WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La situation de la femme marocaine en général et le travail de terrain des associations féminines dans la région du nord du Maroc


par Fadma Ouaiaou
ULB / BRUXELLES - Master 2011
  

Disponible en mode multipage

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Sommaire

1

REMERCIEMENTS 4

I. INTRODUCTION 5

I.1. Intérêt du sujet 5

I.2. Contexte de la recherche 5

I.3.Présentation de la zone de recherche 12

I. 4. OBJET DE LA RECHERCHE OU PROBLEMATIQUE 13

I. 5. QUESTION DE DEPART 14

I. 6. HYPOTHESES 14

I.7. PLAN DE LA RECHERCHE 15

II.2.1.FEMINISME 21

II.2.2.Mouvement social 24

II.2.3.Répertoire de l'action collective 25

II.3.Méthode de collecte des données 29

II.3.1.Entretiens : 29

II.3.2.Observation : 29

II.3.3.Revue de la bibliographie 29

II.3.4.Méthodes d'analyse des données 30

II.3.5.Échantillon des associations et le critère de choix 31

II.3.6.Limite de la recherche 31

III.1.ETAT DES LIEUX 32

III.2.HERITAGE HISTORIQUE DE LA REGION DU NORD 33

III.3.STATUT JURIDIQUE DE LA FEMME MAROCAINE : ENJEU DE LA

DEMOCRATIE 34

2

III.4.FEMINISME MAROCAIN ET DEFI D'INCLUSION DES FEMMES 36

III.5. ACTIONS COLLECTIVES LOCALES ET LE STAT DE LA FEMME 39

IV.1.PROGRES VERS LE RECUL 43

IV.2. REFORMES LIMITEES 44

IV.3. MOUVEMENT FEMINISTE ET LES TABOUS RESISTANTS 46

IV.3.1. Loi sur l'héritage maintenue par la religion et la parenté patriarcale 46

IV.3.2. Arguments des féministes islamistes pour le maintien de la loi 48

IV.3.3.Arguments des féministes universalistes en faveur du changement de la loi 48

IV.4. Marginalisation au féminin 49

IV.5.PARTICIPATION LIMITEE DANS LA GESTION LOCALE 52

V.1. EMERGENCE DU MOUVEMENT FEMINISTE ISLAMISTE 56

V.1.1.Naissance du mouvement féministe 57

V.1.2. Apparition du mouvement Féministe islamiste au Maroc 58

V.1.4. Troisième voie du féminisme islamiste 61

V.2. REPERTOIRE D'ACTIONS DES FEMINISTES ENTRE UNIVERSALISME ET

ISLAMISME 63

V.3.FEMINISTES CONTRE L'ETAT... NAISSANCE D'UN FEMINISME D'ETAT...

65

V.3.1.En guise de définition 66

V.3.2.L'institutionnalisation du féminisme d'Etat 67

V.3.3.Réforme du secteur religieux et institutionnalisation d'approche genre 67

V.4.POUVOIR POLITICO-RELIGIEUX BASÉ SUR L'EXCLUSION FEMININE 68

V.4.1.Les bases de la monarchie marocaine 70

V.5. RAPPORTS D'ALLIANCE ET D'OPPOSITION AUTOUR DU FEMINISME

MAROCAIN 71

VI.CONCLUSIONS 73

VII.

3

BIBLIOGRAPHIE 75

VIII. GLOSSAIRE 80

IX. ANNEXES 82

4

REMERCIEMENTS

Je voudrais remercier sincèrement tous ceux et celles qui ont m'accordé leur soutien directement ou indirectement pour que je puisse réaliser ma recherche.

Je remercie particulièrement ma directrice de mémoire, Bérengère Marques-Pereira qui a accepté mon sujet et m'a donné sa confiance et son soutien pour mener à bien, les démarches de ce travail.

Je remercie également mon assesseur Firouzeh Nahavandi, pour sa disponibilité à des moments propices. Merci infiniment pour avoir répondu à mes questions tout au long de la rédaction de mon mémoire.

Je tiens à remercier mes amies, Qods, Chloé et Hind pour leur précieuse aide dans la réalisation de ce mémoire.

Je remercie aussi, tous les membres des associations féminines au nord du Maroc pour le temps et l'intérêt qu'ils ont consacré à mon travail.

Je remercie de tout mon coeur, Mohammed, mon mari, ami et compagnon, qui a toujours été présent à mes côtés durant cette longue recherche. Merci pour sa présence et son soutien moral.

Je tiens aussi à remercier en particulier Ali pour son aide précieuse, sans oublier Khalid.

Je termine en remerciant sincèrement tous ceux que j'ai pu oublier dans mes remerciements et qui ont contribué à la réalisation de ce mémoire, que ce soit, de près ou de loin.

5

I. INTRODUCTION

I.1. Intérêt du sujet

Des recherches précédentes sur le féminisme marocain m'ont amenée à me questionner sur la situation de la femme marocaine en général et sur le travail de terrain des associations féminines dans la région du nord du Maroc en particulier. De ces travaux, de nouvelles interrogations sont nées qui me poussent aujourd'hui à vouloir continuer la recherche.

I.2. Contexte de la recherche

Mon travail, réalisé entre 2000 et 2007, a mis en exergue la marginalisation de la femme marocaine en général. En réaction à cet état de fait, la Région du nord du Maroc a vu se développer un réseau d'associations féministes oeuvrant à l'émancipation des femmes de la région. Ce travail m'a, en effet, amenée à conclure à quel point la femme, au Nord du Maroc, rencontre des obstacles imposés par la nature traditionnelle et patriarcale1 de la société. La seconde conclusion est celle de la marginalisation de la région qui entraîne une féminisation de la pauvreté. La troisième conclusion concerne le statut juridique de la femme qui, jusqu'à sa reforme en 2004, était lui-même un obstacle à l'émancipation des femmes.

Des articles que je publierai par la suite (entre 2004 et 2008), il en est ressorti que le mouvement féministe du Nord n'est pas un mouvement uniforme. Composés de très nombreux types d'associations, il ne coule en effet pas d'un même flot, dans une seule direction, mais bien dans des sens qui souvent divergent voir s'opposent et se contraignent. Et cette fragmentation, affaiblit le mouvement. Les courants principaux du mouvement et qui le tiraille et l'affaiblisse sont 1) Le féminisme universaliste2 ; 2) Le féminisme islamiste ; 3) Le féminisme d'Etat3.

Le féminisme universaliste renvoie à l'ensemble des associations féminines qui adoptent le référentiel universel des Droits humains de la Femme4. Concernant le féminisme islamiste, il émerge avec plus de clarté au début des années 2000. A cette occasion, la fragmentation du mouvement

1 La région fait partie du système patriarcal répandu en méditerranée

2 Universaliste = qui adopte le référentiel des conventions internationales des droits humains conclues par les nations unies.

3 Le nom qu'a donné le sociologue marocaine Dialmy pour désigner toutes les interventions de l'Etat marocain dans la condition féminine.

4 Représentés par la charte internationale des droits humains, les pactes, les conventions et les déclarations émanant de l'ONU et des organisations concernées traitants les droits humains de la femme.

6

féministe se marque davantage. Ceci est dû au débat autour du plan d'action national pour l'intégration de la femme au développement ((PANIFD)5. Dans le plan initial existait une référence universelle aux Droits Humains de la Femme6. Les islamistes s'y sont opposés. Une telle référence représentant, selon eux, une menace envers la tradition islamique et, bien plus, constituait un pas supplémentaire vers l'occidentalisation de la société marocaine. Cela s'est traduit par des violences urbaines répétées. Le gouvernement a retiré le plan, et a appelé à l'arbitrage royal7. En avril 2001, le roi désigne une commission en vue de changer le Code du statut personnel (1957). La commission clôture ses travaux en octobre 2003, et depuis février 2004, le code réformé est entré en vigueur et est connu sous le nom de Code de la famille8.

Cette intervention royale officielle recouvre une importance fondamentale dans le développement du paysage du mouvement féministe marocain. En effet, à partir de ce moment, l'Etat joue un rôle actif développant une politique interventionniste en la matière. Mais une question doit ici être posée : si l'objet de la politique d'Etat en matière de féminisme dans les pays démocratiques est clairement défini et doté des instruments nécessaires à sa mise en place (nous pensons ici à un Ministère, à des budgets, promotions des droits, égalité entre les hommes et les femmes basée sur l'approche genre,...), qu'en est-il pour les Etats dits non démocratiques ou en transition dont le Maroc fait partie ? La récupération et l'instrumentalisation sont ici, les pièges. De fait, nous avons observé un constant jeu de va-et-vient de la politique gouvernementale marocaine en la matière. Tantôt reprenant les idées des associations universalistes tantôt celles des associations islamistes, l'Etat contribue tout au moins à la dispersion du mouvement.

En outre, d'autres de mes articles publiés ultérieurement traitaient du sujet de la place de la femme dans la société marocaine. Il en ressort que les femmes marocaines souffrent d'une exclusion de la sphère publique et d'une domination masculine dans la sphère privée. Le constat va plus loin. La marginalisation se rencontre même au niveau de l'associatif. Les projets peuvent être pensés sans elles et donc passer à côtés de leurs besoins et de leurs demandes réelles. Elles sont par là, exclues de fait des bénéfices des projets.

Tout ceci nous pousse aujourd'hui à étudier «Le mouvement féminin et féministe au Nord du Maroc. Objectifs et répertoire d'actions : 1990-2010», thème du présent mémoire. L'enjeu :

5 Le Plan d'Action National pour l'Intégration de la Femme dans le Développement

6 En particulier la convention internationale d'élimination de toutes formes de discrimination à l'égard des femmes

7 Cette tâche garantie au Roi depuis la première constitution de 1962, et demeure encore dans la nouvelle constitution de 2011.

8 Aussi connu sous le nom moudawana AlOusra (voir Glossaire pour plus d'explication).

7

confronter la situation du mouvement féministe au nord du Maroc et tenter de comprendre pourquoi ce mouvement n'a pas réussi à construire une unité et une identité cohérente qui adopte la référence universelle.

Au moment d'entamer notre recherche, il est bon de passer en revue les paramètres sociaux, culturels, religieux et politiques qu'il faudra à chaque instant prendre en compte dans le cadre de notre analyse ; ces paramètres orientant et conditionnant la réalité de l'aire étudiée:

- Le poids prégnant de la religion et de la tradition dans la région du nord du Maroc ;

- Le système de parenté dans la région fait partie du système patriarcale du pourtour méditerranéen ;

- La montée des mouvements conservateurs au sein d'associations de quartiers ont occasionné un recul des progrès réalisés par les combats des mouvements féministes universalistes menés depuis les années 1980 ;

- La nature du régime de la monarchie marocaine repose autant sur le politique que sur le religieux. Cette nature ambivalente encadre les décisions prises pour développer la condition féminine ;

- La Multiplicité des intervenants sur la question de la Femme : l'Etat à travers ses appareils (ministères et administrations) ; les mouvements sociaux avec les associations féminines (universalistes et particularistes) ; les organisations internationales (bailleurs de fonds).

Ces paramètres viennent se greffer sur le tissu d'un contexte plus large, national et international. Jusqu'en 1956, veille de l'indépendance du Maroc, la femme marocaine à l'égal de l'homme a contribué à la résistance dans les rangs des nationalistes contre le colonisateur. Mais, en 1958, l'élaboration du Code du statut personnel, a montré que les responsables et les nationalistes ont tourné le dos à la femme marocaine dans ce que le statut représentait un recul, excluant désormais les femmes de la sphère publique, il légitimait la suprématie des hommes dans la sphère privée. « Un long hiver »9 commençait qui coïncide avec les années de plomb10

Il faudra attendre 1975, pour qu'à l'aune des engagements et initiatives internationales en faveur des femmes (les nations Unies organise des conférences pour les femmes depuis 1975 chaque dix ans, et pendant chaque décennie, d'importantes décisions sont prises en faveur des droits de la

9Expression empruntée à Zakya Daoud, (1996), le féminisme et politique au Maghreb : sept décennies de lutte, Casablanca : EDDIF

10Période des violations graves des droits humains commis par le régime, elle a durée plus de 30 ans (début des années 1960 jusqu'à début des années 1990).

8

femme11. Au Maroc, la première association féminine ADFM12 est créée en 1985. Le véritable combat féministe au Maroc est lancé et fleurissent des associations féminines fondées par des militantes des partis de gauche. L'espoir d'apporter des changements au statut juridique de la femme naît.

Dans un double mouvement, des changements juridiques modifieraient la mentalité de la région marquée par le patriarcat. L'ouverture politique du Régime, va se couronner par l'arrivé de la période de transition démocratique avec le gouvernement d'alternance.

A partir de 1999, les féministes vont être confrontées à une réalité émergente : l'islamisme. Cette année, en effet, sera marquée par un évènement majeur : le gouvernement d'alternance13 a élaboré le PANIFD. La société politique et civile réagit de façon passionnelle, ce qui provoque une violente scission de la société marocaine en deux camps : les islamistes / conservateurs et les universalistes / modernistes.

Des associations et des partis politiques islamistes vont intégrer la mosaïque politique du Maroc, instauré par le nouveau roi (Mohammed VI). Le mouvement féministe se trouve alors confronté à un autre obstacle, celui d'une division qui touche son unité. Ceci a fait l'échec du PANIFD, « un échec d'un Islam sexuellement démocrate (Marche de Rabat) face à un Islam phallocrate (Marche de Casablanca)»14. Ce constat va ouvrir un chantier de mobilisation féminine caractérisée par des réseaux et des partenariats pour contrer cette nouvelle réalité qui existait déjà mais qui se dévoile à haute voix.

Cette tendance conservatrice va trouver dans la région du nord un écho et un champ fertile pour une telle stratégie.

L'analyse des programmes mis en place par le gouvernement marocain en matière de politique sociale destinée aux femmes, nous révèle l'absence d'une approche globale et cohérente au niveau des choix sociaux et de leur financement. La «tendance à cantonner les programmes et les actions ciblant les femmes dans les départements sociaux, faiblement dotés de ressources humaines et financières, fait qu'au lieu de contribuer effectivement à la promotion des femmes, ces

11La Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, (CEDAW) a adopté par l'assemblée générale des Nations Unies en décembre 1979.

12Association Démocratique des Femmes du Maroc, première association indépendante créée par des militantes de gauche à Rabat.

13Cette expérience qui n'a pas été prolongé, a été marquée par la nomination du premier ministre de parti socialiste de l'opposition en 1997 pour la première fois après les années de plomb.

14DIALMY, A. (2004), « Le féminisme marocain et la modernisation du droit de la famille », in femmes et Etat de droit, sous la direction de F. GHISSASSI & A. MOULAYRCHID, 121- 135, Rabat : Dar Al Qalam.

9

programmes ont, tout au contraire, participé à une construction des identités féminines étroitement et parfois exclusivement liées à la famille15 . Cette politique a donné la place aux idées des traditionalistes se répandant qui situent la femme dans un rôle étroitement lié à la famille (mère) active à la sphère privée, et non à une citoyenne qui jouit de sa place dans la sphère publique de la société. Une vision partagée par les associations et les partis islamistes16. Il importe maintenant d'approcher les rapports d'alliances et d'oppositions des acteurs sociaux avec l'Etat. Comment l'Etat crée un équilibre entre la référence islamique et la référence universelle des droits humains, particulièrement le statut juridique de la femme ? Dans cette perspective, comment les composantes du féminisme marocain (étatique, islamiste et universaliste) se positionnent par rapport à la condition féminine ? Pourquoi malgré les luttes et les mobilisations féminines, le féminisme universaliste n'a pas réussi à construire une théorie cohérente ?

L'analyse du discours sur la condition féminine révèle les lacunes et les contradictions de tous les discours visant les droits humains de la femme proclamés par les institutions de l'Etat et qui adoptent encore et toujours une tendance patriarcale des manifestes : « Il faut reconnaître que les hommes politiques, toutes tendances confondues sont conservateurs. Sur la question de la femme, force est de constater que la monarchie a été à l'avant-garde ou, du moins, a eu une double attitude, à la fois moderniste et conservatrice ».

Nous entrevoyons l'idée qui défend que l'Etat ou El Makhezen17 a toujours essayé de domestiquer les associations pour qu'elles ne représentent pas un contre-pouvoir. Il a même, à plusieurs reprises, adapté son discours et ses projets sociaux18. Nous pouvons aussi remarquer qu'il y a, parfois, dans le chef du mouvement féministe une avance pratique sur les discours, ou l'inverse. C'est ce que nous allons tenter de démontrer grâce à des entretiens réalisés avec des responsables d'un échantillon des associations féministes comme méthode choisie, mais aussi par des observations personnelles accumulées pendant une période de travail au sein d'associations féminines du nord du

15 ADFM. (2004), Le processus d'examen et d'évaluation des progrès réalisés dans la mise en oeuvre du Programme d'action de Beijing en Afrique (Beijing + 10) : Rapport des ONG au Maroc, p 5.

15 Pour les islamistes, la famille reste la cellule de la société, il faut alors mener des projets en faveur de la femme et l'enfant, ainsi comme le construit la politique du gouvernement, en mettant en place un ministère des affaires sociales pour traiter les problèmes liés au genre et la femme.

16 RAJI, H. (2005), l'injustice faite aux femmes en terre d'Islam, www.mediterranéas.org, Consulté le 20 novembre 2010. 17L'ordre jugé nécessaire et consolidé par un recours illimité à la violence. Il exprime la nudité de l'exercice de l'autorité et de la raison politique, dénué de toute morale ou sentiment », in TOZY, M. (1999), Monarchie et islam politique au Maroc, Paris : L'Harmattan, p 43.

18 Exemple : La réforme du code de la famille, la stratégie de lutte contre la violence faite aux femmes, Initiative nationale de développement humain.

10

Maroc.

Notre recherche a pour but alors, d'approcher la mobilisation des femmes marocaines durant les vingt dernières années et de montrer que cette mobilisation a été transformée de la mobilisation sans émancipation 19 durant la guerre de l'indépendance à une participation féminine active pendant la période étudiée.

Au cours de cette période, qui s'étend de 1990 à nos jours, les politiques d'ajustement structurel ont été plus lourdes pour la situation de la femme que pour celle des hommes. Concrètement: une féminisation de la pauvreté, un taux plus élevé de filles non scolarisées, ou qui abandonnent le parcours scolaire pour subvenir aux besoins de leurs familles, un taux de violence conjugale qui augmente de façon significative entre 1990 et 2000. Si cette dernière est basée sur le statut juridique inégalitaire entre l'homme et la femme au sein du couple, elle résulte également de problèmes économiques et sociaux.

Au niveau local, la période particulière qui s'étend de 1998 à 2001 voit l'émergence de nombreuses associations de quartiers dont le terreau est islamiste. Ces associations visent les femmes comme premières bénéficiaires de leurs activités. Mobilisées par des projets qui répondent à leurs besoins, les femmes se voyaient en même temps engagées dans les objectifs religieux de ces associations. C'est ainsi que l'on voit, le retour marqué du voile parmi elles, une fréquentation féminine plus massive des mosquées. Le phénomène se répand d'autant mieux que l'image de la musulmane pratiquante façonnée au sein des premières associations facilitera la création d'associations filles à travers la région20. Simultanément, bien que dans une moindre mesure, ce phénomène régional de propagation s'observe aussi au niveau des associations féminines de type universaliste21.

Au niveau national, survient « un coup d'Etat moral »22 qui passe inaperçu dans les études historiques, mais qui a bouleversé la société marocaine traditionnelle. Il s'agit de l'affaire du commissaire Tabet en 1993, tant médiatisée. Elle a sollicité pour la première fois, un débat de société sur les sujets tabous du sexe, de la violence, des abus de l'Etat.

19 MOLYNEUX, M. (2000), « mobilisation sans émancipation ? Participation des femmes, Etat et révolution au Nicaragua », in Le genre : un outil nécessaire, cahier genre et développement, sous la direction de J, Basilliat & C, Vershcuur, 123-131, Paris : L'Harmattan, Paris.

20 Observation directe pendant la période de travail, à cette époque il y'a une émergence des associations de quartiers à Tanger qui se lancent dans des grands projets de développement. Ces associations ont toutes une tendance islamiste, exemple : association Mesnana Rahrah, association Deradeb ain Hayani, association Hay ben Kirane) ces noms sont aussi des noms des quartiers défavorisés de Tanger.

21 Parmi ces associations, les associations de notre échantillon qui ont été créées entre 1996 et 2003

22 DAOUD, Z. (1996), Féminisme et politique au Maghreb : sept décennies de lutte, Casablanca : EDDIF

11

Tabet, un commissaire haut gradé abuse de son pouvoir pour violer, torturer et filmer 1060 jeunes filles et femmes mariées entre 1990 et 1993. Tabet sera condamné à mort. Les associations féminines seront portées parties civiles durant le procès.

L'affaire va ouvrir les yeux des médias et de la presse mais aussi ceux de l'opinion publique sur les violences faites aux femmes, dans le silence, dans le cadre de la sphère publique et de la sphère privée, et toujours avec la complicité des autorités et des populations. Des réactions en chaines. En 1993, les premières réformes du Code du statut personnel sont élaborées ; le fruit de la mobilisation conduite par UAF (union de l'action féminine), qui a réussit à rassembler un million de signature pour l'obtention de cette réforme. Une victoire mitigée : les modifications de quelques articles du CSP étant jugées trop timides.

Les associations féminines locales et nationales mettront en place des centres d'écoute et d'orientation pour les femmes victimes de violence23. De son côté, l'Etat va élaborer une stratégie de lutte contre la violence à l'égard des femmes, un peu plus tard en 2002.

Les mobilisations suivent avec le PANIFD en 1998, et quatre ans plus tard lors de l'élaboration du nouveau Code du statut personnel qui devient désormais Code de la famille en 2004. Un nouveau bras de fer s'engage entre le mouvement féministe marocain et l'Etat dans l'application du Code de la famille, autrement appelé : Moudawana Al Osra dont les rapports des associations, principalement de la ligue démocratique des droits des femmes, prouvent que le Code de la famille a suscité des problèmes et des obstacles structurels et moraux dans l'application, six ans de sa mise en place.

Au niveau international, la période étudiée (1990- 2010) voit un tournant historique : la chute du bloc socialiste symbolisée par la destruction du mur de Berlin fin 1989. La géographie politique du monde change. Le monde ne sera plus divisé en deux blocs, certes opposés dans une guerre, la Guerre Froide mais garant d'un certain équilibre. La fin de la Guerre Froide rompt l'équilibre, engendrant de nombreuses guerres civiles, des conflits armés et des génocides ; un changement radical de régime géopolitique mondial. Paradoxalement, le statut des femmes dans le monde connait une évolution positive avec l'organisation des conférences sur la Femme : 4ème conférence sur la Femme à Pékin qui a été l'occasion d'un véritable traitement des rapports de l'égalité entre les sexes et l'adoption de l'approche genre dans le traitement de ces rapports. La conférence a été organisée en 1995, cette conférence qui va être suivie des réunions mondiales pour l'évaluation et le suivi des

23 Les deux premiers centres sont créés à Casablanca en 1996 par l'association UAF et en 1997 par ADFM

12

recommandations de la conférence de Pékin 199524. C'est aussi l'époque des marches mondiales des femmes. En effet, la première marche mondiale est organisée en 200025, sous thématique spécifique pour chaque région. Ainsi pour le Maroc, la première marche est organisée le 12 mars 2000 à Rabat avec le slogan : « Nous partageons la terre, partageons ses biens ». 2000 est aussi l'année qui va marquer l'histoire du féminisme marocain avec les deux marches organisées à Casablanca et Rabat. Ainsi, les marches mondiales se succédèrent tout au long de la période étudiée. Parallèlement, le gouvernement marocain s'engage dans le processus de ratification des conventions internationales des droits des femmes, avec des réserves, il est vrai, mais cela motivera le mouvement féministe marocain à poser d'autres revendications et à mener de nouvelles contestations.

I.3.Présentation de la zone de recherche

L'espace de la recherche, le Nord du Maroc, est appelée officiellement « Région Tanger/ Tétouan »26. La région comprend cinq provinces : Chefchaouen ou Chefchaouen-Tétouan, Tanger et Larache ou Araich. La région se situe au carrefour des deux continents, l'Afrique et l'Europe (à 14 km de la côte espagnole). Cette position géographique stratégique a permis à la région d'être le pôle d'investissements majeurs à partir du milieu des années 1990. Néanmoins, les investissements économiques n'ont pas fait disparaitre les formes d'exclusions sociales et la pauvreté féminine, encore fort présente dans les rues des villes de la région. Ainsi, les études et enquêtes menées durant les dix dernières années montrent clairement que la région est loin d'atteindre les objectifs des millénaires du développement (OMD)27 que le Maroc s'est engagé à réaliser à l'horizon de l'année 2015.

À cela, s'ajoute le phénomène de l'urbanisation de la région qui pose un réel problème. L'urbanisation, intimement liée à un exode rural massif, peut se faire dans deux sens : intra urbain et périurbaine. Dans la région qui nous intéresse, on observe un élargissement sauvage de la périphérie. Les quartiers naissent de façon spontanée, sans aménagement et en dehors des lois. Pauvreté, analphabétisme des femmes et des filles surtout, manque d'hygiène et autres augmentent. Les chiffres

24 Les conférences sont : Pékin + 5, Pékin +1O, Pékin + 15

25 La première marche mondiale des femmes a été décidée lors de la conférence de Pékin de 1995 à l'initiative de la délégation du Canada. En 2000 les marches ont été organisées à travers 143 pays, entre le 8 mars, journée de la femme et le 17 octobre, journée mondiale contre la pauvreté.

26 Voir la carte en annexe 4.

27 Principalement en ce qui concerne les femmes : promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes, réduire la mortalité infantile et améliorer la santé maternelle.

13

témoignent de cette réalité, ainsi les femmes analphabètes sont plus de 94% dans le quartier périurbain: Ain Haouzi de la ville de Chechaouen28. En effet dans certains quartiers périurbains, le pourcentage de filles non scolarisées au milieu atteint 60%.

En intra urbain maintenant, de nombreuses constructions massives, de grands immeubles voient le jour, au centre des villes ou sur des zones vertes qui disparaissent jour après jour29. L'enquête30 menée en 2003 dans la ville de Tanger sur la catégorie des femmes de ménages de Moukef31 a montré que ces femmes vivent dans une extrême pauvreté et sont toutes chefs de famille, leur mari étant en prison, elles sont même souvent veuves, divorcées ou parfois le mari ne travaille pas. A Larache, une enquête réalisée en 2009 auprès de femmes ouvrières agricoles32 a montré que ces femmes contribuent au revenu du ménage, et travaillent pour un salaire inférieur au minimum légal, sans aucune couverture sociale ni mutuelle de santé33. Ainsi, à partir de ces quelques exemples qui ne recouvrent certes pas toute la réalité de la condition féminine de la région, nous avons pour objectif de montrer que l'exclusion des femmes dans la zone est due à l'absence de structures institutionnalisées chargées du développement humain des femmes.

I. 4. Objectif de la recherche ou problématique

Notre recherche a pour objectif d'aborder les points forts et les points faibles de l'émergence des associations féminines au nord du Maroc. Et de couvrir, par la même occasion, le champ d'action, dominé ou gagné, sur le terrain, par des associations locales à caractères religieux se référant à l'Islam, et qui travaillent sur la condition de la Femme. Par ailleurs, nous travaillerons à mettre en exergue le changement du statut juridique de la Femme et les enjeux accompagnant cette dynamique à la fois sociale et politique. Ainsi, la problématique de la recherche se formule autour du débat qui a

28 Enquête réalisée par l'association Saida AlHorra en 2004 sous thème : « Ces femmes pauvres ! Qui se battent pour le bien être de leurs familles » dirigée par Hakima Naji.

29 OUAIAOU, F. (2005), la société civile marocaine : entre la vision de développement et les droits humains, ttpp:// www.tanmia.ma/article.php3?id_article

30 Réalisée dans le cadre de mon travail comme coordinatrice avec l'organisation internationale Global Rihgts pour l'association AMNA pour la protection des femmes victimes de violence à Tanger, en mars 2003.

31 Moukef désigne des endroits précis dans une ville où la femme attend qu'une personne vienne la chercher pour qu'elle fasse le ménage à la maison pour un paiement journalier qui ne dépasse pas 5 euro sans prendre en considération la durée du travail, peut être une journée, ou plusieurs heures. Ces endroits sont de plus en plus peuplés par ces femmes. (Selon notre enquête menée en mars 2003).

32 Enquête réalisée par l'association Mains Solidaires en coordination avec Intermon Oxfam

33 L'enquête avait pour objectif de monter un projet en faveur de ces femmes pour pousser les patrons à les enregistrer dans la caisse nationale de la sécurité sociale.

14

accompagné le processus de changement du Code de la famille. Un débat qui a engendré confrontations et conflits entre les composantes du féminisme marocain. Nous formulons alors notre problématique autour des rapports entre les composantes de féminisme et le rôle de l'Etat dans la qualification de ces rapports à la fois d'alliance et d'opposition.

I. 5. Question de départ

Il existe alors des divisions au sein du mouvement féministe marocain. Partant de là, quels sont les rapports entre les composantes du féminisme au nord du Maroc et comment peut-on qualifier ces relations à la fois de rapports d'opposition et d'alliance ?

I. 6. Hypothèses

Par conséquent, l'instance politico-religieuse est l'instance qui balise les possibilités d'alliance et d'opposition entre les trois composantes du mouvement féministe marocain. Ainsi, le changement du statut juridique de la femme (Code de la famille) va être modulé ou adapter selon les intérêts de la monarchie, parfois plus religieux parfois plus politiques en fonction de l'évolution de la société et des rapports du pouvoir.

Sous hypothèse 1 :

Dans ces divisions, le rôle du Code de la famille34 est indéniable. Ce code est une émanation de la jurisprudence islamique. Par essence, le code est donc religieux, le référentiel en matière de Droits Humains de la Femme est religieux. Voilà la fracture avec les universalistes. Mais, la réalité est plus complexe car les universalistes, bien que n'adhérant pas au référentiel islamique de la Moudawana, doivent s'y plier s'ils veulent mener leurs actions dans la légalité. Et s'ils veulent modifier le code lui-même, ils devront interpréter les textes sacrés en faveur de la vision universaliste des Droits Humains de la Femme. Un piège et un défi pour les universalistes.

Sous hypothèse 2 :

De son côté, l'Etat n'adopte pas une position claire. À chaque fois qu'il semble annoncer la

34 On le désigne en arabe par Moudawana AlOssera (voir Glossaire pour plus d'explications)

15

modernisation de la société, (rappelons que l'Etat a des engagements vis-à-vis de la Communauté internationale et qu'il est tenu à des résultats à de nombreux niveaux), nous observons qu'il fait un pas en arrière. En effet, l'Etat est fondé sur l'Islam. Le monarque est le « commandant des croyants »35. Si donc l'Etat abandonne son essence religieuse, quelle raison d'être a encore la monarchie ? Vidée de son essence, elle serait en péril. Le va et vient incessant de l'Etat, entre modernisme et tradition, prend son sens.

I.7. Plan de la recherche

La première partie de notre recherche est consacrée au cadre conceptuel du sujet, et au contexte politique et social des mouvements contestataires au Maroc de l'indépendance à 2004. En effet, le chapitre I comprend la méthodologie et les concepts étudiés, ainsi que la méthode d'analyse des données et les constats incitant à une telle recherche. Dans le chapitre II, l'approche vise à présenter les actions collectives des femmes au cours de la période étudiée, soit de 1990 à 2010. Dans ce chapitre, nous visons principalement les mobilisations féminines dans la région du nord du Maroc ; une région aux controverses portant les stigmates d'un héritage patriarcal.

La deuxième partie, nous la consacrons à la discussion sur la problématique : les conflits et obstacles qui ont marqués les mobilisations du mouvement féministe dans le cadre de l'application du code de la famille depuis son entrée en vigueur en février 2004 jusqu'à 2010. En effet, la question des droits de la femme reste toujours, depuis l'indépendance, un enjeu dans le jeu politique36. La question de la place de la femme dans les deux sphères, privée et publique, fut, de tous temps, un problème au sein des sociétés arabes et musulmanes. Ainsi, dans le chapitre III, nous abordons la place de la femme dans la société marocaine avec pour objectif de montrer comment la religion est devenue un champ où se disputent les revendications contradictoires des universalistes et des islamistes. Dans le chapitre IV, nous proposerons une définition du féminisme d'Etat, développerons son histoire, envisagerons sa manifestation dans les pays démocratiques et présenterons sa construction au Maroc. Le Maroc est un pays encadré par une pensée islamique dans laquelle il est encore plus difficile de revendiquer une citoyenneté féminine37. De cette façon, la discussion conduira la recherche vers une comparaison entre Féminisme islamiste, Féminisme d'Etat et Féminisme universaliste. En somme, la

35En arabe Amir Almoumenine qui est une appellation chargée de significations politiques et religieuses (voir Glossaire) 36ALAMI M'CHCICHI, H. (2010), Le féminisme d'Etat au Maroc : jeux et enjeux politiques, Paris : L'Harmattan. 37La Umma (communauté) est une forme de citoyenneté plutôt masculine, car la présence des femmes dans la sphère publique est très limitée selon la pensée islamique qui encadre le fondement d'Umma.

16

deuxième partie sera consacrée à analyser l'hypothèse de la recherche et à mesurer la relation entre les variables de cette hypothèse. Le but final, étant d'essayer d'approcher les fondements des rapports qui se jouent sur la scène politique et sociale au Maroc ; d'une part, entre l'Etat et les islamistes, d'autre part, entre l'Etat et les universalistes. En outre, l'approche visera à montrer le rôle de la religion et de la politique dans la construction des alliances et des oppositions dans une société qui oscille entre la modernisation (démocratie) et la tradition (l'autoritarisme).

17

PREMIERE PARTIE

FEMINISME MAROCAIN...

UNE MOBILISATION AU FEMININ

18

II.CHAPITRE I : METODHOLOGIE DE LA RECHERCHE

II.1.REVUE DE LA LECTURE

La littérature traitant le féminisme au Maroc a révélé un manque crucial d'études sur le sujet. En effet, les recherches et les études sur le féminisme marocain, et encore plus pour la région du nord sont quasi inexistantes. Toutefois, on trouve une importante étude élaborée par Zakya Daoud38, intitulée «Féminisme et politique au Maghreb, sept décennies de lutte »39. Cette étude ne traite pas particulièrement du mouvement féministe marocain, mais apporte des informations et des analyses en abordant le parcours de ce mouvement à travers tout le Maghreb. L'ouvrage de Zakia Daoud est la première étude ayant traité la question du féminisme au Maghreb.

L'étude est une approche critique de la situation de la femme au Maghreb (Maroc, Algérie et Tunisie) certes. Néanmoins, l'ouvrage exprime une grande admiration de la lutte des femmes maghrébines. Selon Daoud, le processus de l'évolution du féminisme marocain se divise en trois grandes phases : la première « évolution contrastée » qui commence en 1900 et s'achève en 1965 ; la seconde phase « un long hiver » de 1965 à 1985 ; la troisième et dernière phase : « l'explosion des potentialités » se déroule entre 1985 et 1992. Le point clé de cet ouvrage est la relation que fait Zakya Daoud entre la condition féminine et la politique des trois pays (Algérie, Maroc et Tunisie) concernés par l'étude. Elle s'inspire fortement du philosophe Avères (Ibn Rochd) qui fît lien entre la chute des pays arabo-musulmans et le statut de la femme.

Est-ce là, tout le problème des mouvements féministes marocains qu'il faut encore régler, et avant tout étudier ?

La seconde étude «La femme et la politique, étude sociologique des secteurs féminins des partis politiques40» de la chercheuse Asma BEADADA41, parue en langue arabe n'a pas pour objectif d'approcher le féminisme marocain avec ses composantes. Cependant, l'auteure a donné une vision globale et profonde de la structure des secteurs féminins au sein des partis politiques. L'étude met en avant le lien entre la mobilisation féminine actuelle au Maroc et sa participation politique. L'auteure dénonce le fossé énorme qu'il y a entre la réelle participation de la femme dans la sphère publique et

38 Journaliste, écrivain et militante

39 Éditions Eddif, Casablanca, 1996, 409p

40 Edition L'institut universitaire de la recherche sociale, Rabat, 2007, 251p

41 Sociologue chercheuse et féministe

19

les données reprises dans les études et la documentation des divers partis politiques sur cette participation. En effet, les chiffres et les études ne représentent pas la réalité. Les femmes sont beaucoup moins présentes dans la sphère publique que ce que les études veulent bien nous laisser croire.

L'étude n'a pas abordé le féminisme marocain dans ses dimensions actuelles ou par rapport aux défis lancés par ce dernier. L'objectif principal de l'étude est de donner au chercheur un outil pour la compréhension de la structure des partis politiques marocains avec toutes les tendances (de gauche, de droite et aussi islamiste) à travers leur perception de la participation politique des femmes au Maroc. Aussi, l'auteure aborde les concepts d'égalité, de parité et d'universalisme.

L'étude «Le Féminisme au Maroc», publiée par Abdessamad Dialmy a la spécificité d'aborder simultanément plusieurs sujets concernant le féminisme marocain.

Effectivement, l'ouvrage permet au chercheur d'approcher les différentes formes de féminisme. Pour l'auteur, il y'a trois composantes du féminisme marocain: Etatique (féminisme d'Etat) ; associative et partisane. Ces trois composantes sont présentes essentiellement au sein de deux milieux : les universités et les associations. Dialmy se rend compte que le féminisme marocain n'a pas pris racine au sein de milieux populaires. De plus, les études sur le féminisme et le genre sont encore loin de se libérer du « monopole féminin sur le marché scientifique des études féminines »42. Mais aussi, les universitaires n'arrivent pas à transformer la condition des femmes en objet de recherche.

« Le féminisme d'Etat au Maroc, jeux et enjeux politiques »43 de Houria Alami M'Chichi44 est la dernière étude publiée sur le féminisme marocain. Cette étude est une analyse de la réalité progressiste d'un Féminisme d'Etat qui suscite certaines interrogations. Comment les pouvoirs publiques (l'Etat) peuvent-ils se servir de « la cause » de la femme et linstrumentaliser ainsi ? Comment se manifestent les rapports entre le mouvement social féminin et l'Etat et comment se transforment-elles en alliances ? De quelle manière, les associations féminines mettent en place leur répertoire d'actions et leur champ de revendications ?

Alami M'Chichi, affirme que le « Féminisme d'Etat » peut contribuer au processus de la démocratisation et encourager « les réflexes de participation et favoriser les changements des

42 DIALMY, A, 2008, P 31-36.

43 Edition L'Harmattan, Paris, 2010.

44 Professeure en science politique et en relations internationales à la faculté de droit de Casablanca, université Hassan II.

20

mentalités »45.

En effet, par exemple, pour l'auteure, le féminisme d'Etat au Maroc est différent du féminisme d'Etat en Tunisie dans la mesure où le premier associe la modernisation à la démocratisation alors que le second a modernisé la condition des femmes et la société sous l'ancien régime, en absence de toute démarche de démocratisation.

Il importe également de mentionner qu'il y'a quatre études réalisées par Aicha Belarbi, sociologue marocaine, sur les associations féminines au Maroc. La première étude « Les associations féminines au Maroc »46 est publiée en français et la seconde, publiée en arabe sous le titre : «Mouvement féminin et la transition vers la démocratie »47.

La troisième étude a pour titre : «Affirmation de citoyenneté féminine »48 et la quatrième, s'intitule « le mouvement associatif féminin »49. Au cours de ces études, la sociologue Aicha Belarbi développe les actions des associations féminines, les étapes de l'évolution historique du mouvement féminin au Maroc et les obstacles que rencontrent ces associations.

Cette lecture a permis de déceler un manque cruel d'études des rapports dialectiques entre le religieux, le pouvoir et le statut de la femme marocaine. Ainsi, notre problématique est construite autour des rapports entre les trois composantes du féminisme marocain (féminisme universaliste, féminisme islamiste et féminisme d'Etat), principaux acteurs chargés de la condition féminine.

De ce fait, notre question de départ est « Quels sont les rapports entre les composantes du mouvement féministe au nord du Maroc, et comment peut-on qualifier ces relations à la fois de rapports d'opposition et d'alliance ? ». Nous tenterons d'y répondre à travers, la présente recherche. Ce qui est fort marquant est que le travail des organisations et associations féminines au Maroc, et particulièrement au Nord n'est pas suffisamment mis en avant dans les diverses revues et études sur le sujet alors qu'il est primordial dans la condition féminine.

Il y a un manque profond de connaissance du travail de ces organisations mais surtout une vision erronée des enjeux cruciaux de ces dernières. La problématique est d'autant plus complexe que ces études ne tiennent pas compte des relations que peuvent avoir les organisations entre elles d'une part et d'autre part entre elles et les femmes bénéficiaires. Mais aussi entre les organisations et

45 ALAMI M'CHCIHCI, 2010, p 143.

46 En 1989 dans Annuaire de l'Afrique du Nord, tome XXVIII, Éd. du CNRS.

47 Dans l'ouvrage collectif « Les femmes et la société civile » publié par l'organisation allemande Fréderic Edberg.

48 Dans l'ouvrage collectif « La société civile consciente d'elle-même, la société civile au Maghreb », en 1998 édition Toubkal à Casablanca.

49 Dans la revue « PROLOGUES » revue maghrébine du livre, Numéro 9, Mai 1997.

21

l'Etat. Alors que la compréhension de ces relations serait un facteur émanant pour une compréhension des rapports d'alliance et d'opposition entre les composantes du féminisme marocain.

Aussi, pour répondre à la problématique de la présente recherche, il importe d'aborder trois concepts principaux : le mouvement social, le féminisme marocain et le répertoire d'actions collectives. Notre recherche vise à les aborder selon leurs définitions d'après les sociologues occidentaux, mais aussi, selon le contexte historique, social, culturel et politique du Maroc.

L'évolution de cette recherche va nous conduire à traiter d'autres concepts liés à la problématique principale. Il s'agit du genre et de la citoyenneté, dans la mesure où la précarité de la condition des femmes au Maroc est corolaire au manque de citoyenneté féminine à part entière basée sur l'approche genre.

II.2.CONCEPTUALISATION

La conceptualisation est une étape importante dans toute recherche en sciences sociales. Elle est plus qu'une définition, c'est une construction abstraite qui vise à rendre compte du réel50. Les concepts sont alors indispensables pour la présente recherche. Nous allons cerner le concept du féminisme en tant que mouvement social dans une géographie précise, celle du Maroc et à travers son répertoire d'action. Notre conceptualisation se penchera sur le féminisme marocain en tant que mouvement social, possédant un répertoire d'action et référant au féminisme, un courant mondial.

II.2.1.Féminisme

D'après le dictionnaire de la sociologie, le terme « féminisme » est définit comme : « Courant d'idées et luttes concernant les droits des femmes, le féminisme devient, dans certaines périodes historiques, un mouvement social et politique pour l'émancipation des femmes. Il désigne aussi un corpus de différentes théories 51». Le féminisme comme mouvement d'actions collectives des femmes visant à lutter en faveur d'une reconnaissance de leur statut indépendamment des hommes aura une visibilité à partir du XIXe siècle.

Ainsi, le féminisme se construit comme un mouvement qui a pour objectif principal de mener

50 VAN CAMPENHOUDT, Q. (2006), Manuel de recherche en sciences sociales, Paris : DUNOD, p 115

51 Zaidman Claude, « Féminisme », in Dictionnaire de sociologie, Akoun P. et Ansart P. (dir.), Le Robert/Seuil, 199.Paris.

22

une réflexion sur les rapports hommes-femmes. Ces rapports seront encadrés par une transformation du naturel au politique52. Nous concluons alors par la définition de Louise Toupin53 : « Il s'agit d'une prise de conscience d'abord individuelle, puis ensuite collective, suivie d'une révolte contre l'arrangement des rapports de sexe et la position subordonnée que les femmes y occupent dans une société donnée, à un moment donné de son histoire. Il s'agit aussi d'une lutte pour changer ces rapports et cette situation ».

II.2.2.1.Féminisme marocain

Avant d'aborder le concept du féminisme marocain dans le cadre de la présente recherche, il est nécessaire d'aborder le féminisme dans le contexte international et principalement en Occident. En premier lieu, nous aborderons le féminisme comme un courant de pensée qui comprend des idées philosophiques, politiques, sociales et culturelles, « le féminisme est un mouvement complexe à la fois politique, social, culturel et intellectuel, qui s'est affirmé dans le dernier tiers du XXe siècle au sein de la culture occidentale (États-Unis et Europe) pour s'étendre ensuite, sous des formes diverses, à toutes les régions du monde. Il remet théoriquement et politiquement en question la relation entre les sexes qui a assuré séculairement «la domination masculine» ainsi que leurs définitions »54. Il défend les droits des femmes et leurs dividendes dans la société. Il faut dire que le féminisme n'est pas un courant unique il est plutôt un ensemble de courants différents. Ainsi, on peut citer les principaux courants qui ont marqué l'évolution des théories du féminisme.

Il importe pour cette recherche d'aborder brièvement les principaux courants du féminisme occidental. Le but est de mieux cerner l'objet de cette recherche en relation avec les luttes des femmes marocaines pour leur droit à une reconnaissance de leur statut indépendamment à celui des hommes dans la société. Ainsi, les courants du mouvement féministe occidental sont connus sous le nom « vague ». Il comprend trois vagues depuis son émergence au début du 20ème siècle jusqu'aux dernières tendances marquant le siècle courant.

La première vague mettait déjà en scène les luttes des femmes au 19ème siècle et au début du 20ème siècle, ce sont les suffragettes qui luttaient pour le droit de vote, en Grande Bretagne, en Europe, au Canada, et aux Etats unis. Cette vague qui se nomme aussi « féminisme égalitaire », revendiquait

52 HIRATA, H., LABORIE, F., LE DOARE H., Dictionnaire critique du féminisme, Paris, PUF, 2000, p 138 53TOUPIN,L. http://classiques.uqac.ca/contemporains/toupin_louise/courants_pensee_feministe/courants_pensee 54 COLLIN. F, http://geographica.danslamarge.com/Le-feminisme.html?var_recherche=sens

23

des droits égalitaires à ceux des hommes. La principale revendication de ce courant est le droit de vote, accordé aux femmes en Allemagne et aux Etas Unis en 1919.

La seconde vague débutera à partir de la deuxième moitié du 20ème siècle. Lors de cette vague, le droit de disposer de son corps est revendiqué. Ainsi, le débat se déroule autour des questions de fécondité et de contraception. Le célèbre slogan de la seconde vague « le privé est politique »55 désigne une articulation entre la sphère privée et la sphère publique. C'est à cette époque, qu'apparurent les ouvrages, tels que « le Deuxième sexe » de Simon de Beauvoir ou « la Politique du mâle » de Kate Millet. Dès lors, il y aura une distinction entre les deux grandes tendances de féminisme, les universalistes et les différencialistes56 ;

La troisième vague du féminisme va naître au milieu des populations minoritaires aux Etats Unis, et dans le monde entier à partir des années 1980. Celle-ci revendique les droits des femmes pour les défavorisées. La plus grosse revendication est celle liée au droit à la diversité. La diversité revendiquée renvoi surtout à l'occupation des différentes places par les femmes au sein de la société, et qui étaient majoritairement des places masculines. Cependant, avec cette vague, il y aura une coupure idéologique avec les premières vagues, c'est un courant incohérent. Incohérent car sa diversité divise les objectifs des féministes, elles ne mèneront plus complètement le même combat. Notre recherche s'intéresse à cette troisième vague, un féminisme lié au problème d'identité culturelle, ethnique, religieuse qui marquera les tensions du féminisme mondial actuel.

En étudiant le féminisme marocain, on ne peut que se rendre compte que ce sont les deuxième et troisième vagues du féminisme qui ont influencé les luttes des mouvements des femmes marocaines. Néanmoins il ne faut pas faire de lien ni d'approche de réciprocité entre le féminisme occidental et le féminisme marocain, étant donné que le concept féminisme marocain doit être abordé dans le contexte marocain lié à la géographie Méditerranéenne, au MOAN57 et à la culture musulmane.

Au Maroc, tant que société et régime, représente un cadre particulier par rapport au concept « féminisme », qui a provoqué et continue encore de provoquer des controverses, un débat marqué parfois par des confrontations entre les courants traditionnels et les modernistes. De plus, il importe d'indiquer que les études et les recherches concernées par le féminisme n'ont pas donné qu'une seule

55 REVILLARD,A. http://ecoledoctorale.sciences-po.fr/actu_scientif/2006_07/genre/PapierRevillardBereni.pdf consulté en ligne le 15 septembre 2010.

56 MARQUES-PEREIRA, B. (2003), La citoyenneté politique des femmes, Paris : ARMAND COLIN.

57 Moyen Orient et Afrique du Nord.

24

définition ou qu'une approche unique au mouvement social associatif qui mène les luttes pour les droits des femmes depuis le début des années 80 à nos jours.

Selon Zakya Daoud, le féminisme est : « le fait d'élites urbaines actives et instruites qui s'investissent dans des luttes d'émancipation dès lors qu'elles constatent les limites des évolution et des progrès induits par les politiques étatiques et les menaces de régression»58 .

Selon le sociologue Abdessamad Dialmy, « en tant que mouvement organisé, le féminisme marocain s'est exprimé sous trois formes majeurs, étatique (féminisme d'état), partisan et associative. Chacun de ces trois féminismes a donné une période de l'histoire postcoloniale du Maroc et a tenté avec plus ou moins du succès de provoquer des réformes en vue de promouvoir la condition de la femme. »59. Et ajoute qu': « en effet, la modernité ne peut se concevoir que dans le cadre d'un droit qui institue et institutionnalise l'égalité des sexes. »60

Néanmoins, le concept « féminisme « en désignant le mouvement féministe se présente sous forme d'associations féministes, travaillant avec les femmes sur leurs problèmes juridiques, économiques et sociaux. Le féminisme s'organise autour de la lutte pour une égalité basé sur un statut juridique égal entre les hommes et les femmes. Ces actions placent le féminisme marocain dans le rang des mouvements sociaux.

II.2.2.Mouvement social

Le concept du mouvement social a été traité par plusieurs sociologues en sociologie des mouvements sociaux. En effet, le sociologue Neveu définit le mouvement social en tant qu': « un agir ensemble intentionnel, marqué par le projet explicite des protagonistes de se mobiliser de concert. Cet agir ensemble se développe dans une logique de revendications, de défense d'un intérêt matériel ou d'une « cause » »61 . Il faut alors selon Neveu décrire chaque mouvement social dans son contexte historique, culturel et revendicatif dans le but de défendre une cause.

Alain Touraine, considère la société comme « action sociale et rapports sociaux » où le mouvement social est un conflit social défini et limité par un enjeu culturel commun aux opposants62.. Le mouvement social désigne « la conduite collective d'un acteur de classe luttant contre son

58 DAOUD Z. (2004), in Sous la direction de GUBIN E. Le siècle des féministes, p.371.

59 DIALMY A, (2008), P 199.

60 Ibidem.

61 NEVEU, E. (2005), Sociologie des mouvements sociaux, Paris : La Découverte, p 8-9.

62 TOURAINE A. (1978), La voix et le regard, Paris, Le Seuil. p.9

25

adversaire de classe pour la direction sociale de l'historicité dans une collectivité concrète »63

Par conséquent, le mouvement social est porteur d'un projet social qui a pour objectif un changement de situation sociale. Cependant, ce mouvement est censé être une combinaison de trois principes pour parvenir à ce changement social : l'identité ; la totalité et l'opposition.

Le principe d'identité autour duquel se construit l'identité de l'acteur social « est la définition de l'acter par lui-même. Un mouvement social ne peut s'organiser que si cette définition est consciente ; mais la formation du mouvement précède largement cette conscience. L'identité de l'acteur ne peut pas être définie indépendamment du conflit réel avec l'adversaire et de la reconnaissance de l'enjeu de la lutte » 64 ; Toujours selon Touraine, le principe d'opposition qui fait manifester la conscience des acteurs sociaux est définit comme le conflit qui« fait surgir l'adversaire ». Et enfin, le principe de totalité qui désigne le projet social alternatif est perçu selon Touraine comme un mouvement« dont les adversaires situés dans la double dialectique des classes sociales, se disputent la domination »65. Ainsi ce qui permet au féminisme d'être un mouvement social c'est sa durée.66

Le mouvement féministe marocain en tant que nouveau mouvement social vise à changer les rapports sociaux basés sur le patriarcat et sur l'inégalité entre les deux sexes. Ainsi, à partir des années 1980, de nouvelles revendications vont surgir sur la scène politique et sociale, avec de nouveaux mouvements sociaux aux côtés des mouvements féminins. Nous pouvons citer, par exemple, le mouvement des familles des détenus politiques pendant les années de plomb ou encore le mouvement des étudiants, et dans les années 90, le mouvement des chômeurs diplômés.

Ces nouveaux mouvements sociaux marocains, dotés de nouvelles revendications sont exprimées par des nouvelles actions collectives. Ce qui nous met dans l'obligation de cerner le concept de répertoire d'actions collectives pour une approche pertinente du sujet de notre recherche.

II.2.3.Répertoire de l'action collective

Les mobilisations collectives menées par les acteurs dans une société sont au centre des travaux de Charles Tilly, historien américain. Il désigne un champ bien plus large que ce qu'un mouvement social peut atteindre. Ainsi, selon lui, les mobilisations collectives se font à l'intérieur du

63 TOURAINE, (1993), La production de la société, p.322 -327.

64 ibidem

65 FELLIEULE, MATHIEU, PECHU, (2009), Dictionnaire des mouvements sociaux, Paris : Presse de la Fondation nationale des sciences politiques, P 455-461.

66HIRATA, H., LABORIE, F., LE DOARE H.( 2000), Dictionnaire critique du féminisme, Paris : PUF, p.146.

26

processus politique de la protestation. Tilly distingue deux éléments qui éclairent son approche sur les mobilisations collectives : le premier s'intéresse à la manière par laquelle se forment les mouvements et le deuxième s'intéresse au répertoire de l'action collective67.

Le répertoire de l'action collective selon Tilly « se caractérise par l'utilisation des moyens d'action plutôt autonomes différents de ceux dont font l'usage les autorités ; l'apparition fréquente d'intérêt définis comme tels, dans un cadre associatif ou quasi associatif, (« coalition pour la justice », « citoyens unis contre », etc) ; les défis directs aux concurrents, ou aux autorités surtout nationales, et à leurs représentants, plutôt que des appels à des patrons puissants ; la tenue délibérée d'assemblées pour l'élaboration de programmes ; la présentation publique de programmes, des slogans, l'exhibition d'insignes d'appartenance et de solidarité ; une préférence pour l'action en espace publique. »68

Ainsi, Charles Tilly est le premier à inventer ce concept qui va connaitre une évolution marquante et positive depuis les années 80 et 90. Le répertoire de l'action collective des mouvements sociaux va connaitre une évolution avec des théories de d'autres sociologues, particulièrement de ceux qui ont étudié les nouveaux mouvements sociaux. Cependant, le répertoire d'action collective va aussi développer des critiques et des études d'évaluation.

On trouve alors à titre d'exemple, Alberto Melucci qui a étudié « l'action collective ». Selon lui, « l'action collective implique l'existence d'une lutte entre deux acteurs pour l'appropriation et l'orientation de valeurs sociales et de ressources, chacun des acteurs étant caractérisé par une solidarité spécifique»69. Toutefois, Mellucci établit une séparation au sein de ces nouveaux mouvements sociaux, celle-ci se fait entre le mouvement revendicatif et le mouvement contestataire, en se référant pour chacun, à son répertoire d'action collective.

Le répertoire de l'action collective désigne alors un ensemble de moyens mis à disposition des mouvements sociaux contestataires. Ceci est bien démontré par la diversité du répertoire de l'action des mouvements sociaux contemporains, (grèves, manifestation, settings, caravanes, marches, occupation des endroits publics, débats et discussions sur les réseaux sociaux,).

Au Maroc, depuis les années 1990 et 2000, les mouvements contestataires de toutes tendances inventent des actions collectives de protestation. L'association des chômeurs diplômés est l'exemple le plus marquant. Il s'agit d'un mouvement social unique au monde et qui a articulé ses

67 ibedem

68 TILLY, C, (1986), La France conteste de 1600 à nos jours, Paris, Fayard, 1986, p .87

69 MELLUCCI, A en ligne http://www.crasc-dz.org/article-530.html consulté le 12 février 2010.

27

manifestations sur « al waqfa70 » (setting), appelés également: rassemblement debout. Ce setting deviendra au répertoire d'action collective des mouvements sociaux marocains ce qu'était la grève des ouvriers.

L'approche du répertoire d'actions collectives du mouvement féminin au nord du Maroc que nous aborderons dans notre recherche, sera pertinente dans la mesure où elle vise à cerner l'objectif principal des mouvements féministes marocains. En effet, les actions des associations féminines (durant la période 1990- 2010) se déroulent autour du changement du statut juridique de la femme. L'importance de ce changement découle de la nature de la subordination et de l'oppression qu'exerce un tel statut sur les femmes marocaines. Par ailleurs, le changement du statut de la femme est conditionné par le changement des politiques qui visent la condition féminine. Ainsi, la place de la femme dans la sphère privée est fortement liée à se place dans la sphère publique, « ce qui est personnel est politique » »71 . Cette devise est rapidement devenue le principe fondateur de la pensée et de l'action féminine. L'espace privée est ainsi réintroduit dans le politique. »72 .

Toutefois, il importe de souligner la difficulté qui a surgit lors de la conceptualisation du féminisme marocain, étant donné le vide théorique dont souffre le contexte marocain en ce qui concerne l'associatif et le militantisme féministe. Ce vide renvoi à des contraintes qui poussent les intervenants et les acteurs de la condition des femmes au Maroc à véhiculer la politique du possible. C'est cette stratégie qui va pousser les autorités et la société à accepter un changement du juste milieu entre les traditionnalistes et les modernistes. Cependant, ce juste milieu va engendrer des doutes sur une réelle volonté politique de répondre à la revendication de l'état de droit pour tous les marocains et toutes les marocaines.

Nous pouvons présenter le féminisme marocain comme un mouvement social qui se caractérise par les traits des nouveaux mouvements sociaux, comme les a identifié Alain Touraine (Identité, opposition et totalité). En effet, à partir des années 80, le mouvement féministe a construit son identité propre en opposition à des nouveaux conflits autour des questions féminines. Le mouvement féministe marocain se manifeste par les valeurs et les principes partagés entre ses

70Waqfa signifie « rassemblement debout » une action inventée par les militants et militantes des droits humains au Maroc. Elle s'organise devant les tribunaux, les parlements, les sièges des ministères concernés et sur les grandes places des villes.

71 ALAMI M'CHICHI, H, (2002), Genre et politique au Maroc : les enjeux de l'égalité hommes-femmes entre islamisme et modernisme, Paris : L'harmattan, p 24.

72 COMBE, J, ( 2001), La condition de la femme marocaine, Paris : L'Harmattan, p 8.

28

membres fondateurs, en se libérant de la tutelle partisane73, qui a dominé le champ (Bourdieu, 1980) social et politique depuis l'indépendance et même au moment du mouvement nationaliste pendant la période coloniale.

La présente recherche adoptera les trois formes de féminisme marocain comme elles ont été développées par Dialmy. Par ailleurs, il nous semble nécessaire de souligner que le développement du sujet va également se faire autour des interactions et des corrélations entre les trois tendances qui sont les plus actives et qui gagnent du terrain : Féminisme d'Etat/ Féminisme islamiste / Féminisme universaliste.

Comment se construisent, les rapports d'alliance et d'opposition entre les trois composantes citées ? Pourquoi ces rapports se basent sur le statut juridique de la femme marocain ? Comment la condition juridique de la femme marocaine est devenue à la fois un enjeu et un jeu politique entre les trois composantes du mouvement féministe au Maroc ?

« Le sort de la Moudawana peut emprunter plusieurs voies. On peut considérer que l'Etat, arbitre, gère bien les contradictions dans un espace très complexe. Il calme le jeu. L'Etat médiateur traite d'une manière modérée les problèmes dans leurs difficultés. Et c'est la voie qui est suivie. »74.

En conclusion, étant donné que le féminisme marocain vit en paradoxe permanent, il crée en tant que concept encore et toujours des polémiques. En effet, à partir du moment où l'Etat marocain s'est engagé dans la question de l'égalité entre les femmes et les hommes, le féminisme marocain ne peut plus être présenté uniquement comme un mouvement contestataire.

Selon Alami M'Chichi, il importe de s'interroger: « Comment comprendre le féminisme d'Etat dans un pays à faible potentiel démocratique ou en transition démocratique ? »75.

La nécessité d'une conceptualisation de la notion « islamisme » est pertinente dans le cadre de cette recherche, puisque émerge depuis quelques années un débat sur un féminisme islamiste. Ainsi, le champ d'action de ce mouvement s'étend au niveau mondial, il a même été institutionnalisé en Occident76.

Notre recherche adoptera le féminisme marocain pour désigner tous les mouvements des femmes qui se présentent comme des organisations non gouvernementales, dites associations

73 NACIRI, R, (2006), Le mouvement féminin au Maroc, Rabat : Publication ADFM.

74 MY RCHID, A, (2003) la Moudawana en question in Condition féminine au Maroc sous direction de Abdelkrim Gherib, Casablanca : NAJAH EL JADIDA, p 21.

75 (Alami M'Chichi, 2010, p13).

76Exemple : femme musulmane en Europe, groupe international d'étude et de réflexion sur la femme en Islam (GIERFI) et Europe Forum of Muslim Women (EFOMW).

29

féministes, travaillant avec les femmes et sur les problèmes de discriminations basées sur le genre dans la région du nord du Maroc et dans leur diversité idéologique (on peut inclure aussi les associations de quartiers locales ou de sections locales des associations nationales).

La recherche mènera aussi à une réflexion sur le Féminisme d'Etat, sur son apparition, ses tendances en Occident et dans les pays arabo-musulmans. Comment se manifeste, le concept « Féminisme d'Etat » dans les pays démocratiques et dans les pays en transition comme au Maroc?

II.3.Méthode de collecte des données

II.3.1.Entretiens :

La méthode d'entretien utilisée est semi-directive. Les personnes interviewées sont :

- Responsables d'associations féminines (Féministe islamiste et Féministe universaliste pour

les villes de Tanger, Larache, Tétouan et Chefchaouen) ;

- Femmes bénéficiaires des activités des centres des associations ;

- Chercheurs dans le domaine des droits des femmes et genre (sur Tanger, Larache, Tétouan)

II.3.2.Observation :

Le but de l'observation est d'analyser les informations et les faits remarqués pendant la phase d'observation directe (période de travail s'étalant de 2000 à 2007 dans le nord du Maroc), nous utiliserons les observations tirées lors des ateliers de formation et des séances de sensibilisation (particulièrement les ateliers sur le code de la famille et le rôle des différents intervenants) que nous avons animées en faveur des différents participant(e)s selon leur place dans la hiérarchie des associations féminines. Nous explorerons aussi les enquêtes déjà faites lors de notre travail sur le terrain, surtout dans l'analyse de la violence basée sur le genre, les lois discriminatoires à l'égard des femmes, ainsi que l'observation de la progression de la situation pendant la période de stage sur un terrain limité (deux villes : Tanger et Larache) et plus particulièrement, sur l'évolution de l'application du code de la famille et le processus d'inclusion des femmes depuis 2007 jusqu'à 2010.

II.3.3.Revue de la bibliographie

Cette étape consiste à faire le tour des principaux documents traitant le sujet de la recherche, en adoptant l'approche du développement historique des mouvements féminins au nord du Maroc. Cette méthode vise aussi à analyser les changements idéologiques et structurels du mouvement

30

féministe durant la période étudiée. Les différents documents utilisés vont permettre de prendre conscience de ce qui reste à réaliser afin de répondre de la manière la plus complète possible à la question de la présente recherche, les conclusions tirées de la problématique des rapports entre les trois composantes du féminisme marocain, quel genre de rapports, pouvons nous faire? Et l'impact de ces rapports sur la condition juridique de la femme. Le but est de construire la problématique, la question de recherche et de formuler les hypothèses possibles.

II.3.4.Méthodes d'analyse des données

Le but est d'analyser le contenu des textes tirés des entretiens semi directifs afin d'en ressortir le maximum d'informations, particulièrement sur les positions des différentes personnes rencontrées.

En plus de répondre à l'objectif de cette recherche, il nous faut analyser les attitudes dans le cadre des rapports d'oppositions et d'alliances des différentes composantes du mouvement féministe au nord du Maroc. L'analyse vise, aussi, à relier les trois concepts de cette étude : mouvement social, féminisme et répertoire d'actions. Nous tenterons de répondre à la question : Comment le mouvement féministe construit son répertoire pour institutionnaliser sa place comme mouvement social, acteur de changement de la situation de la femme ?

Nous allons utiliser la méthode hypothético-déductive, comme elle a été développée chez Raymond Quivy et Luc Van Campenhoudt77 afin d'analyser l'intervention de ce mouvement au niveau du champ religieux (ici le mouvement fémininiste marocain est pris au piège)78. Pour réaliser une avancée en faveur des droits de la femme, comment mobiliser le mouvement féminin à travers son répertoire d'actions collectives (ouakfa: rassemblement debout, caravanes, marche mondiale, tribunaux des femmes) ? Et, comment l'Etat instrumentalise les mouvements féministes ? Le contenu des entretiens sera un matériau dont nous ferons l'analyse systématique afin de vérifier les hypothèses formulées.

Notre autre méthode d'analyse complémentaire aux entretiens est la méthode d'observation que nous avons réalisée sur le terrain durant sept ans de travail et récemment durant deux mois de stage.

Ces deux méthodes seront complétées par la revue de documentation qui traite l'objet de la recherche dans sa dimension historique et du développement du mouvement féministe Marocain.

77 VAN CAMPENTOUTH, Q. (2006), p 126-135.

78 Par l'Etat religieux et par les mouvements islamistes qui prennent du terrain et par la population pour qui la religion constitue un pilier important de la société.

31

L'analyse qualitative, critique et historique est pertinente dans l'approche des idéologies et du système de valeurs des composantes du mouvement féministe au nord du Maroc durant la période étudiée (1990-2010).

II.3.5.Échantillon des associations et le critère de choix

L'échantillon choisi est constitué de huit associations, dix fonctionnaires dans les projets d'une association féminine, trente femmes bénéficiaires d'un centre d'écoute, de soutien et d'orientation pour les femmes victimes de violence. (En annexes : les associations et guide d'entretiens).

II.3.5.1.Le critère du choix des associations

Associations féministes avec référence universaliste ou islamiste ;

La date de création de l'association qui doit se situer dans la période choisie pour la présente

recherche (c'est-à-dire entre 1990 et 2010) ;

Le siège de l'association, celui-ci doit se trouver au nord du Maroc;

Approche du genre dans le choix des membres de l'association, fonctionnaires ou direction.

II.3.6.Limite de la recherche

Nous qualifions le sujet de cette étude comme étant « une grande aventure ». En effet, la situation géographique de l'analyse de la situation du féminisme marocain ne se prête pas à extraire le maximum de résultats. Et cela est dû au terrain d'étude très limité. Les échantillons sont peu nombreux et pas représentatifs de tout le mouvement féministe. Ce qu'il faut également retenir, c'est que les associations dans le nord ne se limitent qu'au travail sur le terrain sans connaître les enjeux du féminisme marocain.

En conclusion, l'approche du mouvement féministe au nord parait difficile à cause du manque de mouvements féministes locaux cohérents et forts. La limite se présente aussi par la segmentation du mouvement féministe marocain et la difficulté d'analyser ses rapports sur le terrain, qui oscillent entre un partenariat et une guerre froide. Devant ces limites, les efforts de changement et de développement de la condition féminine paraissent incertains, ce qui permet à l'Etat d'intervenir pour établir les règles du jeu dans le but de renforcer ses alliances et d'affaiblir ses opposants.

32

III.CHAPITRE II : MOBILISATIONS FEMININES FACE AUX CONTRAINTES DE LA REALITE DU NORD DU MAROC

Dans ce deuxième chapitre, nous aborderons les contraintes d'exclusion des femmes face aux luttes des associations féministes dans la zone géographique étudiée. Comment le combat pour le changement du statut juridique de la femme est au coeur des revendications des féministes marocaines ? Comment se manifeste la mobilisation féminine face aux contraintes de la réalité d'exclusion des femmes au nord du Maroc ? Et enfin, comment le combat pour le changement du Code de la famille a fait émerger de nouvelles associations féministes, a enrichi le répertoire d'actions du mouvement féministe au nord du Maroc, et a construit des partenariats régionaux, nationaux et internationaux ?

III.1.ETAT DES LIEUX

La situation de la femme marocaine au nord du Maroc est fortement liée à l'histoire et à la géographie de la région. En effet, durant des siècles, l'histoire ne s'est construite que par les hommes. Les livres d'Histoire et les ouvrages des orientalistes, toujours rédigés par des hommes, en sont une preuve. L'image de la femme arabe en général véhiculée par les orientalistes est à l'intérieur du Harem79 . Un rôle exclusivement érotique et sensuel. De cette façon, la femme est exclue de la sphère publique comme acteur social et politique, et ce malgré le fait qu'elle assume son rôle économique d'épouse, de mère et de soeur en subvenant aux besoins de la famille. En effet, la femme au Nord est laborieuse, et, en réalité, par sa force physique, elle occupe les deux sphères publique et privée, à l'intérieur de la maison comme à l'extérieur, en ville comme à la compagne. Or, cette réalité économique, sociale et culturelle de la « fille du Nord »80 n'était reconnue ni par la société, ni à

79Expression qui désigne le lieu où résident les femmes (épouses concubines) du roi, du maitre du château ou un seigneur qui a du pouvoir et de l'argent, le Harem est plutôt une tradition répandue chez les arabes au Moyen Orient, plus qu'au Maghreb.

80Une expression dialecte qu'utilise les marocains pour désigner la femme de la région du Nord du Maroc, (en dialecte

travers le statut juridique. Et bien que l'enseignement ait permis d'améliorer la situation économique des femmes, « le quotidien demeure toujours aussi ségrégatif, difficile et inégalitaires »81.

