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L'ethos dans les discours du premier ministre Manuel Valls.

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par GALIN GANEV
Université Paris-Est Créteil  - Master 2 Littératures, Discours, Francophonies 2016
  

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4.2.1 Définir l'argumentation

« Peut-on analyser le discours politique sans tenir compte de l'argumentation ? Chez Aristote, le discours délibératif, destiné à réguler la vie de la Cité, est au centre du dispositif rhétorique. Fondé sur l'exhortation et la dissuasion, il vise l'avenir en termes d'avantages et d'inconvénients. C'est en des termes similaires qu'on définit aujourd'hui la communication politique qui, en régime démocratique, tente de faire adhérer les destinataires aux choix politiques qui leur sont proposés. » (Gerstlé, cité par Amossy et Koren, 2010 : 13-21). Cela veut dire que depuis l'ère d'Aristote jusqu'à présent, la position et le rôle de l'argumentation dans la politique n'ont pas subi de changements remarquables. Par le biais de l'argumentation les représentants du peuple proposent à ce-dernier des idées, des projets, des lois et si nécessaire des référendums. Et suivant cette logique, nous parvenons à la conclusion que l'argumentation renforce l'allocution politique de celui qui entraîne l'adhésion de l'auditoire par son éloquence. Perelman et Olbrechts-Tyteca nous disent que « [...] une argumentation efficace est celle qui réussit à accroître cette intensité d'adhésion de façon à déclencher chez les auditeurs l'action envisagée (action positive ou abstention), qui se manifestera au moment opportun. » (Perelman et Olbrechts-Tyteca, 2008 : 59).

Pierre Oléron définit l'argumentation comme ceci : démarche par laquelle une personne - ou un groupe - entreprend d'amener un auditoire à adopter une position par le recours à des présentations ou assertions - arguments - qui visent à en montrer la validité ou le bien-fondé. (Oléron 1983 : 4). Il existe trois

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caractéristiques de l'argumentation ayant pour objectif de déterminer ses fonctions primaires. D'abord l'argumentation fait intervenir plusieurs personnes : celles qui la produisent, celles qui la reçoivent, éventuellement un public ou des témoins. « Toute argumentation se développe en fonction de l'auditoire auquel elle s'adresse et auquel l'orateur est obligé de s'adapter. » (Adam et Heidmann, 2005 : 174). Il est question d'un phénomène social. Ensuite il faut préciser qu'il ne s'agit pas d'un exercice spéculatif, comme le seraient par exemple la description d'un objet ou bien la narration d'un événement. C'est une démarche pour laquelle une des personnes vise à exercer une influence sur l'autre. Et enfin, l'argumentation fait intervenir des éléments de preuve en faveur de la thèse défendue, qui n'est pas imposée par la force. C'est une procédure qui comporte des éléments rationnels ; elle a ainsi des rapports avec le raisonnement et la logique.

Nous avons déjà pu constater que notre sujet d'étude tient à dire la vérité aux Français quoi qu'il en coûte. Il se revendique Chef du gouvernement et Premier ministre de mission, et il aimerait poursuivre son engagement jusqu'au dernier jour du quinquennat. Selon la théorie de Perelman et Olbrechts-Tyteca, notre locuteur devrait se servir d'une argumentation dite persuasive lors d'un meeting de son parti politique, en l'occurence le Parti socialiste, et d'une argumentation nommée convaincante le jour où il s'adresse à tous les Français. « Nous nous proposons d'appeler persuasive une argumentation qui ne prétend valoir que pour un auditoire particulier et d'appeler convaincante celle qui est censée obtenir l'adhésion de tout être de raison. » (Perelman et Olbrechts-Tyteca, 2008 : 36). Et comme toute activité intellectuelle, l'argumentation est théoriquement subordonnée à la vérité, qu'elle est censée respecter et - bien plus - contribuer à établir. (Oléron 1983 : 12). Pierre Oléron déclare que même dans les sociétés modernes, l'argumentation n'est pas une démarche parfaitement libre qui peut être engagée à tout moment, par n'importe quelle

personne, sur n'importe quel sujet. Comme toutes les modalités d'expression de la pensée, elle ne peut intervenir que s'il est préalablement accepté qu'un débat soit ouvert et si celui qui se propose de défendre ou justifier une position se voit d'abord accorder le droit de prendre la parole. En France par exemple, il y a des séances de questions au Gouvernement et le temps consacré à chaque question, réponse du ministre comprise, est de 4 minutes. 15 questions par séance sont adressées au Gouvernement et la parité entre la majorité et l'opposition est réalisée sur 2 séances, à raison de 15 pour la majorité et 15 pour l'opposition. Les députés non inscrits peuvent poser une question tous les deux mois.

Avec l'argumentation sont transmis des éléments visant à créer (ou renforcer) des convictions, dispositions à agir, attitudes. Ces éléments peuvent comporter des informations mais celles-ci sont subordonnées à l'intention de convaincre et non simplement d'enrichir les connaissances du récepteur. (Oléron 1983 : 23).

Nous pouvons distinguer de grandes catégories en fonction desquelles l'argumentation peut être adaptée, car chaque public cible est spécifié. Par exemple dans la Rhétorique, Aristote présente une typologie correspondant à des groupes se différenciant par l'âge (jeunes et vieux) et le statut social (noblesse, richesse etc). Il indique pour chacun des éléments de leur psychologie qui devrait permettre à l'orateur de tenir un discours approprié et efficace.

L'argumentation se déroule sur le plan de la parole (orale ou écrite). Le langage en est donc la matière et l'instrument et nous comprenons mal les mécanismes de l'argumentation si nous ne nous représentons pas les modalités de son intervention. Autrement dit pour mieux saisir les propos d'un homme politique, il

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faut bien connaître le langage politique avec tous ses particularités. Qui plus est, la politique est un domaine dans lequel chaque terme a du poids et il nécessite que nous soyons attentifs afin d'éviter le risque de quiproquos possibles. Il ne faut pas oublier que l'une des fonctions principales du langage est la possibilité de faire d'un ennemi un ami rien qu'en se servant de bonnes paroles. Donc argumenter signifie également proposer à notre interlocuteur ce dont il a besoin au moment de la causerie. Les arguments peuvent être comparés à des embellissements ayant pour objectif de décorer nos paroles afin de les rendre plus puissantes et touchantes. Le langage n'est pas cependant un simple décalque et il comporte des éléments propres qui contribuent à agir sur l'auditeur et à l'amener à une certaine conviction.

Quand il est question de l'argumentation, il est nécessaire de distinguer trois catégories : la transmission d'une conviction, la délibération et la justification. Pierre Oléron affirme que dans le premier cas le terme est fixé : celui qui argumente est convaincu, il cherche seulement à faire partager sa conviction. Dans le second, au contraire, c'est après l'argumentation que sera déterminé ce qu'il convient de faire. De ce point de vue la justification reste proche du premier cas puisque ce qu'il s'agit de justifier est donné ; c'est le contexte psychologique qui peut permettre de la distinguer. Nous pouvons constater que le fait de justifier ou se justifier correspond à une attitude de défense. C'est logique car celui qui se justifie, se sent provoqué par les propos de son/ses interlocuteur/s et se sert de contre-arguments pour démontrer qu'il a raison. P. Oléron souligne que la justification est souvent présentée comme un type original d'argumentation. La place donnée à la justification peut trouver sa raison dans l'importance qu'elle occupe dans la vie pratique mais également dans la législation. Celle-ci exige que les décisions administratives soient clairement argumentées. Et selon cette théorie, la justification ne devrait pas être séparée de son antonyme : l'attaque ou la critique. La justification et la critique font

partie de l'argumentation et visent à faire partager la conviction de l'apologiste ou du critique ou à orienter la décision. (Oléron 1983 : 109).

L'argumentation met en jeu, d'une manière générale, une pluralité d'arguments. Au contraire de la démonstration qui est normalement unique, un argument paraît rarement assez fort pour entraîner la conviction. En invoquant plusieurs, le locuteur attend une sorte d'addition des effets qui augmentera les chances de provoquer celle-ci. Par ailleurs l'esprit critique soupçonne facilement que la multiplication d'arguments dissimule l'incapacité d'en produire un petit nombre, voire un seul qui soit vraiment convaincant.

P. Oléron déclare que les arguments sont de force inégale. La force des arguments est prise en compte lorsqu'il s'agit de déterminer leur ordre de présentation. La question que l'on se pose est la suivante : faut-il commencer par les arguments les plus forts ou, au contraire, terminer par eux ? La première démarche paraît justifiée concernant la disposition favorable de l'auditoire et son objectif, et de le rendre accueillant aux arguments qui suivent. En revanche la présentation d'arguments plus faibles à la suite risque d'atténuer l'effet des premiers, oubliés au profit de ceux qui ont peu de valeur démonstrative. L'ordre inverse paraît favoriser une marche progressive, les premiers arguments préparent à accueillir d'une manière positive ceux qui doivent entraîner la conviction. La deuxième question que nous pourrions nous poser : mais des arguments faibles présentés d'abord ne risquent-ils pas d'indisposer l'auditoire ou au moins de lasser son attention ? D'où la tendance à préconiser un ordre mixte où les arguments les plus forts sont placés au début ou à la fin, les plus faibles au milieu - ordre dit homérique.

La cohérence est considérée comme une condition nécessaire de l'argumentation. Elle constitue une sorte d'argument indirect supplémentaire. Si

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les arguments sont bien organisés et se tiennent, ils témoignent en faveur de la solidité de la thèse. D'où l'effort de l'émetteur pour assurer cette cohérence et la souligner. Inversement quand il s'agit de démolir la thèse adverse, une bonne stratégie est de tenter de montrer l'incohérence des divers arguments. Il n'est guère d'argumentation qui ne porte sur des matières prêtant à désaccord ou à controverse. Ainsi celui qui argumente ne se trouve-t-il pas simplement en face de la matière à traiter et de l'auditoire cible, mais en plus devant un adversaire réel ou potentiel défendant une position différente ou opposée. L'auditoire peut être considéré comme attaché au départ à une position qu'il est nécessaire de combattre, afin de l'amener à celle que l'on s'attache à soutenir. « L'emploi des arguments négatifs dépend de la force de l'adversaire. S'il occupe une position dominante ou égale on l'attaquera parce qu'il convient de l'affaiblir. Si ce n'est pas le cas, le silence ou au moins la discrétion paraissent appropriés. » (Oléron 1983 : 117).

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault