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L'ethos dans les discours du premier ministre Manuel Valls.

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par GALIN GANEV
Université Paris-Est Créteil  - Master 2 Littératures, Discours, Francophonies 2016
  

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CHAPITRE 4. Procédés langagiers

4.1 Les types de phrase

Dans ce chapitre nous avons choisi d'examiner attentivement des procédés langagiers de l'ethos. Quand nous disons « procédés langagiers », il faut bien avoir en tête qu'il s'agit de types de phrase et de connecteurs argumentatifs. Dans le chapitre 4, notre objectif est d'utiliser strictement les mêmes exemples que ceux du chapitre 2 afin de mettre en lumière les atouts linguistiques des ethos d'identification et de crédibilité. Donc nous allons voir comment par exemple le discours de l'ethos de chef est structuré en sachant que son but ultime est, en premier lieu, d'attirer l'attention et si possible influencer ou même convaincre son auditoire. Nous allons découvrir également si le chef du gouvernement se sert plutôt de phrases exclamatives et impératives pour mettre en valeur l'autorité de cet ethos. Idem pour les ethos de puissance et de caractère - nous comptons les regarder de près et croiser les résultats obtenus. En ce qui concerne les ethos de crédibilité, peut-il avoir des surprises au niveau du choix des phrases ayant pour but d'exprimer des idées, convictions et compétences. Nous pouvons supposer par exemple que pour construire un ethos de « sérieux », le locuteur utilise plutôt des phrases déclaratives et impératives. Il prend au sérieux tout ce qu'il affirme et ne peut pas se permettre de se ridiculiser devant son public. Quant aux ethos de « vertu » et de « compétence », nous imaginons un mélange de types de phrase sans avoir une différence fondamentale entre eux au niveau du taux d'utilisation. Bien entendu, ce ne sont que des hypothèses, donc il reste à découvrir le rôle des types de phrase dans la construction des ethos d'identification et de crédibilité.

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Dans son précis de grammaire, D. Maingueneau annonce que les phrases ne sont pas seulement des organisations syntaxiques ; elles sont aussi mises en relation de deux partenaires à travers l'activité énonciative, et l'énonciateur y marque son attitude à l'égard de son propre énoncé. Si nous entendons par « phrase » toute séquence verbale douée de sens et syntaxiquement complète, nous sommes amenés à distinguer entre phrase verbale et phrase non verbale, selon que la phrase s'organise ou non autour d'un verbe. Selon D. Maingueneau (Maingueneau 2015 : 85), les phrases verbales présentent des structures très variées qui correspondent à des actes de langage fondamentaux et sont identifiables par une intonation spécifique. Il est intéressant de constater qu'il ne reconnaît que 3 types de phrase : le type déclaratif (ou assertif), le type interrogatif et le type impératif (ou injonctif). Le premier type permet d'affirmer quelque chose de vrai ou de faux sur le monde ; c'est le type non marqué, celui par rapport auquel se définissent les deux autres. Il correspond le plus souvent à l'ordre GN-GV et son intonation canonique est montante puis descendante. Il domine largement à l'écrit. Le deuxième type permet de questionner quelqu'un, qui est ainsi placé dans l'alternative répondre/ne pas répondre. Son intonation est en général montante. Mais toute structure interrogative n'est pas une question. Le troisième type est lié à l'injonction ; il s'exprime par une intonation descendante. Sa structure est celle d'un verbe à l'impératif, sans sujet exprimé et à la 2e personne ou la 1re du pluriel. En définissant les phrases exclamatives, D. Maingueneau considère qu'il s'agit d'un effet de sens qui s'ajoute aux trois types de phrase, et non pas d'un quatrième type de phrase. Selon lui, les phrases exclamatives permettent à l'énonciateur d'exprimer une réaction affective forte, le plus souvent en marquant le haut degré. Elles possèdent une intonation spécifique, qui met en valeur le constituant sur lequel porte l'exclamation.

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Par rapport à D. Maingueneau qui nous parle des actes de langage, R. Eluerd dans sa grammaire descriptive de la langue française (Eluerd 2008 :183), utilise le terme de modalités d'énonciation. Ces dernières expriment l'attitude de l'énonciateur à l'égard de son interlocuteur. Suivant cette logique, donc, nous pouvons distinguer quatre types morphosyntaxiques et sémantiques de phrase : déclaratif, interrogatif, impératif et exclamatif. Toute phrase présente obligatoirement l'une de ces modalités et une seule. R. Eluerd fait la comparaison entre interrogation totale et interrogation partielle. Selon lui, l'interrogation totale, ou appelée encore interrogation globale par M. Grevisse et A. Goosse, porte sur la phrase dans son ensemble. L'interlocuteur est sollicité pour achever l'assertion. Sa réponse doit exprimer un oui ou un non. L'interrogation partielle porte sur un des termes de la phrase. Une réponse réduite à oui ou non est impossible. L'interrogation peut être insistante, c'est-à-dire renforcée par le ton ou par un mot d'appui. R. Eluerd nous dit que la phrase impérative est employée quand un je attends, ordonne, souhaite que quelqu'un fasse ou ne fasse pas quelque chose. C'est donc une modalité spécifique de l'énonciation discours dans la forme de l'oral réel ou fictif. L'injonction peut être insistante, c'est-à-dire renforcée par une interjection. R. Eluerd nous propose une définition identique à celle de D. Maingueneau concernant la phrase déclarative et la phrase exclamative. Les deux grammairiens belges, M. Grevisse et A. Goosse, considèrent également que dans la langue française il y a quatre types de phrase. Nous devons tout de même préciser que la phrase impérative se termine par un point d'exclamation quand le locuteur prononce des propos avec une force particulière ; il s'agit d'une demande ou d'un ordre. La phrase exclamative se caractérise par son affectivité et l'énonciateur exprime librement ses sentiments à haute voix. (Grevisse et Goosse 2009 : 77).

4.1.1 La phrase déclarative

Exemple 3/p.18 « Nous allons entretenir, je l'espère, comme un feu ardent, cet état d'esprit et nous appuyer sur la force de son message d'unité. Et en revendiquant fièrement ce que nous sommes. En le faisant, en nous rappelant sans cesse de nos héros, ceux qui sont tombés, ces 17, la semaine dernière ».

Comme nous avons déjà pu constater, cet exemple caractérise l'ethos de « puissance ». Nous avons trois phrases déclaratives séparées par le même signe de ponctuation. Dans la première phrase, qui est relativement longue, le locuteur déclare publiquement son optimisme, sa volonté et son espérance à l'égard de l'état d'esprit de son peuple. Il affirme à haute voix que ce dernier se trouve sur la bonne voie et doit garder cet enthousiasme et ce sentiment d'unité notamment autour des valeurs de la République. Nous devons préciser qu'en prononçant cette phrase, le locuteur fait référence à la manifestation de 11 janvier 2015. L'énonciateur fait une comparaison afin d'encourager ses compatriotes et de leur rappeler qu'uniquement tous ensemble sont capables de changer la situation en leur faveur, car l'unité fait la force. Le locuteur se sert d'une phrase déclarative pour faire passer son message, en espérant que celui-ci sera compris dans sa totalité. La deuxième phrase est plutôt courte. Le sujet parlant annonce et rappelle en même temps à son auditoire qu'il ne doit pas oublier ses origines, son histoire et son identité. En s'appuyant sur la force du passé et en particulier sur des dates remarquables et éternelles, le peuple résiste aux difficultés actuelles et montre aux générations à venir comment doivent-elles procéder et quels moyens doivent-elles utiliser pour faire face à des situations extrêmement délicates. En prononçant cette phrase assertive, le locuteur s'adresse à son peuple pour affirmer qu'être fier signifie avoir de la

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dignité dans son caractère et que les autres lui doivent le respect. La troisième phrase est plutôt longue et l'énonciateur rend hommage aux victimes des attentats contre Charlie Hebdo et l'Hyper Cacher, en déclarant que l'histoire de la France vient de connaître ses nouveaux héros. Ces derniers ont fait preuve de courage, de patriotisme, de sang-froid, de fidélité, et le peuple doit faire en sorte que leur exploit ne soit pas rapidement oublié. Le locuteur qualifie ces victimes en utilisant le mot « héros », car elles représentent un modèle de comportement rarement vu, et ces héros méritent d'avoir le respect de toute la société. Etre fidèle à la République et ses valeurs signifie prendre des risques, se mettre en danger si nécessaire, défendre sa patrie et ses compatriotes, défendre l'intérêt général et être prêt à se sacrifier entièrement au nom de la France et ses biens précieux. Nous pouvons constater que le locuteur prononce ces trois phrases déclaratives afin d'informer et en même temps rassurer son auditoire (le peuple français) qu'il s'agit d'une situation délicate mais l'unité nationale et l'esprit collectif entre les citoyens de tout un pays, donneront des résultats positifs à l'égard de cette guerre contre l'ennemi, donc le terrorisme et notamment l'islamisme radical.

Exemple 11/p.31 « Le peuple Français, une fois encore, a été à la hauteur de son histoire. Mais, c'est aussi, pour nous tous sur ces bancs, vous l'avez dit, un message de très grande responsabilité. Etre à la hauteur de la situation est une exigence immense. Nous devons aux Français d'être vigilants quant aux mots que nous employons et à l'image que nous donnons.»

Cet exemple caractérise l'ethos de « sérieux » et il est composé de quatre phrases déclaratives. En lisant la première phrase, nous comprenons qu'il s'agit d'un jugement positif de la part du chef du gouvernement, porté sur le comportement de ses compatriotes. Le locuteur déclare clairement que le

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peuple français a réagi correctement face aux attentats ayant eu lieu à Paris. Les Français ont répondu présents et ont montré explicitement au monde entier que le droit à la parole est sacré et fait partie des valeurs de la République. Ceux qui s'attaquent à ce droit prioritairement démocratique, s'attaquent à la liberté des gens et notamment leur besoin d'exprimer leur point de vue. L'orateur affirme que le peuple français a vigoureusement défendu ses principes et ses idées de liberté, égalité et fraternité. Le sujet parlant s'adresse également à tous les députés et déclare qu'ils doivent être un bon exemple pour le peuple. Il prend les choses au sérieux et arrive à estimer réellement la gravité de la situation. L'orateur annonce que les députés et surtout les hommes de pouvoir (les ministres) doivent être capables de répondre aux exigences et aux attentes du peuple. Ils doivent assumer pleinement leurs responsabilités et agir adéquatement dans des situations complexes, comme celle dont l'orateur évoque publiquement. Cette situation délicate demande des efforts collectifs, de la part du peuple français mais également de la part du gouvernement. L'orateur appelle à l'unité nationale, car c'est uniquement tous ensemble qu'ils pourront faire face au péril mortel. Le sujet parlant déclare que le chef de l'Etat et le gouvernement ont la lourde tâche de prendre des décisions et des mesures exceptionnelles (exemple : l'état d'urgence) afin de défendre la liberté de leurs compatriotes. C'est une immense responsabilité car ces décisions concernent des millions de gens. Mais aussi parce que si le peuple français reste déçu, les responsables politiques devront affronter un vent de critiques et d'attaques personnelles. Par ailleurs les défis existent pour être surmontés et le gouvernement a l'occasion de prouver ses compétences. Le locuteur affirme que les députés doivent être particulièrement attentifs lors de leurs allocutions ou tout simplement activités publiques, car l'image qu'ils dégagent est censée répondre aux attentes du peuple français. En d'autres termes, les hommes politiques ont pour mission d'être exemplaires et de bien soigner leur image professionnelle et publique. Cela est également valable en

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ce qui concerne le vocabulaire dont ils se servent parce que leur statut social ne leur permet pas d'utiliser n'importe quel propos dans n'importe quelle situation. Donc la popularité et le pouvoir politique exigent des sacrifices et des privations personnelles.

Exemple 12/p.32 « Je vous dois cette vérité, et nous devons cette vérité aux Français. Pour y faire face, partout sur le territoire, des militaires, des gendarmes, des policiers sont mobilisés. »

Cet exemple illustre l'ethos de « vertu » et il est composé de deux phrases assertives. Le locuteur se montre honnête et déclare que le peuple français mérite de savoir la vérité. Etre sincère et ne pas avoir peur de dire la vérité, signifie que le locuteur préfère la transparence et la loyauté. Mais de quelle vérité s'agit-il exactement ? Nous devons rappeler que cet extrait fait partie de l'allocution de Manuel Valls dans laquelle il rend hommage aux victimes des attentats, mais aussi il déclare publiquement que la France est en guerre. Donc il est question de cette vérité, dite et assumée pleinement par le chef du gouvernement. Ce dernier considère que ses compatriotes ont le droit de savoir qui sont leurs ennemis et surtout pourquoi ils s'attaquent à un pays laïque, et notamment à la liberté de culte, de conscience et d'opinion. Ainsi les députés, élus par le peuple français, doivent la vérité à ce dernier car grâce au vote des électeurs, ils ont obtenu le pouvoir. Le locuteur déclare également quelles mesures sont prises afin de garantir la sécurité des citoyens. Donc en prononçant ces deux phrases déclaratives, l'orateur énonce la vérité attendue par les Français, et en même temps rassure ces derniers en affirmant que des décisions étaient prises en faveur du peuple.

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Exemple 14/p.34 « Je le dis modestement, avec mon expérience, non pas de Premier ministre ou de ministre de l'Intérieur, mais d'élu de la banlieue parisienne, de maire d'Évry pendant onze ans : les mots que j'ai utilisés hier, en parlant de processus de ségrégation, de ghettoïsation, d'apartheid territorial, social, ethnique, pour un certain nombre de quartiers, je les ai toujours employés car, comme d'autres, ici, sur tous les bancs, j'ai vécu directement les situations qu'ils désignent. »

Cet exemple décrit l'ethos de « compétence » et il est composé d'une longue phrase assertive. En prononçant cette phrase, le locuteur déclare et rappelle en même temps qu'il a occupé deux postes en tant que responsable politique avant d'être nommé Premier ministre. C'est-à-dire qu'il a de l'expérience dans le domaine de la politique et qu'il peut se permettre de donner des leçons ou des conseils quant à différents types de situations. L'orateur a connu de près le terrain et est capable de proposer des idées, projets et même des solutions aux problèmes et aux préoccupations des habitants. Nous pouvons remarquer que son expérience est justifiée, car il explique brièvement son parcours et fait comprendre qu'il a du vécu. Le sujet parlant se sert d'une longue phrase déclarative pour illustrer la réalité telle qu'elle est en tenant des propos fiables et cohérents. Il emploie des paroles précises afin de nommer les choses et de mettre en évidence la vraie signification des termes en question. La compétence est une capacité reconnue dans un domaine, et ici en l'occurence il s'agit d'un locuteur qui parle de ses connaissances acquises par le biais de la pratique.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry