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La radio visuelle au coeur de France Inter: Mutation des formats et des pratiques professionnelles

( Télécharger le fichier original )
par Calypso LE GUEN
Université Paris 13 Villetaneuse - Master 1 « Culture, médias » 2018
  

Disponible en mode multipage

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Juin 2018

UNIVERSITE PARIS XIII

UFR DES SCIENCES DE LA COMMUNICATION

La radio visuelle au coeur de France Inter
Mutation des formats et des pratiques professionnelles

Master 1 « Culture, médias »

Présenté et soutenu par Calypso Le Guen

Sous la direction de Madame Aude Seurrat

1

Remerciements

Je tiens à remercier ma directrice de mémoire, Aude Seurrat, pour l'aide et le temps qu'elle m'a consacré.

Je remercie les professionnels de France Inter qui ont très aimablement accepté de me rencontrer pour un entretien;

Sonia Devilliers, productrice, Le Grand Bain, l'Instant M

Nicolas Demorand, producteur, 7/9

Tanguy Pastureau, chroniqueur humoristique, Tanguy Pastureau maltraite l'info

Charline Vanhoenacker, productrice, Le Billet de Charline Vanhoenacker, Par Jupiter !

Dorothée Barba, productrice, Captures d'écrans

Mathieu Vidard, producteur, La tête au carré

Colas Zibaut, responsable du pôle vidéo à France Inter

Mes remerciements vont également à Pauline Laverdure, Patrick Henry et Kevin Peulot techniciens du son à France Inter

Et merci à Marine et Jean Marc pour leur relecture attentive.

2

Sommaire

INTRODUCTION 3

I) L'APPARITION DE LA VIDEO AU COEUR D'UNE STRATEGIE D'ANTENNE : L'EXEMPLE DE

FRANCE INTER. 7

1) ORGANISATION DE FRANCE INTER 8

a) L'arrivée de la « Radio visuelle » à France Inter 10

b) Positionnement de l'antenne dans le paysage radiophonique actuel 12

2) STRATEGIE GLOBALE DE L'ANTENNE SUR LE NUMERIQUE 15

a) Les choix de l'antenne sur les programmes et contenus à filmer 17

b) Fragmentation des vidéos de France Inter 19

3) RECEPTION DES VIDEOS DE FRANCE INTER SUR LES CANAUX DE DISTRIBUTION 22

a) Multiplication des supports 23

b) Nombre de vues sur les vidéos de France Inter 24

II) MUTATIONS DES PROFESSIONS RADIOPHONIQUES 26

1) L'ERE DU NUMERIQUE TRANSFORME LES METIERS 27

a) Les conditions de travail matérielles, humaines, économiques, temporelles, techniques et spatiales 28

b) Polyvalence des métiers : nouvelles pratiques, formations et compétences radiophoniques 29

2) LES STUDIOS : NOUVELLES COULISSES DE LA PROFESSION 31

a) Les auditeurs, nouveaux spectateurs du studio de radio 33

b) Les caméras permettent une ouverture physique de la Maison de la Radio 35

3) LA RADIO VISUELLE COMME PROLONGEMENT DE LA RADIO 36

a) L'image complémentaire du son 37

b) Post émission : de nouvelles missions pour les professionnels de France Inter 39

III) DEBATS AUTOUR DE LA CONVERGENCE DES MEDIAS 40

1) DU NOUVEAU SUR LA REFORME DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC 40

a) Etats des lieux pour Radio France 40

b) La Maison de la Radio, fer de lance dans l'évolution de l'audiovisuel public 42

2) RADIO FRANCE ET SON OFFRE A 360° AU SERVICE DES PUBLICS 42

a) France Inter vers un média global 43

b) Facebook Live et la radio visuelle 43

3) QUAND LE PODCAST DEVIENT NATIF 44

a) L'offre personnalisée : une plus forte pérennité face au média traditionnel ? 45

b) Retour en force de l'audio 45

CONCLUSION 47

BIBLIOGRAPHIE 49

ANNEXE 1 53

Entretiens 53

-Grille d'entretiens destinés aux journalistes/producteurs/chroniqueurs de France Inter 53

-Guide d'entretien destiné aux techniciens de France Inter 64

ANNEXE 2 70

Studio radio 70

Régie vidéo 71

3

Introduction

Entreprendre un travail sur ce grand média1 qu'est la radio n'est pas aisé. Il existe de multiples manières de l'analyser dans la mesure où, en tant que support, la radio a accompagné de grands moments de l'Histoire. Sa définition varie mais considérons que tout au long de cette réflexion, l'objet que nous étudierons sera la radio considérée en tant que média,2 ce média centenaire et en perpétuelle évolution. Dénommée média de masse, la radio a cette puissance, dès ses premières expérimentations, de s'adresser dans un même temps à un grand nombre de personnes situées dans des endroits différents. 3

Le paysage radiophonique contemporain a été bouleversé par le numérique, tant dans son mode de production que de transmission et de réception; la question de la radio filmée s'est alors imposée comme objet d'étude.

La radio, ce média délaissé4 selon les dires de Jean François Têtu, connaît un réel regain d'intérêt depuis quelques années dans le contexte de la transition numérique.

La radio historique de flux, de l'éphémère et du direct se voit de plus en plus modifiée et suscite des débats contemporains suite à l'arrivée de nouveaux outils qui la transforment. Ce média du son par excellence est aussi le média de la proximité, qui nous touche au quotidien. L'ère des postradiomorphoses5 s'impose à nous et nous amène à nous questionner sur les enjeux contemporains autour de nos médias traditionnels depuis des décennies. Le numérique entraine une restructuration profonde de la radio dont l'audience est vieillissante, même si elle reste un média de masse.

Le passage de l'analogique au digital a fait naître de nouveaux formats. En lui apportant des changements que l'on n'aurait pas imaginés il y a encore quelques années, elle apparait plus imposante aujourd'hui. En effet son caractère dépourvu d'images est remis en question par les fonctionnalités émergentes.6 Diffuser la radio autrement, avec une offre élargie, devient courant pour de nombreuses stations. Ce média, écouté traditionnellement sur la modulation de fréquence FM a vu les modes de consommation transformés. La radio permet le multitâche. Ce

1 Philippe Marion, Narratologie médiatique et médiagénie des récits, Recherches en Communication, 1997

2 Rémy Rieffel, Que sont les médias ? Pratiques, identités, influences, Paris, Gallimard, 2005

3 Rudolf Arnheim, Radio, Paris : Van Dieren, 2005

4 Jean François Têtu, la radio un média délaissé Hermès, La Revue 2004/1 (n° 38)

5 Sébastien Poulain, Postradiomorphoses : petit bilan des mutations radiophoniques à l'ère du numérique, RadioGraphy, 2013

6 Frédéric Antoine, Analyser la radio : méthodes et mises en pratique, De Boeck supérieur, 2016

4

média de l'accompagnement a élargi sa visibilité en s'intégrant à tous les objets numériques, tels les smartphones ou les tablettes. On peut désormais écouter la radio sur ces objets et en différé. Le développement de nouveaux usages génère de nombreuses études sur leur progression. L'apparition de la vidéo se présente comme le symbole paradigmatique de la mutation du média et constitue un grand axe stratégique pour les antennes. Montrer la ou les voix, en direct ou en différé en permettant de visualiser le travail des équipes constitue un bouleversement majeur. L'absence d'image à la radio, qui fait partie de ses origines est questionnée par l'apparition de la vidéo dans les studios. J'ai placé au coeur de ma réflexion l'étude des acteurs de la radio en prenant l'exemple de France Inter. Ce choix est idéal pour comprendre les réalités professionnelles et les évolutions au sein d'une même structure.7 Les chaînes de radio possèdent une organisation sociale et économique comme toute structure. Les premiers touchés par l'ère du numérique sont ceux qui font la radio avec des méthodes classiques. Notre perception du média est le reflet de son fonctionnement. La radio « filmée », « visuelle » ou « augmentée », définie selon les voeux de chacun est un phénomène qui participe grandement de l'évolution du numérique dans un média traditionnel. Les acteurs internes de la radio étaient en première loge quand les caméras sont apparues dans les studios.

Ainsi, la question à laquelle mon mémoire s'efforce de répondre est : « En quoi l'apparition de la vidéo à France Inter transforme-t-elle la médiativité 8 de la radio ?

Nous essaierons de comprendre l'impact sur la « singularité différentielle »9 du média radio avec l'arrivée de la vidéo en rappelant qu' « un média n'est pas l'autre ».10

C'est à travers plusieurs hypothèses que ma réflexion s'est construite :

- Filmer France Inter est une stratégie de l'antenne pour rajeunir l'audience, en allant chercher le public là où il se trouve « On n'est pas obligé de faire de l'image mais on est obligé d'être là où sont les gens ».11

- La vidéo change le style radiophonique des journalistes, producteurs, présentateurs d'émissions. Le fait d'être filmé modifie le comportement et les propos des personnes présentes à l'intérieur du studio. L'écriture radiophonique se voit ainsi transformée

7 ibid.

8 Philippe Marion. Narratologie médiatique et médiagénie des récits. Recherches en communication, 1997

9 ibid.

10 Ibid. p.78

11 Silvain Gire, cofondateur et directeur éditorial d'Arte radio pour le magazine Syntone

5

lorsqu'elle doit s'adapter à nouvelles situations. De plus, le facteur stress se fait davantage ressentir dans la prosodie et les mouvements corporels lorsque l'on est filmé.

- La relation avec les invités varie car le studio, transformé par la présence des caméras, modifie le comportement des personnes. Mettant en jeu confessions, relations intimes, le studio filmé influe sur la liberté de leur propos. Les invités peuvent jouer avec la caméra se sachant filmés.

- Les professionnels de la radio n'apprécient pas forcément la radio filmée et pensent qu'elle dénature complètement le média du son.

Méthodologie :

La radio est un média que j'écoute depuis mon plus jeune âge. Entreprendre un travail universitaire sur ce média m'est apparu comme une évidence. L'élément déclencheur de ma réflexion a été le visionnage du Billet hebdomadaire de François Rollin12. Il se positionne en fervent détracteur de la radio filmée au sein de l'antenne tout en jouant avec la caméra. Je devais visionner cette vidéo pour comprendre davantage l'ambivalence de cette mise en scène.

Pour explorer l'ensemble des hypothèses et répondre à la problématique, ma recherche a été exclusivement qualitative. J'ai réalisé des entretiens individuels avec des journalistes, chroniqueurs et techniciens de France Inter ce qui, rappelle Bernard Braudy permet « d'acquérir des connaissances sur les réalités culturelles et sociales définies, dans des contextes précis » L'ouvrage qui m'a motivé est Analyser la radio, Méthodes et mises en pratique, sous la direction de Frédéric Antoine. En plus d'être un ouvrage complet sur ce grand média, il propose une riche bibliographie à laquelle j'ai prêté une grande attention.

J'ai enfin fondé ma démonstration sur des articles de presse et un corpus de vidéos et d'émissions de France Inter. De nombreux articles ont traité la question de la présence des caméras dans les studios en opposant les arguments des détracteurs et ceux des défenseurs de la radio filmée.

12 Le billet de François Rollin, La radio c'est la radio, 14 octobre 2014

6

J'ai fait appel à d'autres références lorsque cela semblait pertinent dans ma réflexion. Il s'agit de chroniques radiophoniques essentiellement :

- Tanguy Pastureau maltraite l'info (plusieurs chroniques)

- Le billet de Charline Vanhoenacker : Pandi Panda « Libérez Nicolas Hulot » 12 octobre 2017

- Le billet de Charline Vanoenacker : François Hollande, 6 Janvier 2015

Je me suis rendue à la Maison de la Radio et j'ai pu observer les éléments sémiotiques d'un des studios d'enregistrement.

J'ai pu assister à des émissions qui étaient filmées.

Ces méthodologies ont été menées en parallèle et se sont enrichies mutuellement.

Dans un premier temps je m'intéresse à l'insertion de la vidéo dans la stratégie d'antenne de France Inter. L'ère du numérique a poussé la station à se développer sur le web en créant des nouveaux formats, pour tenir compte, d'une part de la concurrence grandissante des géants tels que YouTube, Spotify ou Netflix, d'autre part une concurrence croissante à l'intérieur même du paysage radiophonique. Dans un second temps je tente de décrypter les réalités professionnelles à travers l'évolution des métiers de la radio à l'ère du numérique. La rencontre avec des personnes travaillant à France Inter m'a permis de comprendre pratiques et ressentis liés à l'apparition des caméras dans leur environnement de travail quotidien (entretiens répertoriés que nous retrouverons dans les coulisses du mémoire). Enfin je m'interroge sur la convergence des médias dans le contexte de la réforme de l'audiovisuel public ainsi que de l'arrivée de nouveaux formats natifs.

7

I) L'apparition de la vidéo au coeur d'une stratégie d'antenne : l'exemple de France Inter.

La radio ne se trouve pas en difficulté, comparée à la presse écrite qui subit une crise due aux mutations en cours. La radio reste le média préféré des Français13, celui auquel ils font le plus confiance. Il est jugé fiable devant la presse écrite et la télévision. Deux heures et cinquante minutes, telle est la durée d'écoute moyenne par jour14 ; ce qui fait de la radio un média très puissant. L'intérêt pour la radio ne se dément pas même si l'on a pu l'imaginer totalement remplacée par la télévision. À travers cette étude, mon ambition n'est pas de me situer à l'échelle internationale, ce que font très bien, par exemple, les colloques du Groupe Radiophonique d'Etudes sur la Radio, mais de me concentrer sur la situation de la radio en France.

Les politiques numériques des radios ont pu accuser un certain retard, plus marqué pour certaines que pour d'autres. Les nouveaux outils apportés par l'univers digital intriguent, fascinent et sont de plus en plus présents dans nos vies. Pour pouvoir se maintenir, je dirais même survivre face à ces outils, le média n'a pas attendu pour se convertir au numérique, depuis plusieurs années déjà. Les radios, qu'elles soient publiques ou privées se sont familiarisées avec Internet. Un passage obligé pour les médias traditionnels. France Inter a particulièrement développé son site internet et son application mobile.

France Inter a des missions quotidiennes d'information et a un véritable engagement auprès de ses auditeurs, à travers les programmes qu'elle propose. La station fait partie du groupe Radio France. La Maison de la Radio est la structure, France Inter l'opérateur de l'antenne.

L'entreprise Radio France existe depuis plus de 40 ans et compte plus de cent quarante professions différentes.15

Opérateur de service public, Radio France est financée par la redevance16 ; elle propose un éventail très riche de programmes.

L'activité de France Inter s'exerce dans un contexte précis. L'antenne a des chaînes soeurs dans le groupe Radio France : France Culture, France Musique, France Info, FIP, le Mouv', France Bleu et ses quarante-quatre antennes locales.

13 Laetitia Allemand, Jean Michel Oullion, Les grandes questions des médias : enjeux et stratégies des médias contemporains, L'étudiant, coll. Connaissance, 2005

14 Résultats Médiamétrie

15 Site de Radio France

16 Jean Jacques Cheval, Les radios en France, Histoires, état et enjeux, 1997

8

La vidéo est apparue dans les stations à des périodes différentes. Les expériences de radio filmée remontent à quelques années déjà, dans les années 90. Le développement dans ce domaine est assez récent plus particulièrement dans les radios généralistes. Ces dernières proposent aujourd'hui des émissions captées en vidéo. Aujourd'hui la question centrale qui se pose à ce media dédié au son, est de filmer de manière pertinente la radio.

1) Organisation de France Inter

France Inter existe depuis plus de cinquante ans. Créée en 1963, elle a fêté son demi-siècle en 2013. France Inter à une histoire longue et mouvementée. « Un demi-siècle de notre histoire, sur une formidable aventure radiophonique, passée, présente et certainement à venir » mots écrits par un journaliste 17 dans la préface de La saga France Inter : amour grèves et beautés. France Inter est issue de Paris Inter née en 1947 et créée par Roland Dhordain un fidèle du Général de Gaulle, qui avait pour objectifs de faire une « radio de proximité moderne »18

France Inter a connu de grands changements dans son organisation et son fonctionnement depuis sa création, au gré des différents cadres dirigeants. Les grilles de programmes ont évolué à travers le temps, la station elle-même a évolué en veillant toujours à s'adapter à son époque. Elle est la radio généraliste de Radio France qui à travers d'une programmation éclectique assure pleinement sa mission de service public. Radio France, l'opérateur, est porteur de missions éducatives et sociales. Le professionnalisme des personnels de France inter est au service d'un large public. Laurence Bloch dirige France Inter depuis mai 2014. Elle a succédé à Philippe Val, directeur depuis 2009.

Les « modes de direction », les ambitions de chacun, ont façonné France Inter et fait, au fil du temps, ce qu'elle est aujourd'hui. Mathieu Vidard, journaliste et producteur de plusieurs émissions de Radio France depuis vingt-cinq ans, collabore à France Inter depuis quinze ans. Lors de notre entretien, il a dit et redit « la radio a beaucoup changé ». Témoin de multiples évolutions, des réalités professionnelles et organisationnelles de Radio France et plus spécifiquement de France Inter, il a partagé sa propre expérience et ses ressentis sur cette radio. Des nouveautés sont apparues. La station généraliste, malgré les changements éditoriaux

17 Anne Marie Gustave, Benoit Abbey, La saga France Inter : Amour grèves et beautés. 2013

18 Ibid.

successifs, et la prise en compte des formats émergents, continue de proposer un journal radiophonique complet.

L'antenne, dans sa politique éditoriale, se veut très proche de ses auditeurs, et dans ce sens, a su créer ce qui se vérifie par la création des slogans qui interpellent. Elle installe cette relation de proximité avec, par exemple, son slogan « InterVenez ». L'actuel slogan dominant est: « Vous êtes bien sur France Inter ». La communication est un enjeu majeur pour l'antenne. C'est ce qui construit son identité, et l'image qu'elle veut renvoyer auprès d'un large auditoire. La communication visuelle est désormais tout aussi importante.

France Inter doit faire face à un public habitué à de nouvelles pratiques, à ce que j'appellerai une « révolution des usages ». La station réfléchit à une politique de développement nécessaire pour prendre sa place dans le monde du tout numérique, avec des stratégies qui répondent aux besoins de la société française. L'omniprésence du 2.0 est l'élément déclencheur de la mise en place de nouveaux formats. France Inter est la première radio publique, mais comme toute radio, elle développe un caractère bipolaire. 19 Les évolutions en cours touchent le média radio qui n'a d'autre choix que de s'adapter, bénéficiant, dans le cas de France Inter, d'un lien affectif avec ses auditeurs traditionnels, fidèles, attachés à la « marque», et qui vont, consciemment ou pas, transmettre cet attachement, comme on transmet un héritage.

On parle d'une trajectoire radiophonique20 qui atteint les enfants nés avec la culture de l'image et la multiplication des écrans. Le succès mondial des outils tels que le smartphone a changé la donne ; la radio a ainsi étendu son réseau.

