Juin 2018
UNIVERSITE PARIS XIII
UFR DES SCIENCES DE LA COMMUNICATION
La radio visuelle au coeur de France
Inter Mutation des formats et des pratiques professionnelles
Master 1 « Culture, médias »
Présenté et soutenu par Calypso Le Guen
Sous la direction de Madame Aude Seurrat
1
Remerciements
Je tiens à remercier ma directrice de mémoire,
Aude Seurrat, pour l'aide et le temps qu'elle m'a
consacré.
Je remercie les professionnels de France Inter qui ont
très aimablement accepté de me rencontrer pour un entretien;
Sonia Devilliers, productrice, Le Grand
Bain, l'Instant M
Nicolas Demorand, producteur, 7/9
Tanguy Pastureau, chroniqueur humoristique,
Tanguy Pastureau maltraite l'info
Charline Vanhoenacker, productrice, Le
Billet de Charline Vanhoenacker, Par Jupiter !
Dorothée Barba, productrice, Captures
d'écrans
Mathieu Vidard, producteur, La tête au
carré
Colas Zibaut, responsable du pôle
vidéo à France Inter
Mes remerciements vont également à Pauline
Laverdure, Patrick Henry et Kevin Peulot
techniciens du son à France Inter
Et merci à Marine et Jean Marc
pour leur relecture attentive.
2
Sommaire
INTRODUCTION 3
I) L'APPARITION DE LA VIDEO AU COEUR D'UNE STRATEGIE
D'ANTENNE : L'EXEMPLE DE
FRANCE INTER. 7
1) ORGANISATION DE FRANCE INTER 8
a) L'arrivée de la « Radio visuelle »
à France Inter 10
b) Positionnement de l'antenne dans le paysage radiophonique
actuel 12
2) STRATEGIE GLOBALE DE L'ANTENNE SUR LE NUMERIQUE 15
a) Les choix de l'antenne sur les programmes et contenus
à filmer 17
b) Fragmentation des vidéos de France Inter
19
3) RECEPTION DES VIDEOS DE FRANCE INTER SUR LES CANAUX DE
DISTRIBUTION 22
a) Multiplication des supports 23
b) Nombre de vues sur les vidéos de France Inter
24
II) MUTATIONS DES PROFESSIONS RADIOPHONIQUES
26
1) L'ERE DU NUMERIQUE TRANSFORME LES METIERS 27
a) Les conditions de travail matérielles, humaines,
économiques, temporelles, techniques et spatiales 28
b) Polyvalence des métiers : nouvelles pratiques,
formations et compétences radiophoniques 29
2) LES STUDIOS : NOUVELLES COULISSES DE LA PROFESSION 31
a) Les auditeurs, nouveaux spectateurs du studio de radio
33
b) Les caméras permettent une ouverture physique de
la Maison de la Radio 35
3) LA RADIO VISUELLE COMME PROLONGEMENT DE LA RADIO 36
a) L'image complémentaire du son 37
b) Post émission : de nouvelles missions pour les
professionnels de France Inter 39
III) DEBATS AUTOUR DE LA CONVERGENCE DES MEDIAS
40
1) DU NOUVEAU SUR LA REFORME DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC 40
a) Etats des lieux pour Radio France 40
b) La Maison de la Radio, fer de lance dans
l'évolution de l'audiovisuel public 42
2) RADIO FRANCE ET SON OFFRE A 360° AU SERVICE DES PUBLICS
42
a) France Inter vers un média global 43
b) Facebook Live et la radio visuelle 43
3) QUAND LE PODCAST DEVIENT NATIF 44
a) L'offre personnalisée : une plus forte
pérennité face au média traditionnel ? 45
b) Retour en force de l'audio 45
CONCLUSION 47
BIBLIOGRAPHIE 49
ANNEXE 1 53
Entretiens 53
-Grille d'entretiens destinés aux
journalistes/producteurs/chroniqueurs de France Inter 53
-Guide d'entretien destiné aux techniciens de France
Inter 64
ANNEXE 2 70
Studio radio 70
Régie vidéo 71
3
Introduction
Entreprendre un travail sur ce grand média1
qu'est la radio n'est pas aisé. Il existe de multiples manières
de l'analyser dans la mesure où, en tant que support, la radio a
accompagné de grands moments de l'Histoire. Sa définition varie
mais considérons que tout au long de cette réflexion, l'objet que
nous étudierons sera la radio considérée en tant que
média,2 ce média centenaire et en perpétuelle
évolution. Dénommée média de masse, la radio a
cette puissance, dès ses premières expérimentations, de
s'adresser dans un même temps à un grand nombre de personnes
situées dans des endroits différents. 3
Le paysage radiophonique contemporain a été
bouleversé par le numérique, tant dans son mode de production que
de transmission et de réception; la question de la radio filmée
s'est alors imposée comme objet d'étude.
La radio, ce média délaissé4
selon les dires de Jean François Têtu, connaît un
réel regain d'intérêt depuis quelques années dans le
contexte de la transition numérique.
La radio historique de flux, de
l'éphémère et du direct se voit de plus en plus
modifiée et suscite des débats contemporains suite à
l'arrivée de nouveaux outils qui la transforment. Ce média du son
par excellence est aussi le média de la proximité, qui nous
touche au quotidien. L'ère des postradiomorphoses5
s'impose à nous et nous amène à nous questionner sur les
enjeux contemporains autour de nos médias traditionnels depuis des
décennies. Le numérique entraine une restructuration profonde de
la radio dont l'audience est vieillissante, même si elle reste un
média de masse.
Le passage de l'analogique au digital a fait naître de
nouveaux formats. En lui apportant des changements que l'on n'aurait pas
imaginés il y a encore quelques années, elle apparait plus
imposante aujourd'hui. En effet son caractère dépourvu d'images
est remis en question par les fonctionnalités
émergentes.6 Diffuser la radio autrement, avec une offre
élargie, devient courant pour de nombreuses stations. Ce média,
écouté traditionnellement sur la modulation de fréquence
FM a vu les modes de consommation transformés. La radio permet le
multitâche. Ce
1 Philippe Marion, Narratologie médiatique
et médiagénie des récits, Recherches en
Communication, 1997
2 Rémy Rieffel, Que sont les médias
? Pratiques, identités, influences, Paris, Gallimard, 2005
3 Rudolf Arnheim, Radio, Paris : Van Dieren,
2005
4 Jean François Têtu, la radio un
média délaissé Hermès, La Revue 2004/1
(n° 38)
5 Sébastien Poulain, Postradiomorphoses
: petit bilan des mutations radiophoniques à l'ère du
numérique, RadioGraphy, 2013
6 Frédéric Antoine, Analyser la
radio : méthodes et mises en pratique, De Boeck supérieur,
2016
4
média de l'accompagnement a élargi sa
visibilité en s'intégrant à tous les objets
numériques, tels les smartphones ou les tablettes. On peut
désormais écouter la radio sur ces objets et en
différé. Le développement de nouveaux usages
génère de nombreuses études sur leur progression.
L'apparition de la vidéo se présente comme le symbole
paradigmatique de la mutation du média et constitue un grand axe
stratégique pour les antennes. Montrer la ou les voix, en direct ou en
différé en permettant de visualiser le travail des équipes
constitue un bouleversement majeur. L'absence d'image à la radio, qui
fait partie de ses origines est questionnée par l'apparition de la
vidéo dans les studios. J'ai placé au coeur de ma
réflexion l'étude des acteurs de la radio en prenant l'exemple de
France Inter. Ce choix est idéal pour comprendre les
réalités professionnelles et les évolutions au sein d'une
même structure.7 Les chaînes de radio possèdent
une organisation sociale et économique comme toute structure. Les
premiers touchés par l'ère du numérique sont ceux qui font
la radio avec des méthodes classiques. Notre perception du média
est le reflet de son fonctionnement. La radio « filmée »,
« visuelle » ou « augmentée », définie selon
les voeux de chacun est un phénomène qui participe grandement de
l'évolution du numérique dans un média traditionnel. Les
acteurs internes de la radio étaient en première loge quand les
caméras sont apparues dans les studios.
Ainsi, la question à laquelle mon mémoire
s'efforce de répondre est : « En quoi l'apparition de la
vidéo à France Inter transforme-t-elle la
médiativité 8 de la radio ?
Nous essaierons de comprendre l'impact sur la «
singularité différentielle »9 du média
radio avec l'arrivée de la vidéo en rappelant qu' « un
média n'est pas l'autre ».10
C'est à travers plusieurs hypothèses que ma
réflexion s'est construite :
- Filmer France Inter est une stratégie de l'antenne
pour rajeunir l'audience, en allant chercher le public là où il
se trouve « On n'est pas obligé de faire de l'image mais on est
obligé d'être là où sont les gens
».11
- La vidéo change le style radiophonique des
journalistes, producteurs, présentateurs d'émissions. Le fait
d'être filmé modifie le comportement et les propos des personnes
présentes à l'intérieur du studio. L'écriture
radiophonique se voit ainsi transformée
7 ibid.
8 Philippe Marion. Narratologie médiatique
et médiagénie des récits. Recherches en
communication, 1997
9 ibid.
10 Ibid. p.78
11 Silvain Gire, cofondateur et directeur
éditorial d'Arte radio pour le magazine Syntone
5
lorsqu'elle doit s'adapter à nouvelles situations. De
plus, le facteur stress se fait davantage ressentir dans la prosodie et les
mouvements corporels lorsque l'on est filmé.
- La relation avec les invités varie car le studio,
transformé par la présence des caméras, modifie le
comportement des personnes. Mettant en jeu confessions, relations intimes, le
studio filmé influe sur la liberté de leur propos. Les
invités peuvent jouer avec la caméra se sachant filmés.
- Les professionnels de la radio n'apprécient pas
forcément la radio filmée et pensent qu'elle dénature
complètement le média du son.
Méthodologie :
La radio est un média que j'écoute depuis mon
plus jeune âge. Entreprendre un travail universitaire sur ce média
m'est apparu comme une évidence. L'élément
déclencheur de ma réflexion a été le visionnage du
Billet hebdomadaire de François Rollin12. Il se
positionne en fervent détracteur de la radio filmée au sein de
l'antenne tout en jouant avec la caméra. Je devais visionner cette
vidéo pour comprendre davantage l'ambivalence de cette mise en
scène.
Pour explorer l'ensemble des hypothèses et
répondre à la problématique, ma recherche a
été exclusivement qualitative. J'ai réalisé des
entretiens individuels avec des journalistes, chroniqueurs et techniciens de
France Inter ce qui, rappelle Bernard Braudy permet «
d'acquérir des connaissances sur les réalités
culturelles et sociales définies, dans des contextes précis
» L'ouvrage qui m'a motivé est Analyser la radio,
Méthodes et mises en pratique, sous la direction de
Frédéric Antoine. En plus d'être un ouvrage complet sur ce
grand média, il propose une riche bibliographie à laquelle j'ai
prêté une grande attention.
J'ai enfin fondé ma démonstration sur des
articles de presse et un corpus de vidéos et d'émissions de
France Inter. De nombreux articles ont traité la question de la
présence des caméras dans les studios en opposant les arguments
des détracteurs et ceux des défenseurs de la radio
filmée.
12 Le billet de François Rollin, La
radio c'est la radio, 14 octobre 2014
6
J'ai fait appel à d'autres références
lorsque cela semblait pertinent dans ma réflexion. Il s'agit de
chroniques radiophoniques essentiellement :
- Tanguy Pastureau maltraite l'info (plusieurs
chroniques)
- Le billet de Charline Vanhoenacker : Pandi Panda «
Libérez Nicolas Hulot » 12 octobre 2017
- Le billet de Charline Vanoenacker : François
Hollande, 6 Janvier 2015
Je me suis rendue à la Maison de la Radio et j'ai pu
observer les éléments sémiotiques d'un des studios
d'enregistrement.
J'ai pu assister à des émissions qui étaient
filmées.
Ces méthodologies ont été menées en
parallèle et se sont enrichies mutuellement.
Dans un premier temps je m'intéresse à
l'insertion de la vidéo dans la stratégie d'antenne de France
Inter. L'ère du numérique a poussé la station à se
développer sur le web en créant des nouveaux formats, pour tenir
compte, d'une part de la concurrence grandissante des géants tels que
YouTube, Spotify ou Netflix, d'autre part une concurrence croissante à
l'intérieur même du paysage radiophonique. Dans un second temps je
tente de décrypter les réalités professionnelles à
travers l'évolution des métiers de la radio à l'ère
du numérique. La rencontre avec des personnes travaillant à
France Inter m'a permis de comprendre pratiques et ressentis liés
à l'apparition des caméras dans leur environnement de travail
quotidien (entretiens répertoriés que nous retrouverons dans les
coulisses du mémoire). Enfin je m'interroge sur la convergence des
médias dans le contexte de la réforme de l'audiovisuel public
ainsi que de l'arrivée de nouveaux formats natifs.
7
I) L'apparition de la vidéo au coeur d'une
stratégie d'antenne : l'exemple de France Inter.
La radio ne se trouve pas en difficulté,
comparée à la presse écrite qui subit une crise due aux
mutations en cours. La radio reste le média préféré
des Français13, celui auquel ils font le plus confiance. Il
est jugé fiable devant la presse écrite et la
télévision. Deux heures et cinquante minutes, telle est la
durée d'écoute moyenne par jour14 ; ce qui fait de la
radio un média très puissant. L'intérêt pour la
radio ne se dément pas même si l'on a pu l'imaginer totalement
remplacée par la télévision. À travers cette
étude, mon ambition n'est pas de me situer à l'échelle
internationale, ce que font très bien, par exemple, les colloques du
Groupe Radiophonique d'Etudes sur la Radio, mais de me concentrer sur
la situation de la radio en France.
Les politiques numériques des radios ont pu accuser un
certain retard, plus marqué pour certaines que pour d'autres. Les
nouveaux outils apportés par l'univers digital intriguent, fascinent et
sont de plus en plus présents dans nos vies. Pour pouvoir se maintenir,
je dirais même survivre face à ces outils, le média n'a pas
attendu pour se convertir au numérique, depuis plusieurs années
déjà. Les radios, qu'elles soient publiques ou privées se
sont familiarisées avec Internet. Un passage obligé pour les
médias traditionnels. France Inter a particulièrement
développé son site internet et son application mobile.
France Inter a des missions quotidiennes d'information et a un
véritable engagement auprès de ses auditeurs, à travers
les programmes qu'elle propose. La station fait partie du groupe Radio France.
La Maison de la Radio est la structure, France Inter l'opérateur de
l'antenne.
L'entreprise Radio France existe depuis plus de 40 ans et
compte plus de cent quarante professions différentes.15
Opérateur de service public, Radio France est
financée par la redevance16 ; elle propose un éventail
très riche de programmes.
L'activité de France Inter s'exerce dans un contexte
précis. L'antenne a des chaînes soeurs dans le groupe Radio France
: France Culture, France Musique, France Info, FIP, le Mouv', France Bleu et
ses quarante-quatre antennes locales.
13 Laetitia Allemand, Jean Michel Oullion, Les
grandes questions des médias : enjeux et stratégies des
médias contemporains, L'étudiant, coll. Connaissance,
2005
14 Résultats Médiamétrie
15 Site de Radio France
16 Jean Jacques Cheval, Les radios en France,
Histoires, état et enjeux, 1997
8
La vidéo est apparue dans les stations à des
périodes différentes. Les expériences de radio
filmée remontent à quelques années déjà,
dans les années 90. Le développement dans ce domaine est assez
récent plus particulièrement dans les radios
généralistes. Ces dernières proposent aujourd'hui des
émissions captées en vidéo. Aujourd'hui la question
centrale qui se pose à ce media dédié au son, est de
filmer de manière pertinente la radio.
1) Organisation de France Inter
France Inter existe depuis plus de cinquante ans.
Créée en 1963, elle a fêté son demi-siècle en
2013. France Inter à une histoire longue et mouvementée. «
Un demi-siècle de notre histoire, sur une formidable aventure
radiophonique, passée, présente et certainement à venir
» mots écrits par un journaliste 17 dans la
préface de La saga France Inter : amour grèves et
beautés. France Inter est issue de Paris Inter née en 1947
et créée par Roland Dhordain un fidèle du
Général de Gaulle, qui avait pour objectifs de faire une «
radio de proximité moderne »18
France Inter a connu de grands changements dans son
organisation et son fonctionnement depuis sa création, au gré des
différents cadres dirigeants. Les grilles de programmes ont
évolué à travers le temps, la station elle-même a
évolué en veillant toujours à s'adapter à son
époque. Elle est la radio généraliste de Radio France qui
à travers d'une programmation éclectique assure pleinement sa
mission de service public. Radio France, l'opérateur, est porteur de
missions éducatives et sociales. Le professionnalisme des personnels de
France inter est au service d'un large public. Laurence Bloch dirige France
Inter depuis mai 2014. Elle a succédé à Philippe Val,
directeur depuis 2009.
Les « modes de direction », les ambitions de chacun,
ont façonné France Inter et fait, au fil du temps, ce qu'elle est
aujourd'hui. Mathieu Vidard, journaliste et producteur de plusieurs
émissions de Radio France depuis vingt-cinq ans, collabore à
France Inter depuis quinze ans. Lors de notre entretien, il a dit et redit
« la radio a beaucoup changé ». Témoin de
multiples évolutions, des réalités professionnelles et
organisationnelles de Radio France et plus spécifiquement de France
Inter, il a partagé sa propre expérience et ses ressentis sur
cette radio. Des nouveautés sont apparues. La station
généraliste, malgré les changements éditoriaux
17 Anne Marie Gustave, Benoit Abbey, La saga
France Inter : Amour grèves et beautés. 2013
18 Ibid.
successifs, et la prise en compte des formats
émergents, continue de proposer un journal radiophonique complet.
L'antenne, dans sa politique éditoriale, se veut
très proche de ses auditeurs, et dans ce sens, a su créer ce qui
se vérifie par la création des slogans qui interpellent. Elle
installe cette relation de proximité avec, par exemple, son slogan
« InterVenez ». L'actuel slogan dominant est: « Vous êtes
bien sur France Inter ». La communication est un enjeu majeur pour
l'antenne. C'est ce qui construit son identité, et l'image qu'elle veut
renvoyer auprès d'un large auditoire. La communication visuelle est
désormais tout aussi importante.
France Inter doit faire face à un public habitué
à de nouvelles pratiques, à ce que j'appellerai une «
révolution des usages ». La station réfléchit
à une politique de développement nécessaire pour prendre
sa place dans le monde du tout numérique, avec des stratégies qui
répondent aux besoins de la société française.
L'omniprésence du 2.0 est l'élément déclencheur de
la mise en place de nouveaux formats. France Inter est la première radio
publique, mais comme toute radio, elle développe un caractère
bipolaire. 19 Les évolutions en cours touchent le
média radio qui n'a d'autre choix que de s'adapter,
bénéficiant, dans le cas de France Inter, d'un lien affectif avec
ses auditeurs traditionnels, fidèles, attachés à la «
marque», et qui vont, consciemment ou pas, transmettre cet attachement,
comme on transmet un héritage.
On parle d'une trajectoire radiophonique20
qui atteint les enfants nés avec la culture de l'image et la
multiplication des écrans. Le succès mondial des outils tels que
le smartphone a changé la donne ; la radio a ainsi étendu son
réseau.
9
19 Hervé Glevarec ma radio engagement et
attachement, coll. Etudes et controverses, 2017, 119 p
20 Ibid.
10
a) L'arrivée de la « Radio visuelle »
à France Inter
France Inter et les radios soeurs déménagent.
Elles quittent des locaux de la Maison de la Radio pour un plan de
réhabilitation, qui s'étend sur quelques années. Tout doit
être refait à neuf. Des émissions étaient
filmées, il a déjà plusieurs années pour certaines
d'entre elles à France Inter. Le processus était plus ou moins
rapide, selon les stations. C'était une réelle nouveauté
pour un média dont le son est l'empreinte
génétique.21 Plus qu'une simple innovation, un saut
dans l'inconnu pour les professionnels, tenus d'adapter leur manière de
faire de la radio. Il y avait le son, élément fondateur... voici
la concurrente historique qui débarque : l'image ! La radio
filmée ou la « la radio visuelle » n'est plus une
hypothèse de travail, ni même un vague « complément de
la radio ». Elle est là et s'impose à tous, qu'ils l'aient
désirée ou pas (les gens de radio n'ont-ils pas
rêvé, pour un certain nombre d'entre eux, de « faire de la
télé » ou, à défaut, de pouvoir être vus
et pas seulement entendus ?) La mobilisation générale est
décrétée : chacun doit contribuer à la
réussite du mariage entre le son-roi, jusqu'ici seul, et l'image,
déjà reine sur les écrans mais toujours conquérante
au point de faire une entrée discrète, mais concrète dans
la radio.
Le changement est perceptible dans les studios de France
Inter, marquant l'arrivée de la radio visuelle. À
l'entrée, sur la porte, un petit écriteau indique aux
invités qu'ils vont être filmés, pour les besoins de la
réalisation.22 L'habillage du studio a été
transformé. 23 Lorsqu'une émission est captée
en vidéo, les invités et les animateurs sont filmés de
sorte qu'apparaisse clairement à l'image le visuel «
franceinter.fr». Le fond est de
couleur rouge, couleur dont la chaîne est titulaire, au sein du groupe
Radio France. L'habillage de la « Radio visuelle » a
été conçu pour permettre le fonctionnement d'un
système automatisé pour le « live » et le podcast des
émissions24.
La vidéo est retransmise sur Internet, ce qui
nécessite une identité graphique animée. Des
investissements sont également nécessaires pour filmer la radio.
Mise en place des caméras dans les studios, manière dont elles
sont positionnées... Chaque détail compte pour que l'image soit
d'un bon niveau professionnel.
21 Philippe Marion, Narratologie médiatique
et médiagénie des récits, page 79
22 Observations à la maison de la radio, Lundi
30 avril
23 Entretien avec Colas Zibaut, responsable de la
cellule vidéo, annexe 1
24 Vidéo Habillage radio visuelle de France
Inter
11
L'entrée des caméras dans les studios
amène à réfléchir aux raisons qui ont conduit
à cette petite révolution. Filmer les journalistes, les
producteurs, les chroniqueurs et les invités n'est pas anodin. La
manière dont cela a été proposé et
préparé est propre à la station, donc propre à
l'opérateur, l'acteur structurel, la Maison de la Radio25. La
radio est désormais visible, susceptible d'être regardée
par toute personne qui le souhaite, aux quatre coins de la planète,
à commencer par les pays francophones. Ce qui la pousse à
déterminer ce qu'elle veut montrer d'elle-même. L'organisation
doit se transformer. La vidéo est un élément
déclencheur de transformations.
Cela fait de nombreuses années que certaines
émissions de France Inter sont filmées mais c'est depuis 2014 que
les directs des matinales le sont. En 2006, après le lancement des
chaînes d'info télé en continu, France Inter a
été une des premières radios à filmer les
invités de sa matinale, pour pouvoir justement bénéficier
des reprises de séquences sur les télés. Au départ,
seul était concerné l'invité de 08h20, puis
l'invité de 07h50 et la chronique de l'humoriste, avec à
l'époque les succès d'audience de Stéphane Guillon, qui
réalisait de vrais succès d'audience. Le coup
d'accélérateur a été donné le 1er
septembre 2014 avec le lancement du streaming de la matinale, le 7-9
vidéo en direct, et depuis, progressivement, les tranches horaires et de
programmes se sont étendues.26
Mathieu Gallet, en 2014 prend la présidence de Radio
France après avoir été, depuis 2010, président puis
directeur général de l'Institut National de l'Audiovisuel. Il
donne à l'apparition des caméras dans les studios de France
Inter, le nom de « radio visuelle ». La vidéo, sous son
impulsion, a pris une place prépondérante. Le matériel
vidéo est visible de tous et va faire partie, rapidement, du paysage.
Ceci ouvre des horizons nouveaux dans l'organisation de la station, à
plusieurs niveaux. « L'infrastructure matérielle et
conversationnelle prédéfinit des places pour chacun des
participants, émetteur comme récepteur
».27
La radio visuelle a un coût, du fait de la mise en place
de nouveaux équipements, cela implique des investissements assez lourds
pour mettre en place les outils du numérique. De l'autre, cela doit
générer des bénéfices dans la stratégie
numérique de l'entreprise. Quel intérêt ? C'est
tendanciel, c'est devenu un réflexe d'usage, dirions-nous. Il
s'agit d'une expérience radiophonique qui pose le problème du
caractère aveugle de la radio, de son ADN.
25 Frédéric Antoine, Analyser la
radio, méthodes et mise en pratique, page 54
26 Site officiel de France Inter : France Inter,
1ère radio en île de France- 1ère
matinale en île de France
27 Frédéric Antoine, op cit.
Page 84
12
« Si l'on décidait de capter de cinq heure du
matin à minuit cela demanderait des effectifs très importants,
les micros guidant les changements de plans des caméras. Si les
intervenants passent leur temps à se couper la parole c'est
compliqué ».28
La caméra c'est tout une organisation, il faut du temps
pour réfléchir aux conditions dans lesquelles elle va fonctionner
et se développer dans les studios.
b) Positionnement de l'antenne dans le paysage
radiophonique actuel
Comparer France Inter à d'autres stations de radio
serait très long si l'on ne cible pas ses concurrentes directes.
L'essentiel de sa construction réside dans une stratégie de
différenciation importante pour l'antenne en prônant une valeur
ajoutée.
Les transformations subies par la radio dans le contexte
numérique démontrent à quel point les médias
classiques, dits « de masse », sont concurrencés par l'univers
d'internet qui est devenu un relais d'informations imposant. L'exemple parlant
souvent cité est celui de la musique en ligne qui prend une place
prépondérante.29
Il existe une multitude d'antennes de radio. Elles proposent
des choses diverses, elles n'ont pas toutes les mêmes missions ou
objectifs. C'est un défi encore plus important pour les radios
généralistes. Les challengers de France Inter sont des stations
privées. Il s'agit de RTL du groupe IP radio, Europe 1 du groupe
Lagardère et RMC Info du groupe NextRadioTV avec BFMTV. Toutes les
grandes stations ont intégré des images mobiles, en flux continu
(streaming) ou associées à des possibilités de
téléchargements en podcast30. Pour suivre une
émission de radio auparavant, il n'y avait que le direct d'où le
caractère d'immédiateté attribué à la radio.
La radio traditionnelle a des programmes de flux et non de stock.31
Le podcast a permis de transformer « l'éphémère
» en « quand on veut ».32
28 Entretien avec Colas Zibaut, annexe 1
29 Hervé Glevarec lors de la rencontre
Radio vers le futur organisé pour les 20 ans de Radio Campus
Paris
30 Le podcast est la contraction des mots
« iPod » et « broadcast », qui signifie « diffusion
». Le podcasting c'est la diffusion de contenu sonore ou vidéo sur
Internet
31 CSA, Programmes de flux et programmes de
stock
32 Joël Cuoq et Laurent Gauriat, Journaliste
radio : une voix, un micro, une écriture, 2016
13
La station Europe 1 a été en pointe sur la radio
filmée. C'est en 2013 qu'elle propose de nombreuses heures
filmées : en 2014 déjà, 75% des auditeurs pouvaient
regarder et écouter en même temps33. La station, en
proposant des espaces numériques conséquents donne une
visibilité à l'instance médiatique34 de
l'antenne.
Les stratégies peuvent varier mais sont similaires sur
beaucoup de points. Filmer la radio a pour objectif de ramener de l'audience.
Les stations qui ont investi dans la production vidéo sont en recherche
de gains d'attractivité pour attirer davantage de public.
Avoir le meilleur invité politique dans son programme
de matinée peut, par exemple, faire la différence. La concurrence
était déjà intense avant l'arrivée de l'image
mobile dans les stations. Aujourd'hui, elle se trouve accrue.
L'habillage de l'antenne, très représentatif de
l'image d'une station participe lui aussi au renforcement de l'empreinte de
l'antenne.
La vidéo à France Inter recouvre un enjeu de
différenciation et se pose comme une force face à la concurrence.
La chaîne revendique son rôle de prescription culturelle en
créant des rubriques sur son site internet, dans lesquelles la
vidéo prend une place très importante. Les formats
numériques sont des formats adaptés à la vidéo.
Pauline Laverdure, technicienne du son à France Inter
depuis quelques années note la différence « Les moyens
mis pour la vidéo à Radio France ne sont pas énormes par
rapport à la concurrence, et le rendu s'en est souvent fait ressentir.
On n'est passé en HD que très récemment, par exemple
».
Sonia Devillers, productrice de l'instant M, se
trouve pour sa part au coeur du phénomène car son émission
est filmée.
Un jour j'ai reçu Alain Veill, patron de Next radio
TV, très en avance sur ces questions-là. Il m'a dit que
premièrement il ne fallait pas que ça reste à ce niveau
amateur très longtemps à France Inter. Très rapidement les
images produites par la radio ou même par la presse écrite se
retrouvent toutes en concurrence à un moment donné. Il m'a dit
aussi une chose très juste : « Ça change complètement
la notion de spectacle », on est avec nos casques. Chez Europe 1 ils ont
remplacé les casques par des oreillettes, parce qu'on est à
l'image. ».35
33 Denis Olivennes, Assises de la radio, Paris, 25
novembre 2013
34 Laurent Fauré, Laurent Gago Analyser la
radio : méthodes et mises en pratique, Chap 3 Les contenus
audiovisuels, page 162
35 Entretien avec Sonia Devillers, annexe 1
L'interactivité s'est faite à France Inter
à travers ses slogans, ses contenus, sa manière de s'adresser
à ses auditeurs.
Europe 1 a joué la carte de l'interactivité. La
possibilité de commenter une info en direct sur des live
tweet36 a fait d'Europe 1 la pionnière dans ce
domaine.
La radio dans l'environnement numérique a changé
les fondements de la relation classique entre un média et un public.
Le téléphone permet une interaction avec les
auditeurs. Certaines questions donnent l'occasion de voir l'invité
réagir physiquement. La vidéo renforce l'interaction entre le
studio et les auditeurs. Elle va étendre la proximité grâce
tous les outils mis à sa portée. Quand des moments de radio sont
un peu intimistes la possibilité pour l'auditeur de rentrer dans un
journalisme participatif est possible.
Pouvoir commenter les vidéos en direct, pouvoir
même tweeter sur le « live » de l'émission est une
innovation propre à Europe 1. France Inter prône la
proximité avec ses auditeurs et favorise l'interactivité dans ses
émissions avec Interactiv' où l'auditeur à la
possibilité d'appeler pour poser des questions à l'invité.
Chaque station a une identité forte et l'entretient à travers
l'image qu'elle donne d'elle. Comme évoqué
précédemment, pour France Inter, le logo carré rouge y
participe. La volonté est de placer l'auditeur dans une
prédisposition d'esprit, en créant une ambiance à laquelle
il soit sensible. L'habillage peut participer à l'attachement qu'une
personne développe avec une antenne.
Avec son slogan « Vous êtes bien sur France Inter
» la station renforce son identité. La proximité entre la
production de la radio et la réception fait partie de l'imaginaire de la
radio, comme le rappelle des auteurs d'ouvrages sur le média
radio37. La proximité est une valeur inclue dans le
média, dans ses motivations.
14
36 Groupe de mots anglais désignant un tweet
crée et diffusé en direct d'un événement, dans ce
contexte une émission de radio en live
37 Catherine Bertho-Lavenir et Frédéric
Barbier, Histoire des médias : De Diderot à Internet,
paris, 1996
15
2) Stratégie globale de l'antenne sur le
numérique
« La radio connait de nombreux renouveaux, qui en
modifient à la fois les contenus, les formes, les modes de transmission
et de réception et revisitent son statut de média de masse
».38
Le média radio, qui dans sa « singularité
différentielle »39 est un média sonore communique
à l'oreille des gens. La radio filmée mobilise davantage
l'attention nous appartenons à une société de l'image.
Dans l'article les radios sous un nouvel éclairage
l'événement est décrypté de cette
manière :
Désormais, la radio n'est donc plus seulement une
affaire de micros. Fini le mystère de la voix, grâce auquel
l'auditeur laissait filer son imagination, voire ses fantasmes, sur la
physionomie de celle ou celui qui lui parlait le temps d'une émission.
Smartphones, ordinateurs et tablettes ont changé la donne. Pour attirer
un nouvel auditoire et séduire des jeunes élevés dans la
culture de l'image, qui écoutent la radio sur YouTube ou par
l'intermédiaire d'un écran, les stations se sont lancées -
pour certaines depuis plusieurs années - dans la production de contenus
vidéo, avec de petites webcams qui ont évolué au fil du
temps. 40
Les jeunes sont nés avec les nouvelles technologies qui
ont intégré leur mode de vie. Les usages ont extrêmement
évolué ces dernières décennies.
L'âge moyen des auditeurs de France Inter est de 50 ans.
La chaîne a développé une stratégie pour rajeunir
son audience, la vidéo en fait partie.
Lorsqu'on va sur son site internet, une vidéo en bas
à droite de l'écran apparait, en mode audio uniquement. Le site
propose le contenu en vidéo et nous le conseille sur sa page
d'accueil.
Les jeunes sont donc un des publics « cible » de
France Inter. Ils sont les auditeurs de demain. Investir dans la production
vidéo est donc le moyen de pouvoir accéder à une audience
complémentaire. L'article suivant apporte un éclairage
particulièrement intéressant pour répondre à la
question « pourquoi filmer la radio ? »
Développer des projets sur mesure pour chaque
émission, chaque tranche : Info, Humour, Culture, fait partie de la
stratégie numérique globale de l'antenne. Tanguy Pastureau,
38 Séverine Equoy Hutin et Christophe Deleu
Les renouvellements de l'écriture radiophonique : programme, formes,
contenus, Revue Radiomorphose 2017
39 Philippe Marion, Narratologie médiatique
et médiagénie des récits, Recherches en
Communication, 1997
40 Daniel Psenny, les radios sous un nouvel
éclairage, Le Monde, 23 octobre 2014
16
chroniqueur à France Inter assure sa chronique quotidienne
Tanguy Pastureau maltraite l'info depuis septembre 2017.
« C'est l'époque qui veut ça, tout le
monde le fait avec plus ou moins de réussite. Ça
génère des clics sur internet, ça permet d'attirer des
jeunes, pour qui la radio ce ne sont que des instants de radio filmée,
ce sont des gens qui sont nés avec la vidéo, je pense que
ça touche un nouveau public. »
La vidéo offre de très importants
intérêts économiques aux antennes de radio. De plus, le
système de publicité en pré-roll41,
spots de quelques secondes diffusés avant le programme en
vidéo présente une source de revenus. Europe 1 et RTL
revendiquent un taux de remplissage de 90% de l'inventaire publicitaire. Europe
1 ne communique pas ses chiffres mais a indiqué que la vidéo
représentait 35% du chiffre d'affaires global de son site. 42
L'enjeu va se concentrer dans les plateformes telles que
YouTube ou Dailymotion, comme le rappelle Marc Fernandez dans l'article
Avec la radio les oreilles ont des yeux, publié sur le site INA
global le 14 Octobre 2014.
Depuis des années déjà, les
interviews politiques sont filmées sur un fond frappé du logo de
la radio en question, et reprises dans les journaux
télévisés ou sur les chaînes d'information en
continu. Le but évident est la visibilité. Plus la petite phrase
ou le dérapage de l'invité sont repris, plus on voit le nom de la
radio. Avec le développement des plateformes vidéo en ligne comme
YouTube ou Dailymotion, il est maintenant aussi question de
monétisation. L'enjeu économique est loin d'être
anecdotique : l'auditeur n'est plus qu'à un clic de l'annonceur. L'enjeu
économique est loin d'être anecdotique, car une vidéo
diffusée en ligne constitue une source de revenus
supplémentaires, grâce notamment au « pré-roll »
(la publicité qui passe avant le lancement de la vidéo) et peut
attirer de nouveaux auditeurs.
Les nouvelles pratiques, liées à la radio
filmée représentent de nouveaux modèles économiques
pour les antennes. 43
Traditionnellement, la radio se caractérisait par une
communication unidimensionnelle dans une logique de Push. Aujourd'hui
il est possible de contester les propos d'Harold Dwight Lasswell sur
41 Anglicisme
42 Site officiel d'Europe 1, consulté le 23 mai
2018
43 Frédéric Antoine, Analyser la
radio : méthodes et mise en pratiques, 2016
17
son modèle de communication.44 Selon Lui, la
radio, ce média de masse envoyait des messages au caractère uni
latéral. Le public n'interagissait pas avec le message transmis.
À présent, une interaction s'est mise en place
avec des dispositifs permettant une intervention immédiate des auditeurs
internautes. Le digital a pour effet à France Inter
l'élargissement du potentiel d'écoute de la radio dans un
contexte concurrentiel.
a) Les choix de l'antenne sur les programmes et contenus
à filmer
Dans sa stratégie numérique globale, France
Inter doit faire le choix des émissions à filmer et
sélectionner les contenus. Ces contenus audiovisuels sont conçus
pour « vivre » dans des espaces numériques autres que le
média traditionnel.45 Ce qui d'ailleurs n'est pas
techniquement possible car on ne peut pas visionner une vidéo sur un
support classique radio, dans sa spécificité de proposer des
images à ses auditeurs. D'autres médias le permettent comme la
télévision et Internet. La vidéo conçue à
France Inter, est faite pour des espaces adaptés au site de France Inter
et sur d'autres plateformes. France Inter propose un panel d'émissions
variées tous les jours, son statut de chaine généraliste
l'oblige à pratiquer l'éclectisme des thématiques.
La première émission filmée dans son
intégralité a été la matinale de France Inter. En
2014, Patrick Cohen était l'animateur du 7/9. Ce carrefour d'audience
stratégique la positionne comme première matinale de France comme
elle le fait savoir sur son site Internet « France Inter : première
radio en Ile de France, première matinale en l'Ile de France. »
Dans le « grand entretien de la matinale
»46 un invité est présent dans
l'émission pour commenter l'actualité. Ne pas filmer cette
émission serait une erreur pour l'antenne car ses reprises de
vidéos à la télévision rendent visible l'antenne de
France Inter, grâce à son habillage placé sur les murs du
studio.47
France Inter réalise de fortes audiences, elle peut
compter sur de fidèles auditeurs attachés à la
qualité de l'information autant qu'à celle des émissions
de divertissement.
La prescription culturelle est une volonté forte, elle
fait partie des valeurs de France Inter et se retrouve concrètement
à travers des rubriques comme : Les choix d'inter ou la
Sélection musicale de France Inter. Les auditeurs vont sur le
site internet de France Inter et découvrent les sélections de la
station en podcasts
44 Modèle de communication par Harold
Lasswel
45 Frédéric Antoine, Analyser la
radio, méhodes et mise en pratiques, 2016
46 Partie d'émission de la matinale 7/9
47 Photographies, annexe 2
18
Les émissions retenues pour être filmées
sont ensuite distribuées sur les canaux, par thèmes, en fonction
de la plateforme proposée. Sur YouTube, Dailymotion ou sur le site
internet, dans une disposition anti chronologique. Il est aussi possible de
conserver ses sélections dans un onglet « favoris ».
Sur le site48, l'antenne accueille toutes les
disciplines : ses différents rendez-vous d'information, la
diversité des programmes, la richesse de sa programmation musicale,
ainsi que la place accordée à l'humour en font une radio unique,
libre, moderne et proche de ses auditeurs.
