2015-2016
Licence 3 SEG
Spécialité économie
Le revenu universel
Sébastien Aubert
Sous la direction de M. Philippe Le Gall
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pour écrire ce rapport ou mémoire.
signé par l'étudiant le 25 /
05 / 2016
INTRODUCTION 1
1. Un défi économique 5
1.1. Constat économique 5
a) Transition économique d'après-guerre et
postindustrielle 5
b) La révolution numérique 11
c) Le phénomène du chômage de masse 14
1.2. L'apport d'un revenu universel 16
a) Un instrument contre la pauvreté 16
b) L'attribution politique de la valeur 18
2. Un défi social 22
2.1. Un nouvel élan pour un modèle social
vieillissant 22
a) Le modèle social français 22
b) Une crise de légitimité 23
2.2. L'employabilité des individus 28
2.3. Liberté individuelle, désir d'entreprendre
et oisiveté 31
a) Liberté individuelle 31
b) Désir d'entreprendre 33
c) Oisiveté 35
CONCLUSION 37
Aubert Sébastien | Le Revenu Universel
1
Introduction
Le Mouvement Français pour un revenu de
base1 définit le revenu universel comme étant «
un droit inaliénable, inconditionnel, cumulable avec d'autres revenus,
distribué par une communauté politique à tous ses membres,
de la naissance à la mort, sur base individuelle, sans contrôle
des ressources ni exigence de contrepartie, dont le montant et le financement
sont ajustés démocratiquement. »
Cette définition a été reprise par une
proposition de résolution au Sénat pour l'instauration d'un
revenu de base2. Mais une définition claire et
représentative a mis du temps à émerger.
Le premier à écrire sur l'idée du revenu
universel est Thomas More3. Il l'évoque dans « Utopie
» en 1516 en parlant de l'efficacité de la charité qui doit
être prise en charge par la collectivité et les
municipalités pour notamment lutter contre la criminalité.
Une longue période s'écoule, puis, avec
notamment un penseur de la révolution américaine, cette
idée refait surface. Ce penseur, c'est Thomas Paine. En 1795 avec «
Justice agraire » il défend l'idée d'une allocation avec une
taxe foncière comme rente pour compenser la propriété
privée de la terre. C'est notamment l'époque des lois de
Speenhamland où les terres communes sont privatisées.
En 1797, dans sa critique de Paine « le droit des enfants
», Thomas Spence voulait étendre ce financement d'un impôt
foncier avec comme justification la propriété de la terre et le
patrimoine immobilier. L'idée de Spence est universaliste contrairement
à Paine qui propose une redistribution conditionnelle.
Charles Fourier s'intéresse aussi à ce sujet et
soutient que « l'ordre civilisé doit à chaque homme un
« minimum de subsistance abondante » pour avoir violé ces
droits fondamentaux que sont les libertés de chasse, pêche,
cueillette et pâture. » (Van
1 Le Mouvement français pour un revenu de base est une
association dont l'objectif est d'informer et de militer pour un revenu de base
:
http://revenudebase.info/mfrb/
2 Proposition de résolution pour l'instauration d'un
revenu de base du 2 Février 2016.
3 Pour cet historique, nous nous appuyons sur : Van Parijs,
Vanderborght, L'allocation universelle.
Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 2
Parijs, Vanderborght 2005, p.13). Sa proposition reste, par
contre, axée sur les pauvres. Cette proposition est notamment reprise
par John Stuart Mill dans « Principes d'économie politique »
qui décrit le système de Fourier comme la forme de socialisme la
mieux élaborée.4
En 1848, Joseph Charlier défend l'idée de cette
redistribution au niveau national et non plus communale comme auparavant. Dans
« Solution du problème social » il propose un dividende
territorial pour assurer la subsistance de tous.
Durant le XXème siècle, d'autres
écrits sur le thème d'un revenu universel voient le jour. On peut
citer entre autres des auteurs comme Russell, Douglas, Cole, Tinbergen, Meade,
Tobin... Il n'existe cependant qu'une seule application réelle à
l'échelle d'un Etat d'une allocation universelle. C'est en 1981 qu'un
dividende universel est mis en place en Alaska, justifié par la
redistribution de la rente pétrolière à l'ensemble des
individus. Philippe Van Parijs, fervent défenseur de la mesure a
créé la première organisation mondiale défendant
l'application d'un revenu de base en 1986 : Basic Income Earth Network. Il a
d'ailleurs personnellement contribué, avec « Real freedom for all
» (1995), à appliquer sa théorie de la justice de John
Rawls5 à l'allocation universelle.
En France, l'un des principaux investigateurs contemporains de
la mesure fut Yoland Bresson. C'est un économiste qui proposa, dans les
années 1980, une rémunération de la valeur du temps car,
pour lui, tout individu est producteur tout le long de sa vie. S'en suit
quelques apparitions de l'idée générale d'une application
politique d'un revenu de base dans les années 2000 avec quelques
personnalités comme Christine Boutin ou Dominique de Villepin.
4 Van Parijs, Vanderborght 2005, p.15.
5 La théorie de la justice est explicitée dans
« Théorie de la justice » (1971). « Théorie de
la justice est la tentative de justification d'une conception politique de
la justice valable dans une société démocratique. Cette
conception politique se concluait - à partir d'hypothèses sur la
manière dont les citoyens en viennent à formuler une telle
conception - par l'énonciation de deux principes de justice (qui en
donnent trois), le principe d'égalité d'une part et le principe
de différence d'autre part.
« Premier principe : chaque personne doit avoir un droit
égal au système total le plus étendu de libertés de
base égales pour tous, compatible avec un même système pour
tous.
« Second principe : les inégalités
économiques et sociales doivent être telles qu'elles soient : (a)
au plus grand bénéfice des plus désavantagés et (b)
attachées à des fonctions et des positions ouvertes à
tous, conformément au principe de la juste égalité des
chances. [...] ». » (Cotelette 2009).
Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 3
Mais depuis la crise, le mouvement s'étend en France
avec la création du mouvement français pour un revenu de base en
2013. Il y a eu aussi : la création d'un think tank «
Génération Libre » autour de cette question, d'un rapport du
Conseil National du Numérique en janvier 2016 sur le travail et l'emploi
à l'heure du numérique avec une recommandation de
réflexion autour du revenu de base, d'une proposition de
résolution au Sénat le 2 février 2016, du rapport Sirugue
au Premier Ministre pour repenser les minima sociaux et la possible mise en
place d'un revenu universel comme solution... En cela, nous assistons à
un phénomène de diffusion de l'idée d'une allocation
universelle, à l'approche de l'élection présidentielle de
2017.
De plus, il est possible de croire à une mobilisation
transpartisane. Cependant les penseurs de l'idée d'un revenu de base
gardent toujours leur idéologie propre. Car cette mobilisation
dépeint différents types de propositions.6 Elles sont
multiples de part leurs noms : revenu universel, allocation universelle, revenu
de base, revenu inconditionnel d'existence, revenu social garanti, revenu
social généralisé, revenu citoyen, dividende universel
entre autres, mais aussi de part leurs contenus. Il faut donc
différencier des propositions qui sont de trop nombreuses fois
confondues. Le salaire à vie est l'une des propositions les plus
atypiques car celui-ci met en place une refonte des institutions
économiques.7 Il établit la propriété
d'usage, des jurys de qualification pour l'attribution d'une carrière
salariale, le remplacement des banques de détail par des banques
d'investissements socialisées. Le salaire à vie est en
définitive une proposition qui sort du capitalisme et de ces
institutions tels que le marché du travail. Tandis que la plupart des
autres propositions d'allocation universelle restent dans le capitalisme et
n'ont pas vocation à le dépasser mais à le réguler.
Cependant,
6 Voir Marc Heim « Un revenu social garanti pour l'Europe
».
7Nous nous appuyons ici sur plusieurs sources : le
vidéaste Usul
https://www.youtube.com/watch?v=uhg0SUYOXjw,
et deux livre de Bernard Friot : L'enjeu du salaire, Emanciper le travail.
Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 4
une autre proposition reste différente des autres :
l'impôt négatif8. Il existe, dans ce domaine, de
grandes ressemblances avec l'allocation universelle. L'impôt
négatif est toutefois, comme son nom l'indique, une forme d'impôt
qui suit une déclaration fiscale. Cette somme est alors versée
après les déclarations. C'est ainsi une forme d'imposition qui a
pour but de remplacer les autres formes d'impositions déjà
établies. Alors que pour le revenu universel, la somme est versée
tous les mois quelles que soient les ressources de l'individu. Ainsi
l'impôt négatif est conditionnel au revenu et sort donc de la
définition d'un revenu de base.