9

19 Hervé Glevarec ma radio engagement et attachement, coll. Etudes et controverses, 2017, 119 p

20 Ibid.

10

a) L'arrivée de la « Radio visuelle » à France Inter

France Inter et les radios soeurs déménagent. Elles quittent des locaux de la Maison de la Radio pour un plan de réhabilitation, qui s'étend sur quelques années. Tout doit être refait à neuf. Des émissions étaient filmées, il a déjà plusieurs années pour certaines d'entre elles à France Inter. Le processus était plus ou moins rapide, selon les stations. C'était une réelle nouveauté pour un média dont le son est l'empreinte génétique.21 Plus qu'une simple innovation, un saut dans l'inconnu pour les professionnels, tenus d'adapter leur manière de faire de la radio. Il y avait le son, élément fondateur... voici la concurrente historique qui débarque : l'image ! La radio filmée ou la « la radio visuelle » n'est plus une hypothèse de travail, ni même un vague « complément de la radio ». Elle est là et s'impose à tous, qu'ils l'aient désirée ou pas (les gens de radio n'ont-ils pas rêvé, pour un certain nombre d'entre eux, de « faire de la télé » ou, à défaut, de pouvoir être vus et pas seulement entendus ?) La mobilisation générale est décrétée : chacun doit contribuer à la réussite du mariage entre le son-roi, jusqu'ici seul, et l'image, déjà reine sur les écrans mais toujours conquérante au point de faire une entrée discrète, mais concrète dans la radio.

Le changement est perceptible dans les studios de France Inter, marquant l'arrivée de la radio visuelle. À l'entrée, sur la porte, un petit écriteau indique aux invités qu'ils vont être filmés, pour les besoins de la réalisation.22 L'habillage du studio a été transformé. 23 Lorsqu'une émission est captée en vidéo, les invités et les animateurs sont filmés de sorte qu'apparaisse clairement à l'image le visuel « franceinter.fr». Le fond est de couleur rouge, couleur dont la chaîne est titulaire, au sein du groupe Radio France. L'habillage de la « Radio visuelle » a été conçu pour permettre le fonctionnement d'un système automatisé pour le « live » et le podcast des émissions24.

La vidéo est retransmise sur Internet, ce qui nécessite une identité graphique animée. Des investissements sont également nécessaires pour filmer la radio. Mise en place des caméras dans les studios, manière dont elles sont positionnées... Chaque détail compte pour que l'image soit d'un bon niveau professionnel.

21 Philippe Marion, Narratologie médiatique et médiagénie des récits, page 79

22 Observations à la maison de la radio, Lundi 30 avril

23 Entretien avec Colas Zibaut, responsable de la cellule vidéo, annexe 1

24 Vidéo Habillage radio visuelle de France Inter

11

L'entrée des caméras dans les studios amène à réfléchir aux raisons qui ont conduit à cette petite révolution. Filmer les journalistes, les producteurs, les chroniqueurs et les invités n'est pas anodin. La manière dont cela a été proposé et préparé est propre à la station, donc propre à l'opérateur, l'acteur structurel, la Maison de la Radio25. La radio est désormais visible, susceptible d'être regardée par toute personne qui le souhaite, aux quatre coins de la planète, à commencer par les pays francophones. Ce qui la pousse à déterminer ce qu'elle veut montrer d'elle-même. L'organisation doit se transformer. La vidéo est un élément déclencheur de transformations.

Cela fait de nombreuses années que certaines émissions de France Inter sont filmées mais c'est depuis 2014 que les directs des matinales le sont. En 2006, après le lancement des chaînes d'info télé en continu, France Inter a été une des premières radios à filmer les invités de sa matinale, pour pouvoir justement bénéficier des reprises de séquences sur les télés. Au départ, seul était concerné l'invité de 08h20, puis l'invité de 07h50 et la chronique de l'humoriste, avec à l'époque les succès d'audience de Stéphane Guillon, qui réalisait de vrais succès d'audience. Le coup d'accélérateur a été donné le 1er septembre 2014 avec le lancement du streaming de la matinale, le 7-9 vidéo en direct, et depuis, progressivement, les tranches horaires et de programmes se sont étendues.26

Mathieu Gallet, en 2014 prend la présidence de Radio France après avoir été, depuis 2010, président puis directeur général de l'Institut National de l'Audiovisuel. Il donne à l'apparition des caméras dans les studios de France Inter, le nom de « radio visuelle ». La vidéo, sous son impulsion, a pris une place prépondérante. Le matériel vidéo est visible de tous et va faire partie, rapidement, du paysage. Ceci ouvre des horizons nouveaux dans l'organisation de la station, à plusieurs niveaux. « L'infrastructure matérielle et conversationnelle prédéfinit des places pour chacun des participants, émetteur comme récepteur ».27

La radio visuelle a un coût, du fait de la mise en place de nouveaux équipements, cela implique des investissements assez lourds pour mettre en place les outils du numérique. De l'autre, cela doit générer des bénéfices dans la stratégie numérique de l'entreprise. Quel intérêt ? C'est tendanciel, c'est devenu un réflexe d'usage, dirions-nous. Il s'agit d'une expérience radiophonique qui pose le problème du caractère aveugle de la radio, de son ADN.

25 Frédéric Antoine, Analyser la radio, méthodes et mise en pratique, page 54

26 Site officiel de France Inter : France Inter, 1ère radio en île de France- 1ère matinale en île de France

27 Frédéric Antoine, op cit. Page 84

12

« Si l'on décidait de capter de cinq heure du matin à minuit cela demanderait des effectifs très importants, les micros guidant les changements de plans des caméras. Si les intervenants passent leur temps à se couper la parole c'est compliqué ».28

La caméra c'est tout une organisation, il faut du temps pour réfléchir aux conditions dans lesquelles elle va fonctionner et se développer dans les studios.

b) Positionnement de l'antenne dans le paysage radiophonique actuel

Comparer France Inter à d'autres stations de radio serait très long si l'on ne cible pas ses concurrentes directes. L'essentiel de sa construction réside dans une stratégie de différenciation importante pour l'antenne en prônant une valeur ajoutée.

Les transformations subies par la radio dans le contexte numérique démontrent à quel point les médias classiques, dits « de masse », sont concurrencés par l'univers d'internet qui est devenu un relais d'informations imposant. L'exemple parlant souvent cité est celui de la musique en ligne qui prend une place prépondérante.29

Il existe une multitude d'antennes de radio. Elles proposent des choses diverses, elles n'ont pas toutes les mêmes missions ou objectifs. C'est un défi encore plus important pour les radios généralistes. Les challengers de France Inter sont des stations privées. Il s'agit de RTL du groupe IP radio, Europe 1 du groupe Lagardère et RMC Info du groupe NextRadioTV avec BFMTV. Toutes les grandes stations ont intégré des images mobiles, en flux continu (streaming) ou associées à des possibilités de téléchargements en podcast30. Pour suivre une émission de radio auparavant, il n'y avait que le direct d'où le caractère d'immédiateté attribué à la radio. La radio traditionnelle a des programmes de flux et non de stock.31 Le podcast a permis de transformer « l'éphémère » en « quand on veut ».32

28 Entretien avec Colas Zibaut, annexe 1

29 Hervé Glevarec lors de la rencontre Radio vers le futur organisé pour les 20 ans de Radio Campus Paris

30 Le podcast est la contraction des mots « iPod » et « broadcast », qui signifie « diffusion ». Le podcasting c'est la diffusion de contenu sonore ou vidéo sur Internet

31 CSA, Programmes de flux et programmes de stock

32 Joël Cuoq et Laurent Gauriat, Journaliste radio : une voix, un micro, une écriture, 2016

13

La station Europe 1 a été en pointe sur la radio filmée. C'est en 2013 qu'elle propose de nombreuses heures filmées : en 2014 déjà, 75% des auditeurs pouvaient regarder et écouter en même temps33. La station, en proposant des espaces numériques conséquents donne une visibilité à l'instance médiatique34 de l'antenne.

Les stratégies peuvent varier mais sont similaires sur beaucoup de points. Filmer la radio a pour objectif de ramener de l'audience. Les stations qui ont investi dans la production vidéo sont en recherche de gains d'attractivité pour attirer davantage de public.

Avoir le meilleur invité politique dans son programme de matinée peut, par exemple, faire la différence. La concurrence était déjà intense avant l'arrivée de l'image mobile dans les stations. Aujourd'hui, elle se trouve accrue.

L'habillage de l'antenne, très représentatif de l'image d'une station participe lui aussi au renforcement de l'empreinte de l'antenne.

La vidéo à France Inter recouvre un enjeu de différenciation et se pose comme une force face à la concurrence. La chaîne revendique son rôle de prescription culturelle en créant des rubriques sur son site internet, dans lesquelles la vidéo prend une place très importante. Les formats numériques sont des formats adaptés à la vidéo.

Pauline Laverdure, technicienne du son à France Inter depuis quelques années note la différence « Les moyens mis pour la vidéo à Radio France ne sont pas énormes par rapport à la concurrence, et le rendu s'en est souvent fait ressentir. On n'est passé en HD que très récemment, par exemple ».

Sonia Devillers, productrice de l'instant M, se trouve pour sa part au coeur du phénomène car son émission est filmée.

Un jour j'ai reçu Alain Veill, patron de Next radio TV, très en avance sur ces questions-là. Il m'a dit que premièrement il ne fallait pas que ça reste à ce niveau amateur très longtemps à France Inter. Très rapidement les images produites par la radio ou même par la presse écrite se retrouvent toutes en concurrence à un moment donné. Il m'a dit aussi une chose très juste : « Ça change complètement la notion de spectacle », on est avec nos casques. Chez Europe 1 ils ont remplacé les casques par des oreillettes, parce qu'on est à l'image. ».35

33 Denis Olivennes, Assises de la radio, Paris, 25 novembre 2013

34 Laurent Fauré, Laurent Gago Analyser la radio : méthodes et mises en pratique, Chap 3 Les contenus audiovisuels, page 162

35 Entretien avec Sonia Devillers, annexe 1

L'interactivité s'est faite à France Inter à travers ses slogans, ses contenus, sa manière de s'adresser à ses auditeurs.

Europe 1 a joué la carte de l'interactivité. La possibilité de commenter une info en direct sur des live tweet36 a fait d'Europe 1 la pionnière dans ce domaine.

La radio dans l'environnement numérique a changé les fondements de la relation classique entre un média et un public.

Le téléphone permet une interaction avec les auditeurs. Certaines questions donnent l'occasion de voir l'invité réagir physiquement. La vidéo renforce l'interaction entre le studio et les auditeurs. Elle va étendre la proximité grâce tous les outils mis à sa portée. Quand des moments de radio sont un peu intimistes la possibilité pour l'auditeur de rentrer dans un journalisme participatif est possible.

Pouvoir commenter les vidéos en direct, pouvoir même tweeter sur le « live » de l'émission est une innovation propre à Europe 1. France Inter prône la proximité avec ses auditeurs et favorise l'interactivité dans ses émissions avec Interactiv' où l'auditeur à la possibilité d'appeler pour poser des questions à l'invité. Chaque station a une identité forte et l'entretient à travers l'image qu'elle donne d'elle. Comme évoqué précédemment, pour France Inter, le logo carré rouge y participe. La volonté est de placer l'auditeur dans une prédisposition d'esprit, en créant une ambiance à laquelle il soit sensible. L'habillage peut participer à l'attachement qu'une personne développe avec une antenne.

Avec son slogan « Vous êtes bien sur France Inter » la station renforce son identité. La proximité entre la production de la radio et la réception fait partie de l'imaginaire de la radio, comme le rappelle des auteurs d'ouvrages sur le média radio37. La proximité est une valeur inclue dans le média, dans ses motivations.

14

36 Groupe de mots anglais désignant un tweet crée et diffusé en direct d'un événement, dans ce contexte une émission de radio en live

37 Catherine Bertho-Lavenir et Frédéric Barbier, Histoire des médias : De Diderot à Internet, paris, 1996

15

2) Stratégie globale de l'antenne sur le numérique

« La radio connait de nombreux renouveaux, qui en modifient à la fois les contenus, les formes, les modes de transmission et de réception et revisitent son statut de média de masse ».38

Le média radio, qui dans sa « singularité différentielle »39 est un média sonore communique à l'oreille des gens. La radio filmée mobilise davantage l'attention nous appartenons à une société de l'image.

Dans l'article les radios sous un nouvel éclairage l'événement est décrypté de cette manière :

Désormais, la radio n'est donc plus seulement une affaire de micros. Fini le mystère de la voix, grâce auquel l'auditeur laissait filer son imagination, voire ses fantasmes, sur la physionomie de celle ou celui qui lui parlait le temps d'une émission. Smartphones, ordinateurs et tablettes ont changé la donne. Pour attirer un nouvel auditoire et séduire des jeunes élevés dans la culture de l'image, qui écoutent la radio sur YouTube ou par l'intermédiaire d'un écran, les stations se sont lancées - pour certaines depuis plusieurs années - dans la production de contenus vidéo, avec de petites webcams qui ont évolué au fil du temps. 40

Les jeunes sont nés avec les nouvelles technologies qui ont intégré leur mode de vie. Les usages ont extrêmement évolué ces dernières décennies.

L'âge moyen des auditeurs de France Inter est de 50 ans. La chaîne a développé une stratégie pour rajeunir son audience, la vidéo en fait partie.

Lorsqu'on va sur son site internet, une vidéo en bas à droite de l'écran apparait, en mode audio uniquement. Le site propose le contenu en vidéo et nous le conseille sur sa page d'accueil.

Les jeunes sont donc un des publics « cible » de France Inter. Ils sont les auditeurs de demain. Investir dans la production vidéo est donc le moyen de pouvoir accéder à une audience complémentaire. L'article suivant apporte un éclairage particulièrement intéressant pour répondre à la question « pourquoi filmer la radio ? »

Développer des projets sur mesure pour chaque émission, chaque tranche : Info, Humour, Culture, fait partie de la stratégie numérique globale de l'antenne. Tanguy Pastureau,

38 Séverine Equoy Hutin et Christophe Deleu Les renouvellements de l'écriture radiophonique : programme, formes, contenus, Revue Radiomorphose 2017

39 Philippe Marion, Narratologie médiatique et médiagénie des récits, Recherches en Communication, 1997

40 Daniel Psenny, les radios sous un nouvel éclairage, Le Monde, 23 octobre 2014

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chroniqueur à France Inter assure sa chronique quotidienne Tanguy Pastureau maltraite l'info depuis septembre 2017.

« C'est l'époque qui veut ça, tout le monde le fait avec plus ou moins de réussite. Ça génère des clics sur internet, ça permet d'attirer des jeunes, pour qui la radio ce ne sont que des instants de radio filmée, ce sont des gens qui sont nés avec la vidéo, je pense que ça touche un nouveau public. »

La vidéo offre de très importants intérêts économiques aux antennes de radio. De plus, le système de publicité en pré-roll41, spots de quelques secondes diffusés avant le programme en vidéo présente une source de revenus. Europe 1 et RTL revendiquent un taux de remplissage de 90% de l'inventaire publicitaire. Europe 1 ne communique pas ses chiffres mais a indiqué que la vidéo représentait 35% du chiffre d'affaires global de son site. 42

L'enjeu va se concentrer dans les plateformes telles que YouTube ou Dailymotion, comme le rappelle Marc Fernandez dans l'article Avec la radio les oreilles ont des yeux, publié sur le site INA global le 14 Octobre 2014.

Depuis des années déjà, les interviews politiques sont filmées sur un fond frappé du logo de la radio en question, et reprises dans les journaux télévisés ou sur les chaînes d'information en continu. Le but évident est la visibilité. Plus la petite phrase ou le dérapage de l'invité sont repris, plus on voit le nom de la radio. Avec le développement des plateformes vidéo en ligne comme YouTube ou Dailymotion, il est maintenant aussi question de monétisation. L'enjeu économique est loin d'être anecdotique : l'auditeur n'est plus qu'à un clic de l'annonceur. L'enjeu économique est loin d'être anecdotique, car une vidéo diffusée en ligne constitue une source de revenus supplémentaires, grâce notamment au « pré-roll » (la publicité qui passe avant le lancement de la vidéo) et peut attirer de nouveaux auditeurs.

Les nouvelles pratiques, liées à la radio filmée représentent de nouveaux modèles économiques pour les antennes. 43

Traditionnellement, la radio se caractérisait par une communication unidimensionnelle dans une logique de Push. Aujourd'hui il est possible de contester les propos d'Harold Dwight Lasswell sur

41 Anglicisme

42 Site officiel d'Europe 1, consulté le 23 mai 2018

43 Frédéric Antoine, Analyser la radio : méthodes et mise en pratiques, 2016

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son modèle de communication.44 Selon Lui, la radio, ce média de masse envoyait des messages au caractère uni latéral. Le public n'interagissait pas avec le message transmis.

À présent, une interaction s'est mise en place avec des dispositifs permettant une intervention immédiate des auditeurs internautes. Le digital a pour effet à France Inter l'élargissement du potentiel d'écoute de la radio dans un contexte concurrentiel.

a) Les choix de l'antenne sur les programmes et contenus à filmer

Dans sa stratégie numérique globale, France Inter doit faire le choix des émissions à filmer et sélectionner les contenus. Ces contenus audiovisuels sont conçus pour « vivre » dans des espaces numériques autres que le média traditionnel.45 Ce qui d'ailleurs n'est pas techniquement possible car on ne peut pas visionner une vidéo sur un support classique radio, dans sa spécificité de proposer des images à ses auditeurs. D'autres médias le permettent comme la télévision et Internet. La vidéo conçue à France Inter, est faite pour des espaces adaptés au site de France Inter et sur d'autres plateformes. France Inter propose un panel d'émissions variées tous les jours, son statut de chaine généraliste l'oblige à pratiquer l'éclectisme des thématiques.

La première émission filmée dans son intégralité a été la matinale de France Inter. En 2014, Patrick Cohen était l'animateur du 7/9. Ce carrefour d'audience stratégique la positionne comme première matinale de France comme elle le fait savoir sur son site Internet « France Inter : première radio en Ile de France, première matinale en l'Ile de France. »

Dans le « grand entretien de la matinale »46 un invité est présent dans l'émission pour commenter l'actualité. Ne pas filmer cette émission serait une erreur pour l'antenne car ses reprises de vidéos à la télévision rendent visible l'antenne de France Inter, grâce à son habillage placé sur les murs du studio.47

France Inter réalise de fortes audiences, elle peut compter sur de fidèles auditeurs attachés à la qualité de l'information autant qu'à celle des émissions de divertissement.

La prescription culturelle est une volonté forte, elle fait partie des valeurs de France Inter et se retrouve concrètement à travers des rubriques comme : Les choix d'inter ou la Sélection musicale de France Inter. Les auditeurs vont sur le site internet de France Inter et découvrent les sélections de la station en podcasts

44 Modèle de communication par Harold Lasswel

45 Frédéric Antoine, Analyser la radio, méhodes et mise en pratiques, 2016

46 Partie d'émission de la matinale 7/9

47 Photographies, annexe 2

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Les émissions retenues pour être filmées sont ensuite distribuées sur les canaux, par thèmes, en fonction de la plateforme proposée. Sur YouTube, Dailymotion ou sur le site internet, dans une disposition anti chronologique. Il est aussi possible de conserver ses sélections dans un onglet « favoris ».

Sur le site48, l'antenne accueille toutes les disciplines : ses différents rendez-vous d'information, la diversité des programmes, la richesse de sa programmation musicale, ainsi que la place accordée à l'humour en font une radio unique, libre, moderne et proche de ses auditeurs.

France Inter est la radio publique généraliste, elle a des missions différentes de celles de France Culture par exemple, sa voisine de la Maison ronde, qui présente plus de spécialités. France Inter est divisée en dix-huit tranches horaires dans la journée.49 La stratégie numérique dans sa conquête d'une audience plus jeune, a été de choisir des émissions susceptibles d'être vues. Les « radiomorphoses »50 ont apporté des nouvelles modalités de contenus que la chaîne s'approprie et adapte dans des vidéos qu'elle décide de mettre sur Internet.

La stratégie numérique globale prend en compte l'ensemble des acteurs qui font la radio, les professionnels qui travaillent à France Inter. Augustin Trapenard, journaliste, rejoint la matinale en septembre 2014 et présente l'émission Boomerang du lundi au vendredi à 9h10, « un rendezvous pop et piquant, qui puise dans l'actualité comme dans l'air du temps ». Présentée ainsi sur le site internet de la station, on aurait pu penser que l'émission « dans l'air du temps » serait filmée. L'arrivée d'Augustin Trapenard s'est faite dans un contexte de mutation car en septembre 2014, de plus en plus d'émissions étaient filmées. Cependant, mettant en avant une stratégie personnelle, Augustin Trapenard ne souhaite pas que son émission soit filmée51, les conditions de réalisation d'images à France Inter n'étant pas « optimum ».52 Augustin Trapenard est aussi présentateur d'une émission sur Canal+. Il ne veut pas qu'il y ait de différence dans le traitement de son image, par rapport au rendu des émissions de Canal +.53

Dans les émissions qui sont filmées, on va s'attacher à sélectionner les séquences à filmer à l'intérieur d'une émission. Les vidéos sont donc fragmentées pour mettre des formats plus courts.

48 Site officiel de France Inter

49 Grille 2017/2018 des radios généralistes

50 Néologisme crée pour parler de la radio à l'ère du numérique

51 Entretien avec Colas Zibaut, annexe 1

52 Ibid.

53 Ibid.

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b) Fragmentation des vidéos de France Inter

Les propos de Christophe Israël, ex-délégué aux nouveaux médias de France Inter, nourrissent de nouveaux questionnements sur la mise en place de a vidéo.

Sur les plateformes vidéo et les réseaux sociaux, nous avons encore deux pistes claires à travailler : la première c'est d'améliorer l'édition de nos contenus, pour améliorer le référencement naturel, de constituer des chaînes, des playlists pour améliorer l'organisation de la structuration de notre offre. C'est un chantier sur lequel nous travaillons actuellement. L'autre piste, c'est la mise en production de nouveaux produits, de nouveaux formats. Nous avons lancé il y a quelques semaines, Le 79 secondes, un best of humour sur YouTube qui cartonne, mais aussi des best of d'émissions, par exemple de la carte blanche dans Boomerang d'Augustin Trapenard.

Le développement de la stratégie éditoriale de distribution multicanal est le résultat de décisions principalement motivées par l'audience. Le nombre de vues est l'indicateur principal, mais l'essentiel c'est « la durée de rétention ».54 En effet la durée des visionnages est ce qui prime pour la vidéo. Le choix du format est à prendre en compte car le temps d'une vidéo est essentiel dans sa circulation et donc dans sa réception par le plus grand nombre. Les formats courts sont adaptés aux formes d'interactions. Ce sont aussi des formats très efficaces et qui s'inscrivent dans la « culture du buzz ».55

Les smartphones sont devenus les compagnons du quotidien pour une grande partie de la population. Désormais ils favorisent la multiplication de vidéos, les plus courtes permettent de faire du buzz. En fragmentant ces vidéos, la radio s'adapte 56 aux évolutions de la demande et des usages. Le règne de l'image, l'immersion57 et le partage font fait partie du quotidien. Les vidéos deviennent le mode dominant pour capter l'attention.58

54 Ibid.

55 Entretien avec Dorothée Barba, annexe 1

56 Philippe Chantepie, Alain le Diberdier, Révolution numérique et industries culturelles, coll. Repères, 2010

57 Yves Jeanneret y-a-t-il vraiment des technologies de l'information ?2007

58 Ibid.

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Les formats plus courts sont attractifs s'adaptent aux réseaux sociaux. Le pôle vidéo de France Inter est chargé de la fragmentation des vidéos. Prendre des vidéos conçues par les techniciens du son de France Inter, en les acheminant vers les canaux de distributions est une des missions quotidienne du pôle vidéo.

L'émission post matinale Boomerang animée par Augustin Trapenard propose une carte blanche aux auditeurs. Toute l'équipe de France Inter a décidé de décliner ces extraits d'émissions en version numérique, comme récemment avec le chanteur Orelsan, qui a proposé un titre inédit. L'extrait de l'émission qui ne dépasse pas trois minutes a été mis en ligne sur les réseaux sociaux où il a été vu plus de trois millions de fois par des internautes, dont certains découvraient peut-être l'émission par le biais de la diffusion de cette carte blanche.

Des questions plus pragmatiques concernent l'organisation de la vie de la radio : les moyens seront davantage mis sur une certaine partie des émissions en optant pour des réalisations automatiques.59

Introduire de l'image dans la radio pour produire des vidéos va permettre une circulation des émissions en dehors du circuit habituel.

« La radio seule rend communicable l'événement dans l'instant où il se produit; la radio dit j'y suis. L'indicatif présent est un mode qui lui appartient en propre. »60 La radio est le médium de l'immédiat, aujourd'hui elle n'est plus seule, la capacité d'immerger le public dans l'immédiateté est faite par d'autres voies. La vidéo à France Inter permet d'exporter les produits de l'antenne. L'ADN du FM est d'autant plus questionnable lorsque des émissions de radio sont découpées. Dans son schéma de production classique, c'est le média du temps réel.

Fragmenter une vidéo va créer un format exportable beaucoup plus facilement, ce qui peut enlever davantage son caractère d'instantanéité car les propos de l'émission sont coupés pour être mis sur un canal de distribution.

« A la radio, le grain de la voix est un dispositif de contact, la radio est par excellence le média du direct et du temps présent ».61 Fragmenter les vidéos d'émissions s'est ajouté au fait de filmer intégralement une émission de radio. Ce travail ne peut être fait qu'en différé. Découper certaines vidéos modifie l'identité du média classique. L'apparition de la vidéo à France Inter n'a pas suscité ces questions d'instantanéité. La radio est un média homochrone qui « incarne le

59 Entretien avec Colas Zibaut, annexe 1

60 Pierre Schaeffer, Machine à communiquer. 1. Genèse des simulacres, Paris, Seuil, 1970

61 Patrick Charaudeau, Le Discours d'information médiatique. Paris : Nathan, 1997, p. 140

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temps de la réception dans l'énonciation de leurs messages »,62 le récit radiophonique ne peut être une « fabula désincarnée ». Le paramètre de l'instantanéité est « une signification essentielle de la radio, une approche de son essence »63 d'après Franc Schuerewegen. Les vidéos sur le web deviennent virales et participent au buzz. Des extraits vidéo de France Inter sont repris partout, complètement sortis de leur contexte d'émission radiophonique. Elles viennent alimenter les réseaux sociaux et les reprises à la télévision. Ces dernières sont faites lorsqu'un événement s'est produit en studio et qu'il est jugé nécessaire de le partager. Ces petits moments de radio deviennent des grands moments une fois partagés et relayés à la télévision ou sur Internet. Les plus connus sont les découpes d'extraits d'éditoriaux avec des phrases saillantes ou les attitudes de certains invités. Pour reprendre les propos d'Yves Jeanneret sur la trivialité des objets, cette phrase dite par l'invité de l'émission se transforme au fil de son parcours trivial. Le Petit journal reprend des extraits d'émissions de France Inter. Christiane Taubira avait oublié qu'elle était filmée et a fait une grimace lorsqu'un auditeur parlait à l'antenne; ce court extrait de 12 secondes a circulé et comme d'autres a participé au buzz de la radio visuelle.

Pourtant la radio visuelle donne la possibilité d'être vu en direct. Depuis 2014, France Inter propose une version vidéo diffusée en temps réel sur les sites franceinter.fr, YouTube et Dailymotion.

Un aspect de la vidéo peut être problématique... une vidéo qui est découpée part de son contexte et circule. Cela peut poser problème. Par exemple, Frédérique Fromet64 arrive le vendredi dans notre émission pour faire sa chronique satirique. L'auditeur sait qu'on a de l'humour noir. Lorsqu'il tourne en dérision des sujets un peu trop sensibles, si l'on découpe cette vidéo, qu'elle tourne sur les réseaux sociaux et arrivent par exemple jusqu'en Turquie comme elle n'est pas dans son contexte, elle peut être reçu de manière totalement différente ; L'image à plus d'impact que le son aujourd'hui. Y'a beaucoup de conséquences, le problème ne vient pas de nous, il faut qu'on s'auto censure, le problème vient de la récupération de ce que l'on fait car la vidéo permet un dévoiement de ce qu'on fait.65

Charline Vanhoenacker est productrice à France Inter et fait des chroniques humoristiques. Prendre une position peut poser problème si la vidéo est ensuite découpée et mise sur les réseaux sociaux, donc complètement décontextualisée. Comme le rappelle Dominique Maingueneau dans

62 Philippe Marion Narratologie médiatique et médiagénie des récits, page 83

64 Chansonnier Français qui participe à l'émission Par Jupiter !

65 Entretien avec Charline Vanoenacker , annexe 1

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Analyser les textes de communication « comprendre un énoncé, ce n'est pas seulement se reporter à une grammaire et à un dictionnaire [...] hors contexte, on ne peut pas parler véritablement du sens d'un énoncé. » Ces contextes d'énonciation comme étant : la « situation particulière », « un lieu et un moment singulier», « un sujet qui s'adresse avec une certaine visée à un ou d'autres sujets » mais aussi « les conditions matérielles de présentation » Dans un contexte d'émissions humoristiques ou même satiriques d'une émission de France Inter, découper un extrait qui fera le buzz amène à sortir ce moment précis de l'ensemble de l'émission. La circulation des vidéos, « objets labiles et fugaces »66 est extrêmement puissante dans l'omniprésence du web.

3) Réception des vidéos de France Inter sur les canaux de distribution

Les émissions choisies pour être filmées sont ensuite distribuées sur les canaux YouTube, Dailymotion et le site internet de France Inter. Ces plateformes sont organisées par thèmes. L'Age moyen d'écoute de France Inter a évolué, en passant de 53 à 49 ans.67

La radio s'écoute sur des postes FM. Les jeunes s'intéressent de plus en plus à ce média. L'usage de la vidéo à la radio se répand, pour autant les auditeurs se détournent-ils du poste FM ?

L'audience des émissions de radio filmée se mesure difficilement, à l'heure où les supports multimédias ont tendance à remplacer le poste FM. Lors d'une rencontre « Radio vers le futur » au mois de juin à la Gaîté lyrique pour les 20 ans de Radio Campus Paris, Guy Detrouselle, Directeur de pôle local Médiamétrie a rapporté cette phrase « J'écoute mon téléphone », entendue plusieurs fois lors de ces enquêtes téléphoniques. En effet, Médiamétrie évalue l'audience par téléphone.68 On peut se demander s'il n'y pas de risque de sous-déclaration ou de sur-déclaration dans les réponses obtenues car les vidéos de France Inter sont proposées sur plusieurs supports à la fois.

La délinéarisation a changé les pratiques de consommation des auditeurs et poussé les plus jeunes à utiliser des smartphones au quotidien.

Pour la 11ème fois consécutive, France Inter est fière de pouvoir afficher la première matinale de France; elle est aussi pionnière sur le numérique, avec de très bons résultats.

66 Thierry Devars, les vidéos politiques au prisme de la trivialité, communication et langages, 2015

67 Médiamétrie

68 Rencontre la radio du futur organisée par Radio Campus Paris

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a) Multiplication des supports

L'univers radiophonique est concurrentiel. Désormais, le multi-écrans demande une analyse plus fine de la réception de ses contenus. La multiplication des supports ou la vidéo est présente est une aubaine pour la radio. Les consommateurs possèdent tous plusieurs objets électroniques qui leur permettent d'accéder à la radio par le numérique. La deuxième « bonne nouvelle » pour la radio : les gens passent de plus en plus de temps sur leurs mobiles, toutes générations confondues.

Les vidéos sont des formats qui plaisent et qui s'adaptent à tous ces supports tels que la tablette et le smartphone. France Inter doit être en phase avec ces supports pour permettre l'accès aux émissions partout et tout le temps.

Au cours de mes entretiens, je me suis demandé si la radio visuelle pouvait entraîner un gain de crédibilité avec l'ajout de l'image ainsi qu'un renouvellement de confiance envers les médias à travers la multiplication des supports.

Patrick Henry, technicien du son à France Inter :

« Je pense même très exactement le contraire. Voir les animateurs ou les journalistes leur retire bien souvent du crédit. Gestes, grimaces de mécontentement, préparation des papiers, discussion avec les invités pendant la diffusion d'éléments sonores... Tout ce que l'on voit des coulisses, même si c'est amusant ou intéressant par ailleurs pour l'auditeur, diminue la chance d'être emporté dans le contenu d'une émission. C'est vrai à la radio comme au théâtre ou au cinéma.69 »

Aujourd'hui une dizaine de supports de réception sont utilisés70, les vidéos des émissions de France Inter sont disponibles sur de nombreuses plateformes. France Inter innove davantage dans ses formats, en sortant du studio et en développant des vidéos dans des formats web. S'inspirant des vidéos Konbini new, sont apparus des FaceCam d'animateur ou d'invités. Proposer désormais des capsules vidéos sur le net fait partie de la stratégie numérique globale de France Inter. L'édito carré est à prendre en exemple. Mathieu Vidard, dans son émission La tête au carré, s'adresse aux internautes « face caméra » pour une vidéo de 3 minutes maximum. Visuelle, virale et depuis peu, personnalisée, France Inter innove dans un univers radiophonique en perpétuelle évolution.

69 Patrick Henry, technicien du son, annexe 1

70 Etude du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel

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b) Nombre de vues sur les vidéos de France Inter

Des indicateurs de vues sont positionnés sur les plateformes accueillant les vidéos de l'antenne. Pour la chaîne YouTube, on recensait le 10 juin 2018, 214 626 abonnés et 12 861 vidéos postées. « En 2015, nous avons eu cent millions de vues dont trente millions sur Dailymotion, et un peu moins de soixante-dix millions sur Facebook. Le reste c'était YouTube, mais ça n'est pas plus de cinq millions. Rien que pour le premier trimestre 2016, avec les mêmes indicateurs (cumul des vues sur Dailymotion, YouTube et Facebook à la première seconde), nous sommes à soixante-neuf millions de vues avec en moyenne 22-23 millions de vues par mois. En extrapolant, on devrait être quasiment à 240-260 millions de vues pour l'année 2016. Nous étions à peine à 10 millions en 2014. »

Capture d'écran de la page YouTube de France Inter

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Voici le constat fait par Laurence Bloch, directrice de France Inter. Les visionnages des vidéos sur les plateformes telles que YouTube et Dailymotion ont été multipliés par vingt en deux ans. Les réseaux sociaux aussi connaissent une évolution de la réception des vidéos par les internautes. L'avantage de Facebook est de pouvoir partager directement une vidéo que l'on vient de visionner, avec une visibilité sur le fil de l'actualité.

Le chercheur Canadien Macluhan a défini la radio comme un média de masse où « le public n'interagit pas avec le message transmis». Passer d'une verticalité à une horizontalité du médium radiophonique. Les propos sur l'unilatéralité du message sont contredits par les formes d'interactions multiples. Il est aujourd'hui possible de commenter une vidéo en direct grâce aux réseaux sociaux. Ils ont pris une place importante dans la réception des vidéos de la station.

Capture d'écran du bandeau web de France Inter sur Dailymotion

Pour 27 200 vidéos de France Inter postées sur Dailymotion, 183 300 vidéos sont décomptées comme ayant été vues.71

Il y a une « dimension patrimoniale » de la radio en France.72 La radio connait un effet générationnel qui offre un portefeuille de choix ouvert sur l'éclectisme contemporain tant au niveau des tendances, des goûts et des dispositifs mis en place.

En 2017, France Inter est récompensée dans deux catégories : le « coup éditorial » et le contenu vidéo.73

« 44 millions de vues et d'écoutes pour l'humour d'Inter ! » Depuis quelques années, France Inter déploie sur le numérique une stratégie de distribution des contenus humoristiques, tant en vidéo avec la diffusion en direct et la viralisation multiplateformes (YouTube, Dailymotion, Facebook...) qu'en audio seulement (podcasts). Portée par des puissants relais sociaux (1 200 000 followers sur Twitter, 1 million de fans sur FB, Instagram...), et des supports refondus

71 Chiffres datés du 1er Juin 2018

72 Hervé Glevarec, Rencontre Radio vers le futur, Radio Campus Paris, 5 juin 2018

73 Site officiel de France Inter

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comme le site ou l'application de France Inter, elle devenue une radio très présente sur le numérique ».

Certaines vidéos sont davantage visionnées que d'autres, répondant à des choix personnels, comme par exemple regarder son humoriste fétiche. L'humour est bien adapté à la vidéo et plait beaucoup aux internautes. On observe l'émergence de « chroniques à succès ».74 En s'adaptant aux usages d'aujourd'hui, la radio a développé une stratégie globale d'entrée sur le web.

II) Mutations des professions radiophoniques

Les contenus radiophoniques n'existeraient pas sans tous les professionnels qui font France Inter au quotidien.

Il existe désormais un point commun entre tous ces métiers, c'est le numérique. Il y a les journalistes qu'on entend et ceux qui travaillent en amont, en coulisses ou sur le terrain, et les réalisateurs. Ma rencontre avec ceux qui se font entendre sur nos ondes et ceux qui oeuvrent principalement dans les coulisses de France Inter rend compte des réalités professionnelles à travers le développement de plus en plus important de l'image dans l'objet radiophonique. Leurs témoignages sont dignes d'intérêt.

Les détracteurs de la radio filmée pensent que le média radio perd son identité avec la présence des caméras. Une chronique, elle-même captée en vidéo, est à réécouter, celle de François Rollin « la radio, c'est la radio » diffusée dans le 7/9 de France Inter le 14 octobre 2014. Le sujet de la présence des caméras dans les studios est abordée sans détour : « Je ne suis pas d'accord avec le fait que les auditeurs qui me podcastent me voient obligatoirement en même temps qu'ils m'entendent. A la télévision, celle-ci met à ma gracieuse disposition des coiffeurs [...] La radio est un média à part entière, on la laisse vivre son identité de radio »

Le fait d'être filmé dans le studio change le métier de journaliste,75 présentateur mais aussi celui des autres professions. L'impact des nouvelles technologies sur l'organisation des rédactions et les transformations professionnelles que cela a induit est indéniable. Il faut aussi mesurer l'influence de ces développements sur l'écriture journalistique elle-même. Certaines professions sont obligées de les intégrer au sein même de leurs pratiques professionnelles quotidiennes. Le métier de journaliste radio est en pleine évolution. Les sept professionnels de la radio avec qui

74 Entretien avec Pauline Laverdure, annexe 1

75 Jean- Marc Chardon, Olivier Samain. Le Journaliste de radio. Paris : Economica, 1995, p. 34

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j'ai pu m'entretenir n'ont pas tous le même métier, ne traitent pas du même genre, ne travaillent pas sur les mêmes tranches horaires. Parmi eux, des producteurs, des journalistes qui traitent l'information, des chroniqueurs et des techniciens du son. Ils dressent un portrait de France Inter qui permet de découvrir ce que sont l'information et les programmes, deux domaines très différents.

1) L'ère du numérique transforme les métiers

Chaque métier est différent et l'apparition de la radio visuelle modifie les manières de travailler. Un détail : Sonia Devillers et Nicolas Demorand prennent plus de temps le matin pour se maquiller et soigner leur tenue vestimentaire.

« C'est très marginal, assez anecdotique. Pourtant Je prends cinq minutes pour me maquiller avant de descendre en studio, ce que je ne faisais absolument jamais. L'éclairage est terrible, l'image est terrible, ce ne sont pas des conditions de vraie télévision.76 »

Le comportement des journalistes varie en fonction du traitement de l'information, ou s'ils sont dans une optique de divertissement à travers des chroniques. Autre facteur qui entre en jeu, lorsqu'un locuteur s'exprime, aucun autre sens n'est mobilisé à part l'audition. Dans les spécificités radiophoniques77, toute intervention ne doit pas dépasser une certaine longueur.78

« L'étude de l'esthétique radiophonique porte à croire que la radio n'est pas constituée seulement d'informations, mais aussi d'un degré considérable d'indices sonores, qui incluent la façon de parler des présentateurs, toutes les questions liées au temps (les pauses dans le discours, la durée de chaque élément diffusé) ». Ces propos sont parus dans le magazine Syntone qui traite de l'actualité radiophonique. A France Inter, des métiers sont aussi nés avec l'apparition du numérique il y a déjà plus de dix ans. Comme illustré dans le film d'animation réalisé en 2016 par Radio France Les métiers de la radio, on y voit que le ou la chargé(e) d'édition numérique par exemple, est indispensable pour faire vivre la radio sur tous les écrans. Il ou elle réalise les

76 Entretien avec Sonia Devillers, annexe 1

77 Carlo Emilio Gadda, L'art d'écrire pour la radio, trad. par Guillaume Monsaingeon (Paris, France : Les Belles Lettres, 1993)

78 ibid.

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pages du site internet, les complète, les enrichit, pour prolonger la vie de l'émission au-delà de sa diffusion sur les ondes.

L'arrivée des caméras dans les studios est une réalité. Les journalistes producteurs de France Inter et leurs équipes deviennent multifonctionnels,79 « Avec la vidéo, on fait des choses qu'on ne se faisait pas avant. ».80 Les trajectoires professionnelles deviennent « intermédiatiques ».

a) Les conditions de travail matérielles, humaines, économiques, temporelles, techniques et spatiales

« L'étude spécifique d'une catégorie d'acteurs offre l'opportunité de saisir les caractéristiques d'un univers professionnel et de ses évolutions ».81 De nombreux intervenants composent l'antenne de France Inter, externes et internes.82 Les acteurs de la radio ont vu de nouvelles fonctionnalités s'ajouter au média radio, 83 la caméra en fait partie.

Les entretiens individuels offrent l'opportunité de saisir les évolutions d'un univers professionnel. Hervé Glevarec, sociologue français, s'est intéressé aux acteurs de la radio culturelle de Radio France : France Culture. Pour France Inter, un bouleversement des pratiques des professionnels peut se faire ressentir,84 « même sous les projecteurs et le regard des caméras il s'agit toujours de faire de la radio : une bonne interview, un témoignage émouvant ».85 L'exercice des caméras change-t-il le style radiophonique, le ton d'un professionnel ? Faire de la radio comme avant, grâce à cette force unique de l'audio se transforme avec l'apparition de l'image dans la transmission des discours.

79 Colloque Information et journalisme radiophonique à l'ère du numérique organisé par le GRER en mars 2014

80 Entretien avec Mathieu Vidard, annexe 1

81 Frédéric Antoine Analyse de la radio : méthodes et mise en pratiques chapitre 1 analyser les acteurs à la radio, page 53

82 Ibid.

83 Christelle Avril, Marie Cartier, Delphine Serre, Enquêter sur le travail, Concepts, méthodes, récits, Paris, La Découverte

84 Joel Cuoq et Laurent Gauriat, Journalistes radio : une voix, un micro, une écriture, 2016

85 Sylvain Gire, Arte Radio

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b) Polyvalence des métiers : nouvelles pratiques, formations et compétences radiophoniques

Les professions évoluent à l'ère du digital, tel le métier de technicien. Les formations mises en place peuvent devenir à leur tour un véritable projet stratégique de l'antenne.

L'inadéquation entre profils de postes et compétences indispensables aux nouvelles activités peut générer des problèmes et parfois mêmes des tensions au sein des équipes.

Des métiers sont apparus et d'autres se transforment au regard des évolutions en cours. C'est un phénomène irréversible porté par la nécessité d'être présent sur Internet. Les usages à France Inter focalisent l'attention sur les professionnels avec la possibilité que nous avons de les regarder en pastille vidéo. D'où des approches praxéologiques.86 Le rapport qu'entretiennent les professionnels avec ces nouvelles fonctionnalités remet en question leur façon d'être.

La liberté de gestes, le langage non verbal... Il y a des gestes que je ne peux plus vraiment faire car ils peuvent être mal interprétés par la régie technique. Pour la communication entre le studio et la régie, c'est devenu un peu plus compliqué une fois qu'on passe à l'antenne. Alors on se contrôle un peu, ça peut poser problème pour la technique.87

Un geste destiné à la régie technique peut être interprété différemment s'il émane des invités dans les studios et des auditeurs téléspectateurs de l'émission. La communication est essentielle entre un animateur et la régie technique pour le bon déroulement d'une émission. Faire des gestes est nécessaire pour lancer les sons. Il en a toujours été ainsi. D'ailleurs ne plus faire des gestes de la main peut poser des problèmes de fluidité du contenu. Lors d'une émission avec Charline Vanoenacker, quand Pablo Mira,88 (à l'origine homme de télévision) a collaboré à France Inter, il a souhaité que sa chronique soit filmée. Mais il ne faisait pas de gestes vers la régie technique; le son n'est pas parti.89 Ce sont des pratiques qui font partie du fonctionnement du média radio. Selon Tanguy Pastureau :

« Les chroniques qui me semblent trop complexes, trop écrites, je les fais quand

même car les personnes peuvent regarder plusieurs fois en pastille vidéo, je ne m'interdis plus rien au niveau du style radiophonique, il peut y avoir plus de détails ou de subtilité, je m'accorde dans ce cas-là beaucoup plus de liberté. Je

86 Frédéric Antoine, Analyser la radio : méthodes et mise en pratique, chapitre 6 Analyser les contenus visuels et audiovisuels, page 164

87 Entretien avec Nicolas Demorand, annexe 1

88 Chroniqueur humoristique de France Inter

89 Entretien avec Charline Vanhoenacker, annexe 1

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fournis des chroniques plus travaillées, mais peut-être moins « immédiates » Il faut se lâcher en se disant que la chronique reste disponible sur Internet. »

Tanguy Pastureau se laisse plus de liberté parfois dans ses chroniques, non pas dans des dimensions prosodiques de sa chronique, 90 mais en allongeant un peu et en complexifiant parfois son écriture. Le changement touche la mise en image de sa chronique. Même si sa durée d'énonciation est prédéfinie, son temps de parole est limité dans le temps. La caméra est l'élément déclencheur d'une plus grande liberté au niveau du style chez certains locuteurs. D'autres métiers ont dû s'adapter à un tout nouvel environnement : le métier de technicien du son doit de plus en plus se familiariser avec la vidéo. L'expertise des techniciens du son est essentielle et permet d'obtenir des émissions de qualité. La journée type d'un technicien du son à France Inter comporte la mise en onde de contenus, l'alternance des émissions et des productions, l'enregistrement d'émissions en PAD (prêt à diffuser) et les mixages exécutés sur un logiciel audionumérique. 91 Des formations sont mises en place pour les techniciens sur le métier en lui-même et sur les outils de production. France Inter développe un projet « bimédia » et l'adapte au métier du technicien du son. Certains techniciens vont faire uniquement de la vidéo à France inter.

La médiativité 92 de la radio sur ses composantes sonores peut être illustrée par le métier de technicien du son.

Le technicien devient producteur de contenus vidéo. Il se familiarise avec la régie vidéo et envoie ensuite les productions vidéo conçues pour le web au pôle vidéo chargé de l'acheminement des vidéos sur les canaux de distribution.

La radio visuelle ce n'est pas forcément une mauvaise chose parce que ça permet un meilleur partage du contenu, mais il arrive que ce soit au détriment de l'antenne, et dans ce cas-là c'est complètement contradictoire avec le média Radio. Quand on doit adapter nos méthodes de travail POUR la vidéo je trouve ça stupide. C'est la vidéo qui doit se plier à nos méthodes de travail selon moi et pas l'inverse.93

90 Anne Catherine Simon, Antoine Auchlin, Jean-Philippe Goldman, Georges Christodoulides Tendances prosodiques de la parole radiophonique, Cahiers de praxématique n°61, 2013

91 Entretien avec Pauline Laverdure, annexe 1

92 Philippe Marion, Narratologie réflexive et médiagénie des récits, 1997

93 Pauline Laverdure, op cit.

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Chaque professionnel dispose de compétences acquises dans l'exercice de sa profession, il développe des méthodes en lien avec son poste de travail. La caméra ne doit pas trop s'imposer pour les métiers contraints de suivre la nouvelle vague sans avoir le choix. Les métiers de la radio existaient bien avant que toutes les nouvelles formes et fonctionnalités arrivent du web. L'apparition de la vidéo sur France Inter à fait évoluer les pratiques, ce n'est pas pour autant que les métiers vont se calquer sur la montée de l'image à la radio.

2) Les studios : nouvelles coulisses de la profession

Lorsqu'un animateur passe à l'antenne, il présente un travail construit en amont. La radio filmée à France Inter transforme la médiativité du média radiophonique en remettant en question l'acousmatique de la voix.94 Adepte ou non de la radio visuelle de France Inter, téléspectateur ou non des vidéos postées sur les réseaux, sur le site ou diverses plateformes, il est possible de mettre un visage sur une voix. Pour ce qui est des animateurs, désormais identifiés, ils gagnent en reconnaissance individuelle, Charline Vanhoenacker, s'est confiée sur le sujet.

« Ce que ça modifie la radio visuelle à France Inter, c'est que les gens nous reconnaissent dans la rue, on ne peut pas dire que ce n'est pas chouette. Il y avait un peu cette injustice par rapport à la télévision. Maintenant, grâce à la vidéo, on entre davantage dans ce côté interactif hors les murs de la radio. Le plus gros changement pour moi, c'est qu'on est vu et reconnu95 »

Sonia Devillers, une des animatrices de France Inter sur la tranche 9/10 affirme : « On n'est pas comme à la télévision, ce spectacle je l'adore, dans son naturel de présentation »96 et ajoute « On a nos feuilles de travail, nos bouteilles d'eau, j'aime ce côté-là de nous voir dans notre espace de travail. » Il n'y pas de mise en scène particulière dans les studios depuis l'apparition des caméras. Le fait de « voir les voix » de la radio dans leur quotidien fait entrer l'auditeur dans l'environnement de l'émission, sans qu'il soit question d'intrusion, ou de voyeurisme. « J'ai

94 Frédéric Antoine, Analyser la radio : méthodes et mise en pratique, chapitre 4 Analyser le matériau radiophonique page 117

95 Entretien avec Charline Vanhoenacker, Annexe 1

96 Entretien avec Sonia Devillers, Annexe 1

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travaillé avec Bernard Poirette sur RTL qui a une voix très grave et très caractéristique, je peux comprendre qu'on n'est pas envie de le voir. ».97

Cette voix que l'on entend, tous les jours dont le phonostyle est identifiable, fait naître des regrets chez certains. Cette voix a un visage. La voix transmet des émotions particulières et deviennent très familières, elle retranscrit les émotions parfaitement.98 « A l'écoute, la voix révèle les mouvements de l'affect, sentiments favorables ou défavorables, tremblement des émotions, froideur ou passion, sincérité ou mensonges.99 »

Si l'on se fie aux hypothèses formulées, la vidéo transformerait le rythme, l'intensité d'une voix, le contenu. Travailler dans un espace en présence d'un nouveau dispositif technique, contraire aux habitudes de transmission de l'objet radiophonique modifierait les éléments prosodiques et sonores à un moment donné. La caméra exercerait un fort impact sur les pratiques et le comportement à l'antenne, comme nous l'avons vu.

« Au début du phénomène de la radio filmée j'étais assez influencé par plusieurs personnes qui disaient : « la radio c'est la voix et pas un physique », et qu'il était intéressant de ne pas forcément voir les gens. Moi je m'y suis habitué, la caméra est un petit plus pour moi, j'en joue beaucoup. Je pourrais me déguiser parfois pour mes chroniques, mais je n'y pense pas assez. Sur RTL par exemple Laurent Gera n'est pas filmé, car il imite des voix, on verrait juste un imitateur en train d'imiter quelqu'un donc pour l'auditeur d'imiter une voix. Canteloup n'est pas filmé non plus, en tant qu'imitateur ça casse le truc. Pour les gens qui font des chroniques sans soucis d'interprétation, c'est vraiment un complément pour moi.100 »

L'entrée de la caméra pour ces « professionnels de la voix »101 changerait la réception de l'émission. Voir Laurent Gera dans la matinale de RTL ou Nicolas Canteloup dans celle d'Europe 1 présenterait une rupture de l'exercice. La vidéo viendrait transformer complétement l'exercice si l'image donne à voir le corps, les attitudes et les mimiques de l'imitateur. Cela briserait ce que l'on s'est imaginé à travers l'imitation, la personne imitée.

97 Entretien avec Tanguy Pastureau, Annexe 1

98 Patrick Charaudeau, le discours d'information médiatique. La construction du miroir social, Paris, Nathan/INA éditions, 1997

99 Ibid.

100 Entretien avec Tanguy Pastureau, annexe 1

101 Frédéric Antoine, Analyser la radio : méthodes et mise en pratique, Chapitre 4 Analyser le matériau radiophonique page 120

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La caméra ne va pas changer l'identité d'un présentateur d'émission, plutôt changer la perception que l'on a du présentateur. L'empreinte de la voix est caractéristique de la radio, d'ailleurs on parle de « grandes voix » de la radio.

Avec la radio filmée, la voix qui occupe une place déterminée dans le dispositif radiophonique peut être réinterrogée en présence de l'image.102

« On voit beaucoup plus les choses, ça peut casser l'image de quelqu'un, ça peut briser quelques fantasmes. C'est un complément mais ça peut briser certaines imaginations on va dire ,
· C'est comme les adaptations au cinéma de livres. Si on imagine les 3 mousquetaires d'Alexandre Dumas comme on le souhaite et ensuite on les voit, il peut y avoir une déception quand on a pu imaginer autre chose. 103 »

Certains invités refusent d'être filmés, pour des raisons qui leur sont propres, alors la caméra est coupée pour l'émission. Certains producteurs ont aussi refusé d'être filmés car ils sont présentateurs à la radio et pas à la télévision.

« Un jour j'ai reçu Marianne James et elle m'a dit : « voilà la personne que vous voyez en face de vous ce n'est pas Marianne James ,
· de la même manière qu'une animatrice de télévision a refusé une fois d'être filmée. Il a aussi des questions de sécurité, je recevais une fois un activiste syrien c'était dangereux pour lui d'être filmé. Quand Augustin Trapenard reçoit des chanteuses, des actrices, ce n'est pas négociables, car c'est leurs fonds de commerce.104 »

a) Les auditeurs, nouveaux spectateurs du studio de radio

On l'a vu, le comportement, les mimiques, toutes les questions sémiologiques viennent se poser à la radio. L'habitude prise de faire des gestes pour se sentir plus à l'aise avec ses propos, plus naturelle dans le ton se pose. La kinésique est impliquée dans le contenu. Trop de retenues dans les gestes pour paraitre peuvent venir changer le rendu d'une émission.

« La présence des caméras dans les studios de radio, c'est tout un sujet ! J'ai présenté des journaux dans mes débuts dans ce média, il y a beaucoup moins d'improvisation que dans d'autres contenus. Le problème c'est que je fais des grands gestes avec mes bras quand je m'exprime, et ça depuis l'école, (on dirait

102 Analyser la radio : Méthodes et mise en pratique, op cit.

103 Tanguy Pastureau, op cit.

104 Entretien avec Sonia Devillers, annexe 1

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une tarentule) ce n'est pas du tout télégénique ; je ne me suis pas du tout adaptée au fait d'être filmée. Beaucoup de mes proches m'ont fait la remarque. « Dorothée, tes gestes c'est plus possible », je me sens plus à l'aise quand je suis un peu plus agitée, donc je ne devrais pas changer mon attitude naturelle même si la caméra me filme, c'est une question un peu compliquée. Ce qu'il faut c'est la radio gesticulée de Claude Askolovitch ». 105

Penser au rendu de l'image que l'on dégage à l'écran est assez nouveau pour les producteurs, journalistes, ou animateurs de programmes. Certains d'entre eux ont l'habitude d'être filmés à la télévision.

Les chroniques filmées de Tanguy Pastureau dans Tanguy Pastureau maltraite l'info débutent toujours par un salut à la caméra qui prend la forme d'un clin d'oeil, d'un haussement de sourcil ou d'un passage de main dans les cheveux;106 Le visionnage de certaines chroniques a enrichi l'entretien avec Tanguy Pastureau à Radio France le 30 avril, sur la motivation à fixer la caméra quelques secondes au départ de sa chronique.

« Beaucoup d'auditeurs sont devenus téléspectateurs. Je leur fais un signe en fixant la caméra dans le studio de radio au commencement de ma chronique. Je les salue et je leur montre que je sais que je suis filmé, cela n'est pas fait à mon insu. »

Les invités savent aujourd'hui qu'ils sont sous l'oeil des caméras à France Inter, ce qui n'était pas toujours le cas au départ. Des écriteaux ont été placés sur les portes des studios. Outre le fait que des invités oublient parfois qu'ils sont filmés, ce qui par ailleurs participe au buzz dans la récupération d'extraits vidéo, sur leur attitude, leurs propos ou leur comportement pendant l'émission. Ces extraits, on les connaît non pas parce qu'on a écouté l'émission mais parce que ce moment de radio a circulé sur Internet et a été repris par des télévisions.

« Tant que les caméras restent immobiles, petites et discrètes comme elles le sont aujourd'hui, je pense qu'elles n'altèrent pas le propos des invités. Ils oublient souvent qu'ils sont filmés. Pourtant la caméra est présente et les invités sont au courant que l'émission est filmée, inconsciemment cela peut donc jouer. Si dans

105 Entretien avec Dorothée Barba, annexe 1

106 Chronique filmée Tanguy Pastureau Maltraite l'info

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l'avenir de la radio visuelle, ils aimeraient poser des caméras plus imposantes ou en gros plans je pense que ce ne serait pas tout à fait la même chose au niveau du comportement et des propos...107 »

Les caméras dans les studios de France Inter sont placées dans chaque angle et en hauteur.108 Les auditeurs qui regardent les émissions ne connaissent pas ce dispositif. France Inter fait des prises de vue d'ensemble, parfois aussi des gros plans sur l'invité, des images davantage destinées au web. C'est le cas pour les fragments de vidéos repris et partagés de multiples fois quand une intervention, dans le courant de l'émission, a créé un micro-événement. La relation qu'entretiennent les animateurs avec les invités ne change pas en présence des caméras, mais s'il y a un « dérapage » ou un comportement inhabituel, les animateurs le mettent en garde en lui faisant des signes d'arrêter car l'émission est filmée. Tout n'est pas sous contrôle. Un jour Manuel Valls, reçu dans la matinale de France Inter (octobre 2015) a eu un comportement étrange. Le Premier ministre s'est subitement mit à ouvrir la bouche, agiter ses bras et taper sur la table avec ses poings. Les téléspectateurs de l'émission ont donc pu voir cette scène. Yann Barthès et son équipe ont offert ce moment de radio dans le Petit journal sur Canal + pour ceux qui avaient raté cette séquence. L'invité de la Une de la science est pris en Face Cam. L'invité se trouve alors libéré de la question du son, donc beaucoup plus expressif. 109 Cependant il n'est pas demandé aux professionnels de changer de ton, de passer de l'éloquence au ton plus familier lorsque c'est dédié à l'alimentation du web.

b) Les caméras permettent une ouverture physique de la Maison de la Radio

La Maison de la Radio ouvre une nouvelle fois ses portes au public. On peut assister à une émission de radio en s'inscrivant au préalable. « Information, divertissement, culture ou musique, venez voir en studio les émissions que vous écoutez habituellement sur France Inter ! » Telle est l'annonce publiée sur le site internet110 de la Maison de la Radio. Les réservations se font quinze jours avant l'émission. Le fait d'accueillir du public pour certaines émissions constitue une ouverture « physique » sur l'univers de la radio, les professionnels et leurs invités.

107 Entretien avec Pauline Laverdure, annexe 1

108 Photographies du studio de France Inter, annexe 2

109 Entretien avec Colas Zibaut, annexe 1

110 Les émissions en public de France Inter

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« Je suis par exemple très à l'inverse d'Augustin Trapenard par exemple avec qui je partage le 9/10. Pour lui ça doit rester un média de la voix, un média de l'imaginaire, du mystère. Pour moi, pas du tout. Si je pouvais je ferais des émissions en direct tous les jours ; J'aime être entourée de personnes, j'aime aussi l'idée que les personnes entrent dans nos studios : « rentrez dans nos studios » c'est très démocratique. L'idée que la maison de la radio se soit ouverte physiquement et qu'en plus les caméras nous permettent d'accentuer cela, je trouve cela formidable ».111

3) La radio visuelle comme prolongement de la radio

Des appellations différentes sont données à la présence des caméras dans les studios : radio filmée, radio visuelle pour France Inter dans la terminaison de Mathieu Gallet. Il y a aussi radio « augmentée », ou encore « radio amplifiée ». Dans un article du Monde paru en octobre 2014, certains vantaient déjà les qualités de la radio filmée. Nicolas Karolak, directeur exécutif de RTL.net a confié : « La radio filmée est une expérience de radio augmentée ou l'on peut écouter, voir et vivre tout ce qui se passe au cours d'une émission. »

« Je me souviens de quelques fois, ou on filmait des gens qui ont eu des réactions (rires, étonnements, grimaces), parfois ils oublient être filmés, ils vont faire des têtes pas possibles mais finalement ça rajoute un côté vivant, une retranscription d'émotion qui continue par passer par la voix bien évidemment mais avec ce bonus de voir ce qu'il se passe dans les coulisses ».112

Les invités peuvent avoir des réactions diverses pendant une émission, indépendamment du contenu, du sujet abordé, du thème traité. Avoir la possibilité de voir ce qui se passe dans les coulisses, le fait de voir les réactions des invités peut être intéressant. Dorothée Barba a reçu Eric Fotorino, créateur du 1, un hebdomadaire qui une fois déplié se présente sous la forme d'une page de huit formats A4.113 Le présenter à la caméra rendait ses propos plus clairs et concrets. Un texte diffusé à la radio doit respecter un certain nombre de règles.114 Le langage radiophonique est un élément propre au caractère « aveugle » du média radio, si l'on considère les propos de Philippe Marion selon lequel « un média n'est pas l'autre ». Sonia Devillers

111 Entretien avec Sonia Devillers, annexe 1

112 Entretien avec Tanguy Pastureau, annexe 1

113 Entretien avec Dorothée Barba, annexe 1

114 Carlo Emilio Gadda, L'art d'écrire pour la radio, les belles lettres, traduit par Guillaume Monsaignon, 1993

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apporte des éléments visuels dans son émission : « Je présente la une d'un magazine à l'image, je la montre à la caméra. Parfois j'intègre dans mon discours des phrases dédiées spécifiquement à la présence de la caméra : « Allez voir la vidéo ! »

A la radio, tout est décrit lorsqu'un élément visuel est porté à a caméra. Ces éléments parfois risibles présentent des bonus à la chronique humoristique pour ceux qui la regardent sur leurs écrans d'ordinateurs ou de smartphones. L'animateur en fin d'émission recommande fortement d'aller vers le web pour visionner l'émission.

a) L'image complémentaire du son

La possibilité de diffuser des images mobiles d'un studio de radio donne une autre dimension du média dont la durée de vie se voit rallongée sur d'autres supports. Le média radio, dans son ADN, ne contient pas d'image, elle viendrait ainsi à l'encontre du son quand on s'attache au média traditionnel et à ses valeurs premières.

« Ça a changé la façon de faire de la radio, ça la prolonge dans la dimension des réseaux sociaux. La caméra va servir de support pour prolonger l'émission, découper les extraits d'émissions captés en émission fait vivre l'émission plus longtemps.115 »

Il y a une valorisation du contenu à travers la radio visuelle, elle vient transformer le caractère fondamental en mobilisant désormais la vue. L'enjeu pour les professionnels de la radio est de ne pas prêter attention à la caméra car ils seraient susceptibles de perdre le fil radiophonique destiné aux auditeurs uniquement.

Les chroniqueurs sur France Inter ont une certaine liberté, dans les sujets qu'ils abordent, d'improviser une petite mise en scène à destination des téléspectateurs de la vidéo. Parmi les exemples à citer, il y a celui de Nicolas Hulot, fin 2017, dans la matinale de Nicolas Demorand et Léa Salamé. La chronique quotidienne de Charline Vanhoenacker et de Guillaume Meurice a été mise en scène. Ils sont arrivés dans le studio en costumes de Pandas. Ces accessoires ont dynamisé le studio de radio. Dommage pour les auditeurs traditionnels qui n'ont pas eu la chance de voir les images de ce « direct », ne disposant que du son de la radio.

115 Entretien avec Mathieu Vidard, annexe 1

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« Deux invités surprises entrent dans le studio, ils sont massifs, ils sont poilus, ils sont en voie de disparition, pour vous monsieur le Ministre, nous avons deux pandas en studio qui insistent pour vous parler ! »

Les chroniques sont un genre radiophonique qui se prête bien à l'exercice de la radio visuelle. Il s'agit d'une expérience enrichie, complémentaire qui ne vient pas dénaturer la place du son, emblème du média. Le risque pour l'animateur est d'être pris à son propre jeu par la caméra. Ajouter des bonus à sa chronique, spécialement pour la vidéo, ne doit pas influencer l'écriture radiophonique. L'image peut venir enrichir le son, en atteste le grand nombre de clics. La réception de la vidéo peut alors se trouver grandement appréciée en se créant des souvenirs visuels d'une émission de radio.

En s'ajoutant à la parole, l'image ne viendrait qu'habiller celle-ci, en ne générant que des effets de sens accessoires, donc négligeables116 dans l'article signé de Guy Lochard.

« Je renvoie sur France inter quand il y une attitude, un vêtement ou un comportement à voir absolument» 117 Edouard Baer, animateur radio sur Nova a monté un canular en faisant croire qu'il piratait la radio publique. L'impact aurait été différent si le canular n'avait pas été filmé.

« Je ne veux pas que l'auditeur se sente lésé, je n'apporte pas un élément purement visuel. Si tu te laisses embarquer par la vidéo, t'es foutu. Quelques fois j'ai pu faire des entorses à la règle, ce qui présente un plus pour les téléspectateurs bien évidemment mais une incompréhension de la part des auditeurs qui entend que les personnes dans le studio se marrent. Quand François Hollande est venu, il était président de la république j'avais créé des pancartes avec mon numéro de téléphone et des phrases de dragues sans dire aux auditeurs que je les montrai à l'écran. »

Charline Vanhoenacker, dans son billet avait créé des pancartes avec des inscriptions telles que « Vous êtes encore plus beau en vrai », « moi aussi j'aime les frites, vous êtes libre ce soir ? » ou encore « je vous donne mon 06 à la sortie du studio ». Ces éléments viennent s'ajouter et sont présents uniquement pour la vidéo, s'ils ne sont pas décrits à l'antenne. L'exercice de tout décrire à la radio n'a pas été respecté même si l'auditeur traditionnel ne s'est pas senti perdu. Le visionnage de la vidéo apporte un élément complémentaire à la seule écoute de la radio, lorsqu'une mise en scène est prévue. Le sentiment de manquer quelque chose peut être ressenti par l'auditeur traditionnel lorsque l'expérience visuelle « vaut vraiment la peine »

116 Guy Lochard, Débats, talk-shows : de la radio filmée ? Communication & langages, 1990, n°86, p.92

117 Entretien avec Sonia Devillers, annexe 1

b) Post émission : de nouvelles missions pour les professionnels de France Inter

Lorsque l'écriture journalistique tend vers le multimédia, de nouvelles pratiques voient le jour.

« Surtout après l'émission avec mon équipe, on découpe la vidéo, on la poste sur le site et les réseaux sociaux, ça change beaucoup nos pratiques, l'après émission, la façon de faire vivre l'émission ensuite, sur le web. Nos pratiques se beaucoup adaptées à l'après émission118 »

Mathieu Vidard, producteur et présentateur de l'émission La tête au carré se voit confier de nouvelles missions qui s'ajoutent aux tâches quotidiennes de journaliste producteur. Le podcast est un contenu audio disponible sur le web, parfois en exclusivité sur ce support.

« Je pars d'un texte que j'ai écrit pour la radio, pour une émission en question. Je le réadapte au format web en retravaillant mon texte. Avec la vidéo, on fait des choses qu'on ne se faisait pas avant. Je fais du natif, je pars d'un texte que j'ai écrit dans le but de l'offrir au numérique, cela sort de ce contexte de produit radiophonique. »

Mathieu Vidard, évoque une plus-value pour ses émissions. La multiplication et la consommation en hausse des vidéos de France Inter sur plusieurs canaux à la fois augmentent et mobilisent de plus en plus les professionnels de la radio. Il s'agit de faire autrement la radio en prenant en compte chaque métier. Les métiers à France Inter ont connu de réels changements depuis mise en place des caméras dans les studios. Leurs pratiques, leurs compétences, leurs quotidiens se sont vus complètement « chamboulés » par l'introduction de la radio visuelle à France Inter. La caméra transforme la médiativité du média car bouleverse le coeur du métier de France Inter.

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118 Ibid.

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III) Débats autour de la convergence des médias

Le numérique a pris la place de l'analogique. Les objectifs de France Inter n'ont pas changé puisqu'elle conserve ses missions de service public. Les Résultats de Médiamétrie (Etudes globale Radio janvier-mars 2018) montrent qu'elle est la première radio sur les nouveaux supports d'écoute.

1) Du nouveau sur la réforme de l'audiovisuel public

L'univers audiovisuel est mouvant et a toujours intéressé les gouvernements successifs qui l'ont

régulièrement soumis à des réformes, marquant ainsi leur volonté d'améliorer son
fonctionnement. La ministre de la Culture, Françoise Nyssen, le 4 juin 2018119 a présenté son projet de réforme qui concerne tous les publics. Le « scénario d'anticipation »120 sur lequel repose la réforme se rapproche d'un schéma de « BBC à la française » mais la ministre ne donne aucun élément sur les économies à réaliser.

a) Etats des lieux pour Radio France

France Inter pourrait se positionner comme un modèle, considérant l'évolution qu'elle a connu ses dernières années au sein de Radio France. La radio a conquis 350 000 auditeurs supplémentaires en trois ans.121 Elle a su mettre en oeuvre une stratégie, tenant compte de la révolution des formats. Préserver une différence dans les contenus, comprendre les usages des jeunes générations et s'y adapter sont de réels défis, relevés par la radio publique. La délinéarisation a été un enjeu pour la concurrence public-privé. En effet au-delà de se voir face à des groupes privés de radio ou bien des chaînes de télévision, la progression des réseaux sociaux, de YouTube, de Netflix, de Spotify entre autres, l'accomplissement des missions aurait pu mettre Radio France en difficulté. Le développement numérique engagé ces dernières années a été une stratégie gagnante pour Radio France.

119 La Conférence de presse de la Ministre de la Culture - Lundi 4 mai 2018

120 Appellation du nouveau projet

121 Médiamétrie Mars 2018

Le projet de réforme met l'accent sur les régions avec un rapprochement entre France 3 et France Bleu. Françoise Nyssen déclare dans les colonnes du Monde : « Une coopération ambitieuse entre France 3 et France bleu doit déboucher sur ce un média quotidien régional qui sera la voix des territoires ». France Bleu serait-elle sacrifiée au détriment de la télévision ? Il est légitime de se demander ce qui pousserait France bleu à offrir ses contenus, son savoir-faire. La réforme ne parle pas de fusion. Les priorités restent, pour Radio France, la jeunesse, l'information, la proximité, la citoyenneté et la culture. Renforcer la coopération avec d'autres acteurs de l'audiovisuel public devient une priorité.

Comment le numérique se mettra au service de la radio pour amplifier la résonnance de l'ensemble de ses contenus ?

La crainte de voir les pratiques s'adapter au numérique et non pas l'inverse. D'où cette hypothèse de départ qui affirmait que les professionnels de la radio n'appréciait pas l'arrivée de la radio visuelle; en la considérant en premier lieu comme un appauvrissement de l'imaginaire.

Dans la campagne de rentrée 2018, un spot publicitaire, créé à France Inter sous forme de « stop motion »122 illustre le quotidien des auditeurs de la radio, où qu'ils se trouvent. La signature Intervenez à la fin cette « fable urbaine » a circulé partout, même à la télévision. Les nouveaux apports du web ne sont pas tellement présents à l'intérieur du spot. Les valeurs de la chaine sont rappelées en mettant en avant les « voix de la radio » qui nous accompagnent tous les jours. France Inter a joué la carte du collectif, du généreux, de la relation de proximité avec ses auditeurs.

« Aujourd'hui les jeunes écoutent la radio sur leur smartphone en même temps qu'ils la regardent et qu'ils la commentent » selon les propos de Sybille Veil, PDG de Radio France. Aujourd'hui, les jeunes partagent des informations davantage à travers des formats vidéo devenus fétiches que par l'envoi de SMS.

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122 Spot publicitaire France Inter

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b) La Maison de la Radio, fer de lance dans l'évolution de l'audiovisuel public

Dans un contexte de multiplication de l'offre, France Inter veut enrichir davantage la sienne. Dans un article intitulé France Inter accélère dans la diversification, paru dans les Echos le 15 mars 2018, Laurence Bloch, directrice de France Inter a fait état de ses souhaits. Elle aimerait multiplier les conférences, les spectacles, les vidéos et les éditions de beaux livres. Et surtout, elle vise à conserver une audience cumulée au-dessus de 11%.

J'ai demandé aux professionnels de France Inter quel était, de leur point de vue, l'avenir de la radio visuelle à de France Inter.

Une radio filmée en permanence, 24 heures sur 24. Moi je l'imagine vraiment comme une « télévision améliorée » quasiment en direct tout le temps. A la télévision, tout est enregistré, tout est déjà décidé à l'avance, on sait qu'il ne peut plus se passer grand-chose de très surprenant.123

La télévision, hormis les « directs » obéit à des normes strictes avec des émissions minutieusement préparées, au détriment de l'immédiateté.

Le débat sur la réforme de l'audiovisuel réinterroge les missions historiques d'information, de culture et de divertissement. Fédérer beaucoup plus largement tous les publics, dans une société où la demande de lien est aussi une demande de sens, tels sont les nouveaux défis du service public, qui nécessitent des mutations profondes. Se posent une nouvelle fois les questions sur l'évolution des métiers, la mise en valeur des compétences de chacun, enfin la contribution à la « société démocratique ».124

2) Radio France et son offre à 360° au service des publics125

Aller à la conquête de nouveaux publics via des formats innovants et enrichir les programmes sont des motivations du groupe de radio publique. Mettre à la disposition des publics, tous les programmes sous toutes les formes possibles, en direct, en différé, à la demande, sous forme écrite, et/ou sonore, en photo, en vidéo, sur tous les réseaux, est stratégie numérique globale qui implique la Maison de la Radio tout entière. L'offre à 360° au service des publics a pour but de maintenir une interaction forte avec les auditeurs, devenus internautes pour certains, en se

123 Entretien avec Tanguy Pastureau, annexe 1

124 Sybile Veil Projet stratégique pour Radio France (2018 - 2023)

125 Texto, magazine d'information interne de Radio France

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familiarisant avec les fonctionnalités audionumériques sur de multiples supports, réseaux et plateformes. L'accès aux contenus radiophoniques favorise la convergence médiatique et la diversification des supports.126

a) France Inter vers un média global

Au sein du paysage radiophonique, France Inter occupe une place de choix. Avec 11,3% d'audience cumulée, elle a réussi son pari de rajeunir l'ensemble de l'auditoire en donnant envie aux auditeurs de vivre pleinement leur époque et en leur fournissant « des repères et des clés de compréhension du monde actuel. »127

Son public est aujourd'hui plus jeune que celui de ses concurrentes principales : Europe 1 et RTL.

Aller « chercher les gens là où ils se trouvent »128 est une clé de la réussite. Dans les fondamentaux du média, « la post production n'existe pas, les émissions c'est de l'antenne, tout est fait en direct, il suffit de lancer les sons au bon moment »129 pourtant les nouveaux formats ont bouleversé les manières de faire de la radio.

b) Facebook Live et la radio visuelle

Facebook est devenu un réseau social extrêmement puissant dans le relais de l'information. En hébergeant une multitude de contenus provenant de sources diverses, il joue un rôle très important dans la diffusion de vidéos des émissions de France Inter. Le 12 Avril 2018, François Hollande était l'invité de la matinale de France Inter. La première partie de l'émission était consacrée au média radio et la deuxième en Facebook Live. Avec le #79inter, il était possible de poser des questions à François Hollande en direct. La mutation de l'émission vers le réseau social s'est faite sans changement de ton.130 Pourtant il est de plus en plus question d'un langage adapté au numérique, comme on le voit avec l'apparition de capsules vidéos Face Cam.131 Pour France Inter, la transition numérique s'est faite à 50 % selon Colas Zibaut, responsable du Pôle

126 Henry Jenkins, La culture de la convergence, des médias aux Transmédias, Paris, Armand Collin, 2013

127 Sybile veil, Projet stratégique pour Radio France (2018-2023)

128 Sylvain Gire, Syntone

129 Entretien avec Colas Zibaut, annexe 1

130 Entretien avec Colas Zibaut, annexe 1

131 Anglicisme : Face caméra

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vidéo de la station.132 Convertir des informations sous forme numérique, c'est disposer de fichiers qui sont soit des podcasts soit des liens de streaming. Cela fait partie de la conversion digitale. Ce sont des pratiques que la station a intégrées, à son rythme.

3) Quand le podcast devient natif

Dans le champ des médias, il y a les pure players, qui ne relèvent pas de la radio car nés avec Internet. Ils se sont lancés librement sur le web sans contraintes de formats ou de lignes éditoriales. Le podcast, par exemple, connaît un beau développement. France Culture a été précurseur sur le podcast natif. La chaîne propose même des fictions. Pour la directrice de l'antenne, Sandrine Treiner, le podcast natif permet d'atteindre des nouvelles cibles.133 « Pour les jeunes qui n'écoutent pas la radio, le fait de leur proposer des contenus qui sont spécifiquement conçus en fonction de leurs usages et les nouveaux modes de distribution est la garantie qu'ils iront les écouter ».

Saisir le médium radiophonique et l'exporter de son objet initial devient une nouvelle priorité pour France Inter. Pour les podcasts dits natifs134, le syntagme concerne toutes les productions qui sont faites hors productions radiophoniques, le mode de distribution et tout ce qui est relatif à l'écriture. Cela implique pour les antennes de radio qui s'intéressent à cette nouvelle pratique de créer des contenus qui ne seront donc pas distribués à la radio.

L'appellation a évolué, d'après Colas Zibaut, le responsable de la cellule vidéo de France Inter.135 Les podcasts natifs sont désignés sous le nom de podcasts « originaux ». Les nouvelles offres de podcasts natifs originaux nous rappellent Les créations originales de canal +

Le premier podcast original de France Inter « À la Hussarde »136 est une série de neuf épisodes proposée par Thomas Legrand, qui rappelle les moments clés de la campagne présidentielle de 2017.

Quand un producteur fait une émission de radio, il s'adresse à tous les auditeurs, quand il fait un produit spécifiquement conçu pour le web, sous la forme d'un podcast vidéo, il s'adresse à chacun d'entre eux. L'expression devant le micro est différente, et le contenu est différent. Qu'il soit natif ou non, le podcast à la radio amène des nouvelles formes d'écriture. Il est alors possible d'intégrer une certaine intimité, une familiarité assumée. Les auditeurs choisissent les heures, les

132 Entretien, opcit.

133 Sandrine Trenier, Le podcast peut-il remplacer la radio, émission Le Tube de Canal +

134 Def google : Créations sonores conçues et créées pour être diffusé directement en ligne, sans passer par l'antenne

135 Entretien avec Colas Zibaut, annexe 1

136 François Bougon, Radio : le « bouillonnement créatif » des « podcast natifs, Le monde économie, 27/03/2018

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thèmes. On peut dès lors supposer que l'écoute sera plus attentive. Les podcasts offrent un style nouveau à l'antenne. Il ne s'agira alors plus du média radio sur lequel on s'intéresse, mais sur ces nouveaux formats récents qui seront davantage mis en avant si l'on se questionne sur la pérennité du média traditionnel. Un problème peut se produire à l'écoute du podcast natif de France Inter : le jingle : « vous êtes bien sur France Inter » est absent. L'identité de France Inter peut s'en trouver insuffisamment valorisée.

a) L'offre personnalisée : une plus forte pérennité face au média traditionnel ?

Les croissants est une innovation particulièrement intéressante. Il s'agit de la première matinale de radio intelligente qui permet de créer une grille de programme personnalisée. C'est une application à la carte.137 Contrairement aux stations de radio, et plus particulièrement à France Inter, la matinale n'est pas imposée ni limitée mais créée selon les envies de chacun, ses goûts et ses intérêts. Autrement dit, les thèmes abordés sont sélectionnés au préalable, et la matinale, peut désormais répondre à une demande personnalisée. C'est la possibilité de créer son propre média d'information.

b) Retour en force de l'audio

« Le podcast pourrait-il un jour remplacer la radio ? » Une question centrale posée à l'occasion du vingtième anniversaire de Radio Campus Paris. La radio rythme le temps. Le podcast, lui, permet une autre approche des thématiques traitées.

Une deuxième révolution s'annonce, le « web vocal », le moyen par des enceintes connectées d'écouter des émissions de radio. L'idée est de créer encore plus de formats adaptés à ces nouveaux usages. Le fameux « Ok Google... » permettrait aujourd'hui de retrouver les chroniques de Guillaume Meurice sur France Inter par exemple. Un retour en force de l'audio est mis en avant. Google, Amazon et Apple financent des campagnes massives sur les assistants vocaux.

137 Rencontre avec le créateur des croissants, Radio vers le futur

Les applications vocales de Radio France sont depuis peu disponibles sur le service vocal intelligent d'Amazon : Alexa.138 Le développement de commandes vocales permet de réécouter à la demande la chronique Géopolitique de Bernard Guetta par exemple. Grâce à la démultiplication des supports d'écoute audio, Radio France se veut une nouvelle fois le plus proche des usages du public.

La poursuite du développement de France Inter sur le digital est un chantier qui mobilise l'ensemble de l'antenne. France Inter a conquis de nouveaux auditeurs en quatre ans, en partie dus aux podcasts, à la radio visuelle et aux capsules vidéo. France Inter est une antenne fédératrice, son objectif n'est pas de renier son identité mais elle est dans une vague d'adaptation de plus en plus puissante vis-à-vis des projets numériques globaux. Le fait d'intégrer des caméras dans ses studios de radio alors que celui-ci est le foyer du son démontre que France Inter s'est adaptée aux nouveaux usages.

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138 Radio France poursuit son développement sur les assistants vocaux avec Amazon Alexa, Texto bulletin d'information de Radio France n°1397 - Mercredi 13 Juin 2018

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Conclusion

Il serait vain de combattre l'ère de la translittératie139. La conversion digitale est omniprésente et la concurrence est rude.

Le média radio a repensé la définition des contenus existants en se demandant lesquels seraient les mieux adaptés, et pour quel type de support. Les stratégies développées à France Inter ont créé davantage d'interactions grâce aux réseaux sociaux, avec notamment le partage d'informations. On a vu l'émergence de nouvelles fonctionnalités telles que les podcasts natifs. Ces nouveaux contenus amènent à repenser la manière dont la radio doit être proposée aux publics les plus divers. France Inter a connu des transformations technologiques et éditoriales très importantes, des bouleversements de codes, de manières d'être et de communiquer ont émergé.

Au terme de ce travail de réflexion, des hypothèses de départ ont été confirmées, d'autres non. La problématique étant « En quoi l'apparition de la radio filmée à France Inter a-t-elle transformé sa médiativité ? Le terme médiativité s'est adapté à la radio en essayant de comprendre l'ensemble des singularités de ce média. Les nouvelles pratiques de plus en plus importantes dans l'ère du digital ont de réels impacts sur ce média traditionnel.

Dire qu'un « média n'est pas l'autre », comme le fait Philippe Marion dans Narratologie médiatique et médiagénie des récits remet en question les fondamentaux de la radio. C'est à travers l'observation d'émissions (sur internet et à la maison de la radio) ainsi que des entretiens avec les professionnels de France Inter, que ma réflexion s'est enrichie et a trouvé des réponses. La radio, média qui s'adresse à nos oreilles depuis des décennies, s'attache à présent à capter notre regard, à l'orienter, à le séduire, avec l'aide des nouveaux dispositifs.

France Inter, en déployant des signaux vidéos sur des plateformes multiples, crée les complémentarités de l'audio. Les professionnels ont su « faire face », et développer de nouvelles pratiques. Parmi les hypothèses avancées dans ce mémoire, il en est une qui voulait que l'image exerce un pouvoir sur les hommes et les femmes de radio, en changeant leurs comportements, en modifiant leur écriture ou encore la prosodie de chacun : cette hypothèse a été en partie vérifiée. L'évolution des métiers est un constat indéniable. Globalement, l'introduction des caméras dans les studios s'est faite sans hostilité. On peut même dire qu'elle a recueilli l'assentiment d'une majorité de professionnels.

139 Thématique de recherche définie par Sue Thomas en 2005

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L'image associée au son est une « révolution tranquille ». Nul ne peut contester la force de l'image. L'idée même de laisser la radio cantonnée dans l'univers du son l'aurait condamnée à court ou moyen terme à une sorte de « ringardisation » suivie d'une douloureuse relégation. Les dirigeants du secteur l'ont bien compris. France Inter a pris, quand il le fallait, le virage de la transformation numérique, et cette stratégie a été payante. Les mesures d'audience l'ont confirmé, le public traditionnel n'a pas décroché pour aller « écouter ailleurs », et le gain d'auditeurs plus jeunes, alors que ceux-ci sont généralement peu fidèles à l'antenne publique, est sensible. Rien n'étant définitivement acquis, dans un monde en perpétuel mouvement, toute forme de triomphalisme serait une erreur. Mais l'espoir est permis, et France Inter, qui sait être vigilante, peut regarder l'avenir avec confiance et sérénité.

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Bibliographie

Ouvrages sur la radio et le journalisme

Frédéric Antoine, Analyser la radio : méthodes et mises en pratique, De Boeck Supérieur France, coll. Info/Com, 2016, 256 p.

Rémy Rieffel, Que sont les médias ? Pratiques, identités, influences, Paris, Gallimard, 2005, 544p.

Hervé Glevarec Ma radio, attachement et engagement : enquête de réception auprès d'auditeurs, Etudes et controverses, ISSN

Carlo Emilio Gadda, L'art d'écrire pour la radio, trad. par Guillaume Monsaingeon, Paris, France : Les Belles Lettres, 1993

Laetitia Allemand, Jean Michel Oullion, Les grandes questions des médias : enjeux et stratégies des médias contemporains, L'étudiant, coll. Connaissance, 2005

Jean Jacques Cheval, Les radios en France, Histoires, état et enjeux, 1997

Catherine Bertho-Lavenir et Frédéric Barbier, Histoire des médias : De Diderot à Internet, paris, 1996 Henry Jenkins, La culture de la convergence, des médias aux Transmédias, Paris, Armand Collin, 2013

Ouvrages sur la méthodologie

Frédéric Antoine, Analyser la radio : méthodes et mise en pratique, De Boeck Supérieur France, coll. Info/Com, 2016, 256 p.

Alain Blanchet, Anne Gotman, L'Enquête et ses méthodes : L'entretien, Paris : Armand 61 Colin, coll.128, 2006, 127 p.

Christelle Avril, Marie Cartier, Delphine Serre, Enquêter sur le travail. Concepts, méthodes, récits, La découverte, coll. Guides, 2010, 284 p.

Joël Cuoq, Laurent Gauriat, Journaliste Radio : Une voix, un micro, une écriture, Presse universitaire de Grenoble, 2016, 168 p.

Articles de revues

Philippe Marion, Narratologie médiatique et médiagénie des récits, Recherches en Communication,N°7 1997

Jean François Têtu « la radio, un média délaissé » Revue Hermès, N°35, 2008

Thierry Devars, les vidéos politiques au prisme de la trivialité, communication et langages, 2015

Nozha Smati, Pascal Ricaud « Numérisation de la radio : pratiques et perspectives » Revue N°1 Radiomorphoses 2016

Anne Catherine Simon, Antoine Auchlin, Jean-Philippe Goldman, Georges Christodoulides Tendances prosodiques de la parole radiophonique, Cahiers de praxématique n°61, 2013

Guy Lochard, Débats, talk-shows : de la radio filmée ? Communication & langages, N°86, 1990

Articles de presse

AFP « Radio : France Inter passe à la « radio visuelle » » L'Express, publié le 26/08/2014

François Bougon, « Radio : le « bouillonnement créatif » des « podcast natifs » » Le Monde Economie, publié le 27/03/2018

Anaëlle Grondin, « Pourquoi la radio filmée se généralise » 20 Minutes Médias, publié le 26/04/2013

William Demuyter, « La radio filmée, pour moi, c'est une expression injurieuse », ina global , publié le 03/06/2016

Mémoire

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Anne Gibier, la voix du chroniqueur à la radio : entre intégration et autonomie, CELSA, 2007

51

Webographie

Sébastien Poulain, « Postradiomorphoses : petit bilan des mutations radiophoniques à l'ère du numérique », RadioGraphy, 15 Octobre 2013

Syntone, web revue d'actualités et critique de l'art radiophonique http://www.telerama.fr/radio Rubrique Radio du magazine en ligne Télerama

Sites Internet

https://www.franceinter.fr/ Site de France Inter, dernière consultation le 15/06/2018 http://www.radiofrance.fr/ Site de Radio France, dernière consultation le 12/06/2018

http://hyperradio.radiofrance.fr/ Site de l'actualité numérique de Radio France, dernière consultation le 18/06/2018

http://www.csa.fr/ Site du Conseil supérieur de l'Audiovisuel, dernière consultation le 05/06/2018 http://www.ina.fr/ Site de l'Institut National de l'Audiovisuel, dernière consultation le 10/06/2018

https://radiography.hypotheses.org/1570 Radio Graphy : Carnet de recherche du GRER, dernière consultation le 15/06/2018

https://www.lescroissants.fr/ Les croissants, première matinale radio intelligente

Vidéos

Film d'animation, les métiers de la radio à Radio France

Habillage radio visuelle à France Inter

Documentaire, La Maison de la Radio, 2013

David Abiker : « la radio filmée, caméra témoin d'un moment de radio » Europe 1, publiée le 9 septembre 2015

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Chroniques

Le Billet de Charline Vanhoenacker Tanguy Pastureau maltraite l'info Le Billet de François Rollin

Par Jupiter !

Matinales

Le 7/9 d'Inter

La matinale de RTL

La matinale d'Europe 1

Entretiens

Nicolas Demorand, Sonia Devillers, Tanguy Pastureau, Charline Vanhoenacker, Dorothée Barba, Mathieu Vidard, Colas Zibaut - Lundi 30 avril 2018 à la Maison de la Radio.

Patrick Henri - Lundi 4 Mai 2018

Pauline Laverdure - Jeudi 7 Mai 2018

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Annexes

Annexe 1

Entretiens

Guide d'entretiens

- Grille d'entretiens destinés aux journalistes/producteurs/chroniqueurs de France Inter

1 / Profil et parcours de l'interviewé(e)

l Quel métier exercez-vous à France Inter et depuis combien de temps ?

2/ Expériences en radio filmée

l Avez-vous dû adapter vos pratiques professionnelles à France Inter au quotidien depuis l'arrivée de la vidéo ? (la formation, les compétences ou le savoir-faire qu'il faut acquérir pour maîtriser les techniques permettant de produire des nouveaux contenus.)

l Pouvez-vous me raconter votre première expérience / souvenir en radio filmée ?

l Avez-vous eu des appréhensions face à l'entrée des caméras dans les studios de radio ? A être filmé pendant une émission ?

l Avez-vous le trac du direct ? Le fait d'être filmé peut-il accentuer ce trac ?

l Les nouvelles pratiques du numériques sont-elles un impact sur votre style radiophonique ?

3 / Perception de la radio filmée

l Que pensez-vous de la radio visuelle en général?

l Pourquoi la chaîne France inter s'est-elle investie dans la production vidéo ? Quelles sont les motivations de cette stratégie selon vous ? Certaines émissions sont filmées, d'autres non, pourquoi selon vous ?

l En quoi et pourquoi est-elle amenée à se développer selon vous ? Quel avenir pour la radio visuelle selon vous ?

l La radio, ce média de l'imagination, peut-il encore être nommé ainsi si l'on pense présence des caméras, émissions filmées ?

l D'après vous la vidéo peut enlever de la liberté dans la production d'une émission, dans les propos, le traitement de l'information ? Ou au contraire elle va permettre plus d'ouverture sur de multiples sujets ?

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Notes d'entretiens

? Sonia Devillers, Le Grand Bain, L'instant M, Entretien Lundi 30 avril 10h à Radio France

1 / Profil et parcours de l'interviewé(e)

l Quel métier exercez-vous à France Inter et depuis combien de temps ?

Je suis productrice et animatrice, j'anime l'émission, j'en suis la rédactrice en chef, je suis responsable d'une équipe de 4 personnes, je suis productrice d'une émission quotidienne depuis 4 ans et je suis arrivée à France Inter depuis une dizaine d'années.

2/ Expériences en radio filmée

l Avez-vous dû adapter vos pratiques professionnelles à France Inter au quotidien depuis l'arrivée de la vidéo ? (la formation, les compétences ou le savoir-faire qu'il faut acquérir pour maîtriser les techniques permettant de produire ces nouveaux contenus.)

Alors depuis l'arrivée de la vidéo, oui, un petit peu mais c'est très marginal, c'est assez anecdotique. Je prends 5 min pour me maquiller avant de descendre en studio, ce que je ne faisais absolument jamais, l'éclairage est terrible, l'image est terrible, ce ne sont pas des conditions de vraie télévision, tout cela reste sur internet, parfois je me suis vue et j'ai eu un peu de mal.

l Pouvez-vous me raconter votre première expérience / souvenir en radio filmée ?

Je présente la une de magazine, je ne suis plus dans un exercice de radio, je la montre à l'image. Parfois j'intègre d'autres propos à mon discours : « allez voir la vidéo si vous avez envie de voir ce qui se passe dans le studio » Sinon plus par rapport à ma relation avec les invités, évidemment la question se pose. Un jour j'ai reçu Marianne James et elle m' dit : « voilà la personne que vous voyez en face de vous ce n'est pas Marianne James ; de la même manière qu'une animatrice de télévision a refusé une fois d'être filmée Pour des questions de sécurité aussi, je recevais un activiste syrien, c'était dangereux pour lui d'être filmé. Quand Augustin Trapenard reçoit des chanteuses, actrices, ce n'est pas négociable, c'est leur fonds de commerce

l Avez-vous eu des appréhensions face à l'entrée des caméras dans les studios de radio ? A être filmée pendant une émission ? Avez-vous le trac du direct ? Le fait d'être filmée peut-il accentuer ce trac ?

Non aucune, je suis assez à l'aise avec ça, je me suis adaptée à la nouvelle vague et je l'apprécie de plus en plus. La caméra est un accessoire anecdotique pour moi,

l 55

Les nouvelles pratiques du numériques sont-elles un impact sur votre style radiophonique ?

Cela peut m'arriver d'intégrer des nouvelles choses dans mon discours, je renvoie sur France inter quand mon invité à une attitude ou une coiffure que je trouve personnellement intéressante à voir à l'écran. Surtout après l'émission avec mon équipe, on découpe la vidéo, on la poste sur le site et réseaux sociaux, ça change beaucoup nos pratiques, l'après émission, la façon de faire vivre l'émission ensuite. Nos pratiques se sont adaptées à l'après émission.

4 / Perception de la radio filmée

l Que pensez-vous de la radio visuelle en général?