France Inter est la radio publique généraliste,
elle a des missions différentes de celles de France Culture par exemple,
sa voisine de la Maison ronde, qui présente plus de
spécialités. France Inter est divisée en dix-huit tranches
horaires dans la journée.49 La stratégie
numérique dans sa conquête d'une audience plus jeune, a
été de choisir des émissions susceptibles d'être
vues. Les « radiomorphoses »50 ont apporté des
nouvelles modalités de contenus que la chaîne s'approprie et
adapte dans des vidéos qu'elle décide de mettre sur Internet.
La stratégie numérique globale prend en compte
l'ensemble des acteurs qui font la radio, les professionnels qui travaillent
à France Inter. Augustin Trapenard, journaliste, rejoint la matinale en
septembre 2014 et présente l'émission Boomerang du lundi
au vendredi à 9h10, « un rendezvous pop et piquant, qui puise dans
l'actualité comme dans l'air du temps ». Présentée
ainsi sur le site internet de la station, on aurait pu penser que
l'émission « dans l'air du temps » serait filmée.
L'arrivée d'Augustin Trapenard s'est faite dans un contexte de mutation
car en septembre 2014, de plus en plus d'émissions étaient
filmées. Cependant, mettant en avant une stratégie personnelle,
Augustin Trapenard ne souhaite pas que son émission soit
filmée51, les conditions de réalisation d'images
à France Inter n'étant pas « optimum ».52
Augustin Trapenard est aussi présentateur d'une émission sur
Canal+. Il ne veut pas qu'il y ait de différence dans le traitement de
son image, par rapport au rendu des émissions de Canal
+.53
Dans les émissions qui sont filmées, on va
s'attacher à sélectionner les séquences à filmer
à l'intérieur d'une émission. Les vidéos sont donc
fragmentées pour mettre des formats plus courts.
48 Site officiel de France Inter
49 Grille 2017/2018 des radios
généralistes
50 Néologisme crée pour parler de la
radio à l'ère du numérique
51 Entretien avec Colas Zibaut, annexe 1
52 Ibid.
53 Ibid.
19
b) Fragmentation des vidéos de France
Inter
Les propos de Christophe Israël,
ex-délégué aux nouveaux médias de France Inter,
nourrissent de nouveaux questionnements sur la mise en place de a
vidéo.
Sur les plateformes vidéo et les réseaux
sociaux, nous avons encore deux pistes claires à travailler : la
première c'est d'améliorer l'édition de nos contenus, pour
améliorer le référencement naturel, de constituer des
chaînes, des playlists pour améliorer l'organisation de la
structuration de notre offre. C'est un chantier sur lequel nous travaillons
actuellement. L'autre piste, c'est la mise en production de nouveaux produits,
de nouveaux formats. Nous avons lancé il y a quelques semaines, Le 79
secondes, un best of humour sur YouTube qui cartonne, mais aussi des best of
d'émissions, par exemple de la carte blanche dans Boomerang d'Augustin
Trapenard.
Le développement de la stratégie
éditoriale de distribution multicanal est le résultat de
décisions principalement motivées par l'audience. Le nombre de
vues est l'indicateur principal, mais l'essentiel c'est « la durée
de rétention ».54 En effet la durée des
visionnages est ce qui prime pour la vidéo. Le choix du format est
à prendre en compte car le temps d'une vidéo est essentiel dans
sa circulation et donc dans sa réception par le plus grand nombre. Les
formats courts sont adaptés aux formes d'interactions. Ce sont aussi des
formats très efficaces et qui s'inscrivent dans la « culture du
buzz ».55
Les smartphones sont devenus les compagnons du quotidien pour
une grande partie de la population. Désormais ils favorisent la
multiplication de vidéos, les plus courtes permettent de faire du buzz.
En fragmentant ces vidéos, la radio s'adapte 56 aux
évolutions de la demande et des usages. Le règne de l'image,
l'immersion57 et le partage font fait partie du quotidien. Les
vidéos deviennent le mode dominant pour capter
l'attention.58
54 Ibid.
55 Entretien avec Dorothée Barba, annexe 1
56 Philippe Chantepie, Alain le Diberdier,
Révolution numérique et industries culturelles, coll.
Repères, 2010
57 Yves Jeanneret y-a-t-il vraiment des
technologies de l'information ?2007
58 Ibid.
20
Les formats plus courts sont attractifs s'adaptent aux
réseaux sociaux. Le pôle vidéo de France Inter est
chargé de la fragmentation des vidéos. Prendre des vidéos
conçues par les techniciens du son de France Inter, en les acheminant
vers les canaux de distributions est une des missions quotidienne du pôle
vidéo.
L'émission post matinale Boomerang
animée par Augustin Trapenard propose une carte blanche aux
auditeurs. Toute l'équipe de France Inter a décidé de
décliner ces extraits d'émissions en version numérique,
comme récemment avec le chanteur Orelsan, qui a proposé un titre
inédit. L'extrait de l'émission qui ne dépasse pas trois
minutes a été mis en ligne sur les réseaux sociaux
où il a été vu plus de trois millions de fois par des
internautes, dont certains découvraient peut-être
l'émission par le biais de la diffusion de cette carte blanche.
Des questions plus pragmatiques concernent l'organisation de
la vie de la radio : les moyens seront davantage mis sur une certaine partie
des émissions en optant pour des réalisations
automatiques.59
Introduire de l'image dans la radio pour produire des
vidéos va permettre une circulation des émissions en dehors du
circuit habituel.
« La radio seule rend communicable
l'événement dans l'instant où il se produit; la radio dit
j'y suis. L'indicatif présent est un mode qui lui appartient en propre.
»60 La radio est le médium de l'immédiat,
aujourd'hui elle n'est plus seule, la capacité d'immerger le public dans
l'immédiateté est faite par d'autres voies. La vidéo
à France Inter permet d'exporter les produits de l'antenne. L'ADN du FM
est d'autant plus questionnable lorsque des émissions de radio sont
découpées. Dans son schéma de production classique, c'est
le média du temps réel.
Fragmenter une vidéo va créer un format
exportable beaucoup plus facilement, ce qui peut enlever davantage son
caractère d'instantanéité car les propos de
l'émission sont coupés pour être mis sur un canal de
distribution.
« A la radio, le grain de la voix est un dispositif de
contact, la radio est par excellence le média du direct et du temps
présent ».61 Fragmenter les vidéos
d'émissions s'est ajouté au fait de filmer intégralement
une émission de radio. Ce travail ne peut être fait qu'en
différé. Découper certaines vidéos modifie
l'identité du média classique. L'apparition de la vidéo
à France Inter n'a pas suscité ces questions
d'instantanéité. La radio est un média homochrone qui
« incarne le
59 Entretien avec Colas Zibaut, annexe 1
60 Pierre Schaeffer, Machine à communiquer.
1. Genèse des simulacres, Paris, Seuil, 1970
61 Patrick Charaudeau, Le Discours d'information
médiatique. Paris : Nathan, 1997, p. 140
21
temps de la réception dans l'énonciation de
leurs messages »,62 le récit radiophonique ne peut
être une « fabula désincarnée ». Le
paramètre de l'instantanéité est « une signification
essentielle de la radio, une approche de son essence »63
d'après Franc Schuerewegen. Les vidéos sur le web deviennent
virales et participent au buzz. Des extraits vidéo de France Inter sont
repris partout, complètement sortis de leur contexte d'émission
radiophonique. Elles viennent alimenter les réseaux sociaux et les
reprises à la télévision. Ces dernières sont faites
lorsqu'un événement s'est produit en studio et qu'il est
jugé nécessaire de le partager. Ces petits moments de radio
deviennent des grands moments une fois partagés et relayés
à la télévision ou sur Internet. Les plus connus sont les
découpes d'extraits d'éditoriaux avec des phrases saillantes ou
les attitudes de certains invités. Pour reprendre les propos d'Yves
Jeanneret sur la trivialité des objets, cette phrase dite par
l'invité de l'émission se transforme au fil de son parcours
trivial. Le Petit journal reprend des extraits d'émissions de
France Inter. Christiane Taubira avait oublié qu'elle était
filmée et a fait une grimace lorsqu'un auditeur parlait à
l'antenne; ce court extrait de 12 secondes a circulé et comme d'autres a
participé au buzz de la radio visuelle.
Pourtant la radio visuelle donne la possibilité
d'être vu en direct. Depuis 2014, France Inter propose une version
vidéo diffusée en temps réel sur les sites
franceinter.fr, YouTube et
Dailymotion.
Un aspect de la vidéo peut être
problématique... une vidéo qui est découpée part de
son contexte et circule. Cela peut poser problème. Par exemple,
Frédérique Fromet64 arrive le vendredi dans notre
émission pour faire sa chronique satirique. L'auditeur sait qu'on a de
l'humour noir. Lorsqu'il tourne en dérision des sujets un peu trop
sensibles, si l'on découpe cette vidéo, qu'elle tourne sur les
réseaux sociaux et arrivent par exemple jusqu'en Turquie comme elle
n'est pas dans son contexte, elle peut être reçu de manière
totalement différente ; L'image à plus d'impact que le son
aujourd'hui. Y'a beaucoup de conséquences, le problème ne vient
pas de nous, il faut qu'on s'auto censure, le problème vient de la
récupération de ce que l'on fait car la vidéo permet un
dévoiement de ce qu'on fait.65
Charline Vanhoenacker est productrice à France Inter et
fait des chroniques humoristiques. Prendre une position peut poser
problème si la vidéo est ensuite découpée et mise
sur les réseaux sociaux, donc complètement
décontextualisée. Comme le rappelle Dominique Maingueneau dans
62 Philippe Marion Narratologie médiatique
et médiagénie des récits, page 83
64 Chansonnier Français qui participe à
l'émission Par Jupiter !
65 Entretien avec Charline Vanoenacker , annexe 1
22
Analyser les textes de communication «
comprendre un énoncé, ce n'est pas seulement se reporter à
une grammaire et à un dictionnaire [...] hors contexte, on ne peut pas
parler véritablement du sens d'un énoncé. » Ces
contextes d'énonciation comme étant : la « situation
particulière », « un lieu et un moment singulier», «
un sujet qui s'adresse avec une certaine visée à un ou d'autres
sujets » mais aussi « les conditions matérielles de
présentation » Dans un contexte d'émissions humoristiques ou
même satiriques d'une émission de France Inter, découper un
extrait qui fera le buzz amène à sortir ce moment précis
de l'ensemble de l'émission. La circulation des vidéos, «
objets labiles et fugaces »66 est extrêmement puissante
dans l'omniprésence du web.
3) Réception des vidéos de France Inter
sur les canaux de distribution
Les émissions choisies pour être filmées
sont ensuite distribuées sur les canaux YouTube, Dailymotion et le site
internet de France Inter. Ces plateformes sont organisées par
thèmes. L'Age moyen d'écoute de France Inter a
évolué, en passant de 53 à 49 ans.67
La radio s'écoute sur des postes FM. Les jeunes
s'intéressent de plus en plus à ce média. L'usage de la
vidéo à la radio se répand, pour autant les auditeurs se
détournent-ils du poste FM ?
L'audience des émissions de radio filmée se
mesure difficilement, à l'heure où les supports
multimédias ont tendance à remplacer le poste FM. Lors d'une
rencontre « Radio vers le futur » au mois de juin à la
Gaîté lyrique pour les 20 ans de Radio Campus Paris, Guy
Detrouselle, Directeur de pôle local Médiamétrie a
rapporté cette phrase « J'écoute mon téléphone
», entendue plusieurs fois lors de ces enquêtes
téléphoniques. En effet, Médiamétrie évalue
l'audience par téléphone.68 On peut se demander s'il
n'y pas de risque de sous-déclaration ou de sur-déclaration dans
les réponses obtenues car les vidéos de France Inter sont
proposées sur plusieurs supports à la fois.
La délinéarisation a changé les pratiques
de consommation des auditeurs et poussé les plus jeunes à
utiliser des smartphones au quotidien.
Pour la 11ème fois consécutive,
France Inter est fière de pouvoir afficher la première matinale
de France; elle est aussi pionnière sur le numérique, avec de
très bons résultats.
66 Thierry Devars, les vidéos politiques au
prisme de la trivialité, communication et langages, 2015
67 Médiamétrie
68 Rencontre la radio du futur
organisée par Radio Campus Paris
23
a) Multiplication des supports
L'univers radiophonique est concurrentiel. Désormais,
le multi-écrans demande une analyse plus fine de la réception de
ses contenus. La multiplication des supports ou la vidéo est
présente est une aubaine pour la radio. Les consommateurs
possèdent tous plusieurs objets électroniques qui leur permettent
d'accéder à la radio par le numérique. La deuxième
« bonne nouvelle » pour la radio : les gens passent de plus en plus
de temps sur leurs mobiles, toutes générations confondues.
Les vidéos sont des formats qui plaisent et qui
s'adaptent à tous ces supports tels que la tablette et le smartphone.
France Inter doit être en phase avec ces supports pour permettre
l'accès aux émissions partout et tout le temps.
Au cours de mes entretiens, je me suis demandé si la
radio visuelle pouvait entraîner un gain de crédibilité
avec l'ajout de l'image ainsi qu'un renouvellement de confiance envers les
médias à travers la multiplication des supports.
Patrick Henry, technicien du son à France Inter :
« Je pense même très exactement le
contraire. Voir les animateurs ou les journalistes leur retire bien souvent du
crédit. Gestes, grimaces de mécontentement, préparation
des papiers, discussion avec les invités pendant la diffusion
d'éléments sonores... Tout ce que l'on voit des coulisses,
même si c'est amusant ou intéressant par ailleurs pour l'auditeur,
diminue la chance d'être emporté dans le contenu d'une
émission. C'est vrai à la radio comme au théâtre ou
au cinéma.69 »
Aujourd'hui une dizaine de supports de réception sont
utilisés70, les vidéos des émissions de France
Inter sont disponibles sur de nombreuses plateformes. France Inter innove
davantage dans ses formats, en sortant du studio et en développant des
vidéos dans des formats web. S'inspirant des vidéos Konbini
new, sont apparus des FaceCam d'animateur ou
d'invités. Proposer désormais des capsules vidéos
sur le net fait partie de la stratégie numérique globale de
France Inter. L'édito carré est à prendre en
exemple. Mathieu Vidard, dans son émission La tête au
carré, s'adresse aux internautes « face caméra »
pour une vidéo de 3 minutes maximum. Visuelle, virale et depuis peu,
personnalisée, France Inter innove dans un univers radiophonique en
perpétuelle évolution.
69 Patrick Henry, technicien du son, annexe 1
70 Etude du Conseil Supérieur de
l'Audiovisuel
24
b) Nombre de vues sur les vidéos de France
Inter
Des indicateurs de vues sont positionnés sur les
plateformes accueillant les vidéos de l'antenne. Pour la chaîne
YouTube, on recensait le 10 juin 2018, 214 626 abonnés et 12 861
vidéos postées. « En 2015, nous avons eu cent millions
de vues dont trente millions sur Dailymotion, et un peu moins de soixante-dix
millions sur Facebook. Le reste c'était YouTube, mais ça n'est
pas plus de cinq millions. Rien que pour le premier trimestre 2016, avec les
mêmes indicateurs (cumul des vues sur Dailymotion, YouTube et Facebook
à la première seconde), nous sommes à soixante-neuf
millions de vues avec en moyenne 22-23 millions de vues par mois. En
extrapolant, on devrait être quasiment à 240-260 millions de vues
pour l'année 2016. Nous étions à peine à 10
millions en 2014. »
Capture d'écran de la page YouTube de France
Inter
25
Voici le constat fait par Laurence Bloch, directrice de France
Inter. Les visionnages des vidéos sur les plateformes telles que YouTube
et Dailymotion ont été multipliés par vingt en deux ans.
Les réseaux sociaux aussi connaissent une évolution de la
réception des vidéos par les internautes. L'avantage de Facebook
est de pouvoir partager directement une vidéo que l'on vient de
visionner, avec une visibilité sur le fil de l'actualité.
Le chercheur Canadien Macluhan a défini la radio comme
un média de masse où « le public n'interagit pas avec le
message transmis». Passer d'une verticalité à une
horizontalité du médium radiophonique. Les propos sur
l'unilatéralité du message sont contredits par les formes
d'interactions multiples. Il est aujourd'hui possible de commenter une
vidéo en direct grâce aux réseaux sociaux. Ils ont pris une
place importante dans la réception des vidéos de la station.
Capture d'écran du bandeau web de France Inter sur
Dailymotion
Pour 27 200 vidéos de France Inter postées sur
Dailymotion, 183 300 vidéos sont décomptées comme ayant
été vues.71
Il y a une « dimension patrimoniale » de la radio en
France.72 La radio connait un effet générationnel qui
offre un portefeuille de choix ouvert sur l'éclectisme contemporain tant
au niveau des tendances, des goûts et des dispositifs mis en place.
En 2017, France Inter est récompensée dans deux
catégories : le « coup éditorial » et le contenu
vidéo.73
« 44 millions de vues et d'écoutes pour
l'humour d'Inter ! » Depuis quelques années, France Inter
déploie sur le numérique une stratégie de distribution des
contenus humoristiques, tant en vidéo avec la diffusion en direct et la
viralisation multiplateformes (YouTube, Dailymotion, Facebook...) qu'en audio
seulement (podcasts). Portée par des puissants relais sociaux (1 200 000
followers sur Twitter, 1 million de fans sur FB, Instagram...), et des supports
refondus
71 Chiffres datés du 1er Juin
2018
72 Hervé Glevarec, Rencontre Radio vers
le futur, Radio Campus Paris, 5 juin 2018
73 Site officiel de France Inter
26
comme le site ou l'application de France Inter, elle
devenue une radio très présente sur le numérique
».
Certaines vidéos sont davantage visionnées que
d'autres, répondant à des choix personnels, comme par exemple
regarder son humoriste fétiche. L'humour est bien adapté à
la vidéo et plait beaucoup aux internautes. On observe
l'émergence de « chroniques à succès
».74 En s'adaptant aux usages d'aujourd'hui, la radio a
développé une stratégie globale d'entrée sur le
web.
II) Mutations des professions radiophoniques
Les contenus radiophoniques n'existeraient pas sans tous les
professionnels qui font France Inter au quotidien.
Il existe désormais un point commun entre tous ces
métiers, c'est le numérique. Il y a les journalistes qu'on entend
et ceux qui travaillent en amont, en coulisses ou sur le terrain, et les
réalisateurs. Ma rencontre avec ceux qui se font entendre sur nos ondes
et ceux qui oeuvrent principalement dans les coulisses de France Inter rend
compte des réalités professionnelles à travers le
développement de plus en plus important de l'image dans l'objet
radiophonique. Leurs témoignages sont dignes d'intérêt.
Les détracteurs de la radio filmée pensent que
le média radio perd son identité avec la présence des
caméras. Une chronique, elle-même captée en vidéo,
est à réécouter, celle de François Rollin « la
radio, c'est la radio » diffusée dans le 7/9 de France Inter le 14
octobre 2014. Le sujet de la présence des caméras dans les
studios est abordée sans détour : « Je ne suis pas d'accord
avec le fait que les auditeurs qui me podcastent me voient obligatoirement en
même temps qu'ils m'entendent. A la télévision, celle-ci
met à ma gracieuse disposition des coiffeurs [...] La radio est un
média à part entière, on la laisse vivre son
identité de radio »
Le fait d'être filmé dans le studio change le
métier de journaliste,75 présentateur mais aussi celui
des autres professions. L'impact des nouvelles technologies sur l'organisation
des rédactions et les transformations professionnelles que cela a induit
est indéniable. Il faut aussi mesurer l'influence de ces
développements sur l'écriture journalistique elle-même.
Certaines professions sont obligées de les intégrer au sein
même de leurs pratiques professionnelles quotidiennes. Le métier
de journaliste radio est en pleine évolution. Les sept professionnels de
la radio avec qui
74 Entretien avec Pauline Laverdure, annexe 1
75 Jean- Marc Chardon, Olivier Samain. Le
Journaliste de radio. Paris : Economica, 1995, p. 34
27
j'ai pu m'entretenir n'ont pas tous le même
métier, ne traitent pas du même genre, ne travaillent pas sur les
mêmes tranches horaires. Parmi eux, des producteurs, des journalistes qui
traitent l'information, des chroniqueurs et des techniciens du son. Ils
dressent un portrait de France Inter qui permet de découvrir ce que sont
l'information et les programmes, deux domaines très
différents.
1) L'ère du numérique transforme les
métiers
Chaque métier est différent et l'apparition de
la radio visuelle modifie les manières de travailler. Un détail :
Sonia Devillers et Nicolas Demorand prennent plus de temps le matin pour se
maquiller et soigner leur tenue vestimentaire.
« C'est très marginal, assez anecdotique.
Pourtant Je prends cinq minutes pour me maquiller avant de descendre en studio,
ce que je ne faisais absolument jamais. L'éclairage est terrible,
l'image est terrible, ce ne sont pas des conditions de vraie
télévision.76 »
Le comportement des journalistes varie en fonction du
traitement de l'information, ou s'ils sont dans une optique de divertissement
à travers des chroniques. Autre facteur qui entre en jeu, lorsqu'un
locuteur s'exprime, aucun autre sens n'est mobilisé à part
l'audition. Dans les spécificités radiophoniques77,
toute intervention ne doit pas dépasser une certaine
longueur.78
« L'étude de l'esthétique radiophonique
porte à croire que la radio n'est pas constituée seulement
d'informations, mais aussi d'un degré considérable d'indices
sonores, qui incluent la façon de parler des présentateurs,
toutes les questions liées au temps (les pauses dans le discours, la
durée de chaque élément diffusé) ». Ces propos
sont parus dans le magazine Syntone qui traite de l'actualité
radiophonique. A France Inter, des métiers sont aussi nés avec
l'apparition du numérique il y a déjà plus de dix ans.
Comme illustré dans le film d'animation réalisé en 2016
par Radio France Les métiers de la radio, on y voit que le ou
la chargé(e) d'édition numérique par exemple, est
indispensable pour faire vivre la radio sur tous les écrans. Il ou elle
réalise les
76 Entretien avec Sonia Devillers, annexe 1
77 Carlo Emilio Gadda, L'art d'écrire pour
la radio, trad. par Guillaume Monsaingeon (Paris, France : Les Belles
Lettres, 1993)
78 ibid.
28
pages du site internet, les complète, les enrichit,
pour prolonger la vie de l'émission au-delà de sa diffusion sur
les ondes.
L'arrivée des caméras dans les studios est une
réalité. Les journalistes producteurs de France Inter et leurs
équipes deviennent multifonctionnels,79 « Avec la
vidéo, on fait des choses qu'on ne se faisait pas avant.
».80 Les trajectoires professionnelles deviennent «
intermédiatiques ».
a) Les conditions de travail matérielles,
humaines, économiques, temporelles, techniques et spatiales
« L'étude spécifique d'une
catégorie d'acteurs offre l'opportunité de saisir les
caractéristiques d'un univers professionnel et de ses évolutions
».81 De nombreux intervenants composent l'antenne de France
Inter, externes et internes.82 Les acteurs de la radio ont vu de
nouvelles fonctionnalités s'ajouter au média radio, 83
la caméra en fait partie.
Les entretiens individuels offrent l'opportunité de
saisir les évolutions d'un univers professionnel. Hervé Glevarec,
sociologue français, s'est intéressé aux acteurs de la
radio culturelle de Radio France : France Culture. Pour France Inter, un
bouleversement des pratiques des professionnels peut se faire
ressentir,84 « même sous les projecteurs et le regard des
caméras il s'agit toujours de faire de la radio : une bonne interview,
un témoignage émouvant ».85 L'exercice
des caméras change-t-il le style radiophonique, le ton d'un
professionnel ? Faire de la radio comme avant, grâce à cette force
unique de l'audio se transforme avec l'apparition de l'image dans la
transmission des discours.
79 Colloque Information et journalisme
radiophonique à l'ère du numérique organisé
par le GRER en mars 2014
80 Entretien avec Mathieu Vidard, annexe 1
81 Frédéric Antoine Analyse de la
radio : méthodes et mise en pratiques chapitre 1 analyser les
acteurs à la radio, page 53
82 Ibid.
83 Christelle Avril, Marie Cartier, Delphine Serre,
Enquêter sur le travail, Concepts, méthodes, récits,
Paris, La Découverte
84 Joel Cuoq et Laurent Gauriat, Journalistes
radio : une voix, un micro, une écriture, 2016
85 Sylvain Gire, Arte Radio
29
b) Polyvalence des métiers : nouvelles pratiques,
formations et compétences radiophoniques
Les professions évoluent à l'ère du
digital, tel le métier de technicien. Les formations mises en place
peuvent devenir à leur tour un véritable projet
stratégique de l'antenne.
L'inadéquation entre profils de postes et
compétences indispensables aux nouvelles activités peut
générer des problèmes et parfois mêmes des tensions
au sein des équipes.
Des métiers sont apparus et d'autres se transforment au
regard des évolutions en cours. C'est un phénomène
irréversible porté par la nécessité d'être
présent sur Internet. Les usages à France Inter focalisent
l'attention sur les professionnels avec la possibilité que nous avons de
les regarder en pastille vidéo. D'où des approches
praxéologiques.86 Le rapport qu'entretiennent les
professionnels avec ces nouvelles fonctionnalités remet en question leur
façon d'être.
La liberté de gestes, le langage non verbal... Il y
a des gestes que je ne peux plus vraiment faire car ils peuvent être mal
interprétés par la régie technique. Pour la communication
entre le studio et la régie, c'est devenu un peu plus compliqué
une fois qu'on passe à l'antenne. Alors on se contrôle un peu,
ça peut poser problème pour la technique.87
Un geste destiné à la régie technique
peut être interprété différemment s'il émane
des invités dans les studios et des auditeurs
téléspectateurs de l'émission. La communication est
essentielle entre un animateur et la régie technique pour le bon
déroulement d'une émission. Faire des gestes est
nécessaire pour lancer les sons. Il en a toujours été
ainsi. D'ailleurs ne plus faire des gestes de la main peut poser des
problèmes de fluidité du contenu. Lors d'une émission avec
Charline Vanoenacker, quand Pablo Mira,88 (à l'origine homme
de télévision) a collaboré à France Inter, il a
souhaité que sa chronique soit filmée. Mais il ne faisait pas de
gestes vers la régie technique; le son n'est pas parti.89 Ce
sont des pratiques qui font partie du fonctionnement du média radio.
Selon Tanguy Pastureau :
« Les chroniques qui me semblent trop complexes, trop
écrites, je les fais quand
même car les personnes peuvent regarder plusieurs
fois en pastille vidéo, je ne m'interdis plus rien au niveau du style
radiophonique, il peut y avoir plus de détails ou de subtilité,
je m'accorde dans ce cas-là beaucoup plus de liberté. Je
86 Frédéric Antoine, Analyser la
radio : méthodes et mise en pratique, chapitre 6 Analyser les
contenus visuels et audiovisuels, page 164
87 Entretien avec Nicolas Demorand, annexe 1
88 Chroniqueur humoristique de France Inter
89 Entretien avec Charline Vanhoenacker, annexe 1
30
fournis des chroniques plus travaillées, mais
peut-être moins « immédiates » Il faut se lâcher
en se disant que la chronique reste disponible sur Internet. »
Tanguy Pastureau se laisse plus de liberté parfois dans
ses chroniques, non pas dans des dimensions prosodiques de sa
chronique, 90 mais en allongeant un peu et en complexifiant parfois
son écriture. Le changement touche la mise en image de sa chronique.
Même si sa durée d'énonciation est
prédéfinie, son temps de parole est limité dans le temps.
La caméra est l'élément déclencheur d'une plus
grande liberté au niveau du style chez certains locuteurs. D'autres
métiers ont dû s'adapter à un tout nouvel environnement :
le métier de technicien du son doit de plus en plus se familiariser avec
la vidéo. L'expertise des techniciens du son est essentielle et permet
d'obtenir des émissions de qualité. La journée type d'un
technicien du son à France Inter comporte la mise en onde de contenus,
l'alternance des émissions et des productions, l'enregistrement
d'émissions en PAD (prêt à diffuser) et les mixages
exécutés sur un logiciel audionumérique. 91 Des
formations sont mises en place pour les techniciens sur le métier en
lui-même et sur les outils de production. France Inter développe
un projet « bimédia » et l'adapte au métier du
technicien du son. Certains techniciens vont faire uniquement de la
vidéo à France inter.
La médiativité 92 de la radio sur ses
composantes sonores peut être illustrée par le métier de
technicien du son.
Le technicien devient producteur de contenus vidéo. Il
se familiarise avec la régie vidéo et envoie ensuite les
productions vidéo conçues pour le web au pôle vidéo
chargé de l'acheminement des vidéos sur les canaux de
distribution.
La radio visuelle ce n'est pas forcément une
mauvaise chose parce que ça permet un meilleur partage du contenu, mais
il arrive que ce soit au détriment de l'antenne, et dans ce
cas-là c'est complètement contradictoire avec le média
Radio. Quand on doit adapter nos méthodes de travail POUR la
vidéo je trouve ça stupide. C'est la vidéo qui doit se
plier à nos méthodes de travail selon moi et pas
l'inverse.93
90 Anne Catherine Simon, Antoine Auchlin,
Jean-Philippe Goldman, Georges Christodoulides Tendances prosodiques de la
parole radiophonique, Cahiers de praxématique n°61, 2013
91 Entretien avec Pauline Laverdure, annexe 1
92 Philippe Marion, Narratologie réflexive
et médiagénie des récits, 1997
93 Pauline Laverdure, op cit.
31
Chaque professionnel dispose de compétences acquises
dans l'exercice de sa profession, il développe des méthodes en
lien avec son poste de travail. La caméra ne doit pas trop s'imposer
pour les métiers contraints de suivre la nouvelle vague sans avoir le
choix. Les métiers de la radio existaient bien avant que toutes les
nouvelles formes et fonctionnalités arrivent du web. L'apparition de la
vidéo sur France Inter à fait évoluer les pratiques, ce
n'est pas pour autant que les métiers vont se calquer sur la
montée de l'image à la radio.
2) Les studios : nouvelles coulisses de la
profession
Lorsqu'un animateur passe à l'antenne, il
présente un travail construit en amont. La radio filmée à
France Inter transforme la médiativité du média
radiophonique en remettant en question l'acousmatique de la
voix.94 Adepte ou non de la radio visuelle de France Inter,
téléspectateur ou non des vidéos postées sur les
réseaux, sur le site ou diverses plateformes, il est possible de mettre
un visage sur une voix. Pour ce qui est des animateurs, désormais
identifiés, ils gagnent en reconnaissance individuelle, Charline
Vanhoenacker, s'est confiée sur le sujet.
« Ce que ça modifie la radio visuelle à
France Inter, c'est que les gens nous reconnaissent dans la rue, on ne peut pas
dire que ce n'est pas chouette. Il y avait un peu cette injustice par rapport
à la télévision. Maintenant, grâce à la
vidéo, on entre davantage dans ce côté interactif hors les
murs de la radio. Le plus gros changement pour moi, c'est qu'on est vu et
reconnu95 »
Sonia Devillers, une des animatrices de France Inter sur la
tranche 9/10 affirme : « On n'est pas comme à la
télévision, ce spectacle je l'adore, dans son naturel de
présentation »96 et ajoute « On a nos
feuilles de travail, nos bouteilles d'eau, j'aime ce
côté-là de nous voir dans notre espace de travail. »
Il n'y pas de mise en scène particulière dans les studios
depuis l'apparition des caméras. Le fait de « voir les voix »
de la radio dans leur quotidien fait entrer l'auditeur dans l'environnement de
l'émission, sans qu'il soit question d'intrusion, ou de voyeurisme.
« J'ai
94 Frédéric Antoine, Analyser la
radio : méthodes et mise en pratique, chapitre 4 Analyser le
matériau radiophonique page 117
95 Entretien avec Charline Vanhoenacker, Annexe 1
96 Entretien avec Sonia Devillers, Annexe 1
32
travaillé avec Bernard Poirette sur RTL qui a une
voix très grave et très caractéristique, je peux
comprendre qu'on n'est pas envie de le voir. ».97
Cette voix que l'on entend, tous les jours dont le phonostyle
est identifiable, fait naître des regrets chez certains. Cette voix a un
visage. La voix transmet des émotions particulières et deviennent
très familières, elle retranscrit les émotions
parfaitement.98 « A l'écoute, la voix
révèle les mouvements de l'affect, sentiments favorables ou
défavorables, tremblement des émotions, froideur ou passion,
sincérité ou mensonges.99 »
Si l'on se fie aux hypothèses formulées, la
vidéo transformerait le rythme, l'intensité d'une voix, le
contenu. Travailler dans un espace en présence d'un nouveau dispositif
technique, contraire aux habitudes de transmission de l'objet radiophonique
modifierait les éléments prosodiques et sonores à un
moment donné. La caméra exercerait un fort impact sur les
pratiques et le comportement à l'antenne, comme nous l'avons vu.
« Au début du phénomène de la
radio filmée j'étais assez influencé par plusieurs
personnes qui disaient : « la radio c'est la voix et pas un physique
», et qu'il était intéressant de ne pas forcément
voir les gens. Moi je m'y suis habitué, la caméra est un petit
plus pour moi, j'en joue beaucoup. Je pourrais me déguiser parfois pour
mes chroniques, mais je n'y pense pas assez. Sur RTL par exemple Laurent Gera
n'est pas filmé, car il imite des voix, on verrait juste un imitateur en
train d'imiter quelqu'un donc pour l'auditeur d'imiter une voix. Canteloup
n'est pas filmé non plus, en tant qu'imitateur ça casse le truc.
Pour les gens qui font des chroniques sans soucis d'interprétation,
c'est vraiment un complément pour moi.100 »
L'entrée de la caméra pour ces «
professionnels de la voix »101 changerait la réception
de l'émission. Voir Laurent Gera dans la matinale de RTL ou Nicolas
Canteloup dans celle d'Europe 1 présenterait une rupture de l'exercice.
La vidéo viendrait transformer complétement l'exercice si l'image
donne à voir le corps, les attitudes et les mimiques de l'imitateur.
Cela briserait ce que l'on s'est imaginé à travers l'imitation,
la personne imitée.
97 Entretien avec Tanguy Pastureau, Annexe 1
98 Patrick Charaudeau, le discours d'information
médiatique. La construction du miroir social, Paris, Nathan/INA
éditions, 1997
99 Ibid.
100 Entretien avec Tanguy Pastureau, annexe 1
101 Frédéric Antoine, Analyser la radio :
méthodes et mise en pratique, Chapitre 4 Analyser le
matériau radiophonique page 120
33
La caméra ne va pas changer l'identité d'un
présentateur d'émission, plutôt changer la perception que
l'on a du présentateur. L'empreinte de la voix est
caractéristique de la radio, d'ailleurs on parle de « grandes voix
» de la radio.
Avec la radio filmée, la voix qui occupe une place
déterminée dans le dispositif radiophonique peut être
réinterrogée en présence de l'image.102
« On voit beaucoup plus les choses, ça peut
casser l'image de quelqu'un, ça peut briser quelques fantasmes. C'est un
complément mais ça peut briser certaines imaginations on va dire
, · C'est comme les adaptations au cinéma de livres. Si on
imagine les 3 mousquetaires d'Alexandre Dumas comme on le souhaite et ensuite
on les voit, il peut y avoir une déception quand on a pu imaginer autre
chose. 103 »
Certains invités refusent d'être filmés,
pour des raisons qui leur sont propres, alors la caméra est
coupée pour l'émission. Certains producteurs ont aussi
refusé d'être filmés car ils sont présentateurs
à la radio et pas à la télévision.
« Un jour j'ai reçu Marianne James et elle m'a
dit : « voilà la personne que vous voyez en face de vous ce n'est
pas Marianne James , · de la même manière qu'une
animatrice de télévision a refusé une fois d'être
filmée. Il a aussi des questions de sécurité, je recevais
une fois un activiste syrien c'était dangereux pour lui d'être
filmé. Quand Augustin Trapenard reçoit des chanteuses, des
actrices, ce n'est pas négociables, car c'est leurs fonds de
commerce.104 »
a) Les auditeurs, nouveaux spectateurs du studio de
radio
On l'a vu, le comportement, les mimiques, toutes les questions
sémiologiques viennent se poser à la radio. L'habitude prise de
faire des gestes pour se sentir plus à l'aise avec ses propos, plus
naturelle dans le ton se pose. La kinésique est impliquée dans le
contenu. Trop de retenues dans les gestes pour paraitre peuvent venir changer
le rendu d'une émission.
« La présence des caméras dans les
studios de radio, c'est tout un sujet ! J'ai présenté des
journaux dans mes débuts dans ce média, il y a beaucoup moins
d'improvisation que dans d'autres contenus. Le problème c'est que je
fais des grands gestes avec mes bras quand je m'exprime, et ça depuis
l'école, (on dirait
102 Analyser la radio : Méthodes et mise en
pratique, op cit.
103 Tanguy Pastureau, op cit.
104 Entretien avec Sonia Devillers, annexe 1
34
une tarentule) ce n'est pas du tout
télégénique ; je ne me suis pas du tout adaptée au
fait d'être filmée. Beaucoup de mes proches m'ont fait la
remarque. « Dorothée, tes gestes c'est plus possible », je me
sens plus à l'aise quand je suis un peu plus agitée, donc je ne
devrais pas changer mon attitude naturelle même si la caméra me
filme, c'est une question un peu compliquée. Ce qu'il faut c'est la
radio gesticulée de Claude Askolovitch ». 105
Penser au rendu de l'image que l'on dégage à
l'écran est assez nouveau pour les producteurs, journalistes, ou
animateurs de programmes. Certains d'entre eux ont l'habitude d'être
filmés à la télévision.
Les chroniques filmées de Tanguy Pastureau dans
Tanguy Pastureau maltraite l'info débutent toujours par un
salut à la caméra qui prend la forme d'un clin d'oeil, d'un
haussement de sourcil ou d'un passage de main dans les cheveux;106
Le visionnage de certaines chroniques a enrichi l'entretien avec Tanguy
Pastureau à Radio France le 30 avril, sur la motivation à fixer
la caméra quelques secondes au départ de sa chronique.
« Beaucoup d'auditeurs sont devenus
téléspectateurs. Je leur fais un signe en fixant la caméra
dans le studio de radio au commencement de ma chronique. Je les salue et je
leur montre que je sais que je suis filmé, cela n'est pas fait à
mon insu. »
Les invités savent aujourd'hui qu'ils sont sous l'oeil
des caméras à France Inter, ce qui n'était pas toujours le
cas au départ. Des écriteaux ont été placés
sur les portes des studios. Outre le fait que des invités oublient
parfois qu'ils sont filmés, ce qui par ailleurs participe au buzz dans
la récupération d'extraits vidéo, sur leur attitude, leurs
propos ou leur comportement pendant l'émission. Ces extraits, on les
connaît non pas parce qu'on a écouté l'émission mais
parce que ce moment de radio a circulé sur Internet et a
été repris par des télévisions.
« Tant que les caméras restent immobiles,
petites et discrètes comme elles le sont aujourd'hui, je pense qu'elles
n'altèrent pas le propos des invités. Ils oublient souvent qu'ils
sont filmés. Pourtant la caméra est présente et les
invités sont au courant que l'émission est filmée,
inconsciemment cela peut donc jouer. Si dans
105 Entretien avec Dorothée Barba, annexe 1
106 Chronique filmée Tanguy Pastureau
Maltraite l'info
35
l'avenir de la radio visuelle, ils aimeraient poser des
caméras plus imposantes ou en gros plans je pense que ce ne serait pas
tout à fait la même chose au niveau du comportement et des
propos...107 »
Les caméras dans les studios de France Inter sont
placées dans chaque angle et en hauteur.108 Les auditeurs qui
regardent les émissions ne connaissent pas ce dispositif. France Inter
fait des prises de vue d'ensemble, parfois aussi des gros plans sur
l'invité, des images davantage destinées au web. C'est le cas
pour les fragments de vidéos repris et partagés de multiples fois
quand une intervention, dans le courant de l'émission, a
créé un micro-événement. La relation
qu'entretiennent les animateurs avec les invités ne change pas en
présence des caméras, mais s'il y a un « dérapage
» ou un comportement inhabituel, les animateurs le mettent en garde en lui
faisant des signes d'arrêter car l'émission est filmée.
Tout n'est pas sous contrôle. Un jour Manuel Valls, reçu dans la
matinale de France Inter (octobre 2015) a eu un comportement étrange. Le
Premier ministre s'est subitement mit à ouvrir la bouche, agiter ses
bras et taper sur la table avec ses poings. Les téléspectateurs
de l'émission ont donc pu voir cette scène. Yann Barthès
et son équipe ont offert ce moment de radio dans le Petit journal
sur Canal + pour ceux qui avaient raté cette séquence.
L'invité de la Une de la science est pris en Face Cam.
L'invité se trouve alors libéré de la question du son,
donc beaucoup plus expressif. 109 Cependant il n'est pas
demandé aux professionnels de changer de ton, de passer de
l'éloquence au ton plus familier lorsque c'est dédié
à l'alimentation du web.
b) Les caméras permettent une ouverture physique
de la Maison de la Radio
La Maison de la Radio ouvre une nouvelle fois ses portes au
public. On peut assister à une émission de radio en s'inscrivant
au préalable. « Information, divertissement, culture ou
musique, venez voir en studio les émissions que vous écoutez
habituellement sur France Inter ! » Telle est l'annonce
publiée sur le site internet110 de la Maison de la Radio. Les
réservations se font quinze jours avant l'émission. Le fait
d'accueillir du public pour certaines émissions constitue une ouverture
« physique » sur l'univers de la radio, les professionnels et leurs
invités.
107 Entretien avec Pauline Laverdure, annexe 1
108 Photographies du studio de France Inter, annexe 2
109 Entretien avec Colas Zibaut, annexe 1
110 Les émissions en public de France Inter
36
« Je suis par exemple très à l'inverse
d'Augustin Trapenard par exemple avec qui je partage le 9/10. Pour lui
ça doit rester un média de la voix, un média de
l'imaginaire, du mystère. Pour moi, pas du tout. Si je pouvais je ferais
des émissions en direct tous les jours ; J'aime être
entourée de personnes, j'aime aussi l'idée que les personnes
entrent dans nos studios : « rentrez dans nos studios » c'est
très démocratique. L'idée que la maison de la radio se
soit ouverte physiquement et qu'en plus les caméras nous permettent
d'accentuer cela, je trouve cela formidable ».111
3) La radio visuelle comme prolongement de la
radio
Des appellations différentes sont données
à la présence des caméras dans les studios : radio
filmée, radio visuelle pour France Inter dans la terminaison de Mathieu
Gallet. Il y a aussi radio « augmentée », ou encore «
radio amplifiée ». Dans un article du Monde paru en octobre 2014,
certains vantaient déjà les qualités de la radio
filmée. Nicolas Karolak, directeur exécutif de
RTL.net a confié : « La radio
filmée est une expérience de radio augmentée ou l'on peut
écouter, voir et vivre tout ce qui se passe au cours d'une
émission. »
« Je me souviens de quelques fois, ou on filmait des
gens qui ont eu des réactions (rires, étonnements, grimaces),
parfois ils oublient être filmés, ils vont faire des têtes
pas possibles mais finalement ça rajoute un côté vivant,
une retranscription d'émotion qui continue par passer par la voix bien
évidemment mais avec ce bonus de voir ce qu'il se passe dans les
coulisses ».112
Les invités peuvent avoir des réactions diverses
pendant une émission, indépendamment du contenu, du sujet
abordé, du thème traité. Avoir la possibilité de
voir ce qui se passe dans les coulisses, le fait de voir les réactions
des invités peut être intéressant. Dorothée Barba a
reçu Eric Fotorino, créateur du 1, un hebdomadaire qui une fois
déplié se présente sous la forme d'une page de huit
formats A4.113 Le présenter à la caméra rendait
ses propos plus clairs et concrets. Un texte diffusé à la radio
doit respecter un certain nombre de règles.114 Le langage
radiophonique est un élément propre au caractère «
aveugle » du média radio, si l'on considère les propos de
Philippe Marion selon lequel « un média n'est pas l'autre ».
Sonia Devillers
111 Entretien avec Sonia Devillers, annexe 1
112 Entretien avec Tanguy Pastureau, annexe 1
113 Entretien avec Dorothée Barba, annexe 1
114 Carlo Emilio Gadda, L'art d'écrire pour la radio,
les belles lettres, traduit par Guillaume Monsaignon, 1993
37
apporte des éléments visuels dans son
émission : « Je présente la une d'un magazine à
l'image, je la montre à la caméra. Parfois j'intègre dans
mon discours des phrases dédiées spécifiquement à
la présence de la caméra : « Allez voir la vidéo !
»
A la radio, tout est décrit lorsqu'un
élément visuel est porté à a caméra. Ces
éléments parfois risibles présentent des bonus à la
chronique humoristique pour ceux qui la regardent sur leurs écrans
d'ordinateurs ou de smartphones. L'animateur en fin d'émission
recommande fortement d'aller vers le web pour visionner l'émission.
a) L'image complémentaire du son
La possibilité de diffuser des images mobiles d'un
studio de radio donne une autre dimension du média dont la durée
de vie se voit rallongée sur d'autres supports. Le média radio,
dans son ADN, ne contient pas d'image, elle viendrait ainsi à l'encontre
du son quand on s'attache au média traditionnel et à ses valeurs
premières.
« Ça a changé la façon de faire
de la radio, ça la prolonge dans la dimension des réseaux
sociaux. La caméra va servir de support pour prolonger
l'émission, découper les extraits d'émissions
captés en émission fait vivre l'émission plus
longtemps.115 »
Il y a une valorisation du contenu à travers la radio
visuelle, elle vient transformer le caractère fondamental en mobilisant
désormais la vue. L'enjeu pour les professionnels de la radio est de ne
pas prêter attention à la caméra car ils seraient
susceptibles de perdre le fil radiophonique destiné aux auditeurs
uniquement.
Les chroniqueurs sur France Inter ont une certaine
liberté, dans les sujets qu'ils abordent, d'improviser une petite mise
en scène à destination des téléspectateurs de la
vidéo. Parmi les exemples à citer, il y a celui de Nicolas Hulot,
fin 2017, dans la matinale de Nicolas Demorand et Léa Salamé. La
chronique quotidienne de Charline Vanhoenacker et de Guillaume Meurice a
été mise en scène. Ils sont arrivés dans le studio
en costumes de Pandas. Ces accessoires ont dynamisé le studio de radio.
Dommage pour les auditeurs traditionnels qui n'ont pas eu la chance de voir les
images de ce « direct », ne disposant que du son de la radio.
115 Entretien avec Mathieu Vidard, annexe 1
38
« Deux invités surprises entrent dans le
studio, ils sont massifs, ils sont poilus, ils sont en voie de disparition,
pour vous monsieur le Ministre, nous avons deux pandas en studio qui insistent
pour vous parler ! »
Les chroniques sont un genre radiophonique qui se prête
bien à l'exercice de la radio visuelle. Il s'agit d'une
expérience enrichie, complémentaire qui ne vient pas
dénaturer la place du son, emblème du média. Le risque
pour l'animateur est d'être pris à son propre jeu par la
caméra. Ajouter des bonus à sa chronique, spécialement
pour la vidéo, ne doit pas influencer l'écriture radiophonique.
L'image peut venir enrichir le son, en atteste le grand nombre de clics.
La réception de la vidéo peut alors se trouver grandement
appréciée en se créant des souvenirs visuels d'une
émission de radio.
En s'ajoutant à la parole, l'image ne viendrait
qu'habiller celle-ci, en ne générant que des effets de sens
accessoires, donc négligeables116 dans l'article signé
de Guy Lochard.
« Je renvoie sur France inter quand il y une attitude, un
vêtement ou un comportement à voir absolument» 117
Edouard Baer, animateur radio sur Nova a monté un canular en faisant
croire qu'il piratait la radio publique. L'impact aurait été
différent si le canular n'avait pas été filmé.
« Je ne veux pas que l'auditeur se sente
lésé, je n'apporte pas un élément purement visuel.
Si tu te laisses embarquer par la vidéo, t'es foutu. Quelques fois j'ai
pu faire des entorses à la règle, ce qui présente un plus
pour les téléspectateurs bien évidemment mais une
incompréhension de la part des auditeurs qui entend que les personnes
dans le studio se marrent. Quand François Hollande est venu, il
était président de la république j'avais
créé des pancartes avec mon numéro de
téléphone et des phrases de dragues sans dire aux auditeurs que
je les montrai à l'écran. »
Charline Vanhoenacker, dans son billet avait
créé des pancartes avec des inscriptions telles que «
Vous êtes encore plus beau en vrai », « moi aussi j'aime les
frites, vous êtes libre ce soir ? » ou encore « je
vous donne mon 06 à la sortie du studio ». Ces
éléments viennent s'ajouter et sont présents uniquement
pour la vidéo, s'ils ne sont pas décrits à l'antenne.
L'exercice de tout décrire à la radio n'a pas été
respecté même si l'auditeur traditionnel ne s'est pas senti perdu.
Le visionnage de la vidéo apporte un élément
complémentaire à la seule écoute de la radio, lorsqu'une
mise en scène est prévue. Le sentiment de manquer quelque chose
peut être ressenti par l'auditeur traditionnel lorsque
l'expérience visuelle « vaut vraiment la peine »
116 Guy Lochard, Débats, talk-shows : de la radio
filmée ? Communication & langages, 1990, n°86, p.92
117 Entretien avec Sonia Devillers, annexe 1
b) Post émission : de nouvelles missions pour les
professionnels de France Inter
Lorsque l'écriture journalistique tend vers le
multimédia, de nouvelles pratiques voient le jour.
« Surtout après l'émission avec mon
équipe, on découpe la vidéo, on la poste sur le site et
les réseaux sociaux, ça change beaucoup nos pratiques,
l'après émission, la façon de faire vivre
l'émission ensuite, sur le web. Nos pratiques se beaucoup
adaptées à l'après émission118
»
Mathieu Vidard, producteur et présentateur de
l'émission La tête au carré se voit confier de
nouvelles missions qui s'ajoutent aux tâches quotidiennes de journaliste
producteur. Le podcast est un contenu audio disponible sur le web, parfois en
exclusivité sur ce support.
« Je pars d'un texte que j'ai écrit pour la
radio, pour une émission en question. Je le réadapte au format
web en retravaillant mon texte. Avec la vidéo, on fait des choses qu'on
ne se faisait pas avant. Je fais du natif, je pars d'un texte que j'ai
écrit dans le but de l'offrir au numérique, cela sort de ce
contexte de produit radiophonique. »
Mathieu Vidard, évoque une plus-value pour ses
émissions. La multiplication et la consommation en hausse des
vidéos de France Inter sur plusieurs canaux à la fois augmentent
et mobilisent de plus en plus les professionnels de la radio. Il s'agit de
faire autrement la radio en prenant en compte chaque métier. Les
métiers à France Inter ont connu de réels changements
depuis mise en place des caméras dans les studios. Leurs pratiques,
leurs compétences, leurs quotidiens se sont vus complètement
« chamboulés » par l'introduction de la radio visuelle
à France Inter. La caméra transforme la
médiativité du média car bouleverse le coeur du
métier de France Inter.
39
118 Ibid.
40
III) Débats autour de la convergence des
médias
Le numérique a pris la place de l'analogique. Les
objectifs de France Inter n'ont pas changé puisqu'elle conserve ses
missions de service public. Les Résultats de Médiamétrie
(Etudes globale Radio janvier-mars 2018) montrent qu'elle est la
première radio sur les nouveaux supports d'écoute.
1) Du nouveau sur la réforme de l'audiovisuel
public
L'univers audiovisuel est mouvant et a toujours
intéressé les gouvernements successifs qui l'ont
régulièrement soumis à des
réformes, marquant ainsi leur volonté d'améliorer
son fonctionnement. La ministre de la Culture, Françoise Nyssen, le 4
juin 2018119 a présenté son projet de réforme
qui concerne tous les publics. Le « scénario d'anticipation
»120 sur lequel repose la réforme se rapproche d'un
schéma de « BBC à la française » mais la
ministre ne donne aucun élément sur les économies à
réaliser.
a) Etats des lieux pour Radio France
France Inter pourrait se positionner comme un modèle,
considérant l'évolution qu'elle a connu ses dernières
années au sein de Radio France. La radio a conquis 350 000 auditeurs
supplémentaires en trois ans.121 Elle a su mettre en oeuvre
une stratégie, tenant compte de la révolution des formats.
Préserver une différence dans les contenus, comprendre les usages
des jeunes générations et s'y adapter sont de réels
défis, relevés par la radio publique. La
délinéarisation a été un enjeu pour la concurrence
public-privé. En effet au-delà de se voir face à des
groupes privés de radio ou bien des chaînes de
télévision, la progression des réseaux sociaux, de
YouTube, de Netflix, de Spotify entre autres, l'accomplissement des missions
aurait pu mettre Radio France en difficulté. Le développement
numérique engagé ces dernières années a
été une stratégie gagnante pour Radio France.
119 La Conférence de presse de la Ministre de la Culture -
Lundi 4 mai 2018
120 Appellation du nouveau projet
121 Médiamétrie Mars 2018
Le projet de réforme met l'accent sur les
régions avec un rapprochement entre France 3 et France Bleu.
Françoise Nyssen déclare dans les colonnes du Monde :
« Une coopération ambitieuse entre France 3 et France bleu doit
déboucher sur ce un média quotidien régional qui sera la
voix des territoires ». France Bleu serait-elle sacrifiée au
détriment de la télévision ? Il est légitime de se
demander ce qui pousserait France bleu à offrir ses contenus, son
savoir-faire. La réforme ne parle pas de fusion. Les priorités
restent, pour Radio France, la jeunesse, l'information, la proximité, la
citoyenneté et la culture. Renforcer la coopération avec d'autres
acteurs de l'audiovisuel public devient une priorité.
Comment le numérique se mettra au service de la radio
pour amplifier la résonnance de l'ensemble de ses contenus ?
La crainte de voir les pratiques s'adapter au numérique
et non pas l'inverse. D'où cette hypothèse de départ qui
affirmait que les professionnels de la radio n'appréciait pas
l'arrivée de la radio visuelle; en la considérant en premier lieu
comme un appauvrissement de l'imaginaire.
Dans la campagne de rentrée 2018, un spot publicitaire,
créé à France Inter sous forme de « stop motion
»122 illustre le quotidien des auditeurs de la radio, où
qu'ils se trouvent. La signature Intervenez à la fin cette
« fable urbaine » a circulé partout, même à la
télévision. Les nouveaux apports du web ne sont pas tellement
présents à l'intérieur du spot. Les valeurs de la chaine
sont rappelées en mettant en avant les « voix de la radio »
qui nous accompagnent tous les jours. France Inter a joué la carte du
collectif, du généreux, de la relation de proximité avec
ses auditeurs.
« Aujourd'hui les jeunes écoutent la radio sur
leur smartphone en même temps qu'ils la regardent et qu'ils la commentent
» selon les propos de Sybille Veil, PDG de Radio France. Aujourd'hui,
les jeunes partagent des informations davantage à travers des formats
vidéo devenus fétiches que par l'envoi de SMS.
41
122 Spot publicitaire France Inter
42
b) La Maison de la Radio, fer de lance dans
l'évolution de l'audiovisuel public
Dans un contexte de multiplication de l'offre, France Inter
veut enrichir davantage la sienne. Dans un article intitulé France
Inter accélère dans la diversification, paru dans les Echos
le 15 mars 2018, Laurence Bloch, directrice de France Inter a fait état
de ses souhaits. Elle aimerait multiplier les conférences, les
spectacles, les vidéos et les éditions de beaux livres. Et
surtout, elle vise à conserver une audience cumulée au-dessus de
11%.
J'ai demandé aux professionnels de France Inter quel
était, de leur point de vue, l'avenir de la radio visuelle à de
France Inter.
Une radio filmée en permanence, 24 heures sur 24.
Moi je l'imagine vraiment comme une « télévision
améliorée » quasiment en direct tout le temps. A la
télévision, tout est enregistré, tout est
déjà décidé à l'avance, on sait qu'il ne
peut plus se passer grand-chose de très
surprenant.123
La télévision, hormis les « directs »
obéit à des normes strictes avec des émissions
minutieusement préparées, au détriment de
l'immédiateté.
Le débat sur la réforme de l'audiovisuel
réinterroge les missions historiques d'information, de culture et de
divertissement. Fédérer beaucoup plus largement tous les publics,
dans une société où la demande de lien est aussi une
demande de sens, tels sont les nouveaux défis du service public, qui
nécessitent des mutations profondes. Se posent une nouvelle fois les
questions sur l'évolution des métiers, la mise en valeur des
compétences de chacun, enfin la contribution à la «
société démocratique ».124
2) Radio France et son offre à 360° au
service des publics125
Aller à la conquête de nouveaux publics via des
formats innovants et enrichir les programmes sont des motivations du groupe de
radio publique. Mettre à la disposition des publics, tous les programmes
sous toutes les formes possibles, en direct, en différé, à
la demande, sous forme écrite, et/ou sonore, en photo, en vidéo,
sur tous les réseaux, est stratégie numérique globale qui
implique la Maison de la Radio tout entière. L'offre à 360°
au service des publics a pour but de maintenir une interaction forte avec les
auditeurs, devenus internautes pour certains, en se
123 Entretien avec Tanguy Pastureau, annexe 1
124 Sybile Veil Projet stratégique pour Radio France
(2018 - 2023)
125 Texto, magazine d'information interne de Radio
France
43
familiarisant avec les fonctionnalités
audionumériques sur de multiples supports, réseaux et
plateformes. L'accès aux contenus radiophoniques favorise la convergence
médiatique et la diversification des supports.126
a) France Inter vers un média global
Au sein du paysage radiophonique, France Inter occupe une
place de choix. Avec 11,3% d'audience cumulée, elle a réussi son
pari de rajeunir l'ensemble de l'auditoire en donnant envie aux auditeurs de
vivre pleinement leur époque et en leur fournissant « des
repères et des clés de compréhension du monde actuel.
»127
Son public est aujourd'hui plus jeune que celui de ses
concurrentes principales : Europe 1 et RTL.
Aller « chercher les gens là où ils se
trouvent »128 est une clé de la réussite. Dans
les fondamentaux du média, « la post production n'existe pas,
les émissions c'est de l'antenne, tout est fait en direct, il suffit de
lancer les sons au bon moment »129 pourtant les nouveaux
formats ont bouleversé les manières de faire de la radio.
b) Facebook Live et la radio visuelle
Facebook est devenu un réseau social extrêmement
puissant dans le relais de l'information. En hébergeant une multitude de
contenus provenant de sources diverses, il joue un rôle très
important dans la diffusion de vidéos des émissions de France
Inter. Le 12 Avril 2018, François Hollande était l'invité
de la matinale de France Inter. La première partie de l'émission
était consacrée au média radio et la deuxième en
Facebook Live. Avec le #79inter, il était possible de poser des
questions à François Hollande en direct. La mutation de
l'émission vers le réseau social s'est faite sans changement de
ton.130 Pourtant il est de plus en plus question d'un langage
adapté au numérique, comme on le voit avec l'apparition de
capsules vidéos Face Cam.131 Pour France Inter, la
transition numérique s'est faite à 50 % selon Colas Zibaut,
responsable du Pôle
126 Henry Jenkins, La culture de la convergence, des
médias aux Transmédias, Paris, Armand Collin, 2013
127 Sybile veil, Projet stratégique pour Radio France
(2018-2023)
128 Sylvain Gire, Syntone
129 Entretien avec Colas Zibaut, annexe 1
130 Entretien avec Colas Zibaut, annexe 1
131 Anglicisme : Face caméra
44
vidéo de la station.132 Convertir des
informations sous forme numérique, c'est disposer de fichiers qui sont
soit des podcasts soit des liens de streaming. Cela fait partie de la
conversion digitale. Ce sont des pratiques que la station a
intégrées, à son rythme.
3) Quand le podcast devient natif
Dans le champ des médias, il y a les pure
players, qui ne relèvent pas de la radio car nés avec
Internet. Ils se sont lancés librement sur le web sans contraintes de
formats ou de lignes éditoriales. Le podcast, par exemple, connaît
un beau développement. France Culture a été
précurseur sur le podcast natif. La chaîne propose même des
fictions. Pour la directrice de l'antenne, Sandrine Treiner, le podcast natif
permet d'atteindre des nouvelles cibles.133 « Pour les jeunes
qui n'écoutent pas la radio, le fait de leur proposer des contenus qui
sont spécifiquement conçus en fonction de leurs usages et les
nouveaux modes de distribution est la garantie qu'ils iront les écouter
».
Saisir le médium radiophonique et l'exporter de son
objet initial devient une nouvelle priorité pour France Inter. Pour les
podcasts dits natifs134, le syntagme concerne toutes les productions
qui sont faites hors productions radiophoniques, le mode de distribution et
tout ce qui est relatif à l'écriture. Cela implique pour les
antennes de radio qui s'intéressent à cette nouvelle pratique de
créer des contenus qui ne seront donc pas distribués à la
radio.
L'appellation a évolué, d'après Colas
Zibaut, le responsable de la cellule vidéo de France
Inter.135 Les podcasts natifs sont désignés sous le
nom de podcasts « originaux ». Les nouvelles offres de podcasts
natifs originaux nous rappellent Les créations originales de canal
+
Le premier podcast original de France Inter « À la
Hussarde »136 est une série de neuf épisodes
proposée par Thomas Legrand, qui rappelle les moments clés de la
campagne présidentielle de 2017.
Quand un producteur fait une émission de radio, il
s'adresse à tous les auditeurs, quand il fait un produit
spécifiquement conçu pour le web, sous la forme d'un podcast
vidéo, il s'adresse à chacun d'entre eux. L'expression devant le
micro est différente, et le contenu est différent. Qu'il soit
natif ou non, le podcast à la radio amène des nouvelles formes
d'écriture. Il est alors possible d'intégrer une certaine
intimité, une familiarité assumée. Les auditeurs
choisissent les heures, les
132 Entretien, opcit.
133 Sandrine Trenier, Le podcast peut-il remplacer la radio,
émission Le Tube de Canal +
134 Def google : Créations sonores conçues et
créées pour être diffusé directement en ligne, sans
passer par l'antenne
135 Entretien avec Colas Zibaut, annexe 1
136 François Bougon, Radio : le « bouillonnement
créatif » des « podcast natifs, Le monde économie,
27/03/2018
45
thèmes. On peut dès lors supposer que
l'écoute sera plus attentive. Les podcasts offrent un style nouveau
à l'antenne. Il ne s'agira alors plus du média radio sur lequel
on s'intéresse, mais sur ces nouveaux formats récents qui seront
davantage mis en avant si l'on se questionne sur la pérennité du
média traditionnel. Un problème peut se produire à
l'écoute du podcast natif de France Inter : le jingle : « vous
êtes bien sur France Inter » est absent. L'identité de France
Inter peut s'en trouver insuffisamment valorisée.
a) L'offre personnalisée : une plus forte
pérennité face au média traditionnel ?
Les croissants est une innovation
particulièrement intéressante. Il s'agit de la première
matinale de radio intelligente qui permet de créer une grille de
programme personnalisée. C'est une application à la
carte.137 Contrairement aux stations de radio, et plus
particulièrement à France Inter, la matinale n'est pas
imposée ni limitée mais créée selon les envies de
chacun, ses goûts et ses intérêts. Autrement dit, les
thèmes abordés sont sélectionnés au
préalable, et la matinale, peut désormais répondre
à une demande personnalisée. C'est la possibilité de
créer son propre média d'information.
b) Retour en force de l'audio
« Le podcast pourrait-il un jour remplacer la radio ?
» Une question centrale posée à l'occasion du
vingtième anniversaire de Radio Campus Paris. La radio rythme le temps.
Le podcast, lui, permet une autre approche des thématiques
traitées.
Une deuxième révolution s'annonce, le « web
vocal », le moyen par des enceintes connectées d'écouter des
émissions de radio. L'idée est de créer encore plus de
formats adaptés à ces nouveaux usages. Le fameux « Ok
Google... » permettrait aujourd'hui de retrouver les chroniques de
Guillaume Meurice sur France Inter par exemple. Un retour en force de l'audio
est mis en avant. Google, Amazon et Apple financent des campagnes massives sur
les assistants vocaux.
137 Rencontre avec le créateur des croissants, Radio
vers le futur
Les applications vocales de Radio France sont depuis peu
disponibles sur le service vocal intelligent d'Amazon :
Alexa.138 Le développement de commandes vocales
permet de réécouter à la demande la chronique
Géopolitique de Bernard Guetta par exemple. Grâce
à la démultiplication des supports d'écoute audio, Radio
France se veut une nouvelle fois le plus proche des usages du public.
La poursuite du développement de France Inter sur le
digital est un chantier qui mobilise l'ensemble de l'antenne. France Inter a
conquis de nouveaux auditeurs en quatre ans, en partie dus aux podcasts,
à la radio visuelle et aux capsules vidéo. France Inter est une
antenne fédératrice, son objectif n'est pas de renier son
identité mais elle est dans une vague d'adaptation de plus en plus
puissante vis-à-vis des projets numériques globaux. Le fait
d'intégrer des caméras dans ses studios de radio alors que
celui-ci est le foyer du son démontre que France Inter s'est
adaptée aux nouveaux usages.
46
138 Radio France poursuit son développement sur les
assistants vocaux avec Amazon Alexa, Texto bulletin d'information de Radio
France n°1397 - Mercredi 13 Juin 2018
47
Conclusion
Il serait vain de combattre l'ère de la
translittératie139. La conversion digitale est
omniprésente et la concurrence est rude.
Le média radio a repensé la définition
des contenus existants en se demandant lesquels seraient les mieux
adaptés, et pour quel type de support. Les stratégies
développées à France Inter ont créé
davantage d'interactions grâce aux réseaux sociaux, avec notamment
le partage d'informations. On a vu l'émergence de nouvelles
fonctionnalités telles que les podcasts natifs. Ces nouveaux contenus
amènent à repenser la manière dont la radio doit
être proposée aux publics les plus divers. France Inter a connu
des transformations technologiques et éditoriales très
importantes, des bouleversements de codes, de manières d'être et
de communiquer ont émergé.
Au terme de ce travail de réflexion, des
hypothèses de départ ont été confirmées,
d'autres non. La problématique étant « En quoi
l'apparition de la radio filmée à France Inter a-t-elle
transformé sa médiativité ? Le terme
médiativité s'est adapté à la radio en
essayant de comprendre l'ensemble des singularités de ce média.
Les nouvelles pratiques de plus en plus importantes dans l'ère du
digital ont de réels impacts sur ce média traditionnel.
Dire qu'un « média n'est pas l'autre », comme
le fait Philippe Marion dans Narratologie médiatique et
médiagénie des récits remet en question les
fondamentaux de la radio. C'est à travers l'observation
d'émissions (sur internet et à la maison de la radio) ainsi que
des entretiens avec les professionnels de France Inter, que ma réflexion
s'est enrichie et a trouvé des réponses. La radio, média
qui s'adresse à nos oreilles depuis des décennies, s'attache
à présent à capter notre regard, à l'orienter,
à le séduire, avec l'aide des nouveaux dispositifs.
France Inter, en déployant des signaux vidéos
sur des plateformes multiples, crée les complémentarités
de l'audio. Les professionnels ont su « faire face », et
développer de nouvelles pratiques. Parmi les hypothèses
avancées dans ce mémoire, il en est une qui voulait que l'image
exerce un pouvoir sur les hommes et les femmes de radio, en changeant leurs
comportements, en modifiant leur écriture ou encore la prosodie
de chacun : cette hypothèse a été en partie
vérifiée. L'évolution des métiers est un constat
indéniable. Globalement, l'introduction des caméras dans les
studios s'est faite sans hostilité. On peut même dire qu'elle a
recueilli l'assentiment d'une majorité de professionnels.
139 Thématique de recherche définie par Sue Thomas
en 2005
48
L'image associée au son est une «
révolution tranquille ». Nul ne peut contester la force de l'image.
L'idée même de laisser la radio cantonnée dans l'univers du
son l'aurait condamnée à court ou moyen terme à une sorte
de « ringardisation » suivie d'une douloureuse relégation. Les
dirigeants du secteur l'ont bien compris. France Inter a pris, quand il le
fallait, le virage de la transformation numérique, et cette
stratégie a été payante. Les mesures d'audience l'ont
confirmé, le public traditionnel n'a pas décroché pour
aller « écouter ailleurs », et le gain d'auditeurs plus
jeunes, alors que ceux-ci sont généralement peu fidèles
à l'antenne publique, est sensible. Rien n'étant
définitivement acquis, dans un monde en perpétuel mouvement,
toute forme de triomphalisme serait une erreur. Mais l'espoir est permis, et
France Inter, qui sait être vigilante, peut regarder l'avenir avec
confiance et sérénité.
49
Bibliographie
Ouvrages sur la radio et le journalisme
Frédéric Antoine, Analyser la radio :
méthodes et mises en pratique, De Boeck Supérieur France,
coll. Info/Com, 2016, 256 p.
Rémy Rieffel, Que sont les médias ? Pratiques,
identités, influences, Paris, Gallimard, 2005, 544p.
Hervé Glevarec Ma radio, attachement et engagement :
enquête de réception auprès d'auditeurs, Etudes et
controverses, ISSN
Carlo Emilio Gadda, L'art d'écrire pour la radio,
trad. par Guillaume Monsaingeon, Paris, France : Les Belles Lettres,
1993
Laetitia Allemand, Jean Michel Oullion, Les grandes questions
des médias : enjeux et stratégies des médias
contemporains, L'étudiant, coll. Connaissance, 2005
Jean Jacques Cheval, Les radios en France, Histoires,
état et enjeux, 1997
Catherine Bertho-Lavenir et Frédéric Barbier,
Histoire des médias : De Diderot à Internet, paris, 1996
Henry Jenkins, La culture de la convergence, des médias aux
Transmédias, Paris, Armand Collin, 2013
Ouvrages sur la méthodologie
Frédéric Antoine, Analyser la radio :
méthodes et mise en pratique, De Boeck Supérieur France,
coll. Info/Com, 2016, 256 p.
Alain Blanchet, Anne Gotman, L'Enquête et ses
méthodes : L'entretien, Paris : Armand 61 Colin, coll.128, 2006,
127 p.
Christelle Avril, Marie Cartier, Delphine Serre,
Enquêter sur le travail. Concepts, méthodes, récits,
La découverte, coll. Guides, 2010, 284 p.
Joël Cuoq, Laurent Gauriat, Journaliste Radio : Une
voix, un micro, une écriture, Presse universitaire de Grenoble,
2016, 168 p.
Articles de revues
Philippe Marion, Narratologie médiatique et
médiagénie des récits, Recherches en
Communication,N°7 1997
Jean François Têtu « la radio, un média
délaissé » Revue Hermès, N°35,
2008
Thierry Devars, les vidéos politiques au prisme de la
trivialité, communication et langages, 2015
Nozha Smati, Pascal Ricaud « Numérisation de la radio
: pratiques et perspectives » Revue N°1 Radiomorphoses
2016
Anne Catherine Simon, Antoine Auchlin, Jean-Philippe Goldman,
Georges Christodoulides Tendances prosodiques de la parole radiophonique,
Cahiers de praxématique n°61, 2013
Guy Lochard, Débats, talk-shows : de la radio
filmée ? Communication & langages, N°86, 1990
Articles de presse
AFP « Radio : France Inter passe à la « radio
visuelle » » L'Express, publié le 26/08/2014
François Bougon, « Radio : le « bouillonnement
créatif » des « podcast natifs » » Le Monde
Economie, publié le 27/03/2018
Anaëlle Grondin, « Pourquoi la radio filmée se
généralise » 20 Minutes Médias, publié le
26/04/2013
William Demuyter, « La radio filmée, pour moi, c'est
une expression injurieuse », ina global , publié le 03/06/2016
Mémoire
50
Anne Gibier, la voix du chroniqueur à la radio : entre
intégration et autonomie, CELSA, 2007
51
Webographie
Sébastien Poulain, « Postradiomorphoses : petit bilan
des mutations radiophoniques à l'ère du numérique »,
RadioGraphy, 15 Octobre 2013
Syntone, web revue d'actualités et critique de
l'art radiophonique
http://www.telerama.fr/radio
Rubrique Radio du magazine en ligne Télerama
Sites Internet
https://www.franceinter.fr/ Site de France Inter,
dernière consultation le 15/06/2018 http://www.radiofrance.fr/
Site de Radio France, dernière consultation le 12/06/2018
http://hyperradio.radiofrance.fr/ Site de
l'actualité numérique de Radio France, dernière
consultation le 18/06/2018
http://www.csa.fr/ Site du Conseil supérieur de
l'Audiovisuel, dernière consultation le 05/06/2018
http://www.ina.fr/ Site de l'Institut National de l'Audiovisuel,
dernière consultation le 10/06/2018
https://radiography.hypotheses.org/1570
Radio Graphy : Carnet de recherche du GRER, dernière consultation le
15/06/2018
https://www.lescroissants.fr/ Les croissants,
première matinale radio intelligente
Vidéos
Film d'animation, les métiers de la radio à
Radio France
Habillage radio visuelle à France Inter
Documentaire, La Maison de la Radio, 2013
David Abiker : « la radio filmée, caméra
témoin d'un moment de radio » Europe 1, publiée le 9
septembre 2015
52
Chroniques
Le Billet de Charline Vanhoenacker Tanguy Pastureau maltraite
l'info Le Billet de François Rollin
Par Jupiter !
Matinales
Le 7/9 d'Inter
La matinale de RTL
La matinale d'Europe 1
Entretiens
Nicolas Demorand, Sonia Devillers, Tanguy Pastureau, Charline
Vanhoenacker, Dorothée Barba, Mathieu Vidard, Colas Zibaut - Lundi 30
avril 2018 à la Maison de la Radio.
Patrick Henri - Lundi 4 Mai 2018
Pauline Laverdure - Jeudi 7 Mai 2018
53
Annexes
Annexe 1
Entretiens
Guide d'entretiens
- Grille d'entretiens destinés aux
journalistes/producteurs/chroniqueurs de France Inter
1 / Profil et parcours de
l'interviewé(e)
l Quel métier exercez-vous à France Inter et
depuis combien de temps ?
2/ Expériences en radio filmée
l Avez-vous dû adapter vos pratiques professionnelles
à France Inter au quotidien depuis l'arrivée de la vidéo ?
(la formation, les compétences ou le savoir-faire qu'il faut
acquérir pour maîtriser les techniques permettant de produire des
nouveaux contenus.)
l Pouvez-vous me raconter votre première
expérience / souvenir en radio filmée ?
l Avez-vous eu des appréhensions face à
l'entrée des caméras dans les studios de radio ? A être
filmé pendant une émission ?
l Avez-vous le trac du direct ? Le fait d'être
filmé peut-il accentuer ce trac ?
l Les nouvelles pratiques du numériques sont-elles un
impact sur votre style radiophonique ?
3 / Perception de la radio filmée
l Que pensez-vous de la radio visuelle en
général?
l Pourquoi la chaîne France inter s'est-elle investie
dans la production vidéo ? Quelles sont les motivations de cette
stratégie selon vous ? Certaines émissions sont filmées,
d'autres non, pourquoi selon vous ?
l En quoi et pourquoi est-elle amenée à se
développer selon vous ? Quel avenir pour la radio visuelle selon vous
?
l La radio, ce média de l'imagination, peut-il encore
être nommé ainsi si l'on pense présence des caméras,
émissions filmées ?
l D'après vous la vidéo peut enlever de la
liberté dans la production d'une émission, dans les propos, le
traitement de l'information ? Ou au contraire elle va permettre plus
d'ouverture sur de multiples sujets ?
54
Notes d'entretiens
? Sonia Devillers, Le Grand Bain, L'instant M,
Entretien Lundi 30 avril 10h à Radio France
1 / Profil et parcours de
l'interviewé(e)
l Quel métier exercez-vous à France Inter et
depuis combien de temps ?
Je suis productrice et animatrice, j'anime
l'émission, j'en suis la rédactrice en chef, je suis responsable
d'une équipe de 4 personnes, je suis productrice d'une émission
quotidienne depuis 4 ans et je suis arrivée à France Inter depuis
une dizaine d'années.
2/ Expériences en radio filmée
l Avez-vous dû adapter vos pratiques professionnelles
à France Inter au quotidien depuis l'arrivée de la vidéo ?
(la formation, les compétences ou le savoir-faire qu'il faut
acquérir pour maîtriser les techniques permettant de produire ces
nouveaux contenus.)
Alors depuis l'arrivée de la vidéo, oui, un
petit peu mais c'est très marginal, c'est assez anecdotique. Je prends 5
min pour me maquiller avant de descendre en studio, ce que je ne faisais
absolument jamais, l'éclairage est terrible, l'image est terrible, ce ne
sont pas des conditions de vraie télévision, tout cela reste sur
internet, parfois je me suis vue et j'ai eu un peu de mal.
l Pouvez-vous me raconter votre première
expérience / souvenir en radio filmée ?
Je présente la une de magazine, je ne suis plus
dans un exercice de radio, je la montre à l'image. Parfois
j'intègre d'autres propos à mon discours : « allez voir la
vidéo si vous avez envie de voir ce qui se passe dans le studio »
Sinon plus par rapport à ma relation avec les invités,
évidemment la question se pose. Un jour j'ai reçu Marianne James
et elle m' dit : « voilà la personne que vous voyez en face de vous
ce n'est pas Marianne James ; de la même manière qu'une animatrice
de télévision a refusé une fois d'être filmée
Pour des questions de sécurité aussi, je recevais un activiste
syrien, c'était dangereux pour lui d'être filmé. Quand
Augustin Trapenard reçoit des chanteuses, actrices, ce n'est pas
négociable, c'est leur fonds de commerce
l Avez-vous eu des appréhensions face à
l'entrée des caméras dans les studios de radio ? A être
filmée pendant une émission ? Avez-vous le trac du direct ? Le
fait d'être filmée peut-il accentuer ce trac ?
Non aucune, je suis assez à l'aise avec ça,
je me suis adaptée à la nouvelle vague et je l'apprécie de
plus en plus. La caméra est un accessoire anecdotique pour moi,
l 55
Les nouvelles pratiques du numériques sont-elles un impact
sur votre style radiophonique ?
Cela peut m'arriver d'intégrer des nouvelles
choses dans mon discours, je renvoie sur France inter quand mon invité
à une attitude ou une coiffure que je trouve personnellement
intéressante à voir à l'écran. Surtout après
l'émission avec mon équipe, on découpe la vidéo, on
la poste sur le site et réseaux sociaux, ça change beaucoup nos
pratiques, l'après émission, la façon de faire vivre
l'émission ensuite. Nos pratiques se sont adaptées à
l'après émission.
4 / Perception de la radio filmée
l Que pensez-vous de la radio visuelle en
général?
