VI.CONCLUSIONS
Notre objectif par la présente étude
était de répondre à la question générale des
divisions existant au sein du mouvement féministe marocain : quels
sont-ils ? Quelles sont leurs causes ? Quelles sont leurs conséquences
sur les relations entre les différentes composantes du mouvement et sur
la condition de la femme dans la région du nord ?
Une de nos hypothèses était que la lutte pour
apporter des modifications au statut juridique des femmes aurait
créé au sein du mouvement féministe des groupes aux
antagonismes forts. Une autre de nos hypothèses, qui pourrait être
complémentaire à la première, serait le rôle de
l'autorité nationale qui, détenant à la fois les pouvoirs
temporel et spirituel, aurait joué un double jeu, tantôt
favorisant certains groupes, tantôt favorisant les autres.
En 1999, le gouvernement a élaboré le Plan
d'action nationale pour l'intégration de la femme au
développement. Le PANIFD prouve la volonté de l'Etat marocain
d'améliorer la condition féminine. Cette volonté est
encouragée par l'adhésion du Maroc aux conventions
internationales relatives aux Droits de la Femme, et par la pression du
mouvement féministe marocain. Mais c'est sans compter sur la double
nature de l'Etat, spirituelle et temporelle. Résultat : le plan sera un
échec. En effet, sa teneur trop moderniste déplut aux composantes
islamistes. Un féminisme islamiste se développe. De son
côté, l'Etat se prend à jouer un double jeu. Cherchant la
stabilité, il maintient l'équilibre entre les deux composantes du
mouvement féministe que nous appellerons désormais : les
universalistes, prônant l'égalité femmes-hommes et les
islamistes prônant la complémentarité entre les hommes et
les femmes. Divisé, le mouvement féministe se trouve affaibli.
Un autre phénomène contemporain à celui
que nous venons d'évoquer est le manque d'un réseautage et de
coordination forte chez les universalistes. La coordination étant
essentielle et nécessaire à tout travail de pression et plaidoyer
en faveur du changement du statut de la femme.
Une fois le PANIFD retiré, l'Etat opte pour la
référence islamiste en matière de Droit des Femmes. Les
universalistes doivent s'y plier. Un piège. Ils n'ont plus d'autre choix
que de passer par l'interprétation des textes religieux pour parvenir
à convaincre le régime d'apporter des changements juridiques aux
articles encore inégalitaires envers les femmes. Du fait de la
difficulté de l'exercice, les changements seront maigres.
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De fait, des exclusions manifestes subsistent comme la
marginalisation et la faible participation politique locale des femmes. Et ceci
nous permet d'aborder la problématique de la citoyenneté
féminine.
La citoyenneté féminine reste un enjeu que nous
avons traité dans ce travail. Dans la pensée politique islamiste,
le concept de citoyenneté à proprement parlé n'existe pas.
Les musulmans font eux appel à « la Umma » qui limite la
présence des femmes dans la sphère publique. L'Etat selon qu'il
possède une nature spirituelle suit également « La Umma
». Ceci a pour conséquence que bien que la constitution donne
à la femme le droit de vote et le droit d'être élue, elle
ne peut en disposer. Nous le voyons, les femmes n'ont pas la pleine jouissance
de la citoyenneté. Dans la sphère privée, la femme demeure
sous la domination de l'homme, domination entérinée par le Code
de la famille depuis sont entrée en vigueur en 2004.
Pistes de recherche complémentaires
D'après nos conclusions, de pistes nouvelles de
recherche s'ouvrent. Notre attention en effet a été retenue par
le phénomène de l'émergence d'un féminisme
islamiste. Nous avons vu que cette émergence a automatique
été suivie d'un gonflement du mouvement. Or, nous observons le
même phénomène dans de nombreux pays du monde arabe, dans
des pays islamiques non-arabes et en Occident. Sans trop nous avancer,
peut-être pourrait-on parler d'un mouvement mondial. La question que nous
aimerions alors poser : Est ce que les mouvements sociaux dans le monde actuel
et dans l'avenir seront des mouvements qui se replient sur l'identité
religieuse ? Et au-delà, est ce qu'on ne peut pas envisager une autre
exclusion des femmes surtout marocaines, arabes et musulmane de l'espace
associatif qui est le seul espace de jouissance féminine ?...Enfin, si
l'islam associé entre Etat et religion, est ce le destin des femmes
musulmanes de subir les effets d'une inégalité instaurée
au nom de l'Islam ?...
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