Pour moi c'est un très bel accompagnement de la voix, on est dans l'ère du numérique, on n'allait pas y échapper, et on s'habitue vite au fait que les choses changent avec le numérique.

l Pourquoi la chaîne France inter s'est-elle investie dans la production vidéo ? Quelles sont les motivations de cette stratégie selon vous ? Certaines émissions sont filmées, d'autres non, pourquoi selon vous ?

C'est un choix de la direction, peu de gens regardent en live, c'est plutôt l'après ; la priorité va à l'info, la matinale et les interviews d'infos (tout ce qui s'est passé dans le studio doit être vu à l'image) On a élargi cette politique d'invités à des émissions avec des interviews fortes car on estime que ça fait de la reprise, comme l'émission Instant M, Les humoristes sont regardés énormément en pastille vidéo.

l En quoi et pourquoi est-elle amenée à se développer selon vous ? Quel avenir pour la radio visuelle selon vous ?

Je me souviens, un jour j'ai reçu Alain VEIL, patron de Next TV radio, très en avance sur ces questions-là. Premièrement ça ne va pas pouvoir rester à ce niveau amateur très longtemps, très rapidement les images produites par la radio ou même par la presse écrite se retrouvent toutes en concurrence à un moment donné. Il m'a dit aussi une chose très juste « Ça change complètement la notion de spectacle », on est avec nos casques, chez Europe 1 ils ont remplacé les casques par des oreillettes, parce qu'on est à l'image. On n'est pas comme à la télévision, ce spectacle je l'adore, dans son naturel de présentation, on a nos feuille de travail, nos bouteilles d'eau, j'aime ce côté-là de nous voir dans notre espace de travail.

l La radio, ce média de l'imagination, peut-il encore être nommé ainsi si l'on pense présence des caméras, émissions filmées ?

Je suis par exemple très à l'inverse d'Augustin Trapenard par exemple avec qui je partage le 9/10. Pour lui ça doit rester un média de la voix, un média de l'imaginaire, du mystère. Pour moi, pas du tout. Si je pouvais je ferais des émissions en direct tous les jours ; J'aime être entourée de personnes, j'aime aussi l'idée que les personnes entrent dans nos studios : « rentrez dans nos studios » c'est très démocratique. L'idée que la maison de la radio se soit ouverte physiquement et qu'en plus les caméras nous permettent d'accentuer cela, je trouve cela formidable. Ce qui est très important et qu'il faut prendre en compte car je n'ai pas les mêmes invités qu'Augustin Trapenard, ces gens déshabitués de l'image, ce n'est pas la même histoire...

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? D'après vous la vidéo peut enlever de la liberté dans la production d'une émission, dans les propos, le traitement de l'information ? Ou au contraire va-t-elle permettre plus d'ouverture sur de multiples sujets ?

Je ne pense pas, car les caméras sont presque invisibles, elles sont en hauteur, on préfèrerait avoir des images à hauteur de vue, on voit beaucoup le cuir chevelu de tout le monde, les caméras sont assez petites. Pour moi les invités sont intimidés parce qu'ils arrivent à la radio et non pas parce qu'ils vont être filmés.

? Tanguy Pastureau, Tanguy Pastureau maltraite l'info, Entretien lundi 30 avril, 10h30 à Radio France

1 / Profil et parcours de l'interviewé(e)

l Quel métier exercez-vous à France Inter et depuis combien de temps ?

J'exerce le métier de chroniqueur humoristique à France Inter depuis le mois de septembre tous les midis à 12h10 pour décrypter l'actu de manière humoristique. J'étais 9 ans à RTL et aussi dans des radios bénévoles.

3/ Expériences en radio filmée

l Avez-vous dû adapter vos pratiques professionnelles à France Inter au quotidien depuis l'arrivée de la vidéo ? (la formation, les compétences ou le savoir-faire qu'il faut acquérir pour maîtriser les techniques permettant de produire ces nouveaux contenus.)

Pas forcément, car ça reste de la radio filmée, les gens lisent leurs papiers, ce qui pourrait présenter un intérêt relatif. Pour les gens il y a l'envie de pénétrer dans les coulisses de la radio, je fais un signe à mes auditeurs en fixant la caméra au début pour montrer que je sais que je suis filmé et que a n'est pas à mon insu, beaucoup d'auditeurs sont devenus téléspectateurs. Il y a un impact sur le nombre de visionnage essentiellement.

l Pouvez-vous me raconter votre première expérience / souvenir en Radio filmée ?

Je me souviens de quelques fois, ou on filmait des gens qui ont eu des réactions (rires, étonnements, grimaces), parfois ils oublient être filmés, ils vont faire des têtes pas possibles mais finalement ça rajoute un côté vivant, une retranscription d'émotion qui continue par passer par la voix bien évidemment mais avec ce plus de voir les coulisses

l Pourquoi la chaîne France inter s'est-elle investie dans la production vidéo ? Quelles sont les motivations de cette stratégie selon vous ?

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C'est l'époque qui veut ça, tout le monde le fait avec plus ou moins de réussite. Ça génère des clics sur internet, ça permet d'attirer des jeunes, pour qui la radio ce n'est que des instants de radio filmée, ce sont des gens qui sont nés avec la vidéo, je pense que ça touche un nouveau public.

l Les nouvelles pratiques du numériques sont-elles un impact sur votre style radiophonique ? La possibilité qu'ont les auditeurs internautes de ré écouter ou voir en vidéo les émissions influence elle votre façon de travailler en amont ?

Oui les chroniques qui me semblaient trop complexes, trop écrites, je les fais quand même car les personnes peuvent regarder plusieurs fois, je ne m'interdit plus rien au niveau du style radiophonique, il peut y avoir du détail ou subtilité, plus de liberté, fournir des chroniques plus travaillées, peut-être moins « immédiates » il faut se lâcher en se disant que la chronique reste disponible sur internet.

l Vous avez travaillé chez RTL, pouvez-vous me citer la principale différence entre France Inter et RTL ?

Les gens ont moins tendance à jouer avec les caméras. Dans les studios infos à RTL la différence est entre les studios infos ou les studios variétés, parfois je vois le rouge sur la caméra mais je n'arrive même pas à savoir où elle se trouve exactement ; On m'en parle souvent donc c'est signe que y'a un petit jeu, c'est intéressant.

4 / Perception de la radio visuelle

l Que pensez-vous de la radio visuelle ?

Au début j'étais assez influencé par plusieurs personnes qui disaient que la radio c'est la voix et pas un physique. C'était intéressant de ne pas forcément voir les gens Moi je m'y suis habitué, la caméra est un petit plus pour moi en jouant avec elle, je pourrais venir déguisé parfois, je n'y pense pas assez. J'ai travaillé avec Bernard Poirette sur RTL qui a une voix très grave et caractéristique, je peux comprendre qu'on n'ait pas envie de le voir

l Certaines émissions sont filmées, d'autres non, pourquoi selon vous ?

Sur RTL par exemple Laurent Gera n'est pas filmé, car il imite des voix, on verrait juste un imitateur en train d'imiter. Canteloup n'est pas filmé non plus, en tant qu'imitateur ça casse le truc. Pour les gens qui font des chroniques sans soucis d'interprétation, comme moi, c'est vraiment un complément.

l En quoi et pourquoi est-elle amenée à se développer selon vous ? Quel avenir pour la radio visuelle selon vous ?

Une radio filmée en permanence, 24 sur 24. Moi je l'imagine vraiment comme une « télévision améliorée » quasiment en direct tout le temps. À la télé tout est enregistré, tout est déjà décidé à l'avance on sait qu'il peut plus se passer grand-chose

l La radio, ce média de l'imagination, peut encore être nommé ainsi si l'on pense présence des caméras, émissions filmées ?

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Un petit peu moins, on voit beaucoup plus les choses, ça peut casser l'image de quelqu'un, ça peut briser quelques fantasmes. C'est un complément mais ça peut briser certaines imaginations on va dire ; C'est comme les adaptations au cinéma de livres. Si on imagine les 3 mousquetaires d'Alexandre Dumas comme on le souhaite et ensuite on les voit, il peut y avoir une déception quand on a pu imaginer autre chose.

l D'après vous la vidéo peut enlever de la liberté dans la production d'une émission, dans les propos, le traitement de l'information ? ou au contraire elle va permettre plus d'ouverture sur de multiples sujets ?

Sur mon métier justement comme dit précédemment, elle me laisse plus de liberté dans mon travail, dans mes sujets lorsque je sais que si je suis filmé

? Charline Vanoenacker, Le billet de Charline Vanoenacker, Entretien lundi 30 avril, 11h15 à Radio France

1 / Profil et parcours de l'interviewé(e)

l Quel métier exercez-vous à France Inter et depuis combien de temps ?

Je suis Productrice, pour moi ça ne veut pas dire grand-chose. Je me considère comme une journaliste satirique. Je fabrique une émission, je m'occupe du contenu de l'émission je choisi les sujets, les invités, producteur c'est de la pure organisation et ensuite il y a tout le travail de l'écriture.

3/ Expériences en radio filmée

l Avez-vous dû adapter vos pratiques professionnelles à France Inter au quotidien depuis l'arrivée de la vidéo ? (la formation, les compétences ou le savoir-faire qu'il faut acquérir pour maîtriser les techniques permettant de produire ces nouveaux contenus.)

Je fais de la radio avant tout, les fois où je joue avec la vidéo c'est quand je me déguise. Mais je me crée un personnage davantage avec des déguisements, perruques, je pourrais faire mieux si je tenais compte de la vidéo mais c'est comme si je faisais de la télévision. J'en fais fie, après j'ai conscience que ça nous amène un autre public, des personnes qui n'écoutent pas la radio mais qui regardent les chroniques. L'objet vidéo est susceptible d'être partagé, j'accepte d'être filmée, on est une des rares émissions dont on peut regarder le direct en streaming, ça joue énormément sur notre interaction avec les gens, regarder la vidéo va être une image de fond.

l Pouvez-vous me raconter votre première expérience / souvenir en Radio filmée ?

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J'ai fait une entorse au principe de la radio. Quand François Hollande est venu, il était président de la république j'avais créé des pancartes avec mon numéro de téléphone et des phrases de dragues sans le préciser aux auditeurs traditionnels mais l'auditeur de la chronique ne se sentait pas perdu pour autant. Cependant les spectateurs ce complément humoristique plus prononcé.

l Avez-vous eu des appréhensions face à l'entrée des caméras dans les studios de radio ? A être filmée pendant une émission ? Avez-vous le trac du direct ? Le fait d'être filmée peut-il accentuer ce trac ?

Non jamais, on n'a pas la qualité de la télévision, moi j'ai complétement assumé cela .

l Les nouvelles pratiques du numériques ont-elles un impact sur votre style radiophonique ? (Au niveau des contraintes discursives)

Surtout pas, sinon on ne ferait plus de radio, ce qui m'importe c'est l'auditeur. Si jamais je joue de la vidéo je ne veux pas que l'auditeur se sente lésé. Je n'apporte pas un élément purement visuel. Sinon t'écris plus en fonction de la vidéo, tu te laisses emporter par l'image.

l Certaines émissions sont filmées, d'autres non, pourquoi selon vous ? (question du choix de contenu à filmer, quels genres?)

Celles qui sont intéressantes et susceptibles d'être prise en compte pour la vidéo c'est Boomerang d'Augustin Trapenard qui ne veut pas que son émission soit filmée mais sa carte blanche oui donc c'est vrai que c'est une question à se poser.

4 / Perception de la radio visuelle

l Que pensez-vous de la radio visuelle ?

On est une bande jeune et dynamique avec une écriture neuve qui dépasse le cadre de la radio. On à un autre aspect de la vidéo qui peut être problématique, une vidéo part de son contexte. Frédérique Fromet arrive le vendredi, l'auditeur disait qu'on fait de la satire, si on découpe la vidéo et qu'elle tourne sur les réseaux sociaux, comme elle n'est pas dans son contexte ; L'image à un impact, même nous au niveau de l'humour on peut avoir peur parfois, mais le problème ne vient pas de nous mais de la récupération de ce que l'on fait. La radio permet un dévoiement de ce qu'on fait, mais il ne faut pas non plus trop y penser en direct sinon on mettrait de la censure.

l En quoi et pourquoi est-elle amenée à se développer selon vous ? Quel avenir pour la radio visuelle selon vous ?

On peut s'arrêter là pour moi, ça amène les jeunes, je ne vois pas la nécessité d'aller plus loin.

Les vidéos circulent, ça a un côté intéressant je suis d'accord. On n'est pas à la télévision Il faut assumer le coté branquignole de la vidéo.

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La radio, ce média de l'imagination, peut encore être nommé ainsi si l'on pense présence des caméras, émissions filmées ?

Ce que ça modifie c'est que les gens nous reconnaissent dans la rue, le côté positif c'est que les gens viennent nous voir. On ne peut pas dire que ce n'est pas chouette, y'avait cette injustice un peu par rapport à la télévision. Maintenant, grâce à la vidéo, on entre davantage dans ce côté interactif, Le plus gros changement c'est qu'on est vus et reconnus ; on a maintenant la chance d'avoir cette interaction avec les gens, c'est vraiment chouette.

l D'après vous la vidéo peut enlever de la liberté dans la production d'une émission, dans les propos, le traitement de l'information ? ou au contraire elle va permettre plus d'ouverture sur de multiples sujets ?

On oublie vite qu'on est filmé. C'est plus dans nos interactions parfois avec les invités, l'auditeur quand il arrive il sait qu'on est dans la satire et que ça peut partir assez loin parfois

? Dorothée Barba, Captures d'écran, Demain la veille, le 5/7 du weekend, Entretien lundi 30 avril, 12h10 à Radio France

1 / Profil et parcours de l'interviewé(e)

l Quel métier exercez-vous à France Inter et depuis combien de temps ?

Je suis productrice, ça consiste à présenter et animer des émissions. Moi je me considère comme journaliste, je suis journaliste de formation, mais ce n'est pas dans mon contrat de travail.

3/ Expériences en radio filmée

l Avez-vous dû adapter vos pratiques professionnelles à France Inter au quotidien depuis l'arrivée de la vidéo ? (la formation, les compétences ou le savoir-faire qu'il faut acquérir pour maîtriser les techniques permettant de produire ces nouveaux contenus.) Avez-vous eu des appréhensions face à l'entrée des caméras dans les studios de radio ? A être filmée pendant une émission ?

Ah oui ça. C'est tout un sujet. J'ai présenté les journaux avant, ce sont des formats plus courts, plus écrits, il y avait beaucoup moins d'improvisation ; C'est vrai que j'ai un problème depuis toujours, je fais des gestes avec mes bras depuis l'école, ça m'aide à avoir un ton, on dirait une tarentule, c'est pas du tout télégénique ; je me suis pas du tout adaptée au fait d'être filmée. Y'a beaucoup de personne qui regardent la radio sur leur téléphone, beaucoup de proches à moi se sont moqués un peu. Maintenant il y a un truc que je fais, c'est assez récent je remercie une personne un auteur en brandissant le livre dans ma main (sans le préciser) je le fais pour ceux qui regardent et je peux rajouter « je le fais pour ceux qui regardent la vidéo » Un jour je recevais le patron du Un, un journal qui se déplie. La règle à la radio c'est qu'il faut tout décrire.

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Pouvez-vous me raconter votre première expérience / souvenir en Radio filmée ?

Dans le 5/7, La journaliste Hélène Roussel a dit qu'on avait tous des pulls moches de Noel et elle recommandait aux gens d'aller voir la vidéo.

Loana avait soulevé son pull, ce n'était même pas pendant l'émission, c'est désespérant de se dire que y'avait que ça qui avait tourné ; L'écueil de la vidéo c'est que ça fait des trucs calibrés pour nos réseaux sociaux, pour la culture du buzz

Avez-vous eu des appréhensions face à l'entrée des caméras dans les studios de radio ? Avez-vous le trac du direct ? Le fait d'être filmée peut-il accentuer ce trac ? La possibilité qu'ont les auditeurs internautes de ré écouter ou voir en vidéo les émissions influence elle votre façon de travailler en amont ?

Dans des émissions un peu intimistes, on peut parfois un peu plus penser à la caméra

La radio gesticulé, Claude Askolovitch, mais moi en même temps je me sens plus à l'aise quand je suis un peu agitée, donc je ne vais pas changer ça même si la caméra me filme, c'est une question un peu compliquée

4 / Perception de la radio visuelle

l Que pensez-vous de la radio visuelle ? En quoi et pourquoi est-elle amenée à se développer selon vous ? Quel avenir pour la radio visuelle selon vous ?

Ils m'ont fait signer un droit à l'image une fois pour toutes, je connais des producteurs qui ont refusé de signer le truc. Moi je me dis que la radio filmée est une manière d'évoluer même si je ne trouve pas ça forcément utile tout le temps. Je trouve que ce n'est pas passionnant. Je comprends tout à fait les réserves de beaucoup de personnes qui ne comprennent pas pourquoi elles sont filmées ; Dans ce cas-là il faudrait faire ça comme à la télé, prévoir maquilleur, coiffeurs...

La radio, ce média de l'imagination, peut encore être nommé ainsi si l'on pense présence des caméras, émissions filmées ? D'après vous la vidéo peut enlever de la liberté dans la production d'une émission, dans les propos, le traitement de l'information ? Ou au contraire elle va permettre plus d'ouverture sur multiple sujets ?

C'est très stressant d'être en direct à la radio, en plus à France Inter ! Même pour le type qu'on imagine le plus à l'aise quand le bouton rouge s'allume, tout le monde stresse.

Je ne sais pas s'il y a vraiment un impact avec la caméra, par contre ça peut jouer dans des émissions de confidences, intimistes

? Nicolas Demorand, le 7/9

Lundi 30 avril, 11h45 à Radio France

1 / Profil et parcours de l'interviewé(e)

l Quel métier exercez-vous à France Inter et depuis combien de temps ?

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Je suis journaliste à la rédaction de France Inter, j'ai fait mes premières émissions à France Inter en 2006, ça fait une douzaine d'années avec une interruption de 3 ans que je suis journaliste présentateur.

3/ Expériences en radio filmée

l Avez-vous dû adapter vos pratiques professionnelles à France Inter au quotidien depuis l'arrivée de la vidéo ? La possibilité qu'ont les auditeurs internautes de ré écouter ou voir en vidéo les émissions influence-t-elle votre façon de travailler en amont ?

L'entrée de la vidéo modifie à la marge le fait de faire de la radio, l'année dernière on n'était pas filmés dans le 18/20, ça donne surtout une liberté de geste : du langage non verbal, ça passe par les mains. Ce sont des gestes qu'on ne peut plus faire car ils peuvent être mal interprétés pour la communication avec la régie, on doit se contrôler un peu, c'est un problème. Ça peut être prit comme un geste de violence, de mépris. Sinon, je refuse de m'habiller pour venir à la radio, de mettre une veste ou cravate, mais quand même je m'habille différemment, y'a des images je fais plus attention

l Avez-vous eu des appréhensions face à l'entrée des caméras dans les studios de radio ? A être filmé pendant une émission ? Les nouvelles pratiques du numériques sont-elles un impact sur votre style radiophonique ? Avez-vous le trac du direct ? Le fait d'être filmé peut-il accentuer ce trac ?

Je commence à parler, à regarder partout, je bouge le micro on a l'impression que je suis totalement agité, donc je fais attention que ce ne soit pas filmé forcément car c'est une séquence inutile de la matinale. Ce sont des plans larges mais même au niveau des plans larges ça donne un rendu qui ne passerait pas bien à l'image.

l Pourquoi la chaîne France inter s'est-elle investie dans la production vidéo ? Quelles sont les motivations de cette stratégie selon vous ? Certaines émissions sont filmées, d'autres non, pourquoi selon vous ? (question du choix de contenu à filmer, quels genres?)

Lorsque j'ai commencé à faire la matinale à Inter en 2006, les zappings de télévisionv, il y avait déjà le logo de France inter.

Y'a des émissions ou les invités refusent d'être filmés, Ce n'est pas de la télé mise en onde, ça se comprend ce refus.

Aujourd'hui il y a beaucoup d'enjeux dictés par la télévision. Il y a des émissions ou les invités refusent d'être filmés. Moi quand je faisais « le téléphone sonne » le soir, je n'étais pas filmé, ça n'apportait rien. Là il se passe des choses en studio, un invité qui rigole, qui ne rigole pas, c'est un véritable complément. L'image c'est une réalisation très soft à France Inter, la radio survit sans problème.

4 / Perception de la radio visuelle

l Que pensez-vous de la radio visuelle ?

C'est très pratique, étrangement je le vois comme quelque chose purement radiophonique. Voir Charline, Guillaume Meurice déguisées en Panda, c'est important de voir l'image.

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J'ai une consommation d'images sur twitter notamment purement audio, l'image est importante, parfois

ça apporte vraiment quelque chose on peut regarder la vidéo avec plaisir ; C'est appréciable de
voir les invités,

l La radio, ce média de l'imagination, peut encore être nommé ainsi si l'on pense présence des caméras, émissions filmées ?

Il faudrait avoir les chiffres, je ne sais pas ce qu'ils sont exactement. La masse de l'audience passe encore énormément par le poste FM de la cuisine et de la salle de bain.

Ça peut passer par du streaming, par l'application d'inter, par Apple music, par le site internet,

L'audio est encore extrêmement puissant. Plusieurs amis à moi regardent la matinale sur un écran d'ordinateur comme elle est streamé l'expérience est très différente, mais un très beau moment de radio et aussi un très beau moment à l'image. La bascule ne sait pas encore faite, l'image n'a pas encore pris le pouvoir. Pour pouvoir être bien filmé il faut beaucoup de lumière. Il y a des radios intimistes qui sont des radios plus calmes, plus douces, ou l'on ne peut pas éclairer comme ça

l D'après vous la vidéo peut enlever de la liberté dans la production d'une émission, dans les propos, le traitement de l'information ? ou au contraire va-t-elle permettre plus d'ouverture sur de multiples sujets ?

Dans les plans larges, la gestuelle est restreinte

? Mathieu Vidard, La tête au carré Lundi 30 avril, 15h45 à Radio France

1 / Profil et parcours de l'interviewé(e)

l Quel métier exercez-vous à France Inter et depuis combien de temps ?

Je suis producteur animateur à Radio France depuis 25 ans, et 15 ans à France Inter. Avant j'étais à Nancy dans les locaux de France Bleu et j'ai commencé à Nantes à Radio France.

3/ Expériences en radio filmée

l Avez-vous dû adapter vos pratiques professionnelles à France Inter au quotidien depuis l'arrivée de la vidéo ? (la formation, les compétences ou le savoir-faire qu'il faut acquérir pour maîtriser les techniques permettant de produire ces nouveaux contenus.)

Le fait d'être filmé ne change pas grande chose pour nous si ce n'est que nos invités maintenant savent qu'ils sont filmés. On leur pose la question parce que ça peut leur poser problème. Ça a changé la façon de faire la radio. Y'a quelques années c'était vraiment la voix des journalistes présentateurs ; Ça prolonge la radio dans la dimension de réseaux sociaux. La caméra sert de supports aussi pour prolonger l'émission, découper des extraits pour faire vivre l'émission, plus longtemps

Des nouveaux moyens qu'on utilise car ils s'imposent à nous, on ne peut pas faire de la radio sans faire de l'image même si certains le regrettent. Faire connaître l'émission autrement et faire connaitre les invités, leurs propos c'est intéressant. Ça donne une autre dimension à notre travail. C'est une façon de le valoriser. Le contenu ne change pas forcément, par contre le format varie en diminuant la durée d'une émission. Ça peut valoriser le contenu

l Les nouvelles pratiques du numériques ont-elles un impact sur votre style radiophonique ?

Je pars d'un texte que j'ai écrit, je le réadapte au format web en retravaillant mon texte ; On fait des choses qu'on se faisait pas avant. Je fais du natif, je pars d'un texte que j'ai écrit dans le but de l'offrir au numérique. Je sors du studio de radio, je donne mon texte face caméra, là les métiers se transforment complètement dans cette ouverture et de transformation de notre travail de radio à l'univers du web

l Certaines émissions sont filmées, d'autres non, pourquoi selon vous ? (question du choix de contenu à filmer, quels genres?)

Les émissions de connaissance, comme l'histoire ou la science s'y prêtent bien parce que justement ces reprises sont très efficaces, ils ont choisi de thématiser certaines émissions. C'est une question de fréquentation des sites. La science ça génère des clics.

4 / Perception de la radio visuelle

l Que pensez-vous de la radio visuelle ? Ce média de l'imagination, peut encore être nommé ainsi si l'on pense présence des caméras, émissions filmées ?

La radio a vécu très longtemps sur cette puissance de la voix et du son, maintenant les choses se transforment, on vit dans une autre époque avec d'autres outils. C'est une façon pour moi de valoriser le contenu de l'émission, Les vidéos arrivent de façon très massive. Y'a des émissions qu'on écoutera toujours, sans forcément passer par la vidéo, on a envie d'entendre la voix d'un animateur. Je ne suis pas sûr que voir Guillaume Galienne soit très intéressant.

l D'après vous la vidéo peut enlever de la liberté dans la production d'une émission, dans les propos, le traitement de l'information ? ou au contraire va-t-elle permettre plus d'ouverture sur de multiples sujets ?

Pour les invités politiques parfois ça peut jouer. Ils savent qu'ils sont suivis et filmés en permanence, leurs propos sont rapportés d'une façon ou d'une autre si une chose doit émerger .Les caméras ,on les oublie ce n'est pas un problème.

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- Guide d'entretien destiné aux techniciens de France Inter

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1/ Profil / parcours de l'interviewé(e)

· Depuis combien de temps êtes-vous à France Inter ? 2/ Activités en radio

· Pouvez-vous me raconter une journée type en quelques mots s'il vous plait 3/ Expériences en radio filmée

· Selon vous quelles étaient et sont les motivations de cette chaîne dans l'investissement de la production vidéo ?

· Certaines émissions sont filmées, d'autres non ? Pourquoi selon vous ? (Quel contenu filmer ? Quels genres ?)

· Avez-vous du adapter vos pratiques professionnelles au sein de la chaîne avec l'arrivée des caméras dans les studios ? (nouvelles missions ? pratiques multitâches ?)

· Pouvez-vous me raconter une petite anecdote! expérience ! souvenir avec la radio filmée (sur les journalistes, le studio, les invités ou vous-même)

4/ perception de la radio visuelle

· Que pensez-vous de la radio visuelle ? En quoi et pourquoi est-elle amenée à se développer selon vous ? Quel est son avenir ?

· Pensez-vous que la radio visuelle peut ramener plus de crédibilité (dans la possibilité désormais de voir la voix), ainsi qu'un renouvellement de confiance envers les médias (à travers la multiplication des supports)

· La radio, ce média de l'imagination peut-il encore être nommé ainsi si l'on pense présence des caméras, émissions filmées ?

· D'après vous, la vidéo peut enlever de la liberté dans la production d'une émission, dans les propos, le traitement de l'info ? (lorsque l'on sait que l'on est filmé, la façon de s'exprimer, se comporter peut être modifié selon vous ?)

- Notes d'entretiens

? Patrick Henry, vendredi 4 mai, technicien du son

1/ Profil / parcours de l'interviewé(e)

· Depuis combien de temps êtes-vous à France Inter ?

Je suis entré à Radio France en 1982 et à France Inter en 2005

2/ Activités en radio

· Pouvez-vous me raconter une journée type en quelques mots s'il vous plait

Notre planning est tournant sur 10 semaines et varie de jour en jour. Nous pouvons travailler en journée, le weekend ou la nuit. Arrivé au travail, je vérifie les émissions que je dois faire ou diffuser dans la journée et leur répartition dans les studios. Puis j'assure les enregistrements et directs prévus au planning en changeant de studio suivant les cas.

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3/ Expériences en radio filmée

· Selon vous quelles étaient et sont les motivations de cette chaîne dans l'investissement de la production vidéo ?

Les chaînes pensent attirer un nouveau public, qu'elle pense totalement accro aux images, vers ses émissions.

· Certaines émissions sont filmées, d'autres non ? Pourquoi selon vous ? (Quel contenu filmer ? Quels genres ?)

Certains producteurs ou artistes refusent d'être filmés, soit par respect de l'esprit radio, soit parce que les conditions de tournages ne sont pas optimums.

· Avez-vous du adapter vos pratiques professionnelles au sein de la chaîne avec l'arrivée des caméras dans les studios ? (Nouvelles missions ? pratiques multitâches ?)

Certains d'entre nous ont appris l'utilisation des outils, mais la plupart des techniciens connaissent les outils par passion à l'extérieur. Pour le moment, le travail de la radio proprement dite ne s'est pas trop plié aux exigences de la vidéo.

4/ perception de la radio visuelle

· Que pensez-vous de la radio visuelle ? En quoi et pourquoi est-elle amené à se développer selon vous ? Quel est son avenir ?

Je pense qu'il s'agit d'une mode qui ne repose sur rien. Un complexe de certaines personnes qui travaillent à la radio en estimant qu'il s'agit d'un pis-aller de la télévision.

J'ignore si de mode de consommation de la radio va se développer. La tendance actuelle me semble être plus tenir du remplacement. On essaye en fait de faire de la télévision à très faible coût pour nourrir les nombreux canaux qui émergent.

· Pensez-vous que la radio visuelle peut ramener plus de crédibilité (dans la possibilité désormais devoir la voix), ainsi qu'un renouvellement de confiance envers les médias (à travers la multiplication des supports)

Je pense même très exactement le contraire. Voir les animateurs ou les journalistes leur retire bien souvent du crédit. Gestes, grimaces de mécontentement, préparation des papiers, discussion avec les invités pendant la diffusion d'éléments sonores... Tout ce que l'on voit des coulisses, même si c'est amusant ou intéressant par ailleurs pour l'auditeur, diminue la chance d'être emporté dans le contenu d'une émission. C'est vrai à la radio comme au théâtre ou au cinéma.

· La radio, ce média de l'imagination peut-il encore être nommé ainsi si l'on pense présence des caméras, émissions filmées ?

Beaucoup plus difficilement.

· D'après vous, la vidéo peut enlever de la liberté dans la production d'une émission, dans les propos, le traitement de l'info ? (Lorsque l'on sait que l'on est filmé, la façon de s'exprimer, de se comporter peut-être modifié selon vous ?)

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On commence à voir ce problème dans certaines émissions où l'invité n'oublie pas qu'il est scruté en permanence. Et contrairement à la télévision à laquelle il peut être habitué, il n'a pas de retour vidéo et ne sait pas s'il est ou pas à l'image. C'est une des raisons pour lesquelles certains professionnels des médias refusent d'être filmés à la radio.

? Pauline Laverdure, Lundi 7 mai, technicienne du son 1/ Profil / parcours de l'interviewé(e)

Technicienne son à Radio France depuis Avril 2012

2/ Activités en radio

Selon les semaines, différentes activités :

- Semaines de matinales : mise en ondes du 7/9 de France Inter en tant que réalisatrice de la tranche ou bien réalisatrice des journaux

- Autres semaines : journée type = alternance d'antennes en direct et de productions (enregistrements d'émissions PAD, mixage protools...)

3/ Expériences en radio filmée

? Selon vous quelles étaient et sont les motivations de cette chaîne dans l'investissement de la production vidéo ?

Pour moi, c'est pour un meilleur partage du contenu : réseaux sociaux et reprises d'extraits sur des chaines télévisées (surtout pour la matinale). Mais aussi pour alimenter le site internet de France Inter

? Certaines émissions sont filmées, d'autres non ? Pourquoi selon vous ? (Quel contenu filmer ? Quels genres ?)

Celles qui sont filmées sont celles où il y a des chroniques « à succès », chroniques humoristiques principalement. + d'un million de partages sur Facebook pour certaines chroniques de Guillaume Meurice par exemple.

? Avez-vous du adapter vos pratiques professionnelles au sein de la chaîne avec l'arrivée des caméras dans les studios ? (nouvelles missions ? pratiques multitâches ?)

Je fais des remplacements à la coordination de France Inter (ce sont eux qui exploitent les cameras), j'ai été amenée à exploiter le matériel vidéo, même si le niveau d'exploitation reste très basique, c'est toujours bien de faire de nouvelles activités même si bien évidemment ça change nos pratiques liées à l'univers du son

? Pouvez-vous me raconter une petite anecdote! expérience ! souvenir avec la radio filmée (sur les journalistes, le studio, les invités ou vous-même)

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Je pense que, comme beaucoup, j'ai en tête l'image de Christiane Taubira qui a été reprise par plusieurs chaines de télé / zapping, où, oubliant ou ne sachant pas qu'elle était filmée, a fait une grimace pendant une matinale. C'était au début de la radio filmée, peut-être en 2015/2016.

4/ perception de la radio visuelle

? Que pensez-vous de la radio visuelle ?

Ce n'est pas forcément une mauvaise chose parce que ça permet un meilleur partage du contenu, mais il arrive que ce soit au détriment de l'antenne, et dans ce cas-là c'est complètement contradictoire avec le média Radio. Quand on doit adapter nos méthodes de travail POUR la vidéo je trouve ça stupide. C'est la vidéo qui doit se plier à nos méthodes de travail selon moi et pas l'inverse.

? En quoi et pourquoi est-elle amenée à se développer selon vous ? Quel est son avenir ?

Les moyens mis pour la vidéo par Radio France ne sont pas énormes par rapport à la concurrence, et le rendu s'en est souvent fait ressentir. On est passé en HD que très récemment par exemple.

? Pensez-vous que la radio visuelle peut ramener plus de crédibilité (dans la possibilité désormais de voir la voix), ainsi qu'un renouvellement de confiance envers les médias (à travers la multiplication des supports)

Je pense que la radio visuelle n'a rien à voir avec la crédibilité d'un média. Elle peut permettre cependant de toucher un public plus large (réseaux sociaux).

? La radio, ce média de l'imagination peut-il encore être nommé ainsi si l'on pense présence des caméras, émissions filmées ?

Non, la présence des caméras casse l'aspect « mystérieux » de la radio, c'est pourquoi je pense qu'une certaine partie seulement des émissions/chroniques devraient être filmées.

? D'après vous, la vidéo peut enlever de la liberté dans la production d'une émission, dans les propos, le traitement de l'info ? (Lorsque l'on se sait filmé, la façon de s'exprimer, se comporter peut-être modifié selon vous ?)

Tant que les caméras restent immobiles, petites et discrètes comme elles le sont aujourd'hui, je pense qu'elles n'altèrent pas le propos des invités. Ils oublient souvent qu'ils sont filmés. Même si la caméra est quand même présente, inconsciemment cela peut donc jouer. Si dans l'avenir de la radio visuelle, ils posaient des caméras plus imposantes ou en gros plans je pense que ce ne serait pas tout à fait la même chose au niveau du comportement/propos...

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? Rencontre avec Colas Zibaut, responsable de la cellule vidéo à France Inter Quel métier exercez-vous à France Inter et depuis combien de temps ?

Je suis responsable de la cellule vidéo de France Inter depuis septembre 2016, je m'occupe de l'acheminement des vidéos sur les canaux de distribution web : prendre des vidéos conçues par des techniciens et les mettre sur les réseaux .Il définit et développe Définition et développement de la stratégie vidéo de la chaine, en accord avec le directeur du numérique de France Inter, le pôle Community Management et les chargés d'édition. Mise en place de nouveaux outils web d'hyperdiffusion et de dissémination des contenus vidéo (Facebook live, découpe d'extraits viraux) ; accompagnement de la conformation éditoriale de la chaine YouTube et mise en place du sous-titrage). Il y a des chaines de production assez conséquentes même si ce n'est pas de la télévision.

L'arrivée des productions natives au sein de l'antenne à crée un débat sur le terme « natif » toutes les productions faites hors univers radiophonique. Le mode de distribution et tout ce qui est relatif à l'écriture, on appelle natif ce qui est conçu produit et distribué pour le web. Pour France inter, ça implique de faire des choses qui ne sont pas distribuées à la radio forcément. Il y a une séquence qui s'appelle Profession Reporter qui est enregistrée par nos propres moyens.

Certaines émissions sont filmées, d'autres non, pourquoi selon vous ?

Cela relève de plusieurs facteurs. Le carrefour d'audience c'est la matinale, on ne fait pas beaucoup de vues mais on est obligé de la filmer, ce serait étrange de pas mettre en valeur ce moment de radio essentielle. D'autres questions plus pragmatiques viennent en jeu comme l'organisation de la vie de la radio, ce sont les techniciens qui captent ces vidéos avec des effectifs très limités.

Selon vous, la radio visuelle permet davantage de liberté ou au contraire en enlève ?

La plupart du temps les invités ne savent pas qu'ils sont filmés, les politiques, ça fait depuis 2007 qu'ils sont filmés, ils sont au courant, quand Ruffin ou Philippot viennent, ils en jouent évidemment. A la radio la voix est riche d'émotion. Maintenant c'est visuel, ça rend bien aussi de façon sonore, je fais mon jeu d'acteur spécifiquement pour la caméra. « Il faut que je sois éloquent parce que je vais être vu et entendu. » Ça nous arrive de prendre une invitée de la Une de la science, il y a une interview et on fait une face Cam, il est libéré de la question du son et est du coup davantage expressif.

François Hollande est venu il y a trois semaines dans la matinale, la première partie de l'émissions s'est faite sur les ondes en Facebook Live, Il ne fallait pas faire la différence, les deux produits ont été similaires.

Les vidéos qui fonctionnent le mieux d'un point de vue sémiologique, sont celles qui ont un rapport au champ lexical de l'émotion.

Aujourd'hui, tout l'enjeu est d'intégrer cette dose d'interactivité, ce qu'on ne fait pas très bien à France Inter. Dans le champ des médias, y'a les pure players, les médias qui n'avaient pas de canaux traditionnels, se sont lancés, ce qui implique qu'en terme de moyens économiques il a fallu se débrouiller. France Inter fait partie des médias traditionnel (de plus de 50 ans) la transition vers le numérique se fait à des échelles très diverses. Le Monde très tôt a fait une bascule vers le numérique ; la presse a été la première touchée par la crise. Les télévisions sont en train de se faire grignoter, Pour le champ de la

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radio, les audiences FM ont rarement étés aussi bonnes, notre transition numérique s'est faite à 50%. Convertir des informations analogiques en data.

Annexe 2 Studio radio

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Régie vidéo






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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe