Les mandats des opérations de maintien de la paix de l'ONU en République Démocratique du Congo face aux réalités locales: utopisme ou réalisme?( Télécharger le fichier original )par Claude BOYOO ITAKA Université de Kinshasa - Licence 2012 |
E-mail : claudeboyoo@yahoo.fr EPIGRAPHE « Parce que les Nations Unies, en vertu de leur mandat, ne peuvent être que réactives, elles interviennent toujours trop tard. Chaque fois qu'une intervention se révèle nécessaire, la composition de la brigade de « pompiers » doit être renégociée. La lenteur avec laquelle la coalition ad hoc est constituée contraste tragiquement avec l'urgence qui serait nécessaire à la réussite de l'intervention »1(*) DEDICACE A vous mes très chers parents ITAKA LOMEKA José Claude et BAEMBO EFANDJOBILA Brigitte, vous qui m'avez non seulement engendré et transmis une dose de la capacité intellectuelle, mais surtout qui m'avez appris le chemin de l'école tout en me stimulant à la lecture et à la recherche ; vous qui me soutenez et me supportez même pendant les périodes très cruciales de ma vie, veuillez trouver alors ici les premières récoltes de vos semences, témoignage de ma profonde gratitude. A tous les congolais victimes des fléaux et désastres des conflits armés en général, et plus particulièrement aux femmes des provinces les plus touchées par les conflits armés, que ce travail soit pour vous un témoignage de ma profonde compassion et de ma sympathie. BOYOO ITAKA Claude REMERCIEMENTS Rien de grand ne se réalise sans passion, dit-on ; aussi, le résultat de tout chef d'oeuvre nécessite la contribution de divers efforts. M'inscrivant pleinement dans une telle logique, mon travail a connu la participation de bonnes volontés dont je ne saurais omettre de saluer la sollicitude. Tout d'abord, à toi l'Etre Suprême, Dieu Créateur de l'univers, Maitre de la sagesse et source de l'intelligence, que la gloire et l'honneur te soient rendus pour tous tes bienfaits en ma faveur. Ensuite, nous tenons à remercier très sincèrement le Professeur Léon Bruno LIKOKU BEKODJ'AOLUWA, pour sa disponibilité constante, son soutien inconditionnel et ses encouragements, ainsi que pour la façon extrêmement enrichissante dont il a dirigé ce travail de recherche. C'est ici l'occasion de remercier le Professeur J.C. TSHILUMBAYI MUSAWU, le Chef de Travaux J.M. MBUTAMUNTU ainsi que l'Assistant Roland KAYEMBE pour leur contribution au passage au crible de ce texte. Notre sentiment de gratitude s'adresse également au corps académique, scientifique et administratif de l'Université de Kinshasa en général et celui de la faculté des sciences sociales politiques et administratives en particulier, dont le dévouement à notre formation a abouti à un équipement théorique et solide qui nous a permis d'appréhender l'étude sous cette dimension. Il serait ingrat de notre part de garder silence à la bienveillance et à l'hospitalité du couple Henri Christian LONGENDJA et Anita Kipoy, Doudou LOKOKA, Henri Fayol Boyoo pour la sympathie et l'affection qu'ils n'ont cessé de nous témoigner. Nous tenons également à adresser notre reconnaissance à tous nos frères et soeurs, neveux et nièces, cousins et cousines, oncles et tantes : Isabelle BOOKO, Bruno LIKOFATA, Jacques LIKOFATA, Raphis LIKONGA, Franck BOOKA, Omega ITAKA, Donat EKOLONGO, Julien LOKOKA, Jonathan ITAKA, Ketsia BONGOLO, Prince KONGOTO, Henriette ILONGA, César EFULAKA, José ITAKA, Gurvitch BOYOO, André LIKIYO, Christine EYENGA, Henrikiesse BOTOKWA, Christ KIASUTUKA, pour leur affection. Enfin, nous adressons nos remerciements les plus chaleureux à nos chers amis de lutte : BOLANGI ONDE, Célestin NGINDU, Toussaint BABAKA, Hornella MAKANGILA, Fiston MAVUNGU, Déborah YEKWE, Carina BUMA, Bibi KITOKO, Fortunat KABEYA, Jonas TSHIKABA, Fabrice KIMPUKU, Léonard ONYANGONA, Déo WAPOL, David SOUZA, Diane KONGEYAMI, Félicien MBOYO, Clarin POSO. Que tous se sachent des artisans de cette oeuvre. BOYOO ITAKA Claude LISTE DES ACRONYMES
AVANT PROPOS Plusieurs raisons m'ont incité à publier ce texte, alors qu'il avait été déjà bien défendu à l'Université de Kinshasa. Ecrivant ce mémoire, je n'ai voulu ni faire oeuvre de polémiste, ni synthèse de techniciens : simplement j'ai cherché à traduire un malaise et à exprimer certains espoirs que beaucoup de congolais partagent avec moi. Il faudrait rappeler ici que ce mémoire a été rédigé alors que le sujet était d'actualité, mais juste après sa publication et sa défense à l'Université, il ya eu de décisions qui expriment un revirement ou une évolution brutale, ou d'événements politiques ou sociaux, nationaux ou internationaux inattendus. Raison pour moi de solliciter votre indulgence. Je souhaite qu'on n'y cherche rien d'autre que ce que j'ai voulu exprimer : des critiques parfois un peu rudes mais toujours inspirées par l'amitié et la solidarité, quelques suggestions, un profond attachement à mon pays, un désir ardent de participer à son rayonnement.
INTRODUCTION 1. PROBLEMATIQUELa République Démocratique du Congo (RDC), depuis l'indépendance proclamée le 30 juin 1960, se trouve confrontée à plusieurs crises qui ont ébranlé sa souveraineté et suscité l'intervention de plusieurs acteurs internationaux à l'instar de l'Organisation des Nations Unies (ONU), des Etats-Unis, de la France, de la Belgique, etc. En ce qui concerne particulièrement les Nations Unies qui ont accéléré le rythme de la décolonisation en rendant prohibitif pour les puissances coloniales le coût politique du statu quo2(*), elles sont présentes en RDC depuis plus de quarante ans. L'indépendance de ce pays étant très souvent ébranlée par les guerres civiles et les invasions étrangères surtout en provenance des Etats voisins qui le dépossèdent de certaines de ses prérogatives de souveraineté, elles sont engagées maintes fois en RDC dans des opérations de maintien de la paix. C'est tout d'abord entre 1960-1964 et puis depuis la première guerre du Congo de 1996 jusqu'à nos jours. La Mission des Nations-unies au Congo (MONUC) devenue Missions des Nations-Unies pour la Stabilisation du Congo (MONUSCO) est le véritable partenaire de la pacification de la RDC. La MONUC fut tout au long de son histoire un laboratoire de la paix et, à ce titre, une pourvoyeuse infatigable d'enseignements et d'expériences (lessons learned) pour le secrétariat des Nations unies3(*) et pour le gouvernement congolais. Ces réalisations en RDC sont indiscutables et très probants : la réunification du pays coupé en plusieurs sous pays : territoire RCD Goma, RCD KML, RCD-N, MLC et le territoire gouvernemental, en passant par les accords de paix de Lusaka et de Sun City ayant débouché à la constitution de transition et d'un gouvernement global et inclusif et les élections présidentielles, législatives et provinciales de 2006. Les efforts considérables des Nations unies sont plus que jamais marqués dans les mémoires des congolais. Cependant, en dépit de certaines réalisations communes indiscutables que nous venons de relever, force est de constater que la crise actuelle en RDC a donné la preuve, une fois de plus, des limites de l'approche de son action4(*). Pourtant, il suffit d'une petite crise ailleurs pour que toute la Communauté Internationale se lève et se mobilise avec souvent moins de drame qu'en République Démocratique du Congo5(*). La persistance des crises et des conflits dramatiques qui ont déchiré la République Démocratique du Congo ont montré l'incapacité de la « Communauté Internationale » dans la structure actuelle à répondre de la manière satisfaisante aux défis nouveaux que génère le monde contemporain. Sous les yeux de cette force, les rebelles violent, tuent, trafiquent les armes et les minerais en toute quiétude. Interdits de combat, leur mandat de protection des civils les cantonne de fait dans leurs casernes6(*). Depuis que cette force a été déployée en RDC, elle n'a pas su à imposer réellement la paix même si la résolution 1493 du 28 juillet 2003, fondée sur le chapitre VII lui autorisait de prendre « les mesures nécessaires » qui ne sont restées que des lettres mortes. Même la résolution 2098 du 28 mars autorisant la création et le déploiement d'une brigade d'intervention rapide en RDC composée de 3000 hommes avec un mandat plus « robuste et offensif » d'imposition de la paix n'est pas épargnée des critiques et des défaillances. Cette situation vient confirmer les idées de DUROSELLE qui confirment qu'entre les textes et la réalité, une marge peut s'établir de plusieurs manières7(*). D'abord les textes peuvent ne pas entrer en application, ce qui présente évidemment l'échec le plus sérieux de toute tentative de coopération. En second lieu, les textes peuvent, après un certain temps d'application, se trouver de caducité et cesser par là de produire des effets ; c'est le cas du mandat actuel de la MONUSCO. En troisième lieu, les textes peuvent être dénoncés par l'une des parties. Enfin, le régime juridique initial peut être révisé d'un commun accord avec les deux parties. Aujourd'hui encore, les troupes de l'ONU, bien que renforcées, tentent de maintenir la paix et de sécuriser les vastes régions de l'Est du pays, toujours victimes de conflits et en proie de violences, massacre d'innocents et autres violations des droits humains, sans y parvenir. La priorité des mandats de ces forces est consacrée à la protection des civils. Parmi les attributions que lui confère le Conseil de Sécurité pour assurer la protection des civils, la MONUSCO a comme tâche notamment d'assurer la protection effective des civils, y compris le personnel humanitaire et le personnel chargé de défendre les droits de l'homme se trouvant sous la menace imminente de violences physiques en particulier de violences qui seraient le fait de l'une quelconque des parties au conflit; assurer la protection du personnel et des locaux, des installations et du matériel des Nations Unies; soutenir l'action que mène le Gouvernement de la République démocratique du Congo pour protéger les civils contre les violations du droit international humanitaire et des droits de l'homme, etc. Mais sur ce plan également, les casques bleus sont accusés de ne pas faire grand-chose face aux violations massives des droits de l'homme dans l'est du pays. Plusieurs rapports d'ONG de défense de droits de l'homme accusent en effet les différents groupes armés d'exactions de tout genre au nez et à la barbe des soldats de l'Onu. Au regard des réalités locales, notre observation révèle que aussi longtemps que la MONUSCO viendra en appui à une force armée (FARDC) inefficace sur le terrain, il semble que la protection des civils sera également inefficace. En effet, il est vrai que la responsabilité et le devoir de protection de la population incombe en principe à l'Etat congolais, à son armée et à sa police. Cependant, compte tenu de l'évidente incapacité des FARDC et des forces de l'ordre congolaises à remplir cette mission de façon satisfaisante, le Conseil de Sécurité devrait au moins, au nom du principe de responsabilité de protéger, doter cette opération des possibilités et des moyens nécessaires pour protéger réellement cette population qui continue à souffrir depuis les décennies. Conséquence, beaucoup de personnes dont la population congolaise et l'opinion publique internationale s'interrogent et veulent savoir que fait réellement la MONUSCO à l'Est du Congo lorsque les personnes sont tuées, violées et maltraitées au nez et sous la barbe au de cette Mission qui dispose du plus grand nombre de casque bleu à travers le monde ? Même s'il est recommandé au personnel oeuvrant dans une opération de maintien de la paix des Nations Unies de rester impartial dans ses relations avec les parties au conflit, ceci ne signifie pas qu'il doit rester neutre dans l'application du mandat de la mission8(*). Alors dans les territoires occupés par les rebelles, comment assure-t-elle la protection des civils ? Dans ces territoires occupés, coopère-t-elle avec les groupes armés ou travaille-t-elle en solo ? Ainsi, la MONUSCO est-elle une force réactive ou une force offensive, une force d'observation ou d'intervention ? Faut-il toujours continuer à « protéger la population » au lieu et place de chasser et combattre tout simplement les différents groupes qui y sont installés et causant beaucoup d'insécurité et de terreur à cette population supposée « protégée » ? Il est vrai que cerner une matière en évolution rapide est une tâche ingrate puisque l'on s'expose à n'être jamais à jour et à ne pouvoir donner qu'une vision incomplète de l'évolution en cours9(*). Mais, dans le cas sous examen, il nous a paru possible de donner un premier et provisoire bilan du fait de l'évolution et la continuité de ces opérations en République. Nous reconnaissons également qu'il n'est pas facile de prendre le recul et rédiger un mémoire lorsque le sujet abordé est en pleine mutation. Cependant, rien n'est plus gratifiant pour l'auteur que de trouver sa voie dans la masse d'informations disponibles et de faire la synthèse entre sa propre vision des faits et la part d'objectivité nécessaire à la rédaction d'un mémoire10(*). A la lecture des événements récents dont la l'occupation de la ville de Goma par les rebelles du M23 et les violations graves et massives des droits humains par ces mutins aux yeux de cette force et surtout l'ultimatum ainsi que les manifestations de la société civile de Nord Kivu contre la brigade d'intervention rapide, nous constatons que la majorité de la population congolaise, en commençant par les autorités et les élites, ne donnent plus assez de crédits et de confiance à cette force onusienne. Ils sont très septiques et critiques quant au rôle et aux interventions de l'ONU dans la résolution des conflits armés en RDC. Et pourtant, nous savons très bien que la crédibilité et la réussite d'une opération de maintien de la paix dépendent directement du niveau de confiance dont elle jouit au sein de la communauté internationale, de la population locale ainsi que des ressources mises à sa disposition, de son efficacité et de sa capacité de gérer et répondre aux attentes. Dans ce cas, la présente étude ne consiste pas à rendre la MONUSCO le responsable de l'insécurité et de l'instabilité de la RDC pour n'avoir pas su pacifier et stabiliser ce pays. Mais, elle vise à faire savoir que nonobstant plusieurs années et initiatives engagées, beaucoup reste à faire pour atteindre la paix et la stabilisation en RDC, du fait que cela exige une volonté et un engagement suffisant de tous les acteurs impliqués dont les principaux sont le gouvernement congolais et le Conseil de sécurité des Nations-unies. Nous visons, dans ce travail, donner une analyse réelle de la situation des opérations de maintien de la paix de l'ONU face aux réalités congolaises afin que puissent surgir des nouvelles orientations dans la gestion et résolution des conflits armés en République Démocratique du Congo. Ce travail se propose également comme ambitions de savoir si ses multiples actions menées depuis 1999 ont été un facteur de préservation de la souveraineté internationale de notre pays dont les ressources minières très alléchantes suscitent des convoitises à travers les grandes puissances ou plutôt le signe de son échec et de son instrumentalisation par ses membres influents qui ont des intérêts plus ou moins avoués dans ce pays où le sous-sol aiguise les appétits »11(*). Ce qui ouvrira des pistes pour de véritables stratégies de préservation de l'indépendance de la RDC. Ces analyses ne seront, au moins, bien faites que si et seulement si on parvient à répondre aux questions suivantes : - Est-ce que les différents mandats des forces onusiennes au Congo répondent-ils au besoin et au contexte sécuritaire du pays ? - Qu'est ce qui est à la base de l'inefficacité des interventions de forces onusiennes en RDC? Autrement, faut-il imputer l'absence ou l'insuffisance d'action de la MONUSCO aux Etats dont elle procède ou plutôt à sa propre responsabilité d'organisation détenant un mandant mais incapable de le décliner à temps et avec efficacité pour protéger les populations, le territoire de la RDC contre tous les différents groupes armés ? - Face aux nouvelles crises en RDC, quel rôle doit jouer la MONUSCO ? En d'autres termes au-delà des impasses, quelles pistes innovatrices pour la pacification, la stabilisation et le développement harmonieux de RDC ? C'est autour de toutes ces interrogations que s'articule l'ossature de la présente étude dont nous alignons des épouses provisoires à titre d'hypothèses. * 1 MOISI Dominique, «Les Nations Unies entre paix incertaine et justice sélective », dans Ramses 2002, p. 62. * 2 SMOUTS Marie-Claude et Ali, Dictionnaire des relations internationales, A. Colin, Paris, 2006, p. 369. * 3 XAVIER ZEEBROEK et Ali, la Mission des Nations Unies en RD Congo : bilan d'une décennie de maintien de la paix et perspectives, Groupe de recherche et d'information sur la paix et la sécurité (GRIP), Bruxelles, 2012, p. 5. * 4 Extrait du discours de Joseph KABILA sur l'état de la Nation prononcé devant le parlement le 15 décembre 2012. * 5 Extrait du message de Julien PALUKU KAHONGYA, gouverneur de la province du Nord-Kivu, à l' occasion de la fin de l'année 2012 et du nouvel an 2013. * 6 Le Potentiel, N° 5697 du 05 décembre 2012, Kinshasa, p.2. * 7 DUROSELLE J.B. et Jean MEYRIAT, Les nouveaux Etats dans les relations internationales, Armand colin, Paris, 1962, p.88. * 8 Nations Unies, Opérations de maintien de la paix des Nations Unies. Principes et Orientations, New York, 2008, p.36. * 9NTUAREMBA ONFRE L., Droit international du développement, Notes de cours destinées aux étudiants de deuxième licence en Relations Internationales (Inédit), UNIKIN, FSSAP, 2013, p.6. * 10 VIRGINIE DOR, De l'ingérence humanitaire à l'intervention préventive : vers une remise en cause des principes du droit international, Mémoire présenté à l'Institut Européen des Hautes Etudes Internationales, 2002-2003, p.6. * 11 BRAECKMAN Colette, Les nouveaux prédateurs. Politique des puissances en Afrique centrale, Paris, Fayard, 2003, p. 7. |
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