UNIVERSITE CATHOLIQUE D'AFRIQUE CENTRALE
Institut Catholique de Yaoundé
Faculté de
Philosophie
PHÉNOMÉNOLOGIE DES DROITS DE L'HOMME
CHEZ EMMANUEL LEVINAS : DE L'HUMANISME JURIDIQUE À L'HUMANISME
ÉTHIQUE
DISSERTATION PHILOSOPHIQUE, PRESENTEE EN VUE DE
L'OBTENTION DE LA LICENCE EN PHILOSOPHIE CLASSIQUE
PRÉSENTÉ PAR
BENAM Achile Igor
DIRIGÉ PAR
Prof. Ernest Marie MBONDA
Année académique
2013-2014
****
DEDICACE
A la mémoire des hommes et femmes qui meurent en
Centrafrique à cause de leur simple appartenance à une confession
religieuse.
A la mémoire des rescapés et victimes de la
barbarie cynique des politiciens africains plus machiavélistes
que Machiavel.
REMERCIEMENTS
Nous rendons grâce à Dieu pour tous les bienfaits
dont nous avons toujours été l'objet de sa part.
Nos sincères remerciements vont aussi à
l'endroit de notre Directeur de mémoire, le Professeur Ernest-Marie
MBONDA, qui nous a éveillé au vrai sens de l'écriture et
à l'honnêteté intellectuelle et qui a accepté de
suivre ce travail malgré ses lourdes responsabilités
professionnelles.
Nous remercions, à travers notre communauté
dominicaine de Yaoundé, l'Ordre des Prêcheurs qui nous a accueilli
et nous a permis d'avoir accès à la science. Merci à tous
les frères dominicains, de près ou de loin, dont les fruits
d'échanges et de discussions nous ont permis d'enrichir et
d'élargir ce travail. Particulièrement, merci au frère
Léon Cyrille KERESSE, Père Maître des étudiants
dominicains à Yaoundé, pour son attention fraternelle et pour sa
compréhension, nous permettant ainsi de nous occuper librement de nos
recherches.
Grand merci à nos parents qui nous ont donné
naissance et qui nous ont toujours élevé et soutenu dans nos
entreprises. Qu'ils trouvent ici l'expression de toute notre gratitude.
Merci aux amis de notre classe pour les moments de vives
discussions portant sur certains sujets en rapport avec notre thème de
recherche.
Merci infiniment à notre amie Marie Bernadette NGALEU
CHOUANGA pour son soutien discret et inconditionné, ses orientations et
conseils pendant la rédaction de ce mémoire.
INTRODUCTION GÉNÉRALE
Faisant l'expérience, de près et/ou de loin, des
violences perpétrées dans notre monde et
précisément dans nos sociétés africaines :
violences occasionnées dans leur grande majorité par la crise des
relations inter-personnelles, inter-confessionnelles,
inter-ethniques et inter-étatiques où
l'instinct de domination et la manifestation du pouvoir sont les
maîtres-mots, nous avons voulu réfléchir sur les vraies
raisons d'être de toutes ces prétentions qui détruisent
l'essence de l'Homme en tant qu'être de relations. L'homme, étant
de nature sociable, il ne se découvre pleinement et ne s'affirme comme
personne qu'à travers sa relation de responsabilité envers
Autrui. « Positivement, nous dirons que dès lors qu'autrui
me regarde, j'en suis responsable, sans même avoir à prendre de
responsabilité à son égard ; sa responsabilité
m'incombe. C'est une responsabilité qui va au-delà de ce que je
fais».1(*) Or, de
nos jours, cette responsabilité devient problématique.
L'a-socialité de nos sociétés, lesquelles
sociétés marquées par le non-respect des droits de
l'homme, est due au simple fait de l'oubli de l'Autre, de la fuite de notre
responsabilité, de la mort de l'Autre dans notre vie. Et pourtant,
« La mort de l'autre Homme, écrit Lévinas, me met
en cause et en question comme si de cette mort invisible à l'autre qui
s'y expose, je devenais, de par mon éventuelle indifférence, le
complice ; (...) C'est précisément dans ce rappel de ma
responsabilité par le visage qui m'assigne, qui me demande, qui me
réclame, c'est dans cette mise en question qu'autrui est
prochain. »2(*)
Phénoménologie des droits de l'homme chez
Lévinas : de l'humanisme juridique à l'humanisme
éthique, qui est le thème de notre recherche, nous aidera
à réfléchir sur le problème de la pertinence du
concept de« droits de l'homme » du point de vue
éthique et du point de vue phénoménologique, suite
à l'expérience des crises sociopolitiques. Deux raisons ont
motivé le choix de ce thème : la première est que
depuis que nous nous intéressons au corpus d'Emmanuel
Lévinas3(*), nous
nous sommes rendu compte que la question des droits de l'homme n'a pas
été très développée par Lévinas et
ses commentateurs. La deuxième raison est que nous vivons dans un
continent et plus précisément dans un pays où les droits
inaliénables de l'homme ne sont presque pas respectés :
coups d'Etat interminables, violations des droits de l'homme, etc. Mais alors,
pourquoi une phénoménologie des droits de l'homme ?
Qu'est-ce qui pose problème dans les droits de l'homme ? Qu'est-ce
qui justifie le passage du juridique à l'éthique ?
Les droits de l'homme, avouons-le, promeuvent la vie et la
défendent4(*). Mais
comme l'indiquait Michel Villey, dans le discours de nos contemporains,
les « droits de l'homme sont à leur
zénith, mais ils font problème.»5(*) Rappelons que
« droits de l'homme » est une notion juridique,
élaborée par le Droit en tant que discipline. Pour
Lévinas, il y a une crise profonde de l'humanisme moderne,
marquée par la perte du sens de l'Autre, résultant des
événements inhumains du XX me siècle
comme : les guerres de 1914-1918 et de 1939-1945 favorisant le fascisme,
le nazisme (Hitler) entrainant l'holocauste des juifs; le terrorisme, les
bombardements, les génocides, les coups d'états, les
inégalités et les discriminations sociales, le refus de la
différence, la fracture sociale, le chômage galopant et la
misère du tiers-monde. Disons que la défense de l'homme et de ses
droits s'invertit en crise de l'humanisme à notre époque. Comme
solution, Lévinas va donc opérer un dépassement des droits
de l'homme par les droits de l'autre homme. En effet, « Dans
le concret, les droits de l'homme se manifestent à la conscience comme
droits d'autrui et dont je dois répondre (...) comme droits de l'autre
homme et comme devoirs pour un moi comme mes devoirs dans la
fraternité : c'est là la phénoménologie des
droits de l'homme. »6(*) Cette citation met en exergue le point commun reliant
l'humanisme juridique évoqué par « droits de
l'homme » et l'humanisme éthique exprimé par
« droits de l'autre homme ». Ce point
d'intercession c'est « l'homme » : tel qu'il est
pensé par le droit, et « l'homme » pensé par
l'éthique. Ainsi, quel serait l'apport de Lévinas au débat
portant sur les droits de l'homme ? Quelle signification pour le
débat portant sur les droits de l'homme que l'éthique soit
l'origine fondative7(*), structurante et orientative de la
singularité de la rencontre avec l'autre homme? Quel est le chemin
tracé par Lévinas dans ce débat ? En quel sens la
perspective éthique pourrait-elle constituer un complément
dialectique à la perspective juridique des droits de l'homme ?
Comment peuvent-ils faire l'objet d'une réflexion portant sur
l'homme ? Qui est « l'homme » des droits de
l'homme ?
Pour saisir à un certain niveau la pensée de
Lévinas, nous avons choisi une approche
phénoménologico-herméneutique. Nous considerons la
phénoménologie ici dans son sens d'« étude
descriptive d'un ensemble de phénomènes, tels qu'ils se
manifestent dans le temps ou l'espace »8(*), méthode utilisée par l'auteur
lui-même à la suite de Husserl. L'herméneutique, quant
à elle, est l'étude interprétative de la pensée de
l'auteur, ramenant l'impensé au pensé et au dire.
L'éthique, comme l'horizon ultime de la philosophie chez Lévinas,
est aussi une méthode phénoménologique, parce que,
marquée par l'emphase qui est, pour Lévinas, à la
fois «une figure de rhétorique, un excès de
l'expression, une manière d'exagérer et une manière de se
montrer (...) Décrire cette mutation, c'est aussi faire de la
phénoménologie»9(*) : L'emphase comme méthode en
philosophie. Rappelons que notre travail ne consiste pas à exploiter
toutes les oeuvres de l'auteur ni à explorer de manière
exhaustive sa pensée. Nous avons voulu simplement y esquisser quelques
traits ayant un lien avec notre thème. Pour ce faire, nous nous
limiterons aux domaines phénoménologique et éthique.
Les droits de l'homme font problème parce qu'ils sont
fondés sur des présupposés ontologiques, promouvant la
liberté qui est une identification du Même, qui ne se laisse pas
aliéner par l'Autre en tant qu'Autre.10(*) La liberté est ici l'expression d'une
subjectivité en tant que substance monadique, source d'une conception
trop théorique, voire même chimérique de l'homme. D'abord,
il faudra repenser l'homme des droits de l'homme en mettant
en question ces dits présupposés ontologiques des droits de
l'homme à partir de son contexte historique et de son approche
philosophico-religieuse. Ensuite, faire une analyse de la subjectivité
(l'homme), de sa conception métaphysique à sa conception
phénoménologique, réaliste et concrète
dépassant ainsi la conception théorique de l'homme dans son
aspect juridique. Enfin, montrer dans la dernière partie qui constitue
le point névralgique de notre recherche, ce qui justifie chez
Lévinas le passage aux droits de l'autre homme et voir une
possibilité de paix éthique dans son versant eschatologique. A la
fin, les concepts de justice, d'égalité, de liberté qui,
selon Lévinas, sont hérités de la philosophie
polémologique occidentale de l'aliénation de l'Autre,
seront dépassés. Car, l'être n'aura plus le statut de
fondement. La philosophie première concerne désormais l'autre de
l'être. Cette ouverture à l'extériorité est ce qui
fonde l'éthique chez Lévinas ; éthique qu'il
définira de manière déconcertante comme la philosophie
première : « la philosophie première est une
éthique »11(*).
Chapitre I : LECTURE HERETIQUE de quelques matrices
rationnelles fondatives DES DROITS DE l'HOMME
Introduction
Aujourd'hui, partout dans le monde, la question des droits de
l'homme est celle qui taraude le plus la conscience du monde. Impossible
d'ouvrir un journal télévisé, un mensuel sans y retrouver
un passage stigmatisant telle violation des droits de l'homme en Syrie, en
Centrafrique, au Congo Démocratique, dans la plupart des pays africains
et même dans les autres continents. Impossible de suivre un discours
politique qui n'inscrit pas dans son programme une potion infaillible contre le
chômage, l'inflation, l'impérialisme, etc., aboutissant à
un rappel au respect des droits de l'homme. Toutefois, les droits de l'homme
continuent de souffrir d'inattention, de négligence ou d'ignorance.
Comme nous le souligne M. Villey : « Dans le discours de nos
contemporains, les « droits de l'homme » sont à leur
zénith, mais ils font problème.»12(*) Mais qu'est-ce qui pose
problème dans les droits de l'homme ? Que disent les droits de
l'homme ? Quelles sont donc les matrices rationnelles fondatives des
droits de l'homme ? Qu'est-ce qui fait l'humanité de l'homme ?
Au nom de quoi l'homme doit-il avoir un droit ? Quelle est
l'originalité de la pensée lévinassienne des droits de
l'homme ? Ses interrogations nous permettrons de relire avec un regard
critique les fondements des droits de l'homme depuis son contexte historique et
de montrer l'apport de Lévinas sur la question ; et le
caractère hérétique de cette lecture tient à ce
regard historico-critique.
I. 1. Contexte historique et fondements
philosophiques des droits de l'homme
Dans cette partie de notre travail, nous allons nous servir
largement de l'article de François Rigaux, professeur
émérite de l'Université Catholique de Louvain,
intitulé « Les fondements philosophiques des droits de
l'homme »13(*).
La doctrine des droits de l'homme est apparue à une époque dont
la validité reste très controversée. Si les juristes ont
longtemps oublié l'apport de la philosophie dans l'éclosion des
doctrines des droits de l'homme, c'est parce qu'ils se sont limités
à la cristallisation de ces droits dans des proclamations nationales ou
dans des instruments qui jaillissent d'un législateur14(*) : « en
France, c'est la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen,
votée par l'Assemblée constituante le 26 août 1789, qui est
tenue pour fondateur d'un régime nouveau. »15(*) Mais la Déclaration
française peut être considérée comme inspirée
de la Déclaration d'indépendance des Etats-Unis adoptée
par le Congrès continental le 4 juillet 1776, qui l'a
précédé. L'Angleterre signera son acte contributif des
droits de l'homme par le Bill of Rights, théorisé en
1688 et proclamé le 13 février 1689. Des actes et des
traités internationaux vont se succéder pour édifier et
pousser les Etats au respect de ces dits droits fondamentaux. Mais pour Rigaux,
« la tentation est grande de tenir ceux-ci (droits fondamentaux)
pour l'expression d'attributs directement conférés aux
êtres humains par Dieu ou par la Nature, bref, d'en rattacher la
genèse à une source supérieure à toute forme de
droit positif, à savoir le droit naturel. »16(*)
La question des droits de l'homme est liée au droit.
Parlant du droit, on distingue le droit des anciens où il y a une
confusion du droit avec la morale et le droit positif. Le droit, du point de
vue des anciens ou du point de vue des modernes, trouve son fondement et sa
justification dans le droit naturel. En ce sens, le concept de droit naturel,
est l'une des matrices rationnelles sur laquelle s'applique le concept de
droits de l'homme. Dès l'antiquité en effet, Aristote faisait
déjà la distinction entre ce qui est juste par nature et ce qui
est juste par convention. Selon Rigaux, « Plusieurs dialogues de
Platon font déjà état de la thèse des Sophistes sur
le droit naturel et de l'opposition qui existe entre Nature (phusis) et la Loi
(nomos).»17(*)
Nous pouvons là, faire référence à Calliclès
pour qui, la loi, qui a pour essence de protéger les faibles,
s'opposerait au droit de la force.18(*) Aussi, le Docte Hippias mettra en opposition le lien
naturel qui unit les membres d'une même famille et la loi qui
« impose par la force nombre de choses contraires à la
nature ».19(*) Dans Les Lois, Platon
« dénie qu'aucune loi soit juste par nature, les lois
étant l'objet de disputes et de changements, chacun desquels s'est
effectué artificiellement».20(*)
Aristote est celui qui fera la différence en
distinguant, après l'examen de positions des Sophistes, dans le juste
politique, le juste naturel en tant que ce qui « possède
en tout lieu même valeur et qui ne dépend en rien du fait que
l'opinion publique lui accorde ou lui refuse cette valeur.»21(*) Il précise enfin
comme pour donner une détermination sémantico-ontologique du
juste politique en ces termes : « Appartient au contraire au
juste conventionnel ce qui, à l'origine, peut être
indifféremment fait de telle ou telle façon, mais qui ne le peut
plus une fois que l'on a posé qu'il faut agir de telle façon
déterminée. »22(*) Bref, pour Aristote, on peut distinguer une justice
qui serait une détermination naturelle et une justice de
détermination artificielle ou politique ou encore positive. Ce qui lui
permettra de distinguer et voire même, d'opposer aux lois
particulières, d'autres de dimensions communes, lesquelles
« semblent être reconnues par le consentement
universel.»23(*)
Ces approches serviront de tremplins aux jurisconsultes
romains pour théoriser la différence entre le droit de la
cité (privilège des citoyens) et le droit commun (ouvert à
tous les peuples). Saint Thomas d'Aquin, à l'époque
médiévale, fera un rapprochement entre droit naturel et droit
positif qu'il qualifiera de droit naturel secondaire et qu'il distinguera du
droit naturel au sens strict.24(*) Si la notion du droit naturel est rapportée
essentiellement, dans les temps modernes, à l'homme et à
l'humanisme juridique, elle a été jadis tributaire des
conceptions qu'on avait du cosmos et de Dieu. Lesquelles conceptions seront
aussi considérées comme fondement religieux des droits de
l'homme.
I. 2. Fondements religieux des droits de
l'homme
La notion de « droits de l'homme » renvoie
à une tradition religieuse qui exprime à la fois sa
fécondité et sa difficulté. Faire sa
phénoménologie c'est donc se fonder sur une conviction religieuse
(Dieu créateur de tout, l'Être suprême, etc.) pour exiger
l'orientation éthique par rapport à celle politique. C'est aussi
sortir d'une tradition religieuse spécifique pour tendre vers
l'universel.25(*) Il y a
deux récits de la création qui expriment bien cette
conviction: l'un où Dieu dit : « Faisons l'homme
à notre image, selon notre ressemblance », et l'autre
pour qui « LE SEIGNEUR Dieu modela l'homme avec de la
poussière prise du sol. Il insuffla dans ses narines l'haleine de vie,
et l'homme devint un être vivant»26(*). Cette citation montre bien la différence
spécifique, faite déjà par les Pères de l'Eglise et
les pères grecs, existant entre l'homme et les animaux du fait de la
position debout et du langage 27(*)(expression de la raison humaine et signe
référentiel au créateur), source de dignité et donc
de glorification : lieu commun sur lequel s'accordent la philosophie
grecque et l'anthropologie biblique. Mais, comme dans l'antiquité et
surtout au Moyen-Âge, le pouvoir était du droit divin et
même la loi, comment donc laïciser le politique et le juridique tout
en maintenant l'autorité d'une instance transcendantale ? Comment
libérer le politique et le juridique du cléricalisme sans le
livrer aux démons du totalitarisme ?
Fort de ces analyses, même si le droit naturel a
toujours favorisé la liberté, l'égalité entre les
hommes et la communauté des biens ; chez les penseurs de
l'antiquité, il ne saurait investir les individus de droits
fondamentaux, qui seraient considérés comme annonciateurs des
droits de l'homme. Ceci pour la simple raison qu'à l'époque de
l'antiquité gréco-romaine, les individus sont dépourvus
de, ou se voient refuser, toute liberté. Etant d'essence collective, la
liberté est le privilège exclusif de la cité. Bref, s'ils
existent, les droits politiques sont des biens exclusifs d'une minorité
de citoyen et c'est ce qui explique la pratique de l'esclavage telle que
défendue par Platon dans la République et dans la
Politique ; pratique acceptée par certaine doctrine
chrétienne de l'époque. Pour considérer la philosophie de
la loi naturelle comme l'une des matrices rationnelles fondatives des droits de
l'homme, il faut la rechercher à une période plus tardive. Outre,
il est difficile de statuer sur le droit naturel, car, aucune
théorisation philosophique du droit naturel n'est parvenue jusqu'ici,
quel qu'en soient les paradigmes fondateurs, à construire des preuves
universelles incontestables, chaque théorisation n'étant qu'un
moment provisoire et incertain de sa vérité. En plus, la
combinaison des deux termes (droit et nature) est chargée
d'obscurité28(*).
Hegel dira qu'il est difficile de traiter scientifiquement du droit naturel,
pendant que Hans Kelsen29(*) va s'inscrire dans ce débat pour parler de la
Théorie pure du droit. Finalement, c'est en intégrant
cette objection que nous avons et allons suivre le chemin tortueux du concept
de droit naturel et d'en appréhender la nature et le contenu. Car, c'est
dans cette invincible dimension controversiale que nous voulons
chercher le socle des droits de l'homme.
I. 3. Du droit naturel au droit en tant que norme
chez Hobbes : l'enjeu des passions en droit et en politique
Dans cette partie, le prolongement de notre réflexion
va s'appuyer sur Hobbes. Il est considéré comme l'un des
précurseurs de la philosophie du droit et de l'organisation politique.
En nous fondant sur sa pensée, nous voulons ici appréhender sa
conception de l'homme pour bien cerner la naissance du droit en tant que norme.
Il y a droit, quand il y a une obligation juridique au
préalable30(*).
Obligation qui renvoie à une corrélation entre l'agir humain et
les règles préventives de conséquences dommageables en cas
de contravention. Le savions-nous, l'orientation de la pensée de Hobbes
sur la philosophie naturelle va de pair avec le problème du droit et de
l'organisation politique. Le passage du droit de nature à la loi de
nature est assis sur une anthropologie qui considère la nature
passionnelle, agressive et subversive de l'être humain ; car selon
Hobbes, la tradition philosophique, de Socrate à Cicéron, avait
échoué dans sa politique de construction de paix civique, parce
que, fondée sur une conception de l'homme parfait.
Hobbes va expliquer la nature humaine par deux traits
caractéristiques de l'état de nature: Le premier,
« la nature a fait les humains si égaux quant aux
facultés du corps et de l'esprit.»31(*) L'égalité ici est entendue dans le
sens de la complémentarité, en ce sens que ceux qui sont
dotés de plus de force physique le sont moins au niveau de l'esprit et
vice-versa. Le second est celui de la rivalité naissant de la
volonté des hommes à désirer un même objet. Et donc
la condition humaine dans cette situation, est celle de « guerre
de chacun contre chacun»32(*), la paix de l'un se trouve menacer par
l'intérêt de l'autre. Ici, la nature dissocie les humains et les
oppose. Mais par-delà cette situation, rien n'est injuste car,
« là où existe aucune puissance commune, il n'y a
pas de loi ; là où il n'y a pas de loi, rien n'est
injuste.»33(*)
C'est donc cela le « droit de nature »,
c'est-à-dire, « la liberté que chacun a d'user de
sa puissance, comme il le veut lui-même par la préservation de sa
propre nature, autrement dit de sa propre vie et, par conséquent, de
faire, selon son jugement et sa raison propres, tout ce qu'il concevra
être le meilleur moyen adapté à cette
fin. »34(*)
Le droit naturel qui est reposé ici sur le principe de liberté,
entendue comme « absence d'entraves
extérieures.»35(*), intervient dans le cadre de l'autoconservation
ou de la protection de sa propre vie. Il faut alors renoncer à sa
liberté pour rechercher la paix « soit par un simple
renoncement, soit par son transfert à un
autre. »36(*)Ce transfert mutuel du droit est appelé
contrat qui appelle chaque partie au respect de ses
engagements et c'est cela la loi naturelle, obtenue par la peur de la mort.
Si le droit naturel est le règne de la liberté, de la
volonté qui cherche à se protéger contre les autres ;
la loi naturelle sera comme un devoir, un précepte, une règle
générale découverte par la raison, permettant à la
nature d'interdire aux hommes tout ce qui détruit la vie ; une
obligation limitant le droit à travers la crainte de la mort. Dans le
contexte hobbesien, le droit émane donc du sujet et n'est pas une
réalité objective. Ainsi, comme une chose réelle, le droit
est devenu un pouvoir de l'individu, émanant de sa nature. Mais alors,
comment le concept de « droit » lié
à l'homme a-t-il été pensé à l'époque
des Lumières ?
I. 4. La problématique de la dignité
humaine chez Kant : une relecture des Lumières
L'époque des Lumières est marquée par
cette pensée selon laquelle : « l'homme n'est rien
par nature : (...) l'homme en tant qu'homme (humanité de l'homme)
ne se définit ni par une nature idéale (un modèle naturel)
ni par une nature immédiate (une sensibilité
naturelle). »37(*) Nous pouvons retenir deux choses dans cette
citation : Premièrement que la nature humaine n'est ni
définissable par nature ni par sensibilité ;
deuxièmement que l'humanité de l'homme serait engendrer par
l'homme lui-même de telle sorte que son « autonomie
individuelle est la norme suprême ».38(*) Par ailleurs, par rapport aux
droits fondamentaux et aux relations intersubjectives, les hommes (sujets et
personnes) sont considérés à la fois comme des agents
sociaux et des sujets autonomes. Ce qui pousse S. Tzitzis à dire que
« les droits fondamentaux témoignent plutôt du fonds
de valeurs propres à l'homme qui composent sa dignité
(...)»39(*) Ce
qu'il faut souligner ici c'est le caractère interne des valeurs et des
normes humaines, sources fondatives de la dignité.
Chez Kant, le concept de l'homme appliqué
à l'idée du devoir est une notion commune à
l'éthique et à la morale. Le caractère pure de sa
philosophie morale marque sa démarcation de « tout ce qui
ne peut être qu'empirique et qui appartient à
l'anthropologie »40(*) et l'éthique, équivalent de la morale,
est une « doctrine des moeurs en général, qu'on
appelait aussi doctrines des devoirs(...), qui ne sont pas soumis à des
lois extérieures.»41(*) En effet, si l'anthropologie nous fait
découvrir l'homme tel qu'il est, la morale nous enseigne l'homme tel
qu'il doit être. De plus, la condition de possibilité d'une action
morale est qu'elle soit faite par devoir ; devoir qui, en tant que
contrainte de la raison, établira l'idée de la dignité
humaine. Ainsi, la dignité humaine provient de ce que ma
volonté42(*) soit
conforme à la loi morale et est produite en moi par le moyen de la
raison et non par des penchants ou des inclinations naturelles.
Etant donné que « le mobile de la
volonté humaine (et de celle de tout être raisonnable crée)
ne peut jamais être que la loi morale»43(*), la loi morale est
fondée sur la notion de «l'homme » en tant que libre et
n'ayant pas besoin d'un Être-Supérieur pour justifier son action
morale. L'homme (pris rationnellement et non empiriquement),
indépendamment de toute plasticité, de tout lieu
géographique, de toutes situations socio-politico-économiques, de
race, de taille, doit donc tirer la loi morale de l'intérieur de
lui-même, car, seule la raison lui fournit la norme, les règles de
sa conduite. La loi morale, exercée sur lui, dans ce sens, est
définitive, parce que, fondée sur les principes de la raison
pure, qui lui donne une nature le définissant comme fin en soi,
« c'est-à-dire comme quelque chose qui ne peut pas
être employé simplement comme moyen »44(*).
Ici, Kant va contre toute objectivation de l'homme. Il signe
un arrêt contre toute paupérisation anthropologique, au
nom de cette dignité personnelle dont l'homme se confère. L'homme
est donc une fin en soi, parce que, digne de respect. Et ce respect s'impose
catégoriquement : « Agis de telle sorte que tu
traites l'humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de
tout autre toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement
comme un moyen».45(*) La loi du respect de l'humanité en tout homme
est donc inscrite en nous et personne n'a le droit d'user de son
humanité comme il veut. De sorte que « les droits de
l'homme confirment, pour la conscience commune, le principe que les devoirs
envers autrui ne sauraient résulter seulement de prescriptions intimes
ou d'une représentation culturelle des valeurs, mais de la conscience,
en chacun, d'une volonté raisonnable, à partir de laquelle il est
même de déduire des conduites justes envers
l'humanité»46(*) ; et l'idée de l'universalité
des droits de l'homme inscrite dans la Déclaration47(*) de 1946 tient aussi à
cela. Nous allons montrer, à la suite de notre travail, en nous fondant
sur la responsabilité lévinassienne, les travers de la conception
de la subjectivité kantienne en rapport avec la liberté.
I. 5. La responsabilité éthique comme origine
du droit et du politique chez Lévinas
Chez Lévinas, l'évènement éthique
se produit dans l'histoire et se réalise dans le champ du politique.
Mais le passage du politique à l'éthique correspond à
l'entrée de la transcendance dans l'histoire par le visage d'Autrui qui
se veut irréductible au Même et qui en appelle à la
responsabilité éthique. En ce sens, l'idée du juridique et
du politique sera pensée dans une forme de socialité originelle.
Comme le souligne H. Caygill, traduit en français par C. Boundja :
« Contre le principe de la liberté et de l'être,
comme rassemblement ou domination, contre le mal élémental,
Lévinas cherche une perfection dans la pensée d'une
dignité humaine issue d'une fraternité dans laquelle les humains
sont appelés par Dieu à la responsabilité pour
l'autre. »48(*) Pour nous, cette fraternité politique,
née de l'appel à la responsabilité, est assurée par
le principe d'unité qui est l'Infini, l'Absent-présence, qui se
laisse découvrir dans le visage comme trace de ce qui est
là-mais-déjà-absent.
Pour Lévinas, chacun est donc responsable d'autrui
avant même d'avoir choisi de l'être. S'appuyant sur la question de
Caïn à YHWH : « Suis-je gardien de
mon frère ? », Lévinas veut y voir la
révélation d'une responsabilité que Caïn n'a pas
choisie. Il est frère d'Abel, par son origine. Il est donc responsable
de tout autre que lui en vertu de cette fraternité humaine qui
dépasse le cadre de la parenté biologique qui l'a fait
frère d'Abel. Ainsi, chacun dans sa singularité
irréductible, est constitué responsable pour autrui. Ce n'est
donc pas de l'intérieur du Moi que jaillit l'exigence éthique,
mais d'autrui, qui m'interpelle, me convoque, m'oblige. Lévinas
dit : « (...) La responsabilité est initialement un pour
autrui. Cela veut dire que je suis responsable de sa responsabilité
même. »49(*) Et « c'est dans l'éthique
entendue comme responsabilité que se noue le noeud même du
subjectif. »50(*) Si donc, métaphysiquement, je limite ma
responsabilité, j'ampute mon moi, autrement dit, je cesse d'être
moi. En conclusion, mon identité va de pair avec ma
responsabilité et, « l'existence dans la lassitude est
comme un rappel d'un engagement à exister, de tout le sérieux
[...], il faut faire quelque chose, il faut entreprendre et
aspirer.»51(*)
Comment se pose alors, les questions juridiques et politiques?
La réponse à cette question sera pour nous, la
conclusion de tous les fondements des droits de l'homme qui sont fondés
sur une doctrine métaphysique selon laquelle tout homme
posséderait une essence commune qui ferait de lui un homme et lui
donnerait une dignité, une égalité et une liberté
en vertu de sa nature : « l'homme est à
lui-même le plus prodigieux objet de la nature (...) L'homme est un
roseau, le plus faible de la nature, mais c'est un roseau
pensant»52(*),
nous dira Pascal.
Conclusion
En somme, pour Lévinas, les questions politiques et
juridiques se posent quand le tiers survient, contrairement aux doctrines
contractualistes et positivistes. Car pour lui, la relation éthique
précède et couronne le politique et le juridique. Tant qu'il n'y
a qu'autrui, je peux bien imaginer que je lui donne tout, mais lorsque le tiers
survient, la générosité et le don de soi ne suffisent
plus : il faut de la justice et de la sagesse. « (...) Je
passe de cette relation où je suis l'obligé de l'autre, le
responsable de l'autre, à une relation où je me demande qui est
le premier. Je pose la question de justice, lequel dans cette pluralité
est l'autre par excellence ? Comment juger ? Comment comparer les autres,
uniques et incomparables ?... Â l'heure du savoir et de
l'objectivité, par delà et en deçà de la
nudité du visage, commence la sagesse grecque »53(*). Ici, la
« Sagesse grecque» ne désigne pas la philosophie
proprement dite mais la pensée politique.
Toutefois, le politique peut, dans sa rationalité et son universalisme,
se trouver en contradiction avec sa justification éthique, car
rationalité et universalisme ne font pas bon ménage avec
l'unicité de chaque personne. Pour Lévinas, l'Etat doit se
remettre en cause, atténuer ses rigueurs pour faire justice à
Autrui et au Tiers. L'éthique doit primer sur le politique et même
le juger en cas de dérive.
Chapitre II : Critique des présupposés
ontologiqueS des droits de l'homme : la subjectivité entre brisure
et suture
Introduction
Les termes de brisure et de suture ont
été présentés implicitement dans la philosophie de
Ricoeur et ont, chez lui, une résonnance
« clinique ». Nous les utilisons ici dans un sens proche de
celui de David-Le-Duc TIAHA chez qui, la brisure est une
« perte d'être » et la suture est comme une
réconciliation, « une jointure de l'être en ses
lieux de fragilité »54(*). Chez nous, la brisure marque la sortie de
l'être ou du sujet comme totalité, comme substance
monadique ; et la suture est une reconstitution de la subjectivité
comme ouverture totale à l'extériorité, grâce
à l'idée de l'Infini prise chez Descartes. En effet, quand
Lévinas soutient que l'ontologie est violence, il quitte le sol grec
pour un au-delà de toute « origine grecque, vers l'autre
du Grec »55(*). Il sera question de montrer que l'être n'est
plus objet de l'oubli56(*)
mais de dépassement. Et les droits de l'homme, en défendant le
droit de l'individu, du sujet, font la promotion d'une monade isolée et
repliée sur elle-même sans ouverture à
l'extériorité.
II. 1. Problématiques d'une
compréhension de l'homme comme ontologie, comme sujet
isolé
Il sera question ici d'analyser les
limites d'une compréhension ontologique de la subjectivité,
notamment chez Descartes, chez Husserl et chez Heidegger.
II. 1. 1. Descartes : le doute fondateur du
cogito comme substance
Si Platon privilégie l'essence et Aristote
la substance dans l'appréhension de la
vérité de l'être, pour Descartes, le point de
départ de la pensée de l'ego est le doute ;
désavouant tous les fondements de la pensée de manière
à constituer une base indubitable. Le doute venant de l'hypothèse
du « malin génie »57(*) conduit à la saisie du
cogito, de la conscience de soi au « je pense, je
suis », obtenu au sein d'une évidence. Le sujet
cartésien est une substance qui pense et qui, seul est capable de nommer
et de juger l'existé. Ainsi, il n'existe pas de connaissance
immédiate du sujet comme substance58(*). L'appellation métaphysique du fait que
l'ego en arrive à être pensé comme substance
pensante n'est que déduction. Cependant, le sujet cartésien reste
fermé, même si l'ego ne commence pas par lui-même
et que la certitude du « cogito ergo sum » est
assurée par l'existence de Dieu. Qu'en est-il du cogito
husserlien ?
II. 1. 2. Husserl et le cogito
fondateur : le moi transcendantal et ouverture
Chez Husserl59(*), contre le positivisme et le psychologisme60(*), l'analyse de la
subjectivité résultant de la réduction
phénoménologique ou épochè (mise
hors-circuit du monde objectif) et de la réduction
transcendantale (mise entre parenthèse du moi empirique), permet
d'atteindre le cogito fondateur (conscience intentionnelle,
principe dernier de toute connaissance) qui se diffère du
cogito cartésien (substance). Toute conscience est
intentionnelle, en ce sens, elle est toujours « conscience de
quelque chose »61(*), une visée, une pure transcendance.
L'intentionnalité, loin d'être un solipsisme, est une ouverture
à l'intersubjectivité où autrui se donne à moi, par
un corps dans une expérience originale, comme une
autre monade à partir d'une modification du moi.62(*) De sorte que la vie
intentionnelle de l'ego transcendantal coexiste avec celle d'autrui et
le monde. Bref, au plan fondamental et phénoménologique, le sujet
comme conscience se veut ouverture. Une conscience qui est essentiellement
« déhiscence »63(*), portement-vers,
rationnelle, significative et ne saurait être objet du monde ; mais
donne sens à celui-ci. Mais pour nous, ce portement-vers ne sera une
relation éthique que dans le cadre d'une ouverture asymétrique ou
dissymétrique, dans une relation de responsabilité non choisie.
Une ouverture dont l'analytique existentiale du Dasein
heideggérien en est un essai.
II. 1. 3. Heidegger : la
compréhension du Dasein comme
être-jeté-au-monde
Pour Heidegger, « tout l'homme est ontologie.
Son oeuvre scientifique, sa vie affective, la satisfaction de ses besoins et
son travail, sa vie sociale et sa mort (...) Ce n'est parce qu'il y a l'homme
qu'il y a la vérité. C'est parce que l'être se trouve
inséparable de son apérité (...) parce que l'être
est intelligible qu'il y a humanité.»64(*) L'ontologie est l'essence de
toute relation avec l'être dont la compréhension - lieu
d'aboutissement de tous les élans humains - ne va plus se limiter
à une approche théorétique, mais prendra en compte la
totalité des domaines du savoir. En effet, « le fait que
nous comprenions l'être, fût-ce d'une façon
indéterminée, est ce qui occupe le plus haut rang, pour notre
être-Là(...)»65(*). Comprendre l'homme c'est comprendre
intrinsèquement l'être, car « l'homme est cet
étant dont l'être est signalé dans l'Être, à
partir de l'Être, par l'in-stance maintenue ouverte dans le
décèlement de l'Être (...)»66(*). L'être c'est la
vocation de l'homme, sa prédestination ; mais l'être ne peut
se maintenir sans lui. L'homme est un être jeté-là, en vue
de veiller sur la vérité de l'être : le berger de
l'être - assumant son être-là-jeté dans
la facticité comme lieu-tenant de l'être - et il
est le Là en tant que patence,
« l'être-le-Là »67(*). Selon Heidegger, le sens de
l'être appartient à l'étant spécifiquement
existant : le Dasein dont l'étantité
permet d'entendre la verbalité de l'être ; la
question de l'être n'étant que « radicalisation
d'une tendance d'être appartenant par essence au Dasein lui-même,
l'entente pré-ontologique de l'être »68(*). La Dasein
(l'être-là), ce au sein du quoi l'homme déploie tout son
être, nous conduit donc à l'être. Le Dasein est en
fin de compte l'ouverture de l'être. Une ouverture que Heidegger va
décrire par l'angoisse comme être du Dasein.
Toutes ces analyses heideggériennes aboutissent
à l'idée selon laquelle, la compréhension est
synonyme de l'existence comme telle. En effet, pour
Heidegger : « comprendre l'être particulier,
c'est déjà se placer au-delà du particulier - comprendre
c'est se rapporter au particulier qui seul existe, par la connaissance qui est
toujours connaissance de l'universelle ».69(*) L'orientation éthique
chez Lévinas est une critique de l'assujettissement du particulier au
discours a priori universel de la compréhension. En effet, dans
la relation éthique avec autrui, tout effort de compréhension se
trouve débordé par l'évènement de langage, qui
n'est pas de l'ordre du maîtrisable. « La
compréhension d'autrui est inséparable de son invocation.
Comprendre une personne, c'est déjà lui parler. Poser l'existence
d'autrui en la laissant être, c'est déjà avoir
accepté cette existence, avoir tenu compte d'elle. « Avoir
accepté », « avoir tenu compte », ne
revient pas à une compréhension (...) Il s'agit d'apercevoir la
fonction du langage non pas comme subordonnée à la conscience
(...) mais comme condition de cette « prise de
conscience » »70(*). Dans ce cadre, le langage joue le rôle
d'au-delà de l'essence, de l'ouverture à un au-delà de
jouissance qui se nomme l'éthique, sinon l'on expérimenterait la
violence.
II. 2. Moi et la totalité : l'ontologie
comme violence
La philosophie de Lévinas, en rapport avec les
pensées de Heidegger et de Husserl, est un retournement de l'ontologie.
Et ce retournement de l'ontologie est la conséquence de la façon
de concevoir la responsabilité envers autrui et l'éthique.
L'éthique concerne, de ce fait, les relations entre les hommes, les
actions qu'ils entretiennent les uns par rapport aux autres. L'éthique
vient du grec ethos qui signifie moeurs. Pour nous, il
signifie également action (l'agir), caractère,
vécu, etc. L'éthique, favorisée par le primat de la
subjectivité développée par la modernité, sera
considérée comme l'étude exclusive du sujet agissant.
Cette modernité va conduire à la morale de l'autonomie kantienne,
au pragmatisme anglais, au surhomme nietzschéen, à la morale
sartrienne de l'engagement ou de la liberté et à la morale de la
justice (Rawls). Lévinas se situe donc en opposition avec ces morales de
la subjectivité précitées, car, elles participent toutes
de la modernité dont il critique le fait d'avoir identifié
l'être au savoir, poussant «l'identification et l'appropriation
de l'être par le savoir, jusqu'à l'indentification de l'être
et du savoir.»71(*)
La critique de Lévinas se situe à trois niveaux
complémentaires. Le premier est l'idée traversant toute la
modernité, selon laquelle le fondement du sujet est la liberté.
Pour Lévinas, loin de supprimer la liberté humaine, il faut la
subordonner à la justice et au commandement d'autrui. Dans la relation
avec l'autre, ce qui est premier ce n'est pas la liberté mais
l'altérité de l'autre, car, dans la relation éthique,
l'initiative ne revient pas au sujet mais à Autrui. Donc, il faut
repenser la liberté, non comme condition d'impossibilité d'un
rapport avec autrui mais comme secondaire à la relation avec
autrui. Le deuxième concerne la liberté du savoir que
Lévinas dénonce en particulier chez Hegel et Husserl.
Lévinas lui-même déclare qu' « à
la liberté du savoir se subordonne, depuis Hegel, toute finalité
apparemment encore étrangère au désintéressement de
la connaissance. »72(*) Cette liberté nie
complètement la place de l'extériorité pour
elle-même parce qu'elle l'emporte sur le pouvoir de
l'extériorité. Or, le savoir, dans son immanence ne peut pas
dominer la transcendance de l'extériorité. On ne peut pas tout
faire ni tout connaitre. Comme le dit Louis Fevre, pour Lévinas, l'homme
moderne conçoit que tout ce qui est possible est permis.73(*) Le troisième niveau de critique
lévinassienne concerne le renversement du primat de l'être sur
l'altérité et de l'immanence sur la transcendance. Pour lui,
l'ontologie occidentale a consacré l'être exclusivement sur la
modalité du Même. Or cela engage à une violence de
l'être subjectif qui conduit à la guerre. « La face
de l'être qui se montre dans la guerre, se fixe dans le concept de
totalité qui domine la philosophie occidentale. »74(*) Tels
sont les trois axes majeurs de la rupture lévinassienne. Par cette
rupture, Lévinas réhabilite la transcendance de l'autre qui est
une libération du Même dans son état de jouissance et
d'identification.
II. 3. Jouissance et
identification : une problématisation de la propriété
privée ?
L'être, au sens de Lévinas, est volonté
d'identification dans une totalité. Pour lui : « La
manière du Moi contre l' « autre » du monde,
consiste à séjourner, à s'identifier en y existant chez
soi. »75(*) L'ontologie du moi consiste donc à
posséder, c'est-à-dire à suspendre
« l'altérité même de ce qui n'est autre que
de prime abord et autre par rapport à moi (...) le concret de
l'égoïsme. »76(*) En effet, si le même ne
s'identifiait que par opposition et conflit avec l'autre, il s'engloberait au
même titre que l'autre dans une totalité qui le dépasse.
Or, c'est le même qui est cette totalité dans la structure
ontologique77(*). Cette
identification du même avec l'étrangeté du monde se fait en
plusieurs moments.
C'est d'abord le corps qui constitue la subjectivité
égoïste, permettant « l`appropriation de
l`existence.»78(*) Ici, le sujet est un être de solitude. Mais
l'être est aussi jouissance entendu comme volonté d'identification
des choses au même. Comme sujet isolé, l'existant vit de
nourritures terrestres : « jouissances par
lesquelles le sujet trompe sa solitude. »79(*) Les
satisfactions des besoins, la recherche de nourriture, de Maison, de
travail ; la possession économique, etc., sont autant de lieux ou
le moi développe son égoïsme. Agatha Zielinski parlera d'un
« mode de vie adamique »80(*) où se constitue la
sensibilité humaine, « l'ultime conscience de tous les
contenus qui remplissent ma vie - elle les embrasse.»81(*) Cette
jouissance prendra fin avec l'avènement d'Autrui.
II. 4. Le Moi
traumatisé par la présence d'Autrui
Il y a rupture de cette vie heureuse du moi, comme nous
l'avions dit plus haut, avec l'apparition d`autrui. Autrui est d'abord
l'altérité, l'Autre en tant qu'Autre opposé au même
dans Totalité et Infini. Autrui ne peut être
réduit à un objet, pire encore à une nourriture et de ce
fait, échappe à toute représentation, à toute
identification. Il bouleverse le monde du sujet fondé sur
l'intériorité et la jouissance par son apparition comme le
Tout-Autre. En ce sens, « Le pouvoir du Moi ne franchira pas la
distance qu'indique l'altérité de l'Autre »82(*), nous
dit Lévinas. La distance ici signifie qu'il n'y a pas de
commune mesure entre la « nourriture » et l'autre. L'autre
fait surgir dans l'être une passivité fondamentale. Or, cette
passivité83(*)
vient rompre le projet de l'être de réduire toute chose au
même. Cette séparation radicale empêche le Même de
réaliser sa totalité, elle est la première apparition de
l'Infini.
II. 5. Transcendance et Infini : une ouverture
à l'extériorité
La figure de l'Autrui renvoie au
Tout-Autre, à l'Infini qui n'apparaît et ne se manifeste que dans
la présence d'Autrui. L'idée de l'infini, Lévinas la doit
à Descartes84(*) chez qui, le fini peut penser à quelque chose
de plus grand que lui : l'Infini. Lévinas présente
l'idée de l'Infini comme « l'expérience au seul
sens radical de ce terme: une relation avec l'extérieur, avec l'Autre,
sans que cette extériorité puisse s'intégrer au
même. Le penseur qui a l'idée de l'infini est plus que
lui-même et ce gonflement ce surplus ne vient pas de dedans, comme dans
le fameux projet - c'est Heidegger ainsi que Sartre qui semblent visés
ici - des philosophes modernes, ou le sujet se dépasse en
créant.»85(*) L'idée de l'Infini
n'est donc pas un concept. Elle désigne la
« propriété de certains contenus offerts à
la pensée de s'étendre au-delà de toute
limite»86(*) et
de toute limite conceptuelle : le lieu même où a lieu la
rupture de la limite, car, « l'idée de l'Infini a ceci
d'exceptionnel que son ideatum dépasse son
idée »87(*).
On ne peut donc pas faire l'expérience de l'Infini si
nous considerons le mot expérience dans son sens ontologique de saisie
de l'être, de possession, etc. On ne peut pas saisir l'Infini en ce sens
que son idée a pour corollaire l'idée de Dieu. C'est ce qu'il
faut comprendre dans De Dieu qui vient à
l'idée88(*),
où Lévinas étudie comment apparaît en nous la
pensée de ce qui dépasse précisément la
pensée et ne se laisse ni saisir ni absorber par elle. L'idée de
l'infini doit se comprendre en dehors de toute intentionnalité, car,
elle est associée à la transcendance89(*). En effet, pour
Lévinas, « l'idée de l'infini, se tient dans le
rapport avec Autrui. L'idée de l'infini est le rapport
social. »90(*) Il poursuit :
« L'extériorité de l'être infini se manifeste
dans la résistance absolue que, de par son apparition - de par son
épiphanie - il oppose à tous mes pouvoirs».91(*) Ainsi, tout savoir en tant
qu'intentionnalité (pensée visant un objet) s'oppose
déjà à l'idée de l'infini.92(*) Lévinas fait ainsi
éclater la structure formelle de la pensée comme
noème d'une noèse93(*). L'essentiel de la
critique lévinassienne se trouve dans son intention transcendante qui
refuse toute structure noèse-noème.
Conclusion
Replié exclusivement sur soi dans la totalité,
le sujet manifeste sa déhiscence dans la responsabilité,
autre nom de l'amour. Tout le long de ce chapitre, la philosophie de
Lévinas se veut une réhabilitation éthique du primat de
l'Autre contre les morales subjectivistes de la modernité. Nous avons
présenté que du point de vue éthique, la prise en compte
exclusive du sujet n'est que violence. Sortir de cette impasse implique de
faire primer la relation interpersonnelle ; et, dans cette relation,
sortir d'un rapport de survivance ou de satisfaction :
la folie de la charité. Dans le chapitre qui va suivre, nous nous
servirons de quelques concepts élaborés dans les chapitres
précédents et de quelques autres concepts auxquels nous donnerons
une autre verbalité pour mettre en exergue ce qui fonde et justifie le
renversement de l'ordre juridique par l'ordre éthique,
opéré par Lévinas.
Chapitre III : La dialectique du juridique et de
l'éthique : une reprise de la phénoménologie
emphatique levinassienne
Introduction
Nous sommes enfin parvenus au point névralgique de
notre recherche. Point qui aura pour vocation de mettre en lumière le
renversement de l'ordre juridique par l'ordre éthique. Pour mieux
comprendre cette partie nous y entrerons avec des arrières fonds
épistémologiques, résultant des recherches
consignées dans les deux premiers chapitres de notre recherche. En
effet, dans cette partie nous voulons partir de l'idée selon
laquelle : « les droits de l'homme se manifestent (...)
originellement comme droits de l'autre homme et comme devoir pour un moi, comme
mes devoirs dans la fraternité (...)»94(*) Il sera question de briser
théoriquement « l'homme » du droit (le sujet
juridique) pour faire asseoir le sujet éthique. Ainsi, nous parlerons
des droits de l'homme en terme d'a priori, de l'asymétrie de la
relation avec autrui, des droits de l'autre homme proprement dits et enfin,
nous reviendrons à l'idée de la transcendance dans les droits de
l'autre homme en posant la rencontre du visage comme trace de l'Infini, comme
hospitalité source d'une paix eschatologique.
III. 1. De la conscience originelle du droit ou de la
conscience d'un droit originel : droits de l'autre homme en terme d'a
priori
Dans cette partie, nous voulons comprendre les droits de
l'homme depuis leur lieu de surgissement, depuis le fond de la conscience
humaine en tant qu'a priori. Le mot a priori, bien que venant
de Kant, signifie que les droits de l'homme sont considérés comme
une obligation éthique, comme commandement absolu en vertu du
surgissement de la transcendance du visage de l'autre dans l'immanence du
même. Ils deviennent ainsi une émanation de l'Infini en tant qu'il
est Absolu et non-expérimentable, sinon, que par le visage d'autrui.
Ici, l'a priori se constitue dans le penser autre, car l'humain se
donne dans la manifestation éthique: l'autre, par son visage,
étant le principe même de l'humanité. Pour Lévinas,
les droits dits de l'homme caractérisés par le respect de la
dignité humaine, de la liberté, de la vie, de
l'égalité de tous les hommes devant la loi, se fondent sur
« une conscience originelle du droit ou la conscience d'un droit
originel »95(*). En effet, les droits, de ce point de vue, font
entendre leur échos depuis l'éveil de la conscience : depuis
l'Homme. C'est en cela qu'ils se posent comme a priori.
Pour Lévinas, en effet, il y a a priori des
droits de l'homme parce que ceux-ci manifestent « l'absolu de la
personne malgré son appartenance au genre humain ou à cause de
cette appartenance »96(*). Il y a là un refus radical de réduire
l'homme en son sens général, et l'option qui est la nôtre
consiste à penser l'homme dans sa figure spécifique de l'humain,
c'est-à-dire son absoluité. Ainsi, les droits de l'homme ne
sauraient être le résultat d'un quelconque effort humain ou
juridique qui soit ; indépendants « à toute
tradition, à toute jurisprudence, à toute distribution de
privilèges, de dignités ou de titres, à toute
consécration par une volonté qui se prétendrait
abusivement raison.»97(*) Ils sont a priori, absolus ;
indépendants des mérites, des efforts ou des vertus de l'homme.
Les droits étant indépendants, révèlent à la
justice sa fondation éthique et comme telle, ils marquent
« l'identité absolue de la personne, c'est-à-dire
du non-interchangeable, incomparable et unique »98(*). En ce sens
qu' « on peut tout échanger entre êtres sauf
l'exister.»99(*)
Considérés comme tels, les droits de l'homme, qui n'ont pas
à être conférés par une quelconque volonté,
seraient ainsi irrévocables et inaliénables. Parler donc des
droits de l'homme, c'est discuter des droits de l'autre, de
l'homme concret, visible dans la figure du prochain, du
lointain, du pauvre qu'on maltraite et méprise, de l'orphelin(e), du
veuf, de la veuve, de l'étranger, du fonctionnaire sans salaire, du
peuple abusé et roué que l'on dépouille de tous ses biens
pour l'intérêt des plus riches et des minoritaires sadiques, etc.
III. 2. Les droits de l'autre homme :
l'asymétrie de la relation avec autrui et mise en question des concepts
« liberté » et
« égalité »
Poser les droits comme étant les droits de l'autre
homme, n'est pas refuser totalement les bases de ceux-ci, acquises par la
modernité. La modernité a beaucoup apporté dans la
consolidation et le respect des droits de l'homme par la science et la
technique et d'autres produits de la raison humaine.100(*) Même si le
développement de la science et de la technique peut rendre possible le
respect effectif de ces droits élargis, la science et la technique
elles-mêmes peuvent comporter des exigences inhumaines allant contre ces
dits droits101(*)
à telle enseigne que Lévinas dira : « Les
droits de l'homme se trouvent compromis par les pratiques mêmes dont ils
ont fourni la motivation. Mécanisation et
asservissement.»102(*) Finalement, notre
approche ne consiste pas à contester ces droits fondamentaux mais
à penser un complément dialectique à propos d'un droit
incontestable et de lui consacrer une réflexion nécessaire et
sans pessimisme.
III. 2. 1. Une relation asymétrique et
récusation du concept
d' « égalité »
Les droits de l'homme, disions-nous, font
référence au sens de l'humain qui n'est pas celui qui met tous
les hommes (le Même et l'Autre, le Je et le Tu, le Moi et l'Autrui) sur
un même point d'égalité. Quand tous ont droit au même
titre sans distinction spécifique, à qui reviendrait le devoir de
garantir le respect de ces dits droits fondamentaux ? Bref, le droit ne
saurait être le droit de tous les hommes, ni d'un homme abstrait. Car
« les droits de l'homme se manifestent à la conscience
comme droits d'autrui et dont je dois répondre. Se manifester
originellement à la conscience comme droits de l'autre homme et comme
devoirs pour un moi »103(*)en ce sens que « ...Tout le monde a des
droits sauf moi»104(*). Le moi est ici mis en otage par autrui et sa
relation avec autrui se situe dans un ordre dissymétrique, car, autrui
et moi ne sont pas et ne seront jamais égaux. Et le devoir que j'ai
envers autrui doit se faire dans un esprit de
dés-inter-essement, étant donné que la relation
Moi-Autrui s'effectue sans réciprocité. En effet, autrui est
à la fois le vulnérable, le faible, le pauvre, le veuf,
l'orphelin ; mais il est aussi le fort, l'intriguant, le brutal, etc.
Bref, les droits de l'autre homme ne pourront jamais être pensés
en termes d'égalité, car cela signifierait que le devoir ou la
responsabilité que j'ai vis-à-vis de l'autre doit être
réciproque. Or, cette perspective est critiquée par
Lévinas. Pour cela, ce qui caractérise le mieux les humains c'est
la différence dans tous ses aspects (de races, de peau, de couleurs, de
situation sociale, de condition naturelle), et nous devons construire la
socialité humaine sur cette différence, sur cette
inégalité au lieu de vouloir la supprimer. Considérer les
droits de l'autre homme c'est aussi poser d'emblée que la liberté
se trouve du coté de l'autre homme et que le moi n'a que des
responsabilités.
III. 2. 2. La
problématique de la liberté
Aborder Autrui, c'est mettre en question ma liberté, ma
spontanéité de vivant. Le « Tu ne commettras pas de
meurtre » soumet ma liberté au jugement. Ma
liberté est comme investie par le visage de l'Autre qui m'interpelle.
« Autrui ne limite pas la liberté du Même ; il
l'instaure et la justifie »105(*) La relation avec le visage de l'autre se
produit comme bonté106(*) chez Lévinas, contrairement à la
rencontre d'autrui chez Sartre qui est la menace d'une liberté en face
d'une autre liberté. Avec Lévinas, la liberté ne se
comprend plus dans le registre de la puissance et de l'impuissance mais dans
celui de la justice et de l'injustice. L'accueil d'autrui est ipso
facto la conscience de mon injustice, la honte que la liberté
éprouve pour elle-même. La liberté face à autrui est
pleine de responsabilités et d'obligations. Ma liberté n'a de
sens que lorsque j'accomplie mes obligations envers autrui ; obligations
pluridimensionnelles (matérielles, morales, intellectuelles,
spirituelles). Il faut donc de la justice pour donner à ma
liberté sa responsabilité. Car, mon devoir envers autrui qui
interpelle ma responsabilité est une investiture de ma propre
liberté. Comme le souligne
Lévinas : « Dans la responsabilité qui,
comme telle, est irrécusable et incessible, je suis instauré
comme non-interchangeable : je suis élu comme unique et
incomparable. Ma liberté et mes droits avant de se montrer dans ma
contestation de la liberté et des droits de l'autre homme se montreront
précisément en guise de responsabilité, dans la
fraternité humaine. Responsabilité inépuisable, car on ne
saurait être quitte envers autrui.»107(*) Il y a ici,
substitution et diaconie (service de l'Autre par le Moi).
III. 2. 3. L'homme et la
responsabilité d'otage
La réponse du sujet à autrui est d'abord
l'expérience de sa passivité fondamentale. Il n'a plus
l'initiative du sujet agissant. Être sujet c'est répondre
à autrui. Lévinas déploie le concept de
responsabilité d'une façon différente de la conception
juridique. La responsabilité trouve sa source dans l'appel que lance
autrui, se présentant nu, faible et exprimant pourtant au sujet
l'obligation, l'ordre de prendre soin de lui. La personne dont il s'agit
d'abord dans la responsabilité, c'est la personne d'autrui,
c'est-à-dire de celui dont je suis responsable. La responsabilité
ici est une obligation extrême à l'égard de l'autre comme
charité. « Nous devons accepter d'être pris en otage
par ce qu'il y a de plus menacé, avant même que notre
liberté n'intervienne»108(*) nous dit R. Simon.
Face à Kant qui conçoit le sujet comme l'auteur,
l'initiative, la cause libre de ses actions, Lévinas semble
éteindre le sujet ; un sujet sommé de répondre,
hormis toute conscience de sa liberté. La figure d'Isaïe qui dit:
« Me voici » à la simple vue de la
majesté de Dieu reste pour nous une référence. Dieu nous
laisse sa trace dans la nudité et la faiblesse de l'humain, d'autrui, de
notre prochain, pourtant si extérieur à notre monde qu'il en
demeure étranger. Et, si Lévinas ne bascule jamais en
théologie, c'est que, loin d'être un « Rabbin
déguisé », il emprunte, selon Boissinot, à
« l'Écriture et à la tradition rabbinique le
concept d'une responsabilité originaire constitutive de la
subjectivité, mais sans jamais se placer dans ses écrits
philosophiques sur le terrain de la théologie.»109(*)
Ainsi, l'obligation vis-à-vis de l'autre n'est donc pas un esclavage,
mais une élection, un appel auquel nous sommes sommés de
répondre: « me voici ». Cependant, quand les hommes
se dérobent de leur responsabilité, il en résulte la
barbarie. Ainsi, la responsabilité répond à
« l'exigence d'une tentative pour fuir [...] par la
délivrance éthique du Soi par la substitution à
l'autre »110(*), une délivrance dans laquelle
« le soi éthiquement se
libère. »111(*) Une paix éthique est-elle possible dans le
face-à-face avec Autrui ?
III. 3. Revenir à la transcendance des droits
de l'homme par le visage comme trace de l'Infini : entre
hospitalité et paix éthique
La nature éthique de la pensée
lévinassienne apparaît comme relation au visage d'autrui, qui me
commande et m'appelle, qui se tient dans la trace de
l'illéité sans être absorbé par un
Être supérieur. Le visage est discours, expression. Sa
première injonction est : « Tu ne tueras
point ».112(*)
Mais quelle est donc la signification de l'expression du visage?
III. 3. 1. Visage comme
trace événementielle
Pour Lévinas, on ne peut faire une
phénoménologie du visage, il écrit :
« Je ne sais si l'on peut parler de
« phénoménologie » du visage, puisque la
phénoménologie décrit ce qui apparaît [...] Je pense
plutôt que l'accès au visage est d'emblée
éthique. »113(*) Le visage est visible, mais il renferme aussi
un statut particulier. Il révèle l'invisible, l'Infini. Il n'est
ni image pure ni un concept désincarné. Il est la jointure du
sensible et de l'intelligible immédiat, car il ouvre sur l'intelligible
qui ne serait pas une pure idée, le substrat de la
« réduction eidétique » pour le dire
comme Husserl114(*).
Donc, selon Lévinas, le visage est l'épiphanie. C'est le
non-visible, comme non descriptible du visage d'autrui qui est trace de
l'Infini.
La trace, c'est l'au-delà d'où provient le
visage. Elle signifie la trace de l'Absent, retiré et qui reste
inconnaissable. La trace signifie un passé irréversible. Elle
signifie un au-delà de l'être, une Troisième personne, le
profil du « Il ». Cette
« illéité » n'est pas moins que
l'être, mais l'Infini de l'Autre échappant à l'ontologie.
C'est le profile « Il » (Je suis celui qui est),
nom du mystérieux interlocuteur de Moïse à l'Horeb, qui
marque le mieux la transcendance de celui que l'on désigne
habituellement par le nom de Dieu et qui est reconnaissable que dans la trace
de son passage. Ce n'est donc pas un signe attestant la présence du
signifiant. La trace dans laquelle demeure l'
« Illéité » est toujours
déjà passée : « Le Dieu qui a
passé n'est pas le modèle dont le visage serait l'image. Etre
à l'image de Dieu ne signifie pas être l'icône de Dieu, mais
se trouver dans sa trace »115(*) ; comme si aller vers Dieu, c'est aller vers
les autres qui se tiennent dans sa trace. Le signe est différent et il
renvoie à une trace qui elle-même est le passé de celui qui
a délivré le signe. Pour Heidegger, le signe est une absence de
la chose alors que pour Derrida, il n'y a jamais de présent originaire.
L'absence est plus originaire que la présence elle-même :
c'est un effet-signe, c'est-à dire la trace.116(*) Trace et transcendance, quel
rapport ?
III. 3. 2. Revenir
à la transcendance des droits de l'homme
Considérer le visage comme trace de l'Infini, c'est
redonner une dimension transcendantale et/ou transcendante aux droits de
l'homme en vertu du surgissement du visage d'autrui, à la fois, lieu de
l'immanation de la transcendance et aussi, lieu de la
transcendatalisation de l'immanence. Et c'est cette valeur
transcendante et/ou transcendantale du visage qui donne à l'autre homme
une dignité. En effet, c'est cette dignité humaine qui est
à la base même du but ultime recherché par les droits de
l'autre homme et qui fonde son enjeu éthique. Chaque personne est donc
unique, non-réitérable et totalement différente des
autres, d'une différence spécifique qui fait de lui un être
non-synthétisable, non-maîtrisable et non-objectivable. C'est cela
qui explique l'importance d'acceptation de la différence et de
l'intégration de l'inégalité comme point naturel
expliquant les rapports intersubjectifs et qui en appelle à la
responsabilité éthique du Moi. Ces orientations
susmentionnées nous conduisent donc à penser deux concepts
clés, comme des lieux de convergence des autres concepts phares,
développés tout au long de notre travail : il s'agit des
concepts d'hospitalité et de paix.
III. 4. De
l'hospitalité et de la paix éthique
Deux passages de Totalité et Infini rendent
bien compte de l'hospitalité et de la paix éthique chez
Lévinas. En effet, pour Lévinas,
«l'évènement métaphysique de la transcendance -
l'accueil d'Autrui, l'hospitalité - Désir et langage - ne
s'accomplit pas comme amour. Mais la transcendance du discours est liée
à l'amour »117(*). Et que, « l'unité de la
pluralité c'est la paix et non pas la cohérence des
éléments constituant la pluralité. La paix ne peut donc
pas s'identifier à la fin des combats qui cessent faute de combattants,
par la défaite des uns et la victoire des autres, c'est-à-dire
avec les cimetières ou les empires universels futurs. La paix doit
être ma paix, dans une relation qui part d'un moi et va vers l'Autre,
dans le désir et la bonté où le moi, à la fois se
maintient et existe sans égoïsme »118(*). Du point de vue
phénoménologique, ces deux points soulignés dans les
textes cités de Lévinas, nous permettent de considérer
deux choses fondamentales : comprendre l'intentionnalité comme
hospitalité et non comme connaissance, et considérer
l'enracinement subjectif de la paix. Car, avant d'être un
évènement de la socialité, la paix trouve son fondement
dans la structure du psychisme humain.
III. 4. 1. Intentionnalité comme
hospitalité
L'intentionnalité, au lieu d'être une conscience
de... est « attention à la parole ou accueil du visage,
hospitalité et non pas thématisation (...) Le sujet est un
hôte »119(*). Il convient ici de souligner que, devant le
visage, l'intentionnalité cesse d'être une conscience-de
quelque chose, en ce sens que l'ego transcendantal ne peut pas
appréhender ou constituer un monde partant du visage : le visage
est non-phénoménalisable. Donc, l'intentionnalité visant
le visage ne peut jamais atteindre un savoir constitué. Il n'existe donc
pas un savoir du visage. L'hospitalité ne peut alors se dire que dans un
langage éthique, en tant qu'ouverture asymétrique et acceptation
de la différence dans la justice et la responsabilité. Cette
hospitalité comme accueil du non-synthétisable doit
toujours être comprise comme un évènement toujours nouveau.
Comme le dit Claude Romano : « La nouveauté c'est le
surgissement à partir de rien de l'évènement dans son
éventualité ouvreuse de possibles »120(*). Il est donc possible de
penser une paix originelle ou originaire, paix qui se pose et s'impose
au-delà du politique, comme accueil du visage ; comme
hospitalité du point de vue éthique, source et sommet du
politique. Cette paix ne saurait être une simple cessation des
hostilités ou absence de la guerre, mais accueil de l'Autre en tant
qu'Autre. Ce qui nécessite donc un dessaisissement, une
libération de l'emprise d'une pensée purement politique et
juridique ; d'une fétichisation de la politique, pensée
comme une machine donneuse des résultats mathématiques des
relations sociales et de la gestion des conflits.
III. 4. 2. L'enracinement subjectif de la paix :
l'intrigue intersubjective
L'autre chose que nous voulons souligner ici est
l'enracinement subjectif de cette paix théorisée plus haut. En ce
sens, la paix est tout d'abord paix du sujet. En effet, la subjectivité
est définie de manière nouvelle dans Autrement qu'être
ou au-delà de l'essence en ces termes : « La
subjectivité est structurée comme l'Autre dans le Même,
mais selon un mode différent de celui de la conscience (...) L'autre
dans le Même de la subjectivité, est l'inquiétude du
Même inquiété par l'Autre »121(*). Ici, il ne faut donc
plus entendre la subjectivité comme une conscience de soi,
considérée comme ce qui est essentiel à l'homme. Dire que
la subjectivité est l'Autre dans le Même, c'est parler de l'humain
de l'homme, car le sujet perdrait son humanité s'il cesse d'être
inquiété par Autrui. Il est assigné, il est réponse
à Autrui jusqu'au videment de son être ontologique,
véritable diaconie. Car, avant de prendre pied dans l'être,
l'être humain appartient à un ordre de bonté. Car :
« Le moi, c'est la crise même de l'être de
l'étant dans l'humanité (...) L'humain, c'est le retour à
l'intériorité de la conscience non-intentionnelle, à la
mauvaise conscience, à sa possibilité de redouter l'injustice
plus que la mort, de préférer l'injustice subie à
l'injustice commise et ce qui justifie l'être à ce qui
l'assure »122(*). Cette mise en question de soi n'est nullement une
prise de conscience du moi, car « la mise en question de soi est
précisément l'accueil de l'absolument Autre (...) Au lieu
d'anéantir le Moi, la mise en question le rend solidaire d'Autrui d'une
façon incomparable et unique »123(*). Accueillir Autrui, c'est
donc se soumettre à une hauteur, à une dimension transcendantale
de l'humain. Et, « découvrir dans le Même une telle
pulsation, c'est identifier Moi et moralité »124(*). Donc, pour Lévinas,
quand j'accueille Autrui, « j'accueille le Très-Haut
auquel ma liberté se subordonne (...) La métaphysique nous
ramène donc à l'accomplissement du moi en tant qu'unicité
par rapport auquel l'oeuvre de l'Etat doit se situer et se
modeler »125(*). Bref, la subjectivité du sujet commence
quand il accueille Autrui ; et la subordination de sa liberté au
commandement du Très-Haut fait de lui un sujet éthique,
doté de responsabilité, source de justice et de paix entre les
humains.
Conclusion
La perspective de l'intersubjectivité conçue
dans l'horizon de la socialité, aboutit à l'intrigue
éthique où Autrui commande le Moi et le met en accusatif. Pour
Lévinas, c'est la nudité du visage et sa
vulnérabilité126(*) qui lui permettent de désarmer le sujet dans
sa persévérance dans l'être. Leçon à
retenir : face à la force et la violence, la fragilité et la
vulnérabilité sont des armes les plus sophistiquées pour
remporter la victoire, car la violence face à la violence engendre plus
que violence ; et la force face à la force engendre plus que force.
L'évènement du visage s'ouvre à une histoire humaine
où nous pouvons comprendre dans l'Etat, le plus qu'Etat ; dans la
politique ou le politique, un(e) sur-politique ; dans le juridique, le
méta-juridique etc. Bref, le lien social ne saurait être une
invention de l'Etat, parce que, différent de l'appartenance politique.
Ce surplus éthique est la vraie philosophie première, car il
précède et couronne toutes les activités humaines. Dans la
compréhension des droits de l'homme, l'orientation éthique
proposée par Lévinas doit servir de complément dialectique
à ceux-ci pour mettre fin aux atrocités, et aux cas du
non-respect de ces dits droits fondamentaux.
Conclusion générale
Somme toute, notre recherche a porté finalement sur le
renversement de l'ordre juridique par l'ordre éthique. Et ceci, nous
avons essayé de le démontrer tout le long de notre exposé.
En effet, Lévinas a montré clairement le caractère
général et abstrait du concept des droits de l'homme dans son
versant juridique, parce que, faisant référence à un homme
idéel, abstrait, voire même chimérique. La proclamation des
droits de l'homme n'est donc qu'une affirmation de l'utopie de l'humain. Une
utopie qui, selon Lévinas, est l'expression d'un siècle
marqué par la haine vis-à-vis de l'autre homme, le repli sur soi,
l'individualisme des sociétés occidentales, la surdité aux
gémissements des peuples en guerres traversant une misère
galopante. Tout ceci n'est qu'expression d'une cruauté sans
précédent. L'autre cruauté est celle qui consiste à
concevoir les relations intersubjectives en termes de relations
symétriques, dans une réciprocité méprisante ;
et à fonder les droits de l'homme sur l'égalité, la
liberté, la propriété privée, etc. Tous, des
concepts ontologiques qui expriment la violence, le meurtre, et qui ont conduit
l'humanité, par les guerres de 1914-1918 et de 1939-1945, à une
perte d'elle-même, à une crise de l'humanisme.
Voilà pourquoi il était important de briser les
liens qui enlisent l'homme dans le mal, en donnant une orientation
éthique des droits de l'homme, fondée sur les droits de l'autre
homme. Il s'agit d'accepter l'idée selon laquelle, seul Autrui a des
droits, le Moi n'a que des devoirs. Il s'agit aussi bien d'un renversement
sémantico-ontologique de la subjectivité. La subjectivité
doit être comprise, non plus comme une conscience fermée sur soi,
une conscience ou une substance monadologique, mais essentiellement comme
ouverture à l'extériorité dans une relation
asymétrique, une relation dissymétrique où la
priorité est accordée à l'autre. Ici, le sujet est comme
pris en otage par Autrui depuis le lieu du surgissement de son visage en tant
que trace de l'Infini, source de paix. Le sujet n'est lui-même que dans
la mesure où il remplit ses devoirs envers Autrui, fut-il lointain au
prochain. Lointain, parce qu'autre que le Moi, d'une différence
spécifique (couleur des cheveux, couleur de la peau, forme de né,
etc.) ; et prochain, par son visage qui est expression, parole, sans refus
d'entendre son injonction « tu ne tueras point ».
L'asymétrie des droits de l'homme est en fait une recherche de paix
éthique. En effet, quand les conflits ébranlent nos
sociétés humaines, l'appel à la paix dans
l'évènement de la réconciliation est une bonne chose mais
il n'est pas suffisant. La réconciliation ne sera possible que comme un
événement eschatologique, c'est-à-dire un surplus
du temps dans le temps, où l'orientation éthique du rapport
intersubjectif doit être considérée comme lieu de
prestation de sens politique. La paix doit être recherchée dans un
mouvement à la fois ascendant-descendant et descendant-ascendant.
C'est-à-dire, de l'accueil du Transcendant, de l'Infini dans l'histoire
et dans le temps depuis le lieu de sa donation, à la déhiscence
de la subjectivité ; et de la brisure du moi monadologique à
l'ouverture, et à l'accueil de l'autre homme depuis son visage, lieu de
sa monstration, de sa fragilité et de sa vulnérabilité. Ce
n'est ainsi que nous pourrions éviter la paix de cimetières
envisagée comme un refus de se laisser déranger par la souffrance
d'Autrui, par la misère des autres pays et des autres continents, par la
misère du prochain et du lointain. Refuser une paix qui s'identifie
à une tranquillité d'âme, face à l'immensité
de la détresse et de l'absence de la consolation. Il nous faut, en tant
que Philosophes, dénoncer ces genres de paix, en nous inscrivant dans la
perspective de Lévinas qui les qualifie de « paix factice
des synagogues et des églises »127(*). Cette paix
éthique que Lévinas propose est confiée à la
sauvegarde de chaque être humain comme unicité. Elle est un
évènement initial de rencontre qui se vit dans le
dés-inter-essement, dépassant ainsi une paix purement politique.
Car la paix véritable trouve sa source dans l'inquiétude du moi
par Autrui et pour Autrui.
La question qu'on se pose est de savoir s'il nous est
possible de définir scientifiquement l'homme et de prévoir ses
intentions ? Est-ce que la dialectique du juridique et de l'éthique
garantit désormais le respect mathématique des droits de
l'homme ? Pour nous, l'homme en tant qu'humain est imprévisible,
parce que, toujours ondoyant et vacillant. Et que l'horizon bâti par
l'éthique ne sera pas aussi totalement satisfaisant dans le débat
sur les droits de l'homme. Il faut bien se laisser toucher et interroger par
les évènements qui marquent la vie de nos sociétés.
Et le mérite de cette double exigence éthique et
phénoménologique des droits de l'homme est d'avoir une autre
vision de ceux-ci, mettant en question les acquis des droits de l'homme par
l'humanité ; ouvrant ainsi à une considération
à la fois pré-politique et post-politique. La validité et
l'efficacité des droits de l'homme, loin d'être réduites
à leur portée de nos jours ou au nombre des pays signataires des
chartes les défendant, doivent faire l'objet d'une
déconstruction, d'une évaluation sur l'autel de
l'expérience. Comme le dit Kremer-Marietti : « Il y a
ce que l'humain a fait et fera encore de lui-même (...) Se réunir
et décider ce que doit être l'humain : c'est là une
nouvelle tâche, à accomplir chaque jour de plus en
plus. »128(*) Ce n'est qu'au terme de ces efforts que nous pouvons
tendre d'une effectivité de l'inhumain à un devoir être
humanisant.
BILBIOGRAPHIE
Ouvrages et articles de Levinas
LEVINAS E., En découvrant l'existence avec Husserl
et Heidegger, Paris, Vrin, 1967.
· Totalité et Infini, Essai sur
l'extériorité, La Haye, Martinus Nijhoff, 1971 / Paris,
Livre de poche, Coll. biblio-essais., 1987.
· Humanisme de l'autre homme, Montpellier, Fatah
Morgana, 1972.
· Autrement qu'être ou au-delà de
l'essence, La Haye, Martinus Nijhoff, 1974.
· Du sacré au saint, Paris, Les
éditions de Minuit, 1977.
· Ethique et infini, Dialogues avec Philippe
Nemo, Paris, Fayard, 1982.
· Le temps de l'Autre, Paris, P.U.F.,
« Quadrige », 1983.
· Hors Sujet, Montpellier, Fatah Morgana, coll.
« Biblio/essais », 1987.
· De l'existence à l'existant, Paris,
Vrin, 1981 / De l'existence à l'existant, Paris, Vrin, 1993.
· Entre nous. Essais sur le
penser-à-l'autre, Paris, Editions Grasset et Fasquelle,
1991.
· De Dieu qui vient à l'idée,
Seconde édition revue et augmentée, Paris, Vrin, 1992.
· « Transcendance et hauteur »,
in Liberté et commandement, Montpellier, Fatah Morgana, 1994.
· Altérité et transcendance,
Montpellier, Fatah Morgana, 1995.
· De Dieu qui vient à l'idée,
Paris, J. Vrin, 1998.
· Ethique comme philosophie première,
Paris, Rivages Poche, 1998.
· Totalité et Infini. Essai sur
l'extériorité, Paris, Biblio. Essais, 2006.
Ouvrages et articles sur Lévinas
BOUNDJA C., Penser la paix avec Emmanuel Levinas. Histoire
et eschatologie, Paris, L'Harmattan, 2009.
· Recherches sur Levinas et la
phénoménologie. Philosophie de l'événement,
Paris, L'Harmattan, 2009.
CAYGILL H., Levinas and the Political,
London_New-York, Routledge, 2002, p. 6, cite et trad. de l'anglais en
français par C. BOUNDJA, in Penser la paix avec Emmanuel Levinas.
Histoire et eschatologie, Paris, L'Harmattan, 2009.
DERRIDA J., « Violence et métaphysique»,
L'écriture de la différence, Paris, Seuil, 1967.
· « Violence et métaphysique. Essai sur
la pensée d'Emmanuel Lévinas », in
L'écriture de la différence, Paris, Seuil, 2003, pp.
117-228.
ELLA S-E., Emmanuel Lévinas. Des droits de l'homme
à l'homme, Paris, L'Harmattan, 2009.
FEVRE L., Penser avec Levinas, Paris, Chronique
sociale, 2006.
SEBBAH F.-D., L'épreuve de la limite. Derrida,
Henry, Levinas et la phénoménologie, Paris, P.U.F., Coll.
« Bibliothèque du Collège International de
Philosophie », 2001.
ZIELINSKI A., Levinas, la responsabilité est sans
pourquoi, Paris, P.U.F., 2004.
Autres ouvrages et articles
BOISSINOT C., « La réception française
de l'oeuvre de Hans Jonas », Revue d'éthique et de
théologie morale, « Le supplément »,
n° 194, sept. 1995.
Bible Tob. Traduction oecuménique de la Bible,
Paris, Société Biblique Française - Le CERF, 2004.
BOULNOIS O., « humanisme et dignité de
l'homme », in Jean PIC DE LA MIRANDOLE, OEuvre
philosophiques, Paris, P.U.F., 1993, pp. 293-340.
DESCARTES R., Méditations
métaphysiques, Paris, Garnier Flammarion, 1992.
FUCHS E. - STUCKI P.-A., Au nom de l'autre. Essai sur le
fondement des droits de l'homme, Paris, Editions Labor et Fides, 1985.
GOYARD-FEBRE S., Les embarras philosophiques du droit
naturel, Paris, Vrin, 2002.
HEIDEGGER M., Introduction à la
métaphysique, Paris, Gallimard, 1967.
· Questions I, Paris, Gallimard, 1968.
· Questions IV, Paris, Gallimard, 1976.
· Être et Temps, Trad. Fr. François
Vézin, Paris, Gallimard, 1986.
HUSSERL S., Méditation cartésiennes.
Introduction à la phénoménologie, Paris, Vrin,
2001.
HUSSERL S, Idées directrices pour une
phénoménologie, Tome I, Traduit de l'allemand par Paul
Ricoeur, Paris, Editions Gallimard, coll. Tel, 2008.
HOBBES Th., Leviathan, Paris, Gallimard, coll.
«folio essai», 2000.
JANKELEVITCH V., Le paradoxe de la morale, Paris,
Seuil, coll. « Essais et Points », 1981.
JAUNE L., Les déclarations des droits de l'homme.
Du débat de 1789-1793 au préambule de 1946, Paris, G.
Flammarion, 1989.
KANT E., Fondements de la métaphysique de
moeurs, Paris, Librairie générale française, coll.
« Le Livre de Poche », 1993.
· Métaphysique de moeurs II. Doctrine de la
vertu, Paris, G. Flammarion, 1994.
· Critique de la raison pratique, Paris, P.U.F.,
coll. « Quadrige », 2003.
· La religion dans les limites de la simple
raison, Paris, Vrin, 2004.
KELSEN H., Théorie pure du droit, Traduction
H. Thévenaz, La Baconnière, Neuchâtel, 1953
(Réeditée en 1988 avec des modifications).
· Théorie pure du droit, Paris, Dalloz,
1962.
· Théorie générale du droit et
de l'Etat suivi de doctrine du droit naturel et le positivisme juridique,
Paris, L.G.D.J., 1997.
LALANDE A., Vocabulaire technique et critique de la
philosophie, Paris, P.U.F., 1988.
· Vocabulaire technique et critique de la
philosophie, Paris, 2ème édition, P.U.F.,
« Quadrige », 2006.
LEGROS R., L'idée d'humanité. Introduction
à la phénoménologie, Paris, Grasset, 1990.
PASCAL B., Pensées, Présenté par
Jean Guitton, Paris, Gallimard, coll. « Livre de poche »,
1962.
ROMANO C., L'évènement et le temps,
Paris, P.U.F., 1999.
RIGAUX F., « Les fondements philosophiques des
droits de l'homme », cours fait à l'institut international des
droits de l'homme à Strabourg les 3 et 4 juillet 2006, in Revue
Trimestrielle des droits de l'homme, n° 70 - Avril 2007, Editions
Nemesis a.s.b.l., pp. 307 - 349.
SIMON R., Ethique de la responsabilité, Paris,
Cerf, 1993.
TIAHA D-L-D, Paul Ricoeur et le paradoxe de la chair.
Brisure et suture, Paris, L'Harmattan, 2009.
TZITZIS S., La personne, l'humanisme, le droit,
Québec, Les Presses de l'Université Laval, coll.
« Diké », 2002.
VILLEY M., Le droit et les droits de l'homme, Paris,
PUF, 1990.
· Le droit et les droits de l'homme, Paris,
P.U.F., « Quadrige », 2008.
WUNENBURGER J.-J., Question d'éthique, Paris,
P.U.F., coll. « Premier cycle », 1993.
Les textes des Déclarations des droits de
l'homme
TABLE DE
MATIÈRES
Dédicace........................................................................................................i
Remerciements............................................................................................ii
Introduction générale
1
Chapitre I : Lecture
hérétique de quelques matrices rationnelles fondatives des droits
de l'homme
7
Introduction
7
I. 1. Contexte
historique et fondements philosophiques des droits de l'homme
7
I. 2. Fondements
religieux des droits de l'homme
9
I. 3. Du droit
naturel au droit en tant que norme chez Hobbes : l'enjeu des passions en
droit et en politique
11
I. 4. La
problématique de la dignité humaine chez Kant : une
relecture des Lumières
12
I. 5. La
responsabilité éthique comme origine du droit et du politique
chez Lévinas
14
Conclusion
15
Chapitre II : Critique des
présupposés ontologiques des droits de l'homme : la
subjectivité entre brisure et suture
16
Introduction
16
II. 1. Problématiques d'une
compréhension de l'homme comme ontologie, comme sujet
isolé...............................................................................................
16
II. 1. 1. Descartes : le doute
fondateur du cogito comme substance
16
II. 1. 2. Husserl et le
cogito fondateur : le moi transcendantal et ouverture
17
II. 1. 3. Heidegger : la
compréhension du Dasein comme
être-jeté-au-monde
17
II. 2. Moi et la
totalité : l'ontologie comme violence
19
II. 3. Jouissance et
identification : une problématisation de la propriété
privée ?
20
II. 4. Le Moi traumatisé par
la présence d'Autrui
21
II. 5. Transcendance et
Infini : une ouverture à l'extériorité
21
Conclusion
22
Chapitre III : La dialectique du
juridique et de l'éthique : une reprise de la
phénoménologie emphatique levinassienne
23
Introduction
23
III. 1. De la
conscience originelle du droit ou de la conscience d'un droit originel :
droits de l'autre homme en terme d'a priori
23
III. 2. Les droits
de l'autre homme : l'asymétrie de la relation avec autrui
et mise en question des concepts « liberté » et
« égalité »
24
III. 2. 1. Une
relation asymétrique et récusation du concept
d' « égalité »
25
III. 2. 2. La
problématique de la liberté
26
III. 2. 3. L'homme
et la responsabilité d'otage
26
III. 3. Revenir
à la transcendance des droits de l'homme par le visage comme trace de
l'Infini : entre hospitalité et paix éthique
27
III. 3. 1. Visage
comme trace événementielle
27
III. 3. 2. Revenir
à la transcendance des droits de l'homme
28
III. 4. De
l'hospitalité et de la paix éthique
29
III. 4. 1.
Intentionnalité comme hospitalité
29
III. 4. 2.
L'enracinement subjectif de la paix : l'intrigue
intersubjective
30
Conclusion
31
Conclusion générale
32
Bilbiographie
34
Table de matières
37
* 1E. LEVINAS, Ethique et
infini, Dialogues avec Philippe Nemo, Paris, Fayard, 1982,
p.92
* 2E. LEVINAS,
Altérité et transcendance, Montpellier, Fatah Morgana,
1995, p.46
* 3 1906-1996, philosophe
français du XXe siècle, d'origine juive
* 4S-E. ELLA, Emmanuel
Lévinas. Des droits de l'homme à l'homme, Paris,
L'Harmattan, 2009, p. 13.
* 5 M. VILLEY, Le droit et
les droits de l'homme, Paris, P.U.F., « Quadrige »,
2008, p. 8.
* 6 E. LEVINAS, Hors
Sujet, Montpellier, Fatah Morgana, coll.
« Biblio/essais », 1987, p. 169.
* 7 F.-D. SEBBAH,
L'épreuve de la limite. Derrida, Henry, Levinas et la
phénoménologie, Paris, P.U.F., Coll.
« Bibliothèque du Collège International de
Philosophie », 2001, p. 173.
* 8 A. LALANDE, Vocabulaire
technique et critique de la philosophie, Paris, 2ème
édition, P.U.F., « Quadrige », Juin 2006, p. 768.
* 9 E. LEVINAS, De Dieu qui
vient à l'idée, Paris, J. Vrin, 1998, p. 142.
* 10 Cf. E. LEVINAS,
Ethique et infini, Paris, Fayard, 1982, pp. 49-54.
* 11 Idem, p. 71.
* 12 M. VILLEY, Le droit et
les droits de l'homme, Paris, PUF, 1990, p.8.
* 13 F. RIGAUX, « Les
fondements philosophiques des droits de l'homme », cours fait
à l'institut international des droits de l'homme à Strabourg les
3 et 4 juillet 2006, in Revue Trimestrielle des droits de l'homme,
n° 70 - Avril 2007, Editions Nemesis a.s.b.l., pp. 307 - 349.
* 14 Idem, p. 307.
* 15 F. RIGAUX, « Les
fondements philosophiques des droits de l'homme », op. cit.,
p. 307.
* 16 Idem
* 17 Ibid.
* 18 Gorgias,
483a-484c., cité par F. Rigaux, « Les fondements
philosophiques des droits de l'homme », op. cit.,
p.307-308.
* 19 Protagoras, 337,
b-d, cité par Rigaux, op. cit., p.308.
* 20 Les Lois, X,
889c-890a, cité par Rigaux, Idem.
* 21 ARISTOTE, Ethique
à Nicomaque, V, ch. VII, 1134 b 19, cité par Rigaux,
« Les fondements philosophiques des droits de l'homme »,
Ibid.
* 22 ARISTOTE, Ethique
à Nicomaque, V, ch. VII, 1134 b 20, cité par Rigaux,
« Les fondements philosophiques des droits de l'homme »,
Ibid.
* 23 ARISTOTE,
Rhétorique, I, 10, 1368 b 7, cité par Rigaux,
« Les fondements philosophiques des droits de l'homme »,
Ibid.
* 24 Th. D'AQUIN, Somme
théologique, Ia-IIae, Qu. 95, art. 4 ; IIa-IIae, Qu. 57, art.
3, cité par Rigaux, Ibid., p. 309.
* 25Cf. E. FUCHS - P.-A.
STUCKI, Au nom de l'autre. Essai sur le fondement des droits de
l'homme, Paris, Editions Labor et Fides, 1985, p. 19.
* 26 Respectivement
Genèse, 1, 26 et Genèse, 2, 7.
* 27 Cf. O. BOULNOIS,
« humanisme et dignité de l'homme », in Jean PIC DE
LA MIRANDOLE, OEuvre philosophiques, Paris, P.U.F., 1993, pp.
293-340
* 28 Cf. S. GOYARD-FEBRE,
Les embarras philosophiques du droit naturel, Paris, Vrin, 2002.
* 29 H. KELSEN exclut toute
référence au droit naturel, et toute qualification juste ou
mauvaise du droit, en prônant l'idée selon laquelle, tout droit
est positif. Pour Kelsen, le droit ne peut être jugé que sur sa
validité. Et, rien ne doit être pris en dehors des Constitutions
ni des Décrets, car le métajuridique, le supra-juridique n'est
pas du droit. Lire : H. KELSEN, Théorie générale
du droit et de l'Etat suivi de doctrine du droit naturel et le positivisme
juridique, Paris, L.G.D.J., 1997 / H. KELSEN, Théorie pure du
droit, Traduction H. Thévenaz, La Baconnière,
Neuchâtel, 1953 (Réeditée en 1988 avec des modifications) /
Théorie pure du droit, Paris, Dalloz, 1962 / -- Cf. H. KELSEN,
Théorie pure du droit, Traduction H. Thévenaz, La
Baconnière, Neuchâtel, 1953, pp. 55-56.
* 30 « Ce qui est
conforme à une règle précise, et que par suite il est
légitime d'exiger » ou encore le droit «est ce
qui est permis ». Cf. A. LALANDE, dans Vocabulaire technique
et critique de la philosophie, Paris, P.U.F., 1988, p. 250.
* 31 Th. HOBBES,
Leviathan, Paris, Gallimard, coll. «folio essai», 2000, p.
220
* 32 Ibid.
* 33 Ibid., pp.
227-228.
* 34 Ibid., p. 229.
* 35 Ibid., p. 230
* 36 Th. HOBBES,
Léviathan, op. cit., p. 233
* 37 R. LEGROS,
L'idée d'humanité. Introduction à la
phénoménologie, Paris, Grasset, 1990, p. 7.
* 38 Idem
* 39 S. TZITZIS, La
personne, l'humanisme, le droit, Québec, Les Presses de
l'Université Laval, coll. « Diké », 2002, p.
34.
* 40 E. KANT, Fondements de
la métaphysique de moeurs, Paris, Librairie générale
française, coll. « Le Livre de Poche », 1993, p.
52.
* 41 E. KANT,
Métaphysique de moeurs II. Doctrine de la vertu, Paris, G.
Flammarion, 1994, p. 217.
* 42 Cette volonté sera
qualifier de « bonne » à la seule condition qu'elle
soit conforme à elle-même, en vue d'elle-même et
déterminer par elle-même ; et doit être déduite
de la raison.
* 43 E. KANT, Critique de
la raison pratique, Paris, P.U.F., coll. « Quadrige »,
2003, p. 75.
* 44 E. KANT, La religion
dans les limites de la simple raison, Paris, Vrin, 2004, p. 67.
* 45 E. KANT, La religion
dans les limites de la simple raison, op. cit., p. 92.
* 46 J.-J. WUNENBURGER,
Question d'éthique, Paris, Puf, coll. « Premier
cycle », 1993, p. 344.
* 47Cf. L. JAUNE, Les
déclarations des droits de l'homme. Du débat de 1789-1793 au
préambule de 1946, Paris, G, Flammarion, 1989.
* 48 H. CAYGILL, Levinas
and the Political, London_New-York, Routledge, 2002, p. 6, cite et trad.
de l'anglais en français par C. BOUNDJA, in Penser la paix avec
Emmanuel Levinas. Histoire et eschatologie, Paris, L'Harmattan, 2009, p.
14.
* 49 E. Lévinas,
Ethique et Infini, op.cit., p.103-104.
* 50 Idem,
pp.100-105.
* 51 E. LEVINAS, De
l'existence à l'existant, Paris, Vrin, 1981, p.31.
* 52 B. PASCAL,
Pensées, Présenté par Jean Guitton, Paris,
Gallimard, coll. « Livre de poche », 1962, pp. 58-70.
* 53 E. LEVINAS,
Altérité et transcendance, op.cit, p.112.
* 54 D-L-D, TIAHA, Paul
Ricoeur et le paradoxe de la chair. Brisure et suture, Paris, L'Harmattan,
2009, p. 13.
* 55 J. DERRIDA,
« Violence et métaphysique », in
L'écriture de la différence, Paris, Seuil, 1967, p.
122.
* 56 Cf. M. HEIDEGGER,
Être et temps, Paris, Gallimard, 1986, p.25.
* 57Cf. R. DESCARTES,
Méditations métaphysiques, Paris, G. Flammarion, 1992,
1ere méditation.
* 58 Etymologiquement,
la substance est ce qui se tient, stare,
dessous, sub. Et c'est ce au dessous de quoi se tient la
substance qui se donne à connaître immédiatement, à
savoir la pensée pour l'ego.
* 59 Philosophe allemand
(1859-1938).
* 60 Le positivisme est en
fait, une doctrine qui veut se limiter aux faits et à une simple science
des faits objectifs et de leurs rapports. Et, par conséquent,
répudie le sujet. Le psychologisme, quant à lui, dissous les
vérités et les ramène à des données
psychologiques, et fait dépendre les lois de la pensée de simples
faits psychologiques. Dans les deux cas, le cogito est
récusé.
* 61 HUSSERL,
Méditation cartésiennes. Introduction à la
phénoménologie, Paris, Vrin, 2001, p. 28.
* 62 Idem, p. 97.
* 63 C. BOUNDJA, Recherches
sur Levinas et la phénoménologie. Philosophie de
l'événement, Paris, L'Harmattan, 2009, p. 101.
* 64 E. LEVINAS, Entre
nous. Essais sur le penser-à-l'autre, Paris, Editions Grasset et
Fasquelle, 1991, p. 14.
* 65 M. HEIDEGGER,
Introduction à la métaphysique, Paris, Gallimard, 1967,
p. 91.
* 66 M. HEIDEGGER,
Questions I, Paris, Gallimard, 1968, p. 35.
* 67 M. HEIDEGGER,
Introduction à la métaphysique, op. cit., p.
208.
* 68 M. HEIDEGGER,
Être et Temps, Trad. Fr. François Vézin, Paris,
Gallimard, 1986, p. 15.
* 69 M. HEIDEGGER,
Questions IV, Paris, Gallimard, 1976, p. 16.
* 70 E. LEVINAS, Entre
nous, op. cit., p. 18.
* 71 E. LEVINAS, Ethique
comme philosophie première, Paris, Rivages Poche, 1998, p. 73.
* 72 E. LEVINAS, Ethique
comme philosophie première, op. cit., p. 74.
* 73 Cf. L. FEVRE, Penser
avec Levinas, Paris, Chronique sociale, 2006, p. 50.
* 74 E. LEVINAS,
Totalité et Infini. Essai sur l'extériorité,
Paris, Biblio. Essais/Le livre de poche, 2006, p. 6.
* 75 E. LEVINAS,
Totalité et Infini, op. cit., p. 26.
* 76 Idem., p. 27.
* 77 C'est toute la seconde
partie de Totalité et Infini qui présent et
décrit ce sujet heureux, vivant uniquement sur le mode de la jouissance
et de l'identification.
* 78 E. LEVINAS, De
l'existence à l'existant, Paris, Vrin, 1993, p. 141.
* 79 E. LEVINAS, Ethique et
Infini, op. cit., p. 52.
* 80A. ZIELINSKI, Levinas,
la responsabilité est sans pourquoi, Paris, Philosophies PUF, 2004,
P. 62.
* 81 Cf. E. LEVINAS,
Totalité et Infini, op. cit., p. 114.
* 82 Idem, p. 2.
* 83 L'autre n'est pas
constitué par moi, il m'est extérieur et pourtant bien
présent.
* 84 DESCARTES,
Méditations métaphysiques, Paris, GF, 1992,
IIIème méditation.
* 85E. LEVINAS, En
découvrant l'existence avec Husserl et Heidegger, Paris, Vrin, p.
70.
* 86 E. LEVINAS,
Altérité et transcendance, op. cit., p. 69.
* 87 E. LEVINAS,
Totalité et Infini, op. cit., p. 40.
* 88 Cf. E. LEVINAS, De
Dieu qui vient à l'idée, Seconde édition revue et
augmentée, Paris, Vrin, 1992.
* 89 Cf. Idem, pp.
104-108.
* 90 E. LEVINAS, En
découvrant l'existence avec Husserl et Heidegger, op.
cit., p. 239.
* 91 Idem, p. 240.
* 92Cf., E. LEVINAS,
Totalité et Infini, op. cit., p. 12.
* 93 Cf. HUSSERL,
Idées directrices pour une phénoménologie, Tome
I, Traduit de l'allemand par Paul Ricoeur, Paris, Editions Gallimard, coll.
Tel, 2008, chapitres III et IV, pp. 300-427.
* 94 E. LEVINAS, Hors
Sujet, op. cit., p. 169.
* 95 Idem, p. 159.
* 96 E. LEVINAS,
Hors Sujet, op. cit., p. 160-161.
* 97 Idem., p.
159-160.
* 98 Ibid.,
p. 160.
* 99 E. Lévinas, Le
temps de l'Autre, Paris, Puf, « Quadrige », 1983, P.
21.
* 100 Assomption de la
liberté, droit à la vie et à la sécurité,
à l'égalité devant la loi, à la libre disposition
des biens, à la liberté de penser et d'expression, à
l'éducation et à la participation au pouvoir politique ; le
droit à la santé, au bonheur, au travail et au repos, à la
libre circulation, les droits syndicaux etc. Alors, on se demande quel ordre
d'exigence pouvons-nous souligner dans cette liste non exhaustive des droits
fondamentaux ? Faut-il se plier inconsidérablement aux exigences de
tous ces droits en même temps ?
* 101 Nous pouvons citer en
exemple le progrès de la technique qui, bien que faisant naître un
développement nouveau des droits de l'homme dans les pays dits
« civilisés », pose un problème du
respect des droits de l'homme élémentaires dans les pays du
« tiers monde », menacés par la famine et
la guerre et le changement climatique, conséquence des gaz à
effets de serre dans les sociétés industrialisées.
* 102 E. LEVINAS, Hors
Sujet, op. cit., p.165.
* 103 E. LEVINAS,
Hors Sujet, op. cit., p. 169.
* 104 V. JANKELEVITCH, Le
paradoxe de la morale, Paris, Seuil, coll. « Essais et
Points », 1981, p. 162.
* 105 E. Levinas,
Totalité et Infini, op.cit, p.175.
* 106 Cette bonté est
celle qui est hors de tout régime, de tout système
organisé, de toute institution (religion), car toute tentative
d'organiser l'humain est vouée à l'échec et la seule chose
qui reste vivace, c'est la bonté de la vie courante.
* 107 E. LEVINAS, Hors
Sujet, op. cit., p. 169-170.
* 108 R. SIMON, Ethique de
la responsabilité, Paris, Cerf, 1993, p. 171.
* 109 C. BOISSINOT,
« La réception française de l'oeuvre de Hans
Jonas », Revue d'éthique et de théologie
morale, « Le supplément », n° 194, sept.
1995, p. 190.
* 110 E. LEVINAS,
Autrement qu'être ou au-delà de l'essence, La Haye,
Martinus Nijhoff, 1974 / / Paris, Livre de poche, Coll. biblio-essais.,
p.256.
* 111 Idem, p.
181.
* 112 E. Lévinas,
Ethique et Infini, op.cit., p.93-94.
* 113 E. Levinas, Ethique
et Infini, op.cit. p.91.
* 114 Cf. Pour Husserl, la
réduction eidétique (c'est-à-dire science des essences)
consiste à « aller aux choses mêmes »
en éliminant les éléments empiriques variables (d'une
donnée concrète) en faisant varier (par une expérience de
pensée) les caractéristiques de l'objet.
* 115 E. Lévinas,
Ethique et Infini, op.cit.
* 116 E. Lévinas,
Humanisme de l'autre homme, Montpellier, Fatah Morgana, 1972,
p.19-24.
* 117 E. Levinas,
Totalité et Infini, op. cit., p. 284.
* 118 Idem, p.
342.
* 119 E. Levinas,
Totalité et Infini, op. cit., p. 334.
* 120 C. ROMANO,
L'évènement et le temps, Paris, P.U.F., 1999, p. 172.
* 121 E. LEVINAS,
Autrement qu'être ou au-delà de l'essence, op. cit., p.
31-32.
* 122 E. LEVINAS,
Altérité et transcendance, Montpellier, Fatah Morgana,
1995, p. 48-49.
* 123 E.
LEVINAS, « Transcendance et hauteur », in
Liberté et commandement, Montpellier, Fatah Morgana, 1994, p.
79-80.
* 124 Idem, p. 82.
* 125 E. Levinas,
Totalité et Infini, op. cit., p. 335.
* 126 Respectivement,
Nudité : c'est-à-dire, à la fois abstrait et sans
protection, dépouillé des ornements culturels.
Vulnérabilité : irréductible aux qualités ni
aux quantités, sans défense et exposé à bout
portant.
* 127 E. LEVINAS, Du
sacré au saint, Paris, Les éditions de Minuit, 1977, p.
175.
* 128 A. KREMER-MARIETTI,
Réflexion sur les temps actuels, Bruxelles, Espace de
libertés, 2008, p. 48.
|
|