II.CHAPITRE I : METODHOLOGIE DE LA RECHERCHE
II.1.REVUE DE LA LECTURE
La littérature traitant le féminisme au Maroc a
révélé un manque crucial d'études sur le sujet. En
effet, les recherches et les études sur le féminisme marocain, et
encore plus pour la région du nord sont quasi inexistantes. Toutefois,
on trouve une importante étude élaborée par Zakya
Daoud38, intitulée «Féminisme et politique au
Maghreb, sept décennies de lutte »39. Cette
étude ne traite pas particulièrement du mouvement
féministe marocain, mais apporte des informations et des analyses en
abordant le parcours de ce mouvement à travers tout le Maghreb.
L'ouvrage de Zakia Daoud est la première étude ayant
traité la question du féminisme au Maghreb.
L'étude est une approche critique de la situation de la
femme au Maghreb (Maroc, Algérie et Tunisie) certes. Néanmoins,
l'ouvrage exprime une grande admiration de la lutte des femmes
maghrébines. Selon Daoud, le processus de l'évolution du
féminisme marocain se divise en trois grandes phases : la
première « évolution contrastée » qui commence
en 1900 et s'achève en 1965 ; la seconde phase « un long hiver
» de 1965 à 1985 ; la troisième et dernière phase :
« l'explosion des potentialités » se déroule entre 1985
et 1992. Le point clé de cet ouvrage est la relation que fait Zakya
Daoud entre la condition féminine et la politique des trois pays
(Algérie, Maroc et Tunisie) concernés par l'étude. Elle
s'inspire fortement du philosophe Avères (Ibn Rochd) qui fît lien
entre la chute des pays arabo-musulmans et le statut de la femme.
Est-ce là, tout le problème des mouvements
féministes marocains qu'il faut encore régler, et avant tout
étudier ?
La seconde étude «La femme et la politique,
étude sociologique des secteurs féminins des partis
politiques40» de la chercheuse Asma BEADADA41,
parue en langue arabe n'a pas pour objectif d'approcher le féminisme
marocain avec ses composantes. Cependant, l'auteure a donné une vision
globale et profonde de la structure des secteurs féminins au sein des
partis politiques. L'étude met en avant le lien entre la mobilisation
féminine actuelle au Maroc et sa participation politique. L'auteure
dénonce le fossé énorme qu'il y a entre la réelle
participation de la femme dans la sphère publique et
38 Journaliste, écrivain et militante
39 Éditions Eddif, Casablanca, 1996, 409p
40 Edition L'institut universitaire de la recherche
sociale, Rabat, 2007, 251p
41 Sociologue chercheuse et féministe
19
les données reprises dans les études et la
documentation des divers partis politiques sur cette participation. En effet,
les chiffres et les études ne représentent pas la
réalité. Les femmes sont beaucoup moins présentes dans la
sphère publique que ce que les études veulent bien nous laisser
croire.
L'étude n'a pas abordé le féminisme
marocain dans ses dimensions actuelles ou par rapport aux défis
lancés par ce dernier. L'objectif principal de l'étude est de
donner au chercheur un outil pour la compréhension de la structure des
partis politiques marocains avec toutes les tendances (de gauche, de droite et
aussi islamiste) à travers leur perception de la participation politique
des femmes au Maroc. Aussi, l'auteure aborde les concepts
d'égalité, de parité et d'universalisme.
L'étude «Le Féminisme au Maroc»,
publiée par Abdessamad Dialmy a la spécificité d'aborder
simultanément plusieurs sujets concernant le féminisme
marocain.
Effectivement, l'ouvrage permet au chercheur d'approcher les
différentes formes de féminisme. Pour l'auteur, il y'a trois
composantes du féminisme marocain: Etatique (féminisme d'Etat) ;
associative et partisane. Ces trois composantes sont présentes
essentiellement au sein de deux milieux : les universités et les
associations. Dialmy se rend compte que le féminisme marocain n'a pas
pris racine au sein de milieux populaires. De plus, les études sur le
féminisme et le genre sont encore loin de se libérer du
« monopole féminin sur le marché scientifique des
études féminines »42. Mais aussi, les
universitaires n'arrivent pas à transformer la condition des femmes en
objet de recherche.
« Le féminisme d'Etat au Maroc, jeux et enjeux
politiques »43 de Houria Alami M'Chichi44 est la
dernière étude publiée sur le féminisme marocain.
Cette étude est une analyse de la réalité progressiste
d'un Féminisme d'Etat qui suscite certaines interrogations. Comment les
pouvoirs publiques (l'Etat) peuvent-ils se servir de « la cause » de
la femme et linstrumentaliser ainsi ? Comment se manifestent les
rapports entre le mouvement social féminin et l'Etat et comment se
transforment-elles en alliances ? De quelle manière, les associations
féminines mettent en place leur répertoire d'actions et leur
champ de revendications ?
Alami M'Chichi, affirme que le « Féminisme d'Etat
» peut contribuer au processus de la démocratisation et encourager
« les réflexes de participation et favoriser les changements
des
42 DIALMY, A, 2008, P 31-36.
43 Edition L'Harmattan, Paris, 2010.
44 Professeure en science politique et en relations
internationales à la faculté de droit de Casablanca,
université Hassan II.
20
mentalités »45.
En effet, par exemple, pour l'auteure, le féminisme
d'Etat au Maroc est différent du féminisme d'Etat en Tunisie dans
la mesure où le premier associe la modernisation à la
démocratisation alors que le second a modernisé la condition des
femmes et la société sous l'ancien régime, en absence de
toute démarche de démocratisation.
Il importe également de mentionner qu'il y'a quatre
études réalisées par Aicha Belarbi, sociologue marocaine,
sur les associations féminines au Maroc. La première étude
« Les associations féminines au Maroc »46 est
publiée en français et la seconde, publiée en arabe sous
le titre : «Mouvement féminin et la transition vers la
démocratie »47.
La troisième étude a pour titre :
«Affirmation de citoyenneté féminine »48 et
la quatrième, s'intitule « le mouvement associatif féminin
»49. Au cours de ces études, la sociologue Aicha Belarbi
développe les actions des associations féminines, les
étapes de l'évolution historique du mouvement féminin au
Maroc et les obstacles que rencontrent ces associations.
Cette lecture a permis de déceler un manque cruel
d'études des rapports dialectiques entre le religieux, le pouvoir et le
statut de la femme marocaine. Ainsi, notre problématique est construite
autour des rapports entre les trois composantes du féminisme marocain
(féminisme universaliste, féminisme islamiste et féminisme
d'Etat), principaux acteurs chargés de la condition féminine.
De ce fait, notre question de départ est « Quels
sont les rapports entre les composantes du mouvement féministe au nord
du Maroc, et comment peut-on qualifier ces relations à la fois de
rapports d'opposition et d'alliance ? ». Nous tenterons d'y
répondre à travers, la présente recherche. Ce qui est fort
marquant est que le travail des organisations et associations féminines
au Maroc, et particulièrement au Nord n'est pas suffisamment mis en
avant dans les diverses revues et études sur le sujet alors qu'il est
primordial dans la condition féminine.
Il y a un manque profond de connaissance du travail de ces
organisations mais surtout une vision erronée des enjeux cruciaux de ces
dernières. La problématique est d'autant plus complexe que ces
études ne tiennent pas compte des relations que peuvent avoir les
organisations entre elles d'une part et d'autre part entre elles et les femmes
bénéficiaires. Mais aussi entre les organisations et
45 ALAMI M'CHCIHCI, 2010, p 143.
46 En 1989 dans Annuaire de l'Afrique du Nord, tome
XXVIII, Éd. du CNRS.
47 Dans l'ouvrage collectif « Les femmes et la
société civile » publié par l'organisation allemande
Fréderic Edberg.
48 Dans l'ouvrage collectif « La
société civile consciente d'elle-même, la
société civile au Maghreb », en 1998 édition Toubkal
à Casablanca.
49 Dans la revue « PROLOGUES » revue
maghrébine du livre, Numéro 9, Mai 1997.
21
l'Etat. Alors que la compréhension de ces relations
serait un facteur émanant pour une compréhension des rapports
d'alliance et d'opposition entre les composantes du féminisme
marocain.
Aussi, pour répondre à la problématique
de la présente recherche, il importe d'aborder trois concepts principaux
: le mouvement social, le féminisme marocain et le répertoire
d'actions collectives. Notre recherche vise à les aborder selon leurs
définitions d'après les sociologues occidentaux, mais aussi,
selon le contexte historique, social, culturel et politique du Maroc.
L'évolution de cette recherche va nous conduire
à traiter d'autres concepts liés à la problématique
principale. Il s'agit du genre et de la citoyenneté, dans la mesure
où la précarité de la condition des femmes au Maroc est
corolaire au manque de citoyenneté féminine à part
entière basée sur l'approche genre.
|