III.2.HERITAGE HISTORIQUE DE LA REGION DU NORD

Après que le Maroc se soit libéré du protectorat français en 1956, la monarchie marocaine hérite de l'organisation administrative du régime français. Il importe ici de signaler que la région du Nord du Maroc était séparée géographiquement mais aussi structurellement des autres régions étant elle administrée par les espagnols. En effet, la région colonisée par les espagnoles (à l'exception de la ville de Tanger qui a bénéficié d'un statut international), est marquée par une réalité économique précaire. Le colon espagnol n'a pas investi dans le développement de la région. Cette politique de marginalisation de la région continuera après l'indépendance sous le régime de Hassan II. Il faut souligner que la vision du colonisateur français perdurera et se manifestera dans le fait de considérer la région comme sans intérêt ni utilité économique. Cette vision va se perpétuer avec la monarchie chérifienne82 jusqu'à l'ouverture politique avec le roi Mohammed VI, succédant à son père en juillet 1999.

Au niveau des lois, le Maroc a hérité des codes de lois français, excepté pour ce qui est du Code du statut personnel, qui organise les relations hommes-femmes au sein de la famille. Ce code basé sur « Elfiqh83 » (jurisprudence islamique) et précisément la doctrine Mâlikite84, confère aux hommes l'autorité sur les femmes. Par essence, les rapports de genre dans le Code du statut personnel sont donc inégalitaires et prouvent une exclusion des femmes, tant de la sphère publique que de la sphère privée. Sans entrer dans les détails et à titre d'exemple : les deux premiers livres du Code du Statut Personnel de 1957, sont consacrés aux fiançailles. Le mariage est définit comme suit : « le mariage est un contrat légal par lequel un homme et une femme s'unissent en vue d'une vie conjugale commune et durable. Il a pour but la vie dans la fidélité, la procréation par la fondation, sur les bases stables et sous direction du mari, d'un foyer permettant aux époux de faire face à leurs obligations réciproques dans la sécurité, la paix, l'affection et le respect mutuel »85. Ainsi, l'article consacre l'autorité de l'homme! mari dans la sphère privée ! la famille, cette autorité est légitimée par le

33

marocain : Bente chamal)

81 MINCES, J. (1980), la femme dans le monde arabe, Paris : MAZARINE, p 30.

82 Descendant du Prophète (voir Glossaire)

83 Voir Glossaire

84 Voir glossaire

85 Code du statut personnel, (1958), Livre I, article 1.

34

Coran86. L'autorité du mari, présentée dans le CSP87 comme la base du mariage, et la femme, une mineure à vie88.

Autre article frappant et contradictoire qui aura des répercussions jusqu'à nos jours, malgré les réformes apportées au Code du statut personnel, est celui de l'âge minimum au mariage. L'article 8 du code de la famille de 2004 mentionne dorénavant dix-huit ans pour l'homme et pour la femme. Tout de même, il importe de souligner que le code de la famille marocain, qui se base sur la doctrine Mâlékite, est plus avancé que d'autres doctrines islamiques qui, pour certaines stipulent que l'âge minimum du mariage de la femme n'est pas limité... Ainsi, une fille pourra être mariée dès sa naissance, une pratique courante au Moyen Orient. Aussi, l'article concernant l'âge du mariage révèle deux contradictions: « La première tient à l'âge de la majorité civile, qui est, depuis 1992, fixée à 20 ans. Comment peut-on reconnaître à une personne la capacité d'exercer ses droits à 20 ans, et lui permettre cependant de conclure, avant cette majorité, un contrat par lequel, elle s'engage sa vie ? La seconde contradiction tient à l'âge minimum, et cela laisse présager le peu d'efficacité d'une telle mesure89.

III.3.STATUT JURIDIQUE DE LA FEMME MAROCAINE : ENJEU DE LA

DEMOCRATIE

Il importe de souligner que le statut juridique imposé aux femmes par le Code du statut personnel élaboré à la veille de l'indépendance (1957), légitime la discrimination envers les femmes au quotidien. Ce constat fait référence aux circonstances dans lesquelles, le statut personnel a été produit. En effet, le premier gouvernement marocain souverain dirigé par le roi Mohammed V, n'était pas un gouvernement constitué par les partis nationalistes qui ont conduit la résistance contre le colonisateur. Certes, il y avait quelques personnalités d'obédience nationaliste mais ce mouvement, constitué d'une élite d'hommes et de femmes s'est retrouvé marginalisé. Ainsi, le modèle français était copié dans tous les domaines, même dans le domaine du droit qui était intégralement français - à l'exception du droit qui organise les rapports hommes-femmes au sein de la famille et qui lui,

86 DAMMAME, A, (2005), Le genre à l'épreuve du développement au Maroc : discours et pratiques concernant la place des femmes dans les projets, Thèse de doctorat présenté à l'université d'Orleans, p 65.

87 Voir Glossaire

88 COMBE, J, (2001), La condition de la femme marocaine, Paris : L'Harmattan, P 31-32.

89 Ibidem.

35

demeure inspiré de la jurisprudence islamique90.

Paradoxalement, les nationalistes n'ont pas fait de cette discrimination, leur principale revendication. Pour eux, l'émancipation des femmes n'était pas une priorité91. Ainsi en 1957, le code du statut personnel (CSP) est conçu en adoptant une domination des hommes sur les femmes. Malheureusement, comme le code était basé sur la Loi islamique, il ne pouvait plus être modifié. Les tentatives de changement de 1961, de 1968 et de 1982 n'ont jamais pu aboutir car elles visaient à toucher au texte sacré92.

L'Histoire demeure encore plus verrouillée quand il s'agit de la question de la condition féminine. Après l'indépendance, il n'y avait sur la scène politique que deux forces représentées par le pouvoir du roi et celui du Parti de l'Istiqlal93. Ces deux associés/rivaux94 étaient très occupés par l'instauration d'un ordre politique qui se voyait menacé par les adversaires du couple Istiqlal / roi (Mohammed V à l'époque). Néanmoins, le Roi et son fils Hassan II, héritier au trône, vont enraciner et fortifier la monarchie chérifienne, en optant pour la division des partis politiques nationalistes qui réclamaient un partage du pouvoir95. Notons qu'il existe un lien fort entre la stabilité de la monarchie chérifienne, basée sur la doctrine Malékite et celle de ce modèle familial.

A l'époque de Hassan II, la monarchie a réussi sa souveraineté dans un système politique marqué par « un schéma circulaire où tout part de la monarchie et tout revient vers elle »96. Quant aux partis politiques qui ont vu le jour après la constitution de 1962, particulièrement, ceux de gauche, ils n'ont pas fait de l'inclusion des femmes dans la sphère publique, ni du changement de son statut juridique, une priorité ou même une de leurs revendications. Pourtant la femme marocaine était présente dans tous les combats menés par les opposants au régime de Hassan II durant les années de plomb97.

90 DAMMAME, A, (2005), p 63.

91 ALAMI M'CHICHI, H, (2002), Genre et politique au Maroc : les enjeux de l'égalité hommes-femmes entre islamisme et modernisme, Paris : L'Harmattan, p 37.

92RHIWI,L,(2006),Code de la famille :enjeu des luttes des femmes, publié sur le site : http://grittransversales.org/(page

consulté le 13 mars 2011).

93 SANTUCCI, J. (2001), « les partis politiques marocains à l'épreuve du pouvoir », REMALD, manuels et travaux universitaires, 24 .

94 SANTUCCI, J, ( 2006), http://remmm.revues.org/index2864.html consulté le 13 novembre 2010

95EUZZIERE,P, (2006 ), « Tunisie et Maroc : de la colonisation à la mondialisation » in Recherches internationales, 77,(3), 49-64.

96 ibidem

97 La période commence dès l'indépendance jusqu'à la mort de Hassan II en 1999, car pour nous les bombardements de la région du rif par les autorités marocaines pour calmer la révolution contre la monarchie, étaient déjà le début des années de Plomb. Et même avec le gouvernement d'alternance en 1997, Hassan II, continuent, d'interdire les journaux,

Elle a été détenue politique mais aussi torturée parce qu'elle est la mère, l'épouse, la fille, l'amie ou la soeur d'un détenu.

A partir de là, la femme au nord du Maroc va subir une double exclusion: économique et sociale, imposée par le régime central à l'époque de Hassan II qui ne voit pas d'intérêt stratégique à la région98, et une exclusion juridique et culturelle liée aux rapports de genre instaurés par la culture patriarcale répandue sur les deux rives de la Méditerranée et à travers le CSP élaboré par les hommes du gouvernement marocain. Nous le voyons, ce sont les hommes qui ont élaboré le statut juridique des femmes, puisque celles-ci, aussi bien à l'époque de la colonisation qu'après l'indépendance, n'étaient toujours qu'une question d'enjeu du pouvoir politique99.

III.4.FEMINISME MAROCAIN ET LE DEFI D'INCLUSION DES FEMMES

Dans les années 90, l'émergence des associations locales dans la région du nord est le résultat d'une ouverture politique, imposée par les luttes des années 1980 et celles du début des années 1990. Cela s'explique aussi par le fait qu'à partir de cette période, le gouvernement va reconnaitre les associations féministes comme actrices du changement prévu dans le processus démocratique entamé100. A ce propos, il importe de dire que le climat international était favorable à une telle émergence. En effet, après la conférence de 1995 sur la Femme, organisée à Beijing, le Maroc a été contraint d'instaurer davantage d'ouverture politique, et, plus particulièrement, de considérer les droits de la Femme comme l'une des priorités stratégiques à l'aube du XXIème siècle. Le Maroc était forcé d'entrer dans une nouvelle phase de son histoire, une phase de transition démocratique. Cette transition est marquée par la clôture du dossier des détenus politiques et par le retour des exilés politiques101. Il est à noter que cette transition est venue après de grands sacrifices et de combats menés par les militants et militantes des partis politiques de gauche102. Des combats accompagnés par l'émergence remarquable d'une société civile active. Cette société, constituée d'associations a

36

d'emprisonner les opposants. Mais dans les livres d'histoires la période se situe entre 1960 et 1994.

98 Durant tout l'époque de Hassan II, la région du Nord n'a jamais bénéficié des projets de développement ni des infrastructures, la région est laissée marginalisée jusqu'à l'avènement de roi Mohammed VI, qui fait la première visite du roi du Maroc en 2000 depuis l'indépendance.

99 ALAMI M'CHICHI, H, (2002), p 36.

100 ALAMI M'CHCICHI, H, (2010), Le féminisme d'Etat au Maroc : Jeux et enjeux politiques, Paris : L'Harmattan, p 47.

101 C'est le dossier noir des années de Plomb, qui été validé en 1994, ainsi les exilés politiques sont retournés au Maroc, et les procès symboliques ouverts pour entendre les témoignages des exilées, des détenus et aussi leurs familles.

102 Violations des droits humains, les tortures, les disparitions ainsi que les assassinats politiques.

37

remplacé les partis politiques de la gauche radicale pendant les années de plomb. Par conséquent, les associations ont commencé à gagner du terrain en tant que mouvement social contestataire et revendicateur. En outre, les associations féministes étaient parmi les mouvements les plus actifs et les plus radicaux.

Les associations féministes émergentes vont être confrontées à un héritage lourd au moment de lutter pour l'émancipation de la Femme ; héritage qui se manifeste par « des blocages issus de la société traditionnelle »103. Ainsi, l'héritage d'un système patriarcal, lié au rapport de parenté répandu dans la région méditerranéenne, fut renforcé par les traditions liées à la religion, fortement présente dans le nord du Maroc. Dans un tel système de parenté, le puissant, qui détient tout le pouvoir au sein d'une communauté, est toujours masculin. « Ce rapport de soumission, au lieu d'une relation complémentaire entre les deux sexes, explique l'absence des femmes dans les prises de responsabilités et de décisions »104. Ceci explique, le combat du mouvement féministe marocain qui vise entre autre chose, la revendication d'une citoyenneté à part entière des femmes, comme l'égalité des droits et des libertés de base. Sans oublier d'inclure les droits fondamentaux, comme le droit à choisir le conjoint, le droit au divorce, le droit à une égalité dans l'héritage105.

Cette transition politique106 va être couronnée par le projet du PANIFD, élaboré par le gouvernement d'alternance en 1998. Le plan part du constat d'échec des politiques publiques destinées à la promotion de la femme depuis l'indépendance107 Le plan comprend divers domaines : économiques, sociaux, juridiques, liés à la situation de la femme. Voici les dispositions juridiques108 concernant le statut de la Femme:

- Elever l'âge du mariage pour les deux sexes à 18 ans ;

- Supprimer la tutelle matrimoniale ;

- Transformer toute dissolution de mariage en un divorce juridique ;

- Enregistrer l'enfant naturel de la mère célibataire sous le nom de famille de celle-ci ;

- Le juge qui prononce le divorce doit partager les biens accumulés au cours de la vie

conjugale, et offrir à la femme la moitié des biens dont elle a participé à l'acquisition, soit par

son travail domestique, soit par son travail de salarié ;

103 COMBE, J. (2001), p114.

104 LAALA HAFDANE, H. (2003), Les femmes marocaines une société en mouvement, Paris : l'Harmattan, P 36.

105 CHARRAD, M. 2003.

106 La période de transition (1994-1999), est marqué par la réforme de la constitution en1996, liquidation limitée de dossier des violations des droits, et l'arrivé de gouvernement d'alternance en 1998.

107 SAADI, S. (1998), PANIFD, Rabat : Secrétaire d'Etat de la famille

108 Secrétariat d'Etat chargée de la protection sociale, de la famille et de l'enfance, (1999), PANIFD, (47- 49).

38

- Créer des tribunaux familiaux ;

- Reconnaître aux femmes, le droit d'être jugée en matière du statut personnel.

Le projet va être le centre d'intérêts de mobilisations pro et anti PANIFD qui créera, sur la scène marocaine, des alliances inattendues109, La principale initiative contre le PANIFD fut « la ligue nationale de la protection de la famille »110, avec le slogan « une famille soudée équivaut à une saine société ». Cette initiative a réuni le Parti de la Justice et du Développement (PJD)111, des membres du parti USFP112 avec des membres de parti Istiqlal113, et a été encadrée par le Ministère des affaires islamiques. Le parti d'Union Socialiste des Forces Populaires (USFP) était alors à la tête du gouvernement qui a élaboré le projet du PANIFD. Cette division à l'intérieure même du front qui lutte pour la promotion des droits de la femme et le changement de son statut juridique va créer une tension entre marocains musulmans pratiquants et marocains musulmans occidentalisés selon les termes consacrés par les partis islamistes et traditionalistes. Et pour ces derniers, il est bien entendu que «le référentiel reste le pôle central de toutes les critiques que font (les islamistes) du projet du plan d'action et, de manière générale, de toute politique concernant les femmes »114.

Le 12 mars 2000, deux manifestations furent organisées, la première à Rabat, dans le cadre de la marche mondiale contre la pauvreté, et à l'initiative des associations féminines. La seconde à Casablanca où se retrouvent les opposants au PANIFD. Toutes deux ont été organisées le même jour, à la même heure. La grande différence dans le nombre de participants entre les deux marches, (six à dix fois plus de participants à celle de Casablanca qu'à celle de Rabat), fut le symbole d'une opposition populaire massive au PANIFD115. Mais cette différence du nombre s'explique facilement si l'on considère tout simplement, les acteurs à l'origine des manifestations. En effet, ce front dur représenté à Casablanca fut soutenu par le Ministère des affaires islamiques avec tous ses organismes

109 DAMMAME, A. 2005, P 200.

110 Ibidem.

111 Parti Justice et Développement né le 2 juin 1996, d'après une unification avec un autre parti politique mouvement national populaire est qui va adopter un nouveau nom : PJD, cette stratégie est adopter par les islamiste car l'Etat n'accord pas d'autorisation pour des partis politiques qui se base sur une référence religieuse. Mais ça n'a pas empêché le parti de dévoiler sa référence à travers des discours qui revendique le retour à la charia. (BENADADA, A. (2007), La femme et la politique : Etude sociologique des secteurs des femmes au sein des partis politique, Rabat : IURS, p134.

112 Union socialiste des forces populaires, un ancien parti du gauche crée en 1972, et qui a été élu Pour la première fois au gouvernement d'alternance en 1997.

113 Parti du mouvement nationaliste il est sur la scène politique avant l'indépendance, il a une référence réformiste salafiste basée sur la religion islamique.

114 ALAMI M'CHICHI, H. (2002) P 66.

115 DAMMAME, A, (2005), P 202

39

(les lauréats de « dar Hadite Hassaniya116 », la ligue des oulémas du Maroc117, les imams des mosquées du Royaume). En plus, il y avait également la présence d'organisations non étatiques, comme le parti islamiste « justice et développement » et le mouvement d'unification et de réforme118. De l'autre côté, on retrouve le front qui a soutenu le PANIFD jusqu' à ce que le gouvernement déclare son intention de mettre le dossier du plan entre les mains du commandeur des croyants le 13 janvier 2000.

Finalement, le plan a été retiré, mais a laissé la place à une stratégie nationale pour l'intégration de la femme dans le développement présentant un changement radical dans la structure du document. Dorénavant, il s'agit de séparer le domaine juridique des autres domaines politiques, sociaux et économiques. La charge du juridique est prise en main par le Roi Mohammed VI qui va créer «une commission consultative chargée de la révision de la moudawana ». Cette commission est le fruit du pouvoir du roi qui a joué le rôle d'arbitre : «le recours à l'arbitrage royal a trahi les limites de l'exécutif, pire, il a montré que l'exécutif n'est qu'une partie du conflit incapable de trancher au profit de son propre plan»119.

Nous allons aborder, dans les chapitres suivants, les causes et les conséquences de cette nouvelle réalité qui s'annonce sur la scène politique marocaine. Une réalité aux origines de l'émergence du mouvement féministe islamiste au nord du Maroc et du féminisme d'Etat.

III.5. ACTIONS COLLECTIVES LOCALES ET LE STAT DE LA FEMME

La région du Nord a aussi été mobilisée pour participer à des actions variées (manifestations, caravanes, sittings, conférences, tables rondes, etc.), et ce, dans le but de faire pression sur la commission.

Il faut dire que la condition de la femme dans la région du nord, a plus d'une raison d'inciter les associations féminines locales à s'engager dans cette mobilisation. Ceci est survenu grâce et malgré un climat de transition démocratique. A cette occasion, de nouvelles associations féminines

116 Institut qui forme les savants en sciences de la religion et la charia se trouve à Rabat sous la tutelle du Ministère des Habous et les affaires islamiques.

117 La ligue des Oulémas du Maroc (la ligue des savants religieux du Maroc)

118BENADADA, A. (2007), La femme et la politique : Etude sociologique des secteurs des femmes au sein des partis politiques, Rabat : IURS, 236-237.

119 DIALMY, A. (2004), P 121-135.

40

verront le jour.

Le but premier de la mobilisation était d'élaborer des partenariats et des réseaux entre les associations féminines locales et les associations au niveau national, régional et international. L'objectif ultime étant de donner la voix aux femmes dans le cadre des travaux de la commission et d'empêcher que les résultats n'aboutissent une fois de plus à la ségrégation des femmes mais aille bien dans le sens d'une société plus égalitaire. Entre autre réseaux, nous relèverons le grand réseau national : « Printemps de l'égalité » créé en mars 2001, il possède un site web consacré à la femme : www.marocaufeminin.com.120

Au niveau régional, mentionnons par exemple « Le Conseil de coordination régionale pour l'action féminine », fondé en 2002 dans la région comprise entre Chefchaouen et Larache. Parmi ses actions : la caravane qui a défilé à travers le nord (Chefchaoun-Tétouan-Tanger-Larache), organisée en mars 2003, à l'occasion de la journée mondiale de la femme121.

Tous les réseaux et toutes les activités du mouvement féministe universaliste ont contribués activement aux actions des réseaux nationaux créés pour la campagne en faveur d'un code de la famille égalitaire. En même temps, le mouvement féministe islamiste du nord, a également contribué aux réseaux nationaux afin de faire pression sur la commission royale dans le but de faire respecter les décrets de la « Charia »122. Pour ce mouvement, il s'agit de protéger la cellule familiale qui constitue le noyau de la société marocaine musulmane, et de faire du référentiel religieux islamique la seule référence pour les droits humains. Ainsi, pour le mouvement féministe islamiste, il faut s'adapter à la Charia pour organiser la relation entre les hommes et les femmes. Cette relation doit se baser sur trois principes : complémentarité, coopération et affection123 . Tout comme pour la mobilisation universaliste, la mobilisation du mouvement féministe islamiste a aussi été marqué par la création d'un réseau national « Montada Zahrae pour la femme marocaine et l'orientation familiale »124 en 2002. Autour de lui, les associations féminines islamistes vont se mobiliser pour organiser des activités dans le but de véhiculer à leur tour la vision du mouvement islamiste sur le changement du statut des femmes ; et ce changement ne doit pas dépasser la référence islamiste et la

120 DIALMY, A, (2008), Le féminisme au Maroc, Casablanca : Toubkal, P 205.

121 OUAIAOU, F, 2003, Rapport du comité d'organisation de la caravane.

122 La loi d'origine islamique ou la jurisprudence islamique.

123 MOSSALI, J, 2011, Le mouvement féminin contemporain au Maroc : tendances et questions, Rabat : CEMERC, P278 (en arabe). Ces principes sont de ma traduction (les nuancer le terme arabe et français)

124 Réseau des associations féminines islamistes crée en 2002 à Rabat.

41

particularité de la société marocaine.

L'importance du changement du statut juridique de la femme part du constat que la femme marocaine ne peut pas exercer ses droits civils comme une citoyenne à part entière, tant qu'elle est obligée d'être sous la tutelle d'un parent masculin. Même si la femme peut être ministre ou juge, elle est soumise à des lois discriminatoires régies par le Code du statut personnel.

Le Code de la famille de 2004 a certes été un tournant historique dans la vie des femmes marocaines, mais d'autres lois existent encore par lesquelles la femme peut être la victime de violations de ses propres droits. Ainsi, à ce jour, la violence conjugale à l'égard des femmes n'est pas pénalisée dans le code pénal marocain125. L'injustice et la discrimination dans la loi sur l'héritage reste aussi au coeur du débat entre le mouvement féministe universaliste d'un côté et le mouvement féministe islamiste, les autorités et les Oulémas d'un autre côté.

Afin de bien comprendre les points d'opposition entre les trois composantes du féminisme marocain (féminisme universaliste, féminisme islamiste et féminisme d'Etat), il importe d'approcher dans la deuxième partie, les lacunes du code et les obstacles d'application. En effet, sept ans après la réforme du Code de la famille, les questions liées au statut de la femme dans un contexte politique, social et juridique restent encore à l'ordre du jour. Ainsi, où en est la question de l'inclusion des femmes dans la sphère publique dans un système régi par la loi islamique ? Comment peut-on parler d'une citoyenneté des femmes si une partie des lois qui organisent les rapports entre les femmes et les hommes se basent sur la Charia ? Comment alors se manifestent les rapports entre les trois composantes du féminisme marocain dans une monarchie encadrée par les valeurs de l'Umma126 (communauté musulmane) et dirigée par l'Amir Moumenine127 (commandeur des croyants).

125 Il y'a un projet de loi pour la violence contre les femmes mais la nature hiérarchique du code n'est pas encore changée pour plus d'égalité et de justice envers les femmes.

126 Nation mais aussi un terme qui est chargé des valeurs politiques dans la pensée islamique comme le terme citoyenneté dans la pensée occidentale.

127 ABOU ZAID, N. (2004), Les cercles de la peur : lecture dans le discours de la femme, Rabat : le centre culturel arabe, p 164-167. (en arabe).

42

DEUXIEME PARTIE

ETAT, FEMINISME, ISLAM

QUELS RAPPORTS ?

43

IV.CHAPITRE III : DE LA LIBERATION DES FEMMES ...A LA LIBERTE DES FEMMES

« En orient, on voile la femme sous le joug de l'homme et l'homme sous le joug du gouvernement : là où les femmes jouissent de leur liberté individuelle, les hommes jouissent de leur liberté politique, les deux situations sont

interdépendantes Qasim Amin, la libération de la femme, 1899128

IV.1.PROGRES VERS LE RECUL

Au 19ème siècle, à l'époque de Nahda (renaissance arabe), les penseurs réformateurs ont déclenché le signal d'alarme quant à la situation de la femme arabe (musulmane et chrétienne). Cette dernière vivait dans l'ignorance, privée de tous ses droits fondamentaux. À cette époque, les voix des réformateurs arabes s'élèvent pour revendiquer l'égalité sur le plan éducatif des filles et des garçons. Parmi eux, Rafaha Tahtawi, Mohamed Abdu, Jamal Dine Alafghani, et d'autres.

Néanmoins pour la question de l'émancipation des femmes, il importe de citer le libérateur de la femme arabe, Qasim Amine, qui a publié : « l'émancipation de la femmes » en 1899 et « la nouvelle femme » en 1900. Avec ces deux livres, Qasim Amine représentait la pensée des lumières européennes dans le monde arabe. Pour lui, l'émancipation de la femme équivaut à la libération de la Umma (communauté musulmane) et à son développement129. Sa pensée est influencée par les idées des penseurs et philosophes occidentaux, particulièrement en France où il a fait ses études. Cette pensée se base sur deux principes : la science et la raison. « La femme est privée de tout ce dont l'homme jouit : le plaisir est réservé à l'homme et la peine pour la femme ; l'homme vit dans la liberté et elle dans l'esclavage ; l'homme acquiert et détient le savoir, la femme reste dans l'ignorance ; l'homme peut prétendre à l'intelligence, la femme est proie à la sottise ; l'homme commande et ordonne, la femme ne peut qu'obéir et endurer »130.

128 AMIN, Q. (1899), libération de la Femme, nouvelle édition en 1993, Caire : Office Egyptien général du livre. (En arabe).

129 SAID, K. (1991), « Femme, liberté, innovation », sous direction de MERNISSI, F in Femmes maghrébines à l'horizon 2000, Casablanca : Le Fennec, p 13 - 62 (en arabe).

130 AMINE, Q. (1993), p 20

44

D'autres voix se sont élevées pour revendiquer le dévoilement des femmes. Ainsi, de retour au Caire d'une conférence en Italie sur la condition des femmes, la féministe égyptienne Hoda Chaaraoui131 accompagnée d'un groupe des femmes descendirent du train, toutes dévoilées.

Au Maroc en 1947, lors de la manifestation organisée à l'occasion de la première visite du souverain marocain sous le protectorat à Tanger (ville de statut international à l'époque), la fille du roi Mohammed V a pris la parole non voilée. Les femmes présentes sur place ont commencé à se découvrir la tête: un véritable symbole de la libération des femmes marocaines.

Il importe également de signaler qu'à l'époque du protectorat, le leader du mouvement nationaliste et réformateur Allal Elfassi 132 a revendiqué l'interdiction de la polygamie et la réglementation de la répudiation133.

En 2002, les résultats des élections des représentants à la chambre des députés ont montré que le jeune parti politique islamiste PJD134 a triplé ses sièges au parlement, ils sont passés de 14 à 42 sièges135. Il faut souligner que le processus électoral a « respecté dans l'ensemble, les règles de transparence »136. Ceci montre que la société a changé et que la pensée religieuse a gagné du terrain par rapport aux partis de gauche traditionnellement populaires. De 1993 à 2004, les débats n'ont pas changé. Le combat est toujours le même entre les universalistes et les particularistes autour de la question des droits de la femme dans le code de la famille et autour de l'égalité entre les hommes et les femmes. Toutefois, ce débat a montré que la condition de la femme a régressé et ce, partout au Maroc. En effet, comme le souligne Isabel Taboada Leonetti : « De dévoilement en revoilement, le corps des femmes n'a cessé d'être symboliquement manipulé par les hommes et leur statut modifié au gré des événements et des rapports de force, nationaux ou internationaux ».137

IV.2. REFORMES LIMITEES

131 L'une des premières féministes égyptiennes

132 Fondateur du parti Istiqlal et coordinateur du projet du premier code du statut personnel en 1957 (loi de la famille).

133 DAOUD, Z. (1996), P 257.

134 Le Parti Justice et Développement (le seul parti politique islamique qui siège le parlement comme groupe d'opposition depuis les deux élections précédentes : en 2002 et en 2007

135 ZAGHAL, M. (2003), Religion et politique au Maroc aujourd'hui, consulté en ligne sur la page : http://www.ifri.org/files/Moyen_Orient/DT_3_Zeghal.pdf le 12 juin 2011.

136 Ibidem.

137 TABOADA LEONETTI, I., sous la direction de (2004), Les femmes et l'Islam : entre modernité et intégrisme, Paris : L'Harmattan, p 10-11.

45

Le régime politique accorde aux femmes une certaine place au sein de postes politiques mais ces derniers demeurent sans importance décisive 138 . Les militantes du mouvement féministe universaliste ont été convaincues que le changement des mentalités discriminatoires envers les femmes ne peut être réalisé qu'à travers une réforme du statut juridique de la femme139. Ensuite, il importe de souligner que l'ambition des militantes du mouvement féministe universaliste a subi un choc, vu la réalité d'application du nouveau code de la famille, mais aussi à cause des lacunes existants encore dans le texte tant décrit progressiste (LDDF140). En effet, les rapports que publie la ligue démocratique des droits de la femme sur l'application du code de la famille, attestent d'une dure réalité. Certains articles de ce code restent encore inégalitaires ou ouvrent une possibilité d'interprétation d'un juge, qui dans la majorité des cas décide en faveur d'une vision patriarcale. Ainsi, l'âge du mariage est souvent une violation des droits humains. Cette interprétation abusive touche particulièrement les adolescentes âgées de 12 à 16ans. Dans la région du Nord, le mariage des mineures demeure encore une réalité choquante. Malheureusement, selon les rapports des centres d'écoute qui accueillent des mineures victimes de violence conjugale, le nombre des mariages de ces dernières après la réforme de la moudawana (Code de la famille 2004) a connu une hausse remarquable.

Ainsi, juste après l'entrée en vigueur du code de la famille, le rapport de la LDDF sur les mariages précoces (entre 5/2/2004 et 31/12/ 2005) a enregistré pour la ville de Larache 400 demandes de mariages des mineures autorisées des 406 demandes de mariage déposées. Cela signifie que l'appréciation du juge dans la majorité des cas entraine l'accord. Force est de constater que laisser une marge d'interprétation dans une loi n'est en faveur que de la mentalité conservatrice. Ce sujet entraîne des débats continuels, la loi sur l'âge du mariage régit par le code de la famille anime encore des polémiques entre les particularistes (les islamistes) et les universalistes. Les articles 20 et 21141 du code de la famille ouvre au juge la possibilité d'autoriser le mariage d'un mineur avec l'accord de son tuteur, et même parfois, sans l'accord de celui-ci dans certaines circonstances. Le nombre de mariages de mineures sous l'autorité d'un juge a dépassé toutes les limites lors de l'entrée en vigueur du Code de la famille. Il est donc alors primordial de prendre au sérieux la déclaration de la secrétaire générale

138 ALAMI M'CHCHI, H. (2002), p 41.

139 COMBE, J. (2001), p 195.

140 La Ligue Démocratique des Droits de la Femmes, une association féminine nationale qui publie chaque année un rapport sur l'application du code de la famille depuis son entrée en vigueur en février 2004, sa section de Larache fait partie de notre échantillon. (rapport de 2009).

141 Les articles 19, 20 et 21, (2004), Code de la famille, ministère de la justice :
http://www.justice.gov.ma/fr/documentation/documentation

46

de la Ligue démocratique des Droits de la Femme (LDDF) Fawzia Assouli lors d'une interview donnée au journal marocain « Aujourd'hui le Maroc »142: « le mariage des mineurs a connu une hausse de plus de 10% ». On peut donc en conclure que le juge abuse de son pouvoir et ce en toute légalité. « Comment empêcher alors ce dernier d'user largement (voir arbitrairement) de son pouvoir pour transgresser la règle juridique ?143». Il faut rappeler que le Code de la famille régit d'autres domaines qui demeurent discriminatoires envers les femmes. Ainsi, il comprend des articles sur les domaines suivants: la polygamie, l'héritage et la répudiation (rapport 2010, rapport annuel du centre d'écoute de l'association Mains Solidaires pour le droit à la dignité et à la citoyenneté144.

La présidente de la section de la LDDF à Larache a souligné lors de notre entretien que « l'article sur l'âge du mariage a constitué un piège, puisqu'il y'a des juges qui ont une vision patriarcale et qui abusent de leur pouvoir, et autorisent la majorité des demandes de mariages des mineures. Ce qui constitue un recul par rapport à la situation avant le nouveau Code de la famille »145.

Les articles du Code de la famille posent problème dans la société marocaine.

En effet, les articles cités ci-dessus sont plus que conflictuels entre les islamistes et les universalistes. Pour bien comprendre les points de vue des trois composantes du Féminisme marocain (Etatique, islamiste et universaliste), il importe d'approcher la question de l'héritage puisque c'est une loi qui découle du Coran, donc sacrée et intouchable, mais aussi qui est basée sur la nature de la filiation d'une société patriarcale. Mais la loi sur l'héritage est également fortement liée à la nature de la monarchie marocaine. C'est une évidence qui explique pourquoi le Code de la famille n'a pas apporté de changement à la loi sur l'héritage. L'approche de cette loi dans le cadre de notre recherche a pour objectif d'analyser les rapports entre les composantes du féminisme marocain (féminisme d'Etat, féminisme islamique et féminisme universaliste). L'objectif est aussi de montrer que le statut juridique de la femme est fortement lié aux rapports d'alliance et d'opposition qui sont basés sur le pouvoir politico-religieux.

IV.3. MOUVEMENT FEMINISTE ET LES TABOUS RESISTANTS

IV.3.1. Loi sur l'héritage maintenue par la religion et la parenté patriarcale

La région du Nord du Maroc fait partie de la région Méditerranée ou encore appelée selon la

142 Aujourd'hui le Maroc 13 octobre 2008

143 ALAMI M'CHICHI, H. (2010), P 85.

144 Une association féminine qui fait partie de notre échantillon.

145 Entretien avec Mme Soudia Touati présidente de la section LDDF à Larache réalisé en décembre 2010.

47

géographie-politique, MOAN (Moyen Orient et Afrique du Nord). Cette région est historiquement connue pour l'organisation de la filiation selon la famille patrilinéaire; ce qui explique la nature patriarcale des sociétés arabes et musulmanes qui suivent toutes, ce lignage. Cette filiation impose aux femmes, une domination masculine de la part du groupe de lignage en plus de la domination masculine au sein de la famille. Aussi, pour renforcer la place et la légitimité du lignage, les femmes étaient exclues de l'héritage.

Ce processus ne sera pas totalement aboli par l'Islam car celui-ci préserve toujours la base des relations de parenté146. Avant la naissance de l'Islam, dans le nord du Maroc comme dans toute l'Afrique du Nord d'ailleurs, la femme n'avait pas droit à l'héritage. Cependant, avec l'Islam, la femme a acquis ce droit mais elle n'a que la moitié de l'homme héritier. En effet, dans le Coran147, la succession et le partage de l'héritage montre que la femme reçoit toujours une part deux fois inferieure à celle de l'homme148. Force est de constater, l'importance d'approcher les différents points de vue des trois composantes du féminisme marocain sur la loi sur l'héritage qui n'a pas été reformée dans le Code de la famille de 2004.

Selon le code de la famille149, le principe de la tradition patriarcale est maintenu. En effet, comme précisé ci-dessus, la part de l'héritier est le double de celle de l'héritière. Cependant, contre toute attente, l'inégalité de cette loi a engendré très peu de contestations ou de revendications de la part des féministes Seule la Ligue Démocratique des Droits de la Femme a remis la légitimité de cette loi en question à l'époque. Plus récemment, en mai 2008, ADFM a pris l'initiative de discuter la réforme de la loi mais sans sortir du cadre islamique150. C'est un combat qui tient très à coeur à la présidente de la section de LDDF à Larache, Soudia Touati qui a déclaré: « la ligue maintient encore et toujours sa détermination de pousser en avant le processus de l'égalité à part entière entre les femmes et les hommes, en se basant sur les conventions internationales ». Toutefois, il ne faut pas négliger le fait que le changement de cette loi ne serait pas perçu comme un changement favorable par toute la population. Il importe donc, d'approcher les arguments présentés par les défenseurs de la loi sur l'héritage et ceux, présentés par les revendicateurs de la réforme de cette loi.

146 MAYA CHARRAD, M. (2007), Citoyenneté inégale. Enjeux de justice de genre au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, publié sur le site : http://network.idrc.ca/fr/ev-111820-201 consulté le 15 mai 2011.

147 TALBI, M. (1997), « Lecture historique des versets 34 et 35 de la sourate du Coran Intitulée « les femmes » », PRROLOGUES, 9(5-7) : 89-106.

148 MINCES, J. (1980), 98.

149 Code de la famille, 2004, Articles : de 315 jusqu'à l'article 320.

150EDDOUADA, S & PEPECILLI, R (2010), «Maroc: vers un «féminisme islamique d'Etat» », Critiques internationales, 46 : 67-100.

48

IV.3.2. Arguments des féministes islamistes pour le maintien de la loi

Sur le sujet de l'héritage, sujet très sensible au sein de la société marocaine, les féministes islamistes appuient l'importance du maintien de cette loi. Elles prônent le cadre islamique pour le partage de l'héritage. Leur principal argument est évidemment le Coran, à travers l'exemple suivant: « Devant la loi divine, l'homme est obligé de prendre en charge les femmes de sa famille : mères, soeurs, filles, épouses. C'est une obligation juridique et non un octroi d'aumône alors que cette obligation ne concerne pas la femme. La part d'héritage de cette dernière constitue un capital dont elle n'usera que pour ses extras (habits, bijoux, achats de biens, etc) et non pour le dépenser à ses besoins primaires. »151. Cependant, pour les féministes islamistes, il y'a des cas où la part d'héritage d'une femme est égale ou même supérieure à celle de l'homme.

Le texte coranique est clair et détaillé sur la succession et l'héritage. Les inégalités sont claires certes, mais elles sont liées à la période et les circonstances de vie des arabes et des autres peuples. Ainsi, il est nécessaire que les textes religieux soient compatibles avec le temps et non l'inverse. Ne nous pouvons donc pas nier que si les situations historiques changent, le discours et les textes religieux doivent être interprétés pour en sortir ce qui est encore applicable et ce qui peut être changé en fonction de l'époque152.

En clair, il s'agit d'interpréter les textes religieux selon l'époque. Il n'est pas sans importance de souligner que le courant chiite par exemple, à l'inverse du courant sunnite malékite adopte une loi plus égalitaire envers les femmes en matière d'héritage. Cette loi bien plus égalitaire est notamment appliquée depuis 1963 en Irak. Celle-ci est appliquée aux deux communautés qui y vivent: sunnites et shiites153. (Deux doctrines islamiques (voir Glossaire).

Nous sommes donc forcés de conclure que le problème des islamistes est que leur discours est passé de discours de Nahda (renaissance) avec les réformistes fin 19ème siècles vers un discours de Azma (Crise) avec les fondamentalistes islamistes au début des années 1990154.

IV.3.3.Arguments des féministes universalistes en faveur du changement de la loi

Les féministes universalistes représentées par les associations féminines revendiquent la nécessité de changer la loi sur l'Héritagedu fait que le Maroc a levé toutes les réserves sur l'article de

151 Explication recueillie de l'entretien avec Mrini Mohammed, journaliste et chercheur dans la question des mouvements islamistes à Tanger en octobre 2010.

152 ABOU ZAID, N. (2004), p 122-123 (en arabe)

153 MINCES,J. (1980), p 100.

154 ABOU ZAID, N. (2004), p 40-44 (en arabe)

49

la convention CEDAW qui prône l'égalité en matière d'héritage .Toutefois, il importe de dire que lors des entretiens pour la présente recherche, les interviewés n'avaient aucune idée de l'état d'avancement et de la mise en oeuvre du contenu de la lettre royale155 daté du 10 décembre 2008 qui ordonne la levé de toutes les réserves sur la convention CEDAW. Ainsi la présidente de l'association Mains Solidaires pour le droit à la citoyenneté et à la dignité, Asma Elbaghdadi explique qu' « il n'y a jusqu'à ce jour, aucune procédure d'opérationnalisation du contenu de la lettre royale, ni un communiqué officiel sur le levé des réserves sur la convention CEDAW »156.

Les féministes universalistes mettent en avant diverses raisons pour revendiquer le changement de la loi sur l'héritage. En effet, la situation de la femme au Maroc a tellement changé ces dernières années. Le changement s'est surtout opéré au niveau du rôle de la femme dans le foyer. Elles prennent de plus en plus de place dans la famille. Par exemple, plusieurs chefs de familles sont des femmes, que ce soit dans le milieu rural ou dans le milieu urbain. On estime alors qu'entre 1960 et 2000, le nombre de femmes actives est passé de moins de 1 millions à 2,4 millions157. Parmi ces femmes actives, la majorité participe aux dépenses liées aux besoins primaires du ménage. Cette réalité contredit l'idéologie que le principal chef de famille est l'homme. Au nord du Maroc, beaucoup de jeunes femmes célibataires immigrent à Tanger pour travailler dans le domaine du textile (une de formes d'exploitation des multinationales) dans les zones industrielles de la ville. La majorité de ces ouvrières prennent en charge leurs familles restées à la campagne ou dans les autres villes marginalisées158. En conclusion, l'utilisation de l'Islam n'est qu'un prétexte qui justifie l'inégalité dans la loi sur l'héritage.

IV.4. MARGINALISATION AU FEMININ

L'observation des cas de violence des centres d'écoute d'associations féminines oeuvrant dans la région du Nord a révélé la tolérance de la société envers les souffrances des femmes. Ceci montre à quel point, la société est marquée par les traditions, souvent très dures. L'approche de la violence basée sur le genre dans la région montre qu'il existe deux approches contradictoires qui encadrent les associations féministes islamistes et les associations féministes universalistes. En effet, le principe de

155 La lettre royale envoyée au conseil consultatif des droits de l'homme organisé à l'occasion de la déclaration universelle des droits de l'homme le 10 décembre 2008.

156 L'entretien s'est déroulé le 12 décembre 2010 à Larache.

157ZIRARI, H. (2006), « Femmes au Maroc : entre hier et aujourd'hui quels changements ? », Critiques internationales, 77 : 65-80.

158 Les observations personnelles tirées lors de la période de travail sur terrain, entre 2000 et 2007.

50

complémentarité qu'adoptent les féministes islamistes entraine une approche à la violence conjugale très particulière. Ainsi, la présidente de l'association Mawada estime que l'unité de la famille est l'objectif primordial de l'association. « C'est pour cette raison que l'on préfère régler le problème de la violence conjugale en premier lieu par un dialogue et une tentative de réconciliation entre les époux, car notre centre est un centre d'orientation familiale. On travaille alors pour la protection de l'unité familiale et plus particulièrement quand celle-ci est composée d'enfants afin de les protéger de vagabondage et de clochardisation qui sont les conséquences du divorce.».159

Alors que l'approche des associations féministes universalistes se base sur le principe de l'égalité dans la vie de couple. Elles mettent en avant le droit de la femme à une vie sans violence et à la protection de sa personne contre toute forme de violence. Il importe de rappeler que la déclaration sur l'élimination de la violence faite à l'égard des femmes (AGNU)160 de 1993 désigne dans son premier article, le terme de la violence à l'égard des femmes, comme : « Tout acte dirigé contre le sexe féminin et causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée. ». En effet, lors de l'entretien avec la directrice du centre d'écoute de l'association Mains Solidaires et du soutien juridique et psychologique, l'association revendiquant son statut de mouvement féministe universaliste, celle-ci a expliqué que « la dignité et la sécurité de la femme tant dans la sphère publique que dans la sphère privée font partie des droits humains fondamentaux. Ainsi, le travail au sein de notre centre se base sur les conventions des droits humains de la femme. Les femmes marocaines mariées, célibataires, divorcées ou veuves ont le droit à une protection et à la justice de leur droits qui sont garantis par la législation nationale ou par les conventions internationales »161.

Le point essentiel qui encadre les travaux au sein des centres d'écoute est la protection de la femme et la punition de l'agresseur. Cela pose un gros problème dans l'application des lois marocaines et plus particulièrement, dans les cas de violences conjugales162. La directrice du centre CAFMAT163 de l'association ARFEDEC164 de Tétouan, Mariam Moussa a insisté sur «l'importance de l'approche genre dans le traitement des inégalités dont souffrent les femmes au Nord du Maroc et

159 Entretien que nous avons réalisé avec réalisé dans le cadre la présente recherche.

160 Assemblée Générale des Nations Unies

161 Entretien réalisé dans le cadre de la présente recherche.

162 Manque de loi pénalisant la violence conjugale dans le code pénal marocain

163 Centre d'Assistance pour les Femmes MalTraitées de l'association ARFEDEC de Tétouan

164 Association de la recherche féminine pour le développement et la coopération.

51

particulièrement dans la région de Tétouan »165. De plus, les féministes universalistes insistent sur le travail de la justice et de la pression qu'il faut lui mettre pour intégrer la violence conjugale dans le code pénal mais aussi afin de changer le texte de ce code qui discrimine au sein même des femmes victimes de violence, ces dernières selon leur statut social.

Nous avons pu constater l'importance du réseau « printemps de la dignité » créé par des associations féminines du mouvement des féministes universaliste à Rabat, pour les associations féminines locales du Nord.

Zakia ELBaghdadi de l'association Mains Solidaires a expliqué que:« le réseau du printemps de la dignité a pour but de changer les dispositions qui réduisent les femmes à des corps à surveiller, et les privent de leur droit d'en disposer. Ces dispositions sont différentes, selon que la femme est mariée ou non, vierge ou non»166. Ainsi, le travail de plaidoirie est plus que nécessaire dans le cadre du partenariat et de réseautage. Le mouvement féministe universaliste du Nord est aussi engagé dans le cadre du Réseau ANARUZ167.

Il est primordial de remarquer que la violence basée sur le genre est devenue plus visible pour la combattre. Nous nous devons souligner qu'il existe d'autres catégories de femmes marginalisées au Maroc. Malheureusement, la loi du silence telle qu'elle est appliquée dans la société traditionnelle, maintient ces femmes dans l'obscurité et dans une souffrance profonde, une souffrance silencieuse. De fait, dans une société qui se transforme mais qui vit toujours entre la modernité et les traditions, le célibat est mal vécu pour les femmes. C'est pourquoi, les structures juridiques politiques et sociales de la société, ne permettent pas à la femme célibataire, divorcée, mère célibataire, prostituée ou femme abandonnées d'avoir une place digne puisqu'elle n'a de véritable statut que lorsqu'elle est mariée ou mère168.

En tout cas, la double marginalisation de ces femmes est le résultat d'une structure politique et sociale créée par l'Etat qui se désengage complètement de sa responsabilité à l'égard de ces femmes laissées sur les bans de la société. En effet, celui-ci féminise la pauvreté, refuse de subvenir aux besoins fondamentaux de ces victimes d'une société machiste. Sans oublier que l'Etat est également responsable de l'échec de la majorité des projets de développement mis en place par les associations en collaboration avec des bailleurs de fonds.

