Université François-Rabelais de Tours Master 2
: Sciences Humaines et sociales Mention : Sciences
Historiques Spécialité : Histoire de l'art
Les sociétés d'encouragement aux
Beaux-Arts en Touraine entre 1789 et 1914
Volume de texte
Mémoire de recherche présenté par
: Brice Langlois
2016-2017
Sous la direction de France Nerlich
Professeur d'histoire de l'art contemporain
2
Brice Langlois 12 rue François Coppée Apt. 413
37100 Tours 06.20.11.01.87 02.46.10.57.66
brice.langlois@etu.univ-tours.fr
brice.langlois@yahoo.fr
langloisbrice5@gmail.com
3
SOMMAIRE
LISTE DES ABRÉVIATIONS 8
AVANT-PROPOS 9
INTRODUCTION 11
CHAPITRE I. L'ÉVOLUTION DES
SOCIÉTÉS ARTISTIQUES EN TOURAINE
ENTRE 1789 ET 1914 22
I) Du balbutiement à l'émergence des
sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts
dans le département d'Indre-et-Loire
22
A. La Révolution en Touraine : une période de
réorganisation des institutions
artistiques 22
a) De la dissolution des académies en France en
général à la fermeture de la Société
Royale d'Agriculture de la généralité de
Tours en particulier 22
b) À l'origine de l'émulation artistique en
Touraine : la création de l'école de dessin
et du musée de Tours 24
B. 1798-1835 : la renaissance des sociétés
académiques locales 27
a) La reconstitution des sociétés savantes en
Touraine : un retour en arrière paradoxal
lié à la problématique des réseaux
de sociabilité 27
b) La création de la Société d'Agriculture,
Sciences, Arts et Belles-Lettres : un premier pas vers l'émulation des
études historiques et des arts appliqués en Touraine au
XIXe siècle 29
C. La naissance et le développement des expositions
artistiques et de la première la
Société des Amis des Arts en Touraine
(1835-1841) 31
a) À l'origine des expositions d'art et d'industrie
tourangelles : l'intervention de
Raoul de CroØ 31
b) Entre enthousiasme et perplexité : la réception
du projet de Raoul de CroØ 34
c) L'aboutissement de la création de la première
exposition artistique et de la
première Société des Amis des Arts à
Tours. 37
4
II) De 1840 au début du XXe
siècle : la fondation et la renaissance des sociétés les
plus
actives pour le développement des arts dans le
département d'Indre-et-Loire 39
A. La Touraine vers le milieu du XIXe siècle : un
terreau fertile pour la formation de
sociétés savantes et d'encouragement aux
Beaux-Arts 39
a) La Société Archéologique comme moteur
des activités de recherches scientifiques
et de popularisation de l'art en Touraine par le biais
d'expositions 40
b) Des sociétés d'émulation artistiques
confidentielles : le cas du Cercle des Beaux-
Arts de la Ville de Tours et de la Société des Amis
des Arts de Touraine 43
B. Les Amis des arts : une société d'amateurs
et d'artistes au service de l'émulation
artistique en Touraine au début de la Troisième
République 47
a) À l'origine de la formation de la
Société des Amis des Arts : l'organisation de
l'Exposition nationale de Tours de 1881 47
b) La Société des Amis des Arts ou le
développement rapide de la vie artistique en
Touraine 50
C. Les sociétés artistiques en Touraine
jusqu'en 1914 : entre soutien de la culture
locale et diversification des typologies artistiques 53
a) La renaissance de la section artistique de la
Société d'Agriculture, Sciences, Arts
et Belles-Lettres d'Indre-et-Loire 53
b) Protéger la culture locale et encourager le
développement d'un nouvel art : l'exemple de la Société
Littéraire et Artistique et de la Société Photographique
de
Touraine 56
5
CHAPITRE II. LE FONCTIONNEMENT DES
SOCIÉTÉS ARTISTIQUES
TOURANGELLES 60
I) De l'écriture des statuts à la question
du local : des préoccupations quotidiennes .
60
A. L'organisation statutaire, hiérarchique et
budgétaire des sociétés artistiques de
Touraine 60
a) Les statuts ou la définition des règles, de la
hiérarchie et de l'élitisme 60
b) Le budget nécessaire à l'émulation
artistique : de l'organisation des loteries aux
financements publics 64
B. Le local : une problématique récurrente du
quotidien des sociétés 67
a) De l'état nomade à l'installation du
siège social : entre solutions économiques,
recours aux autorités publiques et développement
des activités 68
b) Le local : un élément essentiel à
l'organisation des manifestations artistiques 71
II) Vivre en société(s) : le quotidien des
associations en dehors de leur cercle 74
A. Un essai de démocratisation de l'accession
à la culture et d'encouragement des
jeunes artistes. Les liens entretenus entre les
sociétés artistiques et les tourangeaux 74
a) L'intégration des sociétés
d'encouragement aux Beaux-Arts dans le quotidien culturel des habitants de
Touraine : entre volonté de démocratisation et conservatisme
de l'accession à la culture 75
b) L'engagement et l'intégration des
sociétés artistiques auprès de l'école des
Beaux-
Arts et du conservatoire de Tours : une volonté
d'émulation de l'art local 78
B. Un pour tous et tous pour un : la coopération des
sociétés pour le développement de
la vie culturelle locale 81
a) La création de La Touraine, revue
littéraire, artistique, scientifique, et mondaine du Centre et de
l'Ouest au secours de la visibilité des sociétés du
département d'Indre-
et-Loire 81
b) Le regroupement des sociétés au service de la
pédagogie et de la mémoire régionale : l'instruction des
jeunes artistes à l'érection des statues des grands hommes
85
6
CHAPITRE III. LES EXPOSITIONS : LE GRAND
THÉÂTRE DE LA VIE
ARTISTIQUE LOCALE 89
I) Les expositions : des manifestations participant
à la promotion du patrimoine ancien, de la production contemporaine
régionale et à l'insertion de l'art parisien en
Touraine 89
A. Mettre en lumière les mérites de la
production régionale et (re)constituer une école
tourangelle 89
a) La Touraine : un héritage culturel inouï propice
à la construction d'une école
artistique locale 90
b) La constitution d'une école tourangelle au
XIXe siècle grâce aux expositions
sociétales 93
B. Les expositions des oeuvres des artistes parisiens : des
événements inédits en
Touraine 97
a) L'invitation des artistes parisiens en Touraine : entre mise
en exergue du « grand
genre » et renversement de la hiérarchie 98
b) Les artistes parisiens, des modèles « du bon
goût » pour les tourangeaux ? 101
II) L'opportunité mercantile des salons
tourangeaux 106
A. Le marché de l'art à Tours au XIXe
siècle : un espace suffisant pour la vie des
artistes et l'acquisition des collectionneurs ? 106
a) Les institutions et les acteurs du marché de l'art
à Tours au XIXe siècle 107
b) Les oeuvres des artistes tourangeaux de leur commerce en
atelier à leur vente au
cours des expositions sociétales 110
B. Les salons sociétaux de Touraine des avatars du
marché de l'art national ? 113
a) Les expositions de Touraine, des espaces d'attraction pour
les artistes français114
b) Les rendez-vous des collectionneurs 118
CONCLUSION 122
BIBLIOGRAPHIE 129
INDEX 143
7
8
LISTE DES ABRÉVIATIONS
A.D. : Archives départementales d'Indre-et-Loire
A.M. : Archives municipales de Tours.
A.N. : Archives nationales de France.
B.M. : Bibliothèque municipale.
B.N.F. : Bibliothèque nationale de
France.
S.A.A. : Société des Amis des
Arts de la Touraine
S.A.S.A.B.L. : Société
d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres d'Indre-et-Loire.
S.A.T. : Société
Archéologique de Touraine.
S.L.A. : Société
Littéraire et Artistique de Touraine
9
AVANT-PROPOS
L'an passée en conclusion de mon dossier de recherche
de master 1 mené sur le collectionneur tourangeau Joseph-Félix Le
Blanc de La Combe (1790-1862), j'admettais que bien qu'il restât de toute
évidence des points à développer, il était
difficile de prolonger davantage mon étude. Aussi je proposais trois
sujets plus ou moins liés à mon travail de recherche
précédent : soit une étude sur le cercle des amateurs
d'estampes au XIXe siècle dans lequel La Combe s'inscrivait,
soit un travail monographique sur le Bazar Turonien, qui était une sorte
de grand magasin proposant presque uniquement des articles de luxe et objets
d'art à Tours à partir de 1821, soit une étude sur la
Société des Amis des Arts de la Touraine qui est une association,
sinon un cercle dans lequel se réunissent les élites
intellectuelles et les artistes locaux pour propager le goût des arts
chez leurs concitoyens.
C'est finalement sur ce dernier, que mon choix s'est
porté en accord avec ma directrice de recherche, France Nerlich.
Néanmoins si la circonscription géographique avait
déjà été fixée, les bornes chronologiques au
contraire ont quelque peu évolué avec le sujet. En effet, il ne
s'agit plus strictement d'étudier de manière monographique la
Société des Amis des Arts de la Touraine fondée en 1881,
mais plutôt de brosser le portrait d'un ensemble d'associations plus ou
moins investies dans le domaine artistique depuis la Révolution
jusqu'à la Grande Guerre en Touraine, soit constituer une étude
se déroulant sur presque un siècle et demi.
Si dans un premier temps, la consultation d'ouvrages de
référence dans le domaine des sociabilités artistiques
s'est révélée nécessaire pour la
compréhension du contexte, des moyens et des enjeux de diffusion de
l'art en province, il est devenu très vite indispensable de
dépouiller un certain nombre de documents d'archives pour
répondre aux spécificités des sociétés
tourangelles au XIXe siècle. Les Archives municipales de
Tours et départementales d'Indre-et-Loire conservent à elles
seules la grande majorité des sources nécessaires à la
reconstitution de l'histoire des associations d'encouragement aux Beaux-Arts en
Touraine. Les Archives nationales détiennent également un certain
nombre de documents propres aux expositions provinciales, dont quelques-uns
concernent les expositions organisées à Tours par la
Société des Amis des Arts de la Touraine et la
Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres du
département d'Indre-et-Loire.
C'est avec beaucoup de reconnaissance que je voudrais
remercier tout d'abord mon professeur, France Nerlich, sans laquelle ce travail
n'aurait pu être réalisé. Ses conseils
10
judicieux et sa rigueur scientifique m'ont apporté un
cadre de recherche solide tout en me laissant une grande autonomie. Aussi, je
la remercie de m'avoir fait profiter de son réseau. Sans elle, je
n'aurais pu être mis en relation avec des membres de l'Institut national
d'histoire de l'art (INHA) rattachés au programme de recherche «
Société des Amis des Arts » dont Chloé Gautier,
chargée de ressources documentaires au département des
études et de la recherche, que je remercie d'avoir pris de son temps
pour me former à la saisie de données sur Agorha. Je n'oublie pas
de remercier également, Katia Schaal, chargée d'études et
de recherche, qui outre ses informations utiles sur l'état des fonds
concernant les expositions en province aux Archives nationales, m'a transmis
des documents intéressants qu'elle avait déjà recueillis
lors de ses précédentes prospections. Je tiens à remercier
également Philippe Rouillac au titre de président de la
Société Archéologique de Touraine, et son fils Aymeric
Rouillac, commissaire-priseur, de s'être investis dans mes recherches et
de m'avoir permis de rencontrer des érudits intéressés par
l'histoire sociale des arts en Touraine, à l'instar de Daniel Schweitz,
bibliothécaire de la Société Archéologique de
Touraine, que je remercie aussi. Je n'oublie pas de remercier également
Catherine Pimbert, attachée de conservation au musée des
Beaux-Arts de Tours, ainsi que Nathalie Gabdin, directrice
générale du château-musée de Saumur, de m'avoir
transmis des reproductions photographiques des oeuvres conservées dans
leurs institutions. En dernier lieu, je remercie mes parents et ma compagne
pour leur soutien constant.
11
INTRODUCTION
« Le goût des Beaux-Arts en France est comme une
plante exotique que des hommes intelligents s'efforcent d'acclimater
malgré l'indifférence publique »1.
Le discours de Léon Lagrange (1828-1868) semble rendre
compte du climat ambivalent dans lequel sont plongés les Beaux-Arts et
leurs institutions en France au tournant de la seconde moitié du
XIXe siècle. Quand d'un côté l'élite
intellectuelle du pays s'efforce de donner les clés et le goût des
arts, les masses populaires paraissent s'en désintéresser.
Néanmoins le discours de Lagrange paraît quelque peu pessimiste
vis à vis de la réalité qui l'entoure.
Aussi, l'histoire de l'art a privilégié - et
privilégie toujours pour une part - le discours esthétique en
confrontant les révolutions picturales aux préceptes
académiques, perdant de vue les réalités historiques,
sociales et politiques contemporaines à l'époque des artistes et
de la création des oeuvres d'art. Il est alors essentiel de
s'intéresser comme le fait déjà Lagrange en 1861, aux
sociabilités artistiques et aux institutions non-officielles qui
participent au développement du goût pour les arts en
région, à l'instar des sociétés d'encouragement
artistique et autres académies, cercles ou sociétés des
Amis des Arts, dans l'objectif de restituer le plus fidèlement possible
la réalité de l'époque. Ainsi, cette étude vise
à reconstituer le plus exhaustivement possible l'histoire des
sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts en Touraine entre 1789 et
1914, dans l'objectif de mettre en lumière les
spécificités de ce territoire, en ce qui concerne
l'activité artistique et culturelle résultant de l'action de ces
sociétés.
À l'évidence les termes de
sociétés d'encouragement ou d'émulation artistique
concentrent de nombreuses formes de regroupements pour les arts. En France, ces
derniers naissent au XVIIe siècle. Mais c'est principalement
au siècle suivant, et plus particulièrement durant sa seconde
moitié, que se développent les sociétés d'amateurs
qui prennent la forme d'académies2. Si ces dernières
privilégient la pluridisciplinarité, s'intéressant autant,
sinon plus
1 LAGRANGE, Léon, « Des
sociétés des Amis des Arts en France. Leur origine, leur
état actuel, leur avenir », in Gazette des Beaux-Arts, t.
IX, 1er mars 1861, p. 291.
2 JUSTIN, Émile, Les sociétés
royales d'agriculture au XVIIIe siècle, Saint-Lô,
Imp. Barbareaux, 1935.
ROCHE, Daniel, Le siècle des Lumières en
province : Académies et Académiciens provinciaux 1680-1789,
Paris, Mouton, 1978.
QUÉNIART, Jean, Culture et société
urbaine dans la France de l'Ouest au XVIIIe siècle,
Paris, Klincksieck, 1978.
12
aux progrès de l'agriculture qu'aux choses d'art, elles
sont une première étape dans la construction des identités
des futures sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts. En pleine
Révolution, en septembre 1789, l'architecte Charles de Wailly
(1730-1798) créée à Paris la première
Société des Amis des Arts en lançant un Projet
d'engagement patriotique, pour les Arts de l'Académie de Peinture, de
Sculpture et Gravure. Constituée officiellement en mars 1790, la
Société ouvre dès le 13 juillet de la même
année une première exposition en marge du Salon, qui semble-il ne
remporte pas le succès espéré3. Toutefois la
Société des Amis des Arts de Paris fonde les principes des
activités des futures sociétés d'émulation
artistique qui s'ouvrent dans toutes les provinces de France au cours du
XIXe siècle : encouragement des artistes vivants
français par le biais d'expositions dans lesquelles sont vendues un
certain nombre d'oeuvres aux particuliers et aux sociétaires,
organisation de loteries et attribution de bourses et de prix aux jeunes
talents.
La Révolution marque un tournant dans l'histoire des
sociétés artistiques, en leur faisant cesser presque toute
activité durant plusieurs années. Ainsi, c'est sous le Consulat
(1799-1804) et encore davantage à la Restauration (1815-1830) puis sous
la Monarchie de Juillet (18301848) que sont fondées un grand nombre des
sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts dans toutes les provinces
de France à l'exemple de celle d'Avignon en 1827, de Strasbourg et
Marseilleen 1832, du Havre en 1833, de Nancy et Rouen l'année suivante
jusqu'à celle de Bordeaux en 18514. Mais c'est surtout sous
la Troisième République (1871-1940) que le nombre de
sociétés artistiques se multiplie. Sur l'ensemble des 368
sociétés correspondant avec le Comité des
sociétés des Beaux-Arts des départements et la Commission
de l'inventaire général des richesses d'art de la France en 1886,
cinquante sont consacrées exclusivement au développement des
arts5. Il est possible que l'augmentation massive du nombre de
sociétés résulte de la délégation
progressive des affaires culturelles par l'État aux collectivités
territoriales, qui elles-mêmes font reposer les activités
culturelles sur les sociétés d'érudits et d'artistes.
3 SANDT, Udolpho van de, La
Société des Amis des Arts (1789-1798) un mécénat
patriotique sous la Révolution, Paris, ENSBA, 2006.
SANDT, Udolpho van de, « Les collections de la
Société des Amis des Arts », in PRETI-HAMARD, Monica
(éd.), SÉNÉCHAL, Philippe (éd.), Collections et
marché de l'art en France 1789-1848, actes de colloque, Rennes,
décembre 2003, Presses universitaires de Rennes/Institut national
d'histoire de l'art, 2005, p. 73-86.
4 MARTIN-FUGIER, Anne, La vie d'artiste au
XIXe siècle, Paris, Éd. Louis Audibert, 2007, p.
155.
5 MOULIN, Raymonde, « Les bourgeois amis des arts
», in Revue française de sociologie, t. XVII, 1976, p.
386.
13
Si Paris est à la France la capitale artistique, Tours
est à l'Indre-et-Loire l'épicentre des arts. En Touraine, les
sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts se concentrent presque
toutes, sinon exclusivement en la préfecture. Outre les
sociétés musicales qui se développent
considérablement dans tout le département à partir de la
seconde moitié du XIXe siècle à l'instar des
sociétés littéraires, ces dernières s'apparentant
essentiellement à des cercles de divertissement où les jeux sont
au coeur des activités, les autres villes de Touraine ne voient
guère se créer des sociétés savantes
consacrées au développement et à la protection des
Beaux-Arts6. Néanmoins si les sociétés
artistiques de Tours entretiennent un rapport très étroit
à l'urbain, elles ont aussi un rayonnement étendu à
l'ensemble du département et de la région.
L'histoire des sociétés d'émulation
artistique tourangelles paraît correspondre à celle des autres
sociétés en France. La première société
à laquelle cette étude fait référence est la
Société Royale d'Agriculture de la
généralité de Tours fondée le 24 février
1761 par arrêté du Conseil d'état du roi7.
Dissoute à la Révolution, elle renait une première fois en
mars 1806 sous le titre d'Académie de Tours, puis une seconde fois en
mai de la même année sous la dénomination de
Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres
d'Indre-et-Loire8. Jusqu'à la création de la
Société Archéologique de Touraine en 1840 (ann. 2.1.1),
cette société semble être la seule à participer
à la promotion et la défense des Beaux-Arts en
réfléchissant notamment à l'organisation d'expositions
artistiques dès 1835. Si la Société Archéologique
manifeste un intérêt particulier pour les études
monumentales, elle participe également à la promotion des arts en
Indre-et-Loire en organisant des expositions, à l'instar de la
Société des Amis des Arts de Tours fondée en 1841, peu de
temps avant l'ouverture de l'exposition des produits des arts et de
l'industrie9.
Presque concomitamment à l'organisation de l'Exposition
nationale de 1881 organisée par la ville de Tours avec le concours de
l'État10, un quatuor d'amateurs et artistes membres
6 Dossiers administratifs des associations
créées et autorisées avant janvier 1881, Tours, A.D., 4M
169-173.
7 LAURENCIN, Michel, « La
Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres du
département d'Indre-et-Loire : du siècle des Lumières
à l'époque contemporaine », in Mémoire de
l'Académie des sciences, arts et belles-lettres de Touraine, t.
XXIII, 2010, p. 91-123.
8 Registre de délibération de
l'Académie de Tours créé par arrêté de M.
Pommereul, préfet d'Indre-et-Loire du Ier Nivose an XIV de la
République française, Tours, A.M., 48Z 1, f° 10.
9 [ANONYME], « Société des Amis des
Arts à Tours », Journal d'Indre-et-Loire, n° 50, 9
avril 1841, p. 1.
10 VILLE DE TOURS, Exposition des Beaux-Arts de
la ville de Tours, Tours, Imp. Ernest Mazereal, 1881, Paris, A.N, F21
541.
VILLE DE TOURS, Exposition des Beaux-Arts de la ville de
Tours. Section de l'art rétrospectif, Tours, Imp. Ernest Mazereal,
1881, Paris, B.N.F, 8-V-4655.
14
des commissions d'organisation et de récompense de
l'exposition se réunit pour fonder la Société des Amis des
Arts de la Touraine. Celle-ci ne tarde pas à s'employer au
développement du goût pour les arts, en organisant des concerts et
des expositions secondées par des loteries et des prix pour les
meilleurs artistes et les jeunes talents de l'école des Beaux-Arts et du
conservatoire de Tours. La Société des Amis des Arts poursuit
partiellement son entreprise jusqu'en 1946 11 , bien que la
Première puis la Seconde Guerre mondiale affaiblissent
considérablement son action. Si au cours de notre étude notre
attention se portera aussi sur d'autres regroupements pour les arts, nous
pouvons déjà constater que nous avons à faire à de
multiples typologies de sociétés.
Dès la seconde moitié du XIXe
siècle, les sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts
attirent l'attention et font l'objet d'études comme dans la série
d'articles de Léon Lagrange consacrée aux sociétés
des Amis des Arts et publiée dans La Gazette des Beaux-Arts, et
plus tard sous la forme d'un livre12. Retraçant sommairement
l'histoire des sociétés les plus influentes du XIXe
siècle, à l'exemple de celles de Marseille, Bordeaux, Rouen et
Lyon, Lagrange s'emploie également à prodiguer des conseils
susceptibles d'améliorer leur champ d'action, leur rayonnement et leur
réception auprès du public. Par ailleurs, Lagrange attire
l'attention sur les expositions d'art et de curiosités en province ainsi
que sur les expositions rétrospectives, dans d'autres articles
publiés dans la Gazette des Beaux-Arts13. À
l'instar de Lagrange, Jules Maret-Leriche et Auguste Chirac s'emploient
à rendre compte du développement des expositions, bien que leurs
propos soient davantage recentrés sur Paris et l'organisation des
Salons14.
Les historiens de la première moitié du
vingtième siècle paraissent se désintéresser des
questions artistiques et sociologiques liées au développement des
sociétés d'encouragement aux
11 S.A.A., « Séance du du 9 mai 1946
», Procès-verbaux de la commission administrative 1914-1946, f 217,
Tours, A.D., T1406.
12 LAGRANGE, Léon, « Des
sociétés des Amis des Arts en France. Leur origine, leur
état actuel, leur avenir », in Gazette des Beaux-Arts, t.
IX, 1er mars 1861, p. 291-301 ; t. X., 1er avril 1861, p. 29-47, 15 avril 1861,
p. 102-117, 1er mai 1861, p. 158-168 ; 15 mai 1861, p. 227-242,
LAGRANGE, Léon, Des sociétés des Amis
des Arts en France, Paris, J. Claye, 1861.
13 LAGRANGE, Léon, « Des expositions
provinciales d'objets d'art et de curiosité », in Gazette des
Beaux-Arts, t. II, 15 avril 1859, p. 93-109.
LAGRANGE, Léon, « Exposition rétrospective
de tableaux de maîtres anciens », in Gazette des
Beaux-Arts, t. XX, 1er mai 1866, p. 573-577.
14 CHIRAC, Auguste, Des expositions gratuites
au point de vue du progrès et de la bienfaisance. Propagation du travail
national appel, aux arts, à l'industrie, au travail à
l'horticulture, à l'agriculture, Paris, Imp. Vallée, 1866,
Paris, B.N.F., VP-11750.
MARET-LERICHE, Jules, Les expositions d'art au XIXe
siècle, Paris, Imp. Schiller, 1866, Paris, B.N.F., V-45938.
15
Beaux-Arts durant le XIXe siècle. Ainsi, il
semble qu'il faille attendre 1976 pour que Raymonde Moulin, sociologue et
auteure majeure sur la question des sociétés artistiques, propose
une première étude globale sur le fonctionnement de ces
regroupements pour les arts15. S'ensuivent dans la décennie
1990, des études spécifiques à des villes ou des
régions menées essentiellement dans le cadre de travaux de
deuxième et troisième cycle universitaire16. Dominique
Dussol soutient notamment sa thèse en 1994 sur l'action de la
Société des Amis des Arts de Bordeaux. Dans celle-ci, il tente de
recontextualiser la naissance des salons bordelais dans leur milieu local, mais
également dans le mouvement général des expositions des
sociétés des Amis des Arts pour dégager les
spécificités propres au terreau girondin17. Dans
l'objectif de faire redécouvrir le dynamisme culturel ainsi que les
tenants et les aboutissements de la production artistique « dans les
régions modérées »18, Nicolas Buchaniec
consacre quant à lui sa thèse, aux expositions dans le nord de la
France19. Publiée aux Presses universitaires de Rennes en
2010, cette étude propose de s'intéresser à la question
des salons de province alors que durant longtemps les historiens «
convaincus du retard de la province dans le domaine des arts et de
l'insignifiance de son rôle dans la diffusion et le commerce de l'art
contemporain [É] ont ignoré les salons artistiques qui se
multiplient sur l'ensemble du territoire national dans la seconde moitié
du XIXe siècle »20. L'étude de
réseaux artistiques provinciaux paraît paradoxale face à
l'actualité scientifique qui privilégie, comme le font remarquer
Laurent Houssais et Marion Lagrange, « une approche nationale et
internationale »21. Il ne faut cependant pas
15 MOULIN, Raymonde, op. cit., 1976.
16 CRÉTIN-NICOLO, Olivia, La
Société des Amis des Arts de Nantes 1890-1920,
mémoire de maîtrise, sous la direction d'Alain Bonnet,
Université de Nantes, 2003.
MARTY, Florian, Les Amis des Arts à Limoges sous le
Second Empire, mémoire de master 1, sous la direction de Jean-Roger
de Soubiran, Université de Poitiers, 2011.
17 DUSSOL, Dominique, La Société
des Amis des Arts de Bordeaux 1851-1939, thèse de doctorat, sous la
direction de Dominique Rabereau, Université
Michel-de-Montaigne-Bordeaux-III, 1994.
DUSSOL, Dominique, Art et bourgeoisie : La
Société des Amis des Arts de Bordeaux 1851-1939, Bordeaux,
Le Festin, 1997.
18 MOULIN, Raymonde, « Préface »,
in HOUSSAIS, Laurent (éd.), LAGRANGE, Marion (éd.), MOULIN,
Raymonde (éd.) et alii, Marché(s) de l'art en province,
actes de colloque, Bordeaux, Bibliothèque municipale, 30 janvier et
1er février 2008, Pessac, Presses Universitaires de Bordeaux, 2010, p.
7.
19 BUCHANIEC, Nicolas, Les expositions dans le
Nord de la France dans la seconde moitié du XIXe siècle
(18701914), thèse de doctorat, sous la direction de François
Robichon, Université de Lille-III, 2006.
20 BUCHANIEC, Nicolas, Salons de province : les
expositions artistiques dans le nord de la France 1870-1914, Rennes,
Presses universitaires de Rennes, 2010, p. 17.
21 HOUSSAIS, Laurent, LAGRANGE, Marion, « Le
sol ingrat de la province » in HOUSSAIS, Laurent (éd.), LAGRANGE,
Marion (éd.), MOULIN, Raymonde (éd.) et alii,
Marché(s) de l'art en province, actes de colloque, Bordeaux,
Bibliothèque municipale, 30 janvier et 1er février 2008, Pessac,
Presses Universitaires de Bordeaux, 2010, p. 9.
16
omettre que les sociétés artistiques
entretiennent en dehors des villes et des régions qui leur sont propres,
des rapports avec leurs consoeurs, ce qui est la preuve de transferts culturels
transrégionaux. Ainsi dans le colloque Marché(s) de l'art en
province, l'étude des interactions transrégionales et
transnationales des sociétés artistiques bénéficie
d'une grande attention. Anne-Doris Meyer, chargée de mission aux
Musées de la Ville de Strasbourg, pose notamment la question des
transferts culturels entre la France et l'Allemagne et s'intéresse de
surcroît à la notion de nationalisme au travers de l'examen
particulier des actions de la Société des Amis des Arts de
Strasbourg22.
Depuis 2015 un intérêt scientifique plus
général naît à propos des sociétés des
Amis des Arts en France. En effet, le programme lancé à
l'Institut national d'histoire de l'art (INHA) sous la direction de
Frédérique Desbuissons, maître de conférences en
histoire de l'art moderne et contemporaine à l'Université de
Reims Champagne-Ardennes, et intitulé Sociétés des
Amis des Arts, vise à « proposer une première
cartographie et procurer à la communauté scientifique les
matériaux et les outils facilitant l'étude [de ces
sociétés] »23. Pour ce faire le programme entend
constituer une base de données répertoriant l'ensemble des
sociétés artistiques françaises et les sources permettant
leur étude.
Si ce programme réunit une communauté de
chercheurs autour de la problématique des sociétés des
Amis des Arts en province, il reste tout, ou presque, à faire sur le
strict sujet des sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts en
Touraine. En effet la bibliographie paraît inexistante, bien que des
travaux universitaires menés dans le cadre de master se soient
déjà attelés à brosser le portrait de certaines
sociétés savantes tourangelles, de leurs actions et des
protagonistes qui les constituent. En s'intéressant aux collectionneurs
du Val-de-Loire au XIXe siècle, Martine Augouvernaire
défriche la première la question des réseaux intellectuels
tourangeaux24. Elle consacre dans son mémoire un court
chapitre aux expositions tourangelles et cite notamment celles
organisées par la Société Archéologique et la
Société des Amis des Arts de la Touraine. À la suite
Nathalie Bénâtre en consacrant son mémoire de
maîtrise à
22 MEYER, Anne-Doris, « Entre art et politique
la Société des Amis des Arts de Strasbourg (1870-1918), in
HOUSSAIS, Laurent (éd.), LAGRANGE, Marion (éd.), MOULIN, Raymonde
(éd.) et alii, op. cit., 2010, p. 7987.
23 INHA, « Les Sociétés des Amis
des Arts, 1789-1914 », 26 février 2015. Disponible sur :
https://www.inha.fr/fr/agenda/parcourir-par-annee/en-2015/mars-2015/les-societes-des-amis-des-arts.html.
Consulté le 27/02/2017.
24 AUGOUVERNAIRE, Martine, Collectionneurs,
Amateurs, et curieux au XIXe siècle en Indre-et-Loire,
mémoire de maîtrise d'histoire contemporaine, sous la
direction d'Isabelle Brelot, Université François Rabelais de
Tours, 1992, p. 141-143.
17
l'histoire du musée des Beaux-Arts de Tours de ses
origines à 1910, propose également une synthèse sur les
expositions organisées par les sociétés d'encouragement
aux Beaux-Arts25. Une partie de son étude vise à
rendre compte de la politique d'acquisition de la ville à l'occasion des
expositions organisées par les sociétés artistiques. Quant
à François Védrine son mémoire se propose de
reconstituer l'histoire de la Société d'Agriculture, Sciences,
Arts et Belles-Lettres d'Indre-et-Loire entre 1820 et 188026.
Toutefois, son travail se focalise exclusivement sur la thématique
agricole et omet entièrement les actions de la section artistique de la
société. Plus récemment, Clémence Brogard en
proposant une étude sur l'exposition rétrospective de Tours de
1873, s'intéresse à la question des réseaux et à la
participation d'un certain nombre de membres de la Société
Archéologique de Touraine dans l'organisation de cette
exposition27.
Des érudits locaux se sont confrontés
également à l'histoire des sociétés savantes et
artistiques du département d'Indre-et-Loire, à l'exemple de
Pierre Audin, docteur en histoire et membre de la Société
Archéologique et de l'Académie de Touraine, qui a
réalisé une étude sur l'histoire de la
Société Littéraire et Artistique de Touraine visant
à rendre compte de son influence sur la vie culturelle
locale28. Michel Laurencin, professeur honoraire de chaires
supérieures et membre de plusieurs sociétés savantes
tourangelles, a quant à lui publié une étude sur
l'histoire de la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et
Belles-Lettres d'Indre-et-Loire, de sa formation à son état
actuel29. Si la question des sociabilités artistiques en
Indre-et-Loire paraît susciter l'intérêt des chercheurs, il
semble néanmoins qu'aucune étude globale menée sur un
temps long n'a jusqu'aujourd'hui été réalisée.
C'est donc avant tout grâce à une prospection nécessaire et
rigoureuse dans différents services d'archives publiques que les
informations pour mener à bien ce travail ont pu être
réunies.
Aux Archives municipales de Tours, aux Archives
départementales d'Indre-et-Loire comme aux Archives nationales de
France, les documents récoltés proviennent pour l'essentiel
25 BENÂTRE, Nathalie, Un musée de
Province au XIXème : le musée des Beaux-Arts de Tours dès
origines à 1910, mémoire de maîtrise d'histoire
contemporaine, sous la direction d'Alain Corbin, Université
François Rabelais de Tours, 1988.
26 VÉDRINE, François, La
Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres
d'Indre-et-Loire (1820-1880), mémoire de maîtrise d'histoire
contemporaine, sous la direction de Claude-Isabelle Brelot, Université
François-Rabelais de Tours, 1993.
27 BROGARD, Clémence, Une exposition
rétrospective en province : Le cas de l'exposition des Beaux-Arts de
Tours en 1873, mémoire de master 1 d'histoire de l'art
contemporaine, sous la direction de France Nerlich, Université
François-Rabelais de Tours, 2016.
28 AUDIN, Pierre, « La Société
Littéraire et Artistique de la Touraine. Soixante ans de vie culturelle
provinciale », in Mémoires de l'Académie des Sciences,
Arts et Belles-Lettres de Touraine, t. XXI, 2008, p. 137-153.
29 LAURENCIN, Michel, « La Société
d'Agriculture... », op. cit., 2010, p. 91-123.
18
de fonds concernant les sociétés savantes et les
expositions locales30. Il convenait de débuter cette
recherche par la constitution d'un corpus de sociétés artistiques
du département d'Indre-et-Loire. Pour ce faire, les répertoires
d'inscription de la préfecture et les dossiers administratifs se sont
révélés des sources utiles, bien qu'aucun ne concerne les
années antérieures à 185231. Il faut constater
que le corpus de sources est inégalement réparti en fonction des
sociétés. Lorsque certaines sont à peine
représentées à l'exemple de la Société
Artistique et Philanthropique des Joyeux Amis32, d'autres sont
documentées abondamment, à l'instar de la Société
d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres d'Indre-et-Loire dont les
Archives municipales de Tours conservent l'ensemble des fonds depuis sa
création jusqu'à sa dissolution33.
Les documents administratifs représentent une grande
part des sources réunies pour constituer cette étude. Ces
archives nous renseignent essentiellement sur la date, les motivations et le
contexte de création des sociétés d'encouragement aux
Beaux-Arts en se présentant notamment sous la forme de demandes
d'autorisation de constitution. À ces documents, s'ajoutent les
registres des délibérations des Conseils municipaux de la ville
de Tours34. Ils sont une source précieuse, puisque conservant
à l'écrit les débats autour de l'organisation des
expositions tourangelles, les rapports des commissions d'organisation et les
propositions de certains citoyens au sujet du développement des
Beaux-Arts en Touraine. En outre, la correspondance entre les
sociétés artistiques, les représentants des
municipalités et des services administratifs, tel que le
Ministère de l'Instruction publique, des Beaux-Arts et des Cultes, nous
renseigne sur le quotidien des associations35. De nombreuses
demandes d'allocations, de mise à disposition de locaux et attributions
d'oeuvres d'art ont ainsi été recueillies. Ces documents
témoignent finalement de la proximité entre les instances
administratives et les sociétés ainsi que des situations
précaires et du peu de moyens de certaines associations.
30 Expositions d'art et d'industrie, Tours, A.M., 2F
boîte 14
Sociétés savantes d'Indre-et-Loire, Tours, A.M., 2R
401/1 et 2R 401/2. Sociétés savantes, Tours, A.D., 4T 1398.
Expositions en province, Pierrefitte-sur-Seine, A.N., F/21/4085
et F/21/541.
31 « Police 1800-1940 : Associations, cercles et
sociétés », Tours, A.D., 4M 168 à 265.
32 MARCHAL, F. (président) : Lettre au maire
de Tours au sujet du prêt de la salle du manège pour
l'organisation d'une exposition, 20 novembre 1891, Tours, A.M., 2R 401/2.
33 Société d'Agriculture, Sciences, Arts
et Belles-Lettres d'Indre-et-Loire, Tours, A.M., 48Z.
34 Tours, A.M., série 1D.
35 Expositions en province (Neuilly-Wassy) et
divers : patronage des Beaux-Arts, prêts et éventuellement achats
d'oeuvres d'art. 1879-1935 : Tours (Indre-et-Loire), Pierrefitte-sur-Seine,
A.N., F/21/4085.
Expositions en province, Tours (Indre-et-Loire),
Pierrefitte-sur-Seine, A.N., F/21/541.
19
À cela, il faut ajouter également le traitement
de données propres à certaines sociétés. Les
procès-verbaux de séances d'assemblées
générales et de commissions administratives ainsi que les
registres de comptabilité sont utiles pour restituer le fonctionnement
de la Société des Amis des Arts de la Touraine36. Pour
la Société Archéologique et la Société
d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres, les documents utiles
recueillis par nos soins sont moins nombreux, quoique le dépouillement
rigoureux de leurs Annales ait permis de reconstituer leurs actions
sur le territoire tourangeau37. De surcroît, les documents
édités par les sociétés à l'occasion de
leurs expositions, à l'instar des livrets, des catalogues et des albums,
représentent des sources d'information non négligeables. Ils
indiquent principalement les artistes et les oeuvres exposées, proposent
dans certains cas des reproductions photographiques38 et nous
renseignent parfois sur les prix de vente grâce à des inscriptions
manuscrites39. Cependant, toutes les expositions ne
bénéficient pas de la publication d'un catalogue.
Pour constater le rayonnement des sociétés
artistiques, et particulièrement la réception de leurs
expositions, la presse de l'époque se révèle être
une source importante. L'essentiel des articles qui leur sont consacrés
sont extraits des quotidiens locaux, à l'instar de La Petite
France, du Courrier et du Journal d'Indre-et-Loire, dans
lesquels les sociétés trouvent régulièrement des
soutiens bienveillants à leurs égards. Par ailleurs les revues
locales spécialisées dans le domaine des arts lancées
à l'initiative de sociétés ou d'individus leur
étant liés, comme La Touraine, La Revue
littéraire de Touraine ou encore L'Écho
littéraire et artistique Tours-Paris sont des sources importantes
puisque renseignant au plus près sur les activités culturelles de
la région. Mais il convient également d'élargir la
recherche sur la réception des expositions à la presse artistique
nationale, compte tenu de la visibilité importante des
sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts. Les quotidiens
spécialisés dans le domaine des arts à l'exemple de
L'Artiste, de La Chronique des Arts et de la Curiosité,
du Courrier de l'art
36 S.A.A., Procès-verbaux de la commission
administrative 1914-1946, Tours, A.D., T1406.
S.A.A., Procès-verbaux des assemblées
générales 1926-1931, Tours, A.D., T1407.
S.A.A., Registre de comptabilité, Tours, A.D., T1408.
S.A.A., Comptes-rendus, Tours, Imp. Juliot, 1881-1892.
37 S.A.T., Annales, t. I-XC, Tours, Imp.
Deslis, 1838-1910. S.A.S.A.B.L., Annales, t. I-XC, Tours, Imp. Deslis,
1821-1910.
38 PALUSTRE, Léon, Album de l'exposition
rétrospective de Tours, Tours, Ed. Georget-Joubert, 1873. PALUSTRE,
Léon, Album de l'exposition rétrospective de Tours
(1890), Tours, Mame, 1890.
39 S.A.A., Exposition de 1882, cat. exp.,
Tours, Hôtel de ville, Tours, Imp. Rouillé-Ladevèze, 1882,
Pierrefitte-sur-Seine, A.N., F/21/541.
20
ou du Journal des Artistes sont des sources
d'informations précieuses sur l'organisation des expositions en Touraine
par les sociétés d'émulation artistique.
À l'évidence, la Touraine profite d'un riche
héritage artistique dont ses habitants sont conscients et semblent
très fiers au XIXe siècle. C'est en effet dans cette
province que l'art de la Renaissance française a éclos et que des
grands noms qui composent depuis l'histoire de l'art national se sont
imposés. Toutefois, au XIXe siècle, malgré ce
passé artistique glorieux et un nombre d'artistes et de collectionneurs
toujours plus croissant, l'activité artistique de la Touraine ne semble
reposer que sur quelques institutions publiques, à l'exemple du
musée et de l'école des Beaux-Arts de Tours, ainsi que sur un
très faible nombre d'établissements privés
spécialisés dans la vente d'oeuvres d'art. La population n'a donc
que rarement l'occasion de se confronter à la production artistique
vivante, puisque les artistes locaux ne profitent guère de structures
leurs permettant de se faire connaître des amateurs. Parallèlement
les artistes étrangers au département d'Indre-et-Loire et
particulièrement parisiens souffrent d'un marché de l'art
très concurrentiel. La formation des sociétés
d'encouragement aux Beaux-Arts en Touraine semble pallier toutes ces carences.
Pour autant, toutes ne sont pas formées sur le même modèle
et n'envisagent pas de la même manière l'émulation
artistique dans le département. Dès lors, les
sociétés peuvent-elles s'appréhender comme des
institutions complémentaires aux établissements publics existants
et sur quels paramètres économiques, culturels, identitaires et
historiques, les sociétés de Beaux-Arts tourangelles
s'appuient-elles pour encourager l'émulation artistique de leur
territoire ?
Le premier chapitre de ce mémoire sera l'occasion de
présenter l'histoire des sociétés savantes et artistiques
du département d'Indre-et-Loire dans l'objectif de montrer notamment
l'évolution quantitative - peut-être qualitative également
- des regroupements pour les arts. Cette partie sera aussi l'occasion de
remettre dans son contexte la vie culturelle de Tours. Aussi, nous examinerons
la naissance de la première Société des Amis des Arts en
Touraine, du projet de formation jusqu'à son instauration dans la ville.
Faisant un saut dans le temps, nous nous attacherons à retracer les
réseaux d'érudits qui ont mené à la création
de la Société des Amis des Arts de la Touraine, puis la
renaissance de la section artistique de la Société d'Agriculture,
Sciences, Arts et Belles-Lettres d'Indre-et-Loire, avant de conclure sur
l'élargissement des périmètres artistiques en nous
intéressant à la question de la création de la
Société Photographique de Touraine.
Le deuxième chapitre de ce travail sera consacré
plus spécialement au fonctionnement des sociétés savantes
et artistiques d'Indre-et-Loire. Il sera l'occasion de présenter
21
l'organisation hiérarchique des associations et de
mettre en évidence la création de leurs statuts, tout en abordant
leurs ressources budgétaires et l'implantation de leurs sièges
sociaux qui résultent régulièrement de la bienveillance
des autorités publiques. Nous montrerons ensuite quels sont les rapports
qu'entretiennent les sociétés entre elles et avec la population,
dans l'objectif de mettre en exergue leur rôle dans la vie culturelle de
la ville.
Enfin, le dernier chapitre de ce mémoire sera
consacré à l'étude des expositions organisées par
les sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts, qui sont de toute
évidence les événements les plus marquants de la vie
artistique en province. Nous présenterons tout d'abord la défense
de l'identité artistique tourangelle entreprise par les
sociétés au cours de leurs expositions, qu'elles soient
rétrospectives ou consacrées à la promotion de l'oeuvre
des artistes vivants d'Indre-et-Loire. La présence des artistes
étrangers et principalement parisiens au cours des manifestations de
Beaux-Arts de Touraine sera étudiée à la suite, pour
comprendre notamment comment elle est appréhendée par le public
tourangeau en général et les artistes de la localité en
particulier. Après un bref rappel des institutions du marché de
l'art à Tours au XIXe siècle, la dernière
partie de ce chapitre sera consacrée à l'intérêt
commercial des expositions sociétales pour les artistes locaux comme
pour les artistes étrangers.
22
CHAPITRE I. L'ÉVOLUTION DES
SOCIÉTÉS ARTISTIQUES EN TOURAINE ENTRE 1789 ET 1914
I) Du balbutiement à l'émergence des
sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts dans le
département d'Indre-et-Loire
A. La Révolution en Touraine : une période de
réorganisation des institutions artistiques
À tous les points de vue, qu'ils soient politiques,
administratifs, économiques, géographiques ou culturels, la
Révolution marque un tournant sans précédent dans
l'organisation de la France en général et de ses provinces en
particulier. À cette occasion sont créés, le 26
février 1790, les quatre-vingt-trois départements qui structurent
désormais le territoire. La province de Touraine devient
département d'Indre-et-Loire mais Tours reste néanmoins le
chef-lieu du département et conserve de ce fait son rôle de
capitale politique et économique, justifiée autant par la
présence des administrations que des nombreux commerces. Il semble
toutefois que la Révolution mette à mal la vivacité des
affaires culturelles du département, conduisant à un contexte
paradoxal de déclin mais aussi de développement du domaine
artistique. Ainsi, comme le fait remarquer à juste titre Francis
Démier dans son ouvrage de référence sur la France du
XIXe siècle, la Révolution instaure un climat
contradictoire dont l'acquisition de la liberté du peuple est souvent
prise comme prétexte pour dissimuler les débordements du pouvoir
autoritaire de la jeune République40, à l'exemple de
la suppression des académies et des sociétés
littéraires.
a) De la dissolution des académies en France en
général à la fermeture de la Société Royale
d'Agriculture de la généralité de Tours en particulier
Ayant l'ambition de réduire à néant les
institutions dont les origines remontent à l'Ancien Régime, la
Convention dans son assemblée du 8 août 1793 décide
d'abolir « toutes les académies ou sociétés
littéraires patentées ou dotées par la nation
»41 et vote seulement quatre jours plus tard la confiscation de
leurs biens mobiliers, puis immobiliers le 24 juillet suivant42.
40 DÉMIER, Francis, La France du
XIXe siècle 1814-1914, Paris, Éditions du Seuil,
2000, p. 53.
41 GRÉGOIRE, Henri (dit Abbé
Grégoire), Décret d'abolition des académies, 8
août 1793, in CHALINE, Jean-Pierre, Sociabilité et
érudition les sociétés savantes en France, Paris,
Éd. C. T. H. S, 1998, p. 39.
42 BERGOT, François, Trésors de
l'Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Rouen,
Bonsecours, Éditions point de vue, 2009, p. 6.
23
Ce décret d'abrogation n'est qu'une étape dans
la longue suite de vives attaques prises au dépend des académies,
qui sont alors l'un des seuls avatars des progrès de l'agriculture, des
sciences et de l'art en région.
C'est à partir du rapport que soumet l'abbé
Grégoire (1750-1831) en 1793 qu'est votée la fermeture des
académies qui portent « encore l'empreinte du despotisme, ou dont
l'organisation heurte l'égalité, [ont] échappé
à la réforme générale »43. Le
reproche majeur de la Convention à l'égard des académies
résulte surtout de l'ancienneté de leurs fondations et de leurs
statuts élitistes voire exclusivement aristocratiques puisque « les
patriotes y sont presque toujours en minorité »44.
Si le discours de Grégoire conduit à la
dissolution des académies, il semble déjà que quelques
mois auparavant en Touraine s'impose un courant qui leur est
réfractaire. Pierre-Louis-Athanase Veau-Delaunay (1751-1814), avocat au
barreau de Tours et deuxième suppléant d'Indre-et-Loire à
la Convention45, présente le 6 février 1793 devant le
Conseil général, un projet allant dans le sens de la fermeture
des académies locales. Peut-être prend-il l'exemple de la
Société Académique d'Écriture, de
Vérification et d'Institution Nationale de Tours affiliée
à celle de Paris46 ? Plus probablement c'est à la
Société Royale d'Agriculture de la
généralité de Tours qu'il s'attaque, puisque
composée de l'élite locale du département : « Cet
établissement ne peut plus subsister chez des hommes libres et
éclairés [...] Gardons-nous de créer une académie
privilégiée quand il s'agit de former une société
républicaine »47. À sa fondation en 1761, le
bureau de la Société d'Agriculture est constitué en effet
de 20 membres titulaires issus essentiellement de la noblesse
d'épée (20%). Les officiers de l'administration (20%) ainsi que
les membres du clergé régulier et séculier (15% chacun)
représentent aussi une part importante de l'effectif de la
société48. Il semble que ces pourcentages
correspondent aux proportions générales des académies de
province49. À l'échelle nationale, les
académiciens sont
43 GRÉGOIRE, Henri (dit Abbé
Grégoire), Ibidem., in AUCOC, Léon, L'Institut de
France et les anciennes académies, Paris, Plon, 1889, p. 3.
44 GRÉGOIRE, Henri (dit Abbé
Grégoire), Ibidem, in LAURENCIN, Michel, « La
Société d'agriculture... », Ibid., p. 95.
45 ROBERT, Adolphe (éd.), BOURLOTON, Edgar
(éd.), COUGNY, Gaston (éd.), Dictionnaire des parlementaires
français, t. V, Paris, Bourloton éditeur, 1891, p. 500.
46 [ANONYME], Almanach royal, Paris, Imp. De
Testu, 1792, p. 515-516.
47 Registre de délibération du
Conseil général, 6 février 1793, Tours, A.M., 1D7, in
LAURENCIN, Michel, « La Société d'agriculture... »,
op. cit., 2010, p. 95.
48 LAURENCIN, Michel, « La Société
d'agriculture... », op. cit., 2010, p. 94.
49 ROCHE, Daniel, op. cit., 1978.
24
des amateurs issus de noblesse récente ou de la
bourgeoisie constituée principalement de professions libérales,
administratives, médicales ou techniques. De fait, la
Société Royale d'Agriculture exclut manifestement de ses rangs
les classes sociales les plus populaires. A priori, les mesures prises lors de
la Convention réduisent à néant la Société
Royale d'Agriculture de la généralité de Tours.
Néanmoins, il semble déjà que dès les
premières années de la Révolution, cette
société subisse de plein fouet des difficultés majeures.
La tenue de sa dernière réunion en décembre 1790 le
confirme50.
b) À l'origine de l'émulation artistique en
Touraine : la création de l'école de dessin et du
musée de Tours
Malgré la disparition des sociétés
savantes et littéraires, les activités artistiques et culturelles
ne sont pas totalement annihilées dans le département
d'Indre-et-Loire. En effet, l'école de dessin poursuit ses
activités tandis que se construit dans le même temps les
fondements du futur musée de Tours. Ces deux entités culturelles
ont un dénominateur commun : Charles-Antoine Rougeot (1740-1797).
Né à Paris vers 1740, ce fils de tapissier
s'installe à Tours où il travaille dans un premier temps
auprès de son oncle, le « Sieur Roussel, archiviste du chapitre de
Saint-Gatien »51. Jusqu'en 1778, Rougeot garde sa fonction
d'archiviste comme activité principale, avant d'ouvrir une école
gratuite de dessin dans son atelier de la Belle-Fontaine, situé à
proximité de la cathédrale. L'école se compose en tout et
pour tout d'une « vaste salle, bien éclairée et
chauffée, [présentant] une grande table circulaire et
académique, c'est à dire garnie de bancs, de pupitres et
d'accessoires »52. Là, il reçoit trois fois par
semaine entre une quarantaine et une soixantaine de jeunes artistes.
Aujourd'hui les années de formation de ce professeur de dessin sont
inconnues, malgré plusieurs études dont certaines sont
relativement récentes53. Il est probable qu'il reçoit
à la fois une formation de maître-tapissier à l'instar de
son père et une
50 VÉDRINE, François, op. cit.,
1993, p. 9.
51 LAURENT, Félix, « Mémoire sur
l'école de dessin de Tours au dix-huitième siècle
d'après les archives de l'hôtel de ville de Tours »,
Réunion des Sociétés Savantes des Beaux-Arts,
volume VIII, Paris, Plon, 1884. p. 394.
52 Procès-verbal de la session du Conseil du
département, 14 nov. 1790, Paris, A.N., cote non mentionnée, in
BÉNÂTRE, Nathalie, op. cit., 1988, p. 14.
53 GILET, Annie, « De l'école de dessin
au musée, histoire d'une collection », in Dessins XVe-XXe
siècle. La collection du musée de Tours, cat. exp. Tours,
Musée des Beaux-Arts de Tours, Tours, imp. Mame, 2001, p. 11-
22.
LAHALLE, Agnès, Les écoles de dessin au
XVIIIe siècle. Entre arts libéraux et arts
mécaniques, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2006, p.
71-72.
25
éducation littéraire comme le suggère son
activité au scriptorium tourangeau54. Il est
possible que Rougeot cherche à imiter les nombreuses écoles de
dessin qui sont ouvertes depuis parfois plusieurs décennies dans
plusieurs villes de françaises telles que Aix (1765), Lyon (1756) ou
Marseille (1752) et même à proximité de Tours, à
l'instar de Poitiers (1771), Nantes (1757) et Le Mans (1759). L'initiative
individuelle de Rougeot constitue incontestablement au dynamisme artistique de
la Touraine, d'autant que son projet est soutenu, seulement un an après
l'ouverture de l'école, par des personnalités influentes de la
ville dont les maires, Michel Banchereau et Benoit de la Grandière
(1733-1805). Dès la fondation de l'école, il semble que Rougeot
destine essentiellement son enseignement à la formation des futurs
ouvriers des manufactures de soieries tourangelles, comme en témoigne sa
lettre à l'intendant de la Généralité de Tours,
François Pierre du Cluzel (1734-1783).
Je crois la ville de Tours plus susceptible que beaucoup
d'autres, d'une école gratuite de dessin, non seulement pour
[l'utilité] de différents artisans qui peuvent en profiter, mais
encore pour y former des dessinateurs dans la fabrique des étoffes de
soye55.
La production de la soie participe activement à
l'économie générale de la ville. En effet, Tours
développe cette activité depuis la fin des années 1470,
soit près d'un demi siècle « avant que ne se créent
à Lyon, les premiers ateliers de fabrication de la soie
»56. Devenu école académique de peinture,
sculpture, architecture et arts analogues en 1781, l'atelier de Rougeot ne peut
que profiter aux « dessinateurs qui seront formés dans cette
école pour le goût particulier des ouvrages de cette manufacture
» comme l'écrit du Cluzel au comte d'Angiviller le 3 avril
178057. Si en tant que directeur-perpétuel Rougeot continue
l'enseignement de la figure, il confie à ses collaborateurs
l'instruction de l'ornementation et de la fleur, de l'architecture et de la
géométrie, ainsi que de la coupe de la pierre, matières
propres au développement des arts industriels de la région.
Si depuis 1778 les soyeux de la ville participent à la
remise des récompenses destinés aux ouvriers et aux
élèves de l'école, en 1782, une « classe d'amateurs
» concourt à la prospérité et
54 MILLET, Audrey, « Charles-Antoine Rougeot
et Jean-Jacques Raverot : itinéraire d'une famille au sein des
écoles de dessin de Tours (1776-1826) », in ENFERT, Renaud d',
FONTENEAU, Virginie, Espace de l'enseignement scientifique et technique.
Acteurs, savoirs, institutions XVIIe-XXe siècles, Paris,
Hermann, 2011, p. 110.
55 ROUGEOT, Charles-Antoine : Lettre
adressée à l'intendant de la Généralité de
Tours François Pierre du Cluzel, 31 juillet 1780, Tours, A.D.,
série C 348 in GILET, Annie, op. cit., 2001, p. 12.
56 COUDOUIN, André, « L'âge d'or
de la soierie à Tours 1470-1550 », in Annales de Bretagne et
des Pays de l'Ouest, Vol. 88, n° 1, 1981, p. 43.
57 DU CLUZEL, François-Pierre : Lettre
adressée au directeur des bâtiments du roi le comte d'Angiviller,
3 avril 1780, Tours, A.D., série C 348, in GILET, Annie, op.
cit., 2001, p. 13.
26
à l'émulation de l'établissement de
Rougeot. Ainsi, chacun des membres contribuent à hauteur de 12 livres
à la « distribution de prix, de modèles, d'instruments et
d'outils aux élèves, propres aux états qu'ils exercent
»58. Les protagonistes les plus influents de la localité
y sont associés à l'exemple « du duc et de la duchesse de
Choiseul, de l'intendant du Cluzel, de son S. A. S. Mgr le duc de
Penthière, de Mgr l'archevêque de Tours, de M. le comte d'Estaing,
de M. le duc de Luynes, Messieurs de l'église de Tours et de
l'église de Saint-Martin, l'abbaye royale de Marmoutier, le Corps de la
manufacture, celui des orfèvres »59. Si la bienveillance
de ces amateurs pour les élèves de l'école de dessin
apparaît comme une action philanthropique, elle n'est à
l'évidence pas entièrement désintéressée.
Figurer sur cette liste est en effet gage de distinction sociale. La
Révolution ne paraît pas mettre à mal le concours de la
classe d'amateurs, bien que son action diminue déjà notablement
l'année suivant sa création, en raison des décès
d'un certain nombre de personnages figurant parmi les plus importants, comme
l'intendant du Cluzel.
Si de la Révolution découle le terme «
vandalisme », elle conduit également à la notion de
conservation du patrimoine. La loi du 16 septembre 1792, portant sur la
sauvegarde des objets d'art provenant des maisons royales et des
édifices nationaux, est à l'origine de la création d'un
certain nombre de musées dont celui de Tours, qui doit beaucoup à
l'initiative de Rougeot 60 . La publication, le 6 octobre 1792, d'un
arrêté départemental disposant du recensement des monuments
des sciences et des arts, conduit Charles-Antoine Rougeot et son gendre
Jean-Jacques Raverot (1760-1842), peintre en miniature, à établir
les premiers inventaires des oeuvres saisies susceptibles de constituer les
premières collections du musée de Tours. Dans un premier temps
les oeuvres sont conservées dans un dépôt avant de les
présenter officiellement au public à partir de 1795. À son
ouverture les tensions de la Révolution sont encore palpables, comme le
fait remarquer l'un des membres du Conseil général
révolutionnaire de la commune de Tours :
Quelques citoyens trouvoient mauvais qu'on exposa dans les
musées des tableaux et autres monuments des arts, portant des signes de
royauté et de féodalité, ou qui représentoient des
sujets
58 ROUGEOT, Charles-Antoine : Lettre au Conseil de
la Compagnie, 19 juillet 1782, in LAURENT, Félix, « Mémoire
sur l'école... », op. cit., 1884, p. 397.
59 [ANONYME], École gratuite et
académique de dessin et arts analogues établie dans la ville de
Tours, Prospectus pour la formation d'une Classe d'Amateurs de ladite
École, Tours, imprimerie F. Vauquer-Lambert, 1782.
60 BÉNÂTRE, Nathalie, op.cit.,
1988, p. 15.
27
relatifs à la religion Romaine [É] Même on
avoit entendu quelques militaires menacer de couper à coup de sabre
certains tableaux s'ils les retrouvoient exposés à vue
»61.
Le zèle révolutionnaire est toujours bien
présent lorsque le musée s'installe dans une partie de
l'Archevêché, tout comme l'École Centrale, la
bibliothèque, et l'école de dessin. Toutefois, il semble que ses
collections sont dans un premier temps des outils propres à
l'enseignement pour les jeunes artistes de la ville. Son ouverture relativement
précoce témoigne cependant de la fertilité du terreau
artistique tourangeau, bien que son développement se fasse davantage
durant la première moitié du XIXe siècle. Si la
fermeture des académies tourangelles est une brèche dans le
développement des arts en Touraine, la continuité des
activités de l'école de dessin et la création du
musée résultent au contraire d'une volonté d'encourager
les activités artistiques.
B. 1798-1835 : la renaissance des sociétés
académiques locales
Du décret relatif à la suppression des
académies en date du 8 août 1793 émane un caractère
ambivalent. Quand d'un côté est prônée la disparition
de toutes les sociétés savantes, de l'autre la « Convention
nationale charge son comité d'Instruction publique de lui
présenter incessamment un plan d'organisation d'une
Société destinée à l'avancement des sciences et des
arts » en plus d'offrir la possibilité aux citoyens « de se
réunir en sociétés libres, pour contribuer aux
progrès des connaissances humaines » 62 . Ce même paradoxe
semble se constituer également dans le département
d'Indre-et-Loire.
a) La reconstitution des sociétés savantes en
Touraine : un retour en arrière paradoxal lié à
la problématique des réseaux de
sociabilité
La suppression des académies et des
sociétés littéraires en Touraine n'est que de courte
durée. Un certain nombre de protagonistes - dont certains étaient
jadis leurs détracteurs - se regroupent pour former deux
sociétés : la Société des Sciences, Arts et
Belles-Lettres du musée de Tours fondée le 22 janvier 1798 (3
pluviôse an VI) et la Société d'Agriculture, Arts et
Commerces du département d'Indre-et-Loire ouverte le 11 mai 1799 (22
floréal an VIII) par arrêté du préfet Jean-Robert
Graham. Si les deux sociétés sont distinctes, il semble
néanmoins qu'un protagoniste déjà cité leur soit
commun : Pierre-Louis-Athanase Veau-Delaunay. Alors qu'il prône devant le
Conseil général d'Indre-et-Loire peu de temps avant la
Convention
61 Registre du Conseil général
révolutionnaire de la commune de Tours, Tours, A.M., 1D 21, in
BÉNÂTRE, Nathalie, Ibid., p. 17.
62 GRÉGOIRE, Henri (dit Abbé
Grégoire), Décret d'abolition des académies, 8
août 1793, in SIMON, Jules, Une Académie sous le
Directoire, Paris, C. Lévy, 1885, p. 24-25.
28
l'abolition de la Société d'Agriculture «
entachée d'origine monarchique, [il propose] lui-même [de] fonder
à Tours une société savante sur une grande échelle
»63 qui doit « s'établir dans les locaux de
l'Archevêché en même temps que la bibliothèque, le
musée et le jardin botanique »64. En somme, il semble
que la fermeture de la Société Royale d'Agriculture
résulte de l'origine monarchique de sa formation et des membres qui la
constituent. En proposant en effet l'établissement d'une autre
société, qui de surcroît serait installée dans
l'enceinte du musée avec d'autres institutions culturelles,
Veau-Delaunay reconnaît l'intérêt de l'établissement
d'une société académique traitant autant de la
thématique agricole que des sujets scientifiques et artistiques. Ce
fervent républicain s'investit dans la vie de ces sociétés
en remplissant pour chacune la fonction de secrétaire.
Ce sont toujours les élites intellectuelles, politiques
et financières qui participent activement au fonctionnement de ces
associations, puisqu'en effet « rien ne sépare plus les milieux
aisés des plus modestes que les divertissements » 65 comme le
souligne Michel Laurencin. Ainsi se retrouvent par exemple au bureau de la
Société d'Agriculture, Arts et Commerces du département
d'Indre-et-Loire, « le sénateur Clément de Ris, les
négociants Cartier-Roze, Peltereau, Henri Goüin, l'inspecteur Jean
Riffaut Desêtres, fondateur de la poudrerie du Ripault et membre du
Conseil des Anciens »66. La réunion de l'ensemble de ces
personnages témoigne probablement du besoin d'effacer les conflits
d'intérêts passés, mais il est possible également
que les relations maçonniques n'y soient pas étrangères.
Veau-Delaunay est effectivement un franc-maçon de longue date
affilié d'abord à la loge de La Concorde Écossaise tout
comme Henri Goüin (1756-1823), puis à La Parfaite Union, ouverte en
1802, dans laquelle il est orateur67. Le tableau annuel de 1809 des
membres de cette dernière loge prouve le recrutement dans les strates de
l'élite de la bourgeoisie commerçante et industrielle de Tours.
De nombreux membres de La Parfaite Union forment le bureau de ces
sociétés à l'instar de Paul Deslandes (1746-1830),
président de la Société d'Agriculture, Arts et Commerces
du département d'Indre-et-Loire et Jean-Louis Chalmel (1756-1829),
vénérable de la loge entre 1804 et 1805 et président de la
la Société des Sciences, Arts et Belles-Lettres du
63 SOURDEVAL, Charles de, « Notice sur la
Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres du
département d'Indre-et-Loire », Annales de la
Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres du
département d'Indre-et-Loire, t. XXV, Tours, Imp. Mame, 1845, p.
268.
64 Ibidem.
65 LAURENCIN, Michel, La vie quotidienne en
Touraine au temps de Balzac, Paris, Hachette, 1980, p. 268.
66 LAURENCIN, Michel, « La Société
d'agriculture... », op. cit., 2010, p. 97.
67 FÉNÉAN, Jacques, Histoire de la
Franc-maçonnerie en Touraine, Chambray-les-Tours, C.L.D., 1981, p.
7-9.
29
musée de Tours. De ce fait, ces protagonistes
régissent à eux-seuls, autant les affaires culturelles en se
regroupant dans les deux sociétés savantes que l'autorité
politique et économique par leur notabilité, ainsi que les
oeuvres de bienfaisance par leur participation aux activités de La
Parfaite Union.
b) La création de la Société
d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres : un premier pas
vers l'émulation des études historiques et des
arts appliqués en Touraine au XIXe siècle
La séance commune du 29 juillet 1803 fait naitre
l'idée du regroupement de ces deux entités en une
société. L'arrêté préfectoral du 22
décembre 1805 (1er Nivôse An XIV) établit
véritablement leur fusion. Ainsi se déroule le 6 mars 1806, la
première réunion de l'Académie de Tours réunissant
« Monsieur Deslandes, maire de Tours, président de la
Société d'Agriculture, Chalmel, président de la
Société des Sciences, Arts et Belles-Lettres, Veau-Delaunay,
secrétaire de la Société d'Agriculture et
Secrétaire général de la Société des
Sciences, Arts et Belles-Lettres, Godefroy, secrétaire de la
Société d'Agriculture, Dreux, secrétaire
Général de la Société des Sciences, Arts et
Belles-Lettres »68.
Néanmoins, se pose rapidement la question de la
dénomination de l'Académie nouvellement créée. En
effet, jusqu'à ce jour toutes les associations intellectuelles
tourangelles ancêtres de ce regroupement portent le titre de
société et non celui d'académie, bien que les
frontières lexicales soient relativement poreuses comme le
suggère L'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert, qui
associe à l'évidence les deux termes : « Académie,
parmi les Modernes, se prend ordinairement pour une Société ou
Compagnie de Gens de Lettres, établie pour la culture et l'avancement
des Arts ou des Sciences »69. Le 20 mars 1806, est votée
à l'unanimité du bureau de la Société, la demande
d'autorisation de changement de dénomination auprès du Ministre
de l'Intérieur70. L'appellation de Société
d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres du département
d'Indre-et-Loire est adoptée définitivement le 16 mai
180671.
Ce regroupement permet d'apporter une plus grande
cohérence et d'étendre par là-même occasion le champ
d'action72. Malgré le caractère pluridisciplinaire
affiché à travers les emblèmes de la société
(fig. 1) - la faux et la hache représentant l'agriculture, la lyre et le
soleil
68 Registre de délibération de
l'Académie de Tours..., op. cit., f 3.
69 DIDEROT, Denis, ALEMBERT, Jean d',
Encyclopédie, t. I, Paris, 1751, p. 52.
70 Registre de délibération de
l'Académie de Tours..., op. cit., f 5-6.
71 LAURENCIN, Michel, « La Société
d'agriculture... », op. cit., 2010, p. 97.
72 SOURDEVAL, Charles de, op. cit., p.
270.
30
illustrant les sciences et les arts - il paraît
toutefois que les questions agricoles sont toujours au coeur des
préoccupations, tandis que les progrès des sciences et des arts
sont tenus à la marge, comme en témoigne le bref paragraphe de la
« Notice historique » de Charles de Sourdeval (1800-1879)
retraçant les travaux extraordinaires de la section des Arts et
Belles-Lettres73. À l'inverse, l'auteur accorde une
synthèse très détaillée de l'histoire des travaux
de la section agricole74. De surcroît l'essentiel des actions
artistiques de la société se présente sous la forme de
publication de mémoires prenant pour sujet le patrimoine bâti de
Touraine. La parution de « morceaux de littérature et de
poésie »75 vient en complément.
Au confluent de l'industrie, des sciences et des arts, la
Société d'Agriculture encourage la production
manufacturière de soierie en proposant annuellement à partir de
l'année de sa fondation, un concours récompensant les meilleurs
ouvriers. Comme Rougeot vingt ans auparavant, la Société tend
à développer les arts appliqués de la région.
Cependant, elle se distingue de l'encouragement proposé par
l'école de dessin, en gratifiant les fileurs les plus appliqués,
ce qui apparaît comme un complément au prix d'émulation
accordés aux meilleurs dessinateurs. Le soyeux Armand-Noël
Champoiseau (1770-1820) est à l'origine de cette récompense en
présentant son rapport lors de la séance du 3 juillet 1806.
Voulant saisir tous les moyens de maintenir dans ce
département l'art de la filature des soies au degré de perfection
que comportent les soies de ce pays, connues depuis longtemps pour les plus
belles de la France, propose pour les ouvrières qui auront le mieux
filé cette année, dans l'étendue de ce département
les prix suivants [É] pour la double croisade [É] et pour la
simple croisade76.
Cette récompense pécuniaire et honorifique
proposée par la Société d'Agriculture paraît
être dans un premier temps destinée essentiellement aux femmes,
qui représentent à l'évidence la main d'oeuvre la plus
importante « des ouvriers en façonné » dans les
manufactures de soierie. Ainsi lorsqu'en 1820 sont décernés les
prix annuels, la totalité est adressée à des
fileuses77. L'année suivante la société
décide d'élargir les récompenses à l'ensemble des
ouvriers « de plein ou étoffe unie » qui sont alors
majoritairement masculins78.
73 Ibid., p. 280.
74 Ibid., p. 277-278.
75 Ibid., p. 274.
76 Registre de délibération de
l'Académie de Tours..., op. cit., f 11.
77 S.A.S.A.B.L., « Séance publique du 15
avril 1820 », Annales, t. I, Tours, Mame, 1821, p. 82-83.
78 S.A.S.AB.L., « Médailles
d'encouragement aux ouvriers en soie et en draperie », Annales,
t. I, Tours, Mame, 1821, p. 145-146.
31
À l'évidence, la Société
d'Agriculture cherche à maintenir en Touraine la tradition
pluriséculaire du travail de la soie. Néanmoins, il semble que
ses membres aient conscience que la valorisation de l'artisanat régional
est indissociablement liée au développement industriel tout comme
dans d'autres territoires français et européens de la même
époque79. Le prix proposé par la société
semble inciter à étendre l'identité locale à des
échelles plus larges - nationale et internationale - puisqu'en effet,
l'exportation à l'étranger des meilleures productions de soierie
est encore relativement limitée avant 183080. Les expositions
d'art et d'industrie proposées par cette même
société dans les années suivantes, viennent en
complément de ces prix et apportent une plus grande visibilité
à l'ensemble des produits locaux.
C. La naissance et le développement des expositions
artistiques et de la première la Société des Amis des Arts
en Touraine (1835-1841)
Hormis la Société médicale du
département d'Indre-et-Loire et la Société d'Agriculture,
Sciences, Arts et Belles-Lettres, la Touraine ne comprend aucune autre
société savante avant 184081. De surcroît, seule
la Société d'Agriculture porte de l'intérêt à
la thématique artistique, en développant le goût des
recherches scientifiques et les arts appliqués. Pourtant, la
problématique liée à la question des Beaux-Arts occupe une
place relativement modeste dans la société, ce qui semble pousser
l'un de ses membres à formuler auprès du maire de Tours,
Jean-Joseph Febvotte (1770-1853 ; 1832-1835), alors membre honoraire de la
Société d'Agriculture, une demande d'organisation d'une
exposition industrielle et artistique ainsi que la formation d'une
société des Amis des Arts en début de l'année
1835.
a) À l'origine des expositions d'art et d'industrie
tourangelles : l'intervention de Raoul de
CroØ
Propriétaire du château de la Guerche reçu
en dot de son mariage avec Victorine d'Argenson (1804-1880) et membre
associé de la Société d'Agriculture du département
d'Indre-et-Loire, André-Rodolphe, dit Raoul de CroØ (1802-1879),
qui a reçu une formation à la peinture dans les ateliers
parisiens de Pierre-Henri de Valenciennes (1750-1819) et de Pierre-Auguste
Vafflard (1777-1837)82 projette d'établir à Tours une
exposition prenant à l'évidence
79 THIESSE, Anne-Marie, La création des
identités nationales, Paris, Éditions du Seuil, 1999, p.
206.
80 BABONAUX, Yves, « L'industrialisation de Tours
», Annales de Géographie, t. LVII, n°307, 1948, p.
248.
81 [ANONYME], Annuaire historique, statistique
et commercial du département d'Indre et Loire, Tours, Ad. Mame et
Cie, 1825 à 1840, Tours, A.D., IN16°1/22 à 37.
82 BELLIER DE LA CHAVIGNERIE, Émile, AUVRAY,
Louis, Dictionnaire général des artistes de l'École
française depuis l'origine des arts du dessin jusqu'à nos
jours, t. Paris, Librairie Renouard, 1882-1885, p. 323.
32
pour modèle celles « du Louvre ; et celles de
l'industrie [qui] ont amené vingt mille étrangers à Paris
et créé une circulation nouvelle de plus de soixante millions
» (ann. 2.2.1.1)83.
Si le Salon se réunit annuellement au Louvre depuis la
première moitié du XVIIIe siècle, il est au
contraire un événement culturel parisien plus récent qui a
pour but l'encouragement de l'économie nationale : l'exposition des
produits de l'industrie française. La première édition de
cette manifestation se tient au Champs de Mars en 1798, avant de s'ouvrir dans
la Cour carrée du Louvre à partir de 1801, à la demande du
ministre de l'Intérieur Jean-Antoine Chaptal (17561832)84.
À travers l'organisation de cet événement, le gouvernement
cherche manifestement à encourager l'industrie nationale et à
lutter contre la concurrence étrangère, en offrant un panorama
complet des productions des diverses branches de l'industrie
française85. Quelques semaines seulement après la
fermeture de cette exposition, qui propose notamment pour la section artistique
la présentation des chefs-d'oeuvre ramenés d'Italie, est
créée le 2 novembre 1801 (9 Brumaire An X) sous l'impulsion de
Chaptal et la souscription de Napoléon Bonaparte (1769-1821) et du
deuxième consul Jean-Jacques-Régis de Cambacérès
(1753-1824), la Société d'Encouragement pour l'Industrie
Nationale, qui vise « à seconder les progrès des arts utiles
et de propager l'instruction sur tous les objets qui les intéressent
»86. Cette société qui réunit les
élites intellectuelles et scientifiques participe à la
coordination des expositions industrielles qui sont organisées à
rythme quinquennal à partir de 180287.
La proposition de Raoul de CroØ résulte à
l'évidence d'un courant d'émulation national qui prend ses
racines à Paris avant de se diffuser dans l'ensemble des régions
françaises. En effet dans la majorité des chefs-lieux sont
organisées des expositions d'art et d'industrie qui semblent s'inspirer
du modèle parisien. Si « Lyon, Caen, Nantes ont leurs expositions
» 88, plus proche de Tours « Angers suit leur exemple, et
cette dernière ville va même ouvrir
83 CROÙ D'ARGENSON, Raoul de : Lettre
adressée au maire de Tours au sujet de l'établissement d'une
exposition de Beaux-Arts au printemps 1835 et la création d'une
Société des Amis des Arts, 10 février 1835, f° 2,
Tours, A.M., 2 F Boîte 14.
84 ANDIA, Béatrice de (éd.), Les
expositions universelles à Paris de 1855 à 1937, Paris,
Action artistique de la ville de Paris, 2005, p. 11.
85 ALCOUFFE, Daniel (éd.), DION-TENENBAUM,
Anne (éd.), ENNéS, Pierre (éd.), Un âge d'or des
arts décoratifs 1814-1848, cat. exp., Paris, Grand Palais, Paris,
Éditions de la Réunion des musées nationaux, 1991, p.
116.
86 [ANONYME], « Avertissement »,
Bulletin de la Société d'encouragement pour l'industrie
nationale, Paris, Imp. Huzard, 1802, p. 3.
87 BENOIT, Serge (éd.), EMPTOZ,
Gérard (éd.), WORONOFF, Denis (éd.), Encourager
l'innovation en France et en Europe. Autour du bicentenaire de la
Société d'encouragement pour l'industrie nationale, Paris,
CTHS, 2006.
88 [ANONYME], « Tours », Journal
d'Indre-et-Loire, n° 65, 23 avril 1835, p. 1.
33
prochainement une exposition spéciale pour les tableaux
»89. Dès 1825, la ville de Nantes organise par exemple
une première exposition des produits de l'industrie de la
Loire-Inférieure, dont une section est réservée aux
Beaux-Arts90. De cette exposition, les édiles angevins
semblent s'inspirer pour organiser leur exposition de 1835, qui se compose de
quatre sections industrielles et une section de Beaux-Arts proposant à
la fois des tableaux d'histoire, de genre, de paysage ainsi que des
portraits91. Ces expositions régionales se tenant à
proximité de Tours incitent probablement Raoul de CroØ à
lancer l'initiative d'une exposition à Tours. Celui-ci démontre
la fertilité du terreau tourangeau à recevoir une exposition
annuelle des produits des arts et de l'industrie en insistant notamment sur la
présence d'un musée et d'une bibliothèque ainsi que sur la
situation géographique favorable de la ville.
Depuis longtemps, Lyon, Bordeaux, Lille, Valenciennes,
Cambrai, Douai, offrent à des époques rapprochées des
expositions de Beaux-Arts. Pourtant, aucune de ces cités n'est
placée comme le chef-lieu de notre Touraine pour leur servir de
sanctuaire. Ici, le centre de la France, ici un beau et pur ciel, des monuments
historiques et à étudier, à conserver du moins par
souvenir, elles sont quelques unes des raisons qui devront appeler à
Tours, les oeuvres des artistes de la capitale, et exciter l'émulation
de ceux du département92.
S'il démontre la richesse du patrimoine historique de
Touraine, Raoul de CroØ justifie son projet également par la
localisation géographique de Tours. Placé au centre de la France,
la ville jouit effectivement d'une situation géographique qui lui permet
de relier rapidement Paris et les autres régions françaises. Un
service de diligences relie quotidiennement les deux villes à raison de
deux trajets par jour au départ de Tours, tandis qu'au départ de
Paris la liaison est assurée une fois tous les deux jours93.
Aussi, dès les années 1830 Tours réfléchit à
s'équiper d'une voie de chemin de fer qui relie Orléans, puis
Paris. Néanmoins, il faut attendre 1845 pour que s'ouvre cette
première ligne, ainsi que les voies à destination de Bordeaux et
de Nantes. L'apport de ce nouveau moyen de locomotion est
bénéfique, puisque le temps de déplacement
89 Ibidem.
90 BRUNNER, Marie-Ange, « Bibliographie des
expositions de province 1815-1850 », in Gazette des Beaux-Arts,
n°95, 1980, p. 201.
91 Compte-rendu de l'exposition de l'Industrie,
ouverte à Angers à l'hôtel de la Préfecture, le 12
novembre 1835, suivi d'une revue générale de l'exposition de
peinture ouverte à l'hôtel de ville le même jour,
Angers, Launay-Gagnot, 1836, Paris, BnF, V38 137.
92 CROÙ D'ARGENSON, Raoul de, op.
cit..
93 [ANONYME], Annuaire historique, statistique
et commercial du département d'Indre et Loire, op. cit.,
1831, p. 199.
34
entre Tours et Paris est largement réduit. Il passe en
effet de plusieurs jours à une moyenne contenue entre 6h40 et 8
heures94.
La tenue d'une exposition des produits des Beaux-Arts et de
l'industrie apporterait à n'en pas douter selon le comte de CroØ,
une émulation dans la ville et dans l'ensemble du département,
ainsi que dans les régions limitrophes. Le projet très concret de
ce dernier témoigne de son investissement. Il propose
l'établissement d'une exposition au printemps de l'année 1835
dans les salles du rez-de-chaussée et du second étage du
musée - ouvert seulement sept ans auparavant 95 - et la création
d'une société des Amis des Arts. Toutes deux permettraient de
perfectionner l'éducation populaire, d'entretenir et développer
les relations entre Paris et la province et d'enrichir par le biais d'une
loterie le musée de Tours.
Ce peintre et écrivain dont le réseau est
très développé à Paris, en raison des
différents articles qu'il publie notamment dans les revues artistiques
telle que L'Artiste, justifie ces propos en donnant des exemples
précis des manifestations organisées auparavant dans toute la
France et particulièrement dans les régions septentrionales. Il
semble avoir réuni un nombre important de documents relatifs aux
expositions annuelles de Cambrai, à l'instar des statuts et des
arrêtés municipaux qu'il transmet au maire de Tours le 23 avril
1835 (ann. 2.2.1.4)96. Il n'est pas étonnant que le comte de
CroØ insiste longuement sur les actions des sociétés du
nord de la France. En effet, il est né à Amiens et entretient
probablement des liens avec sa région natale, ce qui facilite sa
correspondance avec les sociétés du nord de la France.
b) Entre enthousiasme et perplexité : la
réception du projet de Raoul de CroØ
Le projet du comte de CroØ est présenté
une première fois devant le Conseil municipal à la séance
du 11 février 1835. L'examen de cette proposition est
délégué à une commission composée de «
MM. Blain, Julien, Meffre, Champoiseau, Tonnellé, Lange et Walwein
» (ann. 2.7.1.1)97 à laquelle s'ajoute Raoul de
CroØ (ann. 2.2.1.3)98. Cette commission formée de
protagonistes de diverses professions - architecte, négociant, avocat,
médecin - et faisant partie pour l'essentiel de la Société
d'Agriculture, semble reconnaître l'intérêt de
l'organisation d'une
94 LAURENCIN, Michel, « La Société
d'Agriculture... », op. cit., 2010, p. 235.
95 BENÂTRE, Nathalie, op.
cit., 1988, p. 45.
96 Préfecture d'Indre-et-Loire : Lettre au
maire de Tours au sujet de l'organisation de l'exposition de l'industrie de
1835, 23 avril 1835, Tours, A.M., 2 F Boîte 14.
97 Registre des délibérations du
Conseil municipal de la Ville de Tours. Séance du 11 février
1835, f6, Tours, A.M., 1D 53.
98 Registre des délibérations du
Conseil municipal de la Ville de Tours. Séance du 1er avril
1835 au sujet de l'établissement dans la ville d'une exposition d'objets
d'art et d'industrie, Tours, A.M., 1D 53.
35
telle exposition et de la formation à Tours d'une
société des Amis des Arts dans le rapport qu'elle présente
le 1er avril 1835 (ann. 2.2.1.3)99. Le Conseil municipal
paraît approuver la démarche, les efforts et
l'intérêt du projet du comte de CroØ. Néanmoins, il
lui est nécessaire de répondre avant toute prise de
décision aux questions suivantes : « L'exposition est-elle possible
? Offre-t-elle quelques intérêts ? Enfin quels sont les moyens de
l'établir ? »100 (ann. 2.2.1.3).
Comme le font remarquer les membres du Conseil municipal,
Tours ne peut tenir la comparaison aux expositions parisiennes, ce qui
semble-t-il, les fait douter des capacités de la ville à
organiser une exposition qui ne « s'élèverait pas [en] Bazar
à la cupidité de quelques étrangers, plutôt qu'en
temple aux arts et à l'industrie »101 (ann. 2.2.1.3). En
effet, les industries et les artistes sont moins nombreux dans le centre de la
France, ce qui pousse le Conseil à se demander si les ressources
matérielles nécessaires à la constitution d'une exposition
sont assez importantes et dignes d'intérêt. Pour autant, le
Conseil municipal semble confiant en envisageant à plus long terme un
développement de l'économie et des richesses de Tours, en raison
de la visibilité apportée par l'exposition. Il projette de
surcroît l'ajout d'une section horticole aux futures expositions.
Si les vertus d'une exposition ne sont pas contestées,
les « voies et moyens propres à la réalisation du projet
» sont cependant fortement discutés. Le budget représente la
problématique majeure dans l'organisation des futures expositions
tourangelles. En effet entre les propositions de Raoul de CroØ et le
projet de la municipalité apparaissent des différences
importantes de budget, ce qui induit la commission à penser « que
l'auteur de l'exposé s'est fait quelques illusions sur le chiffre des
dépenses nécessaires à un pareil établissement. Ces
dépenses portent sur l'appropriation d'un local, les frais de transport
des objets d'art ou d'industrie, les récompenses, les achats
»102 (ann. 2.2.1.3). Dans son rapport adressé à
la commission d'étude du projet, Raoul de CroØ ne compte en effet
aucune dépense pour la mise à disposition et la réfection
du local du musée, tandis que la municipalité envisage des
travaux qui représentent à l'évidence des dépenses
pour la ville (Ill. 1). Aussi, le projet initial ne prévoit qu'une somme
de 200 francs pour l'entretien et la conservation des tableaux, tandis que le
Conseil municipal prévoit au minimum une dépense de 500 francs.
Si les deux partis sont sensiblement d'accord
99 Ibidem.
100 Ibid, f 23.
101 Ibidem.
102 Ibid, f 24.
36
sur la somme nécessaire à consacrer aux
récompenses, ils divergent quant au coût du transport. En effet,
Raoul de CroØ propose l'établissement d'un contrat avec une
maison de roulage, telle que la firme Bricard qui oeuvre au transport des
tableaux en provenance de Paris pour les expositions du nord de la France, qui
s'élèverait à 800 francs (ann. 2.2.1.2). La
municipalité quant à elle, refuse toute prise en charge du
transport des oeuvres d'art et des produits industriels. Les achats pour le
musée proposés sous la forme de loterie, représentent un
coût de 2 000 francs dont les deux parties sont d'accord. Cependant la
municipalité tourangelle n'envisage pas de prendre en charge la
totalité des dépenses nécessaires à l'organisation
de l'exposition et propose l'établissement d'une subvention commune avec
le Conseil départemental. De fait Raoul de CroØ démontre
que les bénéfices résultant de la vente des billets de
loterie, des catalogues de l'exposition et de la cotisation des membres
fondateurs de la future société des Amis des Arts, permettraient
de réduire considérablement le coût de l'exposition (Ill.
2). Ainsi, outre le fait de participer aux choix des objets exposés, la
société des Amis des Arts projetée par le comte de
CroØ a aussi une fonction économique, dont le but est de
réduire par la somme des adhésions le coût de l'exposition
d'art et d'industrie.
Le Conseil municipal semble séduit par l'organisation
d'une telle exposition à Tours et reconnaît son utilité. Il
adopte de suite un projet d'organisation d'une exposition devant s'ouvrir la
même année du 10 mai au 10 juin dans les salles vacantes du
musée103 (ann. 2.2.1.3). Néanmoins cette entreprise
quelque peu précipitée n'aboutit pas et le projet est
discuté de nouveau le 25 mai 1835.
Certains membres du Conseil municipal paraissent pessimistes
en supposant que « Paris doit toujours attirer de la province tout ce
qu'il y a de beau, que les artistes et les industriels du département
seront les premiers à déserter l'exposition de Tours » (ann.
2.7.1.2)104. De ces propos résulte une forme de
dévalorisation issues des rapports difficiles entretenus entre Paris et
la province. Un autre membre du Conseil municipal admettant le climat «
parisiano-centré » des affaires culturelles de l'époque,
montre à l'inverse que « les provinces doivent lutter contre cette
tendance de la capitale à attirer tout à elle
»105. Cela l'incite à se porter favorable à
l'organisation d'une exposition à Tours.
103 Ibid, f 25.
104 Registre des délibérations du Conseil
municipal de la Ville de Tours. Séance du 25 mai 1835 : Discussion
autour de l'établissement d'une exposition des arts et de l'industrie,
1D53, f31, Tours, A.M., 1D 53.
105 Ibidem.
37
c) L'aboutissement de la création de la
première exposition artistique et de la
première Société des Amis des Arts à Tours.
La proposition du comte de CroØ semble recueillir
l'adhésion de la population tourangelle, comme en témoigne les
propos de ce rédacteur du Journal d'Indre-et-Loire qui se
félicite « de voir [Tours] entrer dans cette voie du progrès
et de l'émulation »106. Pour autant la
réalisation de ce projet est retardée, en raison des avis
contraires des membres du Conseil municipal et de l'élection du nouveau
maire de Tours. Depuis le 20 juillet 1835, Jean-Joseph Febvotte a laissé
à Auguste Walwein sa place de maire de la ville. Si Walwein figure
dès le 11 février 1835 parmi les membres de la commission
d'examen du projet d'organisation d'une exposition d'art et d'industrie et de
création d'une société des Amis des Arts, il est probable
qu'à l'heure de son investiture cette entreprise ne soit pas une
priorité. Néanmoins, Auguste Walwein semble témoigner de
l'intérêt à ce projet en récoltant un certain nombre
de documents relatifs aux expositions provinciales, auprès de ses
confrères dont les villes accueillent des manifestations artistiques
organisées par des sociétés locales107. Ainsi,
les statuts des sociétés savantes et les différents
arrêtés municipaux pris au sujet des expositions
départementales et fournis par les maires de Rouen et d'Amiens
notamment, sont à l'évidence des sources d'inspiration pour la
constitution des futures expositions des Beaux-Arts à Tours.
Si toutefois une exposition d'horticulture est ouverte dans la
grande salle du musée du 22 au 25 juillet 1838, suite à la
demande des jardiniers de la ville108, il semble au contraire
qu'aucune exposition artistique ne voit jour avant 1841 à Tours,
malgré les relances émises par la Société
d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres du département
d'Indre-et-Loire depuis 1837109. La Société
d'Agriculture incite en effet le maire tourangeau à considérer
très sérieusement la proposition du comte de CroØ
présentée quatre ans auparavant. Ainsi la société
insiste sur la nécessité de soutenir les manufactures locales -
de soie en l'occurrence -, puisque
106 [ANONYME], « Tours », Journal
d'Indre-et-Loire, n 65, 23 avril 1835, p. 1.
107 Mairie d'Amiens : Lettre adressée au maire de Tours
au sujet des sociétés des amis des arts de la ville d'Amiens et
de l'Exposition des produits des arts libéraux et d'horticulture du
département de la Somme, 17 mars 1836, Tours, A.M., 2 F boîte
14.
Mairie de Rouen : Lettre adressée au maire de Tours au
sujet des expositions des produits des arts et de l'industrie organisées
dans le département de la Seine-Inférieure, 16 décembre
1835, Tours, A.M., 2 F boîte 14.
108 Jardiniers de Tours : Lettre adressée au maire de
Tours au sujet d'une demande d'exposition d'horticulture, 24 juin 1838, Tours,
A.M., 2 F boîte 14.
Programme de l'exposition d'horticulture qui aura lieu
à Tours, dans la grande salle du musée le 22 juillet 1838, Tours,
A.M., 2 F boîte 14.
109 Registre des délibérations du Conseil
municipal de la Ville de Tours. Séance du 28 août 1837 :
Exposition des produits des arts et de l'industrie, projet
d'établissement, f30. Tours, A.M., 1D 55.
38
« nulle part le département d'Indre-et-Loire
[n'est] cité comme pays manufacturier » 110 (ann. 2.2.3.3). Les
arts appliqués sont une préoccupation récurrente pour la
Société d'Agriculture tourangelle. De fait, elle est soutenue par
la Chambre de commerce de Tours à partir de 1840 pour l'organisation
d'une exposition industrielle (ann. 2.2.4.1)111. Le concours de
cette instance publique semble apporter à l'initiative individuelle de
la Société d'Agriculture en général et du comte de
CroØ en particulier, une légitimité auprès de la
ville. Dès lors, la Chambre de commerce, le Conseil municipal, le
Conseil général et la Société d'Agriculture se
regroupent officiellement à partir du 20 octobre 1840 pour former une
commission spéciale chargée de l'organisation de l'exposition de
mai 1841112(ann. 2.2.4.3).
Une commission spéciale des Beaux-Arts a
été formée au sein de la commission générale
chargée d'organiser l'exposition qui doit s'ouvrir à Tours le 10
mai prochain. Cette commission a reconnu que la création d'une
Société des Amis des Arts seconderait puissamment ses efforts, et
permettrait de conserver à Tours quelques-uns des ouvrages
exposés. Une première liste des souscriptions a
déjà réuni de nombreuses signatures; chacun s'empressera
sans doute de s'associer à cette pensée113.
Ce n'est que quelques semaines seulement avant l'ouverture de
l'exposition qu'est formée la première Société des
Amis des Arts tourangelle dont le président est sans surprise Raoul de
CroØ. Le secrétariat de la société est
assuré par le peintre et professeur de dessin Jacques Victor Jacquinet
qui expose à trois reprises au Salon entre 1833 et 1838. Le bureau est
complété par la présence du notaire Emmanuel Chambert, du
colonel d'artillerie à la retraite Joseph-Félix Le Blanc de La
Combe, de l'ancien maire de Tours Jean-Joseph Febvotte, de l'architecte Charles
Jacquemin, de l'imprimeur et homme politique Ernest Mame (1805-1883), du maire
Auguste Walwein et de M. Navarre dont la profession est aujourd'hui
inconnue114. En grande majorité, ces artistes et amateurs
sont également membres de la Société d'Agriculture, mais
aussi collectionneurs d'art vivant, à l'instar de La Combe qui
s'intéresse particulièrement à l'oeuvre lithographique de
Nicolas-Toussaint Charlet (1792-1845) et qui entretient de
110 S.A.S.A.B.L. : Lettre au maire de Tours au sujet de
l'organisation d'une exposition, 31 juillet 1839, Tours, A.M., 2 F boîte
14.
111 S.A.S.A.B.L : Lettre au maire de Tours au sujet de
l'organisation d'une exposition d'arts et d'industries, 11 avril 1840, Tours,
A.M., 2 F boîte 14.
112 Président de la chambre de commerce de Tours :
Lettre au maire de Tours au sujet de la mise en place d'une commission
spéciale entre la société d'agriculture, la chambre de
commerce et le conseil municipal, 20 octobre 1840, Tours, A.M., 2 F boîte
14.
113 [ANONYME], « Société des Amis des Arts
à Tours », Journal d'Indre-et-Loire, n° 50, 9 avril
1841, p. 1.
114 Ibidem.
39
nombreux liens avec les artistes parisiens115. Si
les relations avec les artistes apportent à La Combe une
légitimité particulière en tant qu'amateur à
l'instar du peintre Raoul de CroØ, qui expose une première fois
au Salon en 1824116, tous ont à l'évidence un
réseau de sociabilité important à Tours, leur permettant
de recueillir aisément des souscriptions pour la Société
des Amis des Arts. Cette association a pour but de favoriser le
développement artistique en Touraine, en procédant notamment
à l'achat d'oeuvres d'art.
L'action de cette société est attestée
par la presse en 1841117. Cependant, hormis la mention d'une
Société des Amis des Arts à Tours en 1846 dans une liste
publiée dans L'Artiste118, le
dépouillement des journaux des années suivantes ne permet pas de
retracer à plus long terme l'existence de cette société,
d'autant qu'elle ne semble pas soumise à des statuts juridiques
particuliers, en raison de son affiliation à la commission en charge de
l'organisation de l'exposition. Aussi, il faut remarquer que cette
dernière n'est à aucun moment mentionnée dans les
annuaires du département. En somme, les origines de la première
exposition artistique et de la première Société des Amis
des Arts de Tours sont indissociablement liées. La formation de ces deux
entités est une première étape dans la popularisation et
l'encouragement de l'art dans le département d'Indre-et-Loire.
II) De 1840 au début du XXe siècle
: la fondation et la renaissance des sociétés les plus actives
pour le développement des arts dans le département
d'Indre-et-Loire
A. La Touraine vers le milieu du XIXe siècle : un
terreau fertile pour la formation de sociétés savantes et
d'encouragement aux Beaux-Arts
Si dès la première moitié du
XIXe siècle, les initiatives individuelles soutenues par les
instances publiques contribuent dans une certaine mesure à
l'encouragement des arts en province, il semble que durant la seconde
moitié de ce siècle, un vent nouveau souffle sur les
115 LANGLOIS, Brice, Joseph-Félix Le Blanc de La
Combe, collectionneur tourangeau, mémoire d'histoire de l'art
contemporain de master 1, sous la direction de France Nerlich,
Université François-Rabelais de Tours, 2016.
116 [ANONYME], Explication des ouvrages de peinture,
sculpture, gravure, lithographie, et architecture des artistes vivans,
exposés au musée royal des arts, le 25 août 1824,
Paris, C. Ballard, 1824, n° 390-391 :
http://salons.musee-orsay.fr/index/exposant/62842
consulté le 28/03/2017.
117 Ibidem.
[ANONYME], « Tours. Tirage de la loterie des Amis des
Arts », Journal d'Indre-et-Loire, n° 75, 23 mai 1841, p.
2.
[ANONYME], « Société des Amis des Arts
à Tours », Journal d'Indre-et-Loire, n° 49, 10 avril
1841, p. 1.
118 ARNAUD, Camille d', « Beaux-Arts »,
L'Artiste, t. VII, 4ème série, 1846, p.
208.
40
affaires culturelles des départements, en raison de la
multiplication des associations artistiques encouragée par les
différentes administrations municipales et nationales depuis 1840. La
délégation des affaires culturelles par l'État à
ces groupes « d'amateurs intelligents, actifs et riches » invite
à une décentralisation artistique « pacifique » comme
le souligne Philippe Burty (1830-1890) dans son article consacré
à l'exposition de la Société des Amis des Arts de Bordeaux
en 1865119. En Touraine les sociétés d'encouragement
aux Beaux-Arts semblent suivre la même voie. C'est dans les
décennies 1840-1850 que naissent un certain nombre de
sociétés plus ou moins investies dans le développement de
l'art vivant et dont les périodes d'activité sont
extrêmement variables. De fait, ces associations proposent une
diversité de manifestations dans un but commun : celui de propager le
goût des arts et des études historiques sur le territoire
tourangeau.
a) La Société Archéologique comme
moteur des activités de recherches scientifiques et de
popularisation de l'art en Touraine par le biais d'expositions
Fondée en 1840 à la suite du regroupement de
l'abbé Manceau (1805-1855), de Noël Champoiseau (1795-1859),
d'Henri Goüin (1782-1861) et d'Alexandre Giraudet, tous membres par
ailleurs de la Société française pour la conservation des
monuments historiques créée en 1834 à l'initiative
d'Arcisse de Caumont (1801-1873) (2.1.1), la Société
Archéologique de Touraine est autorisée officiellement le 18
octobre 1840 par décision ministérielle120. Dans un
premier temps il semble que sa formation résulte de l'association de
membres de la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et
Belles-Lettres du département d'Indre-et-Loire « jaloux d'imprimer
plus d'activité à ceux qui ont pour objet la science
archéologique »121.
Émanée en quelque sorte de votre sein, puisque
l'on y compte un grand nombre de vos collègues, cette
Société ne pourra qu'agir de concert avec vous en tout ce qui se
rapporte à la science qu'elle cultive, et ce sera pour vous, en quelque
sorte, une section d'archéologie, comme vous en avez une aujourd'hui
d'horticulture122.
Comme le laisse sous-entendre le
secrétaire-perpétuel Chauveau, la Société
Archéologique est issue de la Société d'Agriculture. Les
deux associations ne sont donc pas concurrentes. Dans les faits, il est
possible de remarquer à partir des listes des sociétaires
119 BURTY, Philippe, « L'Exposition de Bordeaux »,
Gazette des Beaux-Arts, t. XVIII, Paris, mai 1865, p. 465.
120 S.A.T., « Statuts de la Société
Archéologique de Touraine », Mémoires, t. I, Tours,
Imp. Mame, 1842, p. 17.
121 S.A.S.A.B.L., « Rapport de M. le secrétaire
perpétuel », Annales, t. XX, Tours, Imp. Mame, 1840, p.
234.
122 Ibid, p. 235.
41
publiées dans les Annuaires du département
d'Indre-et-Loire en 1840 et 1845, que presque tous les membres du bureau
de la Société Archéologique participent aux
activités de la Société d'Agriculture, à
l'exception de l'abbé Manceau et de l'imprimeur Jean-François
Ladevèze123. La Société Archéologique de
Touraine est « instituée dans le but de propager le goût des
connaissances archéologiques, d'appeler un plus grand nombre de
personnes à l'étude et à la recherche de nos richesses
monumentales et numismatiques, et de les intéresser à leur
conservation »124. Ainsi ses membres contribuent à la
publication d'un certain nombre d'études sur l'histoire et le patrimoine
bâti de Touraine dans les Annales éditées à
partir de 1842.
Pour autant la Société Archéologique ne
se contente pas uniquement de fournir des études monumentales. Elle vise
aussi à développer dans une certaine mesure, le goût des
arts chez ses concitoyens. Une commission est formée au sein de la
société dès 1841 pour réfléchir à
l'organisation d'une exposition d'objets d'art. Alfred Laurent, imprimeur
tourangeau, communique les décisions de la commission dans un rapport lu
à la séance du 29 décembre 1841. La Société
Archéologique semble prendre en exemple l'exposition organisée la
même année par le concours de la Société
d'Agriculture et de la Société des Amis des Arts. Cette
exposition artistique reçoit en effet une réception encourageante
et suscite l'enthousiasme de la commission en charge de l'exposition de la
jeune Société Archéologique de Touraine qui reconnait que
« la solennité de 1841 fera époque dans [les] annales
»125. À l'évidence la commission s'appuie sur le
compte-rendu que publie Alfred Laurent sur l'exposition de
1841126.
Pour son exposition, la Société
Archéologique paraît emprunter les mêmes voies
d'organisation qu'ont choisi la Société des Amis des Arts et la
Société d'Agriculture. Elle propose « de nommer
immédiatement une commission spéciale et permanente, choisie [en
son] sein [É] à laquelle seraient adjoints des membres du Conseil
municipal de Tours, des membres du Conseil général
d'Indre-et-Loire, et, au besoin, plusieurs personnes étrangères
à la Société, lesquelles seraient choisies parmi les
propriétaires des plus belles collections dans les
123 [ANONYME], « Sociétés savantes »,
Annuaire..., op. cit., 1840 et 1845, p. 187-189 et p.
193-196.
124 S.A.T., « Statuts de la Société
Archéologique de Touraine », op. cit., p. 17.
125 LAURENT, Alfred, Anonyme, « Rapport lu dans la
séance du 29 décembre 1841 au nom de la commission chargée
d'examiner le projet d'une exhibition d'objets d'arts antiques, dans la ville
de Tours », Mémoire de la Société
Archéologique, t. 1, 1842, p. 189.
126 LAURENT, Alfred, Compte-rendu de l'exposition publique
des produits de l'industrie, des arts et de l'horticulture, qui a eu lieu
à Tours, Paris, 1841.
42
départements appelés à concourir
»127. Ainsi se réunissent pour l'organisation de
l'exposition : Louis Boilleau, conservateur du cabinet archéologique,
Boilleau fils, Gaëtan Cathelineau (1787-1859), peintre, Devouge, Henri
Goüin fils (1782-1861), banquier, Gustave Guérin (1814-1881),
architecte diocésain, Charles Guyot, ancien capitaine au corps royal
d'artillerie, André Jeuffrain-Delaveau, Joseph-Félix Le Blanc de
La Combe, Alfred Laurent, Julien-Léopold Lobin (1814-1862), peintre,
Victor Luzarche, imprimeur, Ernest Mame, imprimeur, Jean-Baptiste Noriet,
sculpteur, Jean-Jacques Raverot, conservateur du musée,
Rouillé-Courbe, écrivain, Charles-Gabriel Roux, avocat, et M.
Smith dont le titre et la profession sont inconnus128. Ce sont donc
les élites intellectuelles et les artistes de la ville qui s'engagent
dans l'organisation de la future exposition.
Si la Société Archéologique envisage
d'ouvrir une exposition d'objets d'art « antiques », il ne faut
à l'évidence pas l'entendre au sens contemporain du terme. «
Antique » ne désigne pas la période chronologique mais
plutôt l'activité de « l'antiquaire » qui «
recueille, collectionne des objets provenant des anciens »129.
Si à l'heure de la conception, la Société
Archéologique privilégie une exposition rétrospective
composée « de tableaux des écoles anciennes [É] de
dessins, de manuscrits illustrés, de gravures antérieures au
siècle de Louis XV, de sculptures antiques de toute matières et
de toutes formes, de meubles ciselés, sculptés ou peints, de
vases historiés, d'émaux, de cuivres peints, de vitraux, de
riches collections de médailles »130, il semble qu'au
moment de l'exécution, elle élargisse aux oeuvres des artistes
vivants, en raison des différents prêts des collectionneurs et
participation des artistes. Ainsi, la collection d'oeuvres contemporaines du
colonel de La Combe est exposée en 1847 lors de la XVe
session du Congrès scientifique.
M. de Lacombe a mis à la disposition de la commission,
avec le plus généreux empressement, sa superbe collection de
dessins et d'aquarelles qui, à elle seule, pourrait former une
exposition remarquable ; aussi la commission compte-t-elle mettre à la
disposition de M. de Lacombe tout un côté du choeur des Minimes ;
les nombreux croquis de Charlet, de Géricault, qui seront ainsi
groupés, seront très certainement l'une des choses les plus
curieuses de l'exposition131.
127 Ibid., p. 193.
128 S.A.T., « Exposition de tableaux et d'objets d'art
anciens dans la ville de Tours », Mémoire, t. III, Tours,
Lecasna et Alfred Laurent, 1847, p. 283.
129 LAROUSSE, Pierre (éd.), Grand dictionnaire
universel du XIXe siècle, t. I, Paris, Larousse, 1866, p. 452.
130 LAURENT, Alfred, op. cit., 1842, p. 191.
131 [ANONYME], « Tours », Journal
d'Indre-et-Loire, n°108, 8 août 1847, p. 2.
43
Il n'est pas surprenant que Joseph-Félix Le Blanc de La
Combe soit convié à l'organisation de cette exposition en
prêtant une partie de sa collection, qui de surcroît semble mise en
valeur dans la chapelle des Minimes, en lui accordant tout un côté
du choeur. En effet, à cette époque la réputation de La
Combe en tant que grand collectionneur n'est plus à faire auprès
des autres amateurs qu'il fréquente, tels que les membres des familles
Mame, Goüin et Roux qui prêtent aussi pour l'exposition de 1847 un
certain nombre d'oeuvres dont des tableaux de Nicolas de Largillière
(1656-1746) et de Jean-Baptiste Greuze (1755-1805)132. De
surcroît des artistes vivants à l'instar de Gaëtan
Cathelineau participent à cette exposition, en présentant
notamment un double portrait d'un Garçon et d'une jeune fille
(fig. 2) et un Ecce Homo (fig. 3), présent déjà
en 1841 à l'exposition de la Société des Amis des Arts.
La Société Archéologique de Touraine par
l'intermédiaire de son exposition s'efforce « d'initier le peuple
au labeur des hommes d'intelligence et de lui apprendre que les travaux les
plus rudes ne sont pas ceux qui sont purement manuels [puisqu'il] est bien
qu'il comprenne par combien d'études le peintre célèbre a
dû passer avant de produire des chefs-d'oeuvre »133. Elle
entend de fait mettre en lumière les travaux artistiques des
contemporains aux yeux de l'ensemble de la population tourangelle dont les
classes les plus modestes.
À sa création la Société
Archéologique n'est pas destinée à démocratiser les
savoirs artistiques. Pourtant en organisant une exposition en 1847, la
société s'emploie à développer le goût des
arts chez ses concitoyens. Il faut attendre le dernier quart du XIXe
siècle pour qu'elle participe régulièrement à
l'organisation d'expositions exclusivement rétrospectives, à
l'exemple des expositions de 1873134, 1887135 et
1890136.
b) Des sociétés d'émulation artistiques
confidentielles : le cas du Cercle des Beaux-Arts de
la Ville de Tours et de la Société des Amis des
Arts de Touraine
Aujourd'hui la Société Archéologique de
Touraine continue son entreprise et s'apprête à entrer dans sa
cent soixante-dix-septième année. À l'inverse, pour
d'autres sociétés la durée d'existence est à
l'évidence beaucoup plus courte, en raison d'une visibilité plus
restreinte et d'une ambition plus modeste. Tel est le cas notamment du Cercle
musical des Beaux-Arts de la
132 [ANONYME], « Tours », Journal
d'Indre-et-Loire, n°109, 10 août 1847, p. 1.
133 S.A.T., « Exposition de tableaux et d'objets d'art
anciens dans la ville de Tours », Mémoire, op.
cit., 1847, p. 290.
134 PALUSTRE, Léon, op. cit., 1873.
135 PALUSTRE, Léon, Mélanges d'art et
d'archéologie : objets exposés à Tours en 1887,
Tours, L. Péricat, 1887
136 PALUSTRE, Léon, op. cit., 1890.
44
Ville de Tours et de la Société des Amis des
Arts de Touraine, deux associations artistiques créées dans la
décennie 1850. De fait, peu de sources renseignent aujourd'hui
l'historien sur les activités de ces deux sociétés
d'encouragement aux Beaux-Arts, si ce n'est quelques articles publiés
dans la presse locale et documents de police.
C'est à l'occasion de l'ouverture d'une exposition
artistique en 1853 dans l'ancienne église des Minimes, organisée
sous les auspices « de l'administration municipale, aidée du
concours d'une commission composée de quelques amis
éclairés des arts »137 qu'est attestée
l'existence de la Société des Amis des Arts de Touraine.
Peut-être est-elle l'héritière de la Société
des Amis des Arts de Tours présidée par Raoul de CroØ en
1841 dont la date de clôture nous est inconnue ? Cela est possible
puisque figure dans cette société « un [É]
compatriote aussi distingué comme écrivain que comme peintre
»138. Pour autant aucune mention de cette commission
spéciale n'a pu être recensée dans les registres de
délibérations du Conseil municipal de 1853 ou dans les annuaires
de l'époque139. Il est plus probable que la
Société des Amis des Arts de Touraine ait été
fondée en 1853, voire quelques années auparavant. En effet
Chantal Georgel mentionne dans son article consacré à la
représentation du musée dans la presse illustrée, la
création d'une Société des Amis des Arts à Tours en
1850140. Néanmoins l'auteur n'apporte aucune précision
quant à ses sources, si ce n'est un renvoi aux articles de Léon
Lagrange et Agnès Fine, dans lesquels aucune mention de création
d'une Société des Amis des Arts tourangelle n'est
avérée141. Outre le préfet du
département et le maire de Tours aucun autre membre de cette
société n'est mentionné dans la presse. Il semble que
cette association ait une existence relativement limitée, en raison de
la réception en demi-teinte de son exposition.
Demain l'exposition de Tours aura vécu ; il n'en
restera qu'un souvenir attestant les louables intentions de notre
administration et de la commission qui ont fait tant d'efforts pour
réveiller parmi nous le goût des beaux arts. Les artistes ont
répondu avec empressement à l'appel qui leur a été
fait ;
137 [ANONYME], « Tours », Journal
d'Indre-et-Loire, n° 194, 14 août 1853, p. 1.
138 Ibidem.
139 Registre des délibérations du Conseils
municipal de la Ville de Tours, 20 septembre 1851-8 mars 1855, Tours, A.M.,
1D62.
140 GEORGEL, Chantal, « Le Musée en
représentation », MICHAUD, Stéphane (éd.), MOLLIER,
Jean-Yves (éd.), SAVY, Nicole (éd.), Usages de l'image au
XIXe siècle, Paris, Créaphis, 1992, p. 144.
141 LAGRANGE, Léon, op. cit.. 1861.
FINE, Agnès, « Bibliographie des expositions en
province 1851-1879 », Gazette des Beaux-Arts, n°96, 1980, p.
119-140.
45
mais l'indifférence du public en présence de cette
tentative nous laisse peu d'espoir de la voir se renouveler, au moins d'ici
longtemps142.
Ce rédacteur du Journal d'Indre-et-Loire est
quelque peu pessimiste vis-à-vis de la tenue d'une nouvelle exposition
artistique à Tours. En effet, malgré les affiches apposées
dans la ville (fig. 4 et 5) et les oeuvres importantes envoyées par les
artistes parisiens, l'exposition de 1853 peine à recueillir
d'adhésion du public. Ainsi, il semble que l'intuition de ce journaliste
s'exécute, puisqu'il faut attendre vingt ans pour qu'une nouvelle
exposition de Beaux-Arts soit organisée à Tours143.
Si les Tourangeaux ne semblent pas développer un
goût particulier pour les expositions artistiques, ils paraissent au
contraire témoigner de l'intérêt pour la musique. Ainsi de
nombreuses associations musicales se forment à Tours, tels que
l'Orphéon fondé en 1853 ou la Société
philharmonique, créée en 1838 puis refondée et
présidée en 1858 par le colonel de La Combe144. Aussi,
de nombreuses sociétés musicales sont créées dans
les différentes localités de Touraine à l'exemple de la
Société sainte Cécile de Benais en 1868, la
Société philharmonique de Loches en 1864, l'Orphéon
d'Amboise en 1858 ou encore la Société musicale de
Cinq-Mars-la-Pile en 1865 145. C'est dans ce contexte qu'est
formé en 1858 le Cercle musical des Beaux-Arts de la Ville de Tours.
Formé à l'initiative de Maurice de Tastes
(1818-1886), professeur de physique au Collège de Tours et
météorologue publiant ses prévisions dans les Annales
de la Société d'Agriculture, ce cercle vise à «
développer le goût des Beaux-Arts, par la réunion
fréquente des amateurs et artistes musiciens, peintres, sculpteurs et
littérateurs » (ann. 2.1.2.3)146. Il réunit de
fait de nombreux amateurs de la ville, membres d'autres sociétés
à l'instar d'Alexandre Giraudet, Noël Champoiseau,
Joseph-Félix Le Blanc de La Combe, Eugène Goüin (1819-1909)
ou Gaëtan Cathelineau pour ne citer que les membres les plus
connus147. L'engouement que déploient les élites
à participer aux activités de l'ensemble des
sociétés dépend à l'évidence de la
nécessité
142 [ANONYME], « Exposition de Peinture. Quatrième
article. », Journal d'Indre-et-Loire, n° 233, 2 octobre
1853, p. 2.
143 BROGARD, Clémence, op. cit., 2016, p. 125.
144 LANGLOIS, Brice, op. cit., 2016, p. 32.
145 Police, associations et cercles, Tours, A.D., 4M 169-173.
146 DELAROCHE, Jules, (secrétaire), TASTES, Maurice de
(président), Règlement du Cercle des Beaux-Arts, s. d.., f°
1, Tours, A.D., 4M 171.
147 DELAROCHE, Jules (secrétaire) : Liste des
souscripteurs fondateurs du Cercle des Beaux-Arts de la ville de Tours, 6
février 1858, Tours, A.D., 4M 171.
46
de conserver un statut d'érudit et développer
par ailleurs leur réseau de sociabilité, essentiel pour leurs
activités professionnelles et de loisirs.
Ce cercle d'amateurs accorde une large place aux
activités musicales en prévoyant l'organisation de soirées
d'audition musicale mensuelles et en réservant de façon
hebdomadaire ses locaux à la musique de chambre, au chant et à
l'orchestre (ann. 2 .1.2.3)148. Toutefois comme le prévoit
son règlement, la commission du cercle « peut si elle le juge
convenable, ouvrir une exposition d'objets d'art »149. Il
paraît bien improbable que cette association ait organisé une
exposition en raison de sa très courte durée d'existence. Elle
est dissoute le 9 septembre 1858, soit quelques mois seulement après sa
création. De surcroît, si son ambition d'encourager les arts en
Touraine est noble, il est plus probable que ce cercle ait fourni un endroit de
délassement plutôt que de travail à ses membres, en
proposant la lecture des revues spécialisées dans le domaine
artistique et en concédant également une place non
négligeable aux jeux tels que le trictrac, les échecs, les dames
et le whist (ann. 2.1.2.4)150. Le recensement des
sociétés s'administrant librement en vertu du décret du 25
mars 1852, confirme les activités de récréation du Cercle
musical des Beaux-Arts de la Ville de Tours151. Ainsi, l'ambiance
décrite par Honoré de Balzac (1799-1850) de la
société de Mme de Baudroie dans La Muse du
département semble applicable à cette association.
Animée du désir de vivifier Sancerre, Mme de la
Baudroie tenta d'y former une Société littéraire. Le
président du tribunal (É), qui se trouvait alors sur les bras une
maison (É), favorisa la création de cette Société.
Ce rusé magistrat vint s'entendre sur les statuts avec Mme de la
Baudroie, il voulut être un des fondateurs, et loua sa maison pour 15 ans
à la Société littéraire. Dès la seconde
année, on y jouait aux dominos, au billard, à la bouillotte, en
buvant du vin chaud sucré, du punch ou des liqueurs (É). En fait
de littérature, on y lut les journaux, l'on y parla politique, et l'on y
causa affaires152.
Si les propos de Balzac sont quelque peu sarcastiques vis
à vis des moeurs de ses contemporains, ils semblent pour autant pouvoir
s'appliquer à un ensemble de sociétés
148 DELAROCHE, Jules, (secrétaire), TASTES, Maurice de
(président), Règlement... op. cit, f 4.
149 Ibidem.
150 DELAROCHE, Jules : Lettre adressée au préfet
d'Indre-et-Loire présentant les activités proposées par la
société ,25 février 1858, Tours, A.D., 4M 171.
151 État des sociétés s'administrant
librement autorisées en vertu du décret du 25 mars 1852 et des
sociétés dissoutes de cette catégorie ou qui ont
cessé d'exister d'elles-mêmes, Tours, A.D., 4M 262.
152 BALZAC, Honoré, La Muse du
département, Paris, Bureau du Siècle, p. 6, in CHALINE,
Jean-Pierre, op. cit., 1995, p. 1.
47
musicales et littéraires des départements en
général et de celui d'Indre-et-Loire en particulier à
l'instar du Cercle musical des Beaux-Arts de Tours153.
À l'évidence la Société des Amis
des Arts de Touraine et le Cercle des Beaux-Arts de la Ville de Tours partagent
assez peu de points communs. Quand la première s'efforce de
développer et encourager la dynamique artistique en organisant une
exposition, le second paraît à l'inverse proposer un exutoire pour
ses membres et mettre l'émulation artistique à la marge.
Néanmoins, toutes les deux témoignent de la volonté des
élites de fonder des sociétés dans les années
1840-1850 pour se retrouver entre eux.
B. Les Amis des arts : une société d'amateurs
et d'artistes au service de l'émulation artistique en Touraine au
début de la Troisième République
La Troisième République souffre d'un
préjugé négatif quant à l'intervention de
l'État dans le domaine artistique. Le manque de financement des
artistes, le retard en terme de création d'institutions et la
réforme des Salons en 1881 sont autant d'éléments que les
commentateurs de l'époque ne cessent de dénoncer, conduisant
à la conclusion prématurée que l'État n'a pas de
politique pour les Beaux-Arts154. Partant de ce constat, un certain
nombre de sociétés d'Amis des Arts sont créées dans
tous les départements dans l'objectif de pallier cette
délégation des affaires culturelles. Pour autant, cette
décentralisation de la vie artistique en province est conduite en
étroite collaboration entre ces associations et le Ministère de
l'Instruction publique, des Beaux-Arts et des Cultes qui s'approprie ce
phénomène et l'érige en pilier de sa politique de
démocratisation de l'art155. Ainsi, l'État veille non
seulement au bon déroulement des manifestations publiques, mais
encourage également la formation de sociétés artistiques.
La période comprise entre 1870 et 1914 s'appréhende dès
lors comme un âge d'or pour les sociétés d'encouragement
aux Beaux-Arts de province.
a) À l'origine de la formation de la
Société des Amis des Arts : l'organisation de
l'Exposition nationale de Tours de 1881
L'organisation de l'Exposition nationale de Tours de 1881,
instaure en Touraine une dynamique artistique qui conduit dans le même
temps à l'établissement de la Société des Amis des
Arts de la Touraine. Cette exposition prend à l'évidence son
inspiration des Expositions
153 Police, associations et cercles, Tours, A.D., 4M 169.
154 DUBOIS, Vincent, « L'art et l'État au
début de la IIIe République, ou les conditions
d'impossibilité de la mise en forme d'une politique », in
Genèses, n° 23, 1996, p. 6.
155 BUCHANIEC, Nicolas, Salons de province, op. cit.,
2010, p. 17.
48
universelles dans la forme, en consacrant une superficie de 1
800 mètres carrés aux Beaux-Arts, mais aussi dans le fond, en
présentant les meilleures productions industrielles et artistiques
anciennes et contemporaines de la nation, comme le sous-entend Félix
Duboz dans sa présentation de l'exposition lors de la réunion des
sociétés des Beaux-Arts des départements, pour laquelle il
intervient en tant que secrétaire du comité d'organisation de
l'Exposition des Beaux-Arts de Tours et membre de la Société
Archéologique de Touraine156. Si les Expositions universelles
sont définies comme « des manifestations célébrant
l'industrie des hommes tout en étant des présentations
exemplaires des techniques, du commerce, de l'art et des manifestations
universelles au sein desquelles les nations cherchent à donner la
meilleure image d'elles-mêmes »157, il semble que ce
caractère puisse s'appliquer - à une échelle plus
réduite - à l'Exposition nationale de Tours, en raison de la mise
en évidence des meilleurs produits industriels et artistiques de la
France et de la localité tourangelle. De fait cette exposition convoque
à la fois l'expression générale de la nation et la
singularité propre à la région.
Tandis qu'à Tours se succédaient des
manifestations artistiques de toutes sortes, parmi lesquelles il faut citer en
première ligne l'exposition des Beaux-Arts organisée par les
soins de la municipalité avec le concours de l'État et l'une des
plus considérables de la province en 1881, la Société des
Amis des Arts de la Touraine, préparait son organisation ; aujourd'hui
l'heure est venue pour elle d'entrer dans une période
d'action158.
L'exposition de 1881 apporte à n'en pas douter un
climat favorable pour la constitution d'une société artistique en
Touraine. Cinq artistes sont à l'origine du comité d'initiative
de la Société des Amis des Arts de la Touraine :
Lucien-Léopold Lobin (1837-1892), Paul Briand, Alexandre Ripault
(1839-1911), Jules-Charles Mahieu et Ferdinand Pitard (1850-1894). Ils se
réunissent une première fois le 5 décembre 1880 dans les
salles de l'Hôtel de ville de Tours, dans le but de constituer une
société qui « prendr[a] part à ce grand réveil
de l'art qui se manifeste partout en ce moment, même dans des villes de
moindre importance que Tours, et dont le passé ne présente pas
des noms aussi illustres que ceux des Clouet, des Juste, des Jehan-Fouquet, des
Michel Colombe, des Pinaigrier »159. Le sentiment
régionaliste qui émane déjà de l'organisation de
l'exposition paraît se retrouver également lors de la formation de
la Société
156 DUBOZ, Félix, « Organisation de l'exposition
des Beaux-Arts de Tours », Réunion des sociétés
des Beaux-Arts des départements à la Sorbonne du 20 au 23 avril
1881, Cinquième session, Paris, E. Plon et Cie, 1881, p. 168.
157 ANDIA, Béatrice de (éd.), op. cit.,
2005, p. 10.
158 S.A.A., « Assemblée générale. 20
mars 1881 », Compte-rendu de l'année 1881, Tours, Imp.
Juliot, 1881, p. 19.
159 Ibid., p. 14.
49
des Amis des Arts, en mettant en lumière les artistes
majeurs de la Renaissance tourangelle, qui ont de surcroît une influence
sur l'histoire de l'art plus large de la nation. De fait, la mise en
évidence de ces artistes laisse suggérer le terreau fertile de la
Touraine, en ce qui concerne la production des artistes vivants placés
sous la protection de cette société artistique. Ce sentiment
semble renforcé au sein de la société, de par les prix de
Rome remportés récemment par les Tourangeaux, Victor Laloux
(1850-1937) et Edmond Grasset (1852-1880) en 1878 ainsi que Jules Roulleau
(1855-1895) en 1880160.
À l'évidence, la création de la
Société des Amis des Arts de la Touraine est impulsée par
l'organisation de cette exposition, comme le confirme Paul Briand dans son
discours prononcé à l'occasion du cinquantenaire de la
société le 20 décembre 1931161. En effet un
certain nombre de membres du comité d'initiative de la
société sont actifs dans la commission chargée de
l'organisation de la section artistique de l'Exposition nationale, à
l'instar du président du comité Lucien-Léopold Lobin et
Alexandre Ripault162. De fait cette commission peut
s'appréhender comme le premier cercle de l'émulation artistique
qui conduit à la constitution de la Société des Amis des
Arts et de son réseau. Autorisée par décret
préfectoral le 15 février 1881 (ann. 2.1.4), la
société concentre un certain nombre de membres du comité
d'organisation de l'exposition des Beaux-Arts, de la commission de la section
rétrospective et du jury de récompenses163 à
l'exemple de Maurice Cottier (1822-1881) peintre formé dans l'atelier
d'Eugène Delacroix (1798-1863) et président des Amis des Arts en
1881, de Félix Laurent (1821-1905), conservateur du musée de
Tours et peintre issu des ateliers privés de Paul Delaroche (17971856)
et de Charles Gleyre (1806-1874)164, Auguste Chauvigné,
céramiste, Pierre Damien, statuaire ou encore Henri Prath (1847-1905)
architecte diocésain en général et architecte de
l'exposition en particulier. Manifestement ce sont des protagonistes issus du
monde de l'art qui participent à l'organisation de l'exposition et
adhèrent dans un premier temps à la Société des
Amis des Arts de la Touraine. Pour autant cette association n'est pas
strictement réservée aux artistes. Elle s'ouvre effectivement aux
amateurs et collectionneurs dont certains sont des
160 S.A.A., « Assemblée générale. 20
mars 1881 », op. cit., p. 16.
161 BRIAND, Paul, « Discours retraçant l'histoire
de la Société des Amis des Arts de la Touraine »,
Cinquantenaire de la Société des Amis des Arts le 20
décembre 1931, Tours, imp. Deslis, 1931, p. 2.
162 VILLE DE TOURS, Exposition des Beaux-Arts, op.
cit., 1881, p. III-IV.
163 Ibidem.
164 BELLIER DE LA CHAVIGNERIE, Émile, AUVRAY, Louis,
Dictionnaire général des artistes de l'École
française depuis l'origine des arts du dessin jusqu'à nos jours :
architectes, peintres, sculpteurs, graveurs et lithographes, Paris,
Librairie Renouard, 1882-1885, p. 925.
50
personnalités influentes du département
d'Indre-et-Loire, à l'exemple de Jacques Drake del Castillo (1855-1918),
deuxième président de la Société des Amis des Arts
de la Touraine, maire de Monts depuis 1873 et député de 1893
à 1906165. En tout l'association réunit 72
adhérents dès mars 1882166.
Lors de la remise des récompenses organisée
à l'issue de l'exposition nationale de 1881, Léon Gambetta
(1832-1882), alors président de la Chambre des députés et
candidat à l'élection législative, semble encourager
l'organisation des manifestations industrielles et artistiques en province et
en particulier à Tours.
Négligez pas, de faire des expositions en province et
surtout à Tours : soyez toujours certain, du succès. N'oubliez
pas que vous aurez toujours pour aides des artisans avides d'apprendre et de
prouver, des défenseurs ardents de l'indépendance pour le travail
et le progrès167.
À l'évidence, Gambetta s'adresse à
l'ensemble des citoyens de la municipalité tourangelle et ne
désigne pas en particulier un cercle ou une association d'amateurs
impliqués dans la croissance industrielle ou artistique du
département. Pour autant, il semble que ses encouragements soient
accueillis favorablement par les membres de la Société des Amis
des Arts de la Touraine qui ne tardent pas à s'employer au
développement du goût des arts en organisant diverses
manifestations artistiques à Tours.
b) La Société des Amis des Arts ou le
développement rapide de la vie artistique en Touraine
Le bureau de la Société des Amis des Arts de la
Touraine s'empresse « d'encourager les arts, d'en propager le goût
et la culture par tous les moyens qui lui paraî[ssent] utiles
»168. De fait, l'émulation artistique à laquelle
aspirent les membres de la société prend des formes
variées, comme l'illustrent ses deux emblèmes jusqu'en 1893, dans
lesquels sont réunis à la fois la palette, le chevalet et le
tableau du peintre, la lyre du musicien, le masque du comédien, le livre
du littérateur et l'aiguière de l'orfèvre (fig. 6 et 7).
En effet, la Société des Amis des Arts de la Touraine ne
privilégie pas dans un premier temps une forme d'art en particulier,
mais a vocation au contraire de proposer des manifestations propres à
chaque domaine artistique.
165 AUGOUVERNAIRE, Martine, op. cit., 1992, p. 41.
166 S.A.A., « Assemblée générale du
18 juin 1882 », Compte-rendu de l'année 1882, Tours, Imp.
Juliot, 1883, p. 15.
167 GAMBETTA, Léon, Discours lors de la remise des
récompenses de l'Exposition nationale de Tours de 1881, in Anonyme,
« Le succès de l'exposition », Journal illustré de
l'Exposition nationale de Tours de 1892, n° 16, 4 juin, p. 8, Tours,
B.M., TD027.
168 S.A.A., « Statuts », s. d., Tours, A.D., 4M 175.
51
Le premier événement public organisé par
la Société des Amis des Arts tourangelle est une «
fête musicale et dramatique » célébrée le 14
mars 1882 et réunissant à la fois des musiciens tourangeaux et
des actrices de la Comédie-Française 169 . Il est
probable que l'organisation de cette manifestation ait été
impulsée et placée sous la direction du violoncelliste et
compositeur Adolphe Grodvolle (1827-1905), vice-président de la
société. Les manifestations musicales remportent un certain
succès et sont organisées à chaque début
d'année. Pour autant, la fréquence d'organisation des concerts
semble relativement faible en comparaison d'autres sociétés. En
effet, la Société philharmonique de Tours refondée en 1871
propose la tenue d'au moins quatre concerts chaque année, ce qui
s'explique à l'évidence par la spécialisation de cette
association dans le domaine musical170. De surcroît la
Société des Amis des Arts se distingue des orphéons ou des
sociétés dramatiques, puisqu'elle ne propose pas à ses
membres de se réunir pour former un orchestre ou une troupe, à la
différence notamment de la Société d'Amateurs Artistes,
fondée en 1867, dissoute en 1871 puis refondée en 1881 (ann.
2.1.3) et ayant vocation de proposer à ses membres « de jouer de
temps en temps quelques petites pièces »171.
Si la musique tient une place importante dans les
activités de la Société des Amis des Arts de la Touraine,
il faut surtout constater que ce sont les arts plastiques qui la font se
développer dans un premier temps. La question de l'organisation d'une
exposition de Beaux-Arts se pose très vite puisque «
témoign[ant] de la vitalité de la Société et
répond[ant] au but qu'elle veut atteindre »172. La
société vise en effet par la tenue de cette exposition à
faire ressortir à la fois le talent des artistes locaux, qui ne
profitent que rarement de l'exposition de leurs oeuvres, tout en apportant une
valeur pédagogique « pour arracher ses contemporains aux
préoccupations matérielles et aux délassements vulgaires
»173. Dès lors une commission d'organisation se met en
place pour l'organisation d'une exposition devant s'ouvrir en octobre 1882, en
accord avec l'autorité municipale. Si cette exposition réunit
à la fois des artistes de la localité et des artistes de
réputation nationale, voire internationale, elle est strictement
réservée aux Beaux-Arts et ne
169 S.A.A., « Assemblée générale du 18
juin 1882 », op. cit., p. 16-17.
170 SOCIÉTÉ PHILHARMONIQUE DE TOURS,
Règlement, Tours, imp. Ladevèze, p. 5, Tours, A.M., 2R
401/2.
171 LATEYE, M. C. : Lettre adressée au préfet
d'Indre-et-Loire en réponse à sa demande de renseignement sur la
société, 9 octobre 1872. Tours, A.D., 4M 171.
Société d'Amateurs Artistes : Lettre
adressée au maire de Tours au sujet d'une demande d'autorisation de
constitution, 1881, Tours, A.M., 2R 401/1.
172 S.A.A., « Assemblée générale du 18
juin », op. cit., p. 17.
173 Ibidem.
52
s'intéresse donc pas aux arts appliqués.
Toutefois, la Société des Amis des Arts de la Touraine envisage
dès 1883, d'organiser une exhibition d'arts décoratifs, en
conséquence de l'organisation d'une exposition artistique par la
Société des Amis des Arts de Blois. S'il peut sembler que ce
choix est pris par dépit, Paul Briand le secrétaire
général, le justifie en insistant sur l'aspect pluridisciplinaire
et sur le large éventail du public des expositions de la
société tourangelle : « C'est au nom de tous et pour tous,
de l'artiste, de l'amateur d'art, du négociant, de l'ouvrier et du
travailleur, que nous avons fondé cette Société
»174.
Si le projet échoue en 1883 et qu'aucune autre
exposition ne voit le jour avant 1885, la Société des Amis des
Arts semble réunir rapidement un public nombreux et toucher une large
part de la population tourangelle en multipliant les actions et en
s'intéressant à plusieurs typologies artistiques. Cette intuition
est confirmée par la croissance rapide du nombre de cotisations (Ill.
3). L'importante croissance entre la première assemblée
générale du 20 mars 1881 et celle de janvier 1882 s'explique
à l'évidence par le jeu des réseaux de sociabilité.
Par ailleurs l'augmentation du nombre de membres et de cotisations entre
janvier et juin 1882 résulte probablement de l'organisation du concert
du début de l'année et de la publication dans la presse de la
tenue de l'assemblée générale, dans laquelle est
lancée l'idée de l'organisation d'une exposition de
Beaux-Arts175. Ainsi la société passe de 185 membres
à plus de 444 sociétaires. À la mi-décembre 1882,
soit près d'un mois et demi seulement après la fermeture de
l'exposition des Beaux-Arts, la Société des Amis des Arts est
sollicitée par 88 protagonistes qui demandent leur
adhésion176.
Comme vous venez de le voir en passant en revue les actes de
la Société des Amis des Arts de la Touraine pendant
l'année qui s'est écoulée, vous jugerez sans doute
qu'après cette première année d'existence effective, la
Société est en voie de prospérité et qu'il nous est
permis d'attendre avec confiance les développements que l'avenir lui
promet177.
Paul Briand se montre encourageant quant au
développement de la société. Elle recueille dans les
premières années de son existence, une adhésion rapide de
la part des Tourangeaux. Toutefois, par la suite il semble que le nombre de
cotisations se stabilise jusqu'à descendre dans les premières
années de la décennie 1890. Au delà de 1893 et
jusqu'à 1919, il est actuellement impossible de définir le nombre
de membres ou de cotisations, faute de sources. Néanmoins la
174 S.A.A., « Assemblée générale du
12 juillet 1883 », Compte-rendu de l'année 1883, Tours,
Imp. Juliot, 1884, p. 17.
175 Anonyme, « Société des Amis des Arts de la
Touraine », Journal d'Indre-et-Loire, n° 144, 9 juin 1882,
p. 2.
176 S.A.A., « Assemblée générale du 17
décembre 1882 », op, cit., p. 22.
177 Ibidem.
53
baisse enregistrée entre 1890 et 1893 peut s'expliquer
par l'arrêt de l'organisation des expositions depuis 1889, notamment
parque que la municipalité de Tours décline le concours de la
Société des Amis des Arts pour l'organisation de l'Exposition
nationale de 1892.
La musique semble prendre le pas sur les arts plastiques. En
effet, le dépouillement de la presse locale démontre que la
Société des Amis des Arts continue d'organiser des concerts et
des soirées dramatiques. Sans tomber en déshérence, en
raison de la présence du musée et de l'école des
Beaux-Arts ainsi que du maintien de l'organisation des loteries pour les
sociétaires des Amis des arts, les arts vivants ne font toutefois plus
l'objet d'expositions en Touraine à partir 1892 et jusqu'à 1898,
comme le démontre le dépouillement de la presse. Il semble donc
que l'encouragement des artistes vivants par la Société des Amis
des Arts de la Touraine se concentre dans un temps relativement court. En
effet, si dans ses premières années la société
organise de nombreuses activités visant à développer les
arts locaux ainsi qu'introduire en Touraine les oeuvres des artistes
étrangers, elle semble rapidement contrainte d'y renoncer.
C. Les sociétés artistiques en Touraine
jusqu'en 1914 : entre soutien de la culture locale et diversification des
typologies artistiques
À l'évidence, la Société des Amis
des Arts profite d'une visibilité importante et de nombreux membres en
Touraine depuis sa formation en 1881. Cependant elle n'est pas la seule
à participer à l'émulation artistique du
département. En effet certains protagonistes, aussi sociétaires
des Amis des Arts, s'affairent à la renaissance de la section artistique
de la Société d'Agriculture tandis que d'autres
sociétés sont créées dans le début de la
décennie 1890 dans l'objectif de dynamiser les arts de la région.
La spécialisation de certaines sociétés dans des domaines
artistiques peu mis en lumière jusqu'alors, apporte aussi à la
Touraine une émulation particulière.
a) La renaissance de la section artistique de la
Société d'Agriculture, Sciences, Arts et
Belles-Lettres d'Indre-et-Loire
C'est en 1896, que la Société d'Agriculture
reçoit dans sa séance du 11 janvier, la proposition du
secrétaire perpétuel Auguste Chauvigné, de
réorganiser la section des Sciences, Arts et Belles-lettres, puisque
croyant « le moment opportun et qu'il y a un rôle à remplir
dans la ville par cette section jadis si florissante »178. Si
vers le milieu du XIXe siècle, la section des Arts et
Belles-Lettres de la Société d'Agriculture est à l'origine
de l'organisation des
178 S.A.S.A.B.L., « Extrait des procès-verbaux,
séance du 11 janvier 1896 », Annales, t. LXXVI, Tours,
Imp. Deslis, 1896, p. 2.
54
expositions industrielles et artistiques puis
réfléchit à l'organisation d'une exposition de peinture en
1856179 - qui n'aboutit pas finalement - il semble que depuis, son
rôle et ses actions se soient considérablement amoindris. Suivant
la proposition d'Auguste Chauvigné, une commission est ordonnée.
Un certain nombre de membres de cette commission sont aussi sociétaires
des Amis des Arts de la Touraine, à l'instar d'Auguste Chauvigné
lui-même et de son père, du maire de Tours Eugène
Pic-Pâris (1836-1917) et des imprimeurs Jules Deslis et
Rouillé-Ladevèze. Près d'un an après, la section
artistique élit son bureau présidé par Georges
Bouché, publiciste à Langeais. D'autres membres de la
Société des Amis des Arts complètent le bureau de la
section, parmi lesquels l'avocat Paul Lesourd, vice-président, et
l'huissier Paul Villemin, secrétaire.
Peut-être cherchent-ils à palier l'arrêt de
l'organisation des expositions de la Société des Amis des Arts de
la Touraine ? Dans un premier temps, il semble que non. La section des Arts et
Belles-lettres se veut tout d'abord de « se réunir toutes les
semaines pour étudier les questions d'art et de littérature
à l'ordre du jour, entendre les communications de ses membres »,
avant de songer à « l'organisation de manifestations artistiques et
littéraires, dont les conséquences seront de faire
connaître les oeuvres des maîtres anciens et des auteurs locaux
»180. Cette démarche prétend mettre en
lumière le patrimoine culturel local. Elle s'inscrit de fait dans la
politique nationale de décentralisation des affaires culturelles que
propose l'État, en développant l'autonomie des régions,
tout en maintenant intacte l'unité nationale181.
[É] au moment où se reconstituent les
Universités régionales, pourquoi ne ferions-nous pas effort pour
favoriser l'éclosion, sur le sol même qui les tient en germe, des
talents ignorés, et pour donner aux littérateurs et aux artistes
qui ont déjà fait leurs preuves, une consécration qu'ils
ne demandaient jusqu'ici à Paris 182?
Favorisant l'Instruction publique, la Troisième
République entend donner davantage d'autonomie aux institutions
pédagogiques, à l'exemple des universités grâce
à la loi du 10 juillet 1896 présentée par Raymond
Poincaré (1860-1934), comme le souligne Georges Bouché. C'est
dans ce contexte que la section artistique de la Société
d'Agriculture s'emploie à favoriser
179 S.A.S.A.B.L., « Analyse des procès-verbaux des
séances de la société pendant le 1er trimestre
1856 », Annales, t. XXXVI, Tours, Imp. Ladevèze, 1856, p.
15.
180 S.A.S.B.A.L., « Séance du 6 mars 1897 »,
Annales, t. LXXVII, Tours, Imp. Deslis, 1897, p. 69.
181 Dictionnaire de l'Académie
française, 8ème édition, Paris, Hachette,
1932, [en ligne],
http://www.cnrtl.fr/definition/academie8/régionalisme
, consulté le 06/04/2017.
182 S.A.S.B.A.L., « Compte-rendu de la soirée de
gala du 1er mai 1897 », Annales, t. LXXVII, Tours,
Imp. Deslis, 1897, p. 72.
55
les arts en dehors de Paris. Elle organise une soirée
de gala le 1er mai 1897, puis deux conférences
consacrées d'abord à Béranger par l'éminent
critique et journaliste parisien Francisque Sarcey (1827-1899), puis à
Alfred de Vigny par Louis Chollet (1864-1949) à Loches. De fait, la
section des Arts et Belles-Lettres se veut de donner une émulation
artistique dans tout le département, en proposant dans
différentes localités un certain nombre de manifestations
culturelles tentant de lutter dans une certaine mesure contre
l'hégémonie de la capitale sur la province.
En ce qui concerne plus particulièrement les
Beaux-Arts, la section artistique prévoit l'organisation de concours de
dessins, en plus des concours de poésie, prose, théâtre et
musique183. Aussi, dès 1898 elle s'intéresse à
l'organisation d'une exposition de peinture, sculpture et gravure ainsi que
d'arts industriels dans le but de donner aux contemporains et notamment aux
jeunes artistes les moyens de se produire devant un public. La première
exposition de la section est ouverte du 1er au 24 avril
1898184 et semble être attendue avec impatience par les
Tourangeaux, comme en témoigne ce rédacteur du Journal
d'Indre-et-Loire quelques jours avant l'ouverture.
Le réel intérêt que présentera
cette exhibition d'oeuvres diverses et essentiellement tourangelles, autorise
la section à compter sur une entière réussite qui
l'obligera à renouveler chaque année son heureuse tentative
d'aujourd'hui ; et c'est ainsi que Tours aura dorénavant un Salon
annuel.
Comme le fait remarquer ce journaliste, l'exposition joue
essentiellement le registre du savoir-faire local en présentant à
la fois des céramiques, des soieries et des livres de la maison
d'édition Mame, à l'instar des Évangiles
illustrés d'après les aquarelles de James Tissot (18361902)
(fig. 8). Aussi l'organisation de cette exposition et des suivantes semble
combler le vide que laisse l'arrêt soudain des expositions de la
Société des Amis des Arts. À son échelle, Tours
paraît reproduire le modèle des différents salons
artistiques parisiens, en présentant presque annuellement les ouvrages
des artistes locaux. Ainsi de 1898 à 1935, la section artistique de la
Société d'Agriculture d'Indre-et-Loire organise au moins
trente-deux expositions 185 . À l'évidence la gestion
difficile de la Société à partir de 1936 et la concurrence
de la Société de
183 S.A.S.B.A.L., « Séance du 24 mai 1897 »,
Annales, t. LXXVII, Tours, Imp. Deslis, 1897, p. 104.
184 [ANONYME], « Société d'Agriculture,
Sciences, Arts et Belles-Lettres : une exposition à Tours »,
Journal d'Indre-et-Loire, n° 57, 9 mars, p. 2.
185 Expositions de la Société d'Agriculture,
Sciences, Arts et Belles-Lettres d'Indre-et-Loire, Tours, A.M., 48Z 17.
56
Géographie - fondée en 1883 -, la conduit
à stopper l'organisation des salons artistiques tourangeaux, en plus de
l'édition de ses Annales186.
Durant près de quarante ans, la section artistique de
la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres
participe à l'émulation de la vie culturelle tourangelle, en
créant à la fois des concours pour les artisans d'art et les
artistes ainsi qu'en organisant des expositions. Si au début du
XIXe siècle, la Société d'Agriculture est la
seule à s'efforcer au développement de l'art en
général et des arts appliqués en particulier, à la
fin du XIXe siècle c'est encore elle qui prend le relais de
la Société des Amis des Arts, en ce qui concerne l'organisation
des expositions à Tours. Néanmoins à cette période,
elle n'est pas la seule à seconder le développement artistique en
Touraine.
b) Protéger la culture locale et encourager le
développement d'un nouvel art : l'exemple de la Société
Littéraire et Artistique et de la Société Photographique
de Touraine
Si à l'aube du XXe siècle des
sociétés savantes comme la Société
Archéologique et la Société d'Agriculture, Sciences, Arts
et Belles-Lettres fêtent respectivement leur soixantième et cent
trente-neuvième anniversaire et s'efforcent comme dans leurs
premières années à l'encouragement de la culture en
Indre-et-Loire, d'autres au contraire sont fondées depuis seulement
quelques années, à l'instar de la Société
Littéraire et Artistique et de la Société Photographique.
Toutes deux entendent s'engager dans le développement des arts dans le
jardin de la France, bien que manifestant des intérêts
différents.
Fondée en 1895 à l'initiative de Léon
Pineau (1861-1965), professeur d'allemand, historien de la littérature
et futur recteur de l'académie de Poitiers, de Prospère Suzanne
(18471913), écrivain et chroniqueur tourangeau et d'Horace Hennion
(1874-1952), poète, la Société Littéraire et
Artistique de la Touraine s'engage dans la vie culturelle du département
en s'efforçant de « vulgariser les oeuvres des vieux auteurs
tourangeaux, de propager les productions littéraires et artistiques des
compatriotes et d'encourager la culture des lettres et des arts dans le pays
»187. Ainsi la Société semble vouloir
s'intéresser autant à la littérature ancienne qu'à
l'émulation des oeuvres des artistes vivants, qu'ils soient
littérateurs, musiciens, peintres ou sculpteurs. Toutefois, comme le
fait remarquer Pierre Audin dans son étude consacrée à
cette société, peu d'éléments permettent de
reconstituer les actions de ses premières
186 LAURENCIN, Michel, « La Société
d'Agriculture... », op. cit., 2010, p. 119.
187 Registre d'inscription des sociétés de
l'arrondissement de Tours, f 51-52, Tours, A.D., 4M 197.
57
années d'existence188. Il paraît
néanmoins que la société privilégie davantage les
activités musicales et dramatiques que les manifestations de Beaux-Arts.
Outre sa première soirée de gala organisée en
février 1897, au théâtre municipal de Tours sous
l'égide de l'Alliance Française et de la Croix Rouge, la
société s'emploie chaque année à la tenue de
plusieurs spectacles de théâtre et de musique, alors qu'elle
n'organise qu'une exposition entre 1895 et 1912189.
À partir de 1912 son action est mieux
renseignée, puisqu'elle publie une revue mensuelle intitulée
La Touraine revue littéraire, artistique, scientifique et mondaine
dont le comité de rédaction réunit bon nombre de
membres des sociétés savantes de la région190.
De fait, il est probable que la création de ce quotidien artistique
regroupant l'élite intellectuelle locale, ait permis à son
rédacteur en chef, Horace Hennion, président de la
Société Littéraire depuis 1912, la fondation des Jeux
floraux de Touraine en 1920191. Outre sa dénomination, cet
événement culturel paraît être inspiré des
fêtes littéraires toulousaines instituées depuis le
XIVe siècle et qui proposent notamment des joutes
poétiques et des concours théâtraux et musicaux. De
surcroît la nomination d'Hennion au poste de conservateur du musée
des Beaux-Arts de Tours l'année de la création des Jeux Floraux,
ne peut qu'ajouter du crédit à cette nouvelle manifestation
littéraire qui est maintenue jusqu'en 1953192.
Si la Société Littéraire et Artistique de
la Touraine s'inscrit dans une perspective somme toute analogue à la
Société Archéologique et à la section des Arts et
Belles-Lettres de la Société d'Agriculture, d'autres
sociétés proposent l'étude et le développement
d'arts encore jamais sinon peu mis en lumière dans le
département. Tandis que la Société des Architectes
Tourangeaux se présente comme une confraternité des architectes
de la région, la Société Photographique de Touraine
réunit à la fois des artistes et des amateurs.
La Touraine paraît être un terreau fertile en ce
qui concerne la photographie. Durant l'exposition de la Société
des Amis des Arts de 1885, des photographies de Gabriel Blaise (1827-1897)
représentant les châteaux de la Loire, dont celui de Chenonceau
(fig. 9) sont
188 AUDIN, Pierre, op. cit., 2008, p. 137.
189 Ibid., p. 137-138.
190 [ANONYME], La Touraine, revue littéraire,
artistique, scientifique et mondaine, n 1, Tours, Imp. Ch. Buré et
Cie, 15 octobre 1912, p. 1,
191 HENNION, Antoinette (éd.), Horace Hennion
animateur des Lettres et des Arts en Touraine, Tours, Arrault et Cie,
1953, p. 5.
192 AUDIN, Pierre, op. cit., 2008, p. 145.
58
exposées au milieu des Beaux-Arts193. Cela
est encore relativement rare dans les expositions de province à cette
époque. Sur l'ensemble des expositions artistiques françaises de
la décennie 1880, un quart seulement comporte en effet des
présentations de photographie194. L'exposition tourangelle de
1885 participe à son échelle et dans sa localité à
l'arrêt de la querelle survenue au cours du XIXe siècle
entre peinture et photographie195 et semble encourager la
création d'une Société Photographique à Tours.
Fondée en 1891 par arrêté
préfectoral en date du 20 juillet, la Société
Photographique se propose de « grouper les amateurs photographes de la
région, de mettre en commun les observations personnelles, les
connaissances et la pratique de chacun des membres, d'aider les
débutants dans cet art qui chaque jour fait de nouveaux adeptes
»196. La période de formation de la
Société Photographique de Tours correspond finalement à
l'époque de démocratisation technique de la photographie depuis
son invention par Nicéphore Niépce (1765-1833) et Louis Daguerre
(1787-1851)197. En effet en 1888, est lancé l'appareil
photographique Kodak pour lequel son inventeur Georges Eastman (1854-1932)
appose le slogan : « Vous appuyez sur le bouton, nous ferons le reste
»198. Pour autant la société ne semble pas se
réduire à cette facilité technique, en mettant à
disposition de ses membres « un atelier bien éclairé,
permettant d'y faire le portrait, deux laboratoires de développement, de
nombreux appareils, des collections de diapositives à projection et une
bibliothèque »199. Si la société entend
proposer un cadre de travail confortable à ses membres, elle
paraît vouloir encourager la photographie en tant que médium
artistique plutôt que simple support de reportage et de
reproductibilité.
La photographie semble toucher en Touraine un public
d'amateurs relativement nombreux. Plusieurs membres de la Société
Photographique de Touraine à l'exemple de son président Jules
Deslis et de l'un de ses assesseur Paul Briand, sont aussi sociétaires
d'autres
193 [ANONYME], « Société des Amis des Arts
de la Touraine », Journal d'Indre-et-Loire, n 137, 13 juin 1885,
p. 2.
194 MOULIN, Raymonde, op. cit., 1976, p. 390.
195 BENJAMIN, Walter, Das Kunstwerk im Zeitalter seiner
technischen Reproduzierbarkeit, 1935 (L'oeuvre d'art à
l'époque de sa reproductibilité technique, trad. de
l'allemand par Lionel Duvoy, Paris, Allia, 2014).
196 [ANONYME], Annuaire historique, statistique et
commercial du département d'Indre et Loire, Tours, Mame, 1900, p.
315.
197 BENJAMIN, Walter, Kleine Geschichte der
Photographie, 1931, (Petite histoire de la photographie, trad. de
l'allemand par Lionel Duvoy, Paris, Allia, 2012, p. 7).
198 DAVAL Jean-Luc, « PHOTOGRAPHIE (art)
- Photographie et peinture », Encyclop3/4dia Universalis [en
ligne] :
http://www.universalis-edu.com.proxy.scd.univ-tours.fr/encyclopedie/photographie-art-photographie-et-peinture/,
consulté le 09/042017.
199 [ANONYME], Annuaire historique..., op.
cit., 1900, p. 315.
59
associations artistiques, telles que la Société
des Amis des Arts de la Touraine et la Société d'Agriculture. La
création des sociétés artistiques de Tours résulte
à l'évidence d'un réseau d'amateurs engagés dans le
développement de l'art dans la région en général et
de protection des arts et des artistes de la localité en particulier.
Ce chapitre consacré à l'histoire des
sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts, ainsi qu'à la
définition des jeux de réseaux les constituant, a valeur de
synthèse tout en se voulant être la première étude
critique les étudiant toutes ensembles. Il semble dès lors avoir
permis de mettre en évidence la réalité du contexte de
création de ces sociétés, tout en permettant de
redécouvrir un certain nombre d'entre elles, à commencer par la
première Société des Amis des Arts. Si entre 1789 et 1914,
les sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts prennent à
l'évidence des formes variées et ne partagent pas toutes les
mêmes intérêts artistiques, toutes sont néanmoins
investies par des protagonistes éclairés semblant avoir
conscience de leur devoir d'encouragement des arts en Touraine. Si
l'étude chronologique de ce large corpus de sociétés a
déjà permis de mettre en exergue les réseaux de
sociabilité propres à la constitution des sociétés,
il semble qu'il faille dès à présent s'intéresser
au quotidien des sociétés tourangelles.
60
CHAPITRE II. LE FONCTIONNEMENT DES
SOCIÉTÉS ARTISTIQUES TOURANGELLES
I) De l'écriture des statuts à la question du
local : des préoccupations quotidiennes
A. L'organisation statutaire, hiérarchique et
budgétaire des sociétés artistiques de Touraine
Comme leurs consoeurs, les sociétés du
département d'Indre-et-Loire s'inspirent manifestement de l'organisation
des associations les précédant, mais aussi les voisinant en
raison des transferts culturels qui comprennent à la fois des vecteurs
humains dont les déplacements de population, et vecteurs
matériels à l'exemple de la diffusion des supports textuels. De
cette manière, il est possible de retrouver un certain nombre de
similarités entre les sociétés autant dans la
rédaction des statuts que dans l'organisation hiérarchique. Par
ailleurs, si les contextes sociodémographiques sont différents
d'une région à une autre, il semble que les différents
climats économiques du pays entre 1789 et 1914, conduisent les
sociétés à se confronter aux mêmes
difficultés financières les poussant à trouver des
solutions budgétaires adaptées. Il est intéressant de se
confronter au cas particulier des modalités d'organisation statutaire,
hiérarchique et économique des sociétés
tourangelles pour définir leur quotidien.
a) Les statuts ou la définition des règles, de
la hiérarchie et de l'élitisme
Si toutes les associations ne semblent pas répondre
à des règles particulières, à l'exemple de la
première société des Amis des Arts tourangelles de 1841
dont la création résulte d'une commission municipale, la
constitution d'une société par un groupe d'individus conduit
couramment à la rédaction de statuts. Comme l'indique le
Grand dictionnaire universel du XIXe siècle, les
statuts sont des règles qui établissent « la conduite d'une
compagnie, d'une communauté, d'un ordre, d'une association
»200. De fait, les statuts permettent de définir les
modalités propres à l'exercice des sociétés. Ainsi,
avant toute ouverture officielle une société ou association est
soumise à l'approbation de différents représentants de
l'autorité dont le commissaire de police et le maire de la ville
hébergeant la société, le préfet du
département et le ministre de l'Instruction publique, des Beaux-Arts et
des Cultes. Cela induit l'envoi d'une quantité considérable de
documents entre ces différentes instances, comme en témoigne
la
200 LAROUSSE, Pierre (éd.), op. cit., t. XIV,
Paris, Larousse, 1875, p. 1069.
61
correspondance émise à l'occasion de la
création de la Société Archéologique201
ou de la Société des Amis des Arts de la Touraine202
(ann. 2.1.1 et 2.1.4).
Toutes les sociétés auxquelles cette
étude fait référence ne s'attachent pas aux mêmes
champs d'intérêt et de recherche, bien que partageant pour
dénominateur commun le développement de la culture. Il est
intéressant pour l'historien d'examiner les statuts de plusieurs
sociétés savantes et artistiques, dans le but de mettre en
exergue les ressemblances et les spécificités propres à
chacune des sociétés tourangelles tout en déterminant
l'élitisme qui en résulte. De fait, quatre sociétés
répondant à différentes typologies ont été
choisies pour répondre à cette problématique : la
Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres
d'Indre-et-Loire, la Société Archéologique de Touraine, le
Cercle musical des Beaux-Arts de la Ville de Tours et la Société
des Amis des Arts de la Touraine (Ill. 4 et 5).
Toutes ces associations s'établissent sur un même
modèle hiérarchique. Outre les membres titulaires, qui vivent
dans la même localité que le siège de la
société, les membres correspondants dont le domicile en est
éloigné et les membres honoraires, qui reçoivent ce titre
en raison de leur statut social prépondérant tel que le maire, le
préfet ou l'archevêque, les sociétés d'amateurs sont
établies sous l'organigramme hiérarchique suivant :
président, vice-président, secrétaire
général ou perpétuel, secrétaire adjoint,
conservateur, trésorier et membres de la commission administrative. Si
dans la définition des postes l'expression peut différer, dans
les faits, il semble que les rôles d'une société à
l'autre soient relativement analogues (Ill. 4). En effet, c'est sur le
président que repose la direction des travaux et organisation des
différentes manifestations ainsi que la surveillance du respect des
statuts et des règlements. Le président régit les
assemblées générales et réunions de la commission
administrative en veillant notamment au bon déroulement des discussions,
tandis que le vice-président le remplace en cas
d'indisponibilité. Si le trésorier semble a priori avoir une
fonction relativement limitée en veillant exclusivement aux bons comptes
des sociétés, elle se révèle être toutefois
ardue, en raison des difficultés économiques auxquelles les
sociétés sont régulièrement confrontées. Le
secrétaire général ou perpétuel est
confronté quant à lui à un ensemble d'activités
variées. En effet, celui-ci se charge à la fois de recueillir les
délibérations lors des assemblées, d'en rédiger les
comptes-rendus et de répondre à la correspondance203.
C'est dans l'objectif de suppléer le secrétaire
général que se sont ouverts des postes de secrétaires
adjoints. Enfin le bureau est
201 Sociétés savantes, Tours, A.D., T1395.
202 Sociétés savantes d'Indre-et-Loire, Tours,
A.M., boîte 2R 401/1.
203 S.A.T., « Statuts de la Société
Archéologique de Touraine », Mémoires, t. I, Tours,
Imp. Mame, 1842, p. 17.
62
complété d'un conservateur ou d'un archiviste
bibliothécaire, dans le cas où les sociétés
possèdent une bibliothèque, une collection ou procèdent
à l'achat d'oeuvres d'art en vue de l'organisation d'une loterie. Les
bureaux des sociétés sont pour l'essentiel élus pour trois
ans avec la possibilité d'être renouvelés.
Si ces sociétés entendent
généralement démocratiser le goût des arts chez
leurs concitoyens, il semble que la participation à leur quotidien soit
relativement élitiste. À l'évidence tout le monde ne peut
pas devenir membre, bien que les conditions d'admission s'assouplissent au fur
et à mesure des décennies. En 1806, la Société
d'Agriculture requiert effectivement un âge minimum de 27 ans. En 1838,
il est abaissé à 25 ans, pour enfin être institué
à 21 ans en 1873204. Cette année là est
abrogé également l'obligation « d'être connu, soit par
des travaux d'agriculture pratique ou théorique, soit par un ouvrage
imprimé, soit par la communication d'ouvrages manuscrits, soit enfin par
quelques travaux d'art, de science ou de littérature
»205 pour faire partie de la société (Ill. 5).
Pour autant, que ce soit la Société d'Agriculture ou la
Société des Amis des Arts de la Touraine, l'introduction d'un
nouveau membre est soumise à la présentation par au moins deux
sociétaires et au vote de la commission administrative ou de
l'assemblée générale. L'admission résulte ainsi des
jeux de relation.
Si en 1793, la Société Académique
d'Écriture, de Vérification et d'Institution Nationale de Tours
récompense la citoyenne Brard de ses talents dans l'art de
l'écriture et du calcul en lui décernant un brevet et le titre de
membre de la société (fig. 10)206, il est important
néanmoins de souligner la présence insignifiante des femmes dans
les sociétés tourangelles au XIXe siècle,
à l'instar des autres sociétés du pays. Tandis que, la
Société des Amis des Arts autorise explicitement dans ses statuts
leur participation aux activités207, la Société
Archéologique, la Société d'Agriculture et le Cercle des
Beaux-Arts ne mentionnent pas l'autorisation pour les femmes de devenir membre.
En 1845, aucune femme n'est membre de la Société
Archéologique ni même de la Société d'Agriculture,
malgré la publication dans les Annales de cette
dernière, d'importants travaux sur la soie par la comtesse Apolline de
Villeneuve (17761852), propriétaire du château de
Chenonceau208. Rien ne change en 1880 dans ces mêmes
204 VÉDRINE, François, op. cit., 1993, p.
31.
205 S.A.S.A.B.L., Statuts et règlement de la
Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres
d'Indre-et-Loire, Tours, Imp. Lecesne, 1849, p. 1-2, Tours, A.M., 48Z
21.
206 Société Académique d'Écriture,
de Vérification et d'Institution Nationale de Tours, Brevet
d'artiste en écriture pour la citoyenne Brard, 2 mars 1793,
Vendôme, Fonds Philippe Rouillac.
207 S.A.A., « Statuts », op. cit., f1.
208 VÉDRINE, François, op. cit., 1993, p.
27.
63
sociétés, tandis qu'en 1882 la
Société des Amis des Arts accueille environ 80 sociétaires
femmes sur ses presque 450 membres. Les femmes représentent un
pourcentage de 17% sur l'ensemble des effectifs de la société. Il
semble qu'il faille attendre 1885 pour qu'une femme prenne la fonction de
membre correspondant au sein de la Société
Archéologique209.
Devenir membre d'une société est de fait le
privilège d'un nombre plutôt restreint de Tourangeaux. Ce sont
principalement des ecclésiastiques et des protagonistes ayant des
professions libérales, pédagogiques, administratives, politiques
ou artistiques qui s'investissent dans le quotidien des sociétés
(Ill. 6 à 11). En effet, les membres de ces associations doivent
bénéficier d'un minimum de temps, d'autant que l'essentiel font
partie de plusieurs sociétés. Si la répartition des
professions est relativement égalitaire dans le bureau du Cercle des
Beaux-Arts et dans ceux de la Société d'Agriculture et de la
Société Archéologique et cela à différentes
époques, il est possible de noter que le bureau de la
Société des Amis des Arts de la Touraine en 1881 est
composé en très large majorité d'artistes (87,5%) (Ill. 9)
en raison du réseau qui est à l'origine de sa création et
de son intérêt plus particulier pour le développement de
l'art vivant.
Le coût de la cotisation semble aussi être un
frein pour une partie de la population tourangelle. En effet, le prix des
cotisations s'élève chaque année entre 10 et 24 francs en
fonction de chaque société. Une cotisation annuelle de 10 francs
représente plus de cinq fois le salaire journalier d'un ouvrier agricole
ou industriel de la région Centre entre 1839 et 1862210. En
comparaison cette somme équivaut aussi à cinq paniers de poires,
près de huit livres de beurre et neuf douzaines d'oeufs achetés
sur le marché de Tours en octobre 1882211. Si d'une part, le
manque d'éducation est une frontière au développement du
goût des arts chez les populations les plus modestes, la
réalité économique les conduit d'autre part, à
délaisser les activités artistiques pour des
préoccupations peut-être plus prosaïques sinon essentielles
et vitales. Ainsi, comme le fait remarquer Raymonde Moulin le point commun de
l'ensemble des membres de ces associations est « de jouir d'une position
sociale incontestée, qu'elle soit fondée sur la fortune ou la
capacité »212.
209 [ANONYME], Annuaire historique, statistique, op.
cit., 1885, p. 305.
210 CHANUT, Jean-Marie, HEFFER, Jean, MAIRESSE, Jacques,
POSTEL-VINAY, Gilles, « Les disparités de salaires en France au
XIXe siècle », Histoire et mesure, Vol. 10, n° 3,
1995, p. 386-387.
211 [ANONYME], « Marché de Tours », Journal
d'Indre-et-Loire, n° 275, 5 octobre 1882, p. 2.
212 MOULIN, Raymonde, op. cit., 1976, p. 387.
64
b) Le budget nécessaire à l'émulation
artistique : de l'organisation des loteries aux
financements publics
Pour l'essentiel le budget des sociétés
artistiques et savantes résulte du prélèvement des
cotisations de leurs membres. Néanmoins, ce revenu ne semble pas
suffisant pour subvenir à l'ensemble des dépenses auxquelles les
associations sont confrontées, dont les plus utilitaires, à
l'instar des charges ou l'acquisition du mobilier. Aussi l'édition des
travaux de recherche scientifique représente une dépense
importante. La Société Archéologique rend obligatoire pour
les membres correspondants l'acquisition de ses Mémoires pour
la somme supplémentaire de 6 francs213.
Les manifestations artistiques et musicales sont soumises
à des dispositions budgétaires particulières et
bénéficient parfois de financements publics pour aider à
leur organisation. Déjà en 1835, le projet d'organisation d'une
exposition artistique se confronte à des interrogations autour de sa
viabilité économique et de ses modes de financement. C'est dans
l'objectif de réduire les frais que le comte de CroØ propose la
création d'une société des Amis des Arts dont les
cotisations participeraient essentiellement à financer l'organisation
des expositions (Ill. 2). Pourtant comment la Société des Amis
des Arts de la Touraine arrive-t-elle à financer en 1882 une exposition
dont le coût atteint 5 495,30 francs alors que l'ensemble des cotisations
de ses sociétaires n'apporte qu'un capital de seulement 4 410 francs
214? Pour sa première exposition cette société
est confrontée effectivement à de nombreuses dépenses
à l'exemple de l'achat des tentures et du matériel d'entretien et
d'aménagement. Si la vente des billets de l'exposition produit une somme
totale de 1 893,25 francs et que la vente du catalogue ajoute un revenu de
296,25 francs, à cela il faut ajouter la vente des billets de loterie
qui représente une valeur supplémentaire de 2 329,50
francs215.
Les loteries représentent un moyen de financement
intéressant et nécessaire pour les salons périodiques
sociétaux du XIXe siècle. Si les tombolas artistiques
sont instituées dès la fin du XVIIIe siècle
dans la première Société des Amis des Arts de Paris, leurs
origines sont en réalité bien plus anciennes. Ce jeu de hasard
est inventé dans les Pays-Bas au XIIIe siècle et
devient très courant deux siècles plus tard pour financer des
oeuvres d'utilité publique. Parallèlement c'est en Italie que le
principe de la tombola artistique est inventé en mettant en
213 S.A.T., « Statuts de la Société
Archéologique de Touraine », op. cit., 1842, p. 25.
214 S.A.A, « Comptes des années 1881 et 1882 »,
Compte-rendu de l'année 1882, op. cit., 1883, p.
24.
215 Ibidem.
65
jeu autant des tableaux, que des bijoux ou marchandises
diverses216. Ainsi ce phénomène se diffuse dans
l'ensemble de l'Europe pour « devenir une des formes les plus importantes
de financement public et de spéculation privée »
217. Si les loteries sont interdites en France en raison de la loi
du 21 mai 1836 soumise par Benjamin Delessert (1773-1847), industriel et
philanthrope convaincu de son devoir de protection des classes
ouvrières, toutes ne sont pas annihilées, à l'instar des
loteries organisées par les sociétés d'encouragement
artistique ou de charité218.
En Touraine comme dans les autres régions, les loteries
sont pour l'essentiel liées à l'organisation des expositions
artistiques. En effet, toutes les expositions sociétales depuis 1841
comprennent le tirage au sort d'objets d'art à l'exception de celles
organisées par la Société Archéologique. Les
loteries des sociétés remportent un certain succès
auprès des tourangeaux. Les demandes d'autorisation d'organisation de
loteries par la Société des Amis des Arts de la Touraine
auprès des autorités municipales et préfectorales en
témoignent. En effet, la société requiert l'édition
de 10 000 billets à 50 centimes pour l'exposition de 1882 (ann.
4.1.1.1)219, tandis qu'elle sollicite l'autorisation
d'édition de 6 000 tickets pour l'exposition de 1889 (ann.
2.4.2.2)220. Si à l'évidence certains visiteurs de
l'exposition achètent plusieurs billets de loterie en vue d'augmenter
leur chance de gain et que tous ne sont pas tourangeaux, il faut remarquer que
l'édition de ces billets touche en théorie près de 20% des
presque 52 000 habitants de Tours en 1882 et 10 % des 60 000 résidents
en 1889221, soit une part relativement importante de la population
de la ville. Néanmoins seulement la moitié des 6 000 des billets
n'est vendue en 1889222.
216 BERNARD, Bruno (éd.), Loteries en Europe. Cinq
siècles d'histoire, Gand, Snoeck-Ducaju & Zoon, 1994, p.
138.
217 RAUX, Sophie, « Les loteries de François
Verbeelen dans les Flandres (1595-1608) », in COQUERY, Natacha
(éd.), BONNET, Alain (éd.), Le commerce de luxe. Production,
exposition et circulation des objets précieux du Moyen âge
à nos jours, actes de colloque, Paris, Mare et Martin, 2015, p.
103.
218 BUCHANIEC, Nicolas, « Les loteries des salons de
province, entre économie et philanthropie », HOUSSAIS, Laurent
(éd.), LAGRANGE, Marion (éd.), MOULIN, Raymonde (éd.)
et alii, op. cit., 2010, p. 44.
219 Préfecture d'Indre-et-Loire : Lettre
adressée au maire de Tours au sujet de la demande d'organisation d'une
loterie par la Société des Amis des Arts à l'occasion de
son exposition artistique de 1882, 16 septembre 1882, Tours, A.M., 2R 401/1.
220 Préfecture d'Indre-et-Loire : Lettre
adressée au maire de Tours au sujet de la demande d'organisation d'une
loterie par la Société des Amis des Arts à l'occasion de
son exposition artistique de 1889, le 20 avril 1889, Tours, A.M., 2R 401/1.
221 École des Hautes Études en Sciences
Sociales, « Tours », Des villages de Cassini aux communes
d'aujourd'hui :
http://cassini.ehess.fr/cassini/fr/html/fiche.php?select
resultat=37911# . Consulté le 14/04/2017.
222 S.A.A., Compte-rendu de l'année 1889, op.
cit., 1890, p. 18.
66
Si le produit résultant de l'achat des billets de
loterie permet l'acquisition d'oeuvres exposées à l'occasion des
salons, les autorités administratives suppléent
régulièrement aux difficultés budgétaires des
sociétés en fournissant des oeuvres pour les loteries. De fait
pour l'organisation de sa tombola suivant son exposition de 1882, la
Société des Amis des Arts de la Touraine sollicite des estampes
et un objet d'art auprès du Ministère de l'Instruction publique
et des Beaux-Arts. Ainsi sont accordées pour la loterie, « une
statuette de Sèvres et un choix de gravures de prix »223
dont Le bon Samaritain de Rodolphe Bresdin (1822-1885) (fig. 11) et
des représentations d'après les oeuvres récentes de Louis
Ernest Barrias (1841-1905) ; Les premières funérailles
par Levasseur, d'Eugène Delaplanche (1836-1891) ; La
Vierge au lys par Lurat, ou encore de Pierre Puvis de Chavannes
(1824-1898) ; Scènes de la vie de Sainte Geneviève par
Alphonse-Charles Masson (1814-1898). Des estampes d'après des oeuvres
plus anciennes sont aussi envoyées à l'exemple du Portrait
d'Erasme d'après Hans Holbein (14971543) par Félix
Bracquemond (1833-1914) ou du Portrait de Bartolo d'après
Raphael (1483152) par Jules Jacquet (1841-1913)
(fig.12)224. Il semble de fait que le Ministère des
Beaux-Arts s'efforce d'envoyer un corpus de gravures d'après des oeuvres
de différentes périodes dans un souci de variété.
Cependant, ces oeuvres multiples ne sont assurément pas les lots les
plus convoités, en raison de leur statut inférieur en comparaison
aux oeuvres originales à l'instar des tableaux225.
La participation du Ministère de l'Instruction publique
au quotidien des sociétés artistiques ne s'arrête pas
à l'envoi de lots de gravures pour les loteries. En effet, l'État
alloue régulièrement des fonds nécessaires à
l'organisation des expositions. La section artistique de la
Société d'Agriculture semble bénéficier de 1898
à 1902 d'une subvention de 500 francs pour la tenue de ses salons
annuels. Ainsi lorsque le Ministère attribue cette allocation en 1902
à d'autres sociétés, la section artistique est contrainte
d'utiliser pour l'organisation matérielle de l'exposition les fonds dont
elle dispose pour les achats des oeuvres des exposants. Cela la conduit cette
année-là à « ne pas favoriser pécuniairement
les artistes »226. Il semble de cette manière que les
sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts sont confrontées
à des difficultés
223 S.A.A., Compte-rendu de l'année 1882, op.
cit., 1883, p. 20.
224 Ministère de l'Instruction publique et des
Beaux-Arts : Arrêté disposant de l'attribution de gravures
à la Société des Amis des Arts de la Touraine, 14 novembre
1882.
225 BUCHANIEC, Nicolas, « Les loteries... », op.
cit., 2010, p. 50.
226 CHAUVIGNÉ, Auguste, « Séance
académique du 13 décembre 1902. Rapport sur les travaux de la
société pendant l'année 1902 », Annales de la
Société d'Agriculture, sciences arts et belles lettres, t.
LXXXIII, Tours, Imp. Deslis, 1903, p. 79.
67
budgétaires quotidiennes, les conduisant
régulièrement à ne pas pouvoir assumer seules
l'émulation artistique à laquelle elles aspirent, à
l'exemple de la Société Archéologique qui sollicite de la
municipalité tourangelle, une subvention importante de 4000 francs, pour
l'organisation de son exposition célébrant son
cinquantième anniversaire en 1890227.
Il est nécessaire pour les sociétés
d'entretenir des relations courtoises avec les autorités publiques, ce
qui pousse à l'évidence la Société Photographique
à inviter l'ensemble des membres du Conseil municipal et leurs familles
à une séance de projection privée en mars
1914228. Mais parfois, la vie publique de certains membres des
associations conduit les autorités politiques à ne pas satisfaire
les demandes d'assistance requises par les sociétés. Ainsi en
1906, la préfecture d'Indre-et-Loire incite le Ministère des
Beaux-Arts à ne pas donner suite à l'attribution d'oeuvres d'art
sollicitée la Société des Amis des Arts, pour ne pas
donner l'impression de favoriser la présentation du président
Jacques Drake del Castillo aux élections
législatives229.
Les questions hiérarchiques et budgétaires sont
des problématiques récurrentes des sociétés
artistiques au XIXe siècle. De fait, les
sociétés tourangelles à l'instar des autres associations
culturelles françaises de cette période ne peuvent y
échapper, bien que l'essentiel de leurs membres participant à
leur quotidien figurent parmi les élites intellectuelles, artistiques et
souvent financières. Ainsi les sociétés ont une
réalité économique relativement précaire les
poussant régulièrement à solliciter l'aide des
autorités publiques, tout en développant des solutions de
financement originales, à l'exemple des loteries qui semblent remporter
un succès important auprès de leurs membres et de la
population.
B. Le local : une problématique récurrente du
quotidien des sociétés
La question de l'installation du local est peu ou prou
liée aux problématiques statutaires et budgétaires des
sociétés artistiques. Le local est effectivement régi par
un règlement et induit des dépenses liées à son
acquisition ou sa location, ainsi qu'à son entretien. Par ailleurs,
l'émulation artistique à laquelle aspirent les
sociétés - tant par l'organisation d'expositions que de concerts
ou de créations d'espaces culturels dont des musées et des
bibliothèques - conduit
227 DELAVILLE LE ROULT, J., (président de la
société) : Lettre au maire de Tours au sujet d'une demande de
souscription de 4000 francs pour l'organisation de l'exposition
rétrospective de 1890 célébrant le cinquantenaire de la
société, s. d., Tours, A.M., 2R 401/1.
228 DESLIS, (Président de la société) :
Lettre au maire de Tours invitant les membres du conseil municipal et leurs
familles à assister à une séance privée, 8 mars
1914, Tours, A.M., 2R 401/2.
229 Préfecture d'Indre-et-Loire : Lettre au
sous-secrétaire d'État des Beaux-Arts au sujet de l'attribution
de gravures pour la tombola annuelle de la société, 22 mars 1906,
Pierrefitte-sur-Seine, A.N., F/21/4085.
68
indubitablement à trouver des lieux pour la
réaliser et l'accueillir. Il convient ainsi de s'intéresser
à l'installation du local et des lieux où s'organisent
l'encouragement artistique proposé par les sociétés, dans
l'objectif de reconstituer une partie de cette problématique
récurrente à toutes les associations.
a) De l'état nomade à l'installation du
siège social : entre solutions économiques, recours
aux autorités publiques et développement des
activités
L'installation d'un siège social est un problème
quotidien des sociétés savantes et d'encouragement aux
Beaux-Arts230. Si à leur formation la plupart des
sociétés n'ont pas d'adresse particulière, à terme
il semble que ces dernières s'emploient à trouver un espace pour
organiser leurs réunions et leurs assemblées administratives.
L'essentiel des sociétés est tributaire de la
bienveillance municipale. En effet, la ville met à disposition des
associations, des salles de l'Hôtel de ville pour la tenue de leurs
réunions. Ainsi, jusqu'en 1885 les assemblées
générales de la Société des Amis des Arts de la
Touraine se déroulent dans les salles de la mairie de Tours avant de se
tenir dans son propre siège social situé d'abord au 11, rue
Nationale231 puis au 7, rue de la Scellerie à partir de 1889
(ann. 4.2). Comme le souligne son secrétaire général Paul
Briand en 1885, « la société n'est plus [É] à
l'état nomade, elle a un domicile fixe »232.
L'acquisition d'un local pour la tenue des réunions libère cette
société de plus de 500 membres des contraintes liées aux
prêts des salles de la mairie.
Si l'autorité municipale est disposée à
prêter occasionnellement ses locaux aux sociétés locales,
elle semble également prête à ce que certaines investissent
les bâtiments de la ville pour des durées
indéterminées. En effet peu de temps après sa
création, la Société Archéologique de Touraine
requiert auprès du maire de Tours, l'installation de son siège
social et de ses collections dans les salles du second étage du
musée (4.2). Le projet est accueilli favorablement par Auguste Walwein
et la Société Archéologique investit les lieux
l'année suivante, après des travaux
d'aménagement233. Ainsi l'association dispose de l'ensemble
du second étage, de l'escalier et des caves pour accueillir ses 549
objets antiques, médiévaux ainsi que ses peintures,
230 BRUNNER, Marie-Ange, op. cit., p. 199.
231 S.A.A., Compte-rendu de l'année 1886, op.
cit., 1887, p. 16.
232 S.A.A., « Assemblée générale du 19
juillet 1885 », Compte-rendu de l'année 1885, op.
cit., 1886, p. 17.
233 WALWEIN, Auguste : Lettre adressée au
président de la Société Archéologique de Touraine
au sujet de l'installation de la Société au second étage
du musée, 11 mai 1841, Tours, A.M., 2R 401/1.
69
dessins et autres objets d'art recensés en 1871 par
Léon Palustre234. L'installation du musée de la
Société Archéologique de Touraine apparaît comme un
complément aux collections du musée de Tours. Les collections de
la société s'ajoutent en effet à celles strictement des
Beaux-Arts de la ville. Si le cas particulier de l'installation de la
Société Archéologique ne semble souffrir d'aucune
critique, à l'échelle nationale des commentateurs de
l'époque appellent les maires à ne pas laisser les
sociétés artistiques s'installer dans les musées
municipaux.
L'invasion des musées par les sociétés
des Amis des Arts est un fait monstrueux, un abus criant. Les villes qui
possèdent des musées ne peuvent pendant plusieurs mois les fermer
à l'étude, à la curiosité, ou simplement au plaisir
des étrangers et du public. Elles ne doivent pas exposer à des
chances de détérioration de tout genre les objets d'art dont le
gouvernement leur délègue la propriété et
l'entretien235.
Si en vérité Léon Lagrange reproche
davantage aux sociétés la tenue de leurs expositions dans les
musées de province plutôt que leur installation définitive,
il insiste néanmoins sur le fait que les sociétés doivent
acquérir un local leur étant propre et indépendant de
l'hospitalité municipale. La Société Archéologique
bénéficie du prêt du second étage du musée
jusqu'aux prémices de la Première Guerre mondiale. En 1914, la
municipalité reprend les locaux « pour une nouvelle installation de
l'école régionale des Beaux-Arts »236. La
société est donc amenée à devoir trouver un nouveau
lieu pour installer à la fois son siège social et ses
collections. Si dès 1914, la société s'installe place
Foire-le-Roi dans l'Hôtel de l'Argentier de François Ier (ann.
4.2), la guerre a pour conséquence de retarder les travaux et
l'ouverture du musée. Au sortir de la guerre, la Société
Archéologique sollicite de nouveau la bienveillance de la
municipalité pour l'aider à rembourser les 6 000 francs de
dépenses engagées. La ville fait dès lors « un don
généreux [de 3 000 francs] en faveur du musée de ladite
société »237 et participe ainsi à combler
les dettes contractées par celle-ci.
L'installation du siège social a souvent des
conséquences favorables pour le développement des
sociétés. En effet, la possession d'un local permet à
l'évidence de multiplier les activités. En mars 1886, soit
près d'un an suivant l'acquisition de son propre local, la
Société des Amis des Arts de la Touraine ouvre une
bibliothèque à destination de ses membres « comprenant des
ouvrages traitant de l'art proprement dit ainsi que de l'art décoratif
et
234 PALUSTRE, Léon, Catalogue du musée de la
Société Archéologique de Touraine, Tours, Imp.
Ladevèze, 1871.
235 LAGRANGE, Léon, op. cit., t. X,
1er mai 1861, p. 164.
236 Conseil municipal de Tours, Extrait de la séance du 12
avril 1919, Tours, A.M., 2R 401/1.
237 BEAUMONT : Charles de (vice-président) : Lettre au
maire de Tours l'informant du bon accueil du don de la municipalité
tourangelle au profit du musée de la société,
1er mai 1919, Tours, A.M., 2R 401/1.
70
industriel, des collections de gravures et des publications
périodiques »238. Si la bibliothèque de la
société n'est ouverte que deux jours dans la semaine en 1886 - le
mercredi de 19 à 22 heures et le dimanche de 13 à 17 heures en
hiver et de 13 à 18 heures en été - puis trois jours
à partir de 1887 - le samedi s'ajoutant - elle devient néanmoins
un lieu particulier d'érudition artistique en complément de la
bibliothèque municipale. Elle propose à la fois la consultation
de revues générales de Beaux-Arts dont La Gazette des
Beaux-Arts et Le Moniteur des arts et d'ouvrages
spécialisés à l'exemple du Dictionnaire
raisonné de l'architecture française de Viollet-le-Duc de
La Grammaire des arts décoratifs de Charles Blanc et du
Mobilier national d'Édouard-Thomas
Williamson239. Les 123 ouvrages possédés
dès 1886, semblent s'adresser en particulier à l'instruction des
ouvriers d'art de la région, puisque pouvant « leur rendre
d'importants services »240. La Société des Amis
des Arts paraît engager les artistes de Tours à fréquenter
la bibliothèque dans l'objectif d'enrichir et d'améliorer la
production artistique locale.
Si l'indépendance du local incite les
sociétés à développer leurs activités, il
semble néanmoins que les difficultés budgétaires les
conduisent parfois à se regrouper pour diminuer les frais auxquels elles
sont confrontées. Ainsi la Société des Amis des Arts de la
Touraine, la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et
Belles-Lettres d'Indre-et-Loire et la Société Photographique de
Touraine se regroupent pour former l'Union des sociétés
artistiques et savantes au début de l'année 1903241.
Cette Union a pour but de louer et de gérer l'immeuble du 14 rue des
Halles (ann 4.2), siège social des trois
sociétés242. La Société
Littéraire et Artistique les rejoint la même année, bien
que ne s'investissant pas dans la délégation administrative
243 . Le partage d'un local par plusieurs sociétés
n'est pas une exception tourangelle. À Rouen en 1857, l'Hôtel du
premier président du parlement de Normandie est affecté aux
sociétés savantes de la ville dont l'Académie des
Sciences, Lettres et Arts, la Société libre d'émulation et
la Société centrale d'Horticulture244. Appartenant
à la société immobilière Mame, l'immeuble de la rue
des Halles (ann 4.2) abritent les associations jusqu'en novembre
238 S.A.A., « Avis bibliothèque »,
Compte-rendu de l'année 1885, op. cit., 1886, p. 1.
239 S.A.A., « Bibliothèque de la
Société des Amis des Arts de la Touraine », Compte-rendu
de l'année 1885, op. cit., 1886, p. 32-33.
240 S.A.A., Compte-rendu de l'année 1886, op.
cit., 1887, p. 19.
241 S.A.S.A.B.L., « Séance du 14 février 1903
», Annales, t. LXXXIII, Tours, L. Péricat, 1903, p. 45.
242 [ANONYME], Annuaire historique..., op.
cit., 1905, p. 351.
243 AUDIN, Pierre, op. cit., 2008, p. 138.
244 BERGOT, François, op. cit., 2009, p. 16.
71
1927, date de la dissolution de la société
civile, en raison de l'augmentation trop importante du loyer245.
b) Le local : un élément essentiel à
l'organisation des manifestations artistiques
Pour des questions évidentes de coût, les
sociétés quant elles le peuvent, organisent leurs expositions
dans leurs propres locaux. Ainsi la section artistique de la
Société d'Agriculture tient ses expositions à partir de
1900, à son siège social rue du Général-Jameron,
aujourd'hui rue Origet (4.1 et 4.2), puis à partir de 1903 à
l'hôtel de l'Union des sociétés artistiques et savantes.
L'organisation des Salons tourangeaux dans ces locaux s'explique par le nombre
relativement restreint d'oeuvres exposées. En effet, les expositions de
la Société d'Agriculture ne présentent que quelques
dizaines d'oeuvres d'art d'artistes régionaux.
Pour autant, l'essentiel des locaux des sociétés
ne permettent pas d'organiser des expositions de Beaux-Arts de grande
envergure, comme le constate à ses dépens la
Société des Amis des Arts, à l'occasion de ses expositions
de 1886 et 1887. Le manque de superficie et de luminosité du local de la
rue Nationale (ann. 4.1 et 4.2) semble décourager un certain nombre
d'artistes de présenter leurs oeuvres dans ces conditions246.
Se heurtant à l'impropriété de son local, la
société s'efforce de trouver l'année suivante des
solutions pour remédier à ce problème.
Un local convenable est indispensable, et c'est ce que nous
avons cherché à nous assurer, non pour une fois, mais pour
plusieurs fois. Des combinaisons nombreuses ont été
étudiées [É] La plus séduisante consistait à
louer un terrain, à y édifier moyennant un emprunt une
construction capable de recevoir une exposition. Mais on a promptement reconnu
qu'une entreprise de ce genre grèverait outre mesure les finances de la
Société247.
Ce projet ambitieux prend probablement son inspiration des
pavillons construits par Henri Prath en 1881 pour l'Exposition nationale de
Tours. Rapidement édifiés, facilement démontables, ces
constructions de verre et de métal ne peuvent cependant être
commandés par la société en raison de leur coût trop
important. L'impossibilité d'organiser des expositions dans de bonnes
conditions, conduit la Société des Amis des Arts de la Touraine
à déménager en 1889 rue de la Scellerie (ann. 4.2). Elle
s'installe dans un local plus petit mais au loyer moins coûteux.
245 S.A.A., « Séance du 4 novembre 1927 »,
Procès-verbaux de la commission administrative 1914-1946, op.
cit., f° 50.
246 DE STALL, « Le Salon Tourangeau. L'exposition des
Amis des Arts », Journal d'Indre-et-Loire, n° 114, 15 mai
1887, p. 2.
247 S.A.A., Compte-rendu de l'année 1888, op.
cit., 1889, p. 18.
72
Il est probable que l'économie réalisée
sur le loyer, la conduise à organiser une exposition dans un espace
privé. Propriété d'un particulier depuis 1879,
l'église Saint-François de Paule (ann. 4.1) semble convenir
à la présentation d'objets d'art, tout comme l'église des
Minimes en 1847 et 1853 (ann. 4.1) qui accueille les expositions de la
Société Archéologique et de la Société des
Amis des Arts de Touraine. Il semble que les sociétés recourent
régulièrement à la location ou au prêt de locaux
pour l'organisation de leurs l'expositions artistiques. Néanmoins le
nombre d'espaces susceptibles d'accueillir des expositions paraît
relativement limité à Tours. Si à l'origine ces
églises reconverties ne sont pas prévues pour l'organisation
d'expositions, elles semblent pourtant relativement bien s'adapter aux
contraintes liées à la présentation d'oeuvres d'art. La
superficie de ces édifices permet également d'accueillir un
nombre pléthorique d'objets d'art. En 1853, l'exposition de la
Société des Amis des Arts de Touraine comporte près de 300
tableaux248, tandis que l'exposition de 1889 présente plus de
400 « toiles ou dessins suspendus aux murs du vieux monument
»249 auxquels il faut ajouter des chevalets au milieu de la
salle pour présenter l'ensemble des oeuvres. De surcroît, il
semble que la luminosité soit suffisante pour l'exposition des
peintures.
L'installation des expositions en dehors des sièges
sociaux résultent à l'évidence des jeux de relation.
Lorsque la Société d'Agriculture organise sa première
exposition depuis la renaissance de sa section artistique, Albert
Lépingle, carrossier et membre de l'association, met à
disposition son local situé au 3ter rue Georges-Sand (ann. 4.1).
Composé de deux niveaux, le hall Lépingle semble se prêter
aisément à l'organisation d'une exposition, d'autant que la
société adjoint des concerts et des conférences. Ainsi le
rez-de-chaussée est plus spécialement réservé
à la tenue des manifestations musicales, tandis que le premier
étage est réservé à la présentation des
oeuvres industrielles et artistiques250.
Si l'encouragement des Beaux-Arts est soutenu en Touraine par
plusieurs sociétés, il semble toutefois qu'il soit
dépendant de la bienveillance des autorités publiques. Outre les
subventions et le prêt des salles de la mairie pour la tenue des
réunions, la municipalité tourangelle met
régulièrement ses locaux à disposition des
sociétés pour l'organisation des expositions. Si Tours ne
bénéficie pas en dehors de son musée d'une galerie propre
à la présentation d'oeuvres d'art, l'autorité municipale
consent à plusieurs reprises à prêter des salles
248 [ANONYME], « Tours. Exposition de Peinture »,
Journal d'Indre-et-Loire, n° 211, 8 septembre 1853, p. 2
249 DIVRAY, Jean, « L'exposition de la rue
Saint-François », Journal d'Indre-et-Loire, n°106, 5
mai 1889, p. 2.
250 [ANONYME], « Société d'Agriculture,
Sciences, Arts et Belles-Lettres : Une exposition à Tours »,
Journal d'Indre-et-Loire, n° 57, 9 mars 1898, p. 2.
73
de son Hôtel de ville, à l'instar de la
préfecture qui offre en 1841 ses salons pour l'organisation de
l'exposition des produits des arts et de l'industrie251. À
l'évidence le prêt de l'Hôtel de ville symbolise
l'implication de Tours dans le développement des Beaux-Arts. La hauteur
sous plafond ainsi que l'isolation et la sécurité font de
l'Hôtel de Ville l'espace le plus adapté à recevoir
l'exposition de 1873 organisée par la Société
Archéologique252. La Société des Amis des Arts
organise également son exposition de 1882 dans les salles de
l'Hôtel de ville, bien que ce lieu ne soit pas conçu pour recevoir
des exhibitions artistiques. Si la présentation des objets lors de
l'exposition rétrospective de 1873 souffre de quelques
critiques253, il semble au contraire que la mise en scène des
oeuvres de l'exposition de 1882 dans la grande salle de l'Hôtel de ville,
remporte un certain succès auprès des visiteurs.
[É] les aménagements me paraissent parfaits.
L'or des encadrements, les couleurs des tableaux eux-mêmes, les murs
revêtus du haut en bas de peintures, d'aquarelles, de dessins, de
crayons, d'émaux, font de cette salle un véritable salon
parfaitement décoré où rien ne manque et où la
tenue est irréprochable254.
Le critique Van Keller semble séduit autant pas les
objets exposés que par leur présentation, ce qui le conduit
à conclure que l'exposition de 1882 est « remarquable et bien
au-dessus certainement de la moyenne des expositions de province
»255. Ces propos élogieux paraissent rendre compte de
l'adaptation des salles de l'Hôtel de ville aux principes
muséographiques de l'époque. L'accrochage bord à bord des
tableaux sur plusieurs registres de hauteur est en effet une constante des
expositions du XIXe siècle que ce soit à Paris comme
en province.
Il faut noter cependant que la dépendance aux
prêts des salles de la mairie pour l'organisation d'expositions conduit
les sociétés artistiques à s'adapter et parfois à
renoncer à la tenue de leurs expositions. Ainsi en 1884, la
Société des Amis des Arts de la Touraine recule au 1er
juillet l'ouverture de son exposition d'arts décoratifs fixée
initialement le 12 avril, en
251 [ANONYME], « Exposition des produits des arts et de
l'industrie », Journal d'Indre-et-Loire, n° 47, samedi 3
avril 1841, p. 1, Tours, Archives municipales, 121 C 26.
252 BROGARD, Clémence, op. cit., 2016, p. 29.
253 Ibid., p. 31.
254 VAN KELLER, « Salon de Tours. Exposition de peinture.
Aperçu général. Lettre 1. », Journal
d'Indre-et-Loire, n° 254, 28 octobre 1882, p. 2.
255 Ibidem.
74
raison des élections municipales devant se
dérouler en mai256 (ann. 2.5.1.1). Malgré cette
disposition préventive, l'exposition ne peut être organisée
à cette date, compte tenu du passage de la loi de mars 1884 sur la
publicité des séances des conseils municipaux257.
Le local est manifestement un élément essentiel
de la vie des sociétés. Si le siège social offre aux
membres des associations un lieu pour se réunir, il permet
également, quand ses caractéristiques les rendent possibles,
d'accueillir des expositions ainsi que développer des activités
supplémentaires, dont un musée dans le cas de la
Société Archéologique ou une bibliothèque à
l'exemple de la Société des Amis des Arts de la Touraine. Pour
autant, la jouissance d'un local particulier résulte souvent de la
bienveillance municipale, bien que les sociétés mettent
régulièrement en oeuvre leurs réseaux, pour
bénéficier d'espaces d'exposition. La question du local est donc
une problématique constante dans le quotidien des
sociétés. Il influence de surcroît les actions
menées par celles-ci.
II) Vivre en société(s) : le quotidien des
associations en dehors de leur cercle
A. Un essai de démocratisation de l'accession
à la culture et d'encouragement des jeunes artistes. Les liens
entretenus entre les sociétés artistiques et les
tourangeaux
Les rapports qu'essaient d'entretenir les
sociétés artistiques avec l'ensemble des Tourangeaux semblent
paradoxaux au regard de l'élitisme dont elles font preuve, lorsqu'il
s'agit de recruter les membres les composant. En effet si la participation au
quotidien des sociétés semble limitée à un nombre
relativement restreint de protagonistes, les associations paraissent s'efforcer
au contraire à toucher un plus vaste champ de la population lorsqu'elles
organisent des manifestations artistiques publiques dans l'objectif de
développer le goût des arts chez leurs concitoyens. Partant de ce
constat, il paraît intéressant d'évaluer la
réception des sociétés auprès de l'ensemble des
Tourangeaux dans le but de restituer leur intégration à
l'échelle de leur localité.
256 DRAKE DEL CASTILLO, Jacques (président) : Lettre
adressée au maire de Tours au sujet de la mise à disposition
d'une salle pour l'organisation d'une exposition d'art décoratif,
1er janvier 1884, Tours, A.M., 2R 401/1.
257 S.A.A., Compte-rendu de l'année 1884, op.
cit., 1885, p. 18.
75
a) L'intégration des sociétés
d'encouragement aux Beaux-Arts dans le quotidien culturel
des habitants de Touraine : entre volonté de
démocratisation et conservatisme de l'accession à la culture
À l'évidence les sociétés
artistiques et savantes du département d'Indre-et-Loire s'efforcent
chacune d'amplifier leur visibilité auprès de la population, pour
en convaincre un certain nombre de l'utilité de leur cause. C'est dans
cet objectif que sont publiés régulièrement dans la
huitaine des journaux, les analyses raisonnées des procès-verbaux
des séances des commissions et des assemblées
générales. Trois des sociétés tourangelles de notre
corpus transmettent immanquablement au Journal d'Indre-et-Loire les
synthèses de leurs séances de travail : la Société
Archéologique de Touraine, la Société d'Agriculture,
Sciences, Arts et Belles-Lettres et la Société des Amis des Arts
de la Touraine. Toutefois, la publication de ces extraits ne s'adresse en
réalité qu'à un petit nombre d'amateurs du
département, puisque le Journal d'Indre-et-Loire n'est lu que
par une part minoritaire de la population en Touraine, en raison du taux
d'analphabétisation encore très important - 32,84% de la
population française de plus de 5 ans ne sait ni lire ni écrire
en 1866258 - du tarif de son abonnement et de sa tendance
conservatrice, qui le pousse à soutenir invariablement le régime
en place259. Le prix de l'abonnement évolue peu en une
cinquantaine d'années, passant de 26 francs pour un habitant de Tours en
1833 à 30 francs en 1881260. Ce journal en lui-même
limite la visibilité des sociétés auprès de la
population du département d'Indre-et-Loire. Si les publications des
résumés des réunions sont des outils de communication
louables pour la visibilité des sociétés, il semble
toutefois qu'elles ne se destinent pas à tous les habitants du
département.
Toutefois dans un souci de démocratisation de l'art,
les sociétés artistiques et savantes visent à
s'intégrer dans le quotidien d'un plus grand public. Ainsi, elles
réduisent au plus bas, le prix des droits d'entrée aux
expositions qu'elles organisent. La rentabilité ne semble pas être
l'une des motivations guidant l'organisation des expositions. En 1853, le prix
d'entrée à l'exposition de la Société des Amis des
Arts de Touraine est fixé à 50 centimes de franc261.
L'exposition de 1882 de la Société des Amis des Arts de la
Touraine est accessible au même
258 FURET, François, SACHS, Wladimir, « La
croissance de l'alphabétisation en France (XVIIIe-XIXe siècle)
», Annales. Économies, Sociétés,
Civilisations, Vol. 29, n° 3, 1974, p. 721.
259 LAURENCIN, Michel, La vie quotidienne..., op.
cit., 1980, p. 268.
260 Journal d'Indre-et-Loire, n° 1, 2 janvier 1833.
Journal d'Indre-et-Loire, n° 1, 27 février 1881.
261 [ANONYME], « Exposition de Peinture », Journal
d'Indre-et-Loire, n° 205, 1er septembre 1853, p. 2.
76
tarif du lundi au vendredi, le samedi à 1 franc et le
dimanche à 0,25 centimes262. La Société
d'Agriculture suit ce modèle en 1898 lorsqu'elle ouvre sa
première exposition de Beaux-Arts à l'occasion de la renaissance
de sa section des Arts et Belles-lettres263. Si cet
aménagement des tarifs est profitable pour les populations les plus
modestes, puisque bénéficiant le dimanche d'un tarif
adapté à leurs moyens, il semble néanmoins que ce souci
d'équité soit motivé par une volonté de dissocier
les publics, évitant ainsi « aux visiteurs élégants
le contact populaire, sans toutefois réserver le privilège de
l'art aux seules classes supérieures »264. Pour autant,
ce système ne paraît pas fonctionner en Touraine comme semble le
suggérer l'application d'un tarif unique à 0,25 centimes de franc
aux expositions suivantes de 1885 et 1899265 (Ill. 12). À
l'évidence, les expositions ne sont pas fréquentées par
l'ensemble de la population et demeurent des lieux de ségrégation
sociale266. Il est fort probable que l'application de tarifs
supérieurs certains jours de la semaine réduit le nombre de
visiteurs. Si d'autres sociétés à l'instar de la
Société Archéologique parient dans le cadre de
manifestations publiques plus générales sur la gratuité le
dernier jour de l'exposition267, il est certain que toutes les
catégories sociales ne sont pas représentées malgré
l'exonération des charges268.
Dans l'objectif de susciter davantage d'intérêts
chez leurs concitoyens et augmenter par là-même l'afflux de
visiteurs lors de la tenue de leurs manifestations artistiques publiques, les
sociétés s'emploient à multiplier les attractions. Dans ce
sens les associations adjoignent des activités à leurs
expositions de Beaux-Arts, dans le but de créer une festivité
populaire. Les orchestres locaux sont régulièrement
invités à jouer au sein même des expositions, pour impulser
une dynamique culturelle moins élitiste. Ainsi la fanfare des
sapeurs-pompiers de Tours est conviée à l'occasion de la
clôture de l'exposition de 1882269.
262 [ANONYME], « Société des Amis des Arts
de la Touraine », Journal d'Indre-et-Loire, n° 229, 29
septembre 1882, p. 2.
263 [ANONYME], « L'exposition des Beaux-Arts »,
Journal d'Indre-et-Loire, n° 82, 8 avril 1898, p. 2
264 MOULIN, Raymonde, op. cit., 1976, p. 395.
265 [ANONYME], « Société des Amis des Arts de
la Touraine », Journal d'Indre-et-Loire, n° 108, 8 mai 1885,
p.
2.
[ANONYME], « Société d'Agriculture,
Sciences, Arts et Belles-Lettres. Exposition annuelle des Beaux-Arts »,
Journal d'Indre-et-Loire, n° 245, 18 octobre 1899, p. 3.
266 BUCHANIEC, Nicolas, Salons de province, op. cit.,
2010, p. 116.
267 BROGARD, Clémence, op. cit., 2013, p. 46.
268 BUCHANIEC, Nicolas, Salons de province, op.
cit., 2010, p. 115.
269 [ANONYME], « Exposition de la Société
des Amis des Arts de la Touraine », Journal d'Indre-et-Loire,
n° 266, dimanche 12 novembre 1882, p. 2.
77
Toutefois les loteries sont à l'évidence les
événements les plus attractifs, bien que le nombre des ventes de
tickets diminue considérablement entre 1882 et 1889 en ce qui concerne
les expositions de la Société des Amis des Arts de la Touraine.
À l'exemple des droits d'entrée aux expositions, les tickets de
loterie sont vendus à des tarifs relativement bas. Si en 1841, la
loterie de l'exposition n'est ouverte qu'aux seuls actionnaires de la
Société des Amis des Arts de Tours pour la somme de 5
francs270, les loteries des expositions suivantes sont accessibles
à tous les visiteurs pour la somme de 1 franc. Les tirages sont
organisés le jour même ou peu de temps après la
clôture des expositions et s'appréhendent de fait, comme des
festivités supplémentaires durant lesquelles le « public
conformiste tenu à l'écart des querelles esthétiques qui
animent le microcosme artistique parisien [É] est incité à
franchir le pas de l'acquisition et à constituer sa propre collection
»271 . Manifestement ce sont les oeuvres correspondant au
goût conventionnel de l'époque qui sont essentiellement mises en
jeu dans l'objectif de plaire à un large public. Ainsi les peintures de
genre, les natures mortes et les paysages sont les genres les plus
représentés dans les loteries. Dans le cas particulier des
tombolas de 1882, 1887 et 1889 de la Société des Amis des Arts
Ð pour lesquelles les oeuvres réparties par le sort nous sont
connues272 Ð, le paysage est le genre le plus
représenté (Ill. 13). En 1882 presque la moitié des
oeuvres sont des paysages sur les 37 lots que comportent la tombola. Ce n'est
qu'en 1889 que cette tendance s'inverse, puisque les natures mortes supplantent
les paysages. Le genre historique est absent des loteries en 1887 et 1889 et
n'est présent en 1882 que par l'intermédiaire d'estampes
réalisées d'après des peintures d'histoire dont les
Scènes de la vie de sainte Geneviève, corpus de quatre
estampes envoyé par le Ministère de l'Instruction publique, des
Beaux-Arts et des Cultes.
Malgré ces initiatives tendant à réduire
le coût et faciliter l'accession à la culture, les expositions
organisées par les sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts
tourangelles ne sont goûtées que par une faible proportion de la
population de la ville et du département. Le salon sociétal de
1882 est visité par un minimum de 3 200 visiteurs, comme le
suggèrent les recettes
270 [ANONYME], « Société des Amis des Arts
à Tours », Journal d'Indre-et-Loire, n° 50, vendredi
9 avril 1841, p. 2.
271 BUCHANIEC, Nicolas, « Les loteries des salons de
province... », op. cit., 2010, p. 52.
272 [ANONYME], « Société des Amis des Arts
de la Touraine », Journal d'Indre-et-Loire, n° 285, 4 et 5
décembre 1882, p. 2.
S.A.A., Compte-rendu de l'année 1887, op.
cit., 1888, p. 23. S.A.A., Compte-rendu de l'année 1889,
op. cit., 1890, p. 20.
78
de la vente des tickets d'entrée à
l'exposition273, tandis que celui de 1885 en accueille 2 884, sans
compter les membres de l'association qui profitent de la gratuité de
l'exposition274. Cela représente un peu plus de 6% de la
population de Tours dans le cas l'exposition de 1882 et 5% en 1885. Si
l'Exposition nationale de Tours de 1892 n'est pas comparable en terme de
communication, de budget et d'offre d'activités, puisque ne proposant
pas uniquement une exposition de Beaux-Arts, elle est visitée par 331
342 personnes dont 250 000 étrangers à la région à
en croire le journal de l'exposition275. Toutefois, il peut sembler
que les chiffres annoncés soient quelque peu ambitieux.
En ce qui concerne la démocratisation de la culture
à toutes les strates de la population, les sociétés
savantes et artistiques tourangelles ont à l'évidence des
résultats limités. Pourtant, elles sont des outils indispensables
à l'émulation artistique et culturelle de la région dont
témoignent les reconnaissances d'utilité publique de la
Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres en 1855
et de la Société Archéologique en 1872276.
b) L'engagement et l'intégration des
sociétés artistiques auprès de l'école des
Beaux-Arts et
du conservatoire de Tours : une volonté
d'émulation de l'art local
Si l'intégration des sociétés dans le
quotidien de l'ensemble de la population n'est pas chose faite, il semble au
contraire qu'auprès des artistes en formation, les
sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts soient des
intermédiaires privilégiés. À l'instar de la classe
d'amateurs participant à la remise des prix récompensant les
meilleurs élèves de l'école de dessin de Charles-Antoine
Rougeot, les sociétés artistiques et savantes d'Indre-et-Loire
entretiennent des liens très étroits avec l'école des
Beaux-Arts de Tours. Dans un souci d'émulation générale de
l'art, les sociétés ne s'engagent pas qu'auprès des
artistes formés. Elles présentent en effet la volonté
d'aider les artistes et musiciens tourangeaux en devenir, alors
élèves de l'école des Beaux-Arts et du conservatoire.
C'est à la fin du XIXe siècle que
l'enseignement prodigué à l'école municipale de dessin de
Tours semble être le plus prospère, d'autant que l'institution
devient école régionale des Beaux-Arts par voie de
délibération du 19 février 1882, des suites de la
proposition de Félix
273 S.A.A., Compte-rendu de l'année 1882, op.
cit., 1883, p. 25.
274 S.A.A., Compte-rendu de l'année 1885, op.
cit., 1886, p. 17.
275 [ANONYME], « La clôture de l'exposition »,
Journal officiel de l'exposition de Tours, n° 36, 25 octobre
1892, p. 3.
276 Répertoire des établissements reconnus
d'utilité publique, Tours, A.D., 4M 259.
79
Laurent277. Directeur et professeur durant
près d'une trentaine d'années de 1876 à 1905, celui-ci
joue un rôle déterminant dans le développement de
l'école et la qualité de l'enseignement dispensé.
L'obtention du prix de Rome par François Sicard en 1891, par
François-Benjamin Chaussemiche (1864-1945) en 1893 et par Camille
Alaphilippe (1874-1934) en 1898, tous élèves de l'école
des Beaux-Arts de Tours avant de compléter leur formation à
l'École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris, peut
illustrer l'engagement de Félix Laurent dans le développement de
l'école de dessin de Tours.
L'école des Beaux-Arts ne semble pas souffrir de
difficultés à cette période. Cependant l'apport financier
des sociétés à la remise des récompenses de fin
d'année est profitable pour l'encouragement des jeunes artistes. La
Société des Amis des Arts de la Touraine et la
Société des Architectes Tourangeaux s'efforcent chacune d'aider
l'école des Beaux-Arts278, en destinant tous les ans une
somme à un ou plusieurs élèves, suivant les examens de la
commission des études dont les membres les plus influents des
sociétés donatrices sont invités à participer,
à l'exemple de Jacques Drake del Castillo279. Par ailleurs la
Société des Amis des Arts finance annuellement depuis 1882
à hauteur de 100 francs, les prix attribués aux
élèves du conservatoire municipal. Les plus méritants des
jeunes artistes de l'école des Beaux-Arts ainsi que les plus
sérieux élèves du conservatoire sont
récompensés. De fait, aucun des arts enseignés dans les
écoles artistiques de la ville ne semble privilégié par
rapport à un autre par la Société des Amis des Arts. Il
est probable que les rapports étroits qu'entretient cette
société avec l'école des Beaux-Arts et le conservatoire
résultent de l'action et de l'influence de Félix Laurent et
d'Adolphe Grodvolle, l'un étant directeur des Beaux-Arts, l'autre
directeur et fondateur de l'école nationale de musique de Tours à
partir de 1885. Les deux sont membres de la société.
Malgré les difficultés financières la poussant parfois
à l'abandon de l'organisation des expositions et des concerts, il semble
que la Société des Amis des Arts ne renonce jamais à
l'attribution des prix aux élèves des écoles des
Beaux-Arts et de musique de Tours, et cela même durant la Première
Guerre mondiale, lorsque le contexte et les comptes de la société
ne permettent pas d'organiser des manifestations artistiques
publiques280.
277 GILET, Annie, « De l'école de dessin au
musée, histoire d'une collection », op. cit., 2001, p.
16.
278 VILLE DE TOURS, École régionale des
Beaux-Arts. Distribution des prix, Tours, Imp. Mazereau 1888, p. 7, Tours,
A.M., 2R1 boîte 3.
279 DRAKE DEL CASTILLO, Jacques : Lettre adressée au
maire de Tours au sujet de la distribution des prix, 4 juillet 1890, Tours,
A.M., 2R1 boîte 3.
280 S.A.A., « Séance du 19 novembre 1915 »,
Procès-verbaux de la commission administrative 1914-1946, op.
cit., f 4.
80
Outre les prix distribués annuellement, la
Société des Amis des Arts attribue exceptionnellement des bourses
aux élèves commençant à s'illustrer en dehors des
frontières régionales. Ainsi, lorsque Pierre (1902-1986) et Jean
Pasquier (1903-1992) réussissent le premier examen d'entrée au
Conservatoire national de musique de Paris en 1915, leur mère requiert
auprès de la société un « secours nécessaire
pour lui permettre de faire donner à ses enfants plusieurs leçons
par un des maîtres de la grande école de musique afin de les
mettre à même d'arriver au succès complet
»281. La Société des Amis des Arts consent
à accorder une aide financière de 200 francs dans le but «
d'encourager les arts en Touraine »282. Jean Pasquier obtient
en juin 1917 une deuxième médaille au concours du Conservatoire
national de musique de Paris dans la classe de violon de Firmin Touche
(1875-1957). Ce succès participe au « plus grand honneur de
l'école de musique, à qui, [É], la Société
des Amis des Arts continue, malgré la guerre à offrir des prix
annuels »283. Les Amis des Arts s'appréhendent alors
comme des interlocuteurs privilégiés de l'encouragement de la
culture en Touraine en accordant à la fois des récompenses
annuelles, mais également des bourses, lorsqu'il s'agit de
représenter les arts et les artistes locaux outre les strictes
frontières de la localité.
Les sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts
veillent avec beaucoup d'attention aux études des jeunes artistes les
plus prometteurs du département. La Société d'Agriculture,
Sciences, Arts, et Belles-Lettres suit les progrès et favorise notamment
le développement de la carrière de Marie-Louise Pichot
(1885-1947). Née à Rouen, cette jeune artiste s'installe avec ses
parents à Ballan dans les années 1900284. C'est
à cette période qu'elle se fait connaître de la
Société d'Agriculture en exposant aux Salons tourangeaux.
Dès 1906, Marie-Louise Pichot reçoit la protection de la
société. L'association sollicite auprès du Conseil
général le versement d'une allocation pour que la jeune artiste
poursuive ses études à Paris285. Cette bourse de 300
puis de 500 francs lui est accordée durant deux années à
partir de 1907. Marie-Louise Pichot entre à l'École des
Beaux-Arts de Paris en 1908, où elle suit les leçons de Paul
Gervais (18591936) et Henri Royer (1869-1938) et expose cette même
année deux toiles au Salon des artistes
281 Ibid, f4-5.
282 Ibidem.
283 S.A.A., « Séance du 10 novembre 1917 »,
Procès-verbaux de la commission administrative 1914-1946, op.
cit., f 6.
284 « Pichot Marie-Louise », Allgemeines
Künstlerlexikon, [en ligne] :
https://www-degruyter-
com.ezproxy.inha.fr:2443/view/AKL/
00073047?rskey=cBL1pY&result=1&dbq 0=Marie-Louise+Pichot&dbf
0=akl-fulltext&dbt 0=fulltext&o 0=AND, consulté le
24/04/2017.
285 S.A.S.A.B.L, « Rapport sur les travaux de la
société pendant l'année 1906 », Annales, t.
LXXXVII, Tours, L. Péricat, p. 76.
81
français286. De surcroît, la
Société d'Agriculture continue d'encourager localement cette
jeune artiste, en lui achetant des oeuvres à l'occasion des expositions
annuelles, à l'exemple d'un Paysage en avril 1907 pour la somme
de 150 francs287.
À l'évidence, les actions
déployées par les sociétés d'encouragement aux
Beaux-Arts ont une double mission. Lorsque les sociétés
artistiques du département d'Indre-et-Loire participent à
l'émulation des jeunes artistes de la région en organisant des
expositions et des concours, en achetant des oeuvres et en participant à
la distribution des récompenses des écoles des Beaux-Arts et du
conservatoire de Tours, elles s'efforcent à la fois de démontrer
le terreau inouï de la Touraine en matière de formation et de
production artistique et de développer le goût des arts chez leurs
concitoyens. Mais pour parvenir à cela, les sociétés
d'encouragement aux Beaux-Arts doivent se constituer un public et
s'intégrer dans le quotidien culturel local. Ainsi elles organisent un
ensemble varié d'activités au cours des expositions pour toucher
un plus vaste champ de la population et se donner une visibilité plus
importante. Les sociétés artistiques de Touraine semblent
démocratiser les arts et les savoirs et s'appréhendent alors
comme les interlocuteurs privilégiés de la culture dans le
département.
B. Un pour tous et tous pour un : la
coopération des sociétés pour le développement de
la vie culturelle locale
Si les sociétés artistiques et savantes du
département d'Indre-et-Loire organisent chacune leurs propres
manifestations, elles ne semblent pas témoigner d'hostilité ou de
concurrence les unes envers les autres. Au contraire, ces dernières
entretiennent des rapports courtois, en raison notamment de la participation
concomitante de la majorité de leurs membres au quotidien de plusieurs
d'entre elles. Cette proximité conduit régulièrement les
sociétés à coopérer dans l'objectif de participer
ensemble à l'émulation artistique à laquelle chacune
aspire.
a) La création de La Touraine, revue
littéraire, artistique, scientifique, et mondaine du
Centre et de l'Ouest au secours de la
visibilité des sociétés du département
d'Indre-et-Loire
La Société Littéraire et Artistique de la
Touraine dispose d'une revue particulière à partir d'octobre
1907. Toutefois celle-ci ne concerne à l'évidence que les propres
intérêts de la
286 S.A.S.A.B.L., « Séance du 13 juin 1908 »,
Annales, t. LXXXVIII, Tours, L. Péricat, p. 51.
287 S.A.S.A.B.L., « Séance du 11 mai 1907 »,
Annales, t. LXXXVII, Tours, L. Péricat, p. 45.
82
société288. Suivant le regroupement
de l'essentiel des associations dans l'hôtel de la rue des Halles (ann.
4.2), la parution de La Touraine à partir d'octobre 1912
témoigne de l'intention des sociétés de se regrouper pour
accroître leur visibilité289. Créé
à l'initiative de la Société Littéraire et
Artistique avec le concours de l'Association artistique tourangelle
fondée en 1911 par Louis Chollet290 et qui vise à
organiser en plein air des représentations théâtrales
à l'instar de la Renaissance artistique tourangelle291, ce
mensuel est soutenu par l'ensemble des sociétés du
département. Il propose notamment d'offrir aux associations une
visibilité plus importante auprès des amateurs et des
érudits de la région.
[É] quelques amis devisaient sur les charmes de la
Touraine. Celui-ci vantait les délices de ses vallées verdoyantes
et de ses coteaux harmonieux agrémentés de châteaux
princiers ; celui-là rappelait avec enthousiasme les noms
étincelants des grands hommes qui ont illustré les arts et les
lettres, les Fouquet, les Colombe [É], un troisième faisait
valoir les féconds résultats et les riches promesses de l'heure
présente. Mais comment se fait-il - observa l'un des amis - qu'avec tant
de mérites infiniment variés notre province en soit
réduite à envier telle autre de ses voisines l'avantage de
posséder une Revue qui, chaque mois, enregistre les faits et gestes de
la Touraine artistique, littéraire, scientifique et mondaine 292?
Sous la métaphore de la discussion des trois amis, il
faut comprendre les échanges entretenus au sujet de l'institution d'une
publication artistique commune entre la Société Littéraire
et Artistique de la Touraine et deux autres sociétés
d'encouragement aux Beaux-Arts du département. En raison des indices
donnés sur les champs d'intérêts des ces trois
associations, il est fort à parier que ce soit dans un premier temps la
Société des Amis des Arts et la Société
d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres qui se joignent à la
Société Littéraire pour la formation de la revue mensuelle
La Touraine, d'autant que toutes sont logées dans l'hôtel
de l'Union des sociétés artistiques et savantes de Tours, ce qui
facilite par là-même les échanges. La fonction de
secrétaire général à la fois de la
Société Littéraire et Artistique et de la
Société des Amis des Arts par le rédacteur en chef de la
revue, Horace Hennion, participe de surcroît au travail collaboratif des
deux sociétés. Un certain nombre des membres de ces associations
sont présents dans le comité de rédaction, à
l'exemple de Jacques Drake del
288 [ANONYME], « Une fée intime », La
Touraine littéraire et artistique, n° 3, Tours, Imp. Salmon,
3ème trimestre 1908, p. 49.
289 AUDIN, Pierre, op. cit., 2008, p. 138-144.
290 « Paris et départements », Le
Ménestrel, vol. 77, n° 30, 29 juillet 1911, p. 239.
291 Statuts de la Renaissance artistique tourangelle, Tours,
A.D., 4M 206.
292 [ANONYME], « Au lecteur », La Touraine,
revue littéraire, artistique, scientifique, et mondaine du Centre et de
l'Ouest, n° 1, 15 octobre 1912, p. 1.
83
Castillo, président de la Société des
Amis des Arts, ou encore de Charles Vavasseur (18671950), président de
la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres,
rejoint par l'abbé Louis-Auguste Bosseboeuf (1852-1928) et
Édouard Gatian de Clérambault (1833-1917), présidents de
la Société Archéologique de Touraine. La revue profite
d'un réseau de contributeurs locaux important résidant aux quatre
coins du département mais aussi plus largement dans la région,
à l'instar de Julia Daudet (1844-1940), veuve de l'écrivain
Alphonse Daudet (1840-1897), femme de lettres, et propriétaire du
château de la Roche à Chargé ou de Lucie
Félix-Faure-Goyau (1866-1913), écrivaine, poétesse et
propriétaire du château de Chanteloup à Amboise. Le
comité de rédaction est présidé par un
comité d'honneur de prestige composé notamment des prix de Rome,
Victor Laloux, François Sicard, François-Benjamin Chaussemiche et
Camille Alaphilippe293.
Le comité de rédaction de La Touraine
n'est à l'évidence pas précurseur en ce qui concerne
l'édition d'une revue artistique locale. Des revues
spécialisées dans le domaine des arts sont éditées
en Indre-et-Loire à partir de 1840. Publiée mensuellement, La
Jeune Touraine : journal artistique et littéraire semble être
la première publication artistique du département294.
Si elle est relativement modeste, puisque se composant en tout et pour tout de
deux feuilles de texte, d'une planche gravée et d'une demie-feuille de
musique, cette publication s'inspire manifestement de la presse artistique en
plein développement à Paris sous la Restauration en raison de
l'essor du Salon295. À la fin du XIXe
siècle et particulièrement après 1881, année de
promulgation de la loi sur la liberté de la presse, d'autres
publications artistiques voient le jour en Indre-et-Loire, à l'instar de
La Revue littéraire de Touraine éditée par
Auguste Chauvigné à partir de 1885. Néanmoins, l'essentiel
des journaux artistiques ne sont édités que durant quelques
années. Ces publications éphémères conduisent
à l'absence de presse artistique dans le département dans la
première décennie du XXe siècle, outre
L'Écho littéraire et artistique Tours-Paris
édité à partir de 1903.
La Touraine veut « constituer à la fois
une tribune d'enseignement et un organe de décentralisation et de
régionalisme »296 commun à toutes les
sociétés. Des articles sont ainsi
293 Ibidem.
294 La Jeune Touraine : journal artistique et
littéraire, n° 1, Tours, Imp. Pornin, Juillet 1840, Paris,
Bibliothèque nationale de France, JO-223.
295 LEMAIRE, Gérard-Georges, « La naissance de la
presse artistique et le Salon », L'oeil, n° 564,
décembre 2004, p. 88-89.
296 [ANONYME], « Au lecteur », La Touraine,
revue littéraire, artistique, scientifique, et mondaine du Centre et de
l'Ouest, n° 1, 15 octobre 1912, p. 1-2.
84
publiés sur le patrimoine architectural,
littéraire et artistique local dans le but d'encourager la culture
régionale. La revue permet également de rendre compte du terreau
fertile de la Touraine en ce qui concerne la production des Beaux-Arts, puisque
publiant annuellement des rapports sur les oeuvres des Tourangeaux
exposées dans les différents salons artistiques parisiens.
L'intérêt pour les arts locaux est mis en exergue
dans les deux couvertures distinctes de la Touraine (fig. 13 et 14)
livrées par des artistes tourangeaux dont Élisabeth Sonrel
(18741953). Élève de Jules Lefebvre (1836-1911), elle est
déjà une artiste confirmée lorsqu'elle oeuvre à
l'illustration de la seconde couverture de la revue. Elle reçoit en
effet une médaille de troisième classe en 1895, puis une
médaille de bronze à l'Exposition universelle de
1900297. La première couverture convoque une iconographie
traditionnelle mettant en valeur les armes de Tours (fig. 13). Elles sont
entourées de branches de lauriers et de phylactères symbolisant
à la fois les arts plastiques et la littérature et reposent sur
une colonne cannelée d'ordre dorique sur laquelle est assise une muse
tenant en sa main droite un exemplaire de la revue. De son index gauche, la
muse invite le spectateur à contempler une vue de Tours d'où
émerge un lever de soleil. La publication et la lecture de La
Touraine semble conduire à la renaissance des arts en ce
territoire. L'illustration proposée par Élisabeth Sonrel (fig.
14) est quant à elle plus consensuelle. Elle s'inscrit pleinement dans
son oeuvre, puisque présentant des caractéristiques formelles
d'inspiration préraphaélites, mais conserve la vue de Tours qui
permet de marquer géographiquement le lieu d'intérêt et de
diffusion de la revue.
Ce mensuel artistique illustré « se propose
également d'être l'organe public des Sociétés
tourangelles artistiques, littéraires et scientifiques qui n'ont pas une
revue en propre »298. Dès lors La Touraine
permet de donner une visibilité matérielle aux
sociétés qui ne bénéficient pas de l'édition
des comptes rendus de leurs assemblées générales et de
leurs diverses manifestations. Ces sociétés trouvent dans cette
revue « une tribune toute naturelle pour la défense de leurs
intérêts et l'exposé de leurs desiderata
»299. La revue publie ainsi régulièrement
dans les « Échos », les actualités et les promotions
des manifestations organisées par les sociétés locales. En
tout, ce sont au moins seize sociétés du département
d'Indre-et-Loire à
297 FOUCHER-ZARMANIAN, Charlotte, La Vierge, la dame, la
muse : une approche des représentations du féminin dans le
Symbolisme d'Élisabeth Sonrel (1874-1953), mémoire de master
II d'histoire de l'art contemporaine, sous la direction de Pascal Rousseau,
Université François-Rabelais de Tours, 2008.
FOUCHER-ZARMANIAN, Charlotte, « Élisabeth Sonrel
(1874-1953) : une artiste symboliste oubliée », Bulletin des
Amis de Sceaux. Société d'histoire locale, n° 25, 2009,
p. 1-27.
298 Ibid., p. 2.
299 Ibidem.
85
l'exemple de la Société Photographique, de la
Société des Amis des Arts, de l'Institut tourangeau ou des Amis
du Vieux Chinon ainsi que des départements voisins dont la
Société des Amis des Arts de Loir-et-Cher et la
Société des Lettres, Sciences et Arts du Saumurois qui
participent à cette publication et bénéficient de sa
visibilité auprès des amateurs. La revue est vendue 0,60 centimes
de franc l'exemplaire ou 6,50 francs l'abonnement annuel.
À l'évidence la Première Guerre mondiale
a raison de l'entreprise éditoriale de la Touraine.
Publiée jusqu'en juin 1914, la revue est la résultante de la
coopération de plusieurs sociétés savantes et artistiques
d'Indre-et-Loire et des départements environnants. Les vingt-un
numéros que comprend la revue tourangelle démontrent une
volonté d'émulation artistique que chacune des associations
défend en son territoire.
b) Le regroupement des sociétés au service de
la pédagogie et de la mémoire régionale : l'instruction
des jeunes artistes à l'érection des statues des grands hommes
Si la collaboration des sociétés savantes et
d'encouragement aux Beaux-Arts dans la revue La Touraine tend à
leur apporter une diffusion plus importante auprès d'un lectorat
éclairé, elle intervient également à des fins
pédagogiques à plus fort rayonnement, lorsque les
sociétés se regroupent pour ériger sur le domaine public
des statues à la gloire des grands hommes de la nation. Dans ce
XIXe siècle pédagogique et moralisateur, les monuments
aux personnages illustres « ne sont pas seulement le témoignage de
la reconnaissance publique, ils servent à montrer aux
générations nouvelles, comme un exemple, leur vie et leur oeuvre
» 300, insiste l'artiste et homme politique, Étienne
Dujardin-Beaumetz (1852-1913), brillant orateur en matière
d'inauguration de monuments publics dont les propos résument assez
justement ici les motivations guidant à la statuomanie. Sous ce terme,
les commentateurs de l'époque et particulièrement les plus
réticents désignent la multiplication des statues dans le paysage
urbain de la France du XIXe siècle301. Ce
mouvement prend racine à la suite de la Révolution et fait
fortune jusqu'aux prémisses de la Seconde Guerre mondiale.
L'intégration des monuments dans les villes
résulte de l'action de plusieurs acteurs : les municipalités, le
Ministère de l'Instruction publique, des Beaux-Arts et des Cultes ainsi
que les sociétés savantes et artistiques. Cependant se sont
fréquemment ces dernières qui sont les relais de l'initiative
politique des conseils municipaux et qui portent à elles seules
l'organisation de
300 DUJARDIN-BEAUMETZ, Étienne, « Discours
à l'inauguration du monument Eugène Froment à La Rochelle
», Discours prononcés de 1905 à 1911, Paris, P.
Dupont, in AGULHON, Maurice, « La statuomanie et l'histoire »,
Ethnologie française, nouvelle série, t. VIII, n°
2, 1978, p. 149.
301 PESSARD, Gustave, Statuomanie parisienne, étude
critique sur l'abus des statues, Paris, Daragon, 1912.
86
la levée des fonds nécessaires à
l'érection des statues en place publique. Sur le strict territoire
tourangeau, les sociétés savantes et artistiques sont en charge
de nombreuses souscriptions. Il semble qu'à quelques exceptions,
l'organisation et le financement de la réalisation des monuments est
l'affaire de comités d'initiative réunissant les
sociétés locales. En effet, dès 1898 la
Société Littéraire et Artistique de Touraine sollicite
auprès de la municipalité une subvention pour la
réalisation d'une statue de Pierre Ronsard (1524-1585), d'après
les moulages de son ancien monument funéraire du prieuré de
Saint-Côme, conservés à la bibliothèque et au
musée de Tours, au musée de la Société
archéologique, aux Archives d'Indre-et-Loire et au musée de
Blois302. Si la ville se porte favorable, le projet est
continuellement repoussé. Ainsi la Société
Littéraire et Artistique fonde elle-même en 1911, le Comité
Ronsard et recueille « l'adhésion de la Société
Archéologique de la Touraine, la Société des Amis des Arts
de la Touraine, la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et
Belles-lettres d'Indre-et-Loire, la Société Photographique, la
Société de Géographie de Tours »303 ainsi
que du Syndicat d'Initiative d'Indre-et-Loire304. Les protagonistes
des bureaux de chacune des sociétés orchestrent la récolte
des fonds, en sollicitant la bienveillance de leurs réseaux et de
personnalités influentes de la sphère artistique. Le dramaturge
Edmond Rostand (1868-1918), le musicien Camille Saint-Saëns (1835-1921) et
l'historien de l'art Paul Vitry (1872-1941) figurent parmi les membres du
comité d'honneur de la commission chargée de l'érection de
la statue de Ronsard. L'exécution du monument est confiée au
sculpteur Georges Delpérier (1865-1936). Dans un premier temps une
maquette est réalisée305. Delpérier la
présente au Comité Ronsard et l'expose au Salon des artistes
français en 1912 (fig. 15.). Suivant la bonne réception de son
projet, Delpérier exécute un plâtre grandeur nature
l'année suivante, avant de livrer le monument définitif le 16
novembre 1924 (fig. 16) pour le 400e anniversaire de la naissance de
Ronsard306.
Entre 1843 et 1934 les sociétés tourangelles
participent au financement et à l'organisation de comités de
souscription d'au moins onze statues : celle de René Descartes
(1596-1650) en 1843, de Grégoire de Tours (538-594) et de
François Rabelais (1493-1553) en 1849, d'Honoré de Balzac
(1799-1850) en 1887, de Pierre-Fidèle Bretonneau (1778-1862),
d'Armand
302 CHAIGNE, Bernard, « L'inauguration du monument de
Ronsard, dans le jardin des Prébendes », Bulletin de la
Société Archéologique de Touraine, t. XLI, 1985, p.
257.
303 « Allocution de M. L. Paul-Boncour », La
Touraine littéraire et artistique revue illustrée organe de la
Société Littéraire et Artistique de la Touraine,
n° 17-18, quatrième trimestre 1911, p. 270.
304 HENNION, Horace, « A Pierre de Ronsard », La
Touraine, n° 1, 15 octobre 1912, p. 5.
305 Ibidem.
306 CHAIGNE, Bernard, op. cit., 1985, p. 258.
87
88
Trousseau (1801-1867) et d'Alfred Velpeau (1795-1867) en 1888,
d'Honorat de Bueil de Racan (1589-1670) en 1905, de Jules Baric (1825-1905) en
1906, de Pierre Ronsard en 1912, d'Alexandre Ripault en 1913, de Charles Bordes
(1863-1909) en 1920 et de Charles-Jean Avisseau (1796-1861) en 1934. À
l'évidence, l'essentiel de ces monuments sont édifiés sous
la Troisième République. Et pour cause, elle apparaît dans
« l'histoire comme le régime statuomanique par excellence »
307 en raison de son libéralisme, de sa laïcité et de son
patriotisme la conduisant à honorer « à la fois les grands
hommes de l'idée philosophique et révolutionnaire mais aussi ceux
qui furent de bons serviteurs pour la France [É] quelle que soit leur
époque » 308. À l'exception des monuments aux
docteurs Bretonneau, Trousseau et Velpeau ainsi qu'à Grégoire de
Tours, tous sont des représentations de littérateurs ou artistes
- bien que Rabelais et Descartes soient également hommes de science -
natifs de Touraine ou ayant exercé leurs arts dans la région,
compte tenu des intérêts essentiellement artistiques des
sociétés à l'origine des projets.
Si les travaux de Descartes sont devenus le patrimoine de la
France, de l'Europe, du monde entier, son berceau appartient à la
Touraine. C'était donc à la Touraine de prendre l'initiative
d'une tardive réparation à sa mémoire. Elle le fait
aujourd'hui, en réclamant le concours de tous les admirateurs de
l'immortel fondateur de la philosophie moderne, pour élever une statue
à celui qui, tour à tour jugé digne d'une sépulture
royale et des honneurs du Panthéon, attend encore un monument durable
qui atteste un souvenir reconnaissant de la
postérité309.
À l'instar de la Société
Archéologique, qui en 1843 réfléchit à faire
élever dans la ville une statue en l'honneur de Descartes - statue qui
est réalisée par Emilien de Nieuwerkerke (1811-1892) en 1848,
présentée au Salon l'année suivante310 et
livrée à la ville de Tours en 1852 (fig. 17) - les
sociétés savantes et d'encouragement aux Beaux-Arts prennent
à coeur le devoir de mémoire qu'elles s'imposent. Ainsi dans un
souci d'émulation artistique du territoire, les sociétés
s'efforcent de rendre hommage aux artistes qui ont participé à
l'écriture de l'histoire de l'art régionale et nationale. Si ces
monuments ont une valeur mémorielle pour la population tourangelle, ils
lui sont également des sources d'enseignement et d'inspiration à
prendre dans la vie et l'oeuvre des personnages statufiés.
307 AGULHON, Maurice, op. cit., 1978, p. 149.
308 Ibidem.
309 S.A.T., « Rapport sur la proposition d'élever
à Tours une statue à René Descartes »,
Mémoires, t. II, Tours, Imp. Mame, p. 211.
310 [ANONYME], Explication des ouvrages de
Peinture, Sculpture, Architecture, Gravure et Lithographie des artistes
vivants, exposés au Palais des Tuileries le 15 juin 1849, Paris,
Vinchon, 1849, [en ligne], Musée d'Orsay, Base Salons :
http://salons.musee-orsay.fr/index/notice/209652
consulté le 02/05/2017.
Outre l'érection de monuments en l'honneur des grands
artistes de la région, certains membres des sociétés
tourangelles se regroupent pour dispenser un enseignement de l'histoire
artistique du département. L'Institut tourangeau est fondé dans
ce but en 1910 par Camille Enlart (1862-1927), conservateur du musée de
sculpture comparée du Trocadéro. Il regroupe une vingtaine de
conférenciers appartenant aux diverses sociétés savantes
de la région. Ces érudits sont disposés à «
vulgariser, d'une façon méthodique, impartiale et
désintéressée, les notions de l'histoire de l'art en
même temps que celles des lettres et des sciences, au point de vue
Tourangeau » 311 (ann. 2.5.2.1). Les conférences de l'Institut
semblent suivies par un auditoire varié composé de protagonistes
de différentes classes sociales en vertu de droits d'entrée
relativement faibles. Ainsi l'Institut tourangeau s'appréhende comme une
institution à part entière dans le paysage culturel du
département, d'autant qu'il se propose également de participer
à l'enseignement de l'histoire de l'art de la Touraine aux
élèves de l'école des Beaux-Arts de la ville. Dès
lors la mission pédagogique des sociétés et de leurs
membres s'inscrit également sous la forme de conférences.
Le regroupement des sociétés et des membres les
constituant paraît nécessaire à l'émulation
artistique du département. En effet, la collaboration des associations
conduit indubitablement à développer les manifestations
artistiques en Touraine et les initiatives pédagogiques, en raison de la
combinaison des forces intellectuelles et des moyens financiers de chacune des
sociétés. De fait, il semble que les actions communes des
associations artistiques permettent d'instaurer un climat favorable pour le
développement de l'art en région qui prennent notamment la forme
d'expositions.
311 BONCOURT, Paul : Lettre adressée au maire de Tours
au sujet de la mise à disposition d'une salle pour la tenue de
conférences, 1er juillet 1914. Tours, Archives municipales,
2R 401/2.
89
CHAPITRE III. LES EXPOSITIONS : LE GRAND
THÉÂTRE DE LA VIE ARTISTIQUE LOCALE
I) Les expositions : des manifestations participant
à la promotion du patrimoine ancien, de la production contemporaine
régionale et à l'insertion de l'art parisien en Touraine
A. Mettre en lumière les mérites de la
production régionale et (re)constituer une école
tourangelle
À la Révolution et encore davantage sous
l'Empire, la centralisation « a rendu impossible [É] la
réorganisation des centres provinciaux comme foyers de manifestations
d'art »312, compte tenu de la concentration des institutions
culturelles et des artistes à Paris affirme Philippe Burty. À
l'évidence les expositions organisées par les
sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts sont les grandes
manifestations artistiques des départements au XIXe et au
début du XXe siècle. Elles s'appréhendent ainsi
comme les éléments majeurs de la décentralisation des
affaires culturelles en région, engagée à partir des
régimes politiques suivants. Si Tours peut sembler souffrir de la
concurrence artistique parisienne, en raison de sa proximité
géographique, il paraît toutefois que la faible distance
séparant les deux villes participe à l'émulation des
affaires culturelles de la préfecture d'Indre-et-Loire. En effet, les
artistes parisiens sont nombreux à faire parvenir en Touraine leurs
travaux lors de certaines expositions sociétales. Néanmoins, les
sociétés de la province tourangelle ne concèdent pas
à Paris son hégémonie artistique. Les expositions sont
effectivement pour elles, l'occasion d'insister sur les caractéristiques
et les particularités du sol et de l'art tourangeaux dans le souci de
« rester autre »313. Dès lors, les érudits
locaux semblent s'efforcer de conserver cette identité culturelle
symbolique et spécifique propre à la Touraine dans leurs
publications, mais également lors de l'organisation des expositions.
312 BURTY, Philippe, « L'Exposition de Bordeaux »,
op. cit., p. 465, in BONNET, Alain, « La Société
des Amis des Arts de Nantes : l'action sur le marché de l'art local
», in HOUSSAIS, Laurent, LAGRANGE, Marion, op. cit.,
2010, p. 32.
313 HOUSSAIS, Laurent, LAGRANGE, Marion, Marché de
l'art en province, op. cit., 2010, p. 10.
90
a) La Touraine : un héritage culturel inouï
propice à la construction d'une école artistique
locale
Deux fois capitale à la Renaissance, d'abord sous le
règne des Valois au XVe siècle puis sous le
règne d'Henri III (1551-1589 ; 1574-1589) entre 1584 et 1588, Tours
jouit d'une riche histoire politique dont elle tire un patrimoine artistique
important, à l'instar de la Touraine en général, terre
d'accueil de la royauté depuis Charles VII (1403-1461 ; 1422-1461)
jusqu'à François Ier (1494-1547 ; 1515-1547). Dans
l'introduction de son ouvrage consacré à l'histoire des arts en
Touraine publié en 1870, Charles de Grandmaison (1824-1903) commence par
démontrer la jeunesse de l'histoire de l'art en province. Cependant il
semble conclure que si la discipline est à son balbutiement autant en
Touraine que dans les autres régions, les oeuvres et les artistes du
jardin de la France sont d'une toute autre valeur que celles et ceux des autres
provinces, en vertu de leur importance dans l'histoire de l'art de la
Renaissance française.
L'histoire des arts est encore à faire, en Touraine,
comme dans presque toutes les provinces de France. Tours, cependant, a
été au Moyen Âge et à la Renaissance un des grands
centres artistiques de la France. Mais de cette école qui a
compté dans son sein Fouquet, Poyet, Bourdichon, Michel Colombe, les
Juste, c'est à dire, les plus grands peintres et les plus grands
sculpteurs de la Renaissance française, qui a produit tant de
chefs-d'oeuvre d'orfèvrerie dont la délicatesse et
l'élégance n'ont jamais été surpassées, qui
a semé sur les rives de la Loire, du Cher et de l'Indre, tant de
magnifiques et délicieuses constructions; de cette école, on ne
connaît que quelques noms glorieux entre tous, mais qui apparaissent
isolés comme de rares colonnes au milieu d'un désert jadis
couvert de monuments314.
L'histoire de l'art en Touraine ne semble reposer jusqu'alors
que sur quelques noms illustres. Ainsi dans son ouvrage, Charles de Grandmaison
s'emploie à exhumer des archives les noms des artistes tourangeaux
oubliés, dans l'objectif de proposer une étude sur la formation
des artistes et sur la généalogie de la diffusion des formes la
plus exhaustive possible. Il détermine par ailleurs ce qui a conduit
à ne retenir notamment, que les noms de Jean Fouquet (1420-1481), de
Jean Poyet (1465-1503), de Jean Bourdichon (1456-1520), de Michel Colombe
(1430-1515) et des frères Juste, qui presque tous profitent
d'études monographiques en cette fin du XIXe siècle.
À eux seuls, ces artistes semblent régir l'ensemble de l'histoire
de l'art de la Touraine, mais également les histoires plus
générales de l'art de la Renaissance et de l'art national
français. Ainsi Ernest Giraudet n'hésite pas à
défendre « le rôle important que la
314 GRANDMAISON, Charles de, Documents inédits pour
servir à l'histoire des arts en Touraine, (Paris, J. B. Dumoulin,
1870), Nogent le Roi, Librairie des Arts et Métiers-Éditions,
1997, p. I.
91
Touraine remplit dans l'histoire de notre art national
»315 dans l'étude qu'il consacre aux artistes
tourangeaux depuis la période médiévale jusqu'à la
première moitié du XIXe siècle. La construction
de ce discours idéologique autour des artistes tourangeaux de la
Renaissance conduit à faire de cet héritage un terreau propice au
développement artistique et à la formation d'une école
tourangelle. Ainsi comme le souligne Georges Jolais, membre la
Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres «
Jehan Fouquet, François Clouet, Bourdichon [É] ont laissé
derrière eux toute une pépinière de jeunes qui sont en
train de rendre à l'École de Tours son ancienne splendeur
»316. De fait, la jeune génération d'artistes de
la région est inscrite dans cet héritage culturel pour la
distinguer de la production artistique parisienne vivante et se
débarrasser « des idées préconçues qui tendent
à faire croire que seul Paris a le monopole du beau
»317.
La Société Archéologique de Touraine
s'inscrit également dans ce contexte de revalorisation et de
redécouverte de la production et du patrimoine artistique ancien de la
région, en organisant des expositions rétrospectives. Si
l'exposition de 1887 (4.2) est plus spécialement dévolue à
l'art religieux en raison de la célébration du jubilé du
pape Léon XIII (1810-1903 ; 1878-1903), les exhibitions de 1873 et de
1890 convoquent des oeuvres de toutes les écoles européennes et
les confrontent à celles de l'école nationale française.
Ces expositions prennent à l'évidence pour modèle
l'exposition Art Treasures of the United Kingdom ouverte à
Manchester en 1857 et organisée par un groupe d'industriels et d'hommes
d'affaires locaux convaincus que les « trésors d'art du Royaume-Uni
étaient, par leur nature, leur quantité et leur
intérêt, supérieurs à ceux des collections du
continent »318. Les érudits anglais cherchent
visiblement à mettre en lumière la valeur des collections
réunies sur le sol national ainsi que les spécificités de
leur art insulaire en recourant aux prêts des collectionneurs de la
patrie. La Société Archéologique semble suivre un
raisonnement analogue. Ainsi en 1873 et 1890, elle présente le riche
patrimoine artistique ancien conservé dans les collections
particulières locales. À l'instar des organisateurs de
l'exposition de Manchester, Léon Palustre met en exergue le
315 GIRAUDET, Ernest, « Les artistes tourangeaux :
architectes, armuriers, brodeurs, émailleurs, graveurs, orfèvres,
peintres, sculpteurs, tapissiers de haute lisse. Notes et documents
inédits », Mémoire de la Société
Archéologique de Touraine, t. XXXIII, Tours, imp.
Rouillé-Ladevèze, 1885, p. VI.
316 JOLAIS, Georges, « Dans les cercles de Paris : les
expositions », Annales de la Société d'Agriculture,
sciences arts et belles lettres, t. LXXVIII, Tours, Imp. Deslis, 1898, p.
60.
317 Ibidem.
318 FINKE, Ulrich, « The Art-Treasures Exhibition »
in HASKELL, Francis, The Ephemeral Museum Old Masters Paintings and the
Rise of the Art Exhibition, New Haven, London, Yale University Presse,
2000, (Le musée éphémère : Les maîtres
anciens et l'essor des expositions, trad. de l'anglais par Pierre-Emmanul
Dauzat, Paris, Gallimard, 2002, p. 116).
92
prestige des collections tourangelles dans l'introduction de
l'Album de l'exposition rétrospective de 1890.
La Touraine, incontestablement, figurerait toujours au premier
rang ; car, dans cet admirable pays, où les propriétés
sont disputées par les favorisés de la fortune, il y a, pour
ainsi dire, continuel apport d'oeuvres remarquables.
La Touraine est semble-t-elle exceptionnelle en ce qui
concerne la qualité des oeuvres conservées dans les collections
particulières. Des oeuvres des grands maîtres de l'art
français sont ainsi exposées à l'exposition de 1873,
à l'exemple d'un Portrait de Madame de Châteauroux par
Jean-Marc Nattier (1685-1766) (fig. 18), de L'évanouissement
d'Amphitrite par François Boucher (1703-1770) (fig. 19) et de
quelques céramiques de Bernard Palissy (1510-1589) (fig. 20). À
leurs côtés, des oeuvres des artistes tourangeaux sont
exposées. À l'évidence ce sont les céramiques de
Charles-Jean Avisseau qui sont les plus nombreuses (fig. 21).
Prêtées par son fils, Joseph-Édouard (1831-1911) ainsi que
par d'autres amateurs comme Charles Seller319, les oeuvres de
Charles-Jean Avisseau sont directement confrontées aux oeuvres des
maîtres anciens, dont le concept remonte à l'Italie de la
Renaissance et s'est au fil du temps appliqué à tous les artistes
ayant vécu avant la Révolution320. Si Avisseau
connaît un certain succès auprès des habitants de Tours et
même des souverains européens, à l'exemple de la princesse
de Talleyrand (1762-1834) qui lui passe la commande d'une large assiette pour
le roi de Prusse, Frédéric-Guillaume IV (1795-1861), il ne
bénéficie assurément pas de la même reconnaissance
que Jean-Marc Nattier et François Boucher - bien que ces derniers ont
été redécouverts assez récemment après avoir
été oubliés complétement à la période
néo-classique - et surtout de Bernard Palissy, dont il tire son
inspiration. Peut-être est-il possible de considérer que cette
exposition concomitante des oeuvres d'Avisseau, mort seulement douze ans
auparavant, à celles d'artistes inscrits et reconnus dans l'histoire de
l'art nationale, participe à la légitimation de son oeuvre en
l'inscrivant dans une histoire universelle de l'art. Cela favorise par ailleurs
la reconstruction d'une école tourangelle en jouant sur les
spécificités locales. Ainsi les nombreux suiveurs de Charles-Jean
Avisseau, à l'instar de son fils, de Joseph Landais (1800-1883),
d'Auguste-François Chauvigné (1829-1904), d'Auguste-Alexandre
Chauvigné
319 [ANONYME], Catalogue de l'Exposition rétrospective
d'objets d'art, Tours, Imp. J. Bousrez, 1873, p. 67-68.
320 HASKELL, Francis, op. cit., 2002, p. 21.
93
(1855-1929), de Léon Brard (1830-1902) et
d'Armand-Louis-Henri Carré-de-Busserolle (1823-1909), participent
à la construction de cette école321.
b) La constitution d'une école tourangelle au
XIXe siècle grâce aux expositions
sociétales
Avisseau apparaît comme l'un des artistes les plus
fameux de la Touraine au XIXe siècle. Il tourne autour de lui
une émulation particulière, dont les sociétés
d'encouragement aux Beaux-Arts ne sont pas innocentes, puisqu'organisant des
manifestations artistiques en tout genre à propos de cet artiste. La
Société Littéraire et Artistique organise notamment entre
1902 et 1904 une soirée musicale et dramatique en l'honneur de
Charles-Jean Avisseau, durant laquelle Horace Hennion déclame notamment
un poème intitulé Avisseau le potier de
Tours322. Aussi en 1934, une statue en l'honneur de l'artiste
et de ses suiveurs est érigée dans le parc Mirabeau à
l'occasion des Jeux Floraux, grâce à une souscription
orchestrée par la Société Littéraire et Artistique.
Toutefois les expositions organisées par les sociétés de
Beaux-Arts de Tours participent également à la valorisation de
l'oeuvre d'Avisseau et de ses suiveurs auprès des amateurs. En effet,
les oeuvres de ces artistes reprenant la formule de Bernard Palissy sont
régulièrement présentées au public dans les
expositions sociétales et sont l'une des attractions et des
fiertés artistiques de Touraine depuis le milieu du XIXe
siècle jusqu'au début du XXe siècle.
[É] n'oublions pas de mentionner avec orgueil les
produits de la poterie de Tours. En effet, notre ville seule peut fournir
aujourd'hui des vases en terre émaillée, qui sont capables de
rivaliser avec les chefs-d'oeuvre de Bernard Palissy, ou plutôt qui les
dépassent sous plusieurs rapports. M. Avisseau, l'habile et
persévérant artiste, [É] expose un grand nombre de plats
et de vases323.
À l'évidence les propos de ce rédacteur
du Journal d'Indre-et-Loire publiés en 1847 à l'occasion
de l'exposition organisée par la Société
Archéologique de Touraine ne sont pas dénués d'ardeur
régionaliste. Pour autant, ils semblent faire écho au discours
défendu par les sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts de
Tours, tout au long du XIXe et jusqu'au début du
XXe siècle, au sujet de la production locale en
général. Les sociétés d'émulation artistique
sont effectivement des avatars essentiels du développement de l'art dans
la région, en encourageant et impulsant la carrière des artistes
du département au cours des expositions. Ainsi, les
321 GENDRON, Christian, « Les imitateurs de Bernard
Palissy », Albineana, Cahiers d'Aubigné, vol. 4, n°
1, 1992, p. 201-206.
322 Affiche de la soirée à Charles-Jean Avisseau
organisée par la Société Littéraire et Artistique,
Tours, A.M., 2R 401/2.
323 [ANONYME], « Exposition de tableaux et d'objets
d'art. Premier article. », Journal d'Indre-et-Loire, n° 124,
11 septembre 1847, p. 2.
94
expositions peuvent s'appréhender comme des tremplins
nécessaires dans la carrière des artistes originaires de la
région, mais aussi comme des étapes incontournables à la
constitution d'une école artistique. En 1847, la Société
Archéologique semble être à l'origine du
développement de la carrière de Julien-Léopold Lobin.
Né à Loches et formé à Paris dans l'atelier
d'Hippolyte Flandrin (1809-1864), Lobin présente à l'exposition
une série de trois peintures de genre historique, dont
Léonard de Vinci peignant le portrait de la Joconde au milieu des
musiciens (fig. 22). Remportant un succès critique dans la presse
locale324, Lobin se voit confier l'année suivante, la
direction de l'Atelier de vitraux peints de Tours créé en 1847
par l'abbé Preuilly, membre éminent de la Société
Archéologique de Touraine325. Ainsi de 1848 à 1904,
l'Atelier Lobin se présente comme l'un des établissements
artistiques majeurs du paysage de Touraine. Il s'appréhende comme un
élément essentiel de l'école de Tours, en raison de sa
dynamique et du nombre d'artistes formés en son sein, à l'instar
de Ferdinand Pitard et du successeur Lucien-Léopold Lobin, tous deux
membres fondateurs de la Société des Amis des Arts de la
Touraine.
Dans les expositions organisées par cette
société la question de la constitution d'une école
tourangelle semble encore plus prégnante. Si les expositions de 1882 et
1889 sont ouvertes également aux artistes parisiens, celles de 1885,
1886 et 1887 sont strictement réservées à leurs membres.
Dès lors un cercle d'artistes locaux se constitue à Tours. Paul
Gagneux (-1892), Ferdinand Pitard, René-Louis Damon (1854-1934) ou Louis
Muraton (1850-1919) sont les artistes récurrents des expositions de la
Société des Amis des Arts de la Touraine. L'acquisition de leurs
toiles par la municipalité au cours des expositions semble participer
à la fondation officielle d'un art tourangeau. La municipalité
achète plusieurs oeuvres de ce cercle d'artistes au cours des
Expositions nationales de 1881 et 1892 dont les Fleurs variées
de Grégoire Chapoton (fig. 23) sous la recommandation de
Félix Laurent (ann. 2.3.1.1)326. La ville acquiert
également des oeuvres lors des expositions de la Société
des Amis des Arts, à l'exemple du tableau intitulé L'Alsace
de Ferdinand Pitard exposé en 1887 (fig. 24) (ann. 2.3.2). Ce
tableau paraît inédit dans l'oeuvre de ce peintre de portrait. En
effet Pitard ne traite que rarement des scènes de genre d'inspiration
historique et n'exprime de fait qu'exceptionnellement son patriotisme, comme il
peut le faire au travers de L'Alsace. Dans cette oeuvre, Pitard
fait
324 [ANONYME], « Exposition de tableaux et d'objets
d'art. Quatrième article. », Journal d'Indre-et-Loire, n
123, 9 septembre 1847, p. 2.
325 IRLANDES, Alain, BLONDEL, Nicole, DORÉ, Catherine
et alii, L'atelier Lobin : l'art du vitrail en Touraine,
Chambray-les-Tours, C. L. D., 1994, p. 23.
326 LAURENT, Félix (conservateur du musée) :
Lettre adressée au maire de Tours au sujet de l'acquisition par la ville
d'oeuvres provenant de la loterie de l'exposition nationale de 1892, 14 mars
1893, Tours, A.M., 2R1 boîte 223.
95
référence à l'annexion de
l'Alsace-Lorraine depuis la signature du traité de Francfort en mai 1871
et au durcissement de la politique de l'Empire allemand envers les territoires
rattachés327. Pour l'artiste « il ne s'agit pas
[É] d'une affaire commerciale, mais de l'honneur qu'on obtient
après un travail acharné quand la réussite semble avoir
souri à vos constants efforts »328. Il n'hésite
donc pas à concéder à la municipalité l'achat de
son tableau pour la somme de 500 francs329 alors qu'il le propose
initialement au tarif de 1 200 francs pour le musée, voire 2 000 francs
pour un amateur330. Les achats pour le musée sont
manifestement une forme de reconnaissance du travail de ces artistes, tandis
que l'accrochage de leurs oeuvres au sein de l'institution muséale rend
compte publiquement de la production de l'école locale.
La section artistique de la Société
d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres semble avoir conscience du
rôle qu'elle joue dans le paysage artistique local et dans la renaissance
d'une école tourangelle, en précisant que « c'est aux
sociétés artistiques d'Indre-et-Loire qu'il appartient de mettre
en relief nos compatriotes »331. Les salons organisés
par cette dernière favorisent et « font appel à tous les
artistes tourangeaux » 332 qu'ils soient confirmés ou
débutant. Si la société s'efforce d'encourager les
artistes locaux par le biais de l'organisation d'expositions, il semble qu'elle
entend aller plus loin dans le développement de l'art tourangeau
à partir de 1901, en achetant au cours de ses manifestations des oeuvres
en vue de constituer un musée consacré aux Beaux-Arts de la
région333. Néanmoins le musée des oeuvres
locales semble rester à l'état de projet.
Par souci de régionalisme et tentative de « rester
autre », les sociétés artistiques encouragent au cours de
leurs expositions la production des peintres travaillant en Touraine. Elles
participent par conséquent à la constitution d'une école
tourangelle. Cependant les artistes originaires de Touraine et faisant
carrière à Paris sont de surcroît l'orgueil des
associations et de la population locale, puisque représentant
l'école de Tours en dehors des frontières du
327 MOREAU, Véronique, Peintures du XIXe
siècle, catalogue raisonné, musée des Beaux-Arts de Tours,
château d'Azay-le-Ferron, Vol. 2, Paris, Imp. Nationale, 1999, p.
578-579.
328 PITARD, Ferdinand : Lettre adressée au maire de
Tours proposant l'achat de L'Alsace par la ville pour le musée
des Beaux-Arts, 12 juin 1887, Tours, A.M., 2R boîte 223.
329 PITARD, Ferdinand : Lettre au maire de Tours proposant
l'achat de L'Alsace par la ville pour le musée des Beaux-Arts
pour la somme de 500 francs, s. d.., Tours, A.M., 2R boîte 223.
330 PITARD, Ferdinand, Lettre... op. cit., 12 juin 1887,
Tours, A.M., 2R boîte 223.
331 JOLAIS, Georges, op. cit., 1898, p. 60.
332 Ibidem.
333 CHAUVIGNÉ, Auguste, « Rapport sur les travaux
de la société pendant l'année 1900 », Annales de
la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres,
t. LXXXI, Tours, Imp. Deslis, 1901, p. 90.
96
département. Ces artistes sont
régulièrement célébrés à partir des
décennies 1840-1850 dans les pages des quotidiens régionaux, dans
des articles intitulés « Les artistes tourangeaux au Salon ».
En publiant l'actualité de ces peintres, les journalistes locaux
s'efforcent de démontrer le terreau fertile de la Touraine et les
spécificités de l'art dans le jardin de la France.
Néanmoins ces articles ne sont pas une particularité propre
à l'Indre-et-Loire, puisque dans les mêmes années en
Normandie, les artistes originaires de la région sont également
félicités dans le but de promouvoir localement leurs oeuvres
auprès des collectionneurs334.
Pour autant la définition d'artiste tourangeau, comme
celle d'artiste normand comme le fait remarquer par ailleurs Dominique
Lobstein, responsable de la bibliothèque du Musée d'Orsay, semble
variable et parait profiter à l'émulation artistique de la
région et des associations d'encouragement aux Beaux-Arts. Elle comprend
à la fois des artistes nés et travaillant en Touraine, des
artistes nés mais ne vivants plus dans la localité, des artistes
d'origine tourangelle mais n'ayant jamais habité la région et des
artistes issus d'autres départements mais étant
considérés comme tourangeau, en raison de l'exposition
régulière de leurs oeuvres dans le département. Tel est le
cas de Grégoire Chapoton, lorsque la Société des Amis des
Arts s'emploie à faire acquérir par la ville l'une de ses
natures-mortes en 1887. Jacques Drake del Castillo définit sous ces
termes l'identité particulière de l'artiste : « M. Chapoton
pendant quatre années de suite a exposé à Tours, il peut
donc être considéré comme un véritable artiste
tourangeau, quoiqu'il ne réside pas constamment ici »335
(ann. 2.3.1.1). Dès lors Grégoire Chapoton apparaît comme
un peintre tourangeau d'adoption. L'identité tourangelle est
également attribuée à Georges Moreau (1848-1901). Fils du
célèbre médecin aliéniste Jacques Moreau
(1804-1884), Georges Moreau dit « de Tours » n'est tourangeau que de
son côté paternel et ne semble fréquenter la Touraine
qu'à de rares occasions. Pour autant son origine tourangelle suscite
l'attention de la Société des Amis des Arts. En effet, la
société sollicite auprès de la ville de Tours l'achat de
L'Égyptologue (fig. 25)336. La toile est
présentée en 1882 à l'occasion de la première
exposition de la Société des Amis des Arts. Elle remporte une
fortune critique importante, si ce n'est que son fond sombre et son large cadre
lui sont
334 LOBSTEIN, Dominique, « Les artistes normands au
Salon : un outil de promotion locale des artistes normands exposant dans
les salons parisiens », in HOUSSAIS, Laurent (éd.), LAGRANGE,
Marion (éd.), MOULIN, Raymonde (éd.) et alii, op. cit.,
2010, p. 89-100.
335 DRAKE DEL CASTILLO, Jacques : Lettre adressée au
maire de Tours au sujet de l'achat, du tableau de Grégoire Chapoton, 24
juin 1887, f 2, Tours, A.M., 2R1 boîte 223.
336 Registre des délibérations du Conseil
municipal de la Ville de Tours. Séance du 6 novembre 1882, Tours, A.M.,
1D 72.
97
reprochés337. L'acquisition de ce tableau
par la ville est soutenue par la presse qui met également en
lumière l'identité tourangelle de l'artiste338.
À l'évidence les expositions des
sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts participent activement
à l'émulation des artistes locaux et à la reconstitution
d'une école tourangelle. Manifestement cette école à
laquelle aspire l'ensemble des sociétés, prend son origine
symbolique dans l'art de la Renaissance, qui est à la fois
représentatif de l'art régional et de l'art national
français. Ainsi les érudits et les membres des
sociétés artistiques s'efforcent d'inscrire la jeune
génération dans la lignée des grands artistes de la
Renaissance tourangelle. Toutefois la définition d'artiste tourangeau
est poreuse et semble pouvoir s'appliquer à bon nombre de protagonistes
en vue de représenter la Touraine sur la scène artistique
nationale et internationale. Si les expositions des artistes locaux en
général et de la Société des Amis des Arts de la
Touraine de 1885 et 1886 en particulier remportent l'appréciation du
public, il semble néanmoins que cette restriction à la production
tourangelle soit rapidement désapprouvée. Dès 1887 les
Amis des Arts subissent de vives critiques quant aux choix des oeuvres et des
artistes exposés. La presse pointe notamment l'aspect redondant des
expositions de la société, compte tenu de la place
récurrente de certains artistes locaux au détriment de la
présence d'artistes étrangers et principalement parisiens.
Dès lors la Société des Amis des Arts s'affère
à compenser la présence répétitive de ces artistes
en ouvrant sa dernière exposition à l'ensemble des artistes.
B. Les expositions des oeuvres des artistes parisiens
: des événements inédits en Touraine
À l'évidence une minorité d'expositions
sociétales en Touraine proposent la présentation d'oeuvres
d'artistes parisiens. L'essentiel des expositions sont en effet
consacrées à l'exhibition de la production de Touraine, mais
également des départements environnants à l'instar de la
Sarthe, de la Loire-Inférieure, du Loiret, de la Vienne, de l'Indre, du
Maine-et-Loire et du Loir-et-Cher339. Seules les expositions de
1853, 1882 et 1889 organisées par les sociétés des Amis
337 VAN KELLER, « Salon de Tours. Exposition de Peinture.
La peinture de genre et de fantaisie. Lettre II », Journal
d'Indre-et-Loire, n° 257, 1er novembre 1882, p. 2.
D. C., « Exposition de la Société des Amis
des Arts de la Touraine », Chronique des Arts et de la
Curiosité, n°32, 28 octobre 1882, p. 247.
338 VAN KELLER, « Salon de Tours. Exposition de Peinture.
La peinture de genre et de fantaisie. Lettre II », op. cit, p.
2.
339 [ANONYME], « Exposition des produits des arts et de
l'industrie », Journal d'Indre-et-Loire, n° 76, 2 juin 1841,
p. 1.
98
des Arts du département d'Indre-et-Loire, ainsi que les
Expositions nationales de Tours de 1881 et 1892, accueillent des oeuvres des
artistes de Paris. En conséquence le public, mais aussi une partie des
artistes locaux ne sont que rarement confrontés à la production
artistique de la capitale. Celle-ci diffère à n'en pas douter de
la production régionale, puisque Paris est évidemment au
XIXe, voire jusqu'à la première moitié du
XXe siècle, l'épicentre des arts en France et en
Europe. Dès lors, il convient de s'intéresser à la
réception et la perception en Touraine de l'art vivant de la
capitale.
a) L'invitation des artistes parisiens en Touraine : entre
mise en exergue du « grand genre »
et renversement de la hiérarchie
À première vue, la circulation des oeuvres et
des artistes ne semble s'effectuer qu'à sens unique entre Paris et la
Touraine, en raison de l'attraction culturelle de la capitale française.
Malgré la proximité géographique et le
développement des réseaux de transports, la Touraine ne
reçoit qu'à de rares exceptions la production artistique
parisiennne, alors que les artistes tourangeaux sont toujours plus nombreux
à faire la démarche inverse, du fait de la présentation de
leurs oeuvres au Salon. Dès lors les expositions artistiques
parisiano-tourangelles s'appréhendent comme des événements
majeurs en Indre-et-Loire. La présence des artistes parisiens en
Touraine réside en partie de la médiatisation des expositions
d'Indre-et-Loire dans la presse artistique nationale. Si pour l'exposition de
1853, cette information n'a pu être vérifié, pour les
expositions de la Société des Amis des Arts de la Touraine, des
annonces sont publiées dans Le Courrier de l'art et dans la
Chronique des arts et de la curiosité. Ainsi en 1882, les
artistes et les marchands parisiens sont avertis à partir du 22 juillet
- soit près de deux mois et demi avant l'ouverture de l'exposition - des
conditions nécessaires à remplir pour l'envoi et l'exposition de
leurs oeuvres. L'annonce précise notamment l'obligation de
déposer les tableaux « du 1er au 15 août (dernier
délai) chez M. Pottier, rue Gaillon, 14, représentant de la
Société »340 à Paris. Si l'annonce advient
relativement tard, elle précise par ailleurs le recours à la
société de Charles Pottier pour l'expédition des oeuvres
vers Tours. Emballeur de tableaux et d'objets d'art, Charles Pottier est
régulièrement missionné entre 1880 et 1930 pour le
transport des oeuvres des artistes parisiens vers les salons de province
française, mais également vers les expositions à
l'étranger. La Société des Amis des Arts de Lyon, celle de
Cherbourg ou celle de Saint-Quentin par exemple, ont recours aux services de
son entreprise en 1884341. Le dépôt des
340 [ANONYME], « Concours et expositions »,
Chronique des arts et de la curiosité, n° 25, 22 juillet
1882, p. 191.
341 [ANONYME], « Expositions prochaines », Le
Courrier de l'art : chronique hebdomadaire des ateliers, des musées, des
expositions, des ventes publiques, n° 46, 14 novembre 1884, p.
549.
99
oeuvres des artistes de Paris invités à prendre
part à l'exposition est finalement reculé au 1er septembre, en
raison du peu de temps qui était imparti342.
Lorsque sont organisées à Tours les expositions
des travaux des artistes locaux et parisiens, les commentateurs des quotidiens
régionaux n'hésitent pas à exalter la valeur des oeuvres
envoyées depuis Paris. Tel est le cas de ce rédacteur du
Journal d'Indre-et-Loire, qui en 1853, attire l'attention du public
sur l'exposition de la Société des Amis des Arts de Touraine.
Elle comprend environ trois cents tableaux remarquables des
meilleurs maîtres vivants, et l'élite de ceux qui ont
figuré à la dernière exposition de Paris. Disposée
avec beaucoup d'intelligence et de goût par la commission chargée
de présider à son arrangement, elle offre une collection comme
il
n'en a point encore en province, et un ravissant spectacle
pour tous ceux qui ont l'amour des Beaux-Arts343.
L'exposition de 1853 est une manifestation de Beaux-Arts
inédite en Touraine de part la provenance et le nombre d'oeuvres
exposées. Elle est la première à proposer aux tourangeaux
de se confronter à l'art vivant parisien et international. Ainsi bon
nombre d'oeuvres exposées lors des derniers Salons sont
présentées à l'exposition de la Société des
Amis des Arts, à l'exemple de La mort de Charles le
Téméraire (fig. 26) par Charles Houry344
(1829-1898) présentée au Salon de 1852345. Peintre
d'origine belge, Houry se forme dans l'atelier de Léon Cogniet
(1794-1880) tout en débutant parallèlement une carrière de
peintre sur porcelaine à la manufacture de Sèvres. Il commence
à exposer au Salon à partir de 1850. Son tableau est
célébré dans les colonnes du Journal d'Indre-et-Loire
en reconnaissant notamment qu'il y « règne [É] un ton
sombre et mélancolique très-bien approprié à la
scène qui y est représentée »346.
Manifestement le journaliste tourangeau omet l'origine belge de Charles Houry
et l'insère dans l'école française, à l'inverse
d'Arsène Houssaye (1815-1896), qui l'année
précédente l'inscrivait dans l'école artistique
belge347. La mort de Charles le Téméraire est
exposée dans l'église des Minimes (ann. 4.1) au côté
d'autres peintures d'histoire et de genre
342 [ANONYME], « Concours et expositions »,
Chronique des arts et de la curiosité, n° 27, 19
août 1882, p. 207.
343 [ANONYME], « Tours. Exposition de Peinture »,
Journal d'Indre-et-Loire, op. cit., 8 septembre 1853, p. 2.
344 [ANONYME], « Exposition de Tableaux aux Minimes.
Premier article. », Journal d'Indre-et-Loire, n° 220, 17
septembre 1853, p. 1.
345 [ANONYME], Explication des ouvrages de peinture,
sculpture, gravure, lithographie et architecture des artistes vivants,
exposés au Palais-Royal, Paris, Vinchon, 1852, [en ligne],
Musée d'Orsay, Base Salons :
http://salons.musee-orsay.fr/index/exposant/87364
Consulté le 13/05/2017.
346 [ANONYME], « Exposition de Tableaux aux Minimes. Premier
article. », op. cit, p. 1.
347 HOUSSAYE, Arsène, « Salon de 1852. Autre point de
vue », L'Artiste, 5ème série, t. VIII,
1er mai 1852, p. 98.
100
historique, dont les deux tableaux d'Ary Scheffer (1795-1858)
intitulés Macbteh consultant les sorcières (fig. 27) et
Les Saintes Femmes. L'ensemble de ces toiles historiques semble
remporter l'adhésion des commentateurs de l'époque, comme en
témoigne les rapports de l'exposition qui commencent immanquablement par
examiner ces peintures.
Nous ne prétendons en rien classer les peintres dont
nous allons nous entretenir avec nos lecteurs dans un ordre d'importance et de
mérite; nous nous bornons à examiner successivement les tableaux
qui ont fixé notre attention, en donnant le pas au genre le plus
sérieux, à l'école dite historique, école de plus
en plus abandonnée et à laquelle il faudra pourtant bien
revenir348.
Si ce journaliste se défend de toute opinion sur la
valeur esthétique et artistique des différents genres de
peinture, en recourant à l'argument traditionnel de la hiérarchie
des genres, il semble néanmoins attaché à débuter
son examen par la peinture d'histoire, genre tendant à disparaître
au profit de la peinture de genre historique et plus encore des genres mineurs,
tels que le paysage et la nature-morte. Il semble de surcroît engager les
peintres à renouer avec la peinture d'histoire. Dès lors il
s'oppose au discours d'un certain nombre de critiques parisiens à
commencer par Louis Clément de Ris (1820-1882), qui dans sa revue du
Salon de 1852, se heurte à l'entêtement de certains peintres
à perpétuer ce genre de peinture349. À son
déclin à Paris, la peinture historique n'est pas plus
pratiquée par les artistes en région et particulièrement
en Touraine au XIXe siècle, à cause de ses dimensions
colossales, qui peinent à la faire entrer dans les intérieurs des
collectionneurs. Le discours de ce journaliste apparaît dès lors
comme une exception. Si pour les organisateurs de l'exposition la
présentation d'oeuvres du « grand genre » est à
l'évidence prestigieuse, il semble néanmoins que ces derniers
n'ont pas vocation à insuffler en Touraine une production dont les
peintres ne trouveraient pas d'amateurs, d'autant que l'école municipale
des Beaux-Arts de Tours placée sous la direction de Jean-Charles Henri
Raverot (1793-1869), continue à prodiguer une formation en lien
étroit avec la production manufacturière de soierie. De fait, la
peinture d'histoire n'est pas le but ultime vers lequel tendre pour la jeune
génération d'artistes tourangeaux.
Si en 1853 la peinture d'histoire est encore
représentée par quelques grands maîtres de l'art vivant, au
cours des expositions suivantes organisées à Tours, elle est
supplantée entièrement par les paysages, les portraits, les
natures-mortes et a fortiori les oeuvres de genre
348 [ANONYME], « Tours. Exposition de Peinture »,
op. cit., 8 septembre 1853, p. 2.
349 CLÉMENT DE RIS, Louis, « Le Salon »,
L'Artiste, 5ème série, t. VIII, 15 avril
1852, p. 82.
101
qui semblent être l'apanage « du génie
français »350. Dès lors les artistes de Paris
envoient principalement des oeuvres de genres mineurs dans les salons de
province, à l'instar des artistes locaux qui exposent principalement des
paysages et des natures-mortes. Les tableaux de chevalet sont en effet
l'essentiel des oeuvres présentées à l'exposition de 1853,
mais surtout de 1882 et 1889. Il semble de cette manière que la
production vivante ne correspond plus à la hiérarchie
instaurée au XVIIe siècle par l'Académie.
L'exposition massive des tableaux de paysages et de genre tend à
instaurer une nouvelle hiérarchie, faisant ainsi de ces peintures
d'agrément les genres les plus goûtés par le public et les
artistes. Ce retournement résulte essentiellement d'une volonté
mercantile et d'adaptation au goût. En effet, les oeuvres de genre comme
les paysages sont des genres particulièrement appréciés
des collectionneurs pour leur faculté décorative, comme en
témoigne le discours de ce journaliste, à propos du tableau de
Beaume intitulé Les Amateurs et exposé en 1853 :
Cette petite toile, qui rappelle à plus d'un
égard les sujets favoris de notre célèbre Meissonier, doit
convenir à toutes les personnes qui se plaisent à orner leur
demeure d'oeuvres artistiques d'un aspect agréable, et nous serions
étonnés qu'elle quittât Tours351.
Néanmoins certains artistes de genres mineurs parmi les
plus avancés, s'appréhendent à l'instar des grands
peintres d'histoire comme des célébrités nationales. Ainsi
en exposant en 1882 l'une des toiles de sa série des Souvenirs
d'Écosse, Gustave Doré (1832-1883) fait figure de
maître du paysage parmi le corpus de paysagistes réunis (ann.
3.1). Par ailleurs, la somme de 6 000 francs352 nécessaire
à l'acquisition de son tableau le distingue des prétentions
marchandes de l'ensemble des peintres, qu'ils soient tourangeaux ou parisiens,
bien que ces derniers vendent généralement leurs oeuvres à
des tarifs plus dispendieux, en raison de leur célébrité
mais également du coût de la commission des marchands qui les
représentent et des frais liés à l'envoi de leurs
oeuvres.
b) Les artistes parisiens, des modèles « du bon
goût » pour les tourangeaux ?
Événements relativement rares en Touraine, les
expositions invitant les artistes vivants de la capitale peuvent
s'appréhender comme des compléments pédagogiques
éphémères aux collections du musée de Tours, qui ne
comprennent guère d'oeuvres contemporaines jusqu'à la
350 VAN KELLER, « Salon de Tours. Exposition de Peinture.
La peinture de genre et de fantaisie. Lettre II », op. cit, p.
2.
351 [ANONYME], « Exposition de Peinture. Troisième
article. », Journal d'Indre-et-Loire, n° 227, 25 septembre
1853, p. 2.
352 S.A.A., Exposition de 1882, op. cit., 1882,
p. 39.
102
fin du XIXe siècle. Ainsi en 1853, peu
d'oeuvres d'artistes vivants sont exposées au sein de l'institution
muséale de Tours, comme le souligne sévèrement
Léonce de Pesquidoux (18291900) dans ses Études sur les
musées : « L'école moderne est
représentée par un petit tableau de Delacroix
È353. Les Comédiens ou Bouffons arabes
d'Eugène Delacroix déposés par l'État en 1848
(fig. 28), est en effet l'un des seuls tableaux contemporains d'artistes
vivants de stature nationale conservés au musée de Tours, outre
notamment L'âme exilée (fig. 29) de Charles Lefebvre
(1805-1882) présentée au Salon de 1842354 ainsi qu'un
paysage de François-Louis Français (1814-1897)
déposé en 1852355. Au milieu du XIXe
siècle, la collection d'oeuvres contemporaines du musée municipal
de Tours ne semble se résumer qu'à quelques tableaux. Il faut
attendre le troisième voire le quatrième quart du XIXe
siècle et l'avènement de la Troisième République,
pour que les tourangeaux profitent régulièrement d'envois de
l'État pour avoir connaissance de la production de leurs contemporains
de Paris.
L'organisation de ces expositions d'oeuvres d'artistes vivants
parisiens s'imposent dès lors comme des événements
culturels de grande importance pour les visiteurs tourangeaux, qui pour
l'essentiel ne se confrontent que rarement à cette production
artistique. Les artistes parisiens jouissent de surcroît d'une solide
réputation en province, en raison de la dynamique artistique qui anime
la capitale au XIXe siècle. Ces artistes semblent ainsi
être accueillis dans les expositions et au sein des
sociétés artistiques de province et de Touraine en particulier,
comme des modèles d'exemplarité. L'attribution
régulière du titre de membre honoraire à ces artistes en
témoignent. Elles participent incontestablement à assurer la
renommée des sociétés artistiques les recevant. Si en
1882, la Société des Amis des Arts de la Touraine octroie
à Charles Busson (1822-1908) et Emmanuel Lansyer (1835-1893) la
qualité de membre honoraire356, puisque tous les deux
représentent le succès artistique de la Touraine à Paris,
c'est en 1887 que le nombre d'attribution de cette distinction honorifique
à des artistes parisiens s'accroit considérablement. Jean
Béraud (1849-1939), Paul-Albert Besnard (1849-1934), Carolus-Durand
(1837-1919) ou Henry Lerolle (1848-1929) par exemple, reçoivent la
charge de membre honoraire de la Société des Amis des Arts de la
Touraine en 1887357, bien qu'elle
353 PESQUIDOUX, Léonce, Voyage artistique en
France. Études sur les musées d'Angers, de Nantes, de Bordeaux,
de Rouen, de Dijon, de Lyon, de Montpellier, de Toulouse, de Lille, etc.,
etcÉ, Paris, Michel-Lévy, 1857, p. 139.
354 VITRY, Paul, Le Musée de Tours, Paris, H.
Laurens, 1911, p. XXXII.
355 Ibid., p. XVIII.
356 S.A.A., Compte-rendu de l'année 1882, op.
cit., 1883, p. 26.
357 S.A.A., Compte-rendu de l'année 1887, op.
cit., 1888, p. 39.
103
n'organise pas avant 1889 une exposition ouverte aux artistes
parisiens. Par ces attributions, il s'agit probablement pour la
société de s'inscrire dans une dynamique artistique et compenser
par la même, les critiques à laquelle est soumise sa
dernière exposition, qui ne présente que des oeuvres des artistes
locaux.
Comme le fait remarquer à juste titre Nicolas
Buchaniec, l'idée de confrontation des artistes débutants,
principalement provinciaux, aux artistes arrivés, essentiellement
parisiens, est un leitmotiv tendant à faire des expositions des
événements bénéfiques pour la population et les
artistes en devenir de province 358. Ainsi lorsque s'ouvre en 1841
la première exposition de Beaux-Arts en Touraine composée
exclusivement d'oeuvres d'artistes de la région, la critique parisienne
déplore « l'absence d'oeuvres capitales, de tableaux de nos
maîtres » qui conduit à la présentation de « ce
débordement d'essais informes, de copies maladroites » puisqu'on
« ne gagne rien à s'isoler, en fait d'art » 359. Si
ce rédacteur semble se montrer sévère vis à vis de
l'exposition de 1841, il s'inscrit dans l'idéologie contemporaine qui
reconnaît que les jeunes artistes et les artistes de province ont tout
à apprendre des oeuvres des artistes arrivés de Paris. La
reconnaissance institutionnelle d'une grande part des artistes parisiens, du
fait de la réception, de la présentation et de l'achat de leurs
oeuvres au Salon, doit engager le public et les jeunes artistes à
réfléchir sur les caractéristiques qui séparent la
production locale de la production étrangère. Dès lors les
organisateurs semblent inviter les artistes débutants à continuer
dans cette voie du progrès, guidée par la présentation
d'oeuvres d'artistes exposants au Salon. Pour autant cette démarche peut
sembler vaine, compte-tenu du rejet de l'art parisien aux expositions de la
Société des Amis des Arts de la Touraine après 1882.
Au début l'appel était général, la
société s'était adressée à tous les artistes
et l'élément étranger, parisien surtout, était venu
donner son concours, donner en même temps la note de l'exposition et
établir la comparaison juste avec les artistes locaux mettant chacun
d'eux à la place qu'il convenait qu'il occupât naturellement.
C'est alors que des froissements se sont produits, la comparaison
désavantageuse ne fut plus supportable pour les orgueils despotes et
pour les vanités tapageuses, elles percèrent le voile de la
pointe de l'oreille et on vit peu à peu apparaitre la Cie Dupont,
Dumont, Dufour, puissante et bien organisée, qui commença ses
opérations élargissement et fit le vide autour d'elle à
son profit360.
358 BUCHANIEC, Nicolas, Salons de province..., op. cit.,
p. 146.
359 J. H., « Exposition de tableaux à Tours »,
Journal des artistes, n° 23, 6 juin 1841, p. 356.
360 VENÇAY, Jehan de, « Le Salon de Tours »,
La Revue littéraire et artistique de Touraine, n° 28,
1er juin 1887, p. 220-221.
104
Qualifié ironiquement de « Compagnie Dupont,
Dumont, Dufour », les artistes régissant et fournissant les
expositions de la Société des Amis des Arts à partir de
1885 jusqu'à 1887, semblent rejeter la présence des artistes
parisiens pour n'exposer que leurs propres productions. Peut-être est-il
possible d'envisager cet ostracisme des oeuvres des artistes de Paris, comme
une volonté délibérée de protéger
l'école artistique locale, suivant le discours développé
par Léon Lagrange sur l'art national français, dans son article
sur les expositions d'objets d'art et de curiosité en province. Ainsi
écrit-il notamment, « l'acclimatation tue l'originalité du
génie »361, avant de continuer par démontrer que
les artistes aussi bien de Strasbourg, de Bordeaux que du Havre ne trouvent
leur inspiration que chez les maîtres parisiens, cela conduisant à
une uniformisation des pratiques artistiques dans l'ensemble des villes
françaises. Ces propos ne peuvent à l'évidence s'appliquer
aux artistes de Tours, qui cherchant à protéger leur foyer, se
sont confortés à n'exposer que leurs propres oeuvres durant
plusieurs expositions, avant de se rendre à l'évidence en 1889,
que le public apprécie de surcroît la présence des artistes
parisiens.
Un mouvement artistique parisien ne semble pas faire
l'unanimité du public. Présenté pour la première
fois en Touraine en 1882, l'impressionnisme rompt avec l'ensemble des oeuvres
exposées. Des oeuvres de Claude Monet (1840-1926), Auguste Renoir
(1841-1919) Alfred Sisley (1839-1899) et Eugène Boudin (1824-1898) sont
en effet acceptées par la Société des Amis des Arts
à prendre part à son exposition. L'exposition des oeuvres de ces
peintres résulte à l'évidence de l'envoi de leur marchand
Paul Durand-Ruel (1831-1922). Le critique tourangeau Van Keller écrit
à propos de l'exposition des tableaux impressionnistes :
[É] on n'a pas oublié l'école tapageuse
des impressionnistes. On vous a servi, mon cher ami, les maîtres du genre
parmi lesquels je remarque de prime-abord M. Renoir et M. Sisley. N'achetez pas
ce qu'ils vous ont envoyé : ils seraient désolés de vous
vendre. Ils savent faire autre chose que ce que leur école peut imposer
aux artistes, croyez-le bien362.
La réception en demie teinte à Tours des oeuvres
des impressionnistes résulte partiellement de la méfiance des
provinciaux en général et des tourangeaux en particulier vis
à vis des oeuvres envoyées par les artistes de Paris. En effet,
les oeuvres destinées à la province font
régulièrement l'objet de critiques par les organisateurs des
salons et les commentateurs locaux. Si ces derniers se réjouissent
d'accueillir en leur territoire des oeuvres de l'élite artistique
parisienne, ils ne se montrent pas moins réservés voire
suspicieux quant aux qualités
361 LAGRANGE, Léon, « Des expositions provinciales
d'objets d'art et de curiosité », op.
cit., 15 avril 1859, p. 96.
362 VAN KELLER, « Salon de Tours. Exposition de peinture.
Aperçu général. Lettre 1. », op.
cit., p. 2.
105
formelles de certaines toiles, envoyées selon eux, dans
le but de trouver des amateurs moins cultivés, sinon moins exigeants que
les collectionneurs de la capitale. Ainsi peuvent s'expliquer les propos du
critique Van Keller qui n'encouragent pas les tourangeaux à l'achat des
oeuvres de Renoir et de Sisley notamment. Aussi ne faut-il pas oublier la
méconnaissance du public due à la jeunesse du mouvement
impressionniste ainsi que la transition picturale très violente qu'il
induit vis à vis de la production à laquelle les tourangeaux sont
habitués jusqu'alors. Si la critique parisienne reste mesurée
quant aux qualités des oeuvres impressionnistes, elle semble
néanmoins plus disposée à leur reconnaître de
l'intérêt, comme en témoigne les propos de ce journaliste
de La Chronique des Arts et de la Curiosité passant en revue
l'exposition tourangelle de 1882 : « Une place a été
laissée - il faut l'avouer - à quelques noms de la secte dite
intransigeante : cependant il y a bon à prendre quelquefois chez les
Renoir, les Sisley, les Monet, et la Société ne doit pas
être blâmée d'avoir montrée des échantillons
de ce genre à son public tourangeau »363. Il semble
vraisemblablement que ce soit la violence de la confrontation du public
tourangeau avec les oeuvres impressionnistes, qui conduise à rejeter ce
mouvement à Tours. Dès lors la négation de
l'impressionnisme en Touraine fait écho au renoncement de la
Société des Amis des Arts de Pau d'exposer et de faire
acquérir pour son musée des oeuvres impressionnistes, à
l'instar du Bureau de coton à la Nouvelle-Orléans (fig.
30) d'Edgar Degas (1834-1917) acheté par la ville en 1878364.
En effet de 1876 à 1879, la société paloise
présente des oeuvres de ce mouvement d'avant-garde pendant que de vives
critiques sont publiées dans la presse locale.
À l'évidence la présence des artistes
parisiens au sein des expositions artistiques de Tours s'appréhende
comme des événements inédits pour le public tourangeau,
mais également pour les artistes de la localité. En effet, les
uns comme les autres semblent relativement isolés de l'émulation
artistique de Paris. De fait la présentation des oeuvres des
maîtres les plus fameux, conduit à la publication d'une critique
favorable dans la presse locale et à l'admiration des visiteurs.
Toutefois la confrontation avec l'élite artistique parisienne semble
difficile pour les artistes d'Indre-et-Loire, compte tenu de la
différence sensible de niveau, ce qui mène à la
dissolution de l'organisation des expositions parisiano-tourangelles de 1882
à 1889, puis à leur disparition irréversible après
l'ouverture de l'Exposition nationale de 1892 organisée par la
363 D. C., « Exposition de la Société des
Amis des Arts de la Touraine », Chronique des Arts et de la
Curiosité, n°32, 28 octobre 1882, p. 247.
364 LE COEUR, Marc « Le Salon annuel de la
Société des amis des arts de Pau, quartier d'hiver des
impressionnistes de 1876 à 1879 », Histoire de l'art,
1996, p. 62.
106
municipalité de Tours avec le concours des amateurs de
Beaux-Arts de la ville. Dès lors la vocation de décentralisation
semble être mise à défaut par le sentiment
régionaliste des artistes formant la Société des Amis des
Arts de la Touraine, ainsi que par les dépenses nécessaires
à l'organisation de ces expositions. Par ailleurs l'arrêt de
l'organisation des expositions ouvertes aux artistes étrangers, met fin
à la concurrence mercantile de l'art en Touraine pour les artistes du
département. Ces grandes manifestations sont en effet des lieux
essentiels de commerce pour les artistes et les marchands parisiens durant tout
le XIXe siècle.
II) L'opportunité mercantile des salons
tourangeaux
A. Le marché de l'art à Tours au
XIXe siècle : un espace suffisant pour la vie des artistes et
l'acquisition des collectionneurs ?
Le marché de l'art à Tours et plus largement la
vie artistique en Touraine ne peuvent soutenir la comparaison avec
l'émulation du foyer parisien comme il a déjà
été démontré. Pourtant dans ce rapport de force et
de déséquilibre entre la capitale des arts du XIXe
siècle et une ville moyenne de province française, se
présentent à Tours des initiatives originales tendant à
compenser le manque d'institution et d'infrastructure pour les arts et leur
marché. En effet, les sociétés d'émulation
artistique semblent s'efforcer en organisant leurs propres salons de Beaux-Arts
d'encourager la production locale en interagissant entre les artistes et les
amateurs. Les sociétés artistiques doivent ainsi
s'appréhender comme des protagonistes à part entière du
marché de l'art en construction en Indre-et-Loire au XIXe
siècle, puisque rapprochant les artistes de leur public. Pour autant
c'est à Paris que la majorité des collectionneurs les plus
fortunés acquièrent l'essentiel de leurs collections, tandis que
c'est à Tours que les amateurs les moins aisés achètent
les oeuvres qui habillent leurs intérieurs. Dès lors, faut-il
comprendre que le marché de l'art à Tours est un espace
insuffisant pour compléter les collections de l'ensemble des amateurs du
département, puisque ne proposant à la vente que des oeuvres de
qualité secondaire ou faut-il imaginer que les infrastructures
commerciales ne sont pas assez développées pour
représenter les artistes de la localité auprès de
l'ensemble de la clientèle ? L'examen des différentes
institutions du marché de l'art à Tours semble être un fil
conducteur intéressant à développer pour répondre
à cette question et mettre par la suite en évidence l'impact des
expositions de Beaux-Arts organisées par les sociétés
artistiques dans le commerce de l'art à Tours.
a) Les institutions et les acteurs du marché de l'art
à Tours au XIXe siècle
107
Au XIXe siècle, nombreux sont en Touraine
les collectionneurs, en raison du développement de la «
bric-bracomanie ». Toutefois le corpus d'amateurs tourangeaux semble
relativement hétérogène, comme le démontre Martine
Augouvernaire lorsqu'elle définit les différentes typologies
d'amateurs en reprenant la méthode exploitée par Théophile
Thoré (1807-1869) dans son fameux article brossant le portrait de
l'ensemble des catégories de collectionneurs365. En effet, le
collectionnisme paraît toucher un ensemble varié de personnages en
Indre-et-Loire allant de l'artiste, à l'instar de Gaëtan
Cathelineau réunissant à des fins pédagogiques une
collection d'oeuvres de maîtres anciens principalement de l'école
française366, de l'aristocrate, à l'exemple des
marquis de Biencourt propriétaires du château d'Azay-le-Rideau,
des grands bourgeois dont les membres des familles Mame et Gouïn,
importants collectionneurs d'arts anciens et a fortiori d'arts vivants, ou
encore des personnages exerçant des professions libérales et des
petits bourgeois qui s'approprient la pratique de la collection, comme
instrument de valorisation de leur statut social.
De tous les lieux de commerce d'objets d'art, les salles des
ventes sont les institutions les plus évidentes du marché de
l'art, en raison de l'ancienneté de la profession de
commissaire-priseur367. Situées au 3, rue de la Harpe (ann
4.2) dans les années 1830368 avant que d'autres ne s'ouvrent
rue Royale (ann. 4.2)369, puis rue des Guetteries à
proximité de la gare (ann. 4.2) dans la décennie 1860
370 , les salles des ventes tourangelles accueillent les objets
d'art des collectionneurs et des notables de Touraine et sont partagées
par les trois études de commissaires-priseurs de Tours. Les ventes aux
enchères organisées dans les hôtels des ventes se
distinguent à l'évidence des vacations se déroulant en
place publique et au domicile des vendeurs, ces dernières étant
généralement des ventes judiciaires concernant des objets
365 AUGOUVERNAIRE, Martine, op. cit., 1992, p. 59
THORÉ, Théophile, « Les Collections
particulières », Paris Guide, par les principaux
écrivains et artistes de la France, t. I, Paris, Librairie
internationale, 1867, p.536-551.
366 MIOCHE, Laura, Gaëtan Cathelineau (1787-1859),
Artiste, collectionneur et donateur tourangeau, mémoire de master 1
d'histoire de l'art contemporaine, sous la direction de France Nerlich,
Université François-Rabelais de Tours, 2010, p. 23.
367 ROUGE-DUCOS, Isabelle, Le Crieur et le Marteau.
Histoire des commissaires-priseurs de Paris (1801-1945), Paris, Belin,
2013, p. 22.
368 [ANONYME], Annuaire historique, statistique et
commercial du département d'Indre et Loire, Tours, Ad. Mame, 1831,
p. 178.
369 MIOCHE, Laure, op. cit., 2010, p. 43.
370 PELTIER, Anne, Les commissaires priseurs et les ventes
à Tours au XIXe siècle, mémoire de
maitrise d'histoire contemporaine, sous la direction de Sylvie Aprile,
Université François-Rabelais de Tours, 1999, p. 68.
108
quotidiens et de petite valeur. Néanmoins les doubles
des répertoires des commissaires-priseurs ainsi que les rares catalogues
de vente encore conservés, témoignent de la carence
générale des ventes aux enchères tourangelles au
XIXe siècle. Les vacations à Tours ne dépassent
que rarement les 5 000 francs et la moyenne des prix des tableaux se situe
autour des 100 francs371, malgré quelques belles
adjudications lors des rares ventes de prestige, dont la dispersion en 1888 par
maître Fontaine de la collection de Marguerite Pelouze (1836-1902),
propriétaire du château de Chenonceau. La collection comprenait
notamment des tableaux attribués à François Clouet
(1520-1572), Nicolas Poussin (1594-1665), David Téniers (1610-1685) ou
Pierre Mignard (1610-1695)372. Outre la dispersion des fonds
d'atelier et des lots non retirés de la loterie de l'Exposition
nationale de 1881373, les ventes aux enchères concernent
assurément davantage la dispersion des oeuvres des maîtres anciens
plutôt que celles des artistes contemporains. Il semble donc falloir les
écarter du marché de l'art vivant.
À Tours durant tout le XIXe siècle,
il semble que le commerce de l'art vivant soit soutenu par une minorité
de marchands de couleurs374. S'ils proposent depuis le milieu du
XVIIIe siècle la vente de couleurs préparées,
puis le négoce en général des fournitures pour les
peintres en raison de l'abolition des corporations en 1791, peu à peu
ces commerçants semblent étendre leur offre à la vente de
tableaux. Plus que des marchands de couleurs, ils deviennent de
véritables galeristes avant l'heure qui développent le commerce
de l'art, mais aussi sa location, à l'instar des parisiens Alphonse
Giroux (1776-1848) 375 et Jean-Marie-Fortuné Durand-Ruel
(1865), bien que ce dernier finit par délaisser complétement la
vente des fournitures au profit du commerce d'oeuvres d'art des artistes
vivants, dont les oeuvres des aquarellistes anglais et des peintres de
l'école de Barbizon376. À Tours néanmoins, la
figure émergeante du « marchand-expert » semble moins se
développer qu'à Paris. Sur les cinq marchands de couleurs
recensés durant la décennie 1830, seul un, installé au 15,
rue Royale (ann 4.2) paraît proposer à la fois la vente de
fournitures pour les peintres mais également des «
«estampes» et «autres articles de
371 Ibid. p. 37.
372 FONTAINE [commissaire-priseur], LAURENT [expert],
Catalogue d'une belle collection de 68 tableaux de maîtres anciens,
objets d'art et tapis d'une grande valeur artistique, le tout provenant du
château de Chenonceau, appartenant à Mme Pelouze..., Tours,
Imp. Mazereau, 1888.
373 [ANONYME], « Vente aux enchères »,
Journal d'Indre-et-Loire, n° 142, 18 juin 1882, p. 3.
374 SOFIO, Séverine, « Les marchands de couleurs
au XIXe siècle, artisans ou experts ? (Paris, Tours) »,
Ethnologie Française, n° 165, janvier 2017, p. 75-86.
375 ROTH-MEYER, Clothilde, « Le phénomène
de la location de tableaux par les marchands de couleurs parisiens au XIX
», Histoire de l'art, n°58, 2006, p. 58.
376 PATRY, Sylvie (éd.), Paul Durand-Ruel le pari
de l'impressionnisme, cat. exp, Paris, musée du Luxembourg,
Réunion des Musées Nationaux, 2014, p. 30.
109
fantaisie» » 377. La palette d'Or tenue
par Marcadier se spécialise par la suite dans le commerce d'objets
d'art. Ainsi en 1853, la boutique est définie comme « magasin de
nouveautés et d'objets d'art » proposant à la fois «
bronzes, porcelaines, cristaux, ivoires, maroquinerie [É] vente et
location de tableaux à l'huile, pastels, aquarelles, sépias et
mines de plomb »378. Marcadier est à l'évidence
un acteur essentiel du commerce des oeuvres des artistes vivants de Tours,
comme le démontrent les portraits de ce marchand et de sa famille
réalisés par les artistes locaux. Cathelineau exécute
notamment un portrait de son marchand de couleurs379, tout comme
Lupetty peint en 1860 Le portrait de Mlle Marcadier (fig. 31). Ces
portraits témoignent à l'évidence de la proximité
de Marcadier avec les artistes de la localité. Cependant il est possible
que ces oeuvres aient été exécutées en
échange de fournitures par le marchand, ce qui est une pratique
relativement courante à l'époque.
Un commerce inédit de curiosités et d'objets
d'art est fondé également à Tours dans la première
moitié du XIXe siècle. Ouvert le 20 mai 1828 au public
après des 58 jours de travaux380, le Bazar turonien se situe
au 6, rue Neuve-Saint-Martin (ann. 4.2) sur les ruines de l'ancienne abbaye
démolie en 1797381. À la différence des
marchands de couleurs et autres galeristes, le propriétaire du bazar,
Jacquet Delahaye-Avrouin, n'achète pas en vue de revendre.
Le bazar est un entrepôt qui reçoit à
commission toutes sortes de meubles antiques et modernes, mais riches et de bon
goût ; toutes espèces de marchandises en pièce ou sur un
échantillon ; tous objets de curiosité, d'histoire naturelle, les
tableaux, gravures, émaux, porcelaines, les chefs-d'oeuvres des arts,
les médailles, les manuscrits, et généralement tout ce qui
entre dans le domaine de la science, de l'industrie et du
commerce382.
Jacquet Delahaye-Avrouin prélève une commission
de 5% sur la vente de chaque objet vendu au sein de son établissement.
Les artistes et les manufactures lui confient leurs productions.
Parallèlement, il propose la location d'ateliers pour les travaux de
restauration, dorures et sculptures sur marbre, en plus d'un
théâtre pouvant accueillir jusqu'à 250 spectateurs.
Néanmoins, il semble qu'il faille davantage inscrire l'ouverture de cet
établissement dans le
377 SOFIO, Séverine, op. cit., 2017, p. 81.
378 DUCHEMIN-RIBOUT, La ville de Tours et ses environs,
Tours, Imp. Ladevèze, 1853, p. 53.
379 VITRY, Paul, op. cit., 1911, p. LV.
380 [ANONYME], Annuaire historique, statistique et
commercial du département d'Indre et Loire, Tours, Ad. Mame et Cie,
1828, p. 206-207.
381 KILIAN, A.-J., Dictionnaire géographique
universel contenant la description de tous les lieux du globe
intéressants sous le rapport de la géographie physique et
politique, de l'histoire, de la statistique, du commerce, de l'industrie, etc,
t. X, Paris, A.-J. Kilian et Ch. Picquet éditeurs, 1833, p. 119.
382 [ANONYME], Annuaire historique..., op.
cit., 1828, p. 206.
110
mouvement parisien de constructions des bazars -
ancêtres des grands magasins - en raison de la diversité des
produits proposés. À l'évidence, cette entreprise
novatrice s'inspire du Bazar français construit à Paris en 1819
par le baron Louis-Antoine Sauset (1773-1836). Le projet de Sauset était
de vendre à la fois des objets de commerce et des objets d'art dans une
large galerie couverte383. Le Bazar turonien est cependant une
institution essentielle du commerce de l'art à Tours, comme le
démontre les guides de voyage et la visite en 1829 de la Duchesse de
Berry384. Les artistes tourangeaux y trouvent en effet un lieu
d'exposition et de vente très fréquenté dans lequel ils
peuvent régulièrement présenter leurs ouvrages au milieu
d'oeuvres d'artistes d'autres départements385.
b) Les oeuvres des artistes tourangeaux de leur commerce en
atelier à leur vente au cours des expositions sociétales
Malgré ces établissements
spécialisés dans le commerce de l'art vivant, le marché de
l'art à Tours reste peu développé durant tout le
XIXe siècle. Cette lacune n'empêche pas
néanmoins l'augmentation du nombre d'artistes professionnels, passant
d'une dizaine vers 1830 à plus d'une cinquantaine autour de
1870386, sans compter les amateurs toujours plus nombreux à
s'afférer à la pratique des Beaux-Arts. Les artistes semblent
combler le manque d'établissements spécialisés dans la
vente d'oeuvres d'art, en développant des stratégies commerciales
originales et en participant aux expositions organisées par les
sociétés pour diffuser plus largement leurs oeuvres et
accroître leurs revenus.
La vente directe des oeuvres dans les ateliers est à
l'évidence le moyen d'écoulement de la production le plus
courant. L'atelier d'Avisseau, mais également la manufacture Lobin de
vitraux peints sont régulièrement mentionnés dans les
guides de voyage387. Néanmoins dans un souci de
visibilité et d'attraction, les artistes organisent également
dans leurs propres ateliers des expositions de leurs oeuvres. Ces expositions
monographiques constituent des micros-événements dans le paysage
artistique tourangeau et permettent aux artistes de se faire connaître
383 MARCO, Luc, « Le Bazar, chaînon manquant entre
le magasin de nouveautés et le grand magasin : opportunités et
risques au début du XIXe siècle », in Annales des Mines
- Responsabilité et environnement, n°55, 2009, p. 49.
384 HUGO, Abel-Joseph, France pittoresque ou Description
pittoresque, topographique et statistique des départements et colonies
de la France..., t. II, Paris, Delloye, 1835, p. 103.
WALSH, Joseph-Alexis, Suite aux lettres vendéennes
ou relation du voyage de S. A. R. Madame Duchesse de Berry dans la Touraine,
l'Anjou, la Bretagne, la Vendée et le Midi de la France, Paris, L.
F. Hivert, 1829.
385 [ANONYME], « Bazar turonien », Journal
d'Indre-et-Loire, n° 2093, 13 juillet 1829, p. 1.
386 SOFIO, Séverine, op. cit., 2017, p. 77.
387 JOANNE, Adolphe, Itinéraire de Paris à
Nantes et à Saint-Nazaire, par Orléans, Tours et Angers,
Paris, Imprimerie générale de Ch. Lahure, 1867, p. 193.
111
des amateurs, d'autant que des réclames sont
publiées dans la presse locale. Ainsi en 1887, René-Louis Damon
organise une exposition de ses oeuvres dans son atelier, boulevard
Heurteloup388. Portraitiste confirmé puisqu'ayant
déjà exposé au Salon en 1885, Damon présente ses
toiles dans l'objectif de séduire de futurs amateurs et recueillir de
nouvelles commandes. L'exposition de ses portraits à Tours permet
à l'évidence aux amateurs d'apprécier la ressemblance vis
à vis des modèles. Toutefois, les expositions en atelier semblent
réservées à des artistes confirmés, en raison du
coût qu'entrainent indubitablement l'organisation de
l'événement et de la nécessité de posséder
un local convenant à la présentation publique des oeuvres. Les
expositions privées ne conduisant pas forcément à des
commandes ou à des ventes, elles s'appréhendent de fait comme des
investissements pour l'avenir.
Par nécessité commerciale, certains artistes
organisent des tombolas ayant pour lots leurs propres oeuvres. Tel est le cas
de Jean-Pierre Vallet (1809-1886) qui à deux reprises met en jeu ses
tableaux. Élève de Jean-Auguste-Dominique Ingres (1780-1867),
Jean-Pierre Vallet s'installe en Touraine après avoir exposé au
Salon à partir de 1840. Il exerce en plus de son métier de
peintre, la profession de professeur de dessin au lycée de Tours. La
mise en loterie de ses propres tableaux, d'abord en 1877 puis en
1882389 (ann. 2.4.4), résulte de la carence du marché
de l'art à Tours. Malgré sa reconnaisse à l'échelle
locale, comme le démontre l'acquisition du Portrait de sa
mère (fig. 32) par le musée de Tours en 1885390,
Jean-Pierre Vallet est contraint de recourir à un moyen de vente
alternatif pour financer sa participation à l'Exposition universelle de
1878391. Il semble que les loteries soient des procédures
originales d'acquisition des oeuvres d'art qui remportent du succès
auprès des amateurs, du fait du coût modeste de l'achat des
tickets.
Les sociétés artistiques semblent s'investir
pour palier les difficultés auxquelles sont confrontés les
artistes tourangeaux. Les expositions périodiques leur procurent
immanquablement une visibilité auprès des amateurs, puisque
constituant des événements importants du monde culturel en
Touraine. Ces manifestations génèrent en effet un public
388 VALENCES, Jacques des, « Une exposition privée
», La revue littéraire et artistique de Touraine, n°
27, 1er mai 1887, p. 190.
389 Préfecture d'Indre-et-Loire : Lettre
adressée au maire de Tours au sujet de l'organisation d'une loterie par
le sieur Vallet, 1er décembre 1877, Tours, A.M., 2J 23.
Préfecture d'Indre-et-Loire : Lettre adressée au
maire de Tours au sujet de l'organisation d'une loterie à Chinon par le
sieur Vallet, 15 juin 1882, Tours, A.M., 2J 23.
390 VITRY, Paul, op. cit., 1911, p. XXXVII.
391 Préfecture d'Indre-et-Loire : Lettre
adressée au maire de Tours au sujet de l'organisation d'une loterie par
le sieur Vallet, 1er décembre 1877, op. cit.
112
nombreux et de potentiels acquéreurs. Néanmoins
en 1882 durant l'exposition de la Société des Amis des Arts de la
Touraine, seuls Ferdinand Bovy, René-Louis Damon, Paul Gagneux,
Léon Leblanc et Charles-Alfred Lesourd vendent certaines de leurs
oeuvres à des collectionneurs392. La proportion d'artistes
locaux ayant vendu des oeuvres au cours de cette exposition est finalement
très faible. Les cinq artistes de Tours qui ont vendu ne
représentent que 1,7 % de la totalité des artistes de
l'exposition et 8% de l'ensemble des artistes vendeurs. La participation
annuelle aux expositions de la Société des Amis des Arts de la
Touraine semble néanmoins inscrite dans le quotidien des artistes de la
région, en raison de la visibilité qu'elles procurent, bien que
les ventes ne soient pas toujours légion393. Ainsi lorsqu'en
1888, la société renonce à l'organisation de son
exposition périodique, un corpus d'une trentaine d'artistes - parmi le
noyau dur des Amis des Arts - se regroupent pour former une exposition de
Beaux-Arts indépendante. Le public peut dès lors apprécier
les oeuvres d'Alfred Didier, de Lucien-Léopold Lobin, de Paul Gagneux ou
encore de Joseph-Édouard Avisseau en dehors des expositions de la
Société des Amis des Arts.
Il semble que les loteries organisées par les
sociétés soient des sources plus rémunératrices
pour les artistes de la localité, puisque les commissions d'acquisition
privilégient essentiellement leurs oeuvres. De fait, la
Société des Amis des Arts de la Touraine acquiert presque
exclusivement pour ses loteries des oeuvres du foyer artistique local, outre
pour sa tombola de 1882. Ainsi de 1885 à 1888 l'ensemble des oeuvres et
objets d'art mis en loterie sont des réalisations d'artistes et artisans
de la région, à l'exception en 1888 de la lithographie du Bon
Samaritain de Rodolphe Bresdin (fig. 11) et d'une estampe de La vie de
Sainte Geneviève d'après Pierre Puvis de Chavannes, toutes
les deux attribuées en 1882 par le Ministère de l'Instruction
publique, des Beaux-Arts et des Cultes et qui à l'évidence n'ont
jamais été retirées à l'issue de la tombola de la
première exposition de la Société des Amis des
Arts394. Le recours aux oeuvres des artistes locaux pour la
constitution des lots des loteries résulte probablement d'une
volonté de promouvoir un art tourangeau.
En ce sens, la Société des Amis des Arts de la
Touraine propose en 1906 à la Société d'Agriculture,
Sciences, Arts et Belles-Lettres d'Indre-et-Loire d'acquérir des oeuvres
des
392 S.A.A., Exposition de 1882, op. cit.
1882.
[ANONYME], « Société des Amis des Arts de
la Touraine », Journal d'Indre-et-Loire, n° 279, 27-28
novembre 1882, p. 2-3.
393 R.T., « Une exposition indépendante de
Beaux-Arts », Revue littéraire et artistique de Touraine,
n° 40, 1er juin 1888, p. 279.
394 S.A.A., Compte-rendu de l'année, op. cit.,
1885 à 1888.
113
artistes tourangeaux présentées durant son
exposition annuelle, dans l'objectif de faire « connaître [la
production tourangelle] et permettre aux artistes de tirer un légitime
profit »395. Cette alliance est accueillie chaleureusement par
la Société d'Agriculture de Tours qui adresse « ses plus
vifs remerciements [É] à la Société des Amis des
Arts pour la précieuse marque d'intérêt et de bonne
confraternité dont elle fait preuve en cette circonstance
»396. Il semble que la Société des Amis des Arts
consacre entre 300 et 500 francs annuellement pour l'acquisition de quelques
oeuvres aux expositions de Beaux-Arts de la Société
d'Agriculture. Ces achats sont effectués auprès d'un ensemble
varié d'artistes locaux, dont les plus confirmés sont
Marie-Thérèse Duchâteau (1870-1953) ou Maurice Mathurin
(1881-1965)397, qui ont déjà exposé à
Paris au Salon des Artistes français et au Salon de la
Société Nationale des Beaux-Arts.
À Tours au XIXe siècle, le
marché de l'art semble peu dynamique malgré de grandes
collections dans le département. À l'évidence tous les
collectionneurs ne peuvent compléter leurs collections en Touraine,
compte tenu du manque d'infrastructure commerciale. Dès lors les
artistes s'efforcent de développer des modes de vente alternatif pour
séduire un public plus nombreux. Ce sont cependant les manifestations
organisées par les sociétés d'encouragement aux
Beaux-Arts, qui participent activement au développement, à
l'émulation et même à la construction d'un marché de
l'art en Touraine. Si les expositions sont à l'évidence des
vitrines mettant en lumière les mérites de l'identité
artistique locale, elles sont par la même occasion, des
événements propices à la vente des oeuvres des artistes
tourangeaux. Néanmoins lors des salons de Beaux-Arts de Tours, le nombre
d'acquisitions des oeuvres de ces artistes reste faible. Les artistes de
Touraine peuvent toutefois compter sur l'achat de leurs oeuvres par les
sociétés artistiques pour constituer les lots des tombolas. Il
est probable que la faible proportion de ventes aux particuliers des oeuvres
des artistes locaux lors des expositions, réside principalement de la
concurrence des artistes de réputation nationale et du marché de
l'art parisien.
B. Les salons sociétaux de Touraine des avatars du
marché de l'art national ?
Les cimaises de toutes des expositions de Beaux-Arts
organisées en Touraine, n'accueillent pas à chaque fois les
oeuvres des artistes étrangers. Pourtant lorsque leurs oeuvres
395 AUBRY, Louis : Lettre adressé au secrétaire
général de la Société d'Agriculture, Sciences, Arts
et Belles-Lettres d'Indre-et-Loire, Auguste Chauvigné, au sujet de
l'acquisition d'oeuvres d'artistes tourangeaux présentées au
cours des expositions annuelles, 3 juillet 1906, Tours, A.M., 48Z 21.
396 S.A.S.A.B.L, « Séance du 13 juillet 1906 »,
Annales, t. LXXXVI, Tours, Imp. Deslis, 1906, p. 97.
397 S.A.A., « 18 juillet 1920 », Procès-verbaux
de la commission administrative 1914-1946, op. cit., f 34.
114
sont acceptées, il peut sembler que la Touraine devient
le temps des expositions, un espace où convergent les intentions
mercantiles des artistes français. En ce qui concerne les ventes des
oeuvres d'art, les salons de province sont effectivement à ne pas
envisager comme des lieux en marge des Salons parisiens, bien qu'à
l'évidence leur prestige ne soit pas aussi important que celui des
expositions de la capitale398. Les expositions ouvertes à
tous les artistes français se tenant en province en
général et en Touraine en particulier, participent à la
décentralisation du marché de l'art et à son
désengorgement. Dès lors, il faut les appréhender comme
des événements « complémentaires et providentiels
»399 à la fois pour les artistes et les marchands, mais
également pour les collectionneurs. Il convient ici de démontrer
en quoi ces expositions tourangelles sont à envisager comme des jalons
intéressants de la décentralisation du commerce de l'art
français à cette époque et comment elles peuvent
s'appréhender comme des éléments constituants un second
marché de l'art pour les artistes de province et particulièrement
pour les artistes de Paris.
a) Les expositions de Touraine, des espaces d'attraction pour
les artistes français
Les expositions régionales sont des soutiens
privilégiés pour les artistes français du XIXe
siècle, soumis à une vive concurrence ou qui ne disposent que de
peu d'infrastructures commerciales pour la vente de leurs oeuvres. De fait en
1839, Étienne Huard rédacteur du Journal des Artistes
mais également peintre à ses heures400, contacte
le maire de Tours au sujet de l'organisation d'une exposition de Beaux-Arts
devant s'ouvrir durant l'année (ann. 2.2.3.2). Il tente d'obtenir des
informations, puisque « plusieurs artistes [sont] venus demander des
renseignements [qu'il n'a] pas pu leur donner »401 depuis la
publication dans son journal de l'ouverture prochaine d'une exposition à
Tours, suivant l'exemple des villes de Nantes et d'Angers402. Il est
fort probable que ce soit la Société d'Agriculture, Sciences,
Arts et Belles-Lettres d'Indre-et-Loire qui prévient Étienne
Huard de sa volonté d'organiser à Tours une exposition des
Beaux-Arts. En effet, la Société invite le 10 mai 1839 le maire
de Tours à participer à sa séance générale
pour discuter de l'organisation d'une exposition dont elle « a
398 BUCHANIEC, Nicolas, Salons de province, op. cit.,
2010, p. 25.
399 Ibid., p. 118.
400 ROBERTVAL, Hector de, « Les journaux d'art à
Paris », La Renaissance chronique des Beaux-Arts et de la
littérature et revue archéologique de la Belgique, Vol. 8,
1846-1847, p. 1.
401 HUARD, Étienne : Lettre au maire de Tours au sujet
de l'organisation de l'exposition d'arts et d'industries, demande de
renseignements, 10 juillet 1839, Tours, A.M, 2F boîte 14.
402 [ANONYME], « Nouvelles des arts », Journal des
Artistes, n° 21, 26 mai 1839, p. 336.
115
exprimé depuis longtemps le désir de voir se
former »403 (2.2.3.1). Si finalement cette exhibition
artistique ne voit pas le jour comme le démontre le dépouillement
de la presse locale de 1839404, l'intention de son organisation
suscite de l'intérêt chez ce rédacteur, mais plus largement
chez son lectorat composé essentiellement d'artistes.
Les expositions provinciales sont effectivement de formidables
occasions pour les artistes français d'exposer, mais également de
vendre leurs oeuvres en dehors des strictes frontières de leur
localité. Durant tout le XIXe siècle se dessine un
réseau entre les différentes provinces, dans le but d'encourager
l'émulation artistique. Cette articulation est organisée par les
sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts et soutenue par les
municipalités. Ainsi en mai 1838, le maire d'Angers signale à son
homologue tourangeau, l'ouverture en juin d'une exposition de Beaux-Arts
organisée par la Société Industrielle de sa ville et le
prie d'inviter les artistes de Tours à prendre part à cette
manifestation (ann. 2.2.2.2)405. Si cette exposition est
réservée aux artistes des neuf départements voisins du
Maine-et-Loire, elle favorise immanquablement le commerce des oeuvres des
artistes de la région. Tel est le cas également en 1841, lorsque
la municipalité de Tours organise sous les hospices de la
Société des Amis des Arts son exposition des produits des arts et
de l'industrie accueillant strictement les travaux des artistes du Centre et de
l'Ouest de la France. Si pour les jeunes artistes les expositions provinciales
sont des manifestations propices pour se faire connaître des amateurs,
pour les artistes ayant déjà une reconnaissance officielle,
celles-ci s'appréhendent strictement comme des lieux de commerce et non
de consécration artistique, en raison de la réputation à
construire de ces manifestations et de la centralisation des institutions
officielles à Paris. Il semble que la commission d'organisation de
l'exposition de 1841 en a bien conscience. En effet elle n'attribue pas de
récompense honorifique à Étienne Suc (1807-1855) pour sa
Petite mendiante (fig. 33). Présentée au Salon en
1838406, cette sculpture en marbre profite d'une bonne
réception critique dans la presse artistique parisienne407.
Suivant la bonne appréciation de son oeuvre, Étienne Suc
se voit
403 S.A.S.A.B.L : Lettre adressée au maire de Tours au
sujet de l'organisation d'une exposition, le 10 mai 1839, Tours, A.M., 2F
boîte 14.
404 Journal d'Indre-et-Loire, 1839, Tours, A.M., 121 C
25.
405 Jury de l'exposition des beaux-arts d'Angers : Lettre
adressée au maire de Tours l'invitant à faire connaître
l'exposition des beaux-arts d'Angers aux artistes de la ville, 10 mai 1838,
Tours, A.M., 2F boîte 14.
406 [ANONYME], Explication des ouvrages de peinture,
sculpture, architecture, gravure et lithographie des artistes vivans,
exposés au musée royal, le 1er mars 1838, Paris, Vinchon,
1838, [en ligne], ], Musée d'Orsay, Base Salons :
http://salons.musee-orsay.fr/index/exposant/76607?offset=9
Consulté le 19/05/2017.
407 [ANONYME], « Salon de 1838 »,
L'Artiste, (t. XV, première série, Paris, 1838),
Genève, Slatkine Reprints, 1972, p. 173.
116
attribuer sa première médaille d'or par le jury
du Salon408. Il est donc fort probable que l'envoi de cette oeuvre
à Tours résulte a fortiori d'un espoir de vente, plutôt que
de reconnaissance des mérites artistiques de son auteur, d'autant que
les frais d'expédition d'une sculpture sont évidemment plus
onéreux que ceux d'un tableau, ce explique par ailleurs la
présence toujours plus restreinte des statues en comparaison des
tableaux ou des oeuvres sur papier dans les expositions sociétales. La
sculpture d'Étienne Suc n'est pas achetée à l'exposition
tourangelle de 1841, mais est acquise finalement par un amateur nantais
à son retour à l'atelier409.
Quand l'ensemble des artistes français est
convié à participer aux salons tourangeaux l'opportunité
mercantile les conduit à envoyer en Touraine des oeuvres de leurs
ateliers. Durant l'exposition de 1882 organisée par la
Société des Amis des Arts, des oeuvres d'artistes provenant de
toute la France sont présentées. Sur les près de 275
artistes participant à l'exposition, 80% sont des artistes
étrangers au département d'Indre-et-Loire. La plupart des
artistes sont parisiens. Ils représentent un peu plus de 60% de
l'effectif total des artistes de l'exposition, tandis les artistes tourangeaux
et les artistes des autres départements représentent chacun 20%.
La participation importante des artistes parisiens s'explique principalement
par la vive concurrence du marché de l'art à Paris. Les artistes
en quête de vente envoient leurs oeuvres en province, à l'instar
de Gustave Moreau (1826-1898), qui en 1853 participe à l'exposition de
la Société des Amis des Arts de Touraine, en présentant
notamment Darius après la bataille d'Arbelles (fig. 34).
Refusé au Salon en 1852, accepté en 1853410, le
tableau reste invendu. À l'issue du Salon la toile est envoyée
par Gustave Moreau à Tours. En cette ville, malgré une critique
relativement bonne411, l'oeuvre ne trouve pas plus d'amateurs. Ainsi
Darius après la bataille d'Arbelles est présenté
à la fin de l'année 1853 à l'exposition de la
Société des Amis des Arts de Lyon, avant de revenir à
l'atelier parisien, où Moreau prévoit de l'améliorer en
rehaussant le dessin en noir412. Il est possible que l'artiste
envisage de nouveau d'expédier son
408 CROÙ D'ARGENSON, Raoul de, « Rapport de la
section des Beaux-Arts », Exposition des produits de l'industrie et
des arts à Tours (Mai 1841). Rapports des diverses commissions,
Tours, Mame, 1841, p. 47.
409 DUREAU, Jean-Baptiste, Une visite à l'atelier
de E.-E. Suc, statuaire-sculpteur à Nantes, Nantes, Imp. W.
Busseuil, 1846, p. 8.
410 [ANONYME], Explication des ouvrages de peinture,
sculpture, gravure et architecture des artistes vivants exposés aux
Menus-Plaisirs le 15 mai 1853, Paris Vinchon, 1853, [en ligne], ],
Musée d'Orsay, Base Salons :
http://salons.musee-orsay.fr/index/notice/60864,
Consulté le 19/05/2017.
411 [ANONYME], « Exposition de Tableaux aux Minimes.
Premier article. », Journal d'Indre-et-Loire, n° 220, 17
septembre 1853, p. 1.
412 LACAMBRE, Geneviève, « À la recherche
d'amateurs : l'exemple de la participation du peintre parisien Gustave Moreau
aux expositions de province », in HOUSSAIS, Laurent (éd.),
LAGRANGE, Marion (éd.), MOULIN, Raymonde (éd.) et alii, op.
cit., 2010, p. 102.
117
tableau à l'exposition de la Société des
Amis des Arts de Bordeaux de 1855. À l'évidence la
présence des oeuvres des artistes parisiens dans les salons de province
résulte d'une combinaison de facteurs économiques. La concurrence
au Salon induit inévitablement les artistes à trouver de nouveaux
mécènes en dehors de Paris. Dès lors Gustave Moreau n'est
pas isolé et semble suivre en réalité l'exemple de ses
amis Théodore Chassériau (1818-1856) et Eugène Fromentin
(1820-1876), qui avant lui avaient compris l'intérêt financier des
salons de province413. Il est fort probable que le nombre
limité de ventes d'oeuvres d'art à l'exposition de 1853 ainsi que
sa réception en demi-teinte conduisent à l'arrêt de
l'organisation d'expositions d'art vivant à Tours jusqu'en 1882.
L'admissibilité des oeuvres de l'ensemble des artistes
français à la première exposition de la
Société des Amis des Arts de la Touraine conduit également
les marchands à envoyer depuis Paris des oeuvres des artistes qu'ils
représentent. Il faut noter néanmoins que les marchands ne sont
pas mentionnés explicitement par la Société des Amis des
Arts dans le catalogue de l'exposition, compte tenu de leurs
intérêts exclusivement mercantiles, qui vont a priori à
l'encontre des principes pédagogiques et philanthropiques que se sont
fixés les membres de la société. Toutefois les mentions
récurrentes de certaines adresses sont révélatrices de
leur présence. Ainsi en 1882, au moins deux galeristes parisiens
s'occupent de la diffusion des oeuvres de leurs artistes en Touraine : Paul
Durand-Ruel et Claude Éliot, installés respectivement au 1, rue
de la Paix et au 16, avenue Trudaine à Paris. Pour autant, il semble que
l'adresse indiquée de Paul Durand-Ruel corresponde à l'adresse de
son ancienne galerie. Depuis le 1er juillet 1869, il est
installé effectivement rue Laffitte414, place majeure du
marché de l'art à partir de la seconde moitié du
XIXe siècle415. À eux-seuls les deux
marchands fournissent plus de 8% des oeuvres et représentent 10% des
artistes invités à l'exposition de la Société des
Amis des Arts. L'implication de ces marchands dans les expositions de province
semble régulière. Claude Eliot exporte fréquemment les
oeuvres des artistes qu'il défend vers les expositions des
sociétés des Amis des Arts dont celle de Nancy en
1874416 et de Bourg-en-
413 Ibidem.
414 PATRY, Sylvie, op. cit., 2014, p. 195.
415 GREEN, Nicholas, « Circuits of Production, Circuits
of Consumption: The Case of Mid-Nineteenth-Century French Art Dealing »,
Art Journal, vol. 48, n° 1, 1989, p. 29.
416 SOCIÉTÉ LORRAINE DES AMIS DES ARTS,
Catalogue des ouvrages de peinture, sculpture, gravure, Nancy, Imp.
Berger-Levrault, 1874.
118
Bresse en 1878417. Les artistes qu'il
représente sont des petits maîtres de l'école
française ou de jeunes artistes en début de carrière,
à l'exemple de son fils Maurice Éliot (1864-1945),
âgé de 18 ans et encore élève d'Émile Bin
(1825-1897). Quant à Paul Durand-Ruel, l'envoi de ses oeuvres à
Tours est à inscrire dans sa démarche de diffusion de
l'impressionnisme à l'échelle nationale et internationale.
À l'exception de Louis-Émile Bénassit (1833-1902), tous
les artistes qu'il représente sont des impressionnistes. À
l'évidence Durand-Ruel envoie à Tours des oeuvres récentes
exécutées pendant l'année, à l'exemple de la
Marée basse à Varengeville (fig. 35) de Claude Monet et
deux toiles de Camille Pissarro intitulées Le Goûter
(fig. 36) et Femme et enfant au puits (fig. 37). La toile de Monet est
réalisée durant son séjour de deux mois à Dieppe.
Elle est acquise en avril 1882 par Durand-Ruel avec vingt-deux autres tableaux
pour la somme totale de 8 800 francs418. En ce qui concerne les
oeuvres de Pissarro, Durand-Ruel les achète respectivement le 28 juin et
le 5 août 1882419. Néanmoins, le public tourangeau
semble écouter les recommandations du critique du Journal
d'Indre-et-Loire qui recommande narquoisement de ne pas les
acheter420. Durand-Ruel doit attendre 1888 pour que les deux toiles
de Pissarro soient vendues à sa galerie new-yorkaise421. Si
quelques années plus tard les oeuvres impressionnistes se vendent
à des prix relativement soutenus, en raison de leur exportation aux
États-Unis, en 1882 les Salons de province sont encore des espaces
d'attractions commerciales pour leur marchand, bien qu'en l'occurrence
l'exposition de Tours n'amène aucune vente.
b) Les rendez-vous des collectionneurs
Les expositions en Touraine confrontant simultanément
les oeuvres des artistes locaux à celles des artistes de stature
régionale et a fortiori nationale voire internationale sont des
événements relativement rares. Il semble ainsi que la
Société des Amis des Arts de la Touraine s'affère en 1882
à proposer un cadre confortable et prestigieux aux visiteurs de son
exposition, en éditant un catalogue mentionnant l'ensemble des oeuvres
exposées, dans le but de faciliter la visite, mais également
l'achat. La publication d'un catalogue n'est pas chose courante au cours des
expositions d'arts vivants en Touraine. Outre la Société
Archéologique qui édite un
417 SOCIÉTÉ DES AMIS DES ARTS DE L'AIN,
Livret explicatif des ouvrages de peinture, sculpture, dessin,
gravure, Bourg, Imp. P. Barbier, 1878.
418 BERGERET-GOURBIN, Anne-Marie, « Claude Monet. Low
Tide at Varengeville », [en ligne], Museo Thyssen-Bornemisza :
https://www.museothyssen.org/en/collection/artists/monet-claude/low-tide-varengeville
Consulté le 19/05/2017.
419 WIDELSTEIN INSTITUTE, PISSARO, Joachim, DURAND-RUEL
SNOLLAERTS, Claire, Pissaro catalogue critique des peintures, Paris,
Skira, 2005, p. 457-459.
420 VAN KELLER, « Salon de Tours. Exposition de peinture.
Aperçu général. Lettre 1. », op. cit., p.
2.
421 WIDELSTEIN INSTITUTE, op. cit, 2005, p. 457-459.
119
catalogue pour son exposition de 1847 qui mêle
concomitamment présentation d'arts anciens et d'arts
vivants422, seule la Société des Amis des Arts de la
Touraine ne propose un livret pour ses expositions de 1882 et
1887423. Les Amis des Arts s'inspirent à l'évidence
des livrets des Salons parisiens lors de la constitution de leur catalogue
d'exposition de 1882. En effet dans celui-ci sont indiqués les noms des
artistes, leurs lieux de naissance, leurs maîtres, l'adresse de leur
atelier ou celle de leur marchand ainsi que les titres de leurs oeuvres,
à l'instar des livrets de Salon édités depuis
1852424. De fait, les expositions cataloguées de la
Société des Amis des Arts s'inscrivent dans la tradition des
Salons français. La mise à disposition d'un catalogue participe
à la valorisation de l'exposition, tout en facilitant pour les
potentiels acquéreurs l'appréciation des oeuvres
présentées.
Les expositions de 1853, 1882 et 1889 ainsi que les
Expositions nationales de 1881 et 1892 sont des événements
importants pour le commerce des oeuvres des artistes parisiens, puisque
décentralisant en province leur commerce. Dès lors elles
permettent aux amateurs de profiter d'une variété d'oeuvres
provenant de différentes régions. De toutes ces expositions,
l'exposition de 1882 est celle pour laquelle les informations sont les plus
riches et plus nombreuses, ce qui permet de juger l'importance de son
organisation sur le commerce des oeuvres présentées. Cette
exposition est l'occasion pour les collectionneurs locaux, et non des moindres,
d'acquérir des oeuvres d'artistes vivants de Paris. La nature morte de
Philippe Rousseau (1816-1887) intitulée Un repas frugal rejoint
la collection de Jacques Drake del Castillo. Elle est vendue pour la somme de 1
500 francs425 (ann. 3.1), ce qui en fait la troisième oeuvre
vendue la plus chère à l'exposition après Les
Rhododendrons d'Alida Stolck cédée pour la somme de 2 500
francs426 et offerte à la loterie par Mme CÉ - qui est
probablement Jenny Conquéré de Monbrisson (1828-1903), membre
honoraire et veuve de Maurice Cottier fondateur de la société -
et L'Égyptologue (fig. 25) de Georges Moreau acquis par la
ville de Tours au prix de 2 000 francs427. Le prix de vente de la
toile de Philippe Rousseau s'explique
422 S.A.T., Notice des tableaux et objets d'art
exposés à Tours en 1847, Tours, Imp. Lecesne, 1847, Le Mans,
Médiathèque Aragon, SA 8* 4108.
423 S.A.A., Exposition de 1882, op. cit.,
1882.
STALL De, « Le Salon Tourangeau. L'exposition des Amis
des Arts », Journal d'Indre-et-Loire, n° 115, 16 et 17 mai
1887, p. 2.
424 CLÉMENT DE RIS, Louis, op. cit., 1852, p.
81.
425 S.A.A., Exposition de 1882, op. cit., p.
56.
426 Ibid., p. 58.
427 Ibid., p. 51.
120
essentiellement par le succès qu'il remporte
auprès des amateurs. Ses natures mortes s'inspirant des travaux des
peintres hollandais du XVIIe siècle sont extrêmement
recherchées par les collectionneurs d'art vivant depuis le milieu du
XIXe siècle. Le président de la Société
des Amis des Arts est un collectionneur important d'art contemporain. Son
château de Candé abrite effectivement de belles collections, parmi
lesquelles figure notamment le Portrait du sculpteur Lorenzo Bartolini
(fig. 38) peint par Jean-Auguste-Dominique Ingres en 1805428.
L'achat d'une oeuvre par le président de la société
organisatrice fait figure d'exemple. Il est possible que cet achat soit
nécessaire pour encourager les acquisitions, d'autant que la vente du
Repas frugal est médiatisée dans la presse
locale429.
En tout, 49 tableaux, 3 oeuvres sur papier et 11 objets d'art
sont vendus au cours de l'exposition de la Société des Amis des
Amis de 1882430. À la très grande majorité, les
oeuvres des artistes étrangers et principalement parisiens ont
été privilégiées par les amateurs de Touraine. Les
oeuvres de ces artistes représentent 98% des oeuvres achetées.
À l'évidence ce sont les oeuvres de genres mineurs qui sont
favorisées. Sur les 49 oeuvres vendues, 23 sont des paysages, 18 des
représentations de genre et 8 des natures mortes. Cette
répartition correspond finalement au goût des amateurs de
l'époque, compte tenu du renversement de la hiérarchie des
genres. Si les oeuvres vendues au salon de Tours de 1882 ne représentent
qu'un peu plus d'un dixième de l'ensemble des oeuvres exposées,
il semble néanmoins que cette exposition figure parmi les plus
rémunératrices pour les artistes cette année-là.
À la clôture de son exposition, la Société des Amis
des Arts publie dans le Journal d'Indre-et-Loire une
dépêche, dans laquelle elle démontre que son exhibition
« s'est élevée au premier rang, rivalisant avec les grandes
villes et avec celles de sociétés ayant un déjà un
long passé d'existence »431 en raison du nombre
d'oeuvres vendues.
En relevant dans les journaux spéciaux quel chiffre ont
atteint les ventes qui se sont faites dans les plus importantes des expositions
provinciales organisées par les sociétés artistiques dans
le cours de l'année 1882 ; nous trouvons à Douai 16 ventes,
à Montbéliard 20, à Versailles 29, à Bordeaux 31,
à Saint-Quentin 44, à Auxerre 47, à Rouen
68432.
428 [ANONYME], Exposition de portraits par Ingres et ses
élèves, cat. exp., Paris, Fondation de la Maison de
Santé du Gardien de la Paix, Paris, Jacques Seligmann & Fils,
1934.
429 VAN KELLER, « Salon de Tours. Exposition de peinture.
Aperçu général. Lettre 1. », op. cit., p.
2.
430 [ANONYME], « Société des Amis des arts
de la Touraine », Journal d'Indre-et-Loire, n° 279, 27 et 28
novembre 1882, p. 2.
431 Ibidem.
432 Ibidem.
Au numéro suivant du Journal d'Indre-et-Loire
la Société des Amis des Arts corrige le nombre de ventes
réalisées à l'exposition rouennaise organisée du
1er octobre au 15 novembre433. Ce ne sont plus 68, mais
58 achats qui ont été effectués à Rouen, faisant de
l'exposition de Tours la manifestation artistique de province la plus vendeuse
de l'année 1882. Si les chiffres avancés par les Amis des Arts de
Touraine n'ont pu être vérifiés, la publication du nombre
d'oeuvres d'art vendues participe à la mise en évidence de la
réussite de l'exposition et à la valorisation de la jeune
association organisatrice. De surcroît la commission de 5%
prélevée par la société sur chaque oeuvre vendue
participe à compenser les frais liés à l'organisation de
l'exposition.
L'exposition de 1882 apparaît comme un unicum
en Touraine, de part le nombre de ventes réalisées durant
son ouverture, mais également de part la présence massive des
artistes étrangers. En effet, plus de trente ans la sépare de la
première exposition ouverte aux artistes de la capitale, et il semble
qu'il faille attendre 1889 pour qu'une nouvelle exposition soit ouverte
à tous les artistes français. Toutefois l'exemple de cette
exposition est révélateur des enjeux liés à
l'organisation des salons en province. Ils sont effectivement au
XIXe siècle et jusqu'au premier quart du XXe
siècle, des manifestations non négligeables pour les peintres
comme pour les marchands, puisque permettant de trouver des amateurs en dehors
de Paris. Les expositions de Tours sont donc à envisager dans la
démarche globale de décentralisation du marché de l'art
sur l'ensemble du territoire national.
121
433 [ANONYME], « Les expositions prochaines »,
Courrier de l'art, n° 21, 25 mai 1882, p. 245.
122
CONCLUSION
Malgré plusieurs études monographiques
particulièrement érudites réalisées par des
chercheurs locaux dont nous reconnaissons sans conteste la somme
historiographique434, toutes les sociétés
d'encouragement aux Beaux-Arts de Touraine ne profitaient pas jusqu'à ce
jour d'études à leur sujet, à l'exemple des
Sociétés des Amis des Arts fondées à Tours depuis
la première moitié du XIXe siècle. Ce travail
consacré aux sociétés artistiques tourangelles entre 1789
et 1914 a donc permis de redécouvrir quelques une d'entre elles, qui ont
oeuvré pour le développement de la culture en Touraine. Cette
étude permet d'une part de corriger certaines erreurs jusqu'alors
acceptées dans l'historiographie et d'autre part d'enrichir les
connaissances déjà acquises sur ce vaste sujet de recherche, en
proposant une étude globale et impartiale les confrontant toutes
ensembles. C'est avec ce projet et l'intention de mettre en parallèle un
large corpus de sociétés du département d'Indre-et-Loire,
que ce travail a été entrepris, dans l'objectif de
démontrer l'implication des associations dans la vie artistique et
culturelle de la Touraine sur une longue période chronologique, de
près d'un siècle et demi.
Cette étude menée sur les sociétés
d'encouragement aux Beaux-Arts s'inscrit à l'évidence dans le
champ de l'histoire sociale des arts, puisque qu'elle essaie de retracer des
réseaux de sociabilité, des itinéraires personnels
d'artistes et d'érudits, de traiter des données à la fois
d'ordre historique et sociologique et de conjuguer plusieurs domaines de
recherche souvent pluridisciplinaires comme le collectionnisme, le
marché de l'art et l'historiographie. Cette démarche
intellectuelle et scientifique semble nécessaire pour reconstituer la
réalité de l'époque. Dès lors, notre travail
procède à son échelle et avec des résultats
incontestablement plus modestes, des études entreprises notamment par
les historiens de l'art Dominique Dussol et Nicolas Buchaniec, de la sociologue
Raymonde Moulin et de l'historien Jean-Pierre Chaline435 qui tous se
sont intéressés à l'histoire des sociétés
savantes et artistiques et à leurs actions sur les territoires
provinciaux, dans l'objectif de définir entre autres, la part
d'influence
434 AUDIN, Pierre, op. cit, 2008.
LAURENCIN, Michel, « La Société
d'agriculture... », op. cit, 2010.
435 DUSSOL, Dominique, op. cit., 1997. BUCHANIEC,
Nicolas, op. cit., 2010. MOULIN, Rayomde, op. cit., 1976.
CHALINE, Jean-Pierre, op. cit., 1998.
123
des associations sur la vie artistique, culturelle,
pédagogique, économique et sociale dans les départements
français au XIXe siècle.
Peut-être que le titre de cette étude
soulève quelques interrogations ou commentaires quant à la
définition géographique du sujet ? En dépit de recherches
bibliographiques et archivistiques, aucune société ou cercle
impliqué dans le domaine des Beaux-Arts n'a pu être recensé
dans le département en dehors de Tours. Dès lors était-il
nécessaire de maintenir ce titre ? Il semble vraisemblablement qu'il
faille défendre l'affirmative. Si c'est en la préfecture
d'Indre-et-Loire que l'ensemble des sociétés d'émulation
artistique se situe, en raison de la présence des institutions
politiques, administratives, économiques et culturelles conduisant par
là-même à la présence de l'essentiel des membres des
sociétés, c'est à l'héritage historique et
artistique de la Touraine en général que toutes les associations
de Tours font appel dans un souci de légitimité. Les
sociétés ne sont plus seulement à inscrire dans une aire
géographique, mais dans un périmètre artistique et
historique. Il semble donc qu'à l'exemple d'autres
sociétés artistiques françaises, dont les
Société des Amis des Arts de la Nièvre, de la Moselle, de
Savoie ou encore de la Drôme, l'essentiel des sociétés
d'Indre-et-Loire s'inscrivent dans le champ plus large du département,
à commencer par la Société d'Agriculture, Sciences, Arts
et Belles-Lettres d'Indre-et-Loire, puis la Société
Archéologique de Touraine et la Société des Amis des Arts
de la Touraine. Néanmoins un élément distingue certaines
d'entre elles : la dénomination de leur secteur géographique.
Créée sous l'Empire, période d'abolition des
privilèges et des titres de la société d'Ancien
Régime, la Société d'Agriculture utilise la
dénomination récente du département, à l'inverse
des sociétés formées à la Restauration et sous la
Troisième République qui font appel à la nomination de
l'ancienne province de France. Le recours à la dénomination
ancienne du territoire semble participer à l'inscription de ces
sociétés, de leurs actions et de leurs membres dans la
généalogie historique et artistique de la Touraine, et en
particulier à ses heures les plus fastes à l'instar de la
Renaissance.
La micro-histoire des sociétés savantes et
artistiques d'Indre-et-Loire semble suivre finalement les
pérégrinations du contexte de création des
sociétés savantes et artistiques françaises. Dès
lors les multiples typologies de sociétés
référencées à l'échelle nationale se
retrouvent dans cette étude. Académies, sociétés
littéraires, archéologiques ou artistiques sont autant de
catégories de sociétés présentes en Touraine au
XIXe siècle qui s'investissent de près ou de loin dans
le développement des Beaux-Arts. C'est ce que nous avons essayé
de présenter en constituant une histoire chronologique et sociale des
formations des sociétés artistiques en Touraine, en
débutant notre récit à la Révolution et en le
clôturant à la veille de la Grande
124
Guerre. Des premières sociétés, à
l'exemple de la Société Royale d'Agriculture de la
généralité de Tours aux dernières
référencées à l'instar de la Société
des Amis des Arts de la Touraine, de la Société Photographique ou
paradoxalement de la section artistique de la Société
d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres d'Indre-et-Loire -
héritière lointaine de la première société
mentionnée - apparaissent sans grande difficulté, des
différenciations majeures dans la forme mais aussi dans le fond,
même si toutes sont investies dans le développement des arts.
De fait, toutes ne participent pas aussi activement à
l'encouragement des Beaux-Arts, comme le démontre cette étude
chronologique des diverses associations. À l'évidence, les
sociétés de la fin du siècle et particulièrement la
Société des Amis des Arts de la Touraine et la section artistique
de la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres du
département d'Indre-et-Loire s'investissement plus activement dans
l'encouragement des Beaux-Arts en Touraine. L'organisation
régulière d'expositions, de loteries, de concours mais
également les attributions annuelles de prix et de bourses aux artistes
en devenir sont les manifestations sensibles qui les différencient des
autres sociétés. Néanmoins les Sociétés des
Amis des Arts tourangelles et les associations artistiques s'y apparentant, se
distinguent fondamentalement et presque idéologiquement des autres
sociétés. À l'exemple de la Société des Amis
des Arts de la Touraine, pour laquelle notre étude réserve
indéniablement une large place dans le but de mettre en relief son
action vis à vis des autres associations du département, les
sociétés artistiques de Touraine se distinguent par les membres
à l'origine de leur formation. L'essentiel des membres fondateurs sont
effectivement des artistes locaux ayant l'ambition de promouvoir et de
défendre les arts vivants de leur région. Si les érudits
tourangeaux, investis dans les différentes sociétés
savantes de Touraine, s'efforcent par leurs écrits de
célébrer la mémoire, les arts et le patrimoine monumental
local, les artistes regroupés dans les sociétés
d'encouragement aux Beaux-Arts semblent s'impliquer dans la construction de
l'identité artistique tourangelle depuis le milieu du XIXe
siècle. L'organisation d'expositions strictement réservées
aux artistes de la région, le rejet des oeuvres des artistes
étrangers, l'érection de statues à la mémoire des
grands hommes du département ou les diverses sollicitations
adressées à l'autorité municipale pour l'acquisition des
oeuvres des artistes tourangeaux sont des exemples de la volonté des
sociétés artistiques de Touraine de valoriser l'identité
locale.
Toutefois, la constitution d'une identité tourangelle
ne peut s'opérer de manière isolée par les
sociétés, en raison notamment des difficultés
financières et règles administratives auxquelles elles sont
soumises. Ainsi elles travaillent en collaboration étroites avec les
acteurs
125
politiques de la ville, du département et de la nation.
Les rapports entretenus entre les instances politiques et les
sociétés ont été examinés à partir de
documents administratifs, souvent arides pour l'historien, mais contenant des
informations utiles et de première main, nécessaires à
constituer une chronique administrative, économique et culturelle du
quotidien des sociétés artistiques et savantes. Si les
administrations municipales, préfectorales et nationales semblent
accorder une grande autonomie aux sociétés, elles se
révèlent être néanmoins des soutiens constants et
nécessaires pour le développement des activités
artistiques auquel aspirent les associations. Le prêt de locaux à
plus ou moins courtes durées, l'attribution d'oeuvres d'art ou
d'allocations pour organiser des expositions et des loteries, sont autant
d'actions qui démontrent l'implication des administrations dans le
quotidien des sociétés locales. La participation
régulière des autorités administratives aux frais des
associations artistiques sous-entend l'intérêt de ces
dernières dans le développement et l'encouragement des Beaux-Arts
sur le territoire national. Tout compte fait, il paraît bien difficile de
désigner l'action des sociétés d'encouragement aux
Beaux-Arts comme le résultat de la délégation des affaires
culturelles de l'État, en raison de son implication
régulière dans le quotidien des associations. À
l'évidence, il faut envisager l'organisation des manifestations locales
de Beaux-Arts comme la conséquence de cette relation
bilatérale.
En ce qui concerne les sociétés artistiques de
Touraine, notre étude paraît démontrer le rôle
particulier qu'elles jouent dans les affaires culturelles de Tours et du
département au XIXe siècle. Si en dehors de leurs
actions, les arts et la culture ne sont pas annihilés, il semble qu'ils
soient relativement restreints. Le musée et l'école des
Beaux-Arts sont effectivement les seules institutions artistiques locales au
XIXe siècle. Notre étude prouve dès lors que
les sociétés artistiques sont des acteurs majeurs de la vie
culturelle à cette époque et qui ont conscience à la fois
de leur rôle philanthropique et pédagogique. Les
sociétés sont en effet à l'origine de nombreuses
souscriptions pour l'érection de statues à la mémoire des
grands hommes du département. Outre le devoir de mémoire, ces
monuments ont l'intention d'inspirer la population à suivre la voie des
personnages statufiés. Aussi, il faut noter que toutes les expositions
se tenant à Tours au XIXe siècle sont établies
par les sociétés du département, à l'exception
toutefois de celles de 1881 et 1892, organisées par des commissions
municipales dont l'essentiel des membres sont néanmoins
sociétaires des associations artistiques et savantes de Touraine.
Il est fort probable que d'autres expositions aient
été organisées en dehors de celles que nous avons
mentionné dans notre travail, en raison d'un dépouillement non
exhaustif de la
126
presse sur cent vingt-cinq ans. Toutefois, lumière a
été faite sur plusieurs d'entre elles, jusqu'alors non
mentionnées dans les travaux touchant à l'histoire culturelle
locale436. Toutes ces expositions n'ont à l'évidence
pas la même destination. Quand certaines se veulent exclusivement
pédagogiques, comme les expositions rétrospectives de la
Société Archéologique de Touraine, présentant les
oeuvres conservées dans les collections particulières du
département, d'autres se proposent d'encourager les artistes vivants en
se faisant lieu d'attraction commercial, puisque proposant un cadre de vente
dont les artistes locaux ont rarement à disposition, comme nous le
présentons dans notre travail.
Cependant, la majorité des expositions se rejoignent en
mettant en lumière les mérites de la production locale, qu'elle
soit ancienne ou contemporaine. En effet, les expositions rétrospectives
sont l'occasion d'inscrire dans l'histoire de l'art, alors en construction, les
spécificités du patrimoine artistique régional, à
l'exemple des céramiques de Charles-Jean Avisseau qui permettent d'une
part de faire la jonction entre art ancien et art vivant et qui sont à
l'évidence d'autre part les éléments les plus
caractéristiques de l'école de Tours. Nous nous efforçons
ainsi dans notre travail de démontrer l'importance de l'action des
sociétés de Beaux-Arts dans ce chantier de reconstruction
identitaire. Outre l'art d'Avisseau et de ses suiveurs, l'art vivant tourangeau
ne semble pas disposer d'une esthétique particulière. Dès
lors les sociétés d'encouragement aux Beaux-Arts, et
principalement la Société des Amis des Arts de la Touraine et la
section artistique de la Société d'Agriculture s'emploient
à former un cercle d'artistes placés sous l'égide des
maîtres tourangeaux faisant carrière à Paris. Aussi ne
faut-il pas oublier que la définition d'artiste tourangeau que donnent
les sociétés artistiques est poreuse et semble profiter aux
artistes de stature locale.
Si l'essentiel des expositions organisées à
Tours sont strictement réservées aux artistes locaux, dans
l'objectif de soutenir leur production, certaines sont ouvertes aux artistes
étrangers et notamment parisiens. Pour les organisateurs, la
présence de ces artistes valorise à n'en pas douter leurs
expositions. Aussi, la confrontation de la population tourangelle aux oeuvres
des artistes de Paris se présente comme des rencontres
bénéfiques pour chacun des partis. En effet, la majorité
des habitants de Tours et des jeunes artistes de la région ne sont que
rarement confrontés à l'art vivant de la capitale. Dès
lors les expositions sont à comprendre comme des
événements à la fois pédagogiques et mercantiles.
Pour les artistes qui y exposent, elles sont
436 AUGOUVERNAIRE, Martine, op. cit. 1992, p. 141-143.
BENÂTRE, Nathalie, op. cit., 1988, p. 114-123. BROGARD,
Clémence, op. cit. 2016, p. 125.
127
effectivement à appréhender comme des avatars de
la décentralisation du marché de l'art de Paris vers la province.
Les salons provinciaux en général, les expositions
sociétales de Touraine en particulier sont des manifestations
intéressantes pour l'ensemble des artistes français
confrontés à une vive concurrence. Dès lors, ces
expositions se présentent comme un second marché de l'art
où les artistes trouvent en dehors de la capitale des
mécènes et des amateurs. L'exemple particulier de l'exposition de
1882 organisée par la Société des Amis des Arts de la
Touraine le démontre. Toutefois, nous concluons que cette exposition est
à envisager comme un événement inédit en Touraine,
puisqu'elle semble être la seule à avoir accueillie autant
d'artistes étrangers et avoir induit autant de ventes au cours de son
ouverture.
Si les sociétés tourangelles sont
bénéfiques pour les artistes en leur apportant notamment une
visibilité certaine, qu'en est-il finalement pour la population, pour
laquelle elles se proposent généralement de développer le
goût des arts ? À l'évidence, toutes les couches de la
société tourangelle ne sont pas touchées par l'action des
sociétés savantes et artistiques, malgré des vertus
philanthropiques affirmées, qui se soldent par des essais de
démocratisation des manifestations culturelles. L'abaissement des
tarifs, l'adjonction d'événements culturels plus populaires aux
expositions d'art vivant ou l'organisation de loterie sont autant
d'opérations qui s'inscrivent dans la démarche de
démocratisation de la consommation artistique au XIXe
siècle. Pour autant nous démontrons que la participation au
quotidien des associations et aux activités organisées par
celles-ci reste l'apanage de l'élite tourangelle en analysant à
la fois les profils des membres des bureaux des différentes
sociétés et en observant la fréquentation des expositions
et des tarifs des cotisations par exemple.
Le travail proposé n'est pas insoumis à la
critique. Toutefois, il nous semble qu'il permet de mieux appréhender
dans leur globalité, les sociétés d'encouragement aux
Beaux-Arts, principaux promoteurs de l'art en province au XIXe
siècle. Sans prétention aucune, ce mémoire fournit une
base solide pour tout historien sensible aux questions des sociabilités
artistiques au XIXe siècle en Touraine et qui souhaiterait
affiner cette première recherche. Si l'essentiel des
sociétés convoquées dans cette étude sont
pluridisciplinaires, ce sont manifestement les arts plastiques qui ont
été les plus étudiés. Il reste donc du travail
à l'historien musicologue ou spécialiste des arts du spectacle,
pour retracer la vie musicale et dramatique en Indre-et-Loire au
XIXe siècle, d'autant que les sociétés
orphéoniques et théâtrales sont abondantes dans le
département comme en témoigne le dépouillement des
dossiers administratifs des
128
associations437. En ce qui concerne principalement
le développement des Beaux-Arts par l'intermédiaire des
sociétés artistiques, il serait intéressant
d'élargir la recherche à l'ensemble de la région pour
proposer une histoire comparative des associations des différents
départements limitrophes. Sans doute serait-il nécessaire de
conserver la chronologie fixée pour cette étude. Mais avant tout,
il faudrait définir les limites géographiques de la
région, puisque cette division administrative n'existe pas en tant que
telle au XIXe siècle. Il serait possible par exemple,
d'étudier les sociétés issues des départements
conviés à participer aux expositions des produits des arts et de
l'industrie en Touraine, que sont la Sarthe, la Loire-Inférieure, le
Loiret, la Vienne, l'Indre, le Maine-et-Loire et le Loir-et-Cher. Cette
étude pourrait s'appuyer sur des travaux déjà menés
sur les sociétés locales de ces
départements438. Les sources à disposition sont
probablement les mêmes que celles nécessaires à constituer
notre étude, à l'instar de la presse, des archives
administratives et autres livrets et catalogues d'exposition. Ce travail
permettrait notamment de retracer des réseaux entre les membres des
diverses sociétés, comprendre la réception des artistes
régionaux au cours des différentes expositions et
redéfinir plus généralement la cartographie de la vie
artistique en province au XIXe siècle.
437 Police 1800-1940 : Associations, cercles et
sociétés, Tours, Archives départementales
d'Indre-et-Loire, 4M 168 à 265.
438 CRÉTIN-NICOLO, Olivia, op. cit., 2003.
ROSENEAU, Ariane, La Société des Amis des
Arts d'Angers, mémoire de maîtrise d'histoire de l'art,
Université Paris-Sorbonne, 1986.
129
BIBLIOGRAPHIE
I) Sources :
1.1) Sources d'archives : Paris,
Archives nationales :
· Expositions en province (Neuilly-Wassy) et divers :
patronage des Beaux-Arts, prêts et éventuellement achats d'oeuvres
d'art. 1879-1935 : Tours (Indre-et-Loire), F/21/4085.
· Expositions en province, Tours (Indre-et-Loire),
F/21/541. Tours, Archives municipales :
· Délibérations des Conseils municipaux de la
ville de Tours, 1D 53 à 58 et 72.
· Dépôts d'oeuvres au musée des
Beaux-Arts de Tours, 2R1 223.
· École municipale de dessin. Remise des
récompenses, 2R1 3.
· Expositions de l'art et de l'industrie, Indre-et-Loire,
2F 14.
· Société d'Agriculture, Sciences, Arts et
Belles-Lettres d'Indre-et-Loire, 48Z 1 à 24.
· Sociétés savantes d'Indre-et-Loire. 2R
401/1.
· Sociétés savantes d'Indre-et-Loire : 2R
401/2.
Tours, Archives départementales :
· Musée de Tours, 4 T (en cours de reclassement).
· Police 1800-1940. Associations, cercles et
sociétés : autorisations et contrôles 4M 168 à
261.
· Sociétés savantes, cote T1395 (en cours de
reclassement).
· Société des Amis des Arts de la Touraine,
T1406 à T1408. 1.2) Sources imprimées :
1.2.1) Dictionnaires et encyclopédies :
- BELLIER DE LA CHAVIGNERIE, Émile, Dictionnaire
général des artistes de l'École française depuis
l'origine des arts du dessin jusqu'à nos jours, t. Paris, Librairie
Renouard, 1882-1885.
- DIDEROT, Denis, ALEMBERT, Jean d', Encyclopédie,
t. I, Paris, 1751.
- LAROUSSE, Pierre (éd.), Grand dictionnaire
universel du XIXe siècle, t. I, Paris, Larousse, 1867.
130
- ROBERT, Adolphe (éd.), BOURLOTON, Edgar (éd.),
COUGNY, Gaston (éd.), Dictionnaire des parlementaires
français, t. V, Paris, Bourloton éditeur, 1891.
1.2.2) Livrets, programmes, rapports d'expositions
et mémoires des sociétés artistiques et savantes
tourangelles :
- Commission d'organisation de l'exposition des arts et de
l'industrie, Programme de l'exposition des produits des arts et de
l'industrie du 10 au 31 mai 1841, Tours, Mame, 1841.
- CROY D'ARGENSON, Raoul de, « Rapport de la section des
Beaux-Arts », Exposition des produits de l'industrie et des arts
à Tours (Mai 1841). Rapports des diverses commissions, Tours, Mame,
1841.
- PALUSTRE, Léon, Album de l'exposition
rétrospective des Beaux-Arts de Tours, Tours, Georget-Joubert,
1873.
- PALUSTRE, Léon, Mélanges d'art et
d'archéologie : objets exposés à Tours en 1887,
Tours, L. Péricat, 1887.
- PALUSTRE, Léon, Album de l'exposition
rétrospective de Tours, Tours, Imp. L. Péricat, 1890.
- SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE DE TOURAINE,
Bulletins, t. I-XXVI, Tours, Imp. Deslis, 1842-1937.
- SOCIÉTÉ D'AGRICULTURE, SCIENCES, ARTS ET
BELLES-LETTRES DU
DÉPARTEMENT D'INDRE-ET-LOIRE, Annales, t.
I-XC, Tours, Imp. Deslis, 1821-1910. - SOCIÉTÉ DES AMIS DES ARTS
DE LA TOURAINE, Comptes-rendus, Tours, Imp.
Juliot, 1881-1892.
- SOCIÉTÉ DES AMIS DES ARTS DE LA TOURAINE,
Exposition de 1882, cat. exp., Tours, Hôtel de ville, Tours,
Imp. Rouillé-Ladevèze, 1882.
- VILLE DE TOURS, Exposition des Beaux-Arts, Tours,
Imp. Ernest Mazereal, 1881.
- VILLE DE TOURS, Salon des Beaux-Arts 1923, cat.
exp., Tours, Hôtel de ville, Tours, E. Arrault et Cie, 1923.
1.2.3) Presse :
· Chronique des arts et de la curiosité,
Paris, Grande Imprimerie :
- D. C., « Exposition de la Société des
Amis des Arts de la Touraine », Chronique des Arts et de la
Curiosité, n°32, 28 octobre 1882, p. 246-247.
· 131
Courrier d'Indre-et-Loire, Tours, s. n.
:
- [ANONYME], « Exposition des produits des arts et de
l'industrie », Courrier d'Indre-et-Loire, n° 48, 8 avril
1841, p. 2.
- [ANONYME], « Société des Amis des Arts
à Tours », n° 49, 10 avril 1841, p. 1.
· Courrier de l'Art, Paris, Imp. De l'Art
:
- [ANONYME], « Les expositions prochaines »,
Courrier de l'art : chronique hebdomadaire des ateliers, des musées,
des expositions, des ventes publiques, n° 21, 25 mai 1882, p. 245.
- [ANONYME], « Expositions prochaines », Le
Courrier de l'art : chronique hebdomadaire des ateliers, des musées, des
expositions, des ventes publiques, n° 46, 14 novembre 1884, p.
549.
· Gazette des Beaux-Arts, Paris, Imp. De
J. Claye :
- BLANC, Charles, « La société des Arts
unis », Gazette des Beaux-arts », t. VI, 1er juin
1860, p. 257-265.
- LAGRANGE, Léon, « Des expositions provinciales
d'objets d'art et de curiosité », Gazette des Beaux-Arts,
t. II, 15 avril 1859, p. 93-109.
- LAGRANGE, Léon, « Exposition
rétrospective de tableaux de maîtres anciens », Gazette
des Beaux-Arts, t. XX, 1er mai 1866, p. 573-577.
- LAGRANGE, Léon, « Des Sociétés
des Amis des Arts en France. Leur origine, leur état actuel, leur avenir
». Gazette des Beaux-Arts, 1er mars 1861, p. 291-301, t. IX ; 1er
avril 1861, p. 29-47, 15 avril 1861, p. 102-117, 1er mai 1861, p. 158-168 ; 15
mai 1861, p. 227242, t. X.
· Journal des Artistes, Paris, Imp.
Ducessois :
- [ANONYME], « Nouvelles des arts », Journal des
Artistes, n° 21, 26 mai 1839, p. 334-336. - J. H., « Exposition
de tableaux à Tours », Journal des Artistes, n° 23, 6
juin 1841, p. 354356.
· Journal d'Indre-et-Loire, Tours, Imp.
Mame :
1835 :
- [ANONYME], « Conseil Municipal de Tours »,
Journal d'Indre-et-Loire, n° 23, 1er février
1835, p. 1.
- [ANONYME], « Conseil Municipal de Tours »,
Journal d'Indre-et-Loire, n° 73, 27 mai 1835, p. 1.
- [ANONYME], « Tours. Avis important », Journal
d'Indre-et-Loire, n° 55, 5 avril 1835, p. 1.
132
1841 :
- [ANONYME], « Exposition du produit des arts et de
l'industrie », Journal d'Indre-et-Loire,
n° 47, 3 avril 1841, p. 1.
- [ANONYME], « Société des Amis des Arts
à Tours », Journal d'Indre-et-Loire, n° 50, 9
avril 1841, p. 1.
- [ANONYME], « Exposition du produit des arts et de
l'industrie », Journal d'Indre-et-Loire,
n° 66, 13 mai 1841, p. 1.
- [ANONYME], « Exposition de peinture », Journal
d'Indre-et-Loire, n° 67, 15 mai 1841, p.
2.
- [ANONYME], « Peinture », Journal
d'Indre-et-Loire, n° 69, 17 mai 1841, p. 2.
- [ANONYME], « Peinture », Journal
d'Indre-et-Loire, n° 71, 19 mai 1841, p. 2.
- [ANONYME], « Peinture », Journal
d'Indre-et-Loire, n° 75, 23 mai 1841, p. 2.
- [ANONYME], « Tours. Tirage de la loterie des Amis des
Arts », Journal d'Indre-et-Loire,
n° 75, 23 mai 1841, p. 2.
- [ANONYME], « Exposition des produits des arts et de
l'industrie », Journal d'Indre-et-
Loire, n° 76, 2 juin 1841, p. 1-2.
1847 :
- [ANONYME], « Tours. Commission d'organisation de
l'exposition de tableaux », Journal
d'Indre-et-Loire, n° 108, 8 août 1847, p.
2.
- [ANONYME], « Tours. Commission d'organisation de
l'exposition de tableaux », Journal
d'Indre-et-Loire, n° 109, 10 août 1847, p.
1-2.
- [ANONYME], « Exposition de tableaux et d'objets d'art.
Premier article. », Journal
d'Indre-et-Loire, n° 120, 3 septembre 1847, p.
2.
- [ANONYME], « Exposition de tableaux et d'objets d'art.
Deuxième article. », Journal
d'Indre-et-Loire, n° 121, 5 septembre 1847, p.
1-2.
- [ANONYME], « Exposition de tableaux et d'objets d'art.
Troisième article. », Journal
d'Indre-et-Loire, n° 122, 7 septembre 1847, p.
2.
- [ANONYME], « Exposition de tableaux et d'objets d'art.
Quatrième article. », Journal
d'Indre-et-Loire, n° 123, 9 septembre 1847, p.
2.
- [ANONYME], « Exposition de tableaux et d'objets d'art.
Premier article. », Journal
d'Indre-et-Loire, n° 124, 11 septembre 1847, p.
1-2.
1853 :
- [ANONYME], « Tours. Exposition de tableaux »,
Journal d'Indre-et-Loire, n° 194, 14 août
133
1853, p. 1.
- [ANONYME], « Exposition de Peinture »,
Journal d'Indre-et-Loire, n° 205, 1er septembre 1853,
p. 2.
- [ANONYME], « Tours. Exposition de Peinture »,
Journal d'Indre-et-Loire, n° 211, 8 septembre 1853, p. 2.
- [ANONYME], « Exposition de Tableaux »,
Journal d'Indre-et-Loire, n° 215, 11 septembre 1853, p. 2.
- [ANONYME], « Exposition de Tableaux aux Minimes.
Premier article. », Journal d'Indre-et-Loire, n° 220, 17
septembre 1853, p. 2.
- [ANONYME], « Exposition de Peinture. Deuxième
article. », Journal d'Indre-et-Loire, n° 224, 22 septembre
1853, p. 1-2.
- [ANONYME], « Exposition de Peinture. Troisième
article. », Journal d'Indre-et-Loire, n° 227, 15 septembre
1853, p. 2.
- [ANONYME], « Exposition de Tableaux modernes. »,
Journal d'Indre-et-Loire, n° 232, 1er octobre 1853, p. 1.
- [ANONYME], « Exposition de Peinture. Quatrième
article. », Journal d'Indre-et-Loire, n° 233, 2 octobre
1853, p. 1-2.
1882 :
- [ANONYME], « Société des Amis des Arts
de la Touraine », Journal d'Indre-et-Loire, n° 144, 9 juin
1882, p. 2.
- [ANONYME], « Société des Amis des Arts.
Exposition de Beaux-Arts », Journal d'Indre-et-Loire, n°
224, 23 septembre 1882, p. 2.
- [ANONYME], « Société des Amis des Arts
de la Touraine », Journal d'Indre-et-Loire, n° 259, 4
novembre 1882, p. 2.
- [ANONYME], « Exposition de la Société
des Amis des Arts de la Touraine », Journal d'Indre-et-Loire,
n° 265, 11 novembre 1882, p. 3.
- [ANONYME], « Société des Amis des arts
de la Touraine », Journal d'Indre-et-Loire, n° 279, 27 et 28
novembre 1882, p. 2.
- [ANONYME], « Société des Amis des Arts
de la Touraine », Journal d'Indre-et-Loire, n° 229, 29
septembre 1882, p. 2.
- [ANONYME] « Société des Amis des Arts de
la Touraine », Journal d'Indre-et-Loire, n° 283, 2
décembre 1882, p. 3.
- VAN KELLER, « Salon de Tours. Exposition de peinture.
Aperçu général. Lettre 1. »,
134
Journal d'Indre-et-Loire, n° 254, 28 octobre 1882,
p. 2.
- VAN KELLER, « Salon de Tours. Exposition de Peinture. La
peinture de genre et de fantaisie. Lettre II », n° 257, 1er novembre
1882, p. 2.
- VAN KELLER, « Salon de Tours. Exposition de Peinture. La
peinture de genre et de fantaisie. Lettre III », n° 258, 2-3 novembre
1882, p. 2.
- VAN KELLER, « Salon de Tours. Exposition de Peinture. La
peinture de genre et de fantaisie. Lettre IV », n° 261, 6-7 novembre
1882, p. 2-3.
- VAN KELLER, « Salon de Tours. Exposition de Peinture.
Peintres de natures mortes. Lettre V », n° 262, 8 novembre 1882, p.
2.
- VAN KELLER, « Salon de Tours. Exposition de Peinture.
Paysages, marines, portraits et divers. Lettre VI », n° 265, 11
novembre 1882, p. 2-3.
- VAN KELLER, « Salon de Tours. Exposition de Peinture.
Paysages, marines, portraits et divers. Lettre VII », n° 268, 15
novembre 1882, p. 2-3.
1884 :
- [ANONYME], « Société des Amis des Arts
», Journal d'Indre-et-Loire, n° 114, 15 mai 1884, p. 2.
1885:
- [ANONYME], « Société des Amis des Arts
», Journal d'Indre-et-Loire, n° 90, 17 avril 1885, p. 2.
- [ANONYME], « Société des Amis des Arts
de la Touraine », Journal d'Indre-et-Loire, n° 108, 8 mai
1885, p. 2.
- [ANONYME], « Société des Amis des Arts
de la Touraine », Journal d'Indre-et-Loire, n° 111, 11-12
mai 1885, p. 2.
- [ANONYME], « Société des Amis des Arts
de la Touraine. Exposition des Beaux-arts et des Arts décoratifs »,
Journal d'Indre-et-Loire, n° 112, 13 mai 1885, p. 2.
- [ANONYME], « Société des Amis des Arts
de la Touraine. Sculpture », Journal d'Indre-et-Loire, n°
116, 18-19 mai 1885, p. 2.
- [ANONYME], « Société des Amis des Arts
de la Touraine », Journal d'Indre-et-Loire, n° 137, 13 juin
1885, p. 2.
1886 :
- [ANONYME], « Le salon tourangeau, Journal
d'Indre-et-Loire, n° 135, 10 juin 1886, p. 2.
135
- DE STALL, « Société des Amis des Arts.
Exposition annuelle », Journal d'Indre-et-Loire, n° 104, 2
et 3 mai 1886, p. 2.
- DE STALL, « Société des Amis des Arts.
Exposition annuelle », Journal d'Indre-et-Loire, n° 106, 6
mai 1886, p. 2.
- DE STALL, « Société des Amis des Arts.
Exposition annuelle », Journal d'Indre-et-Loire, n° 111, 12
mai 1886, p. 2.
- DE STALL, « Société des Amis des Arts.
Exposition annuelle », Journal d'Indre-et-Loire, n° 119, 21
mai 1886, p. 2.
1887 :
- DE STALL, « Le Salon Tourangeau. L'exposition des Amis
des Arts », Journal d'Indre-et-Loire, n° 114, 15 mai 1887,
p. 2.
- DE STALL, « Le Salon Tourangeau. L'exposition des Amis
des Arts », Journal d'Indre-et-Loire, n° 115, 16-17 mai
1887, p. 2.
- DE STALL, « Le Salon Tourangeau », Journal
d'Indre-et-Loire, n° 117, 19 mai 1887, p. 2. - DE STALL, « Le
Salon Tourangeau. L'exposition des Amis des Arts », Journal
d'Indre-et-Loire, n° 125, 29 mai 1887, p. 2.
1889 :
- DIVRAY, Jean, « L'exposition de la rue
Saint-François », Journal d'Indre-et-Loire, n° 106, 5
mai 1889, p. 2.
1898 :
- [ANONYME], « Une exposition à Tours »,
Journal d'Indre-et-Loire, n° 39, 16 février 1898, p. 2
- [ANONYME], « Société d'Agriculture,
Sciences, Arts et Belles-Lettres : Une exposition à Tours »,
Journal d'Indre-et-Loire, n° 49, 27 février 1898, p. 3.
- [ANONYME], « Société d'Agriculture,
Sciences, Arts et Belles-Lettres : Une exposition à Tours »,
Journal d'Indre-et-Loire, n° 57, 9 mars 1898, p. 2-3.
- [ANONYME], « Une exposition à Tours »,
Journal d'Indre-et-Loire, n° 71, 24 mars 1898, p. 2
- [ANONYME], « Société d'Agriculture,
Sciences, Arts et Belles-Lettres : Une exposition à Tours »,
Journal d'Indre-et-Loire, n° 75, 31 mars 1898, p. 2.
- [ANONYME], « L'exposition des Beaux-arts »,
Journal d'Indre-et-Loire, n° 82, 8 avril 1898, p. 2.
136
- [ANONYME], « Exposition des Beaux-arts et des Arts
décoratifs », Journal d'Indre-et-Loire, n° 94, 22
avril 1898, p. 2.
- BEAUSSIER, Henri, « L'exposition des Beaux-arts et des
Arts décoratifs », Journal d'Indre-et-Loire, n° 85,
11-12-13 avril 1898, p. 2-3.
- LEMOINE, J., « Exposition des Beaux-arts »,
Journal d'Indre-et-Loire, n° 77, 2 avril 1898, p. 2.
1899 :
- [ANONYME], « Exposition des Beaux-arts »,
Journal d'Indre-et-Loire, n° 249, 22 octobre 1899, p. 2.
- MOREL, L., ROUGÉ, A., « Exposition annuelle des
Beaux-arts », Journal d'Indre-et-Loire, n° 236, 6 octobre
1899, p. 2.
· L'Artiste, Paris,
- [ANONYME], « Salon de 1838 », L'Artiste,
(t. XV, première série, Paris, 1838), Genève, Slatkine
Reprints, 1972, p. 173.
- ARNAUD, Camille d', « Beaux-Arts »,
L'Artiste, t. VII, 4ème série, 1846, p.
208.
· La Petite France, Tours, s. n.
:
- [ANONYME], « Chronique régionale », La
Petite France, n° 134, 14 mai 1887.
· L'Écho littéraire et
artistique, Tours, Imp. P. Salmon :
- [ANONYME], « Chronique régionale »,
L'Écho littéraire et artistique, févier 1904, p.
3132.
- [ANONYME], « Chronique régionale »,
L'Écho littéraire et artistique, mars 1904, p. 4748.
- [ANONYME], « Chronique régionale »,
L'Écho littéraire et artistique, mai 1904, p. 7879.
· La revue littéraire et artistique de
Touraine, Tours, Imp. Moderne, Bardot-Berruer : - [ANONYME],
« Les artistes tourangeaux au Salon de Paris », Revue
littéraire et artistique de Touraine, n° 28, 1er
juin 1887, p. 222.
- BRIAND, Paul, « La Bibliothèque de la
Société des Amis des arts de la Touraine », Revue
littéraire et artistique de Touraine, n° 23, 1er
janvier 1887, p. 43-44.
- LEBLOIS, Paul, « La Touraine au Salon de Paris »,
Revue littéraire et artistique de Touraine, n° 4,
1er Juin 1885, p. 66-68.
- R. T., « Une exposition indépendante de Beaux-Arts
», Revue littéraire et artistique de Touraine, n° 40,
1erjuin 1888, p. 279.
- VALENCES, Jehan des, « Causerie à propos de
l'Exposition des Beaux-Arts et des arts
137
décoratifs de la Société des Amis des
Arts de la Touraine », Revue littéraire et artistique de
Touraine, n° 4, 1er Juin 1885, p. 60-66.
- VALENCES, Jehan des, « L'exposition des Amis des Arts
de Tours de 1886 », Revue littéraire et artistique de
Touraine, n°16, 1er Juin 1886, p. 117-120
- VALENCE, Jehan des, « Le Salon de Tours »,
Revue littéraire et artistique de Touraine, n° 28,
1er juin 1887, p. 220-222.
· La Touraine littéraire et
artistique, organe de la Société littéraire et
artistique, Tours, Imp. P. Salmon :
- PLEIXE, F. du, « Le Monument
Bretonneau-Trousseau-Velpeau », La Touraine littéraire et
artistique, n° 5, 1909, p. 85.
· La Touraine, revue littéraire,
artistique, scientifique, et mondaine du Centre et de l'Ouest, Tours, s.
n. :
- [ANONYME], « Les soirées de Gala de la
Société les Amis des Arts de la Touraine », La Touraine
n° 5, 15 février 1913, p. 173-175.
- [ANONYME], « Le Salon Tourangeau », La Touraine,
n° 8, 15 mai 1913, p. 250-253.
- [ANONYME], « La Touraine au Salon de 1913, La
Touraine, n° 9, 15 juin 1913, p. 308310.
- [ANONYME], « Le Salonnet Tourangeau », La
Touraine, n° 20, Mai 1914, p. 292.
- [ANONYME], « Écho des sociétés
savantes », La Touraine, n° 1 à 21, octobre 1912
à juin 1914.
- HENNION, Horace, « A Pierre de Ronsard », La
Touraine, n° 1, 15 octobre 1912, p. 4-8. 1.2.4) Divers :
- DUCHEMIN-RIBOUT, La ville de Tours et ses environs,
Tours, Imp. Ladevèze, 1853.
- MARET-LERICHE, Jules, Les expositions d'art au
XIXe siècle, Paris, Imp. Schiller, 1866. -
Ministère de l'Instruction publique, Annuaire des
sociétés savantes de la France et de
l'étranger, Paris, Victor Masson, 1846.
- PESQUIDOUX, Léonce, Voyage artistique en France.
Études sur les musées d'Angers, de Nantes, de Bordeaux, de Rouen,
de Dijon, de Lyon, de Montpellier, de Toulouse, de Lille, etc.,
etcÉ, Paris, Michel-Lévy, 1857.
- SOCIÉTÉ DES AMIS DES ARTS DE LA TOURAINE,
Cinquantenaire de la Société des Amis des Arts de la Touraine
20 décembre 1931, Tours, imp. Deslis, 1931.
138
II) Ouvrages consultés :
- ALCOUFFE, Daniel (éd.), DION-TENENBAUM, Anne
(éd.), ENNéS, Pierre (éd.), Un âge d'or des arts
décoratifs 1814-1848, cat. exp., Paris, Grand Palais, Paris,
Éditions de la Réunion des musées nationaux, 1991,
- AGULHON, Maurice, « La statuomanie et l'histoire
», Ethnologie française, nouvelle série, t. VIII,
n° 2, p. 145-172.
- ANDIA, Béatrice de (éd.), Les expositions
universelles à Paris de 1855 à 1937, Paris, Action
artistique de la ville de Paris, 2005
- ANGRAND, Pierre, Histoire des musées de province
au XIXe siècle, t. IV, Les Sables d'Olonne, Le Cercle d'Or,
1986.
- AUGOUVERNAIRE, Martine, Collectionneurs, Amateurs, et
curieux au XIXème siècle en Indre-et-Loire, mémoire
de maîtrise d'histoire contemporaine, sous la direction d'Isabelle
Brelot, Université François Rabelais de Tours, 1992.
- AUDIN, Pierre, « La Société
littéraire et artistique de la Touraine. Soixante ans de vie culturelle
provinciale », in Mémoires de l'Académie ses sciences,
arts et belles-lettres de Touraine, 2008, p. 137-153.
- BENåTRE, Nathalie, Un musée de Province au
XIXème : le musée des Beaux-Arts de Tours dès origines
à 1910, mémoire de maîtrise d'histoire contemporaine,
sous la direction d'Alain Corbin, Université François Rabelais de
Tours, 1988.
- BÉNÉZIT, Emmanuel, Dictionnaire critique et
documentaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs de tous les
temps et de tous les pays, Paris, Gründ, 1949.
- BENOIT, Serge (éd.), EMPTOZ, Gérard
(éd.), WORONOFF, Denis (éd.), Encourager l'innovation en
France et en Europe. Autour du bicentenaire de la Société
d'encouragement pour l'industrie nationale, Paris, CTHS, 2006.
- BERGOT, François, Trésors de
l'Académie des Sciences, Belles-Lettre et Arts de Rouen,
Bonsecours, Editions point de vue, 2009.
- BERNARD, Bruno (éd.), Loteries en Europe. Cinq
siècles d'histoire, Gand, Snoeck-Ducaju & Zoon, 1994.
- BERTINET, Arnaud, Les musées de Napoléon
III une institution pour les arts (1849-1872),
139
Paris, Mare et Martin, 2015.
- BOISNARD, Luc, Dictionnaire des anciennes familles de
Touraine, Mayenne, Éd. Régionales de l'Ouest, 1992.
- BROGARD, Clémence, Une exposition
rétrospective en province : Le cas de l'exposition des Beaux-Arts de
Tours en 1873, mémoire de master 1 d'histoire de l'art
contemporaine, sous la direction de France Nerlich, Université
François-Rabelais de Tours, 2016.
- BRUNNER, Marie-Ange, « Bibliographie des expositions en
province 1815-1850 », Gazette des Beaux-Arts, XCV, 1980, p.
198-212.
- BUCHANIEC, Nicolas, Salons de province : les expositions
artistiques dans le nord de la France 1870-1914, Rennes, Presses
universitaires de Rennes, 2010.
- BUYSSENS, Danielle, « Les expositions loteries de la
Société des Amis des Beaux-Arts de Genève (1822-1830) ;
analyse d'un échec », in JACCARD, Paul-André, GUEX,
Sébastien, BUYSSENS, Danielle, Le marché de l'art en
Suisse, Zurich, Institut Suisse pour l'Étude de l'Art, 2011.
- CHALINE, Jean-Pierre, Sociabilité et
érudition les sociétés savantes en France, Paris, Ed.
C. T. H. S, 1998.
- DÉMIER, Francis, La France du XIXe
siècle 1814-1914, Paris, Éditions du Seuil, 2000.
- DIDELOT, Emmanuelle, Les petites heures d'un
marché de l'art dans une ville de province à la fin du XVIIIe
siècle : vendeurs d'objets de collection, amateurs d'art et
collectionneurs à Tours sous le règne de Louis XVI : 1774-1792,
mémoire de master, sous la direction de France Nerlich,
Université François-Rabelais de Tours, 2007.
- DUSSOL, Dominique, Art et bourgeoisie la
Société des Amis des Arts de Bordeaux (18511939), Bordeaux,
Le Festin, 1997.
- FÉNÉAN, Jacques, Histoire de la
Franc-maçonnerie en Touraine, Chambray-les-Tours, C.L.D., 1981.
- FINE, Agnès, « Bibliographie des expositions en
province. 1851-1870 », Gazette des Beaux-Arts, vol. 96, 1980.
- GILET, Annie, « De l'école de dessin au
musée, histoire d'une collection », in Dessins
XVe-XXe siècle. La collection du musée de
Tours, cat. exp. Tours, Musée des Beaux-Arts, Tours, imp. Mame,
2001, p. 11-22.
- GIRAUDET, Ernest, Histoire de la ville de Tours, t.
II, Tours, Les principaux libraires, 1873. - GIRAUDET, Ernest, « Les
artistes tourangeaux : architectes, armuriers, brodeurs, émailleurs,
graveurs, orfèvres, peintres, sculpteurs, tapissiers de haute lisse.
Notes et
140
documents inédits », Mémoire de la
Société Archéologique de Touraine, t. XXXIII, Tours,
imp. Rouillé-Ladevèze, 1885.
- GOUY, Isabelle, « La Société des Amis des
Arts à Lyon au XIXe siècle », in Travaux de l'Institut
d'Histoire de l'Art de Lyon, 1985, p. 109-114.
- GREEN, Nicholas, « Circuits of Production, Circuits of
Consumption: The Case of Mid-Nineteenth-Century French Art Dealing »,
Art Journal, vol. 48, n° 1, 1989, p. 29-34.
- HASKELL, Francis, L'amateur d'art, (s. l., trad. de
l'anglais par Pierre-Emmanuel Dauzat), Paris, Librairie Générale
Française, 1997.
- HASKELL, Francis, The Ephemeral Museum Old Masters
Paintings and the Rise of the Art Exhibition, s.d. (Le musée
éphémère : Les maîtres anciens et l'essor des
expositions, trad. de l'anglais par Pierre-Emmanul Dauzat, Paris,
Gallimard, 2002).
- HAUG, Hugo, La Société des Amis des Arts
de Strasbourg ; 1832-1932, Strasbourg, imp. Alsacienne, 1932.
- HOUSSAIS, Laurent (éd.), LAGRANGE, Marion
(éd.), MOULIN, Raymonde (éd.) et alii, Marché(s) de
l'art en province, actes de colloque, Bordeaux, Bibliothèque
municipale, 30 janvier et 1er février 2008, Pessac, Presses
Universitaires de Bordeaux, 2010.
- LAHALLE, Agnès, Les écoles de dessin au
XVIIIe siècle. Entre arts libéraux et arts
mécaniques, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2006,
- LAURENCIN, Michel, Dictionnaire biographique de
Touraine, Chambray-lès-Tours, CLD, 1990.
- LAURENCIN, Michel, La vie quotidienne en Touraine au
temps de Balzac, Paris, Hachette, 1980.
- LAURENCIN, Michel, « La Société
d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres du département
d'Indre-et-Loire : du siècle des Lumières à
l'époque contemporaine », Mémoires de l'Académie
des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Touraine, XXIII, 2010, p.
91-123.
- LAVISSE, Ernest, LEMONNIER, Henry, Mélanges
offerts à M. Henry Lemonnier, Paris, Champion, 1913.
- LE COEUR, Marc « Le Salon annuel de la
Société des Amis des Arts de Pau, quartier d'hiver des
impressionnistes de 1876 à 1879 », in Histoire de l'art,
1996, p. 57-70.
- LE FRANÇOIS, Thierry, Catalogue des peintures,
dessins et estampes acquis depuis 150 ans par la Société des Amis
des Arts de la Rochelle, La Rochelle, Éditions des Musées
d'Art et d'Histoire, 1993.
141
- LEMAIRE, Gérard-Georges, « La naissance de la
presse artistique et le Salon », L'oeil, n° 564,
décembre 2004, p. 88-89.
- LONG, Véronique, « Les collectionneurs d'oeuvres
d'art et la donation au musée à la fin du XIXe
siècle : l'exemple du musée du Louvre », Romantisme,
n°112, 2001, p. 45-54.
- LUCAS, Jean-Jacques, Collectionneurs en province
ouest-Atlantique (1870-1953), Rennes, Presses universitaires de Rennes,
2012.
- MARTIN-FUGIER, Anne, La vie d'artiste au XIX ème
siècle, Paris, Éd. Louis Audibert, 2007.
- MILLLET, Audrey, « Charles-Antoine Rougeot et
Jean-Jacques Raverot : itinéraire d'une famille au sein des
écoles de dessin de Tours (1776-1826) », in ENFERT, Renaud d',
FONTENEAU, Virginie, Espace de l'enseignement scientifique et technique.
Acteurs, savoirs, institutions XVIIe-XXe siècles, Paris,
Hermann, 2011, p. 109-118.
- MIOCHE, Laura, Gaëtan Cathelineau (1787-1859) :
Artiste, collectionneur et donateur tourangeau, mémoire de master
d'histoire de l'art contemporaine, sous la direction de France Nerlich,
Université François Rabelais de Tours, 2010.
- MOREAU, Véronique, Peinture du XIXe
siècle : 1800-1914, Vol. 1 et 2, Paris, Imp. Nationale, 1999.
- MOULIN, Raymonde, « Les bourgeois amis des arts »,
in Revue française de sociologie, XVII, 1976, p. 383-422.
- PELTIER, Anne, Les commissaires-priseurs et les ventes
à Tours au XIXème siècle, mémoire de
maîtrise d'histoire contemporaine, sous la direction de Sylvie Aprile,
Université François Rabelais de Tours, 1999.
- RAUX, Sophie, « Les loteries de François
Verbeelen dans les Flandres (1595-1608) », in COQUERY, Natacha
(éd.), BONNET, Alain (éd.), Le commerce de luxe. Production,
exposition et circulation des objets précieux du Moyen âge
à nos jours, actes de colloque, Paris, Mare et Martin, 2015, p.
103-109.
- ROCHE, Daniel, Le siècle des Lumières en
province : Académies et Académiciens provinciaux 1680-1789,
Paris, Mouton, 1978.
- ROTH-MEYER, Clothilde, « Le phénomène de
la location de tableaux par les marchands de couleurs parisiens au XIX »,
Histoire de l'art, n°58, 2006, p. 57-66.
142
- SANDT, Udolpho van de, La Société des Amis
des Arts (1789-1798) un mécénat patriotique sous la
Révolution, Paris, ENSBA, 2006.
- SANDT, Udolpho van de, « Les collections de la
Société des Amis des Arts », in PRETI-HAMARD, Monica
(éd.), SÉNÉCHAL, Philippe (éd.), Collections et
marché de l'art en France 1789-1848, actes de colloque, Rennes,
décembre 2003, Presses universitaires de Rennes/Institut national
d'histoire de l'art, 2005, p. 73-86.
- SCHURR, Gérald, CABANNE, Pierre, Dictionnaire des
Petits Maitres de la peinture, 18201920, Paris, Les Éditions de
l'Amateur, 2008.
- SCHWEITZ Daniel, « De l'anthropologie
préhistorique à la muséologie ethnoarchéologique :
une scène de la vie au Néolithique reconstitué par le
docteur Ledouble à l'Exposition nationale de Tours (1892) »,
Bulletin de la Société archéologique de Touraine,
t. LX, 2014, p. 305-342.
- SOFIO, Séverine, « Les marchands de couleurs au
XIXe siècle, artisans ou experts ? (Paris, Tours) »,
Ethnologie Française, n° 165, janvier 2017, p. 75-86.
- VÉDRINE, François, La
Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres
d'Indre-et-Loire (1820-1880), mémoire de maîtrise d'histoire
contemporaine, sous la direction de Claude-Isabelle Brelot, Université
François-Rabelais de Tours, 1993.
- VITRY, Paul, Le Musée de Tours, Paris, H.
Laurens, 1911.
- WHITE, Harrison et Cynthia, La carrière des
peintres au XIX ème siècle : du système académique
au marché impressionniste, (s.l., trad. de l'anglais par Antoine
Jaccottet, 1991), Paris, Flammarion, 2009.
- WHITELEY, Linda, « Art et commerce d'art en France
avant l'époque impressionniste », Romantisme, n°40, 1983, p.
65-76.
- WIDELSTEIN INSTITUTE, PISSARO, Joachim, DURAND-RUEL SNOLLAERTS,
Claire, Pissaro catalogue critique des peintures, Paris, Skira,
2005.
INDEX
A
BURTY, Phillipe · 39, 88 BUSSON, Charles · 101
143
Aix · 24
ALAPHILIPPE, Camille · 78, 82
Amboise · 44, 82
Amiens · 33, 36
Angers · 31, 101, 109, 113, 114, 127
ARGENSON, Victorine d' · 30
Avignon · 11
AVISSEAU, Charles-Jean · 86, 91, 92, 109, 111, 125
AVISSEAU, Joseph-Édouard · 91, 111
AZAY-LE-RIDEAU, château · 106
B
BALZAC, Honoré de · 27, 45, 85
BANCHEREAU, Michel · 24
Barbizon, école de · 107
BARIC, Jules · 86
Bazar Turonien · 8, 108, 109
BÉNASSIT, Louis-Émile · 117
BÉRANGER, Pierre-Jean de · 54
BÉRAUD, Jean · 101
BESNARD, Paul-Albert · 101
BIENCOURT, Marquis de · 106
BLANC, Charles · 69
BOILLEAU, Louis · 41
BONAPARTE, Napoléon · 31
Bordeaux · 11, 13, 14, 32, 39, 88, 101, 103, 116, 119
BORDES, Charles · 86
BOSSEBOEUF, Lous-Auguste · 82
BOUCHÉ, Georges · 53
BOUCHER, François · 91
BOUDIN, Eugène · 103
BOURDICHON, Jean · 89, 90
BOVY, Ferdinand · 111
BRAD, Léon · 92
BRESDIN, Rodolphe · 65, 111
BRETONNEAU, Pierre-Fidèle · 85, 86
BRIAND, Paul · 47, 48, 51, 57, 67
C
Caen · 31
CAMBACÉRÈS, Jean-Jacques-Régis de ·
31
Cambrai · 32, 33
Carolus-Durand · 101
CARRÉ-DE-BOUSSEROLLE, Armand-Louis-Henri ·
92
CATHELINEAU, Gaëtan · 41, 42, 44, 106, 108
CAUMONT, Arcisse de · 39
CHALMEL, Jean-Louis · 27, 28
CHAMPOISEAU, Armand-Noël · 29
CHAMPOISEAU, Noël · 39, 44
Champs de Mars · 31
CHAPOTON, Grégoire · 93, 95
CHAPTAL, Jean-Antoine · 31
Chargé · 82
Charles VII · 89
CHARLET, Nicolas-Toussaint · 37
CHASSÉRIAU, Théodore · 116
CHAUSSEMICHE, François-Benjamin · 78, 82
CHAUVIGNÉ, Auguste · 53
CHAUVIGNÉ, Auguste-Alexandre · 91
CHAUVIGNÉ, Auguste-François · 91
CHAUVUGNÉ, Auguste · 48, 52, 53, 82, 112
CHENONCEAU, château · 56, 61, 107
CHOLLET, Louis · 54, 81
CLÉMENT DE RIS, Louis · 99
CLÉRAMBAULT, Édouard Gatian de · 82
CLOUET, François · 47, 90, 107
CLUZEL, François Pierre du · 24, 25
COGNIET, Léon · 98
COLOMBE, Michel · 47, 81, 89
CONQUÉRÉ DE MONBRISSON, Jenny · 118
COTTIER, Maurice · 48, 118
CROÙ, Raoul de · 3, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36,
37, 38,
43, 63
144
D
D'ALEMBERT, Jean · 28
DAGUERRE, Louis · 57
DAMIEN, Pierre · 48
DAMON, René-Louis · 93, 110, 111
DAUDET, Alphonse · 82
DAUDET, Julia · 82
DEGAS, Edgar · 104
DELACROIX, Eugène · 48, 101
DELAHAYE-AVROUIN, Jacquet · 108
DELAROCHE, Paul · 48
DELPÉRIER, Georges · 85
DESCARTES, René · 85, 86
DESLANDES, Paul · 27, 28
DIDEROT, Denis · 28
Dieppe · 117
DORÉ, Gustave · 100
DRAKE DEL CASTILLO, Jacques · 49, 66, 78, 82, 95,
118
DUBOZ, Félix · 47
DUCHÂTEAU, Thérèse · 112
DUJARDIN-BEAUMETZ, Etienne · 84
DURAND-RUEL, Jean-Marie-Fortuné · 107
DURAND-RUEL, Paul · 103, 107, 116, 117
E
EASTMAN, Georges · 57 Église des Minimes · 43,
71, 98 ELIOT, Claude · 116 ÉLIOT, Maurice · 117 ENLART,
Camille · 87
F
FEBVOTTE, Jean-Joseph · 30, 36, 37 FLANDRIN, Hippolyte
· 93 FOUQUET, Jean · 47, 81, 89, 90 François Ier
· 68, 89 Frédéric-Guillaume IV de Prusse · 91
FROMENTIN, Eugène · 116
G
GAGNEUX, Paul · 111 GAMBETTA, Léon · 49
GIRAUDET, Alexandre · 39, 44, 89 GIROUX, Alphonse · 107 GLEYRE,
Charles · 48 GOIN, Henri · 27, 39, 41, 42, 44 GRANDIÈRE,
Benoit de la · 24 GRANDMAISON, Charles de · 89 GRASSET, Edmond ·
48 GRÉGOIRE, Henri dit Abbé Grégoire · 22 GREUZE,
Jean-Baptiste · 42 GRODVOLLE, Adolphe · 50, 78 GUÉRIN, Charles
· 41 GUYOT, Charles · 41
H
Havre · 11, 103
HENNION, Horace · 55, 56, 81, 92 HOURY, Charles · 98
HOUSSAYE, Arsène · 98 HUARD, Etienne · 113
I
INGRES, Jean-Auguste-Dominique · 110, 119
J
JACQUEMIN, Charles · 37
JACQUINET, Jacques-Victor · 37 JUSTE, Frères ·
47, 89
L
La Concorde Écossaise · 27
La Palette d'Or (Marcadier) · 108 La Parfaite Union ·
27
LADEVÈZE, Jean-François · 40 LAGRANGE,
Léon · 10, 13, 43, 68, 103 LALOUX, Victor · 48, 82
LANDAIS, Joseph · 91 93, 94, 97, 98, 99, 100, 101, 102, 103,
104, 105, 106,
LANSYER, Emmanuel · 101 107, 108, 109, 112, 113, 114, 115,
116, 117, 118, 119,
LARGILLIéRE, Nicolas de · 42 120, 125, 127, 128, 129,
130, 135, 136, 139, 140
LAURENT, Alfred · 40, 41 PASQUIER, Jean · 79
LAURENT, Félix · 48, 78, 93 Pau · 104
LE BLANC DE LA COMBE, Joseph-Félix ·
8, 37, 38, PELOUZE,
Marguerite · 107
41, 42, 44
PESQUIDOUX, Léonce de · 101
LEBLANC, Léon · 111 PICHOT, Marie-Louis · 79
LEFEBVRE, Jules · 83 PINEAU, Léon · 55
LEROLLE, Henry · 101 PISSARO, Camille · 117
LESOURD, Charles-Alfred · 53, 111 PITARD, Ferdinand ·
47, 93
LOBIN, Julien-Léopold · 41, 93 POINCARÉ,
Raymond · 53
LOBIN, Lucien-Léopold · 47, 48, 93, 111 Poitiers
· 14, 24, 55
Loches · 44, 54, 93 POTTIER, Charles · 97
Louvre · 31 POUSSIN, Nicolas · 107
LUZARCHE, Victor · 41 PRATH, Henri · 48, 70
Lyon · 13, 24, 31, 32, 97, 101, 115, 139 prieuré de
Saint-Côme · 85
PUVIS DE CHAVANNES, Pierre · 65, 111
M
145
MAHIEU, Jules-Charles · 47 MAME, Ernest · 37, 41
Manchester · 90
Marseille · 11, 13, 24 MATHURIN, Maurice · 112 MIGNARD,
Pierre · 107 MONET, Claude · 103, 104, 117 MOREAU, Georges · 95,
118 MOREAU, Gustave · 115, 116
N
Nancy · 11, 116
Nantes · 14, 24, 31, 32, 88, 101, 109, 113, 115
NATTIER, Jean-Marc · 91
NIÉPCE, Nicéphore · 57
NORIET, Jean-Baptiste · 41
P
PALISSY, Bernard · 91,
|
92
|
|
|
|
|
|
|
|
Paris · 10,
|
11,
|
12,
|
13,
|
18,
|
21,
|
22,
|
23,
|
24,
|
26,
|
27,
|
28,
|
30,
|
31,
57,
|
32,
59,
|
33,
63,
|
35,
64,
|
38,
72,
|
39,
78,
|
40,
79,
|
41,
81,
|
43,
82,
|
45,
84,
|
47,
86,
|
48,
88,
|
53,
89,
|
54,
90,
|
R
RABELAIS, François · 1, 15, 16, 38, 85, 86, 106
RAVEROT, Jean-Jacques · 24, 25, 41, 99
RENOIR, Auguste · 103, 104
RIFFAUT DESÊTRES, Jean · 27
RIPAULT, Alexandre · 47, 48, 86
RONSARD, Pierre de · 85, 86
ROSTAND, Edmond · 85
Rouen · 11, 13, 21, 36, 69, 79, 101, 119, 120
ROUGEOT, Charles-Antoine · 23, 24, 25, 29, 77
ROULLEAU, Jules · 48
ROUSSEAU, Philippe · 118
ROUX, Charles-Gabriel · 41, 42
ROYER, Henri · 79
S
SAINT-SAèNS, Camille · 85 SARCEY, Francisque ·
54 SAUSET, Louis-Antoine · 109 SICARD, François · 78, 82
SISLEY, Alfred · 103, 104 SONREL, Elisabeth · 83 SOURDEVAL, Charles
de · 29
STOLCK, Alida · 118 Strasbourg · 11, 15, 103 SUC,
Etienne · 114, 115 SUZANNE, Prospère · 55
TASTES, Maurice de · 44 TÉNIERS, David · 107
THORÉ, Théophile · 106 TISSOT, James · 54 TROUSSEAU,
Armand · 86
T
VALENCIENNES, Pierre-Henri · 30
VALLET, Jean-Pierre · 110
VAVASSEUR, Charles · 82
VEAU-DELAUNAY, Pierre-Louis-Athanase · 22, 26,
27, 28
VELPEAU, Alfred · 86
VIGNY, Alfred de · 54
VILLEMIN, Paul · 53
VIOLLET-LE-DUC · 69
VITRY, Paul · 85
W
146
|
WAILLY, Charles de · 11
WALWEIN, Auguste · 33, 36, 37, 67 WILLIAMSON,
Édouard-Thomas · 69
|
V
VAFFLARD, Pierre-Auguste · 30
|
|
|