Pour moi c'est un très bel accompagnement de la
voix, on est dans l'ère du numérique, on n'allait pas y
échapper, et on s'habitue vite au fait que les choses changent avec le
numérique.
l Pourquoi la chaîne France inter s'est-elle investie
dans la production vidéo ? Quelles sont les motivations de cette
stratégie selon vous ? Certaines émissions sont filmées,
d'autres non, pourquoi selon vous ?
C'est un choix de la direction, peu de gens regardent en
live, c'est plutôt l'après ; la priorité va à
l'info, la matinale et les interviews d'infos (tout ce qui s'est passé
dans le studio doit être vu à l'image) On a élargi cette
politique d'invités à des émissions avec des interviews
fortes car on estime que ça fait de la reprise, comme l'émission
Instant M, Les humoristes sont regardés énormément en
pastille vidéo.
l En quoi et pourquoi est-elle amenée à se
développer selon vous ? Quel avenir pour la radio visuelle selon vous
?
Je me souviens, un jour j'ai reçu Alain VEIL,
patron de Next TV radio, très en avance sur ces questions-là.
Premièrement ça ne va pas pouvoir rester à ce niveau
amateur très longtemps, très rapidement les images produites par
la radio ou même par la presse écrite se retrouvent toutes en
concurrence à un moment donné. Il m'a dit aussi une chose
très juste « Ça change complètement la notion de
spectacle », on est avec nos casques, chez Europe 1 ils ont
remplacé les casques par des oreillettes, parce qu'on est à
l'image. On n'est pas comme à la télévision, ce spectacle
je l'adore, dans son naturel de présentation, on a nos feuille de
travail, nos bouteilles d'eau, j'aime ce côté-là de nous
voir dans notre espace de travail.
l La radio, ce média de l'imagination, peut-il encore
être nommé ainsi si l'on pense présence des caméras,
émissions filmées ?
Je suis par exemple très à l'inverse
d'Augustin Trapenard par exemple avec qui je partage le 9/10. Pour lui
ça doit rester un média de la voix, un média de
l'imaginaire, du mystère. Pour moi, pas du tout. Si je pouvais je ferais
des émissions en direct tous les jours ; J'aime être
entourée de personnes, j'aime aussi l'idée que les personnes
entrent dans nos studios : « rentrez dans nos studios » c'est
très démocratique. L'idée que la maison de la radio se
soit ouverte physiquement et qu'en plus les caméras nous permettent
d'accentuer cela, je trouve cela formidable. Ce qui est très important
et qu'il faut prendre en compte car je n'ai pas les mêmes invités
qu'Augustin Trapenard, ces gens déshabitués de l'image, ce n'est
pas la même histoire...
56
? D'après vous la vidéo peut enlever de la
liberté dans la production d'une émission, dans les propos, le
traitement de l'information ? Ou au contraire va-t-elle permettre plus
d'ouverture sur de multiples sujets ?
Je ne pense pas, car les caméras sont presque
invisibles, elles sont en hauteur, on préfèrerait avoir des
images à hauteur de vue, on voit beaucoup le cuir chevelu de tout le
monde, les caméras sont assez petites. Pour moi les invités sont
intimidés parce qu'ils arrivent à la radio et non pas parce
qu'ils vont être filmés.
? Tanguy Pastureau, Tanguy Pastureau maltraite l'info,
Entretien lundi 30 avril, 10h30 à Radio France
1 / Profil et parcours de
l'interviewé(e)
l Quel métier exercez-vous à France Inter et
depuis combien de temps ?
J'exerce le métier de chroniqueur humoristique
à France Inter depuis le mois de septembre tous les midis à 12h10
pour décrypter l'actu de manière humoristique. J'étais 9
ans à RTL et aussi dans des radios bénévoles.
3/ Expériences en radio filmée
l Avez-vous dû adapter vos pratiques professionnelles
à France Inter au quotidien depuis l'arrivée de la vidéo ?
(la formation, les compétences ou le savoir-faire qu'il faut
acquérir pour maîtriser les techniques permettant de produire ces
nouveaux contenus.)
Pas forcément, car ça reste de la radio
filmée, les gens lisent leurs papiers, ce qui pourrait présenter
un intérêt relatif. Pour les gens il y a l'envie de
pénétrer dans les coulisses de la radio, je fais un signe
à mes auditeurs en fixant la caméra au début pour montrer
que je sais que je suis filmé et que a n'est pas à mon insu,
beaucoup d'auditeurs sont devenus téléspectateurs. Il y a un
impact sur le nombre de visionnage essentiellement.
l Pouvez-vous me raconter votre première
expérience / souvenir en Radio filmée ?
Je me souviens de quelques fois, ou on filmait des gens
qui ont eu des réactions (rires, étonnements, grimaces), parfois
ils oublient être filmés, ils vont faire des têtes pas
possibles mais finalement ça rajoute un côté vivant, une
retranscription d'émotion qui continue par passer par la voix bien
évidemment mais avec ce plus de voir les coulisses
l Pourquoi la chaîne France inter s'est-elle investie
dans la production vidéo ? Quelles sont les motivations de cette
stratégie selon vous ?
57
C'est l'époque qui veut ça, tout le monde le
fait avec plus ou moins de réussite. Ça génère des
clics sur internet, ça permet d'attirer des jeunes, pour qui la radio ce
n'est que des instants de radio filmée, ce sont des gens qui sont
nés avec la vidéo, je pense que ça touche un nouveau
public.
l Les nouvelles pratiques du numériques sont-elles un
impact sur votre style radiophonique ? La possibilité qu'ont les
auditeurs internautes de ré écouter ou voir en vidéo les
émissions influence elle votre façon de travailler en amont ?
Oui les chroniques qui me semblaient trop complexes, trop
écrites, je les fais quand même car les personnes peuvent regarder
plusieurs fois, je ne m'interdit plus rien au niveau du style radiophonique, il
peut y avoir du détail ou subtilité, plus de liberté,
fournir des chroniques plus travaillées, peut-être moins «
immédiates » il faut se lâcher en se disant que la chronique
reste disponible sur internet.
l Vous avez travaillé chez RTL, pouvez-vous me citer la
principale différence entre France Inter et RTL ?
Les gens ont moins tendance à jouer avec les
caméras. Dans les studios infos à RTL la différence est
entre les studios infos ou les studios variétés, parfois je vois
le rouge sur la caméra mais je n'arrive même pas à savoir
où elle se trouve exactement ; On m'en parle souvent donc c'est signe
que y'a un petit jeu, c'est intéressant.
4 / Perception de la radio visuelle
l Que pensez-vous de la radio visuelle ?
Au début j'étais assez influencé par
plusieurs personnes qui disaient que la radio c'est la voix et pas un physique.
C'était intéressant de ne pas forcément voir les gens Moi
je m'y suis habitué, la caméra est un petit plus pour moi en
jouant avec elle, je pourrais venir déguisé parfois, je n'y pense
pas assez. J'ai travaillé avec Bernard Poirette sur RTL qui a une voix
très grave et caractéristique, je peux comprendre qu'on n'ait pas
envie de le voir
l Certaines émissions sont filmées, d'autres non,
pourquoi selon vous ?
Sur RTL par exemple Laurent Gera n'est pas filmé,
car il imite des voix, on verrait juste un imitateur en train d'imiter.
Canteloup n'est pas filmé non plus, en tant qu'imitateur ça casse
le truc. Pour les gens qui font des chroniques sans soucis
d'interprétation, comme moi, c'est vraiment un
complément.
l En quoi et pourquoi est-elle amenée à se
développer selon vous ? Quel avenir pour la radio visuelle selon vous
?
Une radio filmée en permanence, 24 sur 24. Moi je
l'imagine vraiment comme une « télévision
améliorée » quasiment en direct tout le temps. À la
télé tout est enregistré, tout est déjà
décidé à l'avance on sait qu'il peut plus se passer
grand-chose
l La radio, ce média de l'imagination, peut encore
être nommé ainsi si l'on pense présence des caméras,
émissions filmées ?
58
Un petit peu moins, on voit beaucoup plus les choses,
ça peut casser l'image de quelqu'un, ça peut briser quelques
fantasmes. C'est un complément mais ça peut briser certaines
imaginations on va dire ; C'est comme les adaptations au cinéma de
livres. Si on imagine les 3 mousquetaires d'Alexandre Dumas comme on le
souhaite et ensuite on les voit, il peut y avoir une déception quand on
a pu imaginer autre chose.
l D'après vous la vidéo peut enlever de la
liberté dans la production d'une émission, dans les propos, le
traitement de l'information ? ou au contraire elle va permettre plus
d'ouverture sur de multiples sujets ?
Sur mon métier justement comme dit
précédemment, elle me laisse plus de liberté dans mon
travail, dans mes sujets lorsque je sais que si je suis filmé
? Charline Vanoenacker, Le billet de Charline
Vanoenacker, Entretien lundi 30 avril, 11h15 à Radio France
1 / Profil et parcours de
l'interviewé(e)
l Quel métier exercez-vous à France Inter et
depuis combien de temps ?
Je suis Productrice, pour moi ça ne veut pas dire
grand-chose. Je me considère comme une journaliste satirique. Je
fabrique une émission, je m'occupe du contenu de l'émission je
choisi les sujets, les invités, producteur c'est de la pure organisation
et ensuite il y a tout le travail de l'écriture.
3/ Expériences en radio filmée
l Avez-vous dû adapter vos pratiques professionnelles
à France Inter au quotidien depuis l'arrivée de la vidéo ?
(la formation, les compétences ou le savoir-faire qu'il faut
acquérir pour maîtriser les techniques permettant de produire ces
nouveaux contenus.)
Je fais de la radio avant tout, les fois où je
joue avec la vidéo c'est quand je me déguise. Mais je me
crée un personnage davantage avec des déguisements, perruques, je
pourrais faire mieux si je tenais compte de la vidéo mais c'est comme si
je faisais de la télévision. J'en fais fie, après j'ai
conscience que ça nous amène un autre public, des personnes qui
n'écoutent pas la radio mais qui regardent les chroniques. L'objet
vidéo est susceptible d'être partagé, j'accepte
d'être filmée, on est une des rares émissions dont on peut
regarder le direct en streaming, ça joue énormément sur
notre interaction avec les gens, regarder la vidéo va être une
image de fond.
l Pouvez-vous me raconter votre première
expérience / souvenir en Radio filmée ?
59
J'ai fait une entorse au principe de la radio. Quand
François Hollande est venu, il était président de la
république j'avais créé des pancartes avec mon
numéro de téléphone et des phrases de dragues sans le
préciser aux auditeurs traditionnels mais l'auditeur de la chronique ne
se sentait pas perdu pour autant. Cependant les spectateurs ce
complément humoristique plus prononcé.
l Avez-vous eu des appréhensions face à
l'entrée des caméras dans les studios de radio ? A être
filmée pendant une émission ? Avez-vous le trac du direct ? Le
fait d'être filmée peut-il accentuer ce trac ?
Non jamais, on n'a pas la qualité de la
télévision, moi j'ai complétement assumé cela
.
l Les nouvelles pratiques du numériques ont-elles un
impact sur votre style radiophonique ? (Au niveau des contraintes
discursives)
Surtout pas, sinon on ne ferait plus de radio, ce qui
m'importe c'est l'auditeur. Si jamais je joue de la vidéo je ne veux pas
que l'auditeur se sente lésé. Je n'apporte pas un
élément purement visuel. Sinon t'écris plus en fonction de
la vidéo, tu te laisses emporter par l'image.
l Certaines émissions sont filmées, d'autres
non, pourquoi selon vous ? (question du choix de contenu à filmer, quels
genres?)
Celles qui sont intéressantes et susceptibles
d'être prise en compte pour la vidéo c'est Boomerang d'Augustin
Trapenard qui ne veut pas que son émission soit filmée mais sa
carte blanche oui donc c'est vrai que c'est une question à se
poser.
4 / Perception de la radio visuelle
l Que pensez-vous de la radio visuelle ?
On est une bande jeune et dynamique avec une
écriture neuve qui dépasse le cadre de la radio. On à un
autre aspect de la vidéo qui peut être problématique, une
vidéo part de son contexte. Frédérique Fromet arrive le
vendredi, l'auditeur disait qu'on fait de la satire, si on découpe la
vidéo et qu'elle tourne sur les réseaux sociaux, comme elle n'est
pas dans son contexte ; L'image à un impact, même nous au niveau
de l'humour on peut avoir peur parfois, mais le problème ne vient pas de
nous mais de la récupération de ce que l'on fait. La radio permet
un dévoiement de ce qu'on fait, mais il ne faut pas non plus trop y
penser en direct sinon on mettrait de la censure.
l En quoi et pourquoi est-elle amenée à se
développer selon vous ? Quel avenir pour la radio visuelle selon vous
?
On peut s'arrêter là pour moi, ça
amène les jeunes, je ne vois pas la nécessité d'aller plus
loin.
Les vidéos circulent, ça a un
côté intéressant je suis d'accord. On n'est pas à la
télévision Il faut assumer le coté branquignole de la
vidéo.
l
60
La radio, ce média de l'imagination, peut encore
être nommé ainsi si l'on pense présence des caméras,
émissions filmées ?
Ce que ça modifie c'est que les gens nous
reconnaissent dans la rue, le côté positif c'est que les gens
viennent nous voir. On ne peut pas dire que ce n'est pas chouette, y'avait
cette injustice un peu par rapport à la télévision.
Maintenant, grâce à la vidéo, on entre davantage dans ce
côté interactif, Le plus gros changement c'est qu'on est vus et
reconnus ; on a maintenant la chance d'avoir cette interaction avec les gens,
c'est vraiment chouette.
l D'après vous la vidéo peut enlever de la
liberté dans la production d'une émission, dans les propos, le
traitement de l'information ? ou au contraire elle va permettre plus
d'ouverture sur de multiples sujets ?
On oublie vite qu'on est filmé. C'est plus dans
nos interactions parfois avec les invités, l'auditeur quand il arrive il
sait qu'on est dans la satire et que ça peut partir assez loin
parfois
? Dorothée Barba, Captures d'écran, Demain la
veille, le 5/7 du weekend, Entretien lundi 30 avril, 12h10 à Radio
France
1 / Profil et parcours de
l'interviewé(e)
l Quel métier exercez-vous à France Inter et
depuis combien de temps ?
Je suis productrice, ça consiste à
présenter et animer des émissions. Moi je me considère
comme journaliste, je suis journaliste de formation, mais ce n'est pas dans mon
contrat de travail.
3/ Expériences en radio filmée
l Avez-vous dû adapter vos pratiques professionnelles
à France Inter au quotidien depuis l'arrivée de la vidéo ?
(la formation, les compétences ou le savoir-faire qu'il faut
acquérir pour maîtriser les techniques permettant de produire ces
nouveaux contenus.) Avez-vous eu des appréhensions face à
l'entrée des caméras dans les studios de radio ? A être
filmée pendant une émission ?
Ah oui ça. C'est tout un sujet. J'ai
présenté les journaux avant, ce sont des formats plus courts,
plus écrits, il y avait beaucoup moins d'improvisation ; C'est vrai que
j'ai un problème depuis toujours, je fais des gestes avec mes bras
depuis l'école, ça m'aide à avoir un ton, on dirait une
tarentule, c'est pas du tout télégénique ; je me suis pas
du tout adaptée au fait d'être filmée. Y'a beaucoup de
personne qui regardent la radio sur leur téléphone, beaucoup de
proches à moi se sont moqués un peu. Maintenant il y a un truc
que je fais, c'est assez récent je remercie une personne un auteur en
brandissant le livre dans ma main (sans le préciser) je le fais pour
ceux qui regardent et je peux rajouter « je le fais pour ceux qui
regardent la vidéo » Un jour je recevais le patron du Un, un
journal qui se déplie. La règle à la radio c'est qu'il
faut tout décrire.
l 61
Pouvez-vous me raconter votre première expérience /
souvenir en Radio filmée ?
Dans le 5/7, La journaliste Hélène Roussel
a dit qu'on avait tous des pulls moches de Noel et elle recommandait aux gens
d'aller voir la vidéo.
Loana avait soulevé son pull, ce n'était
même pas pendant l'émission, c'est désespérant de se
dire que y'avait que ça qui avait tourné ; L'écueil de la
vidéo c'est que ça fait des trucs calibrés pour nos
réseaux sociaux, pour la culture du buzz
Avez-vous eu des appréhensions face à
l'entrée des caméras dans les studios de radio ? Avez-vous le
trac du direct ? Le fait d'être filmée peut-il accentuer ce trac ?
La possibilité qu'ont les auditeurs internautes de ré
écouter ou voir en vidéo les émissions influence elle
votre façon de travailler en amont ?
Dans des émissions un peu intimistes, on peut parfois
un peu plus penser à la caméra
La radio gesticulé, Claude Askolovitch, mais moi
en même temps je me sens plus à l'aise quand je suis un peu
agitée, donc je ne vais pas changer ça même si la
caméra me filme, c'est une question un peu compliquée
4 / Perception de la radio visuelle
l Que pensez-vous de la radio visuelle ? En quoi et pourquoi
est-elle amenée à se développer selon vous ? Quel avenir
pour la radio visuelle selon vous ?
Ils m'ont fait signer un droit à l'image une fois
pour toutes, je connais des producteurs qui ont refusé de signer le
truc. Moi je me dis que la radio filmée est une manière
d'évoluer même si je ne trouve pas ça forcément
utile tout le temps. Je trouve que ce n'est pas passionnant. Je comprends tout
à fait les réserves de beaucoup de personnes qui ne comprennent
pas pourquoi elles sont filmées ; Dans ce cas-là il faudrait
faire ça comme à la télé, prévoir
maquilleur, coiffeurs...
La radio, ce média de l'imagination, peut encore
être nommé ainsi si l'on pense présence des caméras,
émissions filmées ? D'après vous la vidéo peut
enlever de la liberté dans la production d'une émission, dans les
propos, le traitement de l'information ? Ou au contraire elle va permettre plus
d'ouverture sur multiple sujets ?
C'est très stressant d'être en direct
à la radio, en plus à France Inter ! Même pour le type
qu'on imagine le plus à l'aise quand le bouton rouge s'allume, tout le
monde stresse.
Je ne sais pas s'il y a vraiment un impact avec la
caméra, par contre ça peut jouer dans des émissions de
confidences, intimistes
? Nicolas Demorand, le 7/9
Lundi 30 avril, 11h45 à Radio France
1 / Profil et parcours de
l'interviewé(e)
l Quel métier exercez-vous à France Inter et
depuis combien de temps ?
62
Je suis journaliste à la rédaction de France
Inter, j'ai fait mes premières émissions à France Inter en
2006, ça fait une douzaine d'années avec une interruption de 3
ans que je suis journaliste présentateur.
3/ Expériences en radio filmée
l Avez-vous dû adapter vos pratiques professionnelles
à France Inter au quotidien depuis l'arrivée de la vidéo ?
La possibilité qu'ont les auditeurs internautes de ré
écouter ou voir en vidéo les émissions influence-t-elle
votre façon de travailler en amont ?
L'entrée de la vidéo modifie à la
marge le fait de faire de la radio, l'année dernière on
n'était pas filmés dans le 18/20, ça donne surtout une
liberté de geste : du langage non verbal, ça passe par les mains.
Ce sont des gestes qu'on ne peut plus faire car ils peuvent être mal
interprétés pour la communication avec la régie, on doit
se contrôler un peu, c'est un problème. Ça peut être
prit comme un geste de violence, de mépris. Sinon, je refuse de
m'habiller pour venir à la radio, de mettre une veste ou cravate, mais
quand même je m'habille différemment, y'a des images je fais plus
attention
l Avez-vous eu des appréhensions face à
l'entrée des caméras dans les studios de radio ? A être
filmé pendant une émission ? Les nouvelles pratiques du
numériques sont-elles un impact sur votre style radiophonique ?
Avez-vous le trac du direct ? Le fait d'être filmé peut-il
accentuer ce trac ?
Je commence à parler, à regarder partout,
je bouge le micro on a l'impression que je suis totalement agité, donc
je fais attention que ce ne soit pas filmé forcément car c'est
une séquence inutile de la matinale. Ce sont des plans larges mais
même au niveau des plans larges ça donne un rendu qui ne passerait
pas bien à l'image.
l Pourquoi la chaîne France inter s'est-elle investie
dans la production vidéo ? Quelles sont les motivations de cette
stratégie selon vous ? Certaines émissions sont filmées,
d'autres non, pourquoi selon vous ? (question du choix de contenu à
filmer, quels genres?)
Lorsque j'ai commencé à faire la matinale
à Inter en 2006, les zappings de télévisionv, il y avait
déjà le logo de France inter.
Y'a des émissions ou les invités refusent
d'être filmés, Ce n'est pas de la télé mise en onde,
ça se comprend ce refus.
Aujourd'hui il y a beaucoup d'enjeux dictés par la
télévision. Il y a des émissions ou les invités
refusent d'être filmés. Moi quand je faisais « le
téléphone sonne » le soir, je n'étais pas
filmé, ça n'apportait rien. Là il se passe des choses en
studio, un invité qui rigole, qui ne rigole pas, c'est un
véritable complément. L'image c'est une réalisation
très soft à France Inter, la radio survit sans
problème.
4 / Perception de la radio visuelle
l Que pensez-vous de la radio visuelle ?
C'est très pratique, étrangement je le vois
comme quelque chose purement radiophonique. Voir Charline, Guillaume Meurice
déguisées en Panda, c'est important de voir l'image.
63
J'ai une consommation d'images sur twitter notamment
purement audio, l'image est importante, parfois
ça apporte vraiment quelque chose on peut regarder
la vidéo avec plaisir ; C'est appréciable de voir les
invités,
l La radio, ce média de l'imagination, peut encore
être nommé ainsi si l'on pense présence des caméras,
émissions filmées ?
Il faudrait avoir les chiffres, je ne sais pas ce qu'ils
sont exactement. La masse de l'audience passe encore énormément
par le poste FM de la cuisine et de la salle de bain.
Ça peut passer par du streaming, par l'application
d'inter, par Apple music, par le site internet,
L'audio est encore extrêmement puissant. Plusieurs
amis à moi regardent la matinale sur un écran d'ordinateur comme
elle est streamé l'expérience est très différente,
mais un très beau moment de radio et aussi un très beau moment
à l'image. La bascule ne sait pas encore faite, l'image n'a pas encore
pris le pouvoir. Pour pouvoir être bien filmé il faut beaucoup de
lumière. Il y a des radios intimistes qui sont des radios plus calmes,
plus douces, ou l'on ne peut pas éclairer comme ça
l D'après vous la vidéo peut enlever de la
liberté dans la production d'une émission, dans les propos, le
traitement de l'information ? ou au contraire va-t-elle permettre plus
d'ouverture sur de multiples sujets ?
Dans les plans larges, la gestuelle est restreinte
? Mathieu Vidard, La tête au carré Lundi
30 avril, 15h45 à Radio France
1 / Profil et parcours de
l'interviewé(e)
l Quel métier exercez-vous à France Inter et
depuis combien de temps ?
Je suis producteur animateur à Radio France depuis 25
ans, et 15 ans à France Inter. Avant j'étais à Nancy dans
les locaux de France Bleu et j'ai commencé à Nantes à
Radio France.
3/ Expériences en radio filmée
l Avez-vous dû adapter vos pratiques professionnelles
à France Inter au quotidien depuis l'arrivée de la vidéo ?
(la formation, les compétences ou le savoir-faire qu'il faut
acquérir pour maîtriser les techniques permettant de produire ces
nouveaux contenus.)
Le fait d'être filmé ne change pas grande
chose pour nous si ce n'est que nos invités maintenant savent qu'ils
sont filmés. On leur pose la question parce que ça peut leur
poser problème. Ça a changé la façon de faire la
radio. Y'a quelques années c'était vraiment la voix des
journalistes présentateurs ; Ça prolonge la radio dans la
dimension de réseaux sociaux. La caméra sert de supports aussi
pour prolonger l'émission, découper des extraits pour faire vivre
l'émission, plus longtemps
Des nouveaux moyens qu'on utilise car ils s'imposent
à nous, on ne peut pas faire de la radio sans faire de l'image
même si certains le regrettent. Faire connaître l'émission
autrement et faire connaitre les invités, leurs propos c'est
intéressant. Ça donne une autre dimension à notre travail.
C'est une façon de le valoriser. Le contenu ne change pas
forcément, par contre le format varie en diminuant la durée d'une
émission. Ça peut valoriser le contenu
l Les nouvelles pratiques du numériques ont-elles un
impact sur votre style radiophonique ?
Je pars d'un texte que j'ai écrit, je le
réadapte au format web en retravaillant mon texte ; On fait des choses
qu'on se faisait pas avant. Je fais du natif, je pars d'un texte que j'ai
écrit dans le but de l'offrir au numérique. Je sors du studio de
radio, je donne mon texte face caméra, là les métiers se
transforment complètement dans cette ouverture et de transformation de
notre travail de radio à l'univers du web
l Certaines émissions sont filmées, d'autres
non, pourquoi selon vous ? (question du choix de contenu à filmer, quels
genres?)
Les émissions de connaissance, comme l'histoire ou
la science s'y prêtent bien parce que justement ces reprises sont
très efficaces, ils ont choisi de thématiser certaines
émissions. C'est une question de fréquentation des sites. La
science ça génère des clics.
4 / Perception de la radio visuelle
l Que pensez-vous de la radio visuelle ? Ce média de
l'imagination, peut encore être nommé ainsi si l'on pense
présence des caméras, émissions filmées ?
La radio a vécu très longtemps sur cette
puissance de la voix et du son, maintenant les choses se transforment, on vit
dans une autre époque avec d'autres outils. C'est une façon pour
moi de valoriser le contenu de l'émission, Les vidéos arrivent de
façon très massive. Y'a des émissions qu'on
écoutera toujours, sans forcément passer par la vidéo, on
a envie d'entendre la voix d'un animateur. Je ne suis pas sûr que voir
Guillaume Galienne soit très intéressant.
l D'après vous la vidéo peut enlever de la
liberté dans la production d'une émission, dans les propos, le
traitement de l'information ? ou au contraire va-t-elle permettre plus
d'ouverture sur de multiples sujets ?
Pour les invités politiques parfois ça peut
jouer. Ils savent qu'ils sont suivis et filmés en permanence, leurs
propos sont rapportés d'une façon ou d'une autre si une chose
doit émerger .Les caméras ,on les oublie ce n'est pas un
problème.
64
- Guide d'entretien destiné aux techniciens de France
Inter
65
1/ Profil / parcours de
l'interviewé(e)
· Depuis combien de temps êtes-vous à France
Inter ? 2/ Activités en radio
· Pouvez-vous me raconter une journée type en
quelques mots s'il vous plait 3/ Expériences en radio
filmée
· Selon vous quelles étaient et sont les
motivations de cette chaîne dans l'investissement de la production
vidéo ?
· Certaines émissions sont filmées,
d'autres non ? Pourquoi selon vous ? (Quel contenu filmer ? Quels genres ?)
· Avez-vous du adapter vos pratiques professionnelles au
sein de la chaîne avec l'arrivée des caméras dans les
studios ? (nouvelles missions ? pratiques multitâches ?)
· Pouvez-vous me raconter une petite anecdote!
expérience ! souvenir avec la radio filmée (sur les journalistes,
le studio, les invités ou vous-même)
4/ perception de la radio visuelle
· Que pensez-vous de la radio visuelle ? En quoi et
pourquoi est-elle amenée à se développer selon vous ? Quel
est son avenir ?
· Pensez-vous que la radio visuelle peut ramener plus de
crédibilité (dans la possibilité désormais de voir
la voix), ainsi qu'un renouvellement de confiance envers les médias
(à travers la multiplication des supports)
· La radio, ce média de l'imagination peut-il
encore être nommé ainsi si l'on pense présence des
caméras, émissions filmées ?
· D'après vous, la vidéo peut enlever de
la liberté dans la production d'une émission, dans les propos, le
traitement de l'info ? (lorsque l'on sait que l'on est filmé, la
façon de s'exprimer, se comporter peut être modifié selon
vous ?)
- Notes d'entretiens
? Patrick Henry, vendredi 4 mai, technicien du son
1/ Profil / parcours de
l'interviewé(e)
· Depuis combien de temps êtes-vous à France
Inter ?
Je suis entré à Radio France en 1982 et
à France Inter en 2005
2/ Activités en radio
· Pouvez-vous me raconter une journée type en
quelques mots s'il vous plait
Notre planning est tournant sur 10 semaines et varie de
jour en jour. Nous pouvons travailler en journée, le weekend ou la nuit.
Arrivé au travail, je vérifie les émissions que je dois
faire ou diffuser dans la journée et leur répartition dans les
studios. Puis j'assure les enregistrements et directs prévus au planning
en changeant de studio suivant les cas.
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3/ Expériences en radio filmée
· Selon vous quelles étaient et sont les
motivations de cette chaîne dans l'investissement de la production
vidéo ?
Les chaînes pensent attirer un nouveau public,
qu'elle pense totalement accro aux images, vers ses émissions.
· Certaines émissions sont filmées,
d'autres non ? Pourquoi selon vous ? (Quel contenu filmer ? Quels genres ?)
Certains producteurs ou artistes refusent d'être
filmés, soit par respect de l'esprit radio, soit parce que les
conditions de tournages ne sont pas optimums.
· Avez-vous du adapter vos pratiques professionnelles au
sein de la chaîne avec l'arrivée des caméras dans les
studios ? (Nouvelles missions ? pratiques multitâches ?)
Certains d'entre nous ont appris l'utilisation des
outils, mais la plupart des techniciens connaissent les outils par passion
à l'extérieur. Pour le moment, le travail de la radio proprement
dite ne s'est pas trop plié aux exigences de la vidéo.
4/ perception de la radio visuelle
· Que pensez-vous de la radio visuelle ? En quoi et
pourquoi est-elle amené à se développer selon vous ? Quel
est son avenir ?
Je pense qu'il s'agit d'une mode qui ne repose sur rien.
Un complexe de certaines personnes qui travaillent à la radio en
estimant qu'il s'agit d'un pis-aller de la télévision.
J'ignore si de mode de consommation de la radio va se
développer. La tendance actuelle me semble être plus tenir du
remplacement. On essaye en fait de faire de la télévision
à très faible coût pour nourrir les nombreux canaux qui
émergent.
· Pensez-vous que la radio visuelle peut ramener plus de
crédibilité (dans la possibilité désormais devoir
la voix), ainsi qu'un renouvellement de confiance envers les médias
(à travers la multiplication des supports)
Je pense même très exactement le contraire.
Voir les animateurs ou les journalistes leur retire bien souvent du
crédit. Gestes, grimaces de mécontentement, préparation
des papiers, discussion avec les invités pendant la diffusion
d'éléments sonores... Tout ce que l'on voit des coulisses,
même si c'est amusant ou intéressant par ailleurs pour l'auditeur,
diminue la chance d'être emporté dans le contenu d'une
émission. C'est vrai à la radio comme au théâtre ou
au cinéma.
· La radio, ce média de l'imagination peut-il
encore être nommé ainsi si l'on pense présence des
caméras, émissions filmées ?
Beaucoup plus difficilement.
· D'après vous, la vidéo peut enlever de
la liberté dans la production d'une émission, dans les propos, le
traitement de l'info ? (Lorsque l'on sait que l'on est filmé, la
façon de s'exprimer, de se comporter peut-être modifié
selon vous ?)
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On commence à voir ce problème dans
certaines émissions où l'invité n'oublie pas qu'il est
scruté en permanence. Et contrairement à la
télévision à laquelle il peut être habitué,
il n'a pas de retour vidéo et ne sait pas s'il est ou pas à
l'image. C'est une des raisons pour lesquelles certains professionnels des
médias refusent d'être filmés à la radio.
? Pauline Laverdure, Lundi 7 mai, technicienne du son 1/
Profil / parcours de l'interviewé(e)
Technicienne son à Radio France depuis Avril
2012
2/ Activités en radio
Selon les semaines, différentes activités
:
- Semaines de matinales : mise en ondes du 7/9 de France
Inter en tant que réalisatrice de la tranche ou bien réalisatrice
des journaux
- Autres semaines : journée type = alternance
d'antennes en direct et de productions (enregistrements d'émissions PAD,
mixage protools...)
3/ Expériences en radio filmée
? Selon vous quelles étaient et sont les motivations de
cette chaîne dans l'investissement de la production vidéo ?
Pour moi, c'est pour un meilleur partage du contenu :
réseaux sociaux et reprises d'extraits sur des chaines
télévisées (surtout pour la matinale). Mais aussi pour
alimenter le site internet de France Inter
? Certaines émissions sont filmées, d'autres non ?
Pourquoi selon vous ? (Quel contenu filmer ? Quels genres ?)
Celles qui sont filmées sont celles où il y
a des chroniques « à succès », chroniques humoristiques
principalement. + d'un million de partages sur Facebook pour certaines
chroniques de Guillaume Meurice par exemple.
? Avez-vous du adapter vos pratiques professionnelles au sein de
la chaîne avec l'arrivée des caméras dans les studios ?
(nouvelles missions ? pratiques multitâches ?)
Je fais des remplacements à la coordination de
France Inter (ce sont eux qui exploitent les cameras), j'ai été
amenée à exploiter le matériel vidéo, même si
le niveau d'exploitation reste très basique, c'est toujours bien de
faire de nouvelles activités même si bien évidemment
ça change nos pratiques liées à l'univers du son
? Pouvez-vous me raconter une petite anecdote! expérience
! souvenir avec la radio filmée (sur les journalistes, le studio, les
invités ou vous-même)
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Je pense que, comme beaucoup, j'ai en tête l'image
de Christiane Taubira qui a été reprise par plusieurs chaines de
télé / zapping, où, oubliant ou ne sachant pas qu'elle
était filmée, a fait une grimace pendant une matinale.
C'était au début de la radio filmée, peut-être en
2015/2016.
4/ perception de la radio visuelle
? Que pensez-vous de la radio visuelle ?
Ce n'est pas forcément une mauvaise chose parce que
ça permet un meilleur partage du contenu, mais il arrive que ce soit au
détriment de l'antenne, et dans ce cas-là c'est
complètement contradictoire avec le média Radio. Quand on doit
adapter nos méthodes de travail POUR la vidéo je trouve ça
stupide. C'est la vidéo qui doit se plier à nos méthodes
de travail selon moi et pas l'inverse.
? En quoi et pourquoi est-elle amenée à se
développer selon vous ? Quel est son avenir ?
Les moyens mis pour la vidéo par Radio France ne
sont pas énormes par rapport à la concurrence, et le rendu s'en
est souvent fait ressentir. On est passé en HD que très
récemment par exemple.
? Pensez-vous que la radio visuelle peut ramener plus de
crédibilité (dans la possibilité désormais de voir
la voix), ainsi qu'un renouvellement de confiance envers les médias
(à travers la multiplication des supports)
Je pense que la radio visuelle n'a rien à voir avec
la crédibilité d'un média. Elle peut permettre cependant
de toucher un public plus large (réseaux sociaux).
? La radio, ce média de l'imagination peut-il encore
être nommé ainsi si l'on pense présence des caméras,
émissions filmées ?
Non, la présence des caméras casse l'aspect
« mystérieux » de la radio, c'est pourquoi je pense qu'une
certaine partie seulement des émissions/chroniques devraient être
filmées.
? D'après vous, la vidéo peut enlever de la
liberté dans la production d'une émission, dans les propos, le
traitement de l'info ? (Lorsque l'on se sait filmé, la façon de
s'exprimer, se comporter peut-être modifié selon vous ?)
Tant que les caméras restent immobiles, petites et
discrètes comme elles le sont aujourd'hui, je pense qu'elles
n'altèrent pas le propos des invités. Ils oublient souvent qu'ils
sont filmés. Même si la caméra est quand même
présente, inconsciemment cela peut donc jouer. Si dans l'avenir de la
radio visuelle, ils posaient des caméras plus imposantes ou en gros
plans je pense que ce ne serait pas tout à fait la même chose au
niveau du comportement/propos...
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? Rencontre avec Colas Zibaut, responsable de la cellule
vidéo à France Inter Quel métier exercez-vous
à France Inter et depuis combien de temps ?
Je suis responsable de la cellule vidéo de France
Inter depuis septembre 2016, je m'occupe de l'acheminement des vidéos
sur les canaux de distribution web : prendre des vidéos conçues
par des techniciens et les mettre sur les réseaux .Il définit et
développe Définition et développement de la
stratégie vidéo de la chaine, en accord avec le directeur du
numérique de France Inter, le pôle Community Management et les
chargés d'édition. Mise en place de nouveaux outils web
d'hyperdiffusion et de dissémination des contenus vidéo (Facebook
live, découpe d'extraits viraux) ; accompagnement de la conformation
éditoriale de la chaine YouTube et mise en place du sous-titrage). Il y
a des chaines de production assez conséquentes même si ce n'est
pas de la télévision.
L'arrivée des productions natives au sein de
l'antenne à crée un débat sur le terme « natif »
toutes les productions faites hors univers radiophonique. Le mode de
distribution et tout ce qui est relatif à l'écriture, on appelle
natif ce qui est conçu produit et distribué pour le web. Pour
France inter, ça implique de faire des choses qui ne sont pas
distribuées à la radio forcément. Il y a une
séquence qui s'appelle Profession Reporter qui est enregistrée
par nos propres moyens.
Certaines émissions sont filmées, d'autres
non, pourquoi selon vous ?
Cela relève de plusieurs facteurs. Le carrefour
d'audience c'est la matinale, on ne fait pas beaucoup de vues mais on est
obligé de la filmer, ce serait étrange de pas mettre en valeur ce
moment de radio essentielle. D'autres questions plus pragmatiques viennent en
jeu comme l'organisation de la vie de la radio, ce sont les techniciens qui
captent ces vidéos avec des effectifs très
limités.
Selon vous, la radio visuelle permet davantage de
liberté ou au contraire en enlève ?
La plupart du temps les invités ne savent pas
qu'ils sont filmés, les politiques, ça fait depuis 2007 qu'ils
sont filmés, ils sont au courant, quand Ruffin ou Philippot viennent,
ils en jouent évidemment. A la radio la voix est riche d'émotion.
Maintenant c'est visuel, ça rend bien aussi de façon sonore, je
fais mon jeu d'acteur spécifiquement pour la caméra. « Il
faut que je sois éloquent parce que je vais être vu et entendu.
» Ça nous arrive de prendre une invitée de la Une de la
science, il y a une interview et on fait une face Cam, il est
libéré de la question du son et est du coup davantage
expressif.
François Hollande est venu il y a trois semaines
dans la matinale, la première partie de l'émissions s'est faite
sur les ondes en Facebook Live, Il ne fallait pas faire la différence,
les deux produits ont été similaires.
Les vidéos qui fonctionnent le mieux d'un point de
vue sémiologique, sont celles qui ont un rapport au champ lexical de
l'émotion.
Aujourd'hui, tout l'enjeu est d'intégrer cette dose
d'interactivité, ce qu'on ne fait pas très bien à France
Inter. Dans le champ des médias, y'a les pure players, les médias
qui n'avaient pas de canaux traditionnels, se sont lancés, ce qui
implique qu'en terme de moyens économiques il a fallu se
débrouiller. France Inter fait partie des médias traditionnel (de
plus de 50 ans) la transition vers le numérique se fait à des
échelles très diverses. Le Monde très tôt a fait une
bascule vers le numérique ; la presse a été la
première touchée par la crise. Les télévisions sont
en train de se faire grignoter, Pour le champ de la
70
radio, les audiences FM ont rarement étés
aussi bonnes, notre transition numérique s'est faite à 50%.
Convertir des informations analogiques en data.
Annexe 2 Studio radio
71
Régie vidéo
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