165 Entretien avec la directrice du centre et la présidente de l'association ARFEDEC le 7 janvier 2011

166 Entretien avec directrice de centre d'écoute de l'association mains solidaires le 18 novembre 2010.

167 Nom en amazight qui désigne Lumière, (Réseau national des centres d'écoute des femmes victimes de violence crée le 24 avril 2004 à l'initiative de 19 associations des différentes régions du Maroc.

168 COMBE, J. (2001), p 120-121.

52

La question de la professionnalisation et du financement des associations féminines au Nord du Maroc a été à l'ordre du jour de diverses discussions avec leurs membres (responsables, fonctionnaires, bénéficiaires). Aussi, lors des entretiens avec les fonctionnaires et les responsables d'associations du mouvement féministe universaliste, un sentiment de déprime est ressenti au vu des problèmes que rencontrent ces dernières au quotidien pour mener à bien leurs projets.

Par ailleurs, il importe de dire que le travail de terrain de ces associations a été « un palliatif au désengagement de l'Etat »169. Cependant la tâche est lourde pour les associations féministes. En effet, le désengagement de l'Etat a poussé les associations féministes à mettre en place des projets contribuant à aider les femmes pauvres à surmonter les difficultés financières et sociales du quotidien. Par conséquent, cet engagement a entrainé un recul au niveau du combat de ces associations pour la défense des femmes au niveau juridique. L'idée de mettre la pression sur la justice pour changer les lois discriminatoires à l'égard des femmes a été peu à peu abandonnée. Cependant, les projets des associations ont contribué à absorber les chômeurs diplômés particulièrement au sein des femmes universitaires. Paradoxalement, la nature des projets à durée déterminée sur lesquels travaillent les jeunes diplômés n'offre à ceux-ci qu'une phase de transition dans l'attente d'un poste au sein d'une administration publique. Ainsi les associations ne forment pas de cadres dont le but serait de s'investir à fond dans une association mais dans le but de renforcer au maximum, leurs capacités institutionnelles. Donc, nous pouvons en conclure que, les associations sont toujours en manque de ressources humaines et de volontaires.170

IV.5.PARTICIPATION LIMITEE DANS LA GESTION LOCALE

La conquête forcée des femmes de l'espace publique à travers une activité professionnelle et un investissement colossal de l'espace associatif n'a pas empêché leur exclusion perpétuée de la sphère publique. Mais, il importe d'appuyer l'idée qui considère que la participation des femmes à la gestion locale permet d'opérer les changements dans le statut de celles-ci. C'est pourquoi, leurs interventions actives dans les décisions politiques sont de plus en plus présentes. C'est bien souvent grâce aux associations féministes locales qui ont un rôle primordial dans cette participation que les

169 Ibidem p 184

170 Les observations personnelles recueillies lors des ateliers de formation que nous avons animée durant la période du travail.

53

femmes peuvent élever leurs voix171. Et pourtant, nous avons pu constater à travers nos recherches et notre terrain d'étude que la participation politique des femmes dans la gestion des collectivités locales dans le Nord du Maroc est encore très limitée et même quasi inexistante. Cette triste réalité peut notamment s'expliquer par l'enjeu de l'époque qui présente un prétexte pour les autorités mais aussi et surtout pour les partis politiques. Ainsi dans la pensée politique marocaine, il y'a un double temps, « le temps politique et l'époque des femmes »172. Le changement du statut des femmes n'est donc pas une urgence. En effet, la participation politique réelle des femmes ne tient qu'à une succession de projets et de décisions peu importantes et sans grande influence. Il existe tout de même un partenariat entre les politiques et les associations, plus particulièrement avec les associations féministes locales. Une bonne gestion locale prend en considération trois principes : le genre, l'associatif local et politique publique. L'entrée des femmes dans une citoyenneté à part entière se joue alors en premier lieu, dans une dimension locale dans la mesure où « l'inclusion par le bas à travers la participation locale met en lumière, l'importance de cet espace où les femmes sortent effectivement de la sphère domestique pour se frayer un passage entre la sphère productive, la sphère reproductive et les associations volontaires de la société civile » 173 . Ce que nous pouvons ajouter est que les associations féministes marocaines (universalistes et islamistes) dans le nord sont confrontées au constat d'une trop grande absence de femmes au sein de la vie politique et de la gestion des collectivités locales de la région.

En effet, les études et les enquêtes menées auprès des femmes174 ont montré que les rapports de genre et les inégalités dans la sphère privée ne laissent pas place à l'inclusion de femmes au sein de la vie politique et dans la gestion des communes. Voilà, encore, une contradiction de la référence entre les universalistes et les particularistes (islamistes). Cette contradiction agit sur le déséquilibre des rapports de genre dans la vie politique. Toutefois, le slogan « le privé est politique » a pour but une démocratisation dans la sphère privée pour atteindre une démocratisation dans la sphère

171 MARQUES-PEREIRA, B. & P, MEIER, sous le direction de (2005), Genre et gestion locale du changement : quelle méthode comparative ? in Genre et politique en Belgique et en francophonie, Louvain-la-Neuve : ACADAMIA BRUYLANT p 102.

172 ALAMI M'CHICHI, H. (2002), P 88.

173 MARQUES-PEREIRA, B. (2003), La citoyenneté politique des femmes, Paris : AEMANS COLIIN, p 138

174 À titre d'exemple : recherche -action menée par : L'Institut International de Recherche et de Formation des Nations Unies pour
· la Promotion de la Femme (UN-INSTRAW) ET Le Centre de la Femme Arabe pour la Formation et la Recherche (CAWTAR), en 2009 sur Le renforcement des capacités des femmes en matière de leadership et de participation à la vie politique et à la prise de décision en Algérie, au Maroc et en Tunisie, réalisée par Houria Alami M'chichi. - aussi une étude du rôle sur le rôle de l'Etat dans l'évolution des systèmes de genre au Maroc de Nadira BARKALLIL en 2000

54

publique. Ainsi, l'inégalité entre les époux au sein de la famille ou du couple renvoie l'image d'une inégalité entre les sexes au sein de la société marocaine. Effectivement, le déséquilibre vient de ce double sens d'un même discours destiné à la femme. Par exemple, beaucoup d'islamistes dissocient la sphère publique de la sphère privée et considèrent que la famille doit se baser sur le principe de complémentarité et non sur celui de l'égalité. Tandis que les universalistes sont partagés entre deux opinions, l'une qui met en avant que le moment actuel n'est pas le moment propice pour la participation des femmes puisque les élections sont encore truquées. Ils seraient donc plus sensibles à un boycott des élections. Ensuite, la seconde opinion qui suit plutôt la voie du Silence sur la religion, silence sur les orientations en matière de genre175. Entre le silence des universalistes et le discours religieux des islamistes, les résultats des élections communales révèlent encore une faible représentation de femmes aux collectivités locales. De plus, selon une publication de l'association ADFM176, les partis politiques n'ont pas respecté leurs engagements tant au niveau des campagnes électorales qu'au niveau des candidatures « le scrutin du 12 septembre 2003 à a été marqué par le caractère masculin de la démocratie marocaine »177.

Aussi, la forte présence des mouvements islamistes au Nord et la culture patriarcale répandue écarte la participation féminine à la vie politique. Celle-ci reste encore loin des priorités. En effet, les inégalités sociales et économiques et plus particulièrement la féminisation de la pauvreté fait encore de la sensibilisation aux droits humains de la femme un défi majeur. De plus, la mentalité patriarcale ne va pas céder facilement à une participation féminine dans la gestion des collectivités locales. Ils refusent que la femme puisse avoir une responsabilité sur la gestion locale car ce droit donnera l'occasion aux femmes d'aménager une sphère publique moins agressive et moins violente envers elles178. En conclusion, le combat n'est pas encore gagné car la société marocaine est encore ancrée de pratiques et de mentalités machistes, pour ne pas dire archaïques.

Après l'analyse des différentes formes de violences et de marginalisations que subissent les femmes dans le Nord du Maroc, notre recherche approchera dans le chapitre suivant, les actions collectives des mouvements féministes modernistes et les mobilisations féminines. Nous y présentons également, les enjeux d'une réelle intégration des femmes au Nord du Maroc. Toutes fois

175 ALAMI M'CHICHI, H, Le féminisme d'Etat au Maroc, ( 2010).

176 Dans ce scrutin les candidatures féminines n'ont pas dépassé 5% du nombre total des candidatures.

177 ADFM, (2004), Elections du 12 septembre 2003 problématique de la représentation féminine : les espoirs avortés, 2004 publication de l'Association Démocratique des Femmes du Maroc.

178 OUAIAOU, F. (2005), la société civile marocaine : entre la vision de développement et les droits humains, ttpp:// www.tanmia.ma/article.php3?id_article.

55

cette analyse va conduire l'étude à approcher l'existence d'un féminisme d'Etat, certes mais aussi d'un féminisme islamiste. Le dernier chapitre tentera alors, d'approcher l'hypothèse de la recherche en répondant aux questions suivantes :

Comment se construisent les rapports d'alliance ou d'opposition entre le féminisme d'Etat et le féminisme islamiste, au point qu'on puisse affirmer l'existence d'un féminisme islamiste d'Etat ? Est ce que le féminisme universaliste est pris au piège lorsqu'il revendique les droits de la femme à partir du champ religieux au point qu'il risque de s'éloigner de son référentiel qui a été la base de son émergence et de sa lutte ? Et enfin, comment le pouvoir politico-religieux oriente les rapports d'alliance entre les trois composants du féminisme marocain ?

56

V.CHAPITRE IV : SEGMENTATION DU FEMINISME MAROCAIN

« Je ne rêve pas d'un monde où la religion n'aurait plus de place, mais d'un monde où le besoin de spiritualité serait dissocié du besoin d'appartenance. Séparer l'Eglise de l'Etat ne suffit plus ; tout aussi important

serait de séparer le religieux de l'identitaire. » Amine Maalouf, « Les identités meurtrières »

Dans le chapitre suivant, nous analysons, à travers une réflexion personnelle, les débats agités et parfois conflictuels que vit le féminisme Marocain. Cependant, dans ce monde caractérisé par un conflit civilisateur et de guerre où chacun cherche à se protéger d'un danger inconnu, est-il logique de se demander à quelles identités les féministes appartiennent ?

V.1. EMERGENCE DU MOUVEMENT FEMINISTE ISLAMISTE

Le concept « féminisme islamiste » peut désigner tout mouvement social qui travaille sur la condition féminine en tenant compte des références islamiques. Ce mouvement peut se faire entendre à travers des associations féminines, des groupes de recherches, des associations de développement, des associations de quartiers, des réseaux sociaux et des forums de discussions. Le féminisme islamiste adopte la référence islamique pour traiter les problèmes liés à l'exclusion de la femme et les inégalités des rapports entre les hommes et les femmes dans le contexte du terrain d'étude. On confond souvent ce concept avec celui de « féminisme islamique » qui, lui, renvoi à un mouvement adopté par des féministes musulmanes, certes, mais qui ont comme référence la charte universelle des droits humains. Ce mouvement peut être constitué de femmes de différentes appartenances politiques, philosophiques, sociales ou culturelles.

Ainsi, la distinction est claire entre féminisme islamiste et féminisme islamique. Le premier est un courant social, politique et culturel qui se base sur la religion islamique et en fait son idéologie, notamment dans le domaine de la politique. Tandis que le deuxième est composé de membres musulmans mais qui n'intègrent pas forcément la religion dans leurs actions et dans leurs politiques. Le mouvement féministe islamique ou musulman est ancien par contre le féminisme islamiste a

57

émergé à la fin des années 1990 et va connaitre une expansion mondiale à partir de 2005179.

V.1.1.Naissance du mouvement féministe islamiste

En effet, le féminisme islamique est apparu pour la première fois dans les écrits de féministes iraniennes à partir de 1990. Dans le milieu intellectuel et universitaire iranien, des travaux ont été entamés pour prouver les droits délégués aux femmes par l'Islam. Ces travaux ont interpelé l'importance de l'utilisation de l'instrument « ijtihad 180» pour interpréter les textes religieux en faveur des droits de la femme. Ainsi, est né le « féminisme islamique » en tant que mouvement intellectuel en Iran à travers la publication de ses travaux dans la revue « ZÂNAN » (les femmes) crée en 1992. En effet, la sociologue Ziba Mir-Hosseini publie une étude du débat entamé sur la question du genre entre les théologiens181.

A travers la religion alors, les féministes islamiques d'Iran contestent les politiques discriminatoires pratiquées par l'Etat islamique et au nom de l'Islam envers les femmes. Elles revendiquent une conciliation entre l'islam et la démocratie182 . Le féminisme islamique comme courant intellectuel a connu son extension grâce aux travaux d'Amina Wadud, une intellectuelle afro-américaine convertie à l'Islam en 1972, avec son livre « le Coran et la femme » en 1992.

Dix ans plus tard, Asmae Barles, une Américaine d'origine Pakistanaise publie son livre « Femmes croyantes" dans l'Islam : Déconstruire les interprétations patriarcales du Coran »183. Ce livre a également comme but de défendre les droits de la femme à travers le Coran.

Aussi, il faut souligner que le féminisme islamique a émergé également en Malaisie avec le mouvement féminin « Sisters of islam ». Ce mouvement avait pour but de contrer l'hégémonie des lois islamiques basées sur la discrimination à l'encontre les femmes. A l'inverse des deux exemples précédents, ce mouvement n'a de féministe islamique que le nom. En étudiant leurs actions, on peut se rendre compte qu'on peut qualifier les « Sisters of Islam » de féministe islamiste. En effet, le mouvement se penche sur les textes religieux pour les interpréter en faveur des droits des femmes.

L'apparition du féminisme islamiste en Occident et surtout en Europe de l'Ouest a émergé

179 L'année ou le mouvement a atteint sa maturité, la preuve le nombre des participants au premier congrès des féministes islamistes du monde entier à Barcelone.

180 Instrument utilisé pour une interprétation avancée des textes religieux

181 LATTE ABDALLAH, S. (2010), « le féminisme islamique, vingt ans après : économie d'un débat et nouveaux chantiers de recherche » in Critiques internationales sous la direction de L, LOUËR, 9-23. Paris : SiencesPo.

182 KIAN-THIEBAUT, 2002

183 Jean VOGEL, Du féminisme islamique, articulation n° 44, publié le 26 février 2011 sur www.cesep.be consulté le 15 juin 2011.

58

récemment au sein des nouvelles générations des communautés musulmanes. Ces dernières vivent dans une nouvelle réalité marquée par la contribution des femmes au revenu familiale et au partage des décisions et des responsabilités à l'intérieur de la sphère privée.

Cette nouvelle réalité pousse les intellectuels, les femmes instruites et les hommes à chercher dans l'Islam, des textes qui soient compatibles avec l'égalité que vivent en réalité ces personnes-là, partagés entre deux cultures. La grande contradiction constatée est que ces textes n'existent pas, ni même dans l'interprétation des oulémas184 du Coran et des hadiths et pourtant les gens continuent de vivre dans l'égalité hommes, femmes tout en continuant à pratiquer l'Islam.

Il est important de noter que l'existence des différents courants de doctrines islamiques engendre la naissance de plusieurs mouvements de féminisme islamique suivants les doctrines auxquels ils appartiennent. Ces doctrines sont adoptées par les protagonistes en Occident. Le féminisme islamique en Occident est alors encadré par au moins trois courants sont : Les Wahabites, les salafistes et les traditionalistes185.

V.1.2. Apparition du mouvement Féministe islamiste au Maroc

Depuis les années 80, les travaux de Fatima Mernissi186 ont pour but d'analyser les textes religieux afin de montrer que la situation arriérée des femmes marocaines n'est pas dû à l'Islam, mais surement à une interprétation patriarcale du Coran et des Hadiths187 .

Dans le contexte marocain, et particulièrement sur le terrain de la présente recherche, le féminisme islamiste a intégré la scène associative au Nord du Maroc à travers les actions menées par des associations de quartiers. La majorité d'entre elles ont émergé à travers l'exécution des projets de développement destinés aux femmes habitants les quartiers défavorisés des villes du Nord du Maroc.

De manière officielle, ces associations ne travaillent que dans le but de socialiser, d'instruire les femmes défavorisées. Et ce, par exemple, à travers des cours d'alphabétisation et des ateliers de formation professionnelle. Ces projets sont financés par des bailleurs de fonds principalement espagnols (AECI188 et fondation CODESPA189). On retient donc que les associations porteuses de ces projets sont des associations de quartiers mais toujours avec une référence islamique.

184 Savant musulmans chargés d'expliquer et d'interpréter les textes religieux

185 Les musulmans et la laïcité, Tariq RAMADAN, Islam et Laïcité, 2005, p 93-113,

186 Sociologue et écrivain marocaine qui a mené des enquêtes la place de la femme dans la pensée islamique à travers l'analyse les paroles du Prophète.

187 Les paroles du prophète dans lesquelles a expliqué la pratique de la l'Islam.

188 L'Agence Espagnole de Coopération Internationale.

189 Fondation espagnole qui travail dans le domaine de développement internationale voir : www.codespa.org

59

En effet, les cours d'alphabétisation se déroulent autour de la lecture et de l'apprentissage du Coran. On inculque aux femmes les principes religieux et le comportement à adopter afin d'être de bonnes musulmanes. (Qui porte le voile, qui veille à protéger l'unité familiale, celle qui est une bonne épouse obéissante et une mère idéale qui se sacrifice pour ses enfants. La femme valorisée est la femme active dans la sphère privée)190.

Ainsi, émerge un courant islamiste dans la société civile marocaine, encouragé et soutenu par le parti islamiste légale (PJD) et le mouvement islamique « Adel wa- Al-Ihssan191 ». Ce dernier a une forte présence sur le terrain mais est interdit officiellement.

V.1.2.1.Le mouvement féministe islamiste marqué par l'année 2000

L'année 2000 est une année forte pour le mouvement féministe islamiste. En effet, cette année-là, comme expliqué dans le chapitre deux, le mouvement a pris une ampleur inattendue. Le 12 mars 2000, à l'occasion de la journée des femmes fêtée quatre jours plus tôt, une grande marche a été organisée à Rabat en faveur de l'adoption du PANIFD192. Cette marche a été mise en place par les associations appartenant au courant féministe universaliste, elle coïncidait avec l'adoption du PANIFD par le gouvernement marocain en faveur des droits de la femme.

En parallèle, à Casablanca, une autre marche a lieue. Mais celle-ci, à l'inverse de la marche de Rabat, est contre l'adoption du PANIFD, notamment à cause de la composante juridique de ce plan car selon, ses manifestants, celle-ci déforme les textes religieux. Cette initiative vient des associations du mouvement féministe islamiste. Cette marche a mobilisé énormément de monde, plus que ce que le gouvernement avait prévu. Face à un tel dilemme, le gouvernement a décidé de faire appel au roi pour arbitrer la situation. Ce dernier a décidé de séparer la composante juridique du PANIFD et de constituer une commission royale chargée de la réforme du code de statut personnel (la composante juridique). En 2004, est né le code de la famille tel qu'expliqué dans le chapitre précédent.

Ce qui est frappant, c'est que la commission royale n'a finalement pas apporté de grands changements à la composante juridique du PANIFD. Et pourtant, elle était en grande partie composée de membres du mouvement islamistes et conservateurs. On pourrait se demander pourquoi avoir fait un tel chahut si au final, ils ont eux-mêmes gardés les principales idées de la composante juridique. Est-ce par stratégie politique ? Est-ce pour avoir une idée de l'ampleur du nombre de leurs partisans ?

190 Réalités requit lors de la phase de l'observation entre 2000 et 2007.

191 Mouvement islamique, dont fait parti Nadia Yassine (fille du comandant du mouvement Cheikh Yassine) fondatrice de section femme au sein du mouvement.

192 Voir chapitre III ?

60

Ces questionnements sont plus que légitimes quand on sait qu'ils préparaient les élections politiques 2002. Ainsi, le féminisme islamique connu en tant que féminisme islamiste vu sa référence religieuse et sa participation au sein de partis politiques gagne du terrain et se présente comme une alternative au féminisme universaliste sur la scène associative du Nord du Maroc.

En conclusion, nous pouvons dire que l'année 2000 a marqué un tournant majeur au sein d'organisations islamistes comme le mouvement justice et bienfaisance et le parti de la justice et du développement, (PJD). Effectivement, celles-ci, s'engagèrent publiquement sur la « question féminine en défilant dans la capitale économique du Pays193. Ensuite, cette année-là, a fait sortir les associations islamistes de l'ombre. Ce qui est marquant dans la naissance et la montée des mouvements féministes islamistes au Maroc, c'est que contrairement à l'Iran, le Pakistan ou même l'Occident, l'émergence de ce mouvement a été réalisée sur le terrain. Autrement dis, par le bas et pas au niveau des universitaires et intellectuels. Cette réalité a été constatée lors de nos entretiens.

Ainsi, lors de l'entretien avec la présidente de l'association « Mawadda pour le développement de la femme et la protection de la famille » Latifa Bousaid, à la question suivante : « Est-ce que vous connaissez le féminisme islamiste ou islamique ? » a répondu: « Je n'en ai jamais entendu parler, nous travaillons avec la référence islamique, mais je n'ai jamais entendu parler d'une quelconque émergence de ce féminisme ».

Surprise de sa réponse car cette association fait partie officiellement des mouvements féministes islamistes, nous avons tenté d'éclaircir notre question à travers la réflexion suivante : Le « Forum Fatima Zahrae » de Rabat dont fait partie votre association Mawadda travaille en réseautage national dans le but d'étendre nationalement le féminisme islamiste. L'une de ses fondatrices, Asmae Merabet est même présidente du réseau international GIERFI194 dont le combat est d'imposer une troisième voie basée sur des valeurs islamiques tout en tenant compte de la référence universelle des droits humains de la femme. La présidente de l'association Mawadda n'avait pas l'air de comprendre. Est-ce par stratégie ou pouvons-nous en déduire que les motivations des décisions prises par les intellectuels du pôle marocain (Rabat et Casablanca) ne sont pas celles des petites associations locales ?

En effet, Latifa Bousaid, nous a répondu qu'elle n'avait jamais entendu parler du mouvement islamiste. Cet entretien nous a permis de constater qu'au Nord du Maroc, comme dans d'autres

193 EDDOUADA et PEPICELLI, 2010

194 Groupe international d'Etude et de Réflexion sur la Femme en Islam voir : www.gierfi.wordpress.com

61

régions (hors Casablanca-Rabat), le travail se fait directement sur le terrain, et le débat intellectuel est laissé aux leaderships, qui pour la plus part, sont installés dans la capitale ou à Casablanca. Force est donc, de constater que l'idéologie est encore loin d'être généralisée. En effet, même si le travail est le même partout, les motivations ne le sont sans doute pas. Cependant, au niveau de la pratique, les idées des féministes islamistes sont largement diffusées sur tout le territoire marocain.

Les recherches précédentes, nous ont permis de prendre connaissance de la base théorique du féminisme islamiste qui se résume en l'invention d'une troisième voie.

V.1.4. Troisième voie du féminisme islamiste

Selon Asma Lamrabet195, qui représente le féminisme islamiste au Maroc, le mouvement a adopté une troisième voie, celle-ci est bien plus nuancée que les principes du féminisme universaliste et que la perception islamique traditionnelle des droits de la femme. « Ce féminisme islamique se présente donc comme une alternative entre une option religieuse traditionaliste rigide et un mimétisme aveugle du modèle occidental érigé comme unique voie de libération possible et imaginable. C'est entre ces deux voies qu'il a fallu trouver une troisième, à même, de concilier les privilèges et les acquis de l'un et de l'autre»196. Pourtant, cette troisième voie a été à plusieurs reprises dérivée vers une approche basée sur le référentiel uniquement religieux.

En effet, les observations directes et participatives accumulées lors de mon travail sur le terrain et l'analyse de l'approche que prônent les centres d'écoute pour les femmes victimes de violence (la majorité est victime de violence conjugale), ont pu montrer que l'approche appropriée par ces centres varie selon la vision des responsables et leurs appartenances politiques.

De plus, comme expliqué dans le chapitre précédent, les associations islamistes adoptent l'approche qui a pour objectif l'unité de la famille et ce quelque soit, la gravité de la situation. Selon cette vision, la priorité est donnée à une réconciliation entre l'agresseur (l'époux) et la victime (l'épouse). La punition et la criminalisation de la violence conjugale ne sont donc pas au premier plan. Force est de constater que malgré les discours tenus par ces centres, leur combat quotidien rejoint celui des féministes islamistes. Leur vision est construite sur le principe de « complémentarité » entre les hommes et les femmes et pas sur le principe de l'égalité197. Par ailleurs,

195 Présidente du réseau GIERFI.

196 Asma Lamrabet, Le Coran et les femmes : une lecture de libération, Lyon. Tawhid, 2007

197 Margo BADRAN, où en est le féminisme islamique ?, critique international, n° 46, janvier-mars 2010, Paris, sciences Po les Presses, p : 25-44.

62

l'instrument IJTIHAD198 reste très restreint car plusieurs islamistes insistent sur la nature sacrée de quelques versets coraniques comme celui sur l'héritage. L'ORCF, rapporte « Nous n'acceptons pas une lecture moderne mais une lecture correcte qui respecte notre référence islamique et l'identité de notre société »199 selon la charte de l'organisation renouvellement de la conscience féminine.

L'analyse des objectifs du féminisme islamiste nous a conduits à nous poser des questions sur leur vision des théories fondamentales du féminisme universaliste. Comment le mouvement féministe universaliste perçoit les problématiques de la société marocaine ? Est-ce de la même manière que les féministes islamistes ?

Prenons comme exemple, la dichotomie dans le domaine du privée/publique. Le féminisme islamiste marocain doit encore répondre à une question importante dans la démocratisation de la société : « l'inégalité au sein de la famille est-elle compatible avec la démocratie dans la sphère publique ? »200. Ainsi, la visibilité des femmes dans la sphère publique en tant que participantes au sein des associations caritatives est très forte. Mais, en tant que citoyennes à part entière, la participation des femmes dans la sphère publique est peu marquée, pour ne pas dire, inexistante.

Le féminisme islamiste prône la complémentarité au sein de la sphère privée et rejette toute égalité homme-femme au sein de celle-ci. Il est important de retenir que par « complémentarité », les adeptes du mouvement pensent hiérarchie au sein du couple avec l'homme comme maître à bord et garant de son foyer. À l'inverse, les universalités prônent l'égalité autant au sein de la sphère privée que dans la sphère publique. C'est à partir du slogan « le privé est politique » revendiqué par les féministes universalistes que le progrès de la condition des femmes a pu être réalisé. Ces progrès se sont fait ressentir au niveau de l'adoption du Code de la famille, au niveau du droit de vote des femmes, etc.

En conclusion et selon des féministes islamistes européennes, le féminisme islamique est «un féminisme à l'intérieur du « féminisme» et qui part d'une appartenance religieuse pour arriver à des principes universels »201. Cela explique donc pourquoi le féminisme islamiste n'a de féminisme que le nom et n'est pas un mouvement féministe comme on pourrait le définir en Occident.

198 Interprétation avancée des textes religieux.

199 ORCF : la vision et la charte in « le mouvement féminin au Maroc contemporain, tendances et questions, Jamila MOSALI, Rabat. Top Presse, 2011, p 289.

200 BERKALILI, N, 2003 P 13.

201 HAMIDI, M, Féministes musulmanes : De la réappropriation du religieux aux stratégies de libération fidèles aux valeurs universelles.

63

V.2. REPERTOIRE D'ACTIONS DES FEMINISTES ENTRE UNIVERSALISME ET ISLAMISME

Au cours de nos recherches et surtout lors de notre étude de terrain, nous avons pu constater que dans la région du nord du Maroc, il y a une forte présence de deux courants de féminisme marocain, ces deux derniers sont totalement différents l'un de l'autre. En effet, l'approche des problèmes sociaux, économiques, juridiques et culturels des femmes se fait de manière différente selon le courant.

Pour rappel, dans les faits, le premier mouvement a pour objectif de se baser sur les textes religieux, tandis que le second a pour seul référence, les textes universels des droits de l'Homme malgré qu'ils prétendent l'un et l'autre avoir comme référence la religion et les textes universels.

Le peuple marocain est en grande partie partagé entre les deux courants et ces derniers semblent cohabiter parfaitement ensemble, voire même être complémentaires. Toutefois, malgré des apparences de paix et même d'une coordination entre les deux courants, leurs rapports sont continuellement et quotidiennement en opposition. Et parfois même, en confrontation qui peut se manifester par une guerre froide et silencieuse. Par exemple, à Larache, ville à forte activité associative, les courants sont souvent en opposition. Ils doivent même faire face à des débats et à des conflits pouvant aller jusqu'à la destruction du travail associatif. Aussi, les réponses données par les responsables des associations féminines par rapport au travail de coordination et de réseautage local sont plus que décevantes.

Par conséquent, lors de l'entretien avec la directrice du centre d'écoute (Mains Solidaires) de Larache, cette dernière a expliqué « Malgré que l'association organise des activités auxquelles sont invitées toutes les associations travaillant avec les femmes et ce, quelque soit leur référence, la coordination ne va pas plus loin que la simple présence aux activités. En plus, au sujet du travail quotidien, il y a une contradiction de visions des associations vis-à-vis des différents problèmes dont doit faire face une association. Par exemple, pour la violence conjugale, selon le courant auquel appartient l'association, le problème est traité différemment. Nous pouvons donc dire qu'en pratique il n'y a pas de coordination »202.

Cette divergence pose un gros problème d'orientation pour les femmes, allant même jusqu'à une déstabilisation pour elles, et plus particulièrement, chez les femmes victimes de violence. Par

202 Entretien réalisé le 28 décembre 2010 à Larache.

64

exemple, cette problématique sera abordée de manière totalement différente en fonction du mouvement auquel s'adresse la femme violentée. Les membres du mouvement universaliste tenteront de déculpabiliser la femme quant à l'acte commis et sur l'utilité de dénoncer l'acte de violence. Leur préoccupation majeure est la sécurité de la femme. Alors que les membres du mouvement islamiste auront tendance à directement tenter une réconciliation au sein du couple. Leur préoccupation majeure est à l'inverse des universalistes, de préserver une unité familiale alors que le rôle des centres est censé être de protéger les victimes des menaces de l'agresseur (le mari), qui doit être jugé.

L'observation des divergences au sein des actions des mouvements féminins marocains nous conduit à constater que la multiplicité des actions ne joue pas en faveur de l'unité du mouvement féministe marocain, « La segmentation du mouvement féministe au Nord du Maroc, n'est pas due uniquement au problème du référentiel entre les universalistes et les islamistes mais aussi, à une aliénation politique au sein même des universalistes »203.

L'échec des expériences de réseautage et de partenariat témoigne de la densité des conflits idéologiques qui détruisent l'unité et même l'identité du féminisme marocain comme un mouvement social selon la conceptualisation de Touraine204. En effet, l'obsession idéologique peut détruire l'unité du féminisme marocain, et nuire à son identité commune. Force est de constater que le féminisme universaliste perdra de vue le véritable adversaire et le meilleur allié. Ainsi, au printemps 2000, « les alliances contre le PANIFD étaient marquées par une contradiction de référentiel, mais étaient unifiées sur le but de préserver les traditions d'une société patriarcale »205. Cependant, nous ne nous attarderons pas sur les autres causes de ces divergences car ce n'est pas le but de cette présente recherche.

En conclusion, ces conflits ont produit une segmentation du féminisme marocain alors que les universalistes venaient à peine de construire une identité propre, indépendamment des partis politiques et de toute autre institution étatique ou religieuse. Il est également important de noter pour la suite de la présente recherche que les changements de lois, (code de la famille, levé des réserves sur CEDAW, la loi sur la nationalité, une loi contre le harcèlement sexuel) ainsi que les politiques publiques d'Etat basées sur l'approche genre ont pu créer une relation de réciprocité entre les tendances du féministe et l'Etat.

203 L'entretien avec la présidente de la section de Larache de LDDF le 27 décembre 2010.

204 Alain Touraine, la voix et le regard, Paris, Seuil. 1978.

205 Propos accueillis de l'entretien avec la présidente de la section de LDDF à Larache le 27 décembre 2010

65

De ce fait, cela a permis la renaissance du féminisme d'Etat déjà inauguré la veille de l'indépendance par le code du statut personnel visant à instaurer l'autorité du Makhzen à travers la cellule familiale.

V.3.FEMINISTES CONTRE L'ETAT... NAISSANCE D'UN FEMINISME D'ETAT...

Durant la période de 1965 à 1985, les questions de la condition féminine vivaient dans un long hiver comme aime tant le dire, Zakya Daoud.

Cependant, le féminisme marocain connaîtra un événement remarquable à partir de 1985, cette période est fortement marquée par des luttes féministes majoritairement de gauche et qui viennent de se libérer de la tutelle directe des partis politiques. Les confrontations avec les autorités marocaines ont donné au féminisme marocain, le caractère d'un mouvement social uni avec une identité et un répertoire de contestations certes, mais aussi d'un mouvement revendicateur, créateur d'activités et de mobilisations au niveau local, national et international.

Ces confrontations ont lieu car cette perspective dérange de manière frontale non seulement les valeurs traditionnelles mais aussi les segmentations entretenues par la modernité, spécialement celles qui séparent sphère publique et sphère privée. À cette époque, le mouvement féministe se présente en tant que porteur d'un projet social moderne. La société change, les femmes se dévoilent, le mouvement symbolise la libération de la femme. Les oeuvres écrites féministes se développent (journal 8 mars- Revue Kalima- ...), l'action féministe devient alors un militantisme politique s'opposant au régime.

Nous avons constaté, comme dis précédemment, que les féministes sont toutes issues de partis de gauche qui représentent la seule opposition politique à cette époque. Malgré tout, l'Etat continue de jouer son rôle de garant de la monarchie basée sur la religion. Le régime est le conservateur du code de la famille, inspiré de la jurisprudence islamique.

Toutefois, il faut impérativement souligner que l'arrivée du roi Mohammed VI représente l'engagement de l'Etat dans les problèmes sociaux et juridiques et dans l'adoption d'une approche genre dans les politiques publiques. Force est de constater qu'un Féminisme d'Etat prend place au sein de la mosaïque politique de la monarchie. Celle-ci se retrouve malgré elle, dans l'obligation de s'engager dans le processus de développement de la femme, et ce à l'échelle nationale mais aussi, internationale.

66

V.3.1.En guise de définition...

Le « Féminisme d'Etat » fut l'objet de recherches dès le début des années 90. Cependant, celui-ci, reste encore un domaine nouveau et renvoi à des définitions multiples206

Il importe de souligner que le « féminisme d'Etat » a d'abord été étudié aux Etats unis sous l'appellation : « State feminisms » par Dorothy Stetson et Amy Mazur, avant d'intégrer les recherches en Europe, principalement en France.

Pouvons-nous faire un lien entre la démocratie et le féminisme d'Etat ? Fort probablement que oui. Si on se penche sur l'application de sa théorie, le féminisme d'Etat a été fortement présent dans certains pays démocratiques. En effet, le terme a été utilisé et surtout appliqué au départ dans les pays scandinaves, au Canada et en Australie, au sein des politiques nationales concernant les femmes 207 . Si nous faisons un lien entre la démocratie et l'adoption du féminisme d'Etat, pouvons-nous alors en déduire que le Maroc est un pays démocratique depuis qu'y est installé, un féminisme d'Etat ? Ou encore, le Maroc est-il un état démocratique de par son féminisme d'Etat mais à sa manière, qui n'est sans doute pas celle de la vision occidentale ? Force est de constater alors, la difficulté d'étudier la notion d'un féminisme d'Etat dans un pays comme le Maroc, qui oscille encore entre une démocratisation réelle et un trompe-l'oeil de démocratie.

Ce qui est surtout important à retenir est que le féminisme d'Etat désigne les politiques publiques entreprises par les autorités en faveur de l'amélioration de la condition féminine. Or, le terme Féminisme d'Etat peut engendrer des ambiguïtés dans un pays comme le Maroc, vu qu'il comprend deux termes pouvant être contradictoires si on conçoit le féminisme comme un concept qui renvoi à un mouvement social contestataire des politiques publiques mises en place par l'Etat.

Le terme prend sans doute sa place dans des pays démocratiques où l'Etat « fonctionne sur la base de la cohérence avec les demandes sociales »208. Devant cette ambiguïté, les féministes américaines et australiennes ont inventé le concept de « Fémocrates » afin de désigner les militantes féministes qui luttent à l'intérieur même de l'Etat en faveur des revendications des femmes. « Tout en travaillant dans et pour l'État, elles ont pu chercher à remettre radicalement en cause la structure inégale des rapports de genre, y compris - et en premier lieu peut être- tels qu'ils s'incarnent dans

206 REVILLARD (2006), féminisme d'Etat www.melissa.ens.cachan.fr

207 ALAMI M'CHICHI. (2010) p 12-16

208 ibidem

67

les discours et pratiques de l'État »209. Or, au Maroc, peu de femme sont représentées au sein de l'Etat. Et pour la faible élite de femmes représentées, seuls les postes peu décisives leur sont accordés. Cela signifie donc que le concept « fémocrates » est loin d'être opérationnel au Maroc. Le Féminisme d'Etat aurait pu se présenter comme un allié des féministes revendiquant la modernisation de la société et l'égalité entre les hommes et les femmes à travers le PANIFD210.

Par conséquent, le féminisme d'Etat marocain n'est pas comparable à celui que l'on retrouve en Occident car le gouvernement marocain cherche à contrôler les mouvements sociaux, et particulièrement le mouvement féministe qui se positionne parmi le mouvement le plus contestataire et revendicateur à côté du mouvement des chômeurs diplômés. Toutefois, un tel contrôle limite la liberté des demandes sociales réclamant une révolution contre la structure patriarcale sur laquelle s'est construite, le fondement du régime de la monarchie.

V.3.2.L'institutionnalisation du féminisme d'Etat

L'Etat marocain par l'institutionnalisation de la question de la femme se présente en tant que « promoteur le plus efficace des droits des femmes »211. Ainsi, plusieurs départements ministériels, hauts conseils et stratégies adoptés par le gouvernement particulièrement, sous le roi Mohammed VI, témoignent d'une volonté du régime, de domestiquer les acteurs de la société civile tout en s'accaparant leurs projets sociaux. Aussi, les mobilisations sociales pour changer le code de la famille, les débats ouverts ont fait surgir des conflits et même des confrontations entre les conservateurs et les modernistes.

Ces confrontations dans la société civile entre 1999 et 2003 auraient pu atteindre une avancée à travers un changement plus moderne s'il n'y avait pas eu l'intervention de l'arbitrage royal suite à l'échec du gouvernement à faire passer son projet du PANIFD. Force est de confirmer le pouvoir spirituel, religieux et politique de la monarchie à travers la domination des hommes sur les femmes dans la société marocaine.

V.3.3.Réforme du secteur religieux et institutionnalisation d'approche genre

Le 16 mai 2003, des attentats terroristes secouent Casablanca. Ces événements ne vont pas rester sans conséquences et sans changements politiques. Le changement le plus important est

209 L'action discrète des fémocrates, Laure BERENI, Publié dans laviedesidees.fr, 14janvier 2011, consulté le 20 juillet 2011.

210 L'échec du PANIFD était un échec du projet de féminisme d'Etat comme il est conçu dans les pays démocrates

211 ALAMI M'CHICHI, H, (2010) P 49

68

l'accélération de réformes majeures dans le champ religieux. Le roi Mohammed VI voit dans ces attentats une réelle menace à la monarchie marocaine.

Ceci s'explique par la montée de l'intégrisme islamiste au Maroc qui émanerait de nombreux « Oulemas » formés à l'extérieur du Maroc et surtout en Arabie Saoudite qui adopte la doctrine Wahabite, jugée très fondamentaliste et traditionnelle. Ainsi, la réforme du champ religieux va intégrer les femmes pour la première fois dans l'histoire du Maroc dans « un champ exclusivement masculin ».212 De ce fait, deux projets majeurs ont marqué l'ère du Féminisme d'Etat du roi Mohammed VI : le premier concerne toujours le champ religieux qui prévoit la féminisation des mosquées du royaume, en désignant des morchidates 213 dans le but d'animer des séances d'information et d'enseignement en faveur des femmes qui viennent aux mosquées. Même au sein de ce projet, existait encore une discrimination.

En effet, une Fatwa214 du conseil supérieur des oulemas du Maroc a interdit à ces morchidates d'exercer en tant qu'imams (présider les prières). « Or le décret qui régit les conditions de contractualisation de certains mission religieuses, celles d'Imams ou des mourchidines et mourchidates ne contient aucune disposition interdisant l'accès des femmes à la fonction d'imam ! »215 .

Le second projet est de nommer des ministères chargés de la condition féminine et d'adopter des lois visant à intégrer l'approche genre (En 2000, a été créé un ministère délégué, chargé de la condition féminine, de la famille, de l'enfance et de l'intégration des personnes handicapées. La première loi de finance intégrant l'approche genre a été adoptée en 2006 ; le 30 mai 2008, est né, le lancement de TAMKINE « programme multisectoriel de lutte contre les violences fondées sur le genre par l'autonomisation des femmes et des filles au Maroc »)216.

V.4.POUVOIR POLITICO-RELIGIEUX BASÉ SUR L'EXCLUSION FEMININE

Au Maroc, la transition d'une société des communautés à une société souveraine est caractérisée par une oscillation entre la modernité et la tradition. Pourtant, le plus marquant dans

212 Ibidem p 71.

213 Nom en arabe qui désigne les prédicatrices.

214 Consultation juridique sur un point de la religion.

215 ALAMI M'CHICHI, (2010) p 72

216 Ibidem, p 158.

69

cette période de transition est le débat politisé sur le code de la famille. Ainsi, pour éviter toute anomie, un retour à la religion patriarcale est la seule solution217.

Dans le but d'apporter une réponse à notre hypothèse de départ, il importe d'approcher les fondements du régime marocain. Pour cela, il est primordial de comprendre les interactions entre le pouvoir politique et la religion d'une part et les formes d'exclusion des femmes dans les sphères privée et publique d'autre part. Comme a été développé dans le second chapitre, à la veille de l'indépendance, le Maroc a élaboré le code de statut personnel comme l'un des projets prioritaires pour la souveraineté. Le rapprochement entre la stabilité du régime et la stabilité de la famille dans le Maroc indépendant a été officiellement instauré à travers le code du statut personnel. Autrement dit, la base de la société marocaine comme toute société arabe est la cellule de la famille. Néanmoins, les femmes marocaines subirent un grand choc à l'époque de l'indépendance. Alors que celles-ci ont toujours été actives au sein de la société marocaine à travers leurs participations à la résistance aux côtés des hommes, à la veille de l'indépendance, elles ont été contraintes de retourner au foyer et n'ont plus eu le droit de participer à la vie politique.

En conséquence, les pouvoirs politiques et religieux représentés par le nationaliste Allal Fassi témoignent de la réalité que la femme est dores et déjà exclue de la sphère publique, espace libéré et par les hommes, et par les femmes. Ainsi, selon la vision royale marocaine, la stabilité politique passe par une stabilité sexuée218 . Aussi, le maintien de l'indépendance et la souveraineté nationale passe par le rôle de la femme dans la famille. Ce rôle se limite dans le devoir d'éduquer les enfants et dans l'obéissance au mari, chef de la famille selon le CSP élaboré par les nationalistes à la veille de l'indépendance. Actuellement, la famille demeure toujours « un élément centrale à l'identité politique »219. La monarchie marocaine se base sur ce constat, certes mais aussi sur le lien de parenté qui garde les mêmes relations de lignages depuis les tribus (patrilinéaires). Ainsi, l'Etat national n'a pas construit une vision de l'inclusion des femmes de la citoyenneté féminine.

217 Bruno ETIENNE, division sexuelle du travail religieux : le cas islamique actuel, in Femmes du Maghreb au

présent : la dot, le travail, l'identité, sous la direction de : Monique GADANT et Michèle KASRIEL, 1990, Paris, NRS, p : 245- 261.

218 Femme et citoyenneté dans le monde arabe, Suad JOSEPH, publié sur : www.mediterraneas.org, le 17 novembre 2004, consulté le 15 septembre 2010.- le rôle de l'Etat dans l'évolution des systèmes de genre au Maroc, Nadira BARKALLIL, publié sur www.ined.fr, juillet 2001, consulté le 11 mai 2011- Féminisme et politique au Maghreb, sept décennies de lutte, Zakya DAOUD, 1996, Casablanca, EDDIF, p 262.

219 JOSEPH, S. femmes et citoyenneté dans le monde arabe, publié sur : www.mediterraneas.org, le 17 novembre 2004, consulté le 15 septembre 2010.

70

V.4.1.Les bases de la monarchie marocaine

Le fondement du régime de la monarchie se construit sur une conception de la démocratie assez particulière. En effet, pour Mohammed V, fondateur de la monarchie moderne, la démocratie est « celle qu'on ne va pas importer de l'occident comme une marchandise importée malgré ses défauts. Notre démocratie est celle que nous inspire notre réalité, nos valeurs spirituelles et les principes de notre religion »220. Dès lors, le référentiel religieux a été utilisé comme fondement de l'Etat et d'organisation des rapports sociaux.

Par conséquent, la nature d'un tel Etat se caractérise par l'autoritarisme221, dont le roi tient à la fois, le pouvoir religieux, en tant que « commandeur des croyants », et à la fois, le pouvoir politique en tant que « arbitre » dans les conflits sociaux, économiques, juridiques, ou politiques. Autrement dit, ce pouvoir d'arbitrage est garanti au roi par la constitution depuis 1962222, et l'est toujours par la nouvelle constitution de 2011223. Cependant, si la société marocaine est marquée par la religion et les traditions, force est de constater que le pouvoir dominant du roi est celui de commandeur des croyants, (Amir Almoumenine). Dans un tel régime, imaginer une citoyenneté a part entière pour les femmes ne serait qu'illusion. Nous ne pouvons que constater que la citoyenneté pour tous les marocains, hommes et femmes n'est qu'un rêve.

En effet, une monarchie religieuse est encadrée par une pensée politique islamique avec laquelle, une démocratie n'est pas compatible. Nous constatons donc que la vision traditionnelle du Roi est partagée avec les islamistes d'aujourd'hui. Ainsi, pour Ali Benhaj l'un des dirigeants de FIS224 algérien, « le concept de démocratie est absent dans le Coran et étranger à la langue et à la culture arabe, ceux qui l'auraient importé viseraient à affaiblir la umma (communauté musulmane) et anéantir la religion. ».225 Paradoxalement, et pour maintenir les valeurs traditionnelles, l'Etat n'hésite pas à s'allier à des mouvements traditionalistes et instrumentalise la religion pour protéger l'ordre patriarcal.

En effet, sous la pression des mouvements islamistes, le gouvernement marocain a retiré le PANIFD dans le soi-disant but de préserver l'unité de la umma, et ce, au détriment des femmes. En

220 Discours du roi Mohammed V à l'occasion de fête de 20 août 1958, in DARIF,M. l'histoire de la pensée politique au Maroc Casablanca, Ifrikya-charq, 1988, p293. La référence est arabe, il s'agit de ma traduction.

221 DARIF, M. histoire de la pensée politique au Maroc, Casablanca, Ifrikya-Charq,1988, p 297-304. ( en arabe)

222 L'année de la première constitution après l'indépendance.

223 Article 42 de la nouvelle constitution de 2011.

224 Front Islamique du Salut en Algérie.

225 KIAN-THIEBAUT, A. Les femmes et les mouvements islamistes : actrices aliénées ou contestatrices « de l'intérieur » ? Sous direction Isabel TABOADA LEONETTI, les femmes et l'islam, entre modernité et intégrisme, Paris, l'Harmattan, 2004, p : 111-144.

71

conséquence, l'exclusion ou l'inclusion des femmes devient un enjeu et un jeu polico-religieux qui permet aux autorités et à la société patriarcale de conserver ses valeurs marquées par la domination masculine pour reprendre la formulation de Bourdieu.

Le Code de la famille qui se base sur la charia (jurisprudence islamique) et pour lequel militent les féministes universalistes depuis les années 80 est comparable au contrat social que Pateman considère comme : « un moyen par lequel le patriarcat moderne s'est constitué »226.

V.5. RAPPORTS D'ALLIANCE ET D'OPPOSITION AUTOUR DU FEMINISME MAROCAIN

L'étude de la nature du régime marocain parait pertinente afin de réaliser l'analyse de rapports d'alliance et d'opposition autour du féminisme marocain.

De ce fait, comme souligné dans le point précédent, il est évident que les rapports d'alliance et d'opposition autour du féminisme sont fortement liés à la situation de l'ordre politique de la société marocaine. Afin de débattre des problématiques liées à la condition féminine, les féministes universalistes sont obligées d'y intégrer la religion car l'intervention de l'Etat ne se fait qu'à travers le principe de l'autorité d'Amir Almoumenine (commandeur des croyants).

Autrement dit, la condition féminine, intrinsèquement liée aux problèmes sociaux, politiques, et économiques est toujours intégrée dans le champ religieux. Cette situation place le problème de l'inclusion des femmes dans un encadrement limité à la religion. Le dilemme alors pour le mouvement féministe universaliste est qu'il est pris au piège, il est forcé de reculer un peu sur son référentiel, et d'adopter le référentiel islamique.

Le but est alors de ne pas rester en marge du débat sur le statut de la femme, puisque l'Etat a fait son choix en se penchant sur le projet de réformer le secteur religieux, adopter un féminisme qui a une tendance islamique. Par conséquent, les rapports sociaux qui encadrent la condition féminine, se manifestent par des relations à la fois contradictoires / oppositionnelles, ou identiques voire même alliés. Néanmoins, les instances de la religion et de la politique jouent le rôle de manipulateur de ces rapports. Par ailleurs, le féministe universaliste marocain a été obligé de cacher son identité séculaire devant les islamistes mais aussi devant la monarchie.

226 JESEPH, S, Femme et citoyenneté dans le monde arabe, publié sur www.Mediterraneas.org le 1 novembre 2004, consulté le 15 septembre 2010.

En effet, la monté des mouvements islamistes depuis 2000 ont poussé les partis politique de gauche et les féministes universalistes à affirmer la référence islamique dans leurs projets et leurs déclarations227. D'autant plus que la monarchie a adopté un discours islamique à propos des droits humains de la femme, cette situation place le projet d'inclusion des femmes dans les deux sphères privée et publique sur liste d'attente. En effet, les féministes universalistes sont censées attendre un environnement politique plus démocratique mais aussi plus civil pour avoir des conditions favorables à des revendications plus avancées sur l'égalité et la citoyenneté à part entière pour les femmes marocaines.

72

227 ALAMI M'CHICHI H, (2002), p 96-97.

73

VI.CONCLUSIONS

Notre objectif par la présente étude était de répondre à la question générale des divisions existant au sein du mouvement féministe marocain : quels sont-ils ? Quelles sont leurs causes ? Quelles sont leurs conséquences sur les relations entre les différentes composantes du mouvement et sur la condition de la femme dans la région du nord ?

Une de nos hypothèses était que la lutte pour apporter des modifications au statut juridique des femmes aurait créé au sein du mouvement féministe des groupes aux antagonismes forts. Une autre de nos hypothèses, qui pourrait être complémentaire à la première, serait le rôle de l'autorité nationale qui, détenant à la fois les pouvoirs temporel et spirituel, aurait joué un double jeu, tantôt favorisant certains groupes, tantôt favorisant les autres.

En 1999, le gouvernement a élaboré le Plan d'action nationale pour l'intégration de la femme au développement. Le PANIFD prouve la volonté de l'Etat marocain d'améliorer la condition féminine. Cette volonté est encouragée par l'adhésion du Maroc aux conventions internationales relatives aux Droits de la Femme, et par la pression du mouvement féministe marocain. Mais c'est sans compter sur la double nature de l'Etat, spirituelle et temporelle. Résultat : le plan sera un échec. En effet, sa teneur trop moderniste déplut aux composantes islamistes. Un féminisme islamiste se développe. De son côté, l'Etat se prend à jouer un double jeu. Cherchant la stabilité, il maintient l'équilibre entre les deux composantes du mouvement féministe que nous appellerons désormais : les universalistes, prônant l'égalité femmes-hommes et les islamistes prônant la complémentarité entre les hommes et les femmes. Divisé, le mouvement féministe se trouve affaibli.

Un autre phénomène contemporain à celui que nous venons d'évoquer est le manque d'un réseautage et de coordination forte chez les universalistes. La coordination étant essentielle et nécessaire à tout travail de pression et plaidoyer en faveur du changement du statut de la femme.

Une fois le PANIFD retiré, l'Etat opte pour la référence islamiste en matière de Droit des Femmes. Les universalistes doivent s'y plier. Un piège. Ils n'ont plus d'autre choix que de passer par l'interprétation des textes religieux pour parvenir à convaincre le régime d'apporter des changements juridiques aux articles encore inégalitaires envers les femmes. Du fait de la difficulté de l'exercice, les changements seront maigres.

74

De fait, des exclusions manifestes subsistent comme la marginalisation et la faible participation politique locale des femmes. Et ceci nous permet d'aborder la problématique de la citoyenneté féminine.

La citoyenneté féminine reste un enjeu que nous avons traité dans ce travail. Dans la pensée politique islamiste, le concept de citoyenneté à proprement parlé n'existe pas. Les musulmans font eux appel à « la Umma » qui limite la présence des femmes dans la sphère publique. L'Etat selon qu'il possède une nature spirituelle suit également « La Umma ». Ceci a pour conséquence que bien que la constitution donne à la femme le droit de vote et le droit d'être élue, elle ne peut en disposer. Nous le voyons, les femmes n'ont pas la pleine jouissance de la citoyenneté. Dans la sphère privée, la femme demeure sous la domination de l'homme, domination entérinée par le Code de la famille depuis sont entrée en vigueur en 2004.

Pistes de recherche complémentaires

D'après nos conclusions, de pistes nouvelles de recherche s'ouvrent. Notre attention en effet a été retenue par le phénomène de l'émergence d'un féminisme islamiste. Nous avons vu que cette émergence a automatique été suivie d'un gonflement du mouvement. Or, nous observons le même phénomène dans de nombreux pays du monde arabe, dans des pays islamiques non-arabes et en Occident. Sans trop nous avancer, peut-être pourrait-on parler d'un mouvement mondial. La question que nous aimerions alors poser : Est ce que les mouvements sociaux dans le monde actuel et dans l'avenir seront des mouvements qui se replient sur l'identité religieuse ? Et au-delà, est ce qu'on ne peut pas envisager une autre exclusion des femmes surtout marocaines, arabes et musulmane de l'espace associatif qui est le seul espace de jouissance féminine ?...Enfin, si l'islam associé entre Etat et religion, est ce le destin des femmes musulmanes de subir les effets d'une inégalité instaurée au nom de l'Islam ?...

75

VII. BIBLIOGRAPHIE

ABOU ZAID, N. (2004), les cercles de la peur : lecture dans le discours de la femme, Casablanca : centre culturel arabe.

ADFM. (2004), Le processus d'examen et d'évaluation des progrès réalisés dans la mise en oeuvre du Programme d'action de Beijing en Afrique (Beijing + 10) in « Rapport des ONG au Maroc ». Casablanca : ADFM.

ALAMI M'CHICHI, H. (2002), Genre et politique au Maroc : les enjeux de l'égalité hommes-femmes entre islamisme et modernisme. Paris : l'Harmattan.

ALAMI M'CHICHI, H. (2010), Le féminisme d'Etat : jeux et enjeux politiques. Paris: L'Harmattan.

AMIN, Q. (1993), La libération de la femme. Caire : Office Egyptien général du livre.

BADRAN, M. (2010), «Où en est le féminisme islamique? » in critique internationale, sous la direction de L. LOUËR, 25- 44. Paris : Sciences Po Les presses.

BENADDADA, A. (2007), Femme et politique: une étude sociologique des sections féminines des partis politiques. Rabat : IURS (en arabe).

COMBE, J. (2001), La condition de la femme marocaine . Paris : L'Harmattan.

CHARRAD, M. (2007), Citoyenneté inégale. Enjeux de justice de genre au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, publié sur le site : http://network.idrc.ca/fr/ev-111820-201 consulté le 15 mai 2011

DAMMAME, A. (2005), Le genre à l'épreuve du développement au Maroc : discours et pratiques concernant la place des femmes dans les projets, Thèse de doctorat présenté à l'université d'Orleans, 499P.

76

DARIF, M. (1988), L'histoire de la pensé politique au Maroc. Casablanca : Ifrikya Acharq (en arabe)

DAOUD, Z. (1996), Féminisme et politique au Maghreb : sept décennies de lutte. Casablanca : EDDIF.

DAOUD, Z. (2004), in Sous la direction de GUBIN E. Le siècle des féministes, p 463, Paris : Éditions de l'Atelier.

DIALMY, A. (2004), « Le féminisme marocain et la modernisation du droit de la famille », in femmes et Etat de droit, sous la direction de F. GHISSASSI & A. MOULAYRCHID, 121- 135. Rabat : Dar Al-Qlam.

DIALMY, A. (2008), Le féminisme au Maroc. Casablanca : les Editions Toubkal.

EDDOUADA, S & PEPICELLI, R, (2010), critique internationale, n° 46, janvier-mars 2010, Paris, Sciences Po Les presses,

ETIENNE, B. (1990), « division sexuelle du travail religieux : le cas islamique actuel » in Femmes du Maghreb au présent : la dot, le travail, l'identité, sous la direction de M.GADANT & M. KASRIEL, 245- 261. Paris : CNRS.

FILLIEULE, O. & MATHIEU, L. & PECHU, C. (2009), Dictionnaire des mouvements sociaux, Paris : Presse de la Fondation nationale des sciences politiques.

HIRATA, H., LABORIE, F., LE DOARE, H, (2000), Dictionnaire critique du féminisme, Paris : PUF.

KABISSI, B. (1995), La Femme dans l'histoire et la société, Beyrouth : Amewage (en arabe).

KIAN-THIEBAUT, A. (2002), Les femmes iraniennes entre Islam, Etat et Famille, Paris : Maisonneuve & Larose

77

LAALA HAFDANE, H. (2003), Les femmes marocaines : une société en mouvement, Paris : L'Harmattan.

LATTE ABDALLAH, S. (2010), « le féminisme islamique, vingt ans après : économie d'un débat et nouveaux chantiers de recherche », in Critique internationale, sous la direction de L. LOUËR, 9-23. Paris : Sciences Po. Les Presses.

LATTE ABDALLAH, S. (2011), « Les féminismes islamiques au tournant du 21e siècle », www.cetri.be, consulté le 21 mars 2011.

MARQUES PEREIRA, B. (2003), La citoyenneté politique des femmes, Paris : ARMAND COLIN.

MARQUES PEREIRA, B. & P, MEIR (2005), Genre et politique en Belgique et en francophonie, Louvain-la-Neuve : ACADEMIA BRUYLANT.

MELLUCCI, A. (1980), httpp:// id.erudit.org/iderudit.

MERNISSI, F. (1994), Rêves des femmes, une enfance au Harem, Paris : Albin Michel.

MINCES, J. (1980), La femme dans le monde arabe, PARIS : MAZARINE.

MOLYNEUX, M. (2000), « mobilisation sans émancipation ? Participation des femmes, Etat et révolution au Nicaragua », in Le genre : un outil nécessaire, cahier genre et développement, sous la direction de J, Basilliat & C, Vershcuur, 123-131, Paris : L'Harmattan, Paris.

MOSSALI, J. (2011), Le mouvement féminin contemporain au Maroc : tendances et questions, Rabat : CEMERC (en arabe).

NACIRI, R. (2006), Le mouvement féminin au Maroc, in Développement démocratique et action associative au Maroc : Eléments d'analyse et axes d'intervention, sous la direction de Droits

et Démocratie & Espace Associatif,

78

http://www.dd-rd.ca/site/ PDF/publications/maghrebMO/ddMaroc.pdf, consulté le 12 octobre 2010.

NAHAVANDI, F. (2009), Du développement à la globalisation : Histoire d'une stigmatisation, Bruxelles : BRUYLANT.

NAHAVANDI, F. (2004), Evolution des droits humains en Asie musulman non arabe : le cas particulier des femmes en Afghanistan et en Iran, in série colloques, « Femmes et Etat de Droit » sous la direction Fouzia Rhissassi et Abderrazak Moulayrchid, P : 211-223.

NEVEU, E. (2005), Sociologie des mouvements sociaux, Paris : La Découverte.

OUAIAOU, F. (2005), le rôle de la mondialisation capitaliste et les financements internationaux dans la formation de la nouvelle carte géographie mondiale, in Aassahifa, N° 124.

OUAIAOU, F. (2005), la société civile marocaine .
· entre la vision de développement et les droits humains
, ttpp:// www.tanmia.ma/article.php3?id article

OUAIAOU, F. (2007), la femme marocaine et le développement .
· les obstacles et les mécanismes de l'intégration au développement,
http://www.ahewar.org/m.asp?i=1144

QUIVY, R & L, VAN CAMPENHOUDT (2006), Manuel de recherché en sciences sociales, Paris : DUNOD.

RAJI, H. (2005), l'injustice faite aux femmes en terre d'Islam, www.mediterranéas.org, Consulté le 20 novembre 2010.

ROLLIND, M. (2007), Maghreb : quelles stratégies féministes à l'oeuvre ?, www.genreenaction.net, consulté le 2 février 2011.

SAID, K. (1991), Femme, liberté, innovation, in MERNISSI, F (sous la directionde), Femmes maghrébines à l'horizon 2000.Collections femmes Maghreb, Casablanca : Le Fennec.

SANTUCCI, J.C, (2001), « les partis politiques marocains à l?épreuve du pouvoir », in manuels et travaux universitaires, n° 24, RABAT : REMALD.

79

TALBI, M. (1997), « Lecture historique des versets 34 et 35 de la sourate du Coran Intitulée « les femmes » », PRROLOGUES, 9(5-7) : 89-106

TAMZALI, W. (2009), Une femme en colère : Lettre d'Alger aux Européens désabusés, Paris : GALLIMARD.

THEBAUT, F. (2005), Un féminisme d'État est-il possible en France? L'exemple du Ministère des Droits de la femme, 1981-1986, www.h-france.net, consulté le 25 avril 2011.

Tilly, CH. (1986), La France conteste de 1600 à nos jours, Paris : Fayard.

TOURAINE, A. (1993), La production de la société, Paris : Fayard

TOZY, M. (1999), Monarchie et islam politique au Maroc, Paris : Presses Sciences Po.

VERMEREN, P. (2002), Histoire du Maroc depuis l'indépendance, Paris : La Découverte.

ZAGHAL, M. (2003), Religion et politique au Maroc aujourd'hui, consulté en ligne sur la page : http://www.ifri.org/files/Moyen_Orient/DT_3_Zeghal.pdf le 12 juin 2011.

Zaidman, C. ( 1999), « Féminisme », in Dictionnaire de sociologie, Akoun P. et Ansart P. (dir.),Paris : Le Robert/Seuil.

ZIRARI, H. (2006), Femmes au Maroc : « entre hier et aujourd'hui quels changements ?», Recherches internationales, 77(3) : 65-80.

80

VIII. GLOSSAIRE

AMIR

: Littéralement, le chef suprême des musulmans.

MOUMENINE Le monarque marocain n'est un simple roi, il règne sur l'une des

plus vieilles monarchies du monde en tant que descendant du Prophète de l'Islam, et le prince des croyants.

CHARIA : loi islamique

Chiite : Les chiite se basent sur le principe que la direction de la

communauté musulmane revient aux descendants du prophète.

CSP

: code du Statut personnel de 1957

Foqh

Ijtihad : Effort d'interprétation

: droit musulman

MAKHZEN : Au départ la maison royal et par extension, tout l'appareil de l'Etat

Malékite : musulman sounite appliquant les règles de droit du juriste

médiéval arabe Malek Ibn anas (715-795).

Ouléma : L'ouléma est le pluriel de Alem (savant) un savant effectuant ses

recherches dans le domaine de la tradition musulmane, la Sunna, mais son savoir peut aller bien au-delà de la connaissance théologique.

Généralement indépendant du pouvoir séculier, il est gardien de la tradition musulmane et un homme de référence docteur en droit musulman. Au Maroc les Oulema sont les gardiens de la monarchie.

81

MOUDWANA : La Moudawana signifie littéralement en arabe code. Le Code du Statut

personnel adopté en 1957 appelé en arabe Moudawana Al Ahwal Achakhsiya a ainsi gardé le nom Moudawana avec le temps. Après la réforme de 2004, on parle de « nouvelle Moudawana », Moudawana AlOussra, le Code de la famille. Ce code renvoie au droit applicable au sujet marocain, en matière de mariage, dissolution de mariage, filiation, testament, succession en considération de sa religion. Au cours de notre recherche on parle alors de Code du Statut personnel de 1957 à 2004 et de Code de la famille de 2004 à nous jours.

MONARCHIE : Le charife c'est celui qui descendant du Prophète.

CHERIFFIENNE

MALEKITE : Doctrine de l'école Sounite qui suit les traditions de Prophète lors de son

séjour à la Medina.

UMMA

: Communauté musulman au sens large ; c'est-à-dire tous les musulmans.

Sunnite : selon les sunnites L'Islam est basé sur deux principes juridiques : le

Coran, la tradition du Prophète.

82

IX. ANNEXES

IX.1. Annexe I : Carte du nord ouest du Maroc.

IX.2. Annexe II : Guide des entretiens pour les associations.

IX.3. Annexe III : Répertoire des associations.

ANNEXE I

83

Carte de la région nord ouest du Maroc (zone de la recherche)

84

ANNEXE II : Guide d'entretien pour les associations

1. Historique de l'association

- Quand et comment est née l'association ?

- Quels sont les objectifs ?

- Quelles ont été les premières activités ?

- Combien de femmes concernées ?

- Quels sont les financeurs des projets de l'association ?

2. L'organisation des activités de l'association

- Quels sont les fonds propre de l'association ?

- Quelles sont les ressources humaines de l'association ? leurs tâches ? - Quelles sont les ressources humaines de l'association ? leurs tâches ? - Comment l'association élabore, gère et exécute ses projets ?

3. La perception de l'égalité hommes-femmes ?

- Quelles est la vision de l'association sur la participation politique locale des femmes ?

- Quel est le niveau de coordination de l'association avec d'autres associations : locales ; régionales et nationales ?

- Quelle est la perception de l'association de la coopération

internationale ?

4. La participation à la marche mondiale de l'égalité

- Est-ce que l'association est membre de la coordination de la marche mondiale des femmes ?

85

- Comment l'association plaidoyer pour les droits de la femme ?

- Quelles sont les activités de sensibilisation qu'organise l'association en faveur des droits humains de la femme ?

5. Point de vue sur le féminisme islamiste

- En tant que présidente de l'association, est ce que vous avez entendu parler de féminisme islamiste ? Comment vous l'évaluez ?

- Le féminisme islamiste prône selon ses dirigeantes une troisième voie entre la tendance traditionaliste et fondamentaliste des droits de la femme et les conventions internationales des droits humains de la femme, quel est votre opinion sur cette voie ?

- Quelle est votre référence que vous adoptez pour plaidoyer pour les droits humains de la femme ?

6. L'évaluation du travail de l'association

- Comment vous évaluez votre travail en faveur des droits humains de la femme ?

- Comment vous évaluez les projets dans le cadre de la coopération internationale destinés aux femmes ?

86

Annexe III : Répertoire des associations

Association

Date de
création

Zone

d'intervention
et bénéficiaires

Objectifs
Et stratégies

Activités et
bénéficiaires

Partenariats,
réseaux et
financement

Mawadda pour le développement de la femme et la protection de la famille

2005

-Ville de

Larache et les quartiers préurbains.

- La femme, la

famille et
l'enfant

-protection de la famille ; -Formation professionnelle des femmes ; - Soutien les femmes et les enfants en situation difficile.

- Alphabétisation

- Couture -Formation artisanale -Ateliers de sensibilisation

- Femmes, familles , enfants

-Cotisation des membres -partenariat avec la délégation de l'Entraide Nationale -Conseil des Oulemas local

- Forum Fatima Zahrae

Mains Solidaires

pour le Droit à la

Dignité et à la
Citoyenneté

2000

Ville de

Larache, les

quartiers

préurbains et les zones rurales

Militer pour les droits de la Femme en se basant sur les conventions internationales ; Militer pour changer les législations nationales discriminatoires à l'égard des Femmes

Les stratégies adoptées sont : le travail

-Centre d'écoute, -Alphabétisation juridique

-Ateliers de formation, -Séminaires, caravanes,

- Compagnes de sensibilisation aux zones rurales

- Femmes, élèves, Animatrices des associations

-Délégation d'éducation nationale, -Délégation de la justice, -Délégation d'entraide nationale, -Acsur las ségovias

- ANARUZ - Chabaka -Acsur Las segovias Ministère des

87

 
 
 

socio-éducatif et le lobbying et le plaidoyer.

 

affaires sociales

La Ligue Démocratique de Droits de la Femme (section Larache)

LDDF

2003

-ville de Larache : Quartiers défavorisés

-Militer contre l'idéologie discriminatoire à l'égard des femmes

- changer les législations nationales

-Ecoute et
soutien pour les femmes

Victimes de violence

- Centre d'écoute - Caravanes

- compagnes de sensibilisation -Bénéficiaires : Femmes

-Pas de partenariat directe pour la section de Larache, les partenariats se font par

Le bureau national de l'association

L'Association de Recherche Féminine pour le Développement et la Coopération

1996

Province de
Tétouan

- Alphabétisation et formation professionnelle pour les femmes. - Soutien pour les enfants victimes d'abus

Sexuel

-Séminaires - ateliers de formation : Sur Approche genre

- Enquêtes - Cours de sensibilisation juridique - Bénéficiaires : Femmes, enfants

-Délégation d'éducation nationale

- Cordaid

-Save the
shildren

- Intermon
Oxfam

-Fo-Nord

Centre

d'Assistance pour les Femmes

1998

Province de

Tétouan

Ecoute, soutien et orientation pour les Victimes de

Ecoute, orientation et assistance Bénéficiaires : les

Délégation de la santé

Conraid

88

Maltraitées

 
 
 

violence

femmes maltraitées.

Fo-Nord ANARUZ






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle