III.1.ETAT DES LIEUX
La situation de la femme marocaine au nord du Maroc est
fortement liée à l'histoire et à la géographie de
la région. En effet, durant des siècles, l'histoire ne s'est
construite que par les hommes. Les livres d'Histoire et les ouvrages des
orientalistes, toujours rédigés par des hommes, en sont une
preuve. L'image de la femme arabe en général
véhiculée par les orientalistes est à l'intérieur
du Harem79 . Un rôle exclusivement érotique et sensuel.
De cette façon, la femme est exclue de la sphère publique comme
acteur social et politique, et ce malgré le fait qu'elle assume son
rôle économique d'épouse, de mère et de soeur en
subvenant aux besoins de la famille. En effet, la femme au Nord est laborieuse,
et, en réalité, par sa force physique, elle occupe les deux
sphères publique et privée, à l'intérieur de la
maison comme à l'extérieur, en ville comme à la compagne.
Or, cette réalité économique, sociale et culturelle de la
« fille du Nord »80 n'était reconnue ni par la
société, ni à
79Expression qui désigne le lieu où
résident les femmes (épouses concubines) du roi, du maitre du
château ou un seigneur qui a du pouvoir et de l'argent, le Harem est
plutôt une tradition répandue chez les arabes au Moyen Orient,
plus qu'au Maghreb.
80Une expression dialecte qu'utilise les marocains
pour désigner la femme de la région du Nord du Maroc, (en
dialecte
travers le statut juridique. Et bien que l'enseignement ait
permis d'améliorer la situation économique des femmes, «
le quotidien demeure toujours aussi ségrégatif, difficile et
inégalitaires »81.
III.2.HERITAGE HISTORIQUE DE LA REGION DU NORD
Après que le Maroc se soit libéré du
protectorat français en 1956, la monarchie marocaine hérite de
l'organisation administrative du régime français. Il importe ici
de signaler que la région du Nord du Maroc était
séparée géographiquement mais aussi structurellement des
autres régions étant elle administrée par les espagnols.
En effet, la région colonisée par les espagnoles (à
l'exception de la ville de Tanger qui a bénéficié d'un
statut international), est marquée par une réalité
économique précaire. Le colon espagnol n'a pas investi dans le
développement de la région. Cette politique de marginalisation de
la région continuera après l'indépendance sous le
régime de Hassan II. Il faut souligner que la vision du colonisateur
français perdurera et se manifestera dans le fait de considérer
la région comme sans intérêt ni utilité
économique. Cette vision va se perpétuer avec la monarchie
chérifienne82 jusqu'à l'ouverture politique avec le
roi Mohammed VI, succédant à son père en juillet 1999.
Au niveau des lois, le Maroc a hérité des codes
de lois français, excepté pour ce qui est du Code du statut
personnel, qui organise les relations hommes-femmes au sein de la famille. Ce
code basé sur « Elfiqh83 » (jurisprudence
islamique) et précisément la doctrine
Mâlikite84, confère aux hommes l'autorité sur
les femmes. Par essence, les rapports de genre dans le Code du statut personnel
sont donc inégalitaires et prouvent une exclusion des femmes, tant de la
sphère publique que de la sphère privée. Sans entrer dans
les détails et à titre d'exemple : les deux premiers livres du
Code du Statut Personnel de 1957, sont consacrés aux fiançailles.
Le mariage est définit comme suit : « le mariage est un contrat
légal par lequel un homme et une femme s'unissent en vue d'une vie
conjugale commune et durable. Il a pour but la vie dans la
fidélité, la procréation par la fondation, sur les bases
stables et sous direction du mari, d'un foyer permettant aux époux de
faire face à leurs obligations réciproques dans la
sécurité, la paix, l'affection et le respect mutuel
»85. Ainsi, l'article consacre l'autorité de
l'homme! mari dans la sphère privée ! la famille, cette
autorité est légitimée par le
33
marocain : Bente chamal)
81 MINCES, J. (1980), la femme dans le monde arabe,
Paris : MAZARINE, p 30.
82 Descendant du Prophète (voir Glossaire)
83 Voir Glossaire
84 Voir glossaire
85 Code du statut personnel, (1958), Livre I, article
1.
34
Coran86. L'autorité du mari,
présentée dans le CSP87 comme la base du mariage, et
la femme, une mineure à vie88.
Autre article frappant et contradictoire qui aura des
répercussions jusqu'à nos jours, malgré les
réformes apportées au Code du statut personnel, est celui de
l'âge minimum au mariage. L'article 8 du code de la famille de 2004
mentionne dorénavant dix-huit ans pour l'homme et pour la femme. Tout de
même, il importe de souligner que le code de la famille marocain, qui se
base sur la doctrine Mâlékite, est plus avancé que d'autres
doctrines islamiques qui, pour certaines stipulent que l'âge minimum du
mariage de la femme n'est pas limité... Ainsi, une fille pourra
être mariée dès sa naissance, une pratique courante au
Moyen Orient. Aussi, l'article concernant l'âge du mariage
révèle deux contradictions: « La première tient
à l'âge de la majorité civile, qui est, depuis 1992,
fixée à 20 ans. Comment peut-on reconnaître à une
personne la capacité d'exercer ses droits à 20 ans, et lui
permettre cependant de conclure, avant cette majorité, un contrat par
lequel, elle s'engage sa vie ? La seconde contradiction tient à
l'âge minimum, et cela laisse présager le peu d'efficacité
d'une telle mesure.»89.
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