C'est pourquoi je vais ici me concentrer sur le revenu de base
et ainsi, dans le même temps, traiter les propositions synonymes telles
que l'allocation universelle ou le revenu universel. Reste que les propositions
sont souvent hétérogènes en ce qui concerne la somme de
l'allocation, ainsi je ne parlerai pas du financement dans mon argumentaire.
Cette idée révolutionnaire implique de grands changements pour
notre économie et notre modèle social. Il faut donc traiter ces
deux perspectives en même temps car celles-ci sont
interdépendantes pour le fonctionnement d'une économie.
Nous allons ainsi commencer par décrire la situation
économique des trente glorieuses afin de mieux comprendre les
problèmes d'aujourd'hui. Nous nous concentrerons ensuite sur les
modifications récentes de l'économie et en quoi le revenu
universel permettrait de s'adapter à ces contraintes.
Puis, nous nous appuierons sur la définition du
modèle social français afin d'en déceler les limites. Cela
nous permettra de constater les avantages du revenu universel pour converger ce
modèle social corporatiste vers un modèle universaliste, tout en
décuplant les capacités individuelles.
Nous verrons ici le revenu universel comme double défi
pour la France. Avec dans un premier temps, un défi économique.
Puis, nous nous intéresserons au revenu universel comme défi
social.
8 Nous nous basons ici sur Milton Friedman, « Capitalisme
et liberté », Marc Heim « Un revenu social garanti pour
l'Europe », Van Parijs et Vanderborght « l'allocation universelle
».
Aubert Sébastien | Le Revenu Universel
5
1. Un défi économique
La situation économique française s'est
profondément modifiée depuis la fin de la seconde guerre
mondiale. Il est donc question ici de cerner ces modifications et d'apporter
une possibilité de réponse aux nouveaux problèmes
économiques grâce au revenu de base.
1.1. Constat économique
Il est important pour avoir une vision globale de la situation
de notre économie de repartir des trente glorieuses pour comprendre
l'économie actuelle.
a) Transition économique d'après-guerre et
postindustrielle
Tout d'abord, après la seconde guerre mondiale une
nouvelle période
économique se développe. Elle se
caractérise par un cercle vertueux entre croissance et
productivité. Le progrès technique est, durant ces
décennies, un facteur important de croissance et de gain de
productivité. On voit alors se former un machinisme9 qui est
une source importante de gains de productivité. L'amélioration
des processus de production avec une rationalisation et une hausse du niveau de
qualification ont aussi permis ces gains. Cette époque est aussi
caractérisée par une croissance moyenne de 5,1% en France par an,
ce qui est structurellement élevé et historiquement
inédit. L'économie est aussi à son niveau de plein-emploi,
c'est-à-dire autour de 2%.
C'est l'âge d'or de la société de
consommation et les conditions de vie s'améliorent grandement,
développant une classe moyenne de masse.
9 Généralisation et prolifération de
l'emploi des machines.
Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 6
Productivité horaire dans l'industrie
française (base 100 1938)
|
1898
|
48
|
1913
|
84
|
1938
|
100
|
1975
|
360
|
Source : cours Analyse de la conjoncture économique
2015-1016
Cette période va se terminer avec les crises
pétrolières de 1973 et 1979, même si l'Ecole de la
Régulation trouve un début de ralentissement dès la fin
des années 1960. C'est à partir de ces crises successives que le
modèle de croissance des trente glorieuses se termine. Cette
période laisse place à une mondialisation des flux
économiques ainsi que le développement au sein des entreprises de
la shareholder value. La réduction des coûts devient primordiale
pour faire face à la concurrence mondiale surtout que la France n'est
pas bien spécialisée. Cette dernière a commencé
à être price-maker après 1986 et a perdu en gains de
compétitivité. Quand la situation était bonne avec une
baisse du taux de change, les prix français étaient trop faibles
et nos entreprises auraient pu vendre plus cher à l'international. Quand
la situation était mauvaise avec une hausse du taux de change, les prix
français étaient trop élevés sur le marché
mondial ce qui pénalisaient les ventes. Nous n'avons pas les prix de nos
produits ou nous n'avons pas les produits de nos prix comme l'a dit Élie
Cohen dans un colloque à l'auditorium de la Banque de France sur la
compétitivité de l'économie
française.10
Ainsi l'ère du capitalisme mondialisé oblige les
entreprises françaises à délocaliser et à remplacer
le capital humain par du capital physique fixe, comme des robots industriels,
et les oblige à pratiquer une réduction des coûts de
transaction afin de gagner en compétitivité-prix. Les ouvriers
sont donc les premiers à en pâtir.
10 Nous utilisons cette vidéo : Comment redresser la
compétitivité de l'économie française ?
https://www.youtube.com/watch?v=sO7l68T04hA
Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 7
Cette baisse de l'emploi dans le secteur ouvrier
dérègle le marché du travail. C'est une des explications
d'un chômage de masse qui apparaît alors. D'ailleurs nous assistons
toujours à une transition des emplois de l'industrie vers ceux du
tertiaire mais en moindre quantité qu'auparavant. Cette transition se
fait avec une précarisation des individus qui sont obligés de se
reformer. N'ayant au départ que peu de qualification, cette formation
est difficile, d'autant que neuf embauches sur dix se font en CDD aujourd'hui.
Cela permet un meilleur ajustement pour les entreprises face à une
demande qui n'est plus aussi élevée et stable que durant les
trente glorieuses.
Répartition de l'emploi par secteurs
d'activités
Source : INSEE
Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 8
L'INSEE, dans un dossier Travail-Emploi, rapporte que «
le fonctionnement du marché du travail se rapproche d'un modèle
segmenté, où les emplois stables et les emplois instables forment
deux mondes séparés, les emplois instables constituant une «
trappe » pour ceux qui les occupent. ».(Picart 2014, p.29) Cela est
en totale contradiction avec ce qui existait durant les trente glorieuses
où l'emploi était plus stable et où celui-ci permettait
d'accéder à un niveau de consommation durable et croissant. C'est
donc aujourd'hui une forme de précarisation de nombreux emplois à
laquelle nous assistons.
Production en volume du secteur de l'industrie
économique
Le Conseil National du Numérique estime qu'« entre
1980 et 2007, 29 % des destructions d'emploi dans l'industrialisation sont dues
à l'augmentation des gains de productivité (et donc, en large
partie aux évolutions technologiques). Entre 2000 et
2007, cette part s'élève à 65 %.
»11 Le volume de production n'a pas subi des baisses aussi
significatives. Ce sont donc des pertes nettes pour le capital humain face au
capital physique, ou au moins une baisse de qualité des emplois dans ce
secteur. Le développement de la robotique a notamment permis d'augmenter
l'intensité capitalistique dans l'industrie.
Evolution de l'emploi hors intérim
Autrefois, si un jeune peu qualifié entrait dans le
monde du travail, il avait des chances de trouver un emploi dans l'industrie.
Sa condition d'ouvrier lui permettait de vivre
Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 9
11 Rapport Conseil National du Numérique, p.7.
Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 10
dignement et d'aspirer à des biens de consommation d'un
niveau de vie supérieur. Il ne changeait que rarement d'emploi.
Aujourd'hui, les emplois pourvus dans cette branche ont un
recours croissant à l'intérim. Le secteur de l'automobile est
l'un des secteurs qui recrute le plus d'intérimaires. La plupart des
intérimaires sont jeunes comme l'expliquent les rapports de l'INSEE sur
l'intérim et l'activité économique pour le
Nord-Pas-de-Calais et l'Île-de-France respectivement de juin 2006 et
novembre 2008. Il peut néanmoins devenir employé, mais toutes les
aides à l'embauche spécifiques aux jeunes résument la
situation d'un marché du travail bouché pour ces nouveaux
entrants. Il est aussi fortement mis en concurrence pours ces postes sachant
qu'il ne détient pas d'expérience.
Répartition de l'emploi par catégories
socioprofessionnelles
Source : INSEE
Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 11
Cette transition des emplois est donc importante car ils sont
au coeur de notre modèle économique. Néanmoins, elle
s'inscrit dans le phénomène de destruction créatrice
identifié par Joseph Schumpeter, avec de nouveaux emplois qui ont pu
compenser les postes qui n'existent plus. Reste que ces nouveaux emplois sont
plus qualifiés que les emplois précédents, ce qui
amène vers une segmentation du marché du travail.
b) La révolution numérique
D'autre part, depuis les années 2000, une nouvelle
transformation du processus de production apparaît : la transformation
digitale. Elle est apparue avec le développement des Nouvelles
Technologies de l'Information et de la Communication (NTIC) à partir des
années 1990 et s'intensifie dans les années 2000. Il semble que
l'histoire économique de l'évolution des postes ouvriers, qui
s'amenuisent d'années en années, se répète mais
pour une autre catégorie d'individus : les employés du tertiaire.
Ils se sont déjà adaptés au progrès technique,
comme avec la suppression des dactylographes par exemple. Néanmoins
cette révolution digitale change profondément nos processus de
production et les postes de chacun, notamment pour les métiers plus
qualifiés qui étaient autrefois épargnés.
D'après le rapport de Roland Berger « Les classes moyennes face
à la transformation digitale », 42% des emplois sont
potentiellement automatisables dans les vingt années à venir. Des
exemples concrets de cette transformation sont déjà à
l'oeuvre comme dans le journalisme, avec des logiciels qui peuvent
écrire des articles de journaux simples. Les tâches les plus
difficiles qui ne pourront pas être automatisées seront donc le
coeur des métiers, creusant le fossé déjà
présent entre les différents types d'emplois. C'est un
phénomène qui restructure les emplois qualifiés en emplois
ultra-qualifiés et en nombre moindre.
Le métier de courtier est un très bon exemple du
changement significatif qui s'opère dans les métiers
qualifiés. Comme le montre encore le rapport de Roland Berges : «
Plusieurs innovations technologiques ont permis des gains de
productivité majeurs dans le secteur : la distribution et gestion de
portefeuille en ligne, ou l'accès et
comparaison facile de l'offre de plusieurs assureurs via des
sites spécialisés et accessibles par tous. Plus encore, le coeur
de l'activité de courtage peut maintenant être géré
de manière automatique avec le courtier en ligne ».12
Ce sont donc des emplois du tertiaire qui sont
désormais touchés par ce nouveau processus de transformation.
C'est ainsi principalement la classe moyenne qui va en pâtir car elle
occupe, pour la plupart, ces postes. Nous sommes donc face à un
changement majeur, comme la transformation de l'industrie auparavant. Les
Etats-Unis ont notamment largement investi dans les NTIC avec par exemple les
GAFA, c'est-à-dire les quatre géants du web que sont Google,
Apple, Facebook et Amazon. Nous pouvons constater que la répartition des
revenus a déjà changé « la part de richesse nationale
du premier quintile est passé de 44% à 51%, et de 17% à
22% pour les 5% les plus riches. A l'autre extrémité, la part du
dernier quintile a peu évolué (de 4,2% à 3,2%). Ce sont
les quintiles intermédiaires, qui constituent les « classes
moyennes », qui ont fait les frais de concentration de la richesse.
»13
Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 12
12 Rapport Rolland Berger, p.6-7.
13 Rapport Rolland Berger, p.15.
Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 13
Part des adultes selon le revenu définissant la classe
social
Source :
http://www.pewsocialtrends.org/2015/12/09/the-american-middle-class-is-
losing-ground/
Il serait intéressant de voir l'évolution pour
la France qui a commencé plus tard le développement de ces
NTIC.
De plus, même l'ubérisation naissante pourrait
être affectée par ce changement. Les chauffeurs de taxis Uber ont
été victime d'une précarisation de l'emploi. Ils
pourraient maintenant voir leur radiation complète du processus
productif. En effet des voitures autonomes sont en développement
avancé et pourraient, à terme, remplacer le chauffeur de bus ou
de taxi. Google l'a bien compris et siège au conseil d'administration
d'Uber. Le véhicule autonome semble être «
l'épée de Damoclès » au-dessus de la tête
Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 14
des chauffeurs Uber, déjà victimes de la baisse
structurelle et de la précarisation des emplois.
C'est pourquoi, face à ces transformations, le revenu
de base peut devenir un filet de sécurité d'une évolution
économique encore incertaine. La destruction créatrice de la
révolution digitale pourrait écarter encore plus d'individu du
marché du travail, ou au moins les écarter d'un emploi stable et
rémunérateur.
c) Le phénomène du chômage de
masse
D'une part, il existe un autre phénomène
récent qui change les rapports de forces au sein de notre
économie. Ainsi, le chômage de masse est une réalité
préoccupante. Il se situe à 10,5% en janvier 2015. Il exerce une
pression constante sur la vie économique. Les politiques de l'emploi
désespèrent de le faire baisser structurellement depuis les
années 1980.
Le pouvoir de négociation des salariés peu
qualifiés se restreint.14 Le partage de la valeur
ajoutée est un symbole fort de ce changement. Le partage de la valeur
ajoutée était de 71,2% pour le travail en 1981.15
Après le revirement libéral international et le tournant de la
rigueur français16, ce partage est désormais de
l'ordre de 60% pour le travail selon les derniers chiffres de
l'INSEE.17 Un chantage à l'emploi se développe
dû à ses conditions économiques nouvelles. Il y a notamment
le développement du temps
14 Voir Marc Heim « Un revenu social garanti pour l'Europe
».
15 Xavier Timbeau, Le partage de la valeur ajoutée en
France.
16 En 1983 sous le gouvernement Mauroy, la France
décide de changer de politique économique en suivant ses voisins
vers une économie de marché libéral afin de stopper la
chute du franc. Cela induit : la privatisation d'entreprises publiques,
dérèglementation des marchés, volonté de diminuer
le déficit public et d'être exportateur net.
17 Partage de la valeur ajoutée à prix courants en
2014.
Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 15
partiel contraint et des travailleurs pauvres18.
Cela pousse les individus à tout faire pour garder un emploi. Il en
résulte la hausse croissante des maladies professionnelles reconnues, la
hausse des charges lourdes à porter ainsi que les mouvements douloureux,
la hausse des horaires atypiques...19 Partant de l'hypothèse
que le plein-emploi est derrière nous et que nous ne pouvons donner
à chacun une place au sein du marché du travail, permettre le
versement d'une allocation universelle n'obligerait plus les individus à
rechercher activement un emploi pour recevoir une indemnisation chômage.
Ils auront ainsi la possibilité d'allouer leur temps à des
activités plus intéressantes. Ce revenu de base leur permettant
d'avoir un certain niveau vie. S'ils veulent plus alors ils seront
incités à rechercher un emploi.
D'autre part, une allocation suffisante doit être mise
en place. En effet si cela est le cas, les individus auront le choix de ne pas
se tourner vers des emplois abrutissants, contre leurs valeurs, ou qui ne leur
apporte pas de perspectives d'avenir. « Tenus par une crainte de la
déchéance, qui est produite par une dépendance
monétaire instituée, nous acceptons n'importe quel emploi,
même dégradant, inutile, nuisible et sous-payé, nous
n'avons pas le pouvoir de refuser. Nous entrons en concurrence pour des
miettes, et pour des activités dont le sens et la finalité nous
échappent ou nous répugnent. La valeur travail intervient alors
pour travestir le triste calcul du moindre mal en réjouissant
accomplissement de soi, au travers de ce qui doit être vécu comme
valeur et non comme contrainte. Le revenu garanti institue pour tous la
possibilité d'une fuite, hors de l'alternative infernale emploi /
misère, critique la valeur travail dans sa fonction de travestissement
de la contrainte. C'est rendre à la contrainte toute sa dimension
négative réelle, en tant qu'expérience d'une diminution de
notre puissance d'agir. »
(Ceccaldi 2006, p.3) De plus, si une allocation satisfaisante
est votée, cela ne
subventionne pas les emplois dégradants ou
les emplois qui obligent les individus à agir dans le sens contraire de
leurs propres convictions, et donc celles de la société le plus
souvent.
18 Pour plus d'information sur la pauvreté laborieuse
voir : Clerc Denis, « Quand le travail rend pauvre. »,
Transversalités 4/2011 (N° 120), p. 75-86.
19 Exemples tirés de Guillaume Sylvestre, Conditions de
travail en France.
Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 16
Nous pouvons aussi penser que sachant que l'homme
désire ce qu'il ne peut avoir, il y aura toujours dans notre
société de consommation une grande partie des individus qui
rechercheront un emploi pour avoir ce niveau supérieur de consommation
qui dépasse les besoins primaires, ou pour tous simplement avoir une
interaction sociale.
