté de la personne morale se cache bien derrière l'acte illicite. Partant de cette précision, il convient de relever que si dans la plupart des cas, la double condition énoncée par l'alinéa (a) de l'article 74-1 du code pénal Camerounais abouti effectivement à un tel résultat (1) dans d'autres cas par contre on observe une ineffectivité desdites conditions (2).

1- Des conditions permettant effectivement l'imputation de l'infraction à la personne morale dans la majeure partie des cas

42. Les personnes morales, ont pour la plupart une structure et une organisation définies par la loi, ou par les statuts. Elles agissent par définition par l'intermédiaire de leurs organes ou de leurs représentants de telle sorte que les conditions fixées à l'alinéa (a) de l'article 74-1 du Code pénal, trouvera toujours application.Et lorsqu'une infraction a été commise en son sein, elles permettront après analyse de la structure sociétaire et des statuts de faire ressortir la volonté de la personne morale, lorsque celle-ci en a profité. Et même dans les cas où des difficultés surviendraient, dans l'identification de la personne physique agissant es qualité, la logique suggérée par la jurisprudence permet de se contenter d'une identification abstraite basée sur les présomptions.

2- L'ineffectivité constatée de la double condition de la responsabilité pénale des personnes dans certains cas

43.Le rattachement de la responsabilité pénale de la personne morale au modèle identificatoire pose des difficultés dans son application.Ces difficultés sont de plusieurs ordres, elles vont de l'impossibilité souvent constatée d'identifier l'organe ou le représentant ayant agi es qualité ou même de présumer son intervention ; jusqu'à l'impossibilité de condamner la personne morale apparemment coupable. Ce qui a poussé la doctrine à proposer un autre critère d'imputation de l'infraction à la personne morale

Tout d'abord, il est possible de remarquer que le dispositif décrit à l'alinéa (a) de l'article 74-1 ne permet pas d'appréhender ce qui devrait constituer le noyau dur de la délinquance des groupements, ce que Geneviève GIUDICELLI-DELAGEdécrit comme étant la délinquance d'entreprise 145(*)« c'est-à-dire des infractions dont la consommation est incontestable mais qu'il est impossible pour des raisons d'anonymat ou de dilution des responsabilités d'imputer à une personne physique »146(*).

Ainsi, dans l'hypothèse où l'identification du représentant ou de l'organe est impossible soit parce que l'infraction résulte d'une série d'actes eux-mêmes non fautifs mais donc l'addition constitue une infraction147(*), ou dans les cas où l'opacité dans la gestion de la personne morale ne suggère guerre qu'une infraction a pu être commise par l'organe où le représentant148(*). Dans cette hypothèse précisément, on aboutirait inévitablement à une impossibilité de la condamner. L'institution de la responsabilité pénale de l'être collectif semble vidée de son utilité, dans la mesure où le groupement verra sa responsabilité exclue pour des infractions qui parfois « ne pourront être réalisées que par des personnes morales »149(*).

44. Face à ces difficultés, une partie de la doctrine a émise l'hypothèse d'une responsabilité pénale directe de la personne morale sans représentation fondée sur un défaut d'organisation150(*). La théorie organisationnelle ainsi nommée prône l'engagement de la responsabilité pénale des personnes morales chaque fois, qu'une infraction peut être rattachée à une organisation interne déficiente151(*). Cette théorie part du principe qu'il devrait exister des conditions d'imputations propres à la personne morale qui doivent nécessairement être différentes de celles applicables aux personnes physiques152(*). Elle permet de démontrer que la personne morale a fait un usage inadéquat de sa faculté d'organisation justement pour des finalités contraires à la loi.

