INTRODUCTION
Roland Barthes définit l'ethos comme « les traits
de caractère que l'orateur doit montrer à l'auditoire (peu
importe sa sincérité) pour faire bonne impression : ce sont ses
airs » (Amossy 1999 : 10). Effectivement, il s'agit d'un rapport visuel et
cognitif entre celui qui parle et ceux qui écoutent. Le locuteur a pour
objectif de capter l'attention de son auditoire et de maintenir son
intérêt du début à la fin de son discours. Pour ce
faire, l'énonciateur doit présenter son sujet d'une
manière cohérente et intéressante, et non pas monotone. Il
doit éviter les excès car ils sont mal vus et non pas
acceptés par le grand public. Donc l'orateur se trouve dans la position
de quelqu'un qui possède une arme magique - l'art de convaincre
grâce à son discours, et selon la manière dont il
s'exprime, les gestes et le ton qu'il utilise, se fait évaluer par son
auditoire. Pour le locuteur, la scène politique est comme une
arène où le meilleur « gladiateur » est celui qui
possède un pouvoir discursif hors du commun. Gagner la confiance de
l'auditoire signifie avoir le respect incontestable et la reconnaissance des
gens. Les qualités personnelles de l'orateur deviennent importantes
à partir du moment où il sait comment s'en servir pour mettre en
évidence sa supériorité sur ses opposants. Nous devons
préciser que le statut professionnel dans le domaine politique,
c'est-à-dire le poste que l'homme politique occupe, a un rôle
fondamental au niveau de ses relations avec les citoyens. Prenons comme exemple
Manuel Valls - notre sujet d'étude. Actuellement il occupe le poste de
Premier ministre, autrement dit c'est le deuxième homme le plus puissant
de France après le chef de l'État. Ruth Amossy s'exprime sur ce
sujet en disant que « le pouvoir des mots dérive de
l'adéquation entre la fonction sociale du locuteur et son discours : un
discours
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ne peut avoir d'autorité s'il n'est prononcé par
la personne légitimée à le prononcer dans une situation
légitime, donc devant les récepteurs légitimes »
(Amossy 1999 : 128). Ainsi le discours du Chef du gouvernement possède
plus du poids et de valeur que celui d'un député de
l'Assemblée nationale. Nous pouvons affirmer que cette constatation est
logique car Manuel Valls est celui qui donne des ordres et qui est
autorisé à effectuer des réformes en faveur de
l'État.
La première grande partie de notre
démonstration, c'est-à-dire les chapitres 1 et 2, traite la
question de l'ethos sous un angle rhétorique. Elle est composée
de quatre sous-parties traitant les questions de discours, ethos,
phénomène politique et identité verbale.
Premièrement nous proposons nos réflexions sur la notion de
discours dans l'espace politique. Nous soulignons la différence entre
discours oral et discours écrit, les avantages et les
inconvénients pour le locuteur qui tient un discours devant son
auditoire. Par exemple à l'oral, il a la possibilité de se
corriger au moment où il prend conscience d'avoir commis une erreur.
Nous abordons également le point concernant le discours en tant que
moyen de persuasion et d'action.
Deuxièmement, notre attention porte sur l'ethos comme
image de soi. Ici, nous distinguons deux types d'ethos : préalable et
discursif. Il est question de données préexistantes au discours -
ce que l'auditoire sait déjà du locuteur et celles
apportées par l'acte de langage lui-même. Nous parlons aussi d'une
double identité du sujet parlant - sociale et discursive.
Puis, nous nous focalisons sur les ethos d'identification au
sens de traits identitaires strictement personnels. Dans les discours de Manuel
Valls, trois types d'ethos d'identification ont un rôle essentiel et
exercent une fonction majeure dans la construction d'une image discursive
globale : ethos de
« puissance », ethos de « caractère
» et ethos de « chef ». Tous les trois décrivent une
grande partie de l'identité discursive de notre sujet d'étude.
Et enfin, nous nous interrogeons sur les ethos de
crédibilité et leur place dans les discours de Manuel Valls.
Trois ethos caractérisent son identité discursive : ethos de
sérieux, ethos de vertu et ethos de compétence. La
crédibilité doit être capable de répondre à
trois conditions pour prouver que le locuteur possède le pouvoir de
faire et se montrer crédible : condition de
sincérité, de performance et
d'efficacité.
Dans la deuxième grande partie de notre travail de
recherche, incluant les chapitres 3 et 4, nous traitons la question de l'ethos
en nous appuyant sur des théories et éléments proprement
linguistiques. Notre troisième chapitre est entièrement
consacré à la subjectivité dans les discours de Manuel
Valls. D'abord nous démontrons la présence de différents
types de déictiques tels que : pronoms personnels, démonstratifs,
désinences verbales, adverbes et locutions adverbiales. Cette analyse a
pour objectif de mettre en lumière la dominance ou le suremploi de
certains éléments par rapport à d'autres. Par exemple nous
pourrions supposer que les pronoms personnels « je » et « nous
» seraient davantage utilisés par le sujet parlant. Tout simplement
parce que dans la plupart des cas « je » représente le Premier
ministre et « nous » représente le Chef du gouvernement et ses
ministres/la majorité.
Dans ce chapitre nous nous intéressons également
aux subjectivèmes et leur influence dans les discours de notre sujet
d'étude. Et plus précisément nous nous focalisons sur des
substantifs, adjectifs affectifs, adjectifs évaluatifs axiologiques et
adjectifs évaluatifs non axiologiques, verbes occasionnellement
subjectifs et verbes intrinsèquement subjectifs, adverbes subjectifs.
D'un point de vue linguistique cette étude nous permettra de
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constater à quel point le locuteur se sert de termes
subjectifs, donc ceux qui appartiennent au sujet parlant, afin de transmettre
son message à l'auditoire. Le côté émotif de ses
propos pourrait s'avérer un avantage dans le but d'attirer l'attention
du public.
Dans le quatrième chapitre, nous essayons d'examiner
les types de phrase utilisés dans les discours du Premier ministre,
ainsi que l'argumentation et ses connecteurs argumentatifs. Il est question de
trois types de phrases : déclaratif, exclamatif et impératif.
Notre mission sera de mettre en exergue l'emploi et la fréquence de ces
phrases afin de démontrer leur importance. En ce qui concerne
l'argumentation, nous aurions pour tâche d'analyser les connecteurs
argumentatifs exprimant : la cause, la conséquence,
le but, l'opposition et l'hypothèse. Cette
analyse nous donnera la possibilité de découvrir minutieusement
les arguments dont le sujet d'énonciation se sert lors de ses
allocutions.
Cette étude a pour objectif de répondre à
plusieurs questions afin de nous aider à découvrir le vrai visage
de Manuel Valls. Les questions sont les suivantes : Est-ce que Manuel Valls est
vraiment autoritaire et allons-nous ressentir dans ses discours cette position
sévère qu'il adopte lors de ses interventions et débats
politiques ? Pour Manuel Valls être Premier ministre est-il vraiment un
privilège et même une mission à accomplir ? Est-ce que
notre sujet d'étude est prêt à tout pour protéger
son peuple et son pays ? Allons-nous découvrir la puissance d'un «
je » affirmatif ? Le tempérament colérique de Manuel Valls
a-t-il une position centrale dans la construction de son ethos ? Se sert-il
d'arguments vraisemblables afin de défendre sa position lors d'une
discussion ? Sait-il comment manipuler la foule dans l'intention de tirer des
bénéfices ?
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Emploie-t-il souvent des propos affectifs pour toucher
davantage le public auquel il s'adresse ? Paraît-il crédible aux
yeux de ses électeurs et aux yeux des députés de la
majorité ? Suffit-il d'être un bon orateur pour faire une
carrière remarquable dans le domaine de la politique ? Arrive-t-il
à résister aux attaques permanentes des députés de
l'opposition ? Téméraire et têtu ou plutôt positif et
ambitieux concernant les réformes qu'il mène ?
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