1.2. L'apport d'un revenu universel
Il est maintenant question de l'apport économique de
l'application d'un revenu universel à l'échelle française
comme lutte contre la pauvreté et comme changement significatif dans
l'attribution de la valeur.
a) Un instrument contre la pauvreté
La première caractéristique d'une allocation
universelle est avant tout de s'attaquer directement à la
pauvreté. Actuellement, deux tiers des personnes qui pourraient recevoir
le Revenu de Solidarité Active (RSA) socle ou d'activité ne le
réclament pas. Cela pose un véritable problème quant
à l'efficacité économique des politiques publiques de
soutien à la lutte contre la grande pauvreté. En 2013, plus de
deux millions de personnes vivaient sous le seuil de 40% du revenu
médian (environ 670€ par mois) selon l'INSEE, même si ce
chiffre peut être imputé en partie par la crise de 2008. Les
formes de pauvreté ont aussi évolué avec des individus
sans domicile fixe qui travaillent ou encore des jeunes qui sont de plus en
plus visés par la pauvreté mais auquel RSA ne s'adresse
pas.20
En outre, il existe une réelle stigmatisation
liée au fait de devoir faire une demande et d'être ainsi
catalogué comme étant assisté. Les conditions aux aides
sociales
20 Une réflexion autour de ce problème est
engagée dans le Rapport Sirugue (avril 2016). Repenser les minimas
sociaux, Vers une couverture socle commune. P.4, p.47-49, p.128.
s'immiscent souvent dans la vie privée des individus,
en demandant des informations détaillées sur la personne avec
laquelle nous vivons par exemple.21 Cela pose notamment un
problème d'ordre moral, d'intrusion. Grâce au revenu universel,
les individus n'auront pas à dévoiler leur intimité et ils
n'auront pas à se sentir dégradés non plus. Ce revenu
étant personnel et inconditionnel, il ne nécessite ni demande
préalable, ni parcours administratif long et pénible.
Une partie de la fiche de demande de RSA
Source :
https://www.formulaires.modernisation.gouv.fr/gf/cerfa15481.do
Donner un revenu à tous permettrait d'être plus
efficace que le RSA actuel pour lutter contre la pauvreté. Du point de
vue administratif, des coûts de contrôle et des erreurs pourraient
être évités dans cette simplification du maquis des aides
sociales actuelles. Ainsi le RSA serait supprimé, tout comme d'autres
aides devenues inutiles comme les allocations familiales.
Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 17
21 Nous nous appuyons ici sur LIBER, un revenu de
liberté pour tous, p.47-49.
Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 18
Un autre problème est qu'à partir du SMIC, les
aides sociales décroissent ce qui est une trappe à
l'inactivité.22 A quoi bon accepter un emploi mieux
payé si l'on perd des aides sociales, ce qui au bout du compte fait
perdre de l'argent ? Il en va de même pour l'arbitrage emploi/aides
sociales. Si on accepte l'emploi et que celui-ci est dégradant, qu'il y
a de mauvaises conditions, bénéficiera-t-on toujours des aides
une fois ce travail terminé ?23 C'est une attitude
rationnelle pour un individu averse au risque où les gains
espérés sont inférieurs aux gains actuels.
En ce sens, le revenu de base permet de supprimer la trappe
à l'inactivité car le revenu du travail s'ajouterait directement
à celui du revenu de base.
Les modèles sociaux des pays scandinaves,
universalistes comme l'idée du revenu universel, sont aussi ceux qui ont
les meilleurs résultats en termes de réduction de pauvreté
plutôt que les pays qui visent spécifiquement une population dans
l'aide sociale, tels que les pays libéraux comme les Etats-Unis ou la
Grande-Bretagne.
En définitive, le revenu universel porterait un coup
d'arrêt à la grande pauvreté, même si son coût
peut être dissuasif. Néanmoins le coût de la pauvreté
et le coût de l'inégalité sont supérieurs aux
données chiffrées monétairement pour une
société.24
b) L'attribution politique de la valeur
Par ailleurs, le travail est au coeur de notre
société, guidant le système de redistribution et la
structure social. Néanmoins, « Le lien entre travail et
redistribution des richesses a toujours guidé les politiques publiques ;
ce lien est aujourd'hui à
22 Une description de ce phénomène est dans
LIBER, un revenu de liberté pour tous, p.31-32.
23 Van Parijs et Vanderborght décrivent cette incitation
dans L'allocation universelle, p.62.
24 Pour la démonstration, nous nous basons sur Richard
Wilkinson, Kate Pickett, Pourquoi l'égalité est meilleure pour
tous.
Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 19
questionner »25. Cette phrase tirée du
rapport du Conseil National du Numérique nous montre une prise de
conscience de la situation économique et de la nécessité
d'innover face à des politiques publiques inadaptées. Lorsqu'il
n'y a plus assez d'emploi, décorréler le revenu de
l'activité productrice de valeur économique est une solution
envisagée. Il est impossible de dissocier complètement le revenu
du travail car le travail est la source de la production de
valeur.26 Il faut produire pour qu'il y ait une redistribution par
le revenu ensuite.
Mais l'attribution de la valeur reste politique, car la valeur
d'un bien économique est une partie du travail social
réalisé, du travail collectif, comme le soulignait Karl Marx. Il
y a aujourd'hui une ambivalence entre le travail anthropologique,
l'accomplissement d'une tâche, et le travail capitaliste,
aliénant. L'idéologie capitaliste nie le travail anthropologique,
qui n'est pas dans le marché, qui ne produit pas de valeur
économique. Par exemple le poste est porteur du salaire. Il faut qu'un
individu soit employé pour qu'il commence à produire de la valeur
et soit payé. Nous nions ainsi la création de valeur d'usage
hors-marché, qui est pourtant porteuse de valeur pour la
collectivité mais non définie comme telle car non
rémunérée par le marché en retour.
Or, la validation sociale de la valeur peut passer par le
marché, mais aussi par décision politique, collective. Ainsi,
l'attribution politique du travail productif permet de donner à chacun
une allocation universelle en signe de reconnaissance à la
création de valeur d'usage pour la société, même en
dehors du marché. Le bénévolat pourra être
pratiqué sans contrainte d'intégration au marché, ou
demande d'aides sociales ; celui-ci serait reconnu comme activité
productrice ce qu'il est en définitive. Cependant, la notion de travail
productif risque d'être difficile à libérer du travail
productif selon le capitalisme, c'est-à-dire un travail qui permet la
création d'une plus-value.
De plus, il existe des difficultés à
établir les limites de cette valeur créée. Une personne
qui regarde la télévision toute la journée ne produira pas
de valeur d'usage pour la société. Mais nous pouvons
considérer qu'elle utilisera cette activité pour enrichir son
25 Rapport du Conseil National du Numérique, p.176.
26 Nous utilisons pour cette partie la conférence de
Harribey et Friot : La Loi de la Valeur.
Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 20
capital, ou pour tisser du lien social par la
suite.27 Il faudra donc une création de valeur d'usage
définie collectivement, condition sine qua non de valeur comme fraction
du travail social. Nous pouvons prendre comme exemple ici le vidéaste
sur internet. Il ne peut mener à bien son projet, ou vivre pleinement de
son activité productrice seulement avec la rémunération du
marché, c'est-à-dire, le revenu de ses vidéos. C'est
pourquoi il fait appel à une forme de mécénat
organisée autour d'une plateforme, par exemple Tipee. Les spectateurs
financent ainsi ce vidéaste pour qu'il puisse vivre de cette
activité utile socialement, car créant du lien social et de la
culture. C'est une forme d'allocation mise en place pour soutenir des
activités considérées comme importantes pour une
collectivité.
Le revenu universel peut donc s'adapter à ces nouvelles
activités numériques. Il est possible de s'accorder sur le fait
que l'Homme à un désir de faire, d'entreprendre ; à la
société de faire en sorte que ce désir soit en
adéquation avec l'intérêt collectif, c'est-à-dire,
avec une division du travail économiquement viable.
En outre, le revenu de base ne supprime pas l'emploi. Il
apporte une contrepartie à une activité productrice, non
considérée par le marché. En soi le marché et le
revenu de base sont complémentaires, chacun se spécialisant dans
une forme de travail non prise en compte par l'autre.
27 On peut penser ici à l'exemple que prend Friot dans
L'enjeu du salaire et qu'il reprend dans la conférence sur la Loi de la
Valeur au fait que des ouvriers produisent des médicaments
Médiator qui tueront des individus. Pour la collectivité cette
production est nuisible, tandis que pour le marché elle a la même
importance que toutes les autres. On pourrait prendre aussi l'exemple de la
production de tabac. On retrouve ces questions avec Mylando et Harribey au
sujet du joueur de belote sur la validation social formelle ou informelle de la
création de valeur.
Le constat synthétique de la situation
économique est que « Ces trois dernières décennies,
la part du revenu national constituée des salaires et avantages
accessoires au salaire - la part du travail - a diminué dans la
quasi-totalité des pays de l'OCDE. Ce chapitre, consacré à
l'explication de cette baisse, met en évidence le rôle de facteurs
tels que la hausse de la productivité et l'accroissement de
l'intensité capitalistique, l'intensification de la concurrence
nationale et internationale, l'affaiblissement du pouvoir de négociation
des travailleurs et l'évolution des institutions de la
négociation collective. Le recul de la part du travail est allé
de pair avec une augmentation des inégalités de revenu marchand,
de nature à mettre en péril la cohésion sociale et
à ralentir le rythme de la reprise en cours. »28 C'est
pourquoi l'apport du revenu universel permet d'entrevoir une modification
profonde de ce constat et de penser autrement les solutions qui sont à
notre disposition. Il permet de lutter ardemment contre la pauvreté et
contre le chantage à l'emploi. Il modifie ainsi notre économie
pour l'ajuster aux nouvelles contraintes du numérique et de la
précarisation de l'emploi, tout en gardant une sécurité de
revenu.
Nous allons maintenant voir, qu'au-delà de ce
défi économique pour la France, le revenu universel constitue
aussi un défi social important.
Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 21
28 Rapport OCDE p.117.
Aubert Sébastien | Le Revenu Universel
22
2. Un défi social
L'application du revenu universel en France ne peut s'abstenir
d'une réflexion sur le modèle social, et sur les
conséquences pour le citoyen et les rapports sociaux.
2.1. Un nouvel élan pour un modèle social
vieillissant
Afin de comprendre au mieux les enjeux sociaux d'une telle
mesure, il faut commencer par décrire le modèle social
français.
a) Le modèle social français
La mise en place d'un revenu universel en France est un
défi social important. En effet, les difficultés
économiques françaises sont imputées en partie au
modèle social.29 Il s'appuie sur le programme des
réformes économiques et sociales adoptées par le Conseil
National de la Résistance à la sortie de la seconde guerre
mondiale. Son but est de protéger les travailleurs contre la perte de
revenu que peuvent engendrer le chômage, la maladie, la vieillesse et les
charges familiales. La protection sociale est basée sur les travailleurs
employés qui, grâce aux cotisations, redistribuent à ceux
qui n'ont pas d'emploi.
Il se rapproche d'un modèle conservateur, ou
continental, selon Esping-Andersen30. Il est
caractérisé par un fort corporatisme, une réglementation
importante, un fort niveau d'imposition et de dépenses publiques, ainsi
que des inégalités assez élevées avec un taux de
chômage structurellement élevé.
29 Algan, Cahuc et Zylberberg développent l'idée
que les institutions sont au coeur du dysfonctionnement économique et
qu'elle crée elles-mêmes de la défiance : La fabrique de
la défiance.
30 Nous nous appuyons sur Esping-Andersen. Les trois mondes
de l'Etat-providence : Essai sur le capitalisme moderne.
Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 23
Ce modèle englobe aussi les assurances sociales
collectives financées par le travail (retraite), des prestations de
soutien financées par les impôts et taxes (allocation
chômage, allocation familiale) et les services publics gratuits et
universels (éducation, santé). Il est aussi élargi au
droit du travail français, au rôle des organisations syndicales
dans la gestion des caisses d'assurance sociale...
En outre, le modèle social peut être
principalement défini par son corporatisme, comparé à
d'autres systèmes de protection sociale. Chacun défend
l'intérêt de son statut sans l'idée d'un compromis ou d'une
vision commune. Les prestations sont accordées selon la vie
professionnelle des individus. Les aides sont ainsi fortement liées au
travail, à la situation familiale... La redistribution faite par
l'Etat-providence français est faible, encourageant les clivages entre
statuts. Esping-Andersen résume le modèle conservateur comme ceci
: « les principes fondateurs du corporatisme sont une fraternité
basée sur l'identité statuaire, l'adhésion obligatoire et
exclusive, le mutualisme, et le monopole de la représentation.
Reporté au capitalisme moderne, le corporatisme est typiquement
construit autour de groupement de métiers cherchant à faire
respecter les distinctions de statuts traditionnellement reconnues et à
les utiliser comme lien organisationnel pour la société et
l'économie. » (Esping-Andersen 1999, p.81) En France le statut
spécifique des régimes de retraite spéciaux pour la SNCF,
la Banque de France, l'Opéra de Paris, ou encore les nombreuses niches
fiscales comme celles accordées à la presse en sont des exemples
marquants.
Ainsi le modèle français repose sur le statut
salarié permettant le prélèvement de cotisations sociales
qui peuvent être ensuite redistribuées.
b) Une crise de légitimité
Cependant, nous assistons à une crise
sévère de cette forme d'Etat-providence, qui est plus que jamais
remis en question et attaqué pour son caractère coûteux
et
Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 24
inefficient. Sa réforme est soutenue par des partisans
actifs.31 Le désir de flexibilité économique
actuel est divergent du modèle social français conservateur. Le
Président lui-même met en place des mesures pour adapter le
système actuel vers la fléxicurité à la
française : « Voilà notre défi. Il s'agit de
redéfinir notre modèle économique et social. Alors, entre
le libéralisme sans conscience et l'immobilisme sans avenir, il y a une
voie qui s'appelle « la société du travail », du
travail encouragé, du travail valorisé, du travail
respecté. Le travail est notre valeur commune, et l'emploi notre
responsabilité partagée. L'objectif, c'est plus de liberté
pour l'entreprise pour investir, pour innover, pour créer des emplois,
mais aussi plus de liberté pour le salarié pour choisir son
métier, sa formation, la conduite de sa vie professionnelle. L'objectif,
c'est aussi plus de sécurité pour l'entreprise, pour embaucher,
pour adapter son effectif lorsque les circonstances économiques le
demandent, mais aussi plus de sécurité pour le salarié
face aux mutations et à la mobilité. » 32
Mais notre modèle social n'est pas le seul à
être remis en question, avec nos voisins qui subissent aussi depuis
plusieurs années un retrenchmenti33. Il y
a une baisse des dépenses publiques à l'heure de la crise de la
dette et d'une période de croissance faible notamment pour retrouver un
déficit budgétaire de 3% imposé par l'Union
Européenne, chiffre qui n'a d'ailleurs jamais été
démontré.34
Néanmoins, ce modèle social fut construit dans
une période différente de la nôtre. Le fordisme
était un modèle d'économie dissemblable de notre
économie actuelle. Désormais nous sommes entrés dans un
capitalisme cognitif, une économie de la
31 Nous nous inspirons de « Le « modèle
social français » (est à bout de souffle) : genèse
d'une doxa - 2005-2007. ».
32 Voeux de 2016 du Président aux acteurs de l'entreprise
et de l'emploi.
33 Réformes depuis la fin des années 1990 visant
le retrait de l'Etat-providence avec des réductions des dépenses
sociales. Pour plus d'information sur cette notion : Palier Bruno, La
politique des réformes dans les États providence bismarckiens.
34 L'explication est donnée dans le reportage : La
dette, chronique d'une gangrène. Les 3% sont un argument de
communication pour rendre plus compréhensible et amoindrir le
déficit français. Ils permettent notamment d'avoir un objectif
politique simple. Ce chiffre n'est donc pas issu d'une argumentation
économique.
connaissance globalisée.35 L'innovation y
détient une place centrale avec un rythme toujours plus soutenu. Les
activités sont de plus en plus intensives en connaissance et le
rôle de l'information devient crucial. Les agents doivent s'adapter ainsi
à un environnement mouvant. Il y a de nouveaux risques liés
à une carrière entrecoupée de chômage, des jeunes
qui entrent difficilement sur le marché du travail, des jeunes familles
touchées par la précarité (et monoparentales), des
séniors qui sont laissés au chômage en attendant leur
retraite... Toutes ces nouvelles préoccupations ne sont pas prises en
compte par le système actuel. Le cas du RSA est flagrant. Il n'est pas
attribué aux personnes de moins de 25 ans alors que la pauvreté
chez les jeunes n'a cessé de croître.
Source :
http://www.observationsociete.fr/en-dix-ans-le-nombre-de-pauvres-de-
moins-de-30-ans-augment%C3%A9-de-plus-de-50
Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 25
35 Pour une définition plus poussée voir Foray
Dominique, L'économie de la connaissance.
Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 26
Or comme le soulignait André Gorz, « Quand le
processus de production exige de moins en moins de travail et distribue de
moins en moins de salaires, l'évidence, progressivement s'impose
à tous : il n'est plus possible de réserver le droit à un
revenu aux seules personnes qui occupent un emploi ni, surtout, de faire
dépendre le niveau de revenu de la quantité de travail fournie
par chacun. D'où l'idée d'un revenu garanti indépendamment
du travail, [...], à tout citoyen et à toute citoyenne. »
(1988, p.7)
C'est ainsi que la mise en place d'un revenu universel
permettrait une première refonte du système de protection social,
mais aussi de tout le modèle social. Il ne semble pas y avoir
actuellement de véritable stratégie de réforme pour le
modèle social français, excepté la flexicurité
à la française mais qui est d'initiative
européenne36. L'allocation universelle est une façon
forte de développer une véritable réforme du modèle
social. De même elle permet de s'attaquer simultanément à
de nombreux problèmes comme le changement de structure de l'emploi ou la
précarisation de nombreuses personnes, mais aussi d'ouvrir la voie vers
une société moins corporatiste. Elle autorise donc une
restructuration de la politique d'aide sociale vers un principe plus
égalitaire, permettant notamment une meilleure mobilité sociale.
Le constat de la théorie de la reproduction sociale37
formulée par Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron dans « Les
Héritiers » (1964) puis dans « La Reproduction » (1970)
est toujours d'actualité en France. Reste que l'inertie française
dans ses réformes est une variable qu'il faut prendre en compte avec une
réforme aussi bouleversante que celle-ci.
Car pour l'application durable d'un revenu de base en France,
il faut refonder les valeurs sociales sur lesquelles les individus sont
éduqués. En France, il existe une défiance entre les
individus comme en témoigne la piètre qualité du dialogue
social, qui n'est pas basé sur la négociation mais sur
l'affrontement, la lutte. L'Ecole est aussi compétitive et
individualiste. Les modèles sociaux nordiques témoignent de
valeurs
36 Il est question du développement de cette notion par
la Commission européenne avec Caune Hélène, « Le
modèle danois et la flexicurité européenne. Une «
stratégie à deux bandes » de persuasion par
l'expertise».
37 Phénomène par lequel les positions sociales
se transmettent, dans une certaine proportion, de la génération
des parents à celle de leurs enfants, en raison d'une faible
mobilité sociale.
Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 27
différentes des nôtres avec une forte
cohésion sociale, ainsi qu'un dialogue social apaisé. Les
objectifs de l'Ecole nordique sont significativement différents de ceux
de l'Ecole française, même si l'écart pourrait se
résorber.38 « L'organisation de l'école
française autour du culte du professeur commence dès la petite
enfance. La maternelle est une préparation aux compétences
scolaires attendues dans les cycles primaires puis secondaires. Des objectifs
en termes de connaissances sont posés à l'avance, dans le but de
préparer les enfants dans les champs littéraires et
scientifiques. A l'inverse, les pays nordiques et d'Europe centrale suivent un
modèle où les premières années de l'école
primaire déclinent une vision « holistique » de l'enfant et de
son développement. L'éducation est conçue comme un
ensemble, indissociable de la vie en commun »39 .Il existe dans
ces sociétés une confiance mutuelle et un esprit civique commun
difficilement observable en France. C'est pourquoi ce changement ne peut
s'opérer que sur une temporalité de moyen voire long terme. La
Finlande prépare d'ailleurs une expérimentation d'un revenu de
base dans des régions fortement touchées par le chômage.
Néanmoins, l'adaptation à une nouvelle norme du
travail peut poser des problèmes dans une société
où la valeur travail est prédominante. Accorder une
rémunération à quelqu'un qui n'a pas une contribution
directement visible par autrui peut accroître la défiance et
engendrer un sentiment d'injustice, surtout si la norme reste comme elle est
aujourd'hui. Un changement de vision de la part de la population devra
être effectué, entre autre avec l'Ecole. Mais ce changement de
conceptualisation du travail risque d'être extrêmement difficile
à l'époque où le néo-libéralisme mondial
règne.
Par conséquent le revenu de base serait ainsi un
compromis institutionnalisé entre les citoyens acceptant de
collectivement accorder une valeur à des activités auparavant
considérées comme non productives. Cela permettrait de se
libérer partiellement du chantage à l'emploi et ainsi de
libérer le travail. Dans la lignée du mouvement de la
création de la sécurité sociale, le revenu de base
protègerait les individus des nouveaux
38 A noter la récente loi d'orientation et de
programmation pour la refondation de l'Ecole de 2013.
39 Algan, Cahuc, Zylberberg. La fabrique de la
défiance.
Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 28
risques de la vie, tout en leur permettant d'être plus
libres dans leur décision d'épanouissement.
2.2. L'employabilité des individus
D'une part, cette réforme révolutionnaire
remettrait en cause le règne de la valeur travail, sachant que le
chômage est devenu un nouveau phénomène de masse. La
progression du chômage de longue durée (actifs au chômage
depuis plus d'un an) est importante depuis les dernières
décennies. C'est maintenant quatre dixièmes des chômeurs
qui sont de longue durée, soit 1.1 millions en 2015 contre 780.000 en
2005 (source INSEE). Sachant même que cette statistique ne reprend pas
les chômeurs ayant retrouvé un emploi ou un stage pour une courte
période car le comptage repart alors de zéro. Désormais,
« il demeure que, pour un nombre croissant de chômeurs, le lien avec
l'emploi est tout à la fois incertain et indispensable, improbable et
nécessaire, fragile et incontournable. » (Demazière 2006,
p.57)
Nombre de chômeurs au sens de l'ancienneté selon
BIT
Source :
http://www.coe.gouv.fr/IMG/pdf/COEChomagedelonguedureeRapport-versionfinale-2.pdf
Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 29
D'autre part, l'employabilité est devenue une notion
économique importante.40 Elle est devenue un objectif de la
gestion des ressources humaines. Cette employabilité recherchée
par les entreprises est maintenant un dessein pour les administrations
responsables de la gestion des demandeurs d'emplois. Elle est la condition
d'accès à l'emploi, au plus près des attentes du
marché du travail (adaptation, motivation, performance...). L'emploi est
au coeur de notre société qui se régit, s'organise par
lui. Si on est chômeur, notre place dans une société
où l'on se définit soi-même, et où les autres nous
définissent par le travail est alors un problème. Les individus
doivent ainsi améliorer leur employabilité d'autant plus que
l'emploi se fait rare, et la compétition rude. Le chômeur doit
activement réduire son écart avec l'emploi.
L'employabilité fait office de référence
généralisée. « L'employabilité,
c'est-à-dire [...] le fait que le travailleur est toujours
suspecté d'entretenir une distance à l'emploi qu'il est dans
l'injonction permanente de réduire. On voit donc bien que le mot «
emploi » a changé radicalement de sens : non plus une protection du
travailleur liée à une qualification du poste de travail, mais le
terme jamais atteint de son employabilité, l'instrument donc de sa
permanente disqualification. » (Friot, 2011)
Il faut désormais penser aussi l'individu comme un
être social, et non plus seulement comme un demandeur d'emploi sur le
marché du travail, niant ainsi sa capacité d'action, de
production. Cela est notamment utile pour réintégrer à la
société des individus qui ne sont pas au travail, dans le sens
capitaliste du terme, et pour la cohésion sociale.
Ainsi « Les politiques consistant à marchandiser
les travailleurs ont produit simultanément leur contraire. En tant que
marchandises, les gens se trouvent captifs de forces qu'ils ne peuvent
contrôler. La marchandise est aisément détruite par des
événements sociaux inattendus même mineurs comme la
maladie, et par des macro-événements comme le cycle des affaires
» (Esping-Andersen 1999, p.53)
40 Nous nous appuyons sur Ben Hassen Noura, Hofaidhllaoui
Mahrane, L'«employabilité» des salariés : facteur
de la performance des entreprises ? .
Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 30
C'est pourquoi nous pouvons considérer que nous
assistons à des dérives liées au fait de l'absence de
réflexion sur le travail lui-même. Nous préférons la
contrainte pour les individus afin qu'ils rentrent dans le carcan de
l'uniformisation, plutôt que de penser à leur pluralité en
définissant différentes voies d'accès à un niveau
de vie décent. « Les enquêtes sociologiques destinées
à décrypter l'expérience du chômage
dépeignent celui-ci comme l'envers de l'emploi : quand l'emploi procure
valeur, reconnaissance, dignité, identité, le chômage
apparaît, en creux, comme sans valeur, négation de toute
reconnaissance, frappant d'indignité, destructeur de l'identité.
» (Demazière 2006, p.86). L'emploi à tout prix est la
nouvelle doxa, quelque soit les conséquences sociales et
environnementales qui en découlent.
Considérer les individus comme se délimitant au
marché, en concurrence constante avec les autres, peut rendre compte de
phénomènes d'externalités négatives (burn out,
dépression...). L'économie a pris une place importante dans nos
sociétés, alors que Keynes prévoyait la résolution
du problème économique grâce au progrès
technique.41 Aujourd'hui celui-ci est toujours d'actualité et
la pratique capitaliste de la valeur tend même à réduire la
citoyenneté au droit de suffrage.
41 « Quand l'accumulation de la richesse ne sera plus d'une
grande importance sociale, de profondes modifications se produiront dans notre
système de moralité. Il nous sera possible de nous
débarrasser de nombreux principes pseudo-moraux qui nous ont
tourmentés pendant deux siècles et qui nous ont fait
ériger en vertus sublimes certaines des caractéristiques les plus
déplaisantes de la nature humaine. Nous pourrons nous permettre de juger
la motivation pécuniaire à sa vraie valeur. L'amour de l'argent
comme objet de possession, qu'il faut distinguer de l'amour de l'argent comme
moyen de se procurer les plaisirs et les réalités de la vie, sera
reconnu pour ce qu'il est : un état morbide plutôt
répugnant, l'une de ces inclinations à demi criminelles et
à demi pathologiques dont on confie le soin en frissonnant aux
spécialistes des maladies mentales. Nous serons enfin libres de rejeter
toutes sortes d'usages sociaux et de pratiques économiques touchant
à la répartition de la richesse et des récompenses et
pénalités économiques, et que nous maintenons à
tout prix actuellement malgré leur caractère
intrinsèquement dégoûtant et injuste parce qu'ils jouent un
rôle énorme dans l'accumulation du capital » (Keynes
2002).
2.3. Liberté individuelle, désir
d'entreprendre et oisiveté
Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 31
L'apport du revenu de base sur le plan individuel est
important. Il libère les citoyens et modifie profondément leurs
conditions.
a) Liberté individuelle
L'une des principales caractéristiques du revenu
universel est qu'il replace l'homme au centre des préoccupations. Il
permet à chaque individu d'être plus libre de ces propres choix et
incite à l'épanouissement personnel.
De nos jours, « Ce n'est plus le revenu du travail qui
nous permet d'organiser notre loisir comme nous l'entendons, c'est notre temps
libre qui se trouve malgré lui, malgré nous, organisé par
notre travail. De sorte que l'on saisisse la ruse ultime du travail: de moyen
il devient fin, dans une sorte de renversement dialectique. On ne travaille
plus pour vivre, mais on finit par vivre pour travailler.»42
Ainsi le concept du revenu de base est un renversement de l'idéologie
dominante actuelle et repense même les relations sociales entre individu.
Avec notamment une vision collective accrue, en dehors du marché et de
la compétition. « Les hommes et les femmes ordinaires, ayant la
possibilité de vivre une vie heureuse, deviendront plus enclins à
la bienveillance qu'à la persécution et à la suspicion
» (Russell 2002, p.19).
Cela peut être le commencement d'un affaiblissement de
la défiance dans notre société. Un bonheur ne se
résumant pas à la consommation de biens économiques sera
décuplé : la liberté. Les français pourraient
être plus libres dans leurs décisions, n'ayant plus peur de la
conséquence économique de leur choix de changement de vie. Il
sera plus facile de changer de métier ou de se retirer des grandes
agglomérations
42 Pour une critique de la centralité du travail :
http://www.solitudes.fr/articles/157-vous-faites-quoi-dans-la-vie-pour-une-critique-de-la-centralite-du-travail
Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 32
permettant de repeupler des zones rurales désertes. Les
compétences et les parcours seront plus variés, ce qui est en
adéquation avec la nouvelle génération Y43.
Certes le marché aura toujours une place
prédominante, mais la marchandisation de l'humain doit avoir une limite
éthique. D'autant que les coûts économiques associés
à la situation actuelle sont sous-évalués, comme le montre
un article scientifique sur la baisse d'espérance de vie due au
chômage.44
De surcroît, l'allocation universelle est une mesure qui
permet la liberté grâce à l'égalisation des
ressources et des possibilités. « La conception de la justice comme
liberté réelle pour tous » prétend apporter une
justification libérale-égalitaire de l'allocation universelle
[...]. Son point de départ est l'idée simple selon laquelle la
justice est une question de répartition de la liberté
réelle de faire ce que nous pourrions souhaiter faire de nos vies, ce
qui n'est pas seulement une affaire de droits, mais aussi d'accès
effectif à des biens et à des opportunités. » (Van
Parijs, Vanderborght 2005, p.75) C'est donc une vision plus large de la
pauvreté que l'allocation universelle admet. On dépasse alors la
pauvreté en termes de revenu qui n'est qu'une partie de ce
phénomène beaucoup plus large.
Par conséquent, « Est donc pauvre un individu qui
ne possède pas la liberté d'accomplir l'ensemble des
fonctionnements qu'il valorise. Il se peut qu'un individu possède un
revenu décent mais qu'il ne soit pas en mesure, pour des raisons
d'absence de liberté, de la transformer en moyens d'atteindre un niveau
minimal de bien-être. Le revenu ne constitue plus qu'un
élément parmi d'autres du bien-être individuel. »
(Bertin 2008)
Tout individu aura le statut de producteur de richesse, donc
une place dans la stratification sociale. Il y aura toujours une violence
sociale autour de la production de valeur, mais il sera désormais
impossible de signifier que l'individu n'est pas producteur
43 Immédiateté qui entraine une rapide lassitude,
mobilité et liberté, recherche du sens. La
génération Y
en entreprise :
http://www.entreprises.cci-paris-idf.fr/web/rh/capital-rh-nov-2015-generation-y-
management-entreprise
44 Unemployment is associated with high cardiovascular event
rate and increased all-cause mortality in middle-aged socially privileged
individuals.
Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 33
de valeur, car le revenu universel l'aura extirpé de ce
statut considéré comme « parasitaire ».
b) Désir d'entreprendre
Puis, grâce à cette liberté, les individus
auront plus facilement les capacités d'entreprendre et de construire des
projets pour eux et la collectivité. A l'image de l'idée
d'Hernando de Soto Polar pour le développement des pays du
Sud45, le revenu universel permet d'avoir une base pour les
individus n'ayant au départ pas de ressources financières. Cela
leur permet d'avoir un capital sur lequel s'appuyer pour les arbitrages futurs.
Par exemple cela autorise un accès au crédit facilité,
ceteris paribus. L'individu aura un capital de départ qui pourra aussi
lui permettre de s'autofinancer. On peut estimer que les individus auront la
possibilité de lisser plus facilement leur consommation car comme la
théorisé Milton Friedman avec sa théorie du revenu
permanent : les agents anticipent le revenu futur perçu ce qui influe
sur leur décision de consommation. Ainsi des chocs de demande importants
pourront être restreints, toutes choses égales par ailleurs, lors
d'une conjoncture économique mauvaise.
Ce capital pourra aussi servir d'apport pour financer ses
propres études, évitant l'endettement et ses dérives
possibles comme c'est le cas aux Etats-Unis actuellement. Elle permet ainsi
d'investir dans soi-même, ce qui est primordial dans une économie
de la connaissance. D'autant que l'écart d'accès aux
études supérieures est toujours très dépendant de
la profession catégorie socioprofessionnelle des parents. L'arbitrage
pour
45 Pour un aperçu de la proposition qui vise à
établir la propriété immobilière pour les individus
pauvres leur permettant ainsi l'accès au crédit, voir fiche de
lecture de « Le mystère du capital ».
Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 34
des études supérieures est toujours trop
dépendant du niveau de revenu46, sachant que le capital
culturel et le capital social participent aussi à
l'inégalité devant l'Ecole.47
Source :
http://www.inegalites.fr/spip.php?article1176
Il existe toutefois un problème soulevé par Lans
Bovenberg et Rick van der Ploeg dans un article de 1995 « Het basisinkomen
is een utopie »48 puis repris par un rapport du
46 Nous nous basons ici sur Aschieri Gérard, Les
inégalités dans l'enseignement supérieur.
47 « Cette définition typiquement fonctionnaliste
des fonctions de l'éducation qui ignore la contribution que le
système d'enseignement apporte à la reproduction de la structure
sociale en sanctionnant la transmission héréditaire du capital
culturel se trouve en fait impliquée, dès l'origine, dans une
définition du « capital humain » qui, malgré ses
connotations « humanistes », n'échappe pas à
l'économisme et qui ignore, entre autres choses, que le rendement
scolaire de l'action scolaire dépend du capital culturel
préalablement investi par la famille et que le rendement
économique et social du titre scolaire dépend du capital social,
lui aussi hérité, qui peut être mis à son service.
» (Bourdieu 1979).
48 Pour l'article en entier :
https://pure.uvt.nl/ws/files/662017/26911
14181.pdf
Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 35
Conseil de l'Europe.49 Ils observent que si l'on
donne une allocation à partir de 18 ans, une plus grande proportion des
jeunes ne sera pas incitée à se former pour intégrer un
marché du travail lointain et abstrait pour eux. Les grandes valeurs
humanistes prendront le dessus sur des réalités
économiques pragmatiques. Notamment ceux qui n'arrivent pas à
dégager un projet professionnel clair, c'est-à-dire bon nombre
d'entre eux.
C'est pour cela qu'il faut rendre le marché du travail
plus attrayant, plus humain. Mais cette allocation universelle pourra leur
permettre aussi de prendre plus de temps pour leur choix de projet de vie et
ainsi produire des individus conscients des choix réfléchis
qu'ils font pour eux-mêmes. Ils pourront ainsi prendre des initiatives
sur un choix de métier sans avoir peur de la précarité qui
les attend si ce choix s'avère ne pas être le bon pour eux.
De plus, ce passage post-adolescent est passager pour la
plupart d'entre nous, et ne pourra durer face à des contraintes
naturelles comme fonder une famille ou faire carrière dans un
métier.
c) Oisiveté
Comme nous venons de le voir, le revenu universel est
critiqué, et à juste titre. Mais une critique est
néanmoins toujours formulée au sujet du revenu de base : c'est
« l'objection du hamac », ou « l'objection du surfeur de Malibu
»50. Donner de l'argent à un individu et il passera tout
son temps dans un hamac à ne rien faire, ou il ne fera que surfer. Comme
le dit Bertrand Russell dans « Eloge de l'oisiveté », «
Le bon usage du loisir, il faut le reconnaître, est le produit de la
civilisation et de l'éducation. Un homme qui a fait de longues
journées de travail toute sa vie s'ennuiera s'il est soudain
livré à
49 Rapport intitulé Redéfinir et combattre la
pauvreté.
50 Cet exemple porté par Rawls est
développé dans : J. Rawls (1996), p.224, n.1, J. Rawls (1974),
p.252-253. En réponse à Musgrave, (1974).
Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 36
l'oisiveté. Mais sans une somme considérable de
loisir à sa disposition, un homme n'a pas accès à la
plupart des meilleures choses de la vie » (Russell 2002, p.12). Cette
citation nous attire sur le fait que c'est à la société de
faire en sorte d'accompagner les individus vers des activités utiles
à la société. Si l'homme a beaucoup de temps libre d'un
coup, comme une allocation universelle tous les mois qui lui permet de quitter
son emploi, alors il pourra au départ être incité à
s'accorder du temps en dehors du marché. Cela convient surtout aux
individus qui sont désengagés dans leur emploi.
Reste que ces théories sur l'oisiveté de l'homme
n'ont pas de caractère anthropologique et seraient applicable seulement
à une infime partie de l'humanité. Car comme je l'ai dit plus
haut, l'homme a un désir de faire et d'entreprendre. Donc les individus
qui au départ sortent du marché seront incités à
revenir en son sein de part leur niveau de vie acquis
précédemment. La théorie du revenu relatif,
c'est-à-dire, que l'agent est tenté de reproduire le mode de
consommation de la profession et catégorie socioprofessionnelle
supérieure, appuie aussi notre propos.
Permettre à chacun de recevoir une allocation
rémunérant la production de tous même en dehors du
marché et ainsi de sécuriser les parcours est une idée
difficile à appliquer mais qui ouvrirait des portes à un nouveau
modèle social. « Rawls considère que les institutions
sociales ne sont astreintes qu'à une obligation de moyens (les fournir
aux individus en quantité suffisante et en conformité avec les
principes de justice qui les régissent). En revanche, ces institutions
ne sont en aucun cas soumises à une obligation de résultat : les
individus restent les seuls responsables de l'usage qu'ils font de ces biens
premiers, grâce auxquels ils ont pu librement choisir la vie qu'ils
mènent même si, finalement, celle-ci ne correspond pas toujours
à leurs attentes initiales. En effet, dans le processus de la «
justice comme équité », les individus ne peuvent être
considérés comme des « porteurs passifs de leurs propres
désirs » et « le fait d'assumer la responsabilité de
leurs objectifs fait partie de ce que des citoyens libres peuvent attendre les
uns des autres » (Rawls [1993 : 185-186]). » (Gamel 2015, p.38) Ainsi
cette nouvelle protection sociale offrirait des moyens adaptés aux
nouvelles contraintes de la société du XXIème
siècle, autorisant plus de libertés et de
Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 37
responsabilités aux citoyens. Le revenu de base serait
la première pierre à l'édification du modèle
égalitaire français qui n'existe pas aujourd'hui. Rappelons que
les principes d'égalité, de fraternité et de
liberté sont la devise de notre pays, mais qu'ils sont encore
difficilement observables dans les volontés des agents
économiques. Or l'allocation universelle se place directement dans ces
valeurs républicaines.
Conclusion
En conclusion, le revenu universel comporte de nombreux
avantages dans l'adaptation aux contraintes actuelles de notre économie,
de notre modèle social. Il permet de lutter efficacement contre la
pauvreté, relance le pouvoir de négociation travailleur,
réintègre les chômeurs, permet de converger vers un
modèle universaliste, place le citoyen comme producteur de richesse en
le sécurisant d'avantage, et développe la liberté
individuelle.
«Nous avons créé des règles qui
affaiblissent la position de négociation des salariés
vis-à-vis du capital, et les salariés en ont souffert. La
pénurie d'emplois et les asymétries de la mondialisation ont
créé une concurrence sur le marché du travail. Les
salariés y ont perdu et les propriétaires du capital y ont
gagné. Qu'il s'agisse d'une évolution accidentelle ou d'une
stratégie délibérée, il est temps à
présent de comprendre ce qui s'est passé et de changer de cap.
» (Stiglitz 2014, p.379) C'est ainsi qu'une partie de ce changement de cap
voulu par Joseph Stiglitz peut être incarné par un revenu
universel. Il autorise un modèle qui associe les droits aux individus,
et moins au statut, ce qui sera primordial avec la mutation économique
du numérique.
Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 38
Cependant, même si sa mise en place serait en
théorie bénéfique pour une société, il
existe des inconvénients pratiques spécifiques à la
société française comme le corporatisme, la
réticence au changement où encore la défiance envers les
autres.
Au-delà de ces problèmes, c'est le montant et le
financement qui font débat dans cette proposition. La définition
des besoins d'un individu est l'une des voies pour définir un revenu
suffisant pour les arbitrages des individus. Ce montant doit, selon Baptiste
Mylando51 : permettre de lutter contre la pauvreté, lutter
contre l'exclusion sociale, et enfin lutter contre le chantage à
l'emploi. Une telle somme concèderait un réel impact sur les
inégalités, tandis qu'une somme trop faible ne ferait que les
aggraver. D'autres auteurs conseillent simplement un revenu qui permet de
subvenir aux besoins fondamentaux.52 Cependant, nous pouvons aussi
utiliser Rawls et sa théorie des biens premiers pour avoir une vision
plus large des besoins primaires. « Les biens premiers sont des biens (au
sens très large du terme) que [...] tout individu cherche à
détenir et dont il dresse une liste exhaustive : droits et
libertés fondamentales, liberté d'orientation vers diverses
positions sociales, pouvoirs attachés aux fonctions sociales, revenu et
richesse, bases sociales du respect de soi-même. Les droits et
libertés de base relèvent du principe d'égales
libertés, la liberté d'orientation de la juste
égalité des chances, les trois autres biens premiers relevant du
principe de différence. L'ensemble de ces biens premiers
détermine « ce dont les citoyens ont besoin et ce qu'ils demandent
quand on les considère comme des personnes libres et égales et
comme des membres normaux de la société à laquelle ils
coopèrent pleinement leur vie durant » (Rawls [1993 :
178]).53 Il est donc difficile de définir clairement un
montant optimal. D'autant plus que Maurice Allais s'objecte du fait de
définir des besoins uniforme à tous : « Il n'est pas
conforme aux idéaux démocratiques de substituer aux besoins des
citoyens tels qu'ils les ressentent eux-mêmes suivant leur propre
échelle de valeur, leurs prétendus besoins
appréciés par d'autres, hommes politiques ou
51 Mylando dans l'introduction de : Pour ou contre le revenu
d'existence universel et inconditionnel ?.
52 Koening et De Basquiat, LIBER, un revenu de liberté
pour tous : p.2, p.11, p.38-40.
53 Gamel (2015) p.37-38.
technocrates »54. Ainsi la définition
d'un montant efficient est stratégique dans l'application d'une
allocation universelle.
Par ailleurs, le revenu de base devrait engager une
restructuration fiscale et distributive permettant une Révolution
fiscale selon les mots de Thomas Piketty, en instaurant un impôt sur le
revenu à la source avec plus de progressivité et moins
d'exonération pour une plus grande justice fiscale.
Ces deux questions du financement et de l'allocation sont donc
majeures pour l'application à l'échelle nationale d'une telle
mesure novatrice jamais encore appliquée à l'échelle d'un
pays. Il faut désormais réfléchir au financement et au
montant d'une allocation universelle efficiente.
Aubert Sébastien | Le Revenu Universel 39
54 Koening et De Basquiat. LIBER, un revenu de liberté
pour tous. p.36.
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