La thèse de l'imputation basée sur un défaut d'organisation part ainsi du principe selon lequel les personnes morales sont libres dans le choix de leur structuration, et dans l'exercice de cette liberté, elles peuvent faire des choix ne respectant ni les obligations sécuritaires légalement prévues ni les dispositions indispensables pour empêcher la commission d'infractions en son sein153(*). La théorie organisationnelle semble néanmoins poser quelques difficultés dans ce sens où elle peut tendre à l'extension du champ de la responsabilité pénale des personnes morales tout comme elle peut la limiter drastiquement154(*). En effet, toutes les infractions commises pour le compte de la personne morale par des personnes qui l'incarne n'engageront pas la responsabilité de celle-ci si elle ne relève pas d'un défaut d'organisation, cela reviendrait à exclure la personne morale de la plupart des activités criminelles en son sein.

45. D'un autre côté la théorie de l'organisation défectueuse, si elle peut s'appliquer aisément pour les infractions consommées surtout les infractions d'imprudence (dans la mesure où le défaut dans l'organisation peut caractériser une faute d'imprudence qui augmente le risque de commettre l'infraction), parait moins adaptée aux infractions simplement tentées155(*). La répression de la tentative dans le cas des personnes morales s'avèrera plus compliquée, en effet, comment démontrer que la personne morale à tenter de commettre une infraction en créant un défaut d'organisation ? L'imputation par une organisation défectueuse semble poser autant de problème qu'elle n'en résout, raison pour laquelle le législateur camerounais ne l'a pas consacrée, selon nous, il serait préférable d'adopter une vision nuancée en appliquant le modèle d'imputation par identification pour les infractions intentionnelles et le modèle d'imputation pour défaut d'organisation pour les infractions d'imprudence. D'autres systèmes pénaux utilisent le défaut d'organisation comme un système d'organisation subsidiaire lorsque l'identification de la personne physique agissant es qualité est impossible156(*).

La précision des conditions de la responsabilité des personnes morales a entrainé de façon directe une revigoration de l'obligation de subir pesant sur les personnes morales, tout ceci grâce à sa cohérence mais aussi à son effectivité. Même si elle présente quelques limites, la double condition imposée par l'alinéa (a) de l'article 74-1 parait difficile à remplacer surtout par un mécanisme d'imputation basé sur un défaut d'organisation. Pourtant il nous semble qu'elle pourrait néanmoins être complétée pour combler ses lacunes dans le cadre des infractions d'imprudence ou lorsque l'impossibilité d'identifier l'organe ou le représentant sera inévitable. Un autre facteur également prévu par le législateur a fait retrouver toute sa vigueur à l'obligation de subir la répression.

* 133AMSELEK (P.), Perspectives critiques d'une réflexion épistémologique sur la théorie du droit, Paris : LGDJ, 1964, p. 340.

* 134 CARBONNIER (J), Flexible droit. Pour une sociologie du droit sans rigueur, Paris : LGDJ, 9 éd., 1998, p. 133.

* 135LEROY (Y), « La notion d'effectivité du droit » in Droit et société 2011/3 n° 79, pp. 715 - 732.

* 136 En Angleterre la vicariosliabylity exige même la condamnation de personne physique comme condition de la condamnation des personnes morales.

* 137Cass. crim. 18 janvier 2000, Bull. n° 28.

* 138Ibid.

* 139TRICOT (J.), « Le droit pénal à l'épreuve de la responsabilité des personnes morales : l'exemple français », op.cit. 36.

* 140Ibid. P.52.

* 141 - V. égal. cass. crim. 24 mai 2000, Bull. n° 203, RSC 2000, p. 816 obs. Bouloc (B.).

* 142 Ch. Crim., 13 septembre 2005.

* 143 Des sociétés différentes étaient poursuivies, elles ont été condamnées par la Cour d'Appel qui s'est basée exclusivement sur la relation existante entre cette société pour déduire que seule des personnes physiques organes ou représentants aurait pu commettre de telle infraction. Cette solution a été confirmée par la Cour de Cassation, Dans un arrêt du 25 Juin 2008. MARÉCHAL (Y) « L'exigence variable de l'identification de la personne physique » in Dépénalisation de la vie des affaires et responsabilité pénale des personnes morales, (dir.) de MORGANE DAURY-FAUVEAU et MIKAËL BENILLOUCHE CEPRISCA, p.52.

* 144 Lire à cet effet, le professeur MAYAUD (Y), - RSC 2006, p. 825.MATSOPOULOU (H.), « Le non renvoi de la QPC tendant à constater l'imprécision de l'article 121-2 du Code pénal au Conseil constitutionnel », JCP 2010. II. 1031.

* 145 CONSIGLI (J.) « La responsabilité pénale des personnes morales pour les infractions involontaires : critères d'imputation », Revue de science criminelle et de droit pénal comparé 2014/2 n° 2, pp 297 - 310.

* 146Giudicelli-Delage (G.), « La responsabilité pénale des personnes morales en France », in Aspects nouveaux du droit de la responsabilité aux Pays-Bas et en France, Paris : LGDJ, 2005., p. 193.

* 147 CONSIGLI (J.) « La responsabilité pénale des personnes morales pour les infractions involontaires : critères d'imputation », ibid. pp 297-310.

* 148Ibid.

* 149COUVRAT (P), « La responsabilité pénale des personnes morales - un principe nouveau », in Petites Affiches, 6 octobre 1993, n° 120. p. 15. LOMBOIS (C.), Droit pénal général, Hachette, 1994, p. 73 : « Rien n'exclut, textuellement, la possibilité d'infractions propres aux personnes morales ».

* 150 CONSIGLI (J.) « La responsabilité pénale des personnes morales pour les infractions involontaires : critères d'imputation » ibid.

* 151 NTONO TSIMI (G.), « Le devenir de la responsabilité pénale des personnes morales en droit camerounais. Des dispositions spéciales vers un énoncé général ? op.cit. p 221 et s.

* 152« Une culpabilité distincte, autonome, la personne morale commettant sa propre faute rattachée à la même infraction, mais produit desa structure, de son modèle de gouvernement »COEURET (A.) « La responsabilité pénale en droit pénal du travail : vers un nouvel équilibre entre personnes physiques et personnes morales », in Dépénalisation de la vie des affaires et responsabilité pénale des personnes morales, Paris : PUF, 2009, p.306. L'auteur utilise l'appellation « culpabilité » pour faire référence à ce qu'on appelle « imputabilité ».

* 153« L'élément matériel de l'infraction accomplie par la personne morale est un défaut dans son organisation » BAJO FERNÁNDEZ (M.), FEIJÓO SANCHEZ (B.) et GÓMEZ-JARA (C.) DÍEZ, op.cit., p. 122.

* 154« Le modèle organisationnel peut, de façon concomitante, limiter ou élargir le champ d'application de la responsabilité pénale des groupements. D'un côté, si l'on pense au lien de causalité global proposé par un tel modèle, on peut dire qu'une telle idée de causalité va élargir l'application de cette responsabilité, car finalement la structure de la personne morale peut être à l'origine de toutes les infractions accomplies au sein du groupement. Néanmoins, d'un autre côté, le modèle organisationnel exige la démonstration d'un défaut dans l'organisation ou dans la structure du groupement pour sa responsabilité pénale, une telle exigence va nécessairement limiter l'application d'une telle responsabilité, notamment dans le cadre de la théorie de la faute distincte. En effet, on crée une condition additionnelle pour la reconnaissance de la responsabilité pénale de la personne morale, alourdissant par conséquent le mécanisme de la responsabilité » REINALDET DOS SANTOS (T-J.) La responsabilité pénale à l'épreuve des personnes morales : étude comparée Franco-brésilienne op.cit. 7 p. 136. SAINT-PAU (J.-C.), « La responsabilité des personnes morales : réalité et fiction », op.cit. p. 86.

* 155 La tentative regroupant toutes les hypothèses d'exécution infructueuse de l'infraction à savoir la tentative interrompue, la tentative manquée, la tentative impossible.

* 156 Code pénal suisse article 102 alinéa 1 « un crime ou un délit qui est commis au sein d'une entreprise dans l'exercice d'activités commerciales conformes à ses buts est imputé à l'entreprise s'il ne peut être imputé à aucune personne physique déterminée en raison du manque d'organisation de l'entreprise (...) ».

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand