c) Le phénomène du chômage de
masse
D'une part, il existe un autre phénomène
récent qui change les rapports de forces au sein de notre
économie. Ainsi, le chômage de masse est une réalité
préoccupante. Il se situe à 10,5% en janvier 2015. Il exerce une
pression constante sur la vie économique. Les politiques de l'emploi
désespèrent de le faire baisser structurellement depuis les
années 1980.
Le pouvoir de négociation des salariés peu
qualifiés se restreint.14 Le partage de la valeur
ajoutée est un symbole fort de ce changement. Le partage de la valeur
ajoutée était de 71,2% pour le travail en 1981.15
Après le revirement libéral international et le tournant de la
rigueur français16, ce partage est désormais de
l'ordre de 60% pour le travail selon les derniers chiffres de
l'INSEE.17 Un chantage à l'emploi se développe
dû à ses conditions économiques nouvelles. Il y a notamment
le développement du temps
14 Voir Marc Heim « Un revenu social garanti pour l'Europe
».
15 Xavier Timbeau, Le partage de la valeur ajoutée en
France.
16 En 1983 sous le gouvernement Mauroy, la France
décide de changer de politique économique en suivant ses voisins
vers une économie de marché libéral afin de stopper la
chute du franc. Cela induit : la privatisation d'entreprises publiques,
dérèglementation des marchés, volonté de diminuer
le déficit public et d'être exportateur net.
17 Partage de la valeur ajoutée à prix courants en
2014.
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partiel contraint et des travailleurs pauvres18.
Cela pousse les individus à tout faire pour garder un emploi. Il en
résulte la hausse croissante des maladies professionnelles reconnues, la
hausse des charges lourdes à porter ainsi que les mouvements douloureux,
la hausse des horaires atypiques...19 Partant de l'hypothèse
que le plein-emploi est derrière nous et que nous ne pouvons donner
à chacun une place au sein du marché du travail, permettre le
versement d'une allocation universelle n'obligerait plus les individus à
rechercher activement un emploi pour recevoir une indemnisation chômage.
Ils auront ainsi la possibilité d'allouer leur temps à des
activités plus intéressantes. Ce revenu de base leur permettant
d'avoir un certain niveau vie. S'ils veulent plus alors ils seront
incités à rechercher un emploi.
D'autre part, une allocation suffisante doit être mise
en place. En effet si cela est le cas, les individus auront le choix de ne pas
se tourner vers des emplois abrutissants, contre leurs valeurs, ou qui ne leur
apporte pas de perspectives d'avenir. « Tenus par une crainte de la
déchéance, qui est produite par une dépendance
monétaire instituée, nous acceptons n'importe quel emploi,
même dégradant, inutile, nuisible et sous-payé, nous
n'avons pas le pouvoir de refuser. Nous entrons en concurrence pour des
miettes, et pour des activités dont le sens et la finalité nous
échappent ou nous répugnent. La valeur travail intervient alors
pour travestir le triste calcul du moindre mal en réjouissant
accomplissement de soi, au travers de ce qui doit être vécu comme
valeur et non comme contrainte. Le revenu garanti institue pour tous la
possibilité d'une fuite, hors de l'alternative infernale emploi /
misère, critique la valeur travail dans sa fonction de travestissement
de la contrainte. C'est rendre à la contrainte toute sa dimension
négative réelle, en tant qu'expérience d'une diminution de
notre puissance d'agir. »
(Ceccaldi 2006, p.3) De plus, si une allocation satisfaisante
est votée, cela ne subventionne pas les emplois dégradants ou
les emplois qui obligent les individus à agir dans le sens contraire de
leurs propres convictions, et donc celles de la société le plus
souvent.
18 Pour plus d'information sur la pauvreté laborieuse
voir : Clerc Denis, « Quand le travail rend pauvre. »,
Transversalités 4/2011 (N° 120), p. 75-86.
19 Exemples tirés de Guillaume Sylvestre, Conditions de
travail en France.
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Nous pouvons aussi penser que sachant que l'homme
désire ce qu'il ne peut avoir, il y aura toujours dans notre
société de consommation une grande partie des individus qui
rechercheront un emploi pour avoir ce niveau supérieur de consommation
qui dépasse les besoins primaires, ou pour tous simplement avoir une
interaction sociale.
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