1.2 L'ethos comme image de soi
1.2.1 Ethos préalable et ethos discursif
La question de l'ethos vient de l'Antiquité et Aristote
nous propose une répartition entre les trois axes de l'art oratoire : le
logos d'un côté qui représente ce qui dans le langage a
trait à convaincre, l'ethos et le pathos de l'autre représentant
le côté émotif et permettant d'émouvoir. Le pathos
est tourné vers l'auditoire tandis que l'ethos est tourné vers
l'orateur. L'ethos aide l'orateur apparaître digne, se montrer
crédible en faisant preuve de pondération, de
sincérité et d'amabilité. De nos jours deux domaines
traitent la question d'ethos et ses particularités, respectivement la
sociologie et le domaine des études de discours. A travers la
manière dont le locuteur s'exprime, le destinataire se construit une
image de lui, respectivement positive ou négative. L'ethos
s'avère un élément fondamental dans la construction de
l'image de soi, et il s'associe
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principalement au discours. L'ethos désigne la position
et le statut du locuteur dans la société en s'appuyant sur ses
capacités oratoires, son comportement et ses convictions. Dans le
discours politique, par exemple, le candidat d'un parti peut parler à
ses électeurs en homme du peuple, en homme d'expérience, en
technocrate etc. Dominique Maingueneau relie l'ethos à la notion de ton,
qui relaie celle de voix dans la mesure où elle renvoie aussi bien
à l'écrit qu'au parlé. Le ton s'appuie à son tour
sur une double figure de l'énonciateur, celle d'un caractère et
d'une corporalité.
Dans son livre Le discours politique, Patrick
Charaudeau nous fait réfléchir sur deux questions cruciales
concernant la notion d'ethos : 1) l'ethos en tant que construction de l'image
de soi s'attache-t-il à la personne réelle qui parle (le
locuteur) ou à la personne en tant qu'elle parle (l'énonciateur)
? 2) Est-ce qu'il s'agit uniquement d'une image de soi individuelle ou
également d'une image collective ? Dominique Maingueneau affirme que
l'ethos est attaché à l'exercice de la parole, au rôle qui
correspond à son discours, et non à l'individu « réel
», appréhendé indépendamment de sa prestation
oratoire. Par ailleurs P. Charaudeau signale que pour traiter l'ethos il faut
prendre en considération deux aspects : le locuteur est un être de
discours construit mais également un être social empirique. Il
faut savoir que l'ethos n'est jamais que l'image dont l'affuble
l'interlocuteur, à partir de ce qu'il dit. L'ethos représente un
ensemble de regards : regard de l'autre sur celui qui parle, regard de celui
qui parle sur la façon dont il pense que l'autre le voit. Autrement dit
l'interlocuteur ou l'auditoire pour construire l'image du sujet parlant,
s'appuient à la fois sur des données préexistantes au
discours - ce qu'ils savent déjà du locuteur et sur celles
apportées par l'acte de langage lui-même. Nous pouvons affirmer
que le sujet parlant possède une double identité. D'abord son
identité sociale de locuteur qui lui permet de s'exprimer et qui fonde
sa légitimité d'être communicant. Il obtient un statut et
un rôle par le biais de la situation de communication. Mais
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aussi le sujet se construit une figure de sujet qui
énonce, une identité discursive d'énonciateur qui tient
aux rôles qu'il s'attribue dans son acte d'énonciation. Donc le
sens que véhiculent nos paroles dépend à la fois de ce que
nous sommes et de ce que nous disons. Le constat est que l'identité
discursive et l'identité sociale sont réunies et fonctionnent
ensemble dans l'ethos. Cela ne veut pas dire que le sujet parlant ignore la
possibilité de jouer entre son identité discursive et son
identité sociale se trouvant cachée derrière. Il faut
souligner le fait qu'une grande partie de l'ethos n'est pas consciente donc le
locuteur peut construire un ethos qu'il n'a pas voulu. C'est-à-dire que
le sujet parlant peut avoir des regrets concernant les propos qu'il a
prononcés et le comportement qu'il a eu lors de son discours.
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