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L'intéret national dans le processus d'intégration régionale en Afrique

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par Yanic KENHOUNG
Institut des Relations Internationales du Cameroun - Master 2014
  

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DÉDICACE

A mes parents, André et Clautide KEUTIA, pour qui notre survie n'a pas de prix ; A Odile LEKEUFACK, pour ses encouragements quotidiens ;

A Delors Brayan KENHOUNG, notre fils ;

+ A ma petite soeur NGOUADJI Viviane, très tôt disparue, pour un repos paisible de ton âme.

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REMERCIEMENTS

A tous ceux dont les noms ne figurent pas ici, qu'ils reçoivent l'expression de notre gratitude.

La rédaction du mémoire est un parcours long et sinueux. Il nous aurait été très difficile de mener à bout ce travail sans le soutien d'un certain nombre de personnes. C'est ici le lieu de leur témoigner notre gratitude.

Nous voulons dans cette perspective exprimer toute notre reconnaissance au Professeur Laurent ZANG pour avoir accepté de superviser ce travail.

Nous voulons également exprimer tout notre gratitude au Docteur Rémy MBIDA MBIDA, notre directeur de mémoire qui a pris sur lui la lourde responsabilité d'accompagner nos premiers pas dans la recherche par ses conseils, ses remarques, ses critiques et sa rigueur.

Nous savons gré au corps enseignant et administratif de l'IRIC qui a contribué à notre formation.

Notre gratitude va également à l'endroit de la famille DJOMASSI, la famille DEMPOUO et la famille KENFACK pour leurs multiples soutiens ; que Mme DEMPOUO Joséphine trouve ici l'expression de notre reconnaissance pour ses appuis multidimensionnels.

Nous témoignons notre reconnaissance à tous les membres de l'AFAWY et du CEDYBAD pour leur soutien et aides multiples.

Nous voulons témoigner notre reconnaissance à Mr NEKDEM Jean, à Me NGUEFACK Joseph, à Mr LEKEALEM Joseph, à Mr DONGFACK Maurice, à Mr TAGOUMO Célestin pour leur soutien indéfectible.

A Charly Delmas TSAFACK, nous devons toute la reconnaissance pour les conseils d'un grand ami et d'un ainé académique. À JANAL LIBOM et à Darus KEUNANG, toute notre reconnaissance pour le soutien aux moments les plus difficiles.

Nous redisons l'expression de notre gratitude à tous les membres de notre famille, en particulier à nos grands frères TSAMO Alain, KENTIA Michel, Hugo SONFACK, KEUTIA Valery et TSAFACK Victor, qui nous ont toujours accompagné par leur présence, leur soutien et leur disponibilité.

A nos amis et camarades de promotion dont les encouragements nous ont donné le courage de braver les obstacles.

iii

SOMMAIRE

INTRODUCTION GÉNÉRALE .1

PREMIÈRE PARTIE : INTÉRÊT NATIONAL ET INTÉGRATION RÉGIONALE EN

AFRIQUE : CADRAGE ET ANALYSE CONCEPTUELS ...16
CHAPITRE 1 : DES THÉORIES DE L'INTÉRÊT NATIONAL À LA DYNAMIQUE

D'INTÉGRATION RÉGIONALE EN AFRIQUE . 19
SECTION I : LES THÉORIES RÉALISTES DE L'INTÉRET NATIONAL ET

L'INTÉGRATION RÉGIONALE EN AFRIQUE 20
SECTION II : LA THÉORIE CONSTRUCTIVISTE DE L'INTÉRÊT NATIONAL ET

L'INTÉGRATION RÉGIONALE EN AFRIQUE . 29
CHAPITRE II : L'INTÉRÊT NATIONAL DANS LE PROCESSUS D'INTÉGRATION RÉGIONALE EN AFRIQUE À LA LUMIÈRE DES THÉORIES GÉNÉRALES DE

L'INTÉGRATION ..37
SECTION I : L'INTÉRÊT NATIONAL DANS LE PROCESSUS D'INTÉGRATION RÉGIONALE EN AFRIQUE PENSÉ SOUS LE PRISME DE L'APPROCHE

INTERNATIONALISTE LIBÉRALE DE L'INTÉGRATION 37
SECTION II : L'INTÉRÊT NATIONAL DANS LE PROCESSUS D'INTÉGRATION RÉGIONALE EN AFRIQUE VU SOUS LE PRISME DES THÉORIES DE

L'INTERGOUVERNEMENTALISME ...52
DEUXIÈME PARTIE : L'AMBIVALENCE DE LA NOTION D'INTÉRÊT NATIONAL

A L'ÉPREUVE DE L'INTÉGRATION RÉGIONALE EN AFRIQUE 60
CHAPITRE 3 : L'INTÉRÊT NATIONAL ÉGOÏSTE : UN FREIN A L'INTÉGRATION

RÉGIONALE EN AFRIQUE 62
SECTION I : LES MANIFESTATIONS DE L'INTÉRÊT NATIONAL ÉGOÏSTE DANS

LE PROCESSUS D'INTÉGRATION RÉGIONALE AFRICAINE .63
SECTION II : L'IMPACT DE L'INTÉRET NATIONAL ÉGOÏSTE SUR LE

PROCESSUS D'INTÉGRATION RÉGIONALE EN AFRIQUE : ÉTUDE DE CAS .70
CHAPITRE 4 : L'INTÉRÊT NATIONAL ALTRUISTE : UN FACTEUR DE

DYNAMISATION DE L'INTÉGRATION RÉGIONALE EN AFRIQUE 81
SECTION I : LES MANIFESTATIONS DE L'INTÉRÊT NATIONAL ALTRUISTE

DANS LE PROCESSUS D'INTÉGRATION RÉGIONALE EN AFRIQUE 83
SECTION II : L'IMPACT DE L'INTÉRET NATIONAL ALTRUISTE SUR

L'INTÉGRATION AFRICAINE : ÉTUDE DE CAS .89

CONCLUSION GÉNÉRALE ..106

iv

LISTE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS

ANC: African National Congress

APEC: Asian Pacific Economic Co-operation APRM: African Peer Review Mechanism ASAS: Association of Southern African States

ASECNA: Agence pour la Sécurité de la Navigation Aérienne en Afrique et à Madagascar

BDEAC: Banque de Développement de l'Afrique Centrale

BEAC: Banque des États de l'Afrique Centrale

CAD: Comité d'Aide au Développement

CD: Compact Disk

CEA: Commission des Nations Unies pour l'Afrique

CEA: Communauté Économique Africaine

CECA: Communauté Européenne du Charbon et l'Acier

CEDEAO: Communauté Économique des États de l'Afrique de l'Ouest

CEE: Communauté Économique Européenne

CEEAC: Communauté Économique des États de l'Afrique Centrale

CEMAC: Communauté Économique et Monétaire d'Afrique Centrale

CEN-SAD: Communauté des États sahélo-sahariens

CER: Communauté Économique Régionale

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COMESA: Common Market of East and South Africa

CPI-UA: Conseil Phytosanitaire Interafricain

EAC: East African Community

FMA: Fond Monétaire Africain

IOR: Indian Ocean Rim

IRIC: Institut des Relations Internationales du Cameroun

MAEP: Mécanisme Africain d'Évaluation entre les Pairs

MAP: Millennium Partnership for African Recovery Program

NEPAD: Nouveau Partenariat Pour le Développement de l'Afrique

NIA: Nouvelle Initiative Africaine

OCDE: Organisation de Coopération et de Développement

ONU: Organisation des Nations Unies

UDEAC: Union Douanière et Économique d'Afrique Centrale

OPDS: Organe Politique de Défense et de Sécurité

OUA: Organisation de l'Unité Africaine

PAS: Programme d'Ajustement Structurel

PDDAA: Programme Détaillé pour le Développement de l'Agriculture africaine

PETU: Pôles d'Excellence Technologique Universitaire

PFUA: Programme Frontière de l'Union Africaine

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RASD : République Arabe Sahraouie Démocratique

RCA: République Centrafricaine

RDC: République Démocratique du Congo

RSA: République Sud africaine

SACU: Southern Africa Customs Union

SADC: South African Development Community

SDN: Société des Nations

UA: Union Africaine

UE: Union Européenne

UEMOA: Union Économique et Monétaire Ouest Africain

UMA: Union du Maghreb Arabe

UNESCO: Organisation des Nations Unies pour l'Éducation, la Science et la Culture

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RÉSUMÉ

Le thème de notre recherche intitulé « L'intérêt national dans le processus d'intégration régionale en Afrique » résulte de deux constats : la lenteur du processus d'intégration régionale en Afrique et de la prééminence de l'intérêt national comme principe d'action de l'État sur la scène internationale, y compris sa participation au processus d'intégration régionale. Le processus d'intégration régionale en Afrique a du mal à prospérer du fait de la perception de l'intérêt national de la part des États. Cette analyse se propose d'élucider l'influence de l'intérêt national sur le processus d'intégration régionale en Afrique. La notion d'intérêt national est une notion ambivalente qui ne requiert pas une unanimité quant à sa signification substantielle. Selon les réalistes et les libéraux, elle est cernée de façon égoïste. Pour les constructivistes, elle requiert une connotation altruiste. La participation des États au processus d'intégration en Afrique permet de constater que l'ambivalence de l'intérêt national exerce une double influence sur ledit processus: alors que l'intérêt national égoïste le freine, l'intérêt national altruiste en est un facteur de dynamisation. Dans une démarche analytique, explicative et comparative, l'analyse appelle à l'exaltation de l'intérêt national altruiste pour booster le processus d'intégration régionale en Afrique; car de cette perception de l'intérêt national dépendra la réussite de l'intégration régionale en Afrique.

Mots clés : intégration régionale, intérêt national, intérêt national égoïste, intérêt national altruiste

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ABSTRACT

The topic of our research entitled «the national interest in the process of regional integration in Africa» stems from two reports: the slowness of the process of regional integration's and the national interest's preeminence like the principle of the State's action on the international scene, including its participation in the process of regional integration. The process of regional integration in Africa has difficulties due to the perception of the national interest. This analysis proposes to explain the influence of the national interest on the process of regional integration in Africa. The concept of national interest is of a dual nature, which does not require unanimity as for its substantial significance. According to the realists and the liberalists, it is understood in an egoistic way. For the constructivists, it is of an altruistic connotation. The state's participation in the process of integration in Africa makes it possible to note that, the ambivalence of the national interest exerts a double influence on the aforementioned process: while the egoistic national interest slows it down, the altruistic national interest is a factor of its dynamization. Through analytical, explanatory and comparative procedure, the analysis calls for the exaltation of an altruistic national interest to boost the process of regional integration in Africa; because, the success of regional integration in Africa will depend on this perception of the national interest.

Keywords: regional integration, national interest, egoistic national interest, altruistic national interest

INTRODUCTION GÉNÉRALE

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I-Présentation du sujet de recherche

L'effervescence intégrationniste ayant caractérisé la décennie des indépendances1 suit son cours en Afrique de nos jours. Ce processus reflète la conviction chez les décideurs africains que l'intégration est une condition essentielle du succès des efforts déployés en matière de développement. Aussi, dans l'exploration des voies et moyens permettant la réalisation des objectifs de développement et d'intégration, un consensus semble se dégager autour du nécessaire dépassement des cadres nationaux des États jugés étroits et économiquement peu viables au profit de la construction d'une région économiquement plus efficace.

Sur le plan de la pensée du développement de l'Afrique, la théorie du développement par l'intégration régionale s'avère transversale à toutes les écoles du développement de l'Afrique. En effet, elle se trouve d'abord au centre de l'école de la construction nationale ou du développementisme, ensuite, elle est au coeur de l'économie politique radicale et enfin, elle est le principe de rationalité de l'école panafricaniste2.

Le processus d'intégration dans lequel est inscrit l'Afrique depuis les indépendances ne se déroule pas à l'abri de certaines entraves telles que la réticence, l'attachement des États aux principes souverainistes, les problèmes financiers, mais aussi et surtout la défense des intérêts nationaux égoïstes. La dernière entrave dans cette étude nous intéresse à plus d'un titre. D'abord, parce que la notion d'intérêt national est une notion omniprésente en relations internationales3. Ensuite parce que la notion évolue et semble de plus en plus être l'une des motivations qui pousse les États à s'intéresser davantage à l'intégration régionale. Enfin parce que le concept d'intérêt national est un concept clé pour notre sujet intitulé : « L'intérêt national dans le

1 Bruno BEKOLO EBE, « L'intégration régionale en Afrique : caractéristiques, contraintes et perspectives », Monde en développement, année 2001/3, N°115-116, pp.81-88.

2 L'école du développementisme repose sur la modernisation des sociétés traditionnelles comme préalable de la construction du développement. L'économie politique radicale fait de la déconnexion du système international de l'échange inégal la condition du décollage, de l'autonomie et de la prospérité économique du continent. L'école panafricaniste fait de l'union politique et économique du continent la condition de sa survie en tant qu'entité autonome et libre dans un monde structuré autour des logiques de puissance et de domination.

3 Marie-Claude SMOUTS, Dario BATTISTELLA, Pascal VENNESSON, Dictionnaire des relations internationales : approches, concepts doctrines, 2e édition, Paris, Dalloz, 2006, p. 298.

3

processus d'intégration régionale en Afrique »; concept derrière lequel sont camouflées les intentions des États vis-à-vis du processus d'intégration régionale4.

II- Délimitation du champ d'analyse du sujet

La délimitation du champ d'analyse du sujet recouvre la définition des concepts (1) et la délimitation temporelle (2).

1- Définition des concepts

Les concepts « d'intégration régionale » et « d'intérêt national » apparaîtront de manière récurrente dans ce travail. L'intégration régionale sera comprise dans ce cadre comme le « processus par lequel la régularité et l'intensité des interactions entre certains États et entre certaines sociétés s'accroissent, permettant la constitution d'une communauté de sécurité, d'une interdépendance économique accrue, d'une identité partagée favorisant, dans une aire géographique particulière, le développement d'actions collectives institutionnalisées pouvant aller jusqu'à l'unification politique5 ». Le terme « intérêt national » sera entendu ici comme ce qui importe le plus à un État, ce qui constitue l'enjeu par excellence pour lui, et guide donc son action politique extérieure6. La notion « d'intérêt national » est une notion ambivalente. Ainsi, dans le cadre de ce travail, elle recouvrira d'une part l'approche constructiviste qui la considère comme un construit social qui trouve son origine dans l'identité des États. Ici, elle sera définie en termes altruistes. D'autre part elle recouvrira l'approche réaliste et perçue en termes égoïstes. Quoiqu'il en soit, le terme « intérêt national » sera employé ici comme représentatif de l'ensemble de ses équivalents que sont, entre autres, l'intérêt vital, l'intérêt de tel ou tel pays, notre intérêt, l'intérêt supérieur, au singulier comme au pluriel.

2- Délimitation temporelle

Notre champ d'étude est l'Afrique, un continent inscrit au processus d'intégration depuis les années 60 avec la création de l'OUA. Ce choix se base sur la lenteur du processus

4 Derrière la notion d'intérêt national se cache la perception que chaque pays a du processus d'intégration régionale; c'est chaque pays qui définit son intérêt national, c'est chaque pays qui sait si l'intégration régionale est au service de ses intérêts ou pas.

5 Marie-Claude SMOUTS, Dario BATTISTELLA, Pascal VENNESSON, Op.cit. p.294.

6 Ibid. p.298.

4

d'intégration en Afrique, malgré les efforts fournis. Notre étude couvre la période des indépendances à nos jours et intègre les mutations institutionnelles qui ont eu cours dans l'intégration africaine à savoir de l'OUA à l'UA en passant par le Plan d'Action de Lagos, la CEA et le NEPAD. Elle intègrera aussi les activités des CER qui concourent à la réalisation du marché commun africain.

III- Objet de l'étude

De Hans MORGENTHAU à Alexander WENDT en passant par Raymond ARON7, la notion d'intérêt national semble faire l'objet d'un consensus sur la conduite des États sur la scène internationale. Autrement dit, l'intérêt national est ce qui importe le plus pour un État dans ses relations avec les autres acteurs de la scène internationale. Notre travail a pour objet de démontrer l'influence de l'intérêt national sur le processus d'intégration régionale en Afrique; processus aux enjeux politiques, géostratégiques et économiques. Nous voulons chercher l'influence, en fonction des différentes conceptions, que l'intérêt national peut avoir sur le processus d'intégration en Afrique, mais aussi, nous voulons chercher s'il existe une interaction entre l'intérêt national et l'intégration régionale notamment en Afrique. Ce faisant, ce travail nous permettra de montrer dans une vision prospective que l'échec de l'intégration régionale africaine n'est pas seulement dû aux raisons qui sont souvent citées à savoir le problème du financement, l'égoïsme des chefs d'États et de gouvernement, les velléités souverainistes8, mais qu'il faudra désormais d'abord rechercher cet échec dans la perception que les États ont de l'intégration régionale en Afrique.

VI- Intérêt de l'étude

Le principe juridique selon lequel s'il n'y a pas un intérêt poursuivi, il n'y a pas d'action possible peut s'appliquer en l'espèce. En effet, ce mémoire présente un intérêt professionnel, scientifique et académique. Sur le plan professionnel, nous voulons avoir des connaissances sur

7 Pour MORGENTHAU, en politique étrangère, il n'y a qu'un seul impératif catégorique, un seul critère de raisonnement, un seul principe d'action : l'intérêt national. Pour Alexander WENDT, personne ne nie que les États agissent sur la base des intérêts nationaux tels qu'ils les perçoivent. Raymond ARON définit la politique étrangère comme l'art de gérer le commerce avec les autres États au mieux de l'intérêt national.

8 OUAMBA DIASSIVY Anderson, « La souveraineté de l'État et l'intégration sous-régionale en Afrique centrale : le cas de la CEMAC », Rapport de stage diplomatique, IRIC, Yaoundé, 2009, p28

9 Paul HERAULT, Penser l'intérêt européen : du compromis entre intérêts nationaux à intérêt général européen, Mémoire de Master recherche en science politique, Paris, IEP Paris, 10 septembre 2009.

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le processus d'intégration en Afrique afin de demander à intégrer, après notre Master professionnel en Relations Internationales, option Intégration Régionale et Management des Institutions Communautaire, une institution d'intégration régionale africaine. Notre projet professionnel étant de nous consacrer aux entraves, mais aussi aux moyens pour faciliter l'intégration de l'Afrique. Concernant le plan scientifique, notre travail édifiera le lecteur sur les théories de l'intérêt national et leur opérationnalisation à l'intégration régionale africaine. Il nous situe dans la prospective et invite les États à opter pour une vision altruiste de l'intérêt national dans l'entreprise de l'intégration régionale en Afrique; car de cette perception dépend aussi le succès de cette entreprise. Sur le plan académique, nous souhaitons continuer en thèse de doctorat à questionner l'intégration régionale africaine, afin que cette initiative pensée depuis plus de cinquante ans sorte du champ de la théorie pour se réaliser effectivement au grand bonheur du continent et des peuples d'Afrique.

V- Revue de littérature

Il s'agit de faire un tour d'horizon sur les études portant sur notre sujet. Dans son mémoire de Master recherche en Science politique intitulé : Penser l'intérêt européen : du compromis entre intérêts nationaux à l'intérêt général européen9, Paul HÉRAULT entreprend une démarche de construction d'un intérêt général européen à partir des intérêts nationaux des États membres de l'Union. D'abord, il passe en revue les théories de l'intérêt national tout en faisant un rapprochement avec la construction européenne. Ensuite, il montre comment l'intérêt européen se détache de l'intérêt national en tant qu'un concept à construire, à rechercher et qui doit s'affranchir; car l'intérêt européen n'est pas réductible à la somme des intérêts nationaux. Enfin, l'auteur présente les acteurs, les entraves et les facteurs pour la réalisation d'un intérêt général européen. Cependant, l'auteur ne montre pas l'influence de l'intérêt national sur le processus de construction européenne.

Sabine SAURRUGER dans un ouvrage intitulé théories et concepts de l'intégration européenne, publié en 2009, examine tous les outils conceptuels et analytiques permettant de comprendre le processus de construction européenne. Dans le chapitre 11 de cet ouvrage qui,

6

parle de la sociologie des relations internationales et l'intégration européenne, l'auteur pense que le fil conducteur des différentes approches des relations internationales est la crise de l'État-nation et pense que c'est l'intérêt national qui guide le comportement de l'État sur la scène internationale. Ce faisant, il présente les travaux de Martha FINNEMORE sur les intérêts nationaux dans la société internationale comme les plus significatifs sur la question. Selon FINNEMORE, les intérêts des États sont construits par l'interaction avec les autres. Aussi affirme-t-il : « les intérêts et les valeurs véhiculés par les acteurs internationaux changent dans les contextes normatifs10 ». L'auteur parle aussi du dépassement des intérêts égoïstes dans un système intégré. Car, l'intérêt national n'est pas un donnée, il est un construit à travers l'interaction, et que l'intérêt national défendu au nom de la souveraineté étatique au niveau européen est considéré par les approches sociologiques comme une institution11, c'est-à-dire comme un dogme. L'approche de l'auteur permet de comprendre les visions de l'intérêt national qui constituent les dynamiques et ou les oppositions au processus d'intégration régionale européenne.

En 1973, MORTON Davis publiait un ouvrage intitulé La théorie des jeux. Cet ouvrage est un guide qui permet aux joueurs, entendus ici, comme acteurs de la scène internationale de prendre des décisions, de choisir leur tactique. Ainsi, l'auteur pense que l'État en optant pour les « jeux à somme nulle » privilégie ses intérêts au détriment des autres. Ce qui n'est pas le cas pour les « jeux à n joueurs », car ici pour gagner plus, l'État doit s'unir aux autres. L'État possède un potentiel qui nécessite la collaboration des autres pour se réaliser. Ces théories ont l'inconvénient d'être très abstraites et de ne pas faire un rapprochement direct avec le processus d'intégration, bien que permettant de lire les intentions des États vis-à-vis du dit processus.

Un séminaire national sur le thème : « les États-nations face aux défis de l'intégration régionale en Afrique de l'ouest : le cas du Cap-Vert12 », s'est tenu à Praia, île de Santiago, Cap-Vert, 4, 5 avril 2007. Dans le rapport final, les experts ont démontré que dans un monde globalisé, à des défis nouveaux et complexes où les facteurs qui déterminent les avantages

10 Sabine SAURRUGER, Théories et concepts de l'intégration européenne, Paris, Presses de Sciences-po, 2009, p.365.

11 Ibid. p.366.

12 Rapport final séminaire national sur les États-nations face aux défis de l'intégration régionale en Afrique de l'ouest : le cas du Cap-Vert. 4, 5 avril 2007.

En 2003, certains auteurs africains publièrent un ouvrage collectif titré : L'intégration régionale en Afrique centrale, Bilan et perspectives sous la direction de Hakim Ben

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comparatifs et compétitifs sont par ailleurs fluides et mobiles, il est important de rechercher l'encrage pour faciliter le processus d'intégration dans le marché global, dépasser les égoïsmes nationaux et de faciliter la libre circulation de l'élite régional pour favoriser la construction de projets communs régionaux.

Abdou DIOUF dans un article intitulé : « Afrique : l'intégration régionale face à la mondialisation » passe en revue les effets de la mondialisation sur les processus d'intégration en Afrique. Ce faisant, il insiste particulièrement sur les obstacles au processus d'intégration à savoir : la bureaucratie institutionnelle, les égoïsmes nationaux, l'exaltation de la construction préalable à l'État-nation à l'intégration régionale. L'auteur propose à cet effet, la logique d'intégration contre les intérêts nationaux et l'abandon de souveraineté permettant de redynamiser le processus d'intégration. Toutefois, l'auteur ne fait pas allusion de façon claire à la fonction protectrice des intérêts nationaux des États de l'intégration régionale en Afrique.

Dans son rapport de stage diplomatique soutenu à l'IRIC, Anderson OUAMBA-DIASSIVY met en évidence le rapport entre la souveraineté des États et l'intégration en zone CEMAC. Il y ressort que les velléités souverainistes et égoïstes des États constituent l'entrave majeure au processus d'intégration. Mais, il convient de remarquer que l'auteur ne démontre pas comment la souveraineté de l'État peut être plus protégée au niveau régional que national.

Dans un rapport intitulé : État de l'intégration régionale en Afrique II, Rationalisation des communautés économiques régionales, la Commission Économique des Nations Unies pour l'Afrique propose des solutions pour harmoniser les actions des acteurs (gouvernements, les institutions régionales et sous-régionales, les partenaires au développement) en vu de parachever le processus d'intégration régionale en Afrique. Ce faisant, elle rappelle que les raisons qui encouragent les États à procéder aux adhésions multiples dans les communautés économiques régionales en Afrique sont principalement et successivement politiques, stratégiques et économiques. C'est dire en d'autres termes que les États adhèrent au processus d'intégration régionale en Afrique pour tirer les intérêts ci haut énumérés. Ce rapport a le mérite de montrer que l'intégration consolide les intérêts nationaux des États membres.

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HAMMOUDA, Bruno BEKOLO-EBE et Touna MAMA. Dans cet ouvrage, ils passent en revue le processus d'intégration à travers plusieurs grilles d'analyse qui ressortent les difficultés d'intégration régionale en Afrique Centrale, parmi lesquelles on cite les conflits entre intérêts nationaux et engagements sous-régionaux et les appréciations divergentes des couts et avantages de l'intégration. En évoquant les principes sur lesquels doivent être basés le processus, les auteurs font allusion au principe phare selon lequel « en cas de conflit d'intérêts entre l'individu et le groupe, la priorité est donnée aux intérêts du groupe ». Ce principe signifie que dans le processus d'intégration régionale, l'intérêt général du groupe est primordial parce qu'il concoure a la réalisation et à la consolidation des intérêts nationaux des membres du groupe.

Dans un article intitulé : « Le constructivisme dans la théorie des relations internationales », Audie KLOTZ et Cecelia LYNCH étudient le constructivisme par rapport aux autres théories des relations internationales. Les auteurs s'intéressent plus particulièrement aux origines des intérêts et au rôle des agents de changement. En insistant sur le caractère historiquement contingent de la souveraineté comme principe permanent des relations internationales et des arrangements intersubjectifs, les auteurs pensent que les intérêts des acteurs sont conditionnés par les cadres institutionnels et par les autres acteurs. Comme la plus part des constructivistes, ils affirment que les arrangements intersubjectifs comme les organisations internationales concourent à la consolidation des intérêts des membres. A cet effet, ils précisent que l'interaction entre les États conduit à la construction des intérêts13. Cependant, les auteurs ne précisent pas la nature des intérêts qui se dégagent des arrangements intersubjectifs. S'agit-il des intérêts communs, des intérêts individuels ou d'un tout?

Dans un ouvrage collectif intitulé : Politique étrangère. Nouveaux regards, sous la direction de Frédéric CHARILLON, la politique étrangère est analysée dans sa dimension théorique et pratique. La contribution de Dario BATTISTELLA dans cet ouvrage porte sur la notion d'intérêt national et s'intitule : « L'intérêt national. Une notion, trois discours ». Dans cet article, l'auteur clarifie la notion d'intérêt national depuis son origine en 163914, date à la quelle,

13 Alexander WENDT, « Anarchy is what States make of it », cité par, Audie KLOTZ et Cecelia LYNCH, « Le constructivisme dans la théorie des relations internationales », revue critique internationale n°2-hiver 1999, P56

14 Dario BATTISTELLA, « L'intérêt national. Une notion, trois discours », in Politique étrangère, Nouveaux regards, Frédéric CHARILLON, (dir), Presses de Sciences Po, Paris, 2002, p 141

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le premier ouvrage dans lequel la politique étrangère est analysée en termes d'intérêt. En outre, il la passe au crible des théories réaliste, libérale et constructiviste.

En effet, selon l'auteur, l'intérêt national chez les réalistes est défini en termes de puissance et n'est pas réductible aux intérêts privés. C'est donc un intérêt défini de façon égoïste. Pour les libéraux, l'intérêt national est la somme des intérêts privés des acteurs internes mais qui n'exclut pas l'existence d'intérêt commun au niveau international. Pour l'auteur, l'intérêt national des libéraux est un intérêt qui tient compte de celui des autres comme chez les constructivistes. D'après ces derniers, l'intérêt national est un construit social qui trouve son origine dans l'identité d'un État; c'est-à-dire des représentations que les États se font eux-mêmes d'autrui et du système international. Il s'agit donc d'un intérêt défini de façon altruiste. En définitive, l'auteur précise au regard des trois discours de l'intérêt national que loin de s'affronter, ils se complètent plutôt.

Dans son ouvrage intitulé L'Union Africaine face aux contraintes de l'action collective publié en 2013, Guy MVELLE démontre que l'action collective de l'UA est mise à mal par les comportements stratégiques de certains États africains qui préfèrent leurs intérêts égoïstes au détriment des positions de l'organisation continentale. L'auteur précise que la défense des intérêts égoïstes au sein des organisations internationales n'est pas l'apanage des pays africains. Cet état de fait est aussi perceptible dans les entités comme l'ONU et l'Union Européenne. Tout en démontrant l'impact négatif de ces comportements stratégiques sur le processus d'intégration, il précise qu'ils peuvent êtres atténués par des construits d'actions collectives comme l'amélioration des programmes de coopération technique et la mise en oeuvre effective du fond d'intégration.

VI-Problématique

L'Union Européenne qui, est un modèle d'intégration régionale essaye de définir, de construire un intérêt européen, de protéger l'intérêt national des pays membres. En Afrique, la notion d'intérêt national reste ambigüe et ambivalente face au processus de construction d'intégration régionale. Au regard de la nécessité d'une intégration totale de l'Afrique, on est tenté dès lors de se poser la question principale suivante : quelle est l'influence de l'intérêt national sur le processus d'intégration régionale en Afrique ? Cette question fait appel à deux

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interrogations subsidiaires : existe-t-il une relation entre la défense de l'intérêt national et la dynamique du processus d'intégration en Afrique ? Au regard de l'ambivalence de la notion d'intérêt national, dans quel sens faut-il l'exalter pour booster le processus d'intégration régionale en Afrique ? Comme nous pouvons le constater, une telle problématique doit reposer sur les hypothèses précises.

VII-Hypothèses de travail

Ce sont les réponses provisoires aux questions fondamentales de l'étude. Celles-ci pourront être confirmées ou infirmées au terme d'une analyse approfondie des faits. Les hypothèses de cette analyse se déclinent ainsi qu'il suit :

H1-La profondeur d'une intégration régionale dépend de la perception que les États ont dudit processus. L'intérêt national étant le principe d'action des États sur la scène internationale, il existe donc une relation entre celui-ci et l'intégration régionale en Afrique.

H2-Le processus d'intégration en Afrique a du mal à prospérer, car les États ne définissent leurs intérêts qu'en termes de puissance et de façon égoïste. Face aux défis et aux enjeux de l'intégration en Afrique, ceux-ci ne préservent que leurs intérêts nationaux égoïstes au détriment de la construction régionale africaine. Toutefois, l'intérêt national conçu sous le prisme de l'altruisme favorise la dynamique d'intégration régionale en Afrique. En effet, les États participeraient au processus d'intégration pour mieux préserver leurs intérêts nationaux du fait qu'ils se sentent plus en sécurité au sein d'un système intégré africain. Aussi, ils adhérent par calcul d'addition des intérêts nationaux multiples.

VIII-Choix théoriques et méthodologiques 1-Choix théoriques

Ce sont diverses théories qui seront convoquées pour analyser cette problématique. Ainsi, les théories réalistes, constructiviste, fonctionnaliste, néo-fonctionnaliste, intergouvernementa-liste et des jeux seront au centre de notre travail.

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Le réalisme est l'approche traditionnelle des relations internationales. Cette approche privilégie l'État et en fait l'acteur essentiel, voire exclusif de la scène internationale caractérisée par l'anarchie. Ainsi, aucune autorité supérieure aux États n'est en mesure de veiller à leur droit et à leur protection. Par conséquent, les États ne peuvent compter que sur eux-mêmes pour protéger leur intérêt. Pour MORGENTHAU, « le principal poteau indicateur qui aide le réalisme politique à trouver sa voie à travers le domaine de la politique internationale est le concept d'intérêt national défini en terme de puissance15 ». Ce paradigme nous permettra de comprendre le comportement des États vis-à-vis de l'intégration africaine car « Le réalisme n'est pas nécessairement lié à l'État-nation16 ».

La théorie constructiviste de l'intérêt national permet d'identifier l'intérêt national à un construit social qui trouve son origine dans l'identité des États, c'est-à-dire dans la représentation que les États se font d'eux-mêmes, d'autrui et du système international17. Ainsi, l'intérêt national d'un État est donc moins construit par l'État lui-même qu'il n'est façonné par les normes et valeurs qui, partagées internationalement structurent la vie politique internationale lui donnent signification18. L'intérêt national construit en termes altruistes, permettant la conduite d'une politique étrangère satisfaisant en même temps l'intérêt national et des États amis, permettra de comprendre pourquoi les États recherchent leurs intérêts nationaux dans un système intégré ou alors démontrer que l'intérêt national des États est plus défendu dans un système intégré que par les États eux-mêmes pris isolement.

La théorie des jeux; est un ensemble d'outils pour analyser les situations dans lesquelles ce qu'il est optimal de faire pour un agent dépend des anticipations qu'il forme sur ce qu'un ou plusieurs autres agents vont faire. L'objectif de la théorie des jeux est de modéliser ces situations, de déterminer une stratégie optimale pour chacun des agents, de prédire l'équilibre du jeu et de trouver comment aboutir à une situation optimale. Cette théorie nous permettra de comprendre le comportement des États dans la recherche des intérêts nationaux car « les hommes agissent

15 Hans J. MORGENTHAU cité par Marie Claude SMOUTS, Dario BATTISTELLA, Pascal VENNESSON, Dictionnaire des relations internationales : approches, concepts doctrines, 2e édition, Paris, Dalloz, 2006, p.454.

16 Ibid. p.457.

17 Ibid. p.302.

18 Martha FINNEMORE cité par Sabine SAURRUGER, Théories et concepts de l'intégration européenne, Paris, Presses de Sciences-po, 2009, p.365.

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parfois les uns contre les autres. D'autres fois, ils coopèrent; la connaissance qu'ils ont les uns les autres varient et leurs aspirations les conduisent à s'affronter ou à coopérer19». Partant ainsi de cette théorie, l'État qui choisira de s'intégrer pour défendre ses intérêts aura choisi le jeu à n joueurs20 et l'État qui sera réticent face à l'intégration choisira le jeu à somme nulle pour promouvoir ses intérêts au détriment de ceux des autres. La théorie des jeux nous permettra donc de comprendre les intentions qu'ont les États en adhérant au processus d'intégration en Afrique.

L'intergouvernementalisme dans ce travail vise à démontrer le désintérêt qu'ont les États en Afrique vis-à-vis du processus d'intégration lorsqu'il se résume à la simple juxtaposition des souverainetés. En effet, initié dès les années 1960, par Stanley HOFFMANN, qui sera suivit de Robert KEOHANE, l'intergouvernementalisme considère que les décisions des organisations internationales résultent d'un marchandage entre les États rationnels. Stanley HOFFMANN, parle de mise en commun de la souveraineté au sein des organisations internationales qui sont des multiplicateurs de puissance. Cette théorie de l'intégration nous permettra de comprendre si l'intégration par le politique en Afrique est à même de consolider l'intérêt national des États.

Le fonctionnalisme et le néofonctionalisme s'intéressent tous aux raisons et aux procédures qui justifient les interdépendances entre les États et entre les peuples en lieu et place d'actions solitaires aux issues incertaines. Ces deux écoles de pensée expliquent pourquoi les États acceptent de se lier dans le cadre d'une organisation régionale. Cependant, leur différence se situe au niveau de la nature du raisonnement. Alors que le fonctionnalisme a un caractère normatif et tente d'établir les conditions qui devraient mener à un monde plus pacifique et juste, le néo fonctionnalisme est plutôt analytique et tente de comprendre les raisons ainsi que les conséquences d'un processus d'intégration. Issues des travaux de David MITRANY et d'Ernst HAAS, ces deux théories qui appellent de tous leurs voeux à commencer le processus d'intégration par les aspects fonctionnels, nous permettront de montrer que l'intégration africaine saisie sous ce prisme est susceptible de consolider l'intérêt national des États membres.

19 Davis MORTON, Théorie des jeux, Paris, Armand Colin, 1973, p.5.

20 Dans le « jeu à n joueurs », pour gagner plus, le joueur doit s'unir à d'autres. Si le joueur ne coopère pas, il n'a aucun espoir d'obtenir plus de gains.

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2-Méthode

Les techniques sont des moyens de collecte de données en vue d'effectuer un travail scientifique. Ainsi elles permettent d'atteindre un objectif défini à l'avance. Elles sont très importantes pour tout travail de recherche dans la mesure où elles se situent au niveau des faits et pratiques. Comme l'écrit Madeleine GRAWITZ, « choisir les techniques étant donné les particularités et les moyens de chacune, c'est sélectionner à l'avance les matériaux qu'elles recueilleront21 ». Le choix des techniques dépend donc de l'objectif poursuivi. C'est le chercheur qui, pour des raisons de disposition et de disponibilité choisi la méthode la mieux adaptée à son travail. Le choix est donc libre et conscient au vue de la multiplicité des méthodes disponibles. La conscience ici tient au fait qu'après la collecte des données, il faut bien les analyser afin d'y déceler ce qui n'est pas à la portée du commun des mortels.

Dans le cadre de ce travail, l'analyse documentaire constituera notre principale technique de récolte de données. Elle vise à acquérir les connaissances du domaine dans lequel s'inscrit notre thématique. Elle a pour objet d'analyser les interactions qui existent dans les conceptions d'intérêt national et le processus d'intégration. Ainsi, plusieurs types de documents seront étudiés. Il s'agira : des ouvrages généraux et spécifiques sur les relations internationales, sur la notion d'intérêt national, sur l'intégration régionale; les articles de revues scientifiques traitant de notre thématique et des concepts le constituant; des textes officiels des organisations d'intégration africaine; des sources électroniques.

3- Analyse des données récoltées

Afin d'atteindre nos objectifs, nous allons adopter les démarches analytique, explicative, comparative et empirique.

Les démarches analytique et explicative nous permettront, tout naturellement d'expliquer et analyser les concepts qui structurent notre thématique afin de faire un rapprochement entre eux pour permettre la compréhension de l'influence de l'intérêt national sur le processus d'intégration régionale en Afrique. Ces démarches permettront de cerner l'influence de la conception égoïste et/ou altruiste de l'intérêt national sur la dynamique d'intégration régionale.

La démarche comparative elle, nous permettra de faire les emprunts comparatifs au modèle européen de l'intégration. Même si les deux réalités restent tout de même différentes, le

21 Madeleine GRAWITZ, Méthodes des sciences sociales, 7ème édition, Paris, Dalloz, 1986, p 446

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modèle européen peut être aujourd'hui considéré comme avancé et donc susceptible de faire de temps en temps un objet de référence. Elle nous permettra de déceler si l'interaction entre l'intérêt national et l'intégration est productrice des faits. Si oui quelle en sera la profondeur par rapport à celle de l'Afrique?

La méthode empirique, part de l'observation de la réalité extérieure vers l'objet pour tirer les conséquences possibles en vu de la construction d'une théorie. Elle permettra d'observer la réalité de l'intégration régionale en Afrique et de déduire la perception que les États ont de ce processus, d'analyser les comportements des États en fonction des conceptions de l'intérêt national.

VIII- plan de travail

Ce travail est reparti en deux parties. La première partie établie une relation entre l'intérêt national et l'intégration régionale en Afrique, elle cadre et analyse les concepts et est subdivisée en deux chapitres.

Le chapitre I intitulé « des théories de l'intérêt national à la dynamique d'intégration régionale en Afrique » définit les théories de l'intérêt national et établit une relation entre lesdites théories et le processus d'intégration en Afrique. Ce chapitre démontre que la notion d'intérêt national est ambivalente. Sous le prisme réaliste et libéral la notion d'intérêt national est essentiellement égoïste; c'est ainsi que les États notamment africains qui s'engagent dans le processus d'intégration régionale avec cette vision de l'intérêt national n'y vont que pour consolider leur intérêt national égoïste. Pour les constructivistes la notion d'intérêt national est altruiste et en rapport avec le processus d'intégration régional, elle est en faveur de la consolidation des intérêts mutuels des États inscrits dans ledit processus. En observant l'application des deux conceptions de l'intérêt national, il ressort que le processus d'intégration régionale en Afrique est régi simultanément par celle-ci.

Le chapitre II est intitulé « l'intérêt national dans le processus d'intégration régionale en Afrique a la lumière des théories générales de l'intégration », définit les théories générales de l'intégration régionale, les opérationnalise à la réalité de l'intégration régionale en Afrique. Ce chapitre montre que l'opérationnalisation des approches de l'institutionnalisme libéral à la réalité

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de l'intégration régionale africaine est en faveur de la consolidation des intérêts fonctionnels communs des États partis au processus. Aussi, il montre que l'application de l'approche intergouvernementaliste audit processus participe de la consolidation de l'intérêt national égoïste des États membres.

La deuxième partie montre l'influence de l'ambivalence de la notion d'intérêt national sur le processus d'intégration régionale en Afrique. Elle s'étend sur les chapitres III et IV.

Le chapitre III est intitulé « l'intérêt national égoïste : un frein à l'intégration régionale en Afrique ». Il démontre les manifestations de l'intérêt national égoïste dans le processus d'intégration régionale en Afrique et montre leurs impacts sur ledit processus. Ce chapitre permet de comprendre comment le retrait du Maroc de l'OUA et la non application des textes communautaires sur la libre circulation des personnes par les États est une attitude égoïste qui freine l'intégration régionale en Afrique.

Le chapitre IV intitulé « l'intérêt national altruiste : un facteur de dynamisation de l'intégration régionale en Afrique » recense les manifestions de l'intérêt national altruiste à travers une interprétation des comportements stratégiques des États dans le processus d'intégration. Ce chapitre démontre que l'adhésion de la Guinée Équatoriale à l'UDEAC/CEMAC et l'adhésion de l'Afrique du Sud à la SADC participent de la recherche de l'intérêt national altruiste de ces derniers. Il y ressort qu'un tel intérêt national est à la faveur de la dynamique d'intégration régionale en Afrique.

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PREMIÈRE PARTIE : INTÉRÊT NATIONAL ET INTÉGRATION RÉGIONALE EN AFRIQUE : CADRAGE ET ANALYSE CONCEPTUELS

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Il est indispensable de revisiter la pertinence analytique de la notion d'intérêt national avant d'analyser l'influence de son ambivalence sur le processus d'intégration régionale en Afrique dans la mesure où la référence à celle ci pourrait prêter à confusion. Comme le montre James ROSENAU22, la notion d'intérêt national est équivoque dans la mesure où elle est employée à la fois par les hommes politiques dans leurs discours et par certains universitaires en théorie des relations internationales.

Dans la pratique politique, l'intérêt national est brandi par les responsables politiques lorsqu'ils exposent les raisons de leurs actions et de leurs décisions de politique étrangère : « Je le fais parce que c'est dans l'intérêt de la France23 » a par exemple répondu François MITTERRAND lorsque des journalistes lui ont reproché l'accueil du général JARUZELSKI à l'Élysée en décembre 1985; quant à Jacques CHIRAC, à peine arrivé à l'Élysée en 1995, il justifie sa décision de reprendre les essais nucléaires français dans le Pacifique par les exigences de « la sécurité et des intérêts supérieurs de la nation24 ». L'intérêt national est également invoqué par les conseillers des princes. Régis Debray, membre de l'entourage de François MITTERRAND au début des années 1980, fait ainsi un plaidoyer en faveur de l'intérêt national dont il dit qu'il existe et qu'il est définissable25.

La notion est omniprésente dans le champ universitaire des relations internationales; car de Hans MORGENTHAU à Alexander WENDT en passant par Raymond ARON, il n'y a qu' « un seul impératif catégorique, un seul critère de raisonnement, un seul principe d'action : l'intérêt national26 », qu'elle est l' « art de gérer le commerce avec les autres États au mieux de l'intérêt national27 », « personne ne nie que les États agissent sur la base des intérêts tels qu'ils les perçoivent28».

22 James ROSENAU, « National Interest », in SILL David, International Encyclopedia of the Social Sciences,Vol, 11, New York: Macmillan Company and free press, 1968, cite par Dario BATTISTELLA, « L'intérêt national. Une notion, trois discours », in Politique étrangère. Nouveaux regards, Frédéric CHARILLON, (dir), Presses de Sciences Po, Paris, 2002, p 142.

23 Propos tenus le 9 décembre 1985 sur Europe 1, cités par Dario BATTISTELLA, op.cit. p. 142.

24 Propos tenus le 13 juin 1995.

25 Régis DEBRAY, La puissance et les rêves, Paris, Gallimard, 1984, p. 122.

26 Hans MORGENTHAU, Defense of national interest, New York, Knopf, 1952, P. 242.

27Raymond ARON, Paix et guerres entre les nations, Paris, Calmant Levy, 1984, P.37.

28 Alexander WENDT, Social Theory of International Politics, Cambridge University Press, 1999, P.113.

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Au regard de l'omniprésence de la notion d'intérêt national, il est nécessaire d'analyser plus profondément la notion d'intérêt national afin de distinguer les éléments utiles à notre travail et abandonner certains préjugés. C'est dans ce but que nous examinerons les théories de l'intérêt national face à la dynamique d'intégration en Afrique (Chapitre I).

Aussi, nous analyserons l'intérêt national dans le processus d'intégration régionale en Afrique à la lumière des théories générales de l'intégration (Chapitre II), pour ressortir la nature de l'intérêt national contenu dans chaque vision. Ainsi, nous analyserons l'intérêt national en rapport avec les approches fonctionnaliste et intergouvernementaliste de l'intégration régionale en Afrique. Ces rapprochements visent à montrer le lien de dépendance ou la relation qui existe entre l'intérêt national et l'intégration régionale en Afrique.

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CHAPITRE 1 : DES THÉORIES DE L'INTÉRÊT NATIONAL À LA DYNAMIQUE D'INTÉGRATION RÉGIONALE EN AFRIQUE

Le premier ouvrage dans lequel la politique étrangère est analysée en termes d'intérêt date de l'époque de la guerre de trente ans. En effet, en 1639, le Duc Henri de ROHAN, adversaire de la politique intérieure de Richelieu, mais partisan de la diplomatie de celui-ci, publie un essai intitulé : « De l'intérêt des princes et des États de la Chrétienté », dans lequel il plaide en faveur d'une politique étrangère menée sur la base de l'intérêt national. Depuis lors, cette idée a connu un succès qui est allé croissant; citons pour mémoire l'aphorisme le plus célèbre du Britannique Lord PALMERSTON : « L'Angleterre n'a ni amis, ni ennemis; elle n'a que des intérêts29».

La notion d'intérêt national est devenue très populaire en relations internationales, elle est omniprésente dans les discours des praticiens de la politique étrangère et dans les analyses savantes de la politique étrangère. Ainsi, tous les hommes politiques pensent et disent agir pour l'intérêt national. Il en est de même des diplomates qui se persuadent que : « la diplomatie exprime, défend et développe l'intérêt national30». La notion est également invoquée par tous les gouvernants y compris ceux qui prennent la moindre décision et les courants de pensée politique. Les néoconservateurs américains Irving KRISTOL, Robert TUCKER, Owen HARRIES par exemple, désireux de contribuer à rendre la politique étrangère américaine plus « efficace et cohérente31 », ont lancé une revue de politique internationale appelée The National Interest, parce que le premier et principal objectif de la politique extérieure américaine doit être la défense et la promotion de l'intérêt national des États-Unis32. C'est aussi en rapport à l'intérêt national que les commentateurs de l'actualité politique internationale évaluent et jugent la politique étrangère d'un gouvernement.

29 Dario BATTISTELLA, « L'intérêt national. Une notion trois discours », in Frédéric CHARILLON, Politique étrangère. Nouveaux regards, (dir), Presses de Sciences Po, Paris, 2002, P.141.

30 Alain PLANTEY, De la politique entre les États. Principe de diplomatie, Paris, Pedone (2è éd.), 1991, P. 96.

31 Dario BATTISTELLA, Op. Cit. p. 141.

32 Dario BATTISTELLA, Op. Cit. p140.

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L'ubiquité33de l'expression « intérêt national » démontre à suffisance que la notion peut faire l'objet d'une compréhension rationnelle, d'une définition concrète, d'un usage spécifique et ne saurait faire l'objet d'aucun doute sur la suprématie de l'intérêt national comme la balise de la politique extérieure d'un État34. Il faut cependant noter que le consensus relatif au recours universel à la notion d'intérêt national n'implique aucune unanimité quant à sa signification substantielle35. En effet, en 1952, Arnold WOLFERS constatait que la popularité dont jouissaient certaines formules politiques telles que l'intérêt national ou la sécurité nationale dans les rangs d'hommes d'État, et théoriciens réalistes tendait plutôt à démontrer qu'elles peuvent ne pas avoir les mêmes significations, voire qu'elles sont susceptibles de permettre à qui que ce soit de recouvrir une politique quelconque d'un label attractif mais trompeur36. De plus en plus, le jugement sceptique à l'égard de la notion d'intérêt national est d'actualité et à sa conception réaliste s'est ajouté la conception libérale qui est stato-centrée comme la précédente, mais aussi une approche constructiviste.

La notion d'intérêt national est donc essentiellement variable et évolutive, et sous chaque conception, une lecture du processus d'intégration régionale est possible; car en rapprochant sa conception réaliste à l'intégration régionale notamment africaine (SECTION I), elle diffère du rapprochement de sa conception constructiviste de cette même intégration (SECTION II), chaque conception favorisant une perception particulière de l'intégration régionale en Afrique par les États.

SECTION I : LES THÉORIES RÉALISTES DE L'INTÉRET NATIONAL ET L'INTÉGRATION RÉGIONALE EN AFRIQUE

L'intérêt national fait l'objet d'une controverse chez les auteurs réalistes. Nous présenterons cette controverse entre les réalistes sur ladite notion (PARAGRAPHE. I) avant de rapprocher cette vision de l'intégration régionale africaine (PARAGRAPHE. II).

33 Dario BATTISTELLA, Op. Cit. p.141.

34 Charles BEARD, The idea of the National Interest. An Analytical Study in American Foreign Policy, New York, MacMillan, 1934, PP.22 et 26.

35 Dario BATTISTELLA, ibid. p.142.

36 Arnold WOLFERS, Discord and Collaboration. Essay on International Politics, Baltimore, The Johns University Press, 1962, cite par Dario BATTISTELLA, Op. Cit. P.142.

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PARAGRAPHE I - LA CONTROVERSE RÉALISTE DE L'INTÉRET

NATIONAL

Différents auteurs réalistes ont des approches différentes sur la notion d'intérêt national. La controverse réaliste autour de la notion d'intérêt national oppose ici Hans MORGENTHAU qui, considère l'intérêt national comme moteur des relations internationales (I) et Raymond ARON, partisan de la rationalité de la dite notion (II).

I- L'intérêt national comme moteur des relations internationales

Hans MORGENTHAU peut être considéré comme l'un des pionniers de la théorie réaliste. Selon lui, la politique étrangère des États est contrainte par la nature anarchique du système international, qui détermine le comportement des agents. Pour lui, l'absence de pouvoir supranational oblige les États à garantir eux mêmes leur survie en défendant leurs intérêts. L'intérêt national occupe dès lors une place importante dans la pensée réaliste, puisque MORGHENTHAU en fait la clé de compréhension des relations internationales. Ainsi, l'intérêt national « défini en termes de puissance37» guide le comportement des hommes politiques comme il le dit si bien « we assume that statemen think and act in terms of interests defined as power38».

D'après les réalistes, la sécurité d'un État au sens large inclut en plus de sa survie physique, l'intégrité du territoire, l'indépendance politique, l'identité culturelle, elle dépend aussi de la position occupée dans le système international relativement aux autres États39.Cette position étant elle-même déterminée par la configuration générale des puissances, c'est-à-dire par la distribution des capacités essentiellement militaires dont dispose chaque État. La seule façon pour un État d'assurer sa sécurité est de disposer de soi-même de suffisamment de puissance pour dissuader les autres États de tenter de lui imposer leur volonté. MORGENTHAU affirme à ce sujet que, le principal poteau indicateur qui aide le réalisme politique à trouver sa voie à

37Hans J. MORGENTHAU., Politics among nations, 6e edition, New York, Mac Grawhill, 1993, cite par Marie-Claude SMOUTS, Dario BATTISTELA, Pascal VENNESSON, Dictionnaire des relations internationales, Paris, Dalloz, 2006, P.302.

38 Hans J. MORGENTHAU., Politics among nations The Struggle for power and peace, New York: Alfred A. KNOPF, 1967, 4ème edition. P.5.

39Dario BATTISTELA, op. cit. p.144.

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travers le paysage de la politique internationale est le concept d'intérêt défini en termes de puissance.

MORGENTHAU affirme que le monde est « un monde d'opposition d'intérêt ». Il reconnait la nature humaine constante, marquée par un immuable désir de domination, le réalisme repose en fait sur une certaine vision du monde et de l'homme, profondément influencée par l'échec de l'idéalisme et les destructions engendrées par l'idéologie nazie. C'est en réponse à ces errements que MOGHENTHAU tente de concevoir l'intérêt national de manière pragmatique, non idéologique et désillusionnée. Il affirme à ce sujet: « how often have statesmen been motivated by desire to improve the world ,and ended by making it worse?40». Pour ce dernier, si la politique qui est censée promouvoir l'intérêt national varie, l'idée d'intérêt national est invariable comme il le dit si bien « the idea of interest is indeed of the essence of politics and is of unaffected by the circontances of time and place41 ».

MORGENTHAU pense que l'intérêt national constitue le principe supérieur puisque l'État étant lié à la nation par un pacte social et politique défini par la loi fondamentale. L'intérêt de l'État est donc unique et ne s'oppose pas à l'intérêt supérieur de la nation. Pour un réaliste, la puissance est un principe supérieur qui ne saurait être subordonnée à des impératifs économiques, juridiques ou moraux. Cette autonomie du politique engendre une autonomie du décideur par rapport à la société. L'intérêt national est alors davantage l'intérêt de l'État tel que le définit et l'incarne le souverain que l'intérêt général ou le bien public42.

Dans la perspective réaliste, la promotion de l'intérêt national n'est pas qu'une loi théorique issue de l'observation empirique des relations internationales. L'intérêt national est une norme, une exigence politique et un critère d'évaluation de la politique étrangère d'un État. Il affirme à ce sujet: «Intellectually, the political realism contains not only a theoretical but a normative element43». La théorie réaliste se veut normative comme en témoigne la profusion d'études de cas réalisées par des auteurs réalistes appliqués à démontrer que telle politique

40 Ibid. P.6.

41 Ibid. P.8.

42Paul HERAULT, Penser l'intérêt européen. Du compromis entre intérêts nationaux à l'intérêt général européen, mémoire de Master recherche en Science politique, IEP Paris, Paris, Septembre 2009. P.13.

43 Ibid. P11.

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étrangère est ou n'est pas conforme à l'intérêt national44. Cette normativité est source de nombreuses contradictions et critiques. Elle s'énonce sous la forme d'une loi : « les hommes d'Etat pensent et agissent en terme d'intérêt45 », et MORGENTHAU déclare par la suite : « A foreign policy guided by moral abstractions, without consideration of the national interest, is bound to fail46». L'intérêt national des réalistes est essentiellement conservateur puisqu'il fait de la soumission aux lois prétendues universelles, une exigence d'éthique politique47. Il est un intérêt nécessairement égoïste par rapport aux intérêts extra-nationaux. Dans la mesure ou les États se trouvent dans un système de chacun pour soi, synonyme de jeu à somme nulle, la satisfaction de l'intérêt national d'un État ne saurait tenir compte ni des intérêts nationaux des autres États, ni à fortiori d'un quelconque intérêt commun de l'humanité48 : « L'intérêt national indique une politique mise en oeuvre en vue de promouvoir les demandes nationales et non pas celles (...) de l'humanité tout entière49 ». Aussi, l'intérêt national transcende forcément les intérêts privés sub-nationaux. En effet, la satisfaction de l'intérêt national d'un État est synonyme de maintien de sa sécurité et cette sécurité est elle même la condition sine qua non de la possibilité pour les particuliers membres de cet État de poursuivre leurs propres intérêts privés, la satisfaction de l'intérêt national ne se fait pas sans tenir compte de ce dernier: « L'intérêt national n'est pas réductible aux intérêts privés50 ». De la sorte, les observateurs de la politique étrangère des États peuvent la juger conforme ou non à l'intérêt national. C'est cette définition de l'intérêt national en termes de puissance que Raymond ARON remet en cause.

II- La remise en cause d'une définition de l'intérêt national en termes de

puissance

Raymond ARON procède à la remise en cause d'une définition de l'intérêt national « défini en termes de puissance » ; car penser la puissance en termes de force n'a rien de rationnel.51 Pour lui, la puissance ne peut être qu'un moyen d'action politique et non un but52. La

44 Hans J. MORGENTHAU, Op. Cit. P. 5.

45 Cette formule se trouve dans la plus part des articles de la revue américaine The National Interest.

46 Hans J. MORGENTHAU, Op. Cit. pp. 33-34.

47 Paul HERAULT, Op. Cit. P.15.

48 Dario BATTISTELLA, op. cit. p144-145.

49 Arnold WOLFERS, Discord and Collaboration. Essays on International Politics, Baltimore, The Johns Hopkins University Press, 1962, p.147.

50 Raymond ARON, Op.cit. p.101. 51Ibid. pp. 99-100.

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politique étrangère n'est pas guidée par une nature humaine dominatrice mais par des projets, des visions du monde. Les fondements théoriques du raisonnement de MORGENTHAU sont ici remis en cause : l'observation empirique d'exemples historiques ne peut aboutir à la formulation d'une théorie générale rationnelle. Un acteur agit en fonction de son horizon idéal, de ses valeurs53. ARON pense qu'il ne faut pas chercher à théoriser le comportement des États ou de leurs dirigeants en réduisant la diversité des objets qu'ils poursuivent à un seul principe directeur. Il affirme à cet effet : « la pluralité des objectifs concrets et des objectifs ultimes interdirait une définition rationnelle de `l'intérêt national', même si celui-ci ne comportait pas, en lui-même, l'équivoque qui s'attache à l'intérêt collectif en économie54 ».

ARON pense que l'intérêt national doit être pluriel et faire l'objet de recherche. En effet, « il (intérêt national) rappelle au gouvernants d'un jour que la sécurité et la grandeur de l'État doivent être les objectifs de l'homme diplomatique, quelle que soit l'idéologie qu'ils invoquent 55», il s'interroge toutefois sur la constance et l'homogénéité de l'intérêt national parce que la nature et les changements de régimes ou d'idéologies tendent à influer sur la définition de l'intérêt national, et que l'homogénéité de l'intérêt national ne va pas de soi et n'a rien d'évident dans la mesure où toute entité politique est composée de groupes ou d'individus ayant chacun des objectifs propres56. Aussi, s'appuyant sur la philosophie politique de LOCKE, SMITH et KANT, MORAVCSIK fait des individus ontologiquement antérieurs aux États et agissant seuls ou agrégés en regroupement de nature privée, les acteurs fondamentaux de la politique en général et des relations internationales en particulier. Rationnels, au sens où ils sont capables d'effectuer dans le champ politique les choix les plus efficaces en termes de rapport couts/bénéfices, les acteurs sociétaux cherchent, à travers l'action individuelle ou collective, à promouvoir leurs intérêts matériels ou spirituels, en vue d'atteindre le bien être tel qu'ils le définissent. Lorsque la satisfaction de ces intérêts ne peut se faire à moindre cout par les seuls acteurs sociétaux, ils en confient la charge à l'État, qui a été érigé dans ce but par la société civile, et qui n'est donc pas un acteur autonome par rapport à la société civile comme chez les

52 Ibid.

53 Paul HÉRAULT, Op. cit. p. 16. 54Raymond ARON, op; cit, p. 101.

55 Ibid. p.101.

56 Raymond ARON, Paix et guerres entre les nations, Paris, Calman Levy, 1984, cité par Paul HERAULT, Op. Cit. p. 17.

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réalistes, mais le simple commis des intérêts particuliers. Ceci est notamment le cas sur la scène internationale, où l'État a pour mandat de promouvoir ceux des intérêts particuliers que les individus ne peuvent eux-mêmes défendre directement57.

L'intérêt national ici est ce que le décideur formule comme tel. Les libéraux n'assimilent pas pour autant cet intérêt national à la somme des intérêts privés de la société civile, car au sein d'une société civile, il n'y a aucune harmonie spontanée entre les intérêts privés. Comme les différents acteurs sociétaux ne disposent pas de ressources politiques équivalentes leur permettant d'espérer une satisfaction égale de leurs intérêts respectifs, l'État ne représente jamais que celui ou ceux des sous-ensembles, plus ou moins grands, de la société civile, capables d'accéder aux autorités politiques et de leur imposer comme leurs légitimes préférences : la politique gouvernementale est contrainte par les identités, intérêts et pouvoirs des individus et groupes qui exercent en permanence des pressions sur les décideurs pour qu'ils adoptent des politiques conformes à leurs préférences. Ainsi, la dualité essentielle de la puissance et du bien communs font de l'intérêt national le but d'une recherche et non un critère d'action, car il est le fruit des débats et d'arbitrages entre plusieurs options politiques. L'intérêt national dans cette optique ne vise plus simplement la défense de l'État, mais il promeut aussi un projet de société.

Selon ARON, l'individu est l'acteur fondamental de la politique qui cherche à satisfaire de façon rationnelle ses intérêts ; l'État dans cette perspective étant le mandataire de la société civile, chargé par les acteurs sociétaux de satisfaire les intérêts privés qu'eux mêmes ne parviennent pas à satisfaire. Aussi, au niveau des relations entre les États, l'immanence de l'État par rapport à la société civile se traduit tantôt par une définition égoïste de l'intérêt national, tantôt par une définition non égoïste, selon que les acteurs sociétaux majoritaires estiment leur intérêt mieux satisfait par une politique unilatérale ou au contraire multilatérale58. Dans cette optique, l'intérêt national d'un État en politique étrangère peut alors être égoïste par rapport aux intérêts des autres États ou plus exactement par rapport aux intérêts des autres sociétés civiles représentées par les États respectifs. Quoiqu'il en soit, l'intérêt national tel que cerné par ARON est un intérêt national égoïste du fait de l'immanence de l'État.

57 Dario BATTISTELLA, Op. Cit. p.148.

58 Dario BATTISTELLA, Op. Cit. P.150.

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Comme nous le constatons, les théories réalistes de l'intérêt national exaltent la prééminence de l'État dans la perception de cet intérêt. Les réalistes définissent donc de manière égoïste l'intérêt national. Pour eux, l'intérêt national est essentiellement conservateur. La controverse ainsi ressortie, il importe de faire une liaison entre les théories réalistes de l'intérêt national et l'intégration régionale en Afrique.

PARAGRAPHE II- L'INTÉRÊT NATIONAL DES RÉALISTES ET L'INTÉGRATION RÉGIONALE EN AFRIQUE

Les réalistes n'abordent pas directement le débat entre la supranationalité et l'intérêt national, mais plusieurs de leurs réflexions peuvent être utiles à cet effet. Il faut noter que « les sociétés transnationales se manifestent par les échanges commerciaux, les migrations de personnes, les croyances communes, les organisations qui passent par-dessus les frontières ; enfin les cérémonies ou compétitions ouvertes aux membres de toutes ces unités59 ». C'est dire en d'autres termes que l'émergence d'entités supranationales créée une nouvelle sociabilité.

Dans un cadre de réflexion purement réaliste au sens de H. MORGENTHAU, l'existence d'un acteur supérieur à l'État est difficilement imaginable, puisque l'anarchie du système internationale est indépassable. C'est ainsi que le regard de MORGENTHAU sur les organisations internationales comme l'ONU est particulièrement intrusif60. Selon ce dernier, les Nations Unies sont la volonté des États membres, elles ne sont qu'un instrument au service de leurs intérêts nationaux. À cet effet, il affirme « the united nations is today an intrument through which its members try to protect and promote their respective national interest61 ». Le tout n'étant rien d'autre que la somme des parties, les théories réalistes ne peuvent concevoir que les intérêts des États qui structurent l'organisation. D'après d'autres réalistes, inspirés d'ailleurs par l'histoire diplomatique classique et en réaction aux illusions de l'idéalisme wilsonien, l'apparition des grandes organisations internationales au XXe siècle telles que la Société des Nations, l'Organisation des Nations Unies et l'Union Européenne ne change rien sur l'intérêt national comme motivation suprême de la politique étrangère des États. Les premiers rôles sur la

59 Paul HÉRAULT, Op. Cit. p. 18.

60 Hans MORGENTHAU, «The Yardstick of National Interest». Annals of the American Academy of political and Social Science, November 1954, vol. 296, p. 77.

61 Ibid.

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scène internationale sont encore joués par les États et par les intérêts nationaux62. L'intérêt national reste la seule motivation des États dans leur agissement sur la scène internationale, car au regard de la situation des relations internationales, un domaine anarchique, sans autorité supérieure, où le droit, inexistant cède la place à la force, celle qui est exercée avant tout par les grandes puissances. Dans cet état de nature, la guerre est un moyen de régulation de la vie internationale, des relations entre les États, lesquels ont, selon la formule de Max WEBER, le « monopole de la violence physique légitime ». Pour les réalistes, le meilleur moyen d'obtenir la paix, est de créer une situation dans laquelle les États n'ont pas d'intérêts. Dans cette vision pessimiste, l'intérêt est perçu comme le principal ressort des activités humaines.

Dans le cadre des organisations africaines d'intégration régionale telle que l'Union Africaine, en faisant une liaison avec les théories réalistes de l'intérêt national, il ressort que les États n'adhèrent à ce processus que pour rechercher leurs intérêts égoïstes, différents des intérêts des autres États et ceux de l'organisation ; les États dans ce processus selon la logique réaliste ne poursuivent que leurs intérêts personnels au détriment de ceux des autres. On peut affirmer comme Alan MILWARD parlant de la création de la Communauté européenne63 que l'intégration régionale en Afrique ne procède pas d'un idéal, mais de la volonté des États de sauver leur existence, de s'affirmer et de se restaurer individuellement. Pour lui, on peut se demander si l'intérêt national n'a pas été le principal ressort de la construction européenne. Depuis le Traité de Westphalie jusqu'aux traités qui ont assuré la réunification de l'Allemagne en 1990, en passant par le congrès de Vienne en 1815, le Traité de Versailles en 1919, les pays d'Europe ont continuellement cherché leur intérêts nationaux64.

De la sorte, l'intérêt national est à l'origine de la construction régionale africaine ; il existe une interaction, un continuum entre l'intérêt national et l'intégration régionale, car depuis les indépendances, les États africains perçoivent l'intégration régionale comme une voie pour s'affranchir de la colonisation, pour leur développement, pour réduire les conflits entre eux et pour assurer surtout leur survie purement personnelle. L'importance de l'intégration

62 Kenneth N. WALTZ, Theory of International Politics, Reading, Addison Wesley, 1979. Cite par Robert FRANK, « Penser historiquement les relations internationales », Annuaire Française de Relations Internationales, p. 50.

63 Alan MILWARD, The European rescue of Nation State, University of California Press, Berkeley, 1995(2e éd) et Rutledge, London, 2000. Cite par Robert FRANK, « Penser historiquement les Relations Internationales », Annuaire Française de Relations Internationales, p. 51.

64 Ibid.

65 CNUCED, Le développement économique en Afrique. Renforcer l'intégration économique régionale pour le développement de l'Afrique. New York et Genève, Rapport 2009, p.8.

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économique régionale pour accélérer et renforcer le développement économique et social est reconnue depuis longtemps par les décideurs africains. L'unité, la coopération et l'intégration de l'Afrique ont été de tout temps des objectifs pour de nombreux responsables africains comme George PATMORE, W. E. B. DUBOIS ou Marcus GARVEY, ainsi que pour des nationalistes africains comme Kwame NKRUMAH qui, dans son livre Africa Must Unite, préconisait déjà l'unité africaine. Cet objectif d'intégration est donc profondément ancré dans l'histoire de l'Afrique, même si, comme dans d'autres régions, la priorité a été initialement de s'assurer un poids et une autorité politiques accrus sur la scène internationale. Mais au fur et à mesure que les défis de la mondialisation et de l'interdépendance se sont imposés aux pays de la région, avec le risque d'une marginalisation du continent africain, cet objectif d'intégration est redevenu prioritaire. L'Organisation de l'Unité africaine (OUA) a été établie en 1963 pour intégrer économiquement les pays d'Afrique, régler les conflits dans les pays africains et entre ces pays, promouvoir le développement et améliorer le niveau de vie des populations65. Plusieurs groupements sous-régionaux africains ont été formés par la suite.

En juin 1991, le Traité d'Abuja, qui prévoit la création d'une communauté économique africaine à l'échelle du continent d'ici à 2028, a été signé. La formation d'arrangements régionaux de coopération économique permet de jeter les bases de la communauté économique africaine envisagée. Le régionalisme en Afrique répond à deux nécessités. La première était de renforcer l'unité politique au niveau panafricain. La seconde consistait à promouvoir la croissance économique et le développement. Le régionalisme, en particulier pour une intégration des marchés au niveau régional, est un moyen d'aider les pays africains à surmonter les problèmes structurels auxquels ils sont confrontés. Au regard de la théorie réaliste de l'intérêt national, les Etats africains ne participeraient au processus d'intégration que pour consolider leur intérêt égoïste, la volonté réelle de bâtir une région intégrée étant reléguée au second rang ; car la confrontation entre les groupes de Casablanca et de Monrovia, qui s'est soldée par la victoire des modérés de Monrovia n'est que la manifestation de l'intérêt national des Etats naissants au détriment de l'unité complète de l'Afrique, revendiquée par les panafricanistes radicaux.

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Nous pouvons également faire un rapprochement entre le projet constructiviste de l'intérêt national et l'intégration régionale en Afrique.

SECTION II : LA THÉORIE CONSTRUCTIVISTE DE L'INTÉRÊT NATIONAL ET L'INTÉGRATION RÉGIONALE EN AFRIQUE

Nous clarifierons d'une part la théorie constructiviste de l'intérêt national (PARAGRAPHE I) avant d'établir la relation avec l'intégration régionale en Afrique (PARAGRAPHE II).

PARAGRAPHE I- LA THÉORIE CONSTRUCTIVISTE DE L'INTÉRÊT

NATIONAL

L'analyse de la théorie constructiviste de l'intérêt national passe par la présentation des précurseurs et de l'économie de la dite théorie d'une part(I) et d'autre part par la démonstration du rôle des identités dans la formation de l'intérêt national des constructivistes (II).

I- Les précurseurs et l'économie de l'approche constructiviste de l'intérêt national

Le projet constructiviste a depuis la chute du mur de Berlin succédé au marxisme comme troisième approche théorique principale des relations internationales. C'est une approche qui est d'avantage épistémologique et ontologique que substantielle66. Par opposition aux réalistes d'après qui « le monde est ce qu'il est », et qu'il faut se contenter de l'étudier « tel qu'il est », les constructivistes pensent eux que le monde « n'est pas » mais se construit socialement, c'est-à-dire « est » un processus en devenir, qui change et se transforme en permanence, surtout de façon pacifique donc au gré des pratiques sociales les plus diverses67.

Le principal chantre de l'analyse constructiviste de l'intérêt national est Alexander WENDT, autour de ce dernier, on retrouve Martha FINNEMORE et Jutta WELDES dont les

66 Alex MCLEOD,»L'approche constructiviste de la politique étrangère», in Frédéric CHARILLON, Politique étrangère. Nouveaux regards, (dir), Presses de Sciences Po, Paris, 2002, P. 67.

67 Dario BATTISTELLA, Op. Cit. p.152.

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travaux peuvent être considérés ici comme compatibles et complémentaires. En effet, contrairement à la vision réaliste selon laquelle les États sont contraints de poursuivre leurs intérêts et d'accroitre leur puissance à cause de l'anarchie du système international, A.WENDT a développé l'idée que l'anarchie est avant tout ce qu'en font les États et que les intérêts nationaux sont alors conçus comme le produit d'interaction entre États. Ainsi déclare Jutta WELDES citant WENDT : « wendt's constructivist argument goes some way towardes reconceptualizing the national interest as the product of intersubjective processes of meaning creation 68». Il faut noter que la notion « d'intersubjectivité69 » qui est au Coeur du projet constructiviste tend à considérer les États comme des sujets, acteurs homogènes définissant leurs propres intérêts.

L'intérêt national d'un État est plus façonné par les normes et valeurs qui structurent la vie politique internationale. Comme les valeurs elles mêmes évoluent, l'intérêt national est susceptible d'être régénéré et transformé avec pour conséquence l'émergence possible d'un intérêt national défini de façon altruiste et non pas égoïste. La culture anarchique lockiènne70 a été intériorisée par les États depuis la paix de Westphalie. Dès lors, les États se considèrent comme des rivaux et non plus comme des ennemis, les États contemporains reconnaissent la souveraineté d'autrui. Nous assistons ainsi à une diminution des recours à la force et à une interdépendance croissante entre les États, ainsi qu'à l'homogénéisation croissante des régimes politico-économiques. L'intérêt national devient donc altruiste car en satisfaisant son intérêt, on satisfait l'intérêt des États amis.

II- Le rôle des identités dans la formation de l'intérêt national des constructivistes

Les constructivistes conçoivent l'identité de l'État de part sa nature intersubjective parce qu'elle est la résultante de représentation construite par l'État lui-même et par les autres États. Comme l'identité de l'État est fonction de l'ensemble des idées, des valeurs, des croyances que partagent les États au sujet d'eux-mêmes et de leurs relations, alors les intérêts des États sont moins construits par eux-mêmes qu'ils ne sont « façonnés par les normes et valeurs qui,

68 Audie KLOTZ, Cecelia LYNCH, « Le constructivisme dans la théorie des relations internationales », Revue critique internationale n°2-hiver, 1999, P. 53

69 Audie KLOTZ, Cecelia LYNCH, Op. cit. P. 53.

70 Dario BATTISTELLA, Op. Cit. p.158.

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partagées internationalement, structurent la politique internationale et lui donne signification71 ». Les intérêts des pays peuvent être de la sorte transformés par les changements qui se produisent au sein des valeurs internationales ; les intérêts peuvent donc se régénérer parce que la culture internationale, les normes, ainsi que les régimes internationaux changent le comportement des États. D'après les constructivistes, les intérêts des États se trouvent leurs racines non pas dans la configuration de force comme chez les réalistes, ni d'avantage dans les demandes exprimées par les acteurs sociétaux, comme chez les libéraux, mais dans l'identité des États, c'est-à-dire dans la représentation que les États se font d'eux-mêmes et d'autrui, du système international, et de leur propre place, ainsi que celle des autres, au sein de ce système international. Il reste que l'identité d'un État n'est pas de nature subjective, car si elle est devenue un facteur structurant des intérêts, c'est qu'elle s'est inscrite dans la durée, dans la continuité, ce qui n'est pas possible que parce qu'elle est de nature intersubjective, c'est-à-dire parce qu'elle est la résultante de représentations élaborées à la fois par l'État lui-même et par les autres États. Or si l'identité d'un État est fonction de l'ensemble des idées, croyances, valeurs et normes que partagent les États à un moment donné au sujet d'eux-mêmes et de leurs relations, alors les intérêts des États sont enchâssés dans cette identité, construits moins par les États eux-mêmes qu'ils ne sont façonnés par les normes et les valeurs qui, partagées internationalement, structurent la vie politique internationale et lui donnent un sens. Ainsi, si les intérêts nationaux sont co-constitués par les valeurs internationalement partagées, alors ils sont susceptibles d'être transformés par les changements qui se produisent au sein de ces valeurs internationales72. C'est dans cette affirmation de re-génération des intérêts des États par la structure sociale internationale que réside le point fort de la conception constructiviste de l'intérêt national.

D'après les constructivistes, les valeurs qui se diffusent au sein de la société transnationale, les normes que partage la société internationale, les règles que codifie le droit international, modifient le comportement des États. C'est ainsi que Martha FINNMORE pense que, le fait que des États nombreux et divers aient successivement et sans intérêt immédiat apparent été amenés à redéfinir leurs politiques scientifiques, leur conduite à l'égard des prisonniers de guerre, leurs stratégies de développement, prouve que des organisations

71 FINNEMORE Martha, National interest in international society, Ithack, Corneil University press, 1996. Cité par Dario BATTISTELLA, Op. Cit. p.154.

72 Dario BATTISTELLA, Op. Cit. p.154.

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internationales intergouvernentales telles que l'UNESCO ou la Banque Mondiale changent les préférences des États. Même si les domaines concernés ne touchent pas directement à l'intérêt national stricto sensu, les intérêts nationaux sont affectés par la structure culturelle internationale, au point de ne plus être définis en termes exclusivement égoïste de nos jours73.

D'après WENDT, les États sont « des acteurs dont le comportement est motivé par une variété d'intérêts enracinée dans les identités corporatives de type, de rôle, et collective74 ». Il entend par « identité corporative », les traits qui font de l'État une entité sociale à part entière, distincte des autres acteurs de la scène internationale. Par « identité de type », il entend les caractéristiques que partagent en commun certains États en matière de système économique, de régime politique, etc. La notion « d'identité de rôle » renvoie aux propriétés qui caractérisent un État dans la perception des autres, et qui font que les États s'attendent à ce qu'il agisse d'une certaine façon à leur égard, qu'il adopte un certain rôle sur la scène internationale : un État peu de ce fait, aux yeux d'un autre, avoir le rôle d'État ami, rival, ou ennemi, de puissance hégémonique ou d'État satellite. L'identité collective existe lorsqu'un État s'identifie à un autre ; c'est le cas des États membres d'une communauté de sécurité.

Les identités ci-haut mentionnées sont alors à l'origine des intérêts nationaux que sont la survie physique, l'autonomie, le bien être, etc. Il convient de préciser que ces identités ne sont pas définies par l'État lui-même, mais sont issues de l'interaction sur la scène internationale75. Les identités ne sont pas définies par l'État lui-même, mais sont les résultantes de ses interactions sur la scène internationale. Le rôle que joue un État sur la scène internationale dépend des attentes d'autrui à son égard et de ses capacités à se conformer à ses attentes. L'identité collective, qui renvoie au fait, pour un État, de s'identifier aux intérêts d'un autre, au point de les intégrer dans la définition de son propre intérêt national, présuppose l'interaction sociale76. L'intersubjectivité des identités77 est à la base de l'intérêt national, qui ne saurait être définie en terme égoïste ; car l'anarchie du système international au sein duquel évoluent les

73 Martha FINNEMORE, National Intersts in International Society, Ithaca, Cornell University Press, 1996, cité par Dario BATTISTELLA, Op. Cit. p.155.

74 Alexander WENDT, Social Theory of International Politics, Cambridge University Press, 1999, p. 233, cité par Dario BATTISTELLA, Op. Cit. p.155.

75 Ibid. P.156. 76Ibid. P.157. 77 Ibid.

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États et qui façonne les identités, et donc les intérêts des États, « n'est jamais ce que les États en font78 » et n'est pas nécessairement synonyme d'état de conflit comme l'affirment les réalistes ; car les États se conçoivent comme amis les uns des autres, il s'agit d'une anarchie kantienne79. A la suite de cette présentation de l'intérêt national des constructivistes, il convient de tenter un rapprochement avec l'organisation régionale Africaine de l'intégration.

PARAGRAPHE II- L'ANALYSE DE L'INTÉGRATION RÉGIONALE EN AFRIQUE SOUS LE PRISME DE L'INTÉRÊT NATIONAL DES CONSTRUCTIVISTE

Les constructivistes ne procèdent pas à une défense de l'intérêt national de manière caricaturale, souverainiste et passéiste. En effet, même s'ils ne font pas directement le rapprochement entre l'intérêt national vu sous leur angle et l'intégration régionale, il convient de préciser que leur vision appelle à une interdépendance entre les États dans la recherche des intérêts nationaux à l'aune de la régionalisation et de la mondialisation. Ainsi dans le cadre de l'Union Africaine, les frontières nationales doivent devenir de moins en moins opérantes dans leur fonction de délimitation et de marquage d'un territoire, d'une identité, d'un patrimoine. La facilitation et l'accroissement des mouvements de capitaux, de biens, de services et de personnes rendront de plus en plus difficile voire parfois illusoire l'identification du caractère proprement national des intérêts80. Au niveau européen, à titre comparatif, la mise en oeuvre de cette vision est une effectivité avec la création du marché commun, de l'union économique et monétaire, de l'espace Schengen. Une conception d'intérêt national altruiste appliquée à l'intégration africaine permettrait aux États de rechercher leurs intérêts nationaux dans un état d'interdépendance où la sécurité nationale dépendra par exemple désormais réellement de la sécurité de l'Union Africaine ; car les États intègrent un ensemble régional pour acquérir davantage de sécurité81.

Le rapprochement du projet constructiviste à l'intégration régionale est semblable à la théorie réaliste de l'intégration selon laquelle, plusieurs hypothèses expliquent la formation des

78 Alexander WENDT, «Anarchy is what states make of it. The social construction of power politics» International Organization, 46, printemps 1996. Cite par Dario BATTISTELLA, Ibid. P.157.

79 Dario BATTISTELLA, Op. Cit. P.158.

80 Paul HERAULT, Op. Cit. P.41.

81 Sabine SAURUGGER, Op. Cit. p. 57.

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alliances82. La première est celle de la nécessité d'un ennemi extérieur-tel l'Union Soviétique pendant la guerre froide. L'existence d'une puissance hégémonique pousse les États à se réunir avec son accord, comme le font les États-Unis dans le contexte de création de l'Organisation de la coopération économique européenne83. Il est également possible qu'une création régionale réussisse contre la volonté d'un État voisin, comme le montre l'exemple du Conseil de la coopération dans le Golfe contre l'Iran84. Enfin, les États faibles peuvent avoir un intérêt à s'associer à des États plus puissants dans des ensembles régionaux, afin de se faire entendre internationalement85. En Afrique, dans une étude menée par la CEA en 2006, la moitié des pays mettent en avant des raisons politiques et stratégiques comme principale motivation de l'adhésion aux communautés économiques régionales86. « Un autre argument veut que la prolifération de blocs économiques régionaux s'explique par la volonté de créer des espaces économiques les plus larges possibles pour coordonner et harmoniser les politiques et stratégies nationales dans la sous-région et, à terme, dans l'ensemble de la région. Les pays membres pourraient bénéficier, individuellement et collectivement, d'une amélioration du taux de croissance économique. Cet argument semble avoir incité les petits pays à adhérer à plusieurs communautés économiques régionales à la fois pour profiter des avantages perceptibles ou non de chacune d'elles 87». Ainsi, la participation de l'État au processus d'intégration ou à la formation des alliances permet de sauvegarder ses intérêts. . S'il existe une véritable concertation et une véritable écoute mutuelle entre les États aussi inégaux au niveau régional, c'est parce que leurs comportements, expliquent les constructivistes, sont directement influencés par des normes et des valeurs acceptées par tous, et qui déterminent leurs intérêts88. Dans cette optique, Martha FINNEMORE affirme : « les États sont socialisés par les organisations internationales pour

82 Stephen M. WALT, «The origins of Alliances», Ithaca ( N. Y), Cornell University Press, 1987, cite par Sabine SAURUGGER, Op. Cit. p. 58.

83Ibid.

84 Ibid.

85 Ibid.

86CEA, « État de l'intégration régionale en Afrique II, Rationalisation des communautés économiques régionales », Addis-Abeba, 2006, p. 58.

87 Ibid. p. 59.

88 Gérard DUSSOUY, Traité de relations internationales. Tome II. Les théories de l'interétatique, Paris : Éditions L'Harmattan, 2008, p. 107.

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accepter de nouvelles normes, de nouvelles valeurs, et de nouvelles perceptions de leurs intérêts 89 ».

L'application de l'intérêt national des constructivistes à l'intégration notamment en Afrique permet de comprendre que, le développement d'une sécurité collective implique que les intérêts communs soient promus par de véritables politiques communes. Aussi, l'adoption d'un instrument commun voire unique concoure à l'émergence d'intérêt commun90. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle certains auteurs mêmes réalistes comme Alan MILWARD considèrent que l'intérêt national n'existe pas objectivement, qu'il est construit et qu'il convient de parler plutôt de « stratégies nationales » de la part des États qui se lancent dans un processus d'intégration91.

Dans cette logique, le jeu des fonctions économiques et la loi des marchés internationaux limitent la marge de manoeuvre des États. Le poids des mentalités, des stéréotypes et des imaginaires sociaux peuvent fausser la perception des réalités ; dans la sphère internationale, tout n'est pas nécessairement logique ou rationnel, tant est important le poids des subjectivités collectives. Pour les constructivistes, la réalité n'est souvent qu'une réalité perçue, représentée, construite. Les erreurs dans la perception des faits et gestes du voisin, de l'allié ou de l'ennemi pèsent lourd dans la décision de politique étrangère92. En Afrique, les politiques mises en oeuvre dans le cadre du NEPAD seraient à même de satisfaire les intérêts de tous les États membres de

L' UA plus qu'une politique économique individuelle initiée par un seul pays. Les programmes de coopération techniques de l'Union Africaine vise l'harmonisation des compétences des États dans plusieurs domaines et partant à satisfaire l'intérêt national de tous les États. L'intérêt national des constructivistes, appliqué à l'intégration régionale en Afrique renvoie à la perception selon laquelle l'intégration régionale en Afrique est au service des intérêts des pays qui y participent. Dans cette logique, il existe un continuum entre l'intérêt national des constructivistes et l'intégration régionale en Afrique.

89Martha FINNEMORE, National Interests in International Society, Ithaca, New York, Cornell University Press, 1996, p. 3.

90 Paul HERAULT, Op. Cit. p. 24.

91 Alan MILWARD fait allusion ici à l'intégration européenne, mais on peut faire un parallèle à l'intégration régionale africaine.

92 Robert FRANK, « Penser historiquement les relations internationales », p 52, in Pierre RENOUVIN, Jean Baptiste DUROSELLE, Introduction à l'histoire des relations internationales, Paris,4ème éd. Armand Colin, 1991.

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L'ubiquité de la notion d'intérêt national fait d'elle une notion équivoque et ambivalente. Elle a évolué de sa vision égocentrique des réalistes pour recouvrir aussi de nos jours une vision altruiste selon les constructivistes. Les tentatives de rapprochement des théories de l'intérêt national à l'intégration régionale en Afrique ont permis de constater que chaque théorie de l'intérêt national favorise une perception particulière du processus d'intégration régionale en Afrique. Aussi, convient-il de mettre en évidence l'intérêt national dans le processus d'intégration régionale en Afrique à la lumière des théories générales de l'intégration pour définitivement établir la relation entre les deux notions.

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CHAPITRE II : L'INTÉRÊT NATIONAL DANS LE PROCESSUS D'INTÉGRATION RÉGIONALE EN AFRIQUE À LA LUMIÈRE DES THÉORIES GÉNÉRALES DE L'INTÉGRATION

Les théories de l'intérêt national n'ont pas directement pensé l'intégration régionale. A contrario, les théories générales de l'intégration se sont intéressées à la construction d'un espace régional en articulation avec la notion d'intérêt national. C'est ainsi que l'approche de l'internationalisme libéral et l'approche intergouvernementaliste analysent différemment l'institutionnalisation de la coopération économique et politique93et partant, l'intégration régionale. La définition et l'analyse des approches générales de l'intégration régionale permettent de constater que ces dernières sont enracinées dans l'intégration régionale africaine. Elles permettent de constater aussi que, cette dernière est une intégration dépolitisée, et qui favorise les intérêts fonctionnels communs des États africains d'une part (SECTION I) et d'autre part, elle est à l'origine de la sauvegarde des intérêts nationaux égoïstes (SECTION II).

SECTION I : L'INTÉRÊT NATIONAL DANS LE PROCESSUS D'INTÉGRATION RÉGIONALE EN AFRIQUE PENSÉ SOUS LE PRISME DE L'APPROCHE INTERNATIONALISTE LIBÉRALE DE L'INTÉGRATION

La définition de l'approche internationaliste libérale de l'intégration (PARAGRAPHE I) met en évidence l'enracinement de cette approche dans le processus d'intégration régionale en Afrique. Aussi, cet enracinement est à l'origine d'une intégration régionale africaine dépolitisée et qui, est à la faveur des intérêts fonctionnels communs (PARAGRAPHE II).

93 Christopher HILL, Michael SMITH, International Relations and the European Union, New-York, Oxford University Press,2005, cité par Paul HERAULT, Op. Cit. P.31.

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PARAGRAPHE I : L'approche internationaliste libérale de l'intégration régionale

Dans la lignée de ce courant, deux écoles sont intervenues successivement : le fonctionnalisme (I) et le néofonctionnalisme (II).

I- Le fonctionnalisme

Dès 1946, David MITRANY, reprenait à son compte la vision du monde du travailliste britannique Leonard WOOLF qui, au-delà des États, s'intéressait aux relations entre les peuples et aux conséquences positives de leur coopération économique et technique telle qu'elle avait pu s'esquisser pendant la brève expérience de la Société des Nations, pour réfléchir à un système qui assurerait une paix durable 94. Pour que cet objectif soit rempli, il fallait considérer le fonctionnement d'un tel système non plus du point de vue de l'intérêt des États, mais de celui des besoins de leurs populations. C'est en s'attachant à résoudre, grâce à la coopération internationale, leurs problèmes quotidiens et en les traitant de manière fonctionnelle95, c'est-à-dire à différentes échelles, et par le truchement des pouvoirs publics ou d'acteurs privés, que l'on pourrait, en favorisant la prospérité générale, limiter les risques de guerre. En effet, dans la mesure où les peuples prendraient conscience que l'augmentation de leur bien-être serait le fruit de la multiplication des réseaux de coopération établis entre eux, ils accorderaient plus d'intérêt aux organisations internationales pour se défaire de leurs allégeances étatiques et pour surmonter leurs clivages territoriaux. Il s'agissait d'un projet ambitieux qui dépassait l'analyse centrée sur l'État pour atteindre directement l'Homme96.

Liée à la notion de fonction, le fonctionnalisme part de l'idée selon laquelle autant une fonction remplit un rôle dans un ensemble culturel, social ou politique donné, autant une institution doit être élaborée pour répondre à des besoins sociaux spécifiques. La multiplicité et la complexité des besoins de société rend alors incontournable la mise sur pied de coordination interétatiques dans le cadre d'organisations internationales à caractères techniques sans influence politique. Il doit exister une « interdépendance matérielle » entre les États, car ces derniers se

94 David MITRANY, A Working Peace System, Londres, Royal Institute of International Affairs, 1946. Cite par Gérard DUSSOUY, Traité de relations internationales. Tome II. Les théories de l'interétatique, Paris : Éditions L'Harmattan, 2008, p 95.

95 Gérard DUSSOUY, Op. Cit. p. 95.

96 Jean Jacques ROCHE, Théories des relations internationales, Paris, 6ème édition, Montchrestien, 2006, P.96.

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présentant comme archaïques et empêchant toute réflexion constructive et innovatrice97. C'est ainsi que MITRANY, élabore la première théorie cohérente de la coopération internationale. Pour lui, une véritable coopération ne peut être réalisée ni par la volonté politique, ni par des règles de droit, il faut donc une coopération internationale pragmatique axée sur les problèmes concrets et sectoriels qui dans la vie moderne ne peuvent être résolus par un seul pays98. Sa vision disqualifie donc le politique notamment en raison de l'expérience ratée de la SDN au profit d' « un système d'arrangements fonctionnels99 » ayant pour but d'apporter des solutions aux problèmes concrets que rencontrent les populations au quotidien; car « si les gens applaudissent les déclarations de droit, ils n'en appellent pas moins à la satisfaction de leurs besoins100 ». Bien plus, selon la vision de MITRANY, l'État est désormais archaïque, il est devenu peu adapté et peu adaptable pour résoudre les problèmes de politique commune, seule la prolifération d'organisations et d'institutions transnationales permet de s'intéresser efficacement aux besoins de l'humanité101. Ces institutions devraient être nombreuses et spécialisées tout en restant profondément interdépendantes. Le résultat de ce principe essentiel serait un réseau d'institutions enchevêtrées différentes selon les fonctions qui assureraient « la sécurité sociale » plutôt que « la sécurité militaire102 ». Cette démarche permettra d'assister à l'avènement progressif d'une « communauté mondiale pacifique103 » en lieu et place des vieilles rivalités.

De ces idées, est née directement ou indirectement la CECA instituée par le traité de Paris du 18 Avril 1951 en Europe. Cette institution composée de la France, de la République Fédérale Allemande, de l'Italie des pays du BENELUX104 comptait unifier l'Europe pendant la guerre froide en créant les bases d'une démocratie européenne et le développement actuel de l'UE. Le but officiel était de créer un marché unique du charbon et de l'acier entre les États parties. C'est

97 Robert KEOHANE, Joseph NYE, Transnational Relations and World Politics, Cambridge (Mass), Harvard University Press, 1972; Robert KEOHANE, Joseph NYE, Power and Interdependence, Boston (Mass.), Little Brown, 1977. Cité par Sabine SAURUGGER, Théories et concepts de l'intégration européenne, Paris, Science PO Les Presses, 2009, P. 70.

98 Dario BATTISTELLA, Théories des relations internationales, , Paris, Presses de Sciences Po, 2ème édition revue et augmenté, 2006, p.367.

99 David MITRANY, «The Fonctional Approach to International organization», in David MITRANY, A Working peace System, Chicago, Quadragle, 2e éd. 1966, P. 149-166.

100 David MITRANY, «The Fonctional Approach to International organization», op.cit.

101 Dario BATTISTELLA, Ibid, P. 367 .368.

102 David MITRANY, A Working peace System, Chicago, Quadragle, 2ème éd. 1966, P. 15.

103 Ibid. P. 18.

104 Belgique, Pays Bas, Luxembourg.

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en reprenant cette thèse centrale de MITRANY, axée sur la recherche d'une technologie sociale reposant sur la libre coopération des individus dans différents secteurs de la société, et qui conduirait progressivement mais automatiquement à l'intégration politique105, qu'Ernst HAAS a été rendu célèbre par sa théorie néofonctionnaliste de l'intégration européenne. Bien qu'il se soit toujours défendu d'avoir un système de valeurs clairement identifié et qu'il se considérait comme un technicien des relations internationales106, il a nettement pris parti contre la souveraineté étatique. Il ne va donc cesser de plaider en faveur de l'intégration régionale.

II- Le néofonctionnalisme

Le néofonctionnalisme comme son nom l'indique prend appui sur le fonctionnalisme à partir des travaux de deux auteurs parus à la fin des années 50 traitant également d'intégration européenne107. Ces auteurs, qui tout en reconnaissant la pertinence des analyses de MITRANY, viennent réhabiliter les autorités politiques là où le politologue Britannique les avait disqualifié. Dans leur pensée, on retrouve l'idée commune selon laquelle, le mouvement d'intégration européenne procéderait d'une dynamique combinant des déterminants fonctionnels et sociopolitiques108. Ernst HAAS accorde ainsi une importance fondamentale à l'action volontariste des institutions centrales, lesquelles sont à l'origine des différents effets induits de l'intégration. Autant dire que pour lui, l'intégration économique procède de l'intégration politique.

LINDBERG quand à lui s'intéresse beaucoup plus aux conséquences de l'intégration économique pour l'intégration politique et met un accent particulier sur le caractère rationnel des comportements des autorités politiques. Que ce soit les gouvernements, les partis ou les groupes

105 Il s'agit du spill over effect.

106 Gérard DUSSOUY,Op. Cit. p 99.

107 Ces travaux sont ceux de : Ernst HAAS, The Uniting of Europe : Political, Social, and Economic Forces: 19501957, Stanford (Calif), Standfort University Press, 1958; Ernst HAAS, The Uniting of Europe : Political, Social, and Economic Forces: 1950-1957, Stanford (Calif), Standfort University Press, 1958,(2ème éd.); Ernst HAAS,The Uniting of Europe : Political, Social, and Economic Forces: 1950-1957, Stanford (Calif), Standfort University Press, 1958, avant propos de Desmond DINAN, nouvelle introduction de Ernst HAAS 7, Notre Dame, University of Notre Dame Press, 2004(3èmeéd.). Léon LINDBERG, The Political Dynamics of European Economic Integration, Stanford (Calif), Standfort University Press, 1963; Léon LINDBERG et Stuart SCHEINGOLD, Europe's Would Be Polity. Patterns of change in European Community, Englewood Cliffs (N.J.), Prentice Hall, 1970.

108 Dario BATTISTELLA, op. cite, p. 376.

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de pression, tous les acteurs de l'intégration comptent y tirer profit par la mise en commun de leurs efforts109.

À partir de l'expérience européenne, Haas avait prétendu faire la démonstration que la politique institutionnelle de rapprochement des États conduisait automatiquement à l'affaiblissement des souverainetés110. Son hypothèse reposait sur l'idée qu'un enchaînement des variables sociales, l'une entraînant la réalisation de l'autre, mènerait à la supranationalité de façon mécanique. C'était sans compter avec les intérêts nationaux et corporatistes qui n'ont cessé de retarder l'intégration111. Aussi, c'était, surtout, en l'absence d'un projet véritablement communautaire, seul susceptible de dépasser les ethnocentrismes. Pour atteindre le but visé, HAAS rechercha du côté de la culture des élites acquises à l'idée de l'intégration, un pôle d'entraînement pour le reste de la société112. Celui-ci constitué, il ne doutait pas que le consensus l'emporterait sur le conflit et il postulait une sorte d'harmonie sociale qu'il ne démontrait pas. Ainsi, pour les néofonctionnalistes, l'intégration notamment européenne est un processus déterminant dans lequel « une action précise, liée à un objectif donné, créée une situation dans laquelle l'objectif initiale ne peut être assuré qu'en mettant en oeuvre des actions supplémentaires, qui sont successivement des conditions futures et une nécessité pour d'autres actions 113».

La persistance dudit processus conduit à une logique du « spill over effect » ou effet d'engrenage qui, désigne « une situation dans laquelle une action donnée, en rapport avec un but spécifique, créée une situation dans laquelle le but initial ne peut être atteint que par de nouvelles actions, qui à leur tour créent les conditions et les besoins d'autres actions encore, etc.114». L'engrenage est à l'origine de la dynamique ascendante de l'intégration économique vers l'intégration politique115, il est le moteur de tout processus d'intégration et est la logique

109 Les idées de Léon LINDBERG sont contenues dans ses ouvrages ci-haut cités.

110 Ernst Haas, Beyond the Nation State : Functionalism and International Organization, Stanford, Stanford University Press, 1964. Cite par Gérard DUSSOUY, Traité de relations internationales. Tome II. Les théories de l'interétatique, Paris : Éditions L'Harmattan, 2008, p 95.

111 Gérard DUSSOUY, op. cit., p. 99.

112 Sabine SAURUGGER, Théories et concepts de l'intégration européenne, Paris, Science PO Les Presses, 2009, P.80.

113 Léon LINDBERG, The Political Dynamics of European Economic Integration, Stanford (Calif), Standfort University Press, 1963, p.9.

114 Ibid., P. 10.

115 Dario BATTISTELLA, op. Cit., p. 373.

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expansive de tout processus d'intégration116. De part et d'autre, le mouvement cumulatif de l'intégration qu'imagine MITRANY, permet aux néofonctionnalistes d'analyser l'intégration européenne à partir de trois Spill over: le Spill over fonctionnel ; le Spill over politique et le Spill over entretenu117. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle HAAS l'a analysé empiriquement dans le contexte de la CECA. Cette analyse peut aussi être transposée sur le processus d'intégration régionale en Afrique afin de ressortir L'intérêt national contenu dans la pensée de l'internationalisme libéral de l'intégration régionale africaine.

PARAGRAPHE II : L'intérêt national dans la pensée de l'internationalisme libéral de l'intégration régionale africaine : un intérêt national altruiste

La détermination de l'intérêt national contenue dans la pensée de l'internationalisme libéral de l'intégration régionale africaine passe par la démonstration de l'enracinement de la théorie fonctionnaliste dans l'intégration régionale africaine (I) et par l'opérationnalisation de la théorie néofonctionnaliste sur cette dernière (II).

I- L'enracinement de la théorie fonctionnaliste au sein de l'intégration régionale africaine : une intégration dépolitisée

Deux aspects fondamentaux permettront d'évaluer cet enracinement. L'on démontrera que les politiques d'intégration en Afrique ont pour objectif de résoudre les problèmes sociaux concrets qui se posent aux peuples (1). Cette résolution de problèmes se fait dans le cadre d'organisations et d'institutions transnationales spécialisées et interdépendantes (2), contribuant ainsi à la construction d'une intégration dépolitisée (3)

116 Sabine SAURUGGER, op. Cit., p. 79.

117 Le Spill over fonctionnel signifie que la coopération entretenue dans un secteur d'activité est susceptible d'induire des effets d'entrainement dans d'autres secteurs. Le Spill over politique signifie que le processus d'intégration engendre une interpénétration organisationnelle conduisant les élites nationales à se rencontrer fréquemment et à échanger leurs vues. Le Spill over entretenu enfin, signifie que l'influence des institutions communautaires est assez grande sur les comportements étatiques.

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1- Les politiques d'intégration et la résolution des problèmes concrets des peuples

En tenant compte du fait que l'UA est le cadre le plus global à partir duquel se déploie l'intégration africaine actuellement, ce sont principalement les efforts de cette organisation qui seront examinés afin de voir s'il existe actuellement en Afrique le souci de résoudre les problèmes sociaux concrets dont a parlé David MITRANY en imaginant la construction européenne.

Dès le préambule de l'acte constitutif de l'UA, nous identifions le souci qu'ont les pairs africains « de relever les défis multiformes auxquels sont confrontés notre continent et nos peuples à la lumière des changements sociaux, économiques et politiques qui se produisent dans le monde 118». Cette idée est suivie de celle de promouvoir le développement socio- économique de l'Afrique et dans le corpus de l'acte constitutif, les pairs africains se fixent entre autre pour objectif « le développement durable au plan économique , social et culturel , ainsi que l'intégration des économies africaines , l'accélération du développement du continent par la promotion de la recherche dans tous les domaines en particulier en science et en technologie , l'éradication des maladies évitables et la promotion de la santé sur le continent119 ».

S'il est difficile pour les peuples d'observer au quotidien la réalisation de ces différents objectifs, nous pouvons néanmoins identifier certaines actions déjà réalisées dans le sens de l'amélioration des conditions de vie des populations. Ces actions sont réalisées dans le cadre des programmes de coopération techniques développés au sein de l'UA. Au nombre de ces programmes, nous pouvons citer celui du CPI-UA120; celui-ci a pour objectif la protection des végétaux et met à la disposition des 53 pays africains membres de l'UA des informations sur la protection des produits végétaux. Les systèmes d'information sur papier sont entre autres l'analyse scientifique, la situation phytosanitaire des pays africains, une collection sur la règlementation et les normes phytosanitaires. Les informations publiées sur des supports CD couvrent les réunions, les règlementations phytosanitaires en vigueur dans les États membres. C'est dans cet ordre d'idée que le CPI-UA a en 2009 organisé des ateliers à Douala (Cameroun)

118 Préambule de l'Acte Constitutif de l'Union Africaine, Lomé, juillet 2000.

119 Article 3 de l'Acte Constitutif de l'Union Africaine, Lomé, 2000.

120 Conseil Phytosanitaire Interafricain.

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et à Addis-Abeba (Éthiopie) respectivement sur la pratique de fumigation et l'harmonisation de la gestion des pesticides dans les régions de l'Est et du Sud de l'Afrique121.

En dehors de ce cas particulier, la résolution des problèmes de développement est envisagée en Afrique dans le cadre du NEPAD, lequel a mis sur pied un certain nombre de priorités allant dans le sens d'une solution aux besoins concrets que rencontrent les populations africaines122. Parmi ces priorités, on retrouve les questions d'agriculture et de sécurité alimentaire ; changement climatique ; développement humain pour ne citer que celles-ci.

Sur l'agriculture et la sécurité alimentaire, le NEPAD entend résoudre le problème des déficits vivriers ; celui du prix élevé des denrées alimentaires ainsi que la question des troubles sociaux connexes naissant de problème de sécurité alimentaire. A cet effet, il dispose d'un Programme Détaillé du Développement de l'Agriculture Africaine (PDDAA) qui a été conçu pour faire face aux défis majeurs de l'agriculture sur le continent. Son objectif est d'assister les pays africains à atteindre un niveau de croissance par le biais d'un développement axé sur l'agriculture, éliminer la faim, réduire la pauvreté et l'insécurité alimentaire123.

Sur les changements climatiques, il est question de lutter contre la pollution ; la dégradation de la qualité des sols ; la désertification et la mauvaise qualité de l'air qui menace les vies et l'avenir des populations africaines. Le NEPAD dispose à cet effet d'un Programme Changements Climatiques et environnement dont l'objectif final est de promouvoir la bonne intendance des écosystèmes de l'Afrique124 .

En ce qui concerne le développement humain, il est question de s'intéresser aux questions d'éducation, de science, de technologie et de soins de santé. Au plan de l'éducation, le NEPAD promeut l'éducation pour tous en Afrique. Au plan de la santé, son action consiste à faire des interventions positives en matière de soins de santé afin d'atteindre les objectifs de développement du millénaire. En effet, « La santé et ses défis sont d'une importance critique

121 Guy MVELLE, L'union Africaine face aux contraintes de l'action collective, Paris, L'Harmattan, 2013, pp. 50&51.

122 Guy MVELLE, « Cours de théories de l'intégration africaine », Yaoundé, IRIC, inédit, année académique 20112012.

123 Guy MVELLE, op. cit P.51.

124 UA, Plan d'action pour l'Afrique de l'UA/NEPAD 2010-2015, Addis-Abeba, UA, 2009, p.81.

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pour le progrès de l'Afrique. La capacité de la population à participer à l'activité économique et à profiter d'une meilleure qualité de vie est vraiment déterminée par son état de santé. La communauté internationale a accepté des Objectifs de Développement du Millénaire (MDG) spécifiques pour la santé et s'efforce de les réaliser avant 2015. L'atteinte des MDG en matière de santé - en réduisant la mortalité infantile, améliorant la santé maternelle et combattant le VIH/SIDA, le paludisme et les autres maladies - facilitera le développement social et économique et la croissance en Afrique125 ».

Enfin dans le domaine des sciences et de la technologie, le NEPAD travaille à la création et à la consolidation des réseaux à l'instar du Réseau des Instituts Africains de Mathématiques ou des Réseaux Africains de Biosécurité126. Ces objectifs à caractère socio- économique fixés dans le cadre du NEPAD ont déjà connu un début de réalisation effective plus de 10 ans après le lancement de ce programme et participent à la résolution des problèmes sociaux concrets du peuple.

En dehors de la résolution des problèmes concrets qui s'opposent au peuple, David MITRANY parle également d'organisations internationales fondées sur des principes fonctionnels et non pas territoriaux.

2) La prolifération d'institutions transnationales spécialisées

Si la résolution des problèmes sociaux est désormais l'une des principales préoccupations de l'intégration africaine, il n'en demeure pas moins que la deuxième grande exigence du fonctionnalisme techniciste de MITRANY ne connaît qu'en partie un enracinement sur le continent noir127. Pour lui, tout doit passer par la création d'organisations spécialisées et interdépendantes, il s'agit d'envelopper les divisions politiques d'un tissu d'activités et d'agences internationales dans lesquelles et grâce auxquelles les intérêts et les exigences de toutes les nations seraient progressivement intégrés128. Pourtant, que l'on soit dans l'intégration du lendemain des indépendances, que dans celle construite à partir de la fin des années 1990, les

125 Ibid. p.50.

126 Ibid. p.67.

127 Guy MVELLE, « Cours de théorie de l'intégration africaine », Yaoundé, IRIC, inédit, année académique 20112012.

128 Alfredo SUAREZ, Intégration régionale. Évolution d'un concept, Paris, HACHETTE, 2009, p. 66.

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deux formes de regroupement ont plutôt été généralistes avec une grande tonalité politique. Sous l'OUA, les Chefs d'État et de Gouvernement réunis à Addis-Abeba le 25 mai 1963, s'étaient fixés pour objectif de coordonner et d'harmoniser leur politique générale dans presque tous les domaines. Plusieurs domaines étaient ainsi envisagés : la politique, la diplomatie, l'économie, les transports, les communications, l'éducation et culture, santé, hygiène et nutrition, sciences et techniques, défense et sécurité129.

L'UA, s'inscrivant dans le sentier historique de l'OUA a repris cette manière de concevoir l'intégration en se fixant principalement pour objectif de « réaliser une plus grande unité et solidarité entre les pays africains et entre les peuples d'Afrique130 ». Dans cet engagement, les domaines d'intervention sont multiples131. Autant dire que si l'Afrique a effectivement à coeur la résolution des problèmes socio- économiques concrets qui se posent à ses peuples, cette démarche passe prioritairement par les cadres d'actions plus généralistes en lieu et place d'institutions spécialisées fonctionnalistes que prône David MITRANY. Mais sans doute conscient des difficultés qu'il y a à embrasser tous les problèmes qui se posent à leur peuple, les pairs africains ont tenté plutôt une spécialisation à l'intérieur même de la structure généraliste de l'UA. Cette spécialisation est perceptible au niveau des portefeuilles de la Commission de l'UA, on y trouve des commissaires chargés de la paix et de la sécurité ; des affaires politiques ; des infrastructures et énergie ; les affaires sociales ; ressources humaines ; sciences et technologie ; commerce et industrie ; économie rurale et agriculture ; affaires économiques132. Nous pouvons étendre ces exemples sur les institutions financières africaines en création dont le FMA (Fond Monétaire Africain).

Il faut enfin noter utilement la forme d'intégration à tonalité économique adoptée par les 8 CER133 reconnues par l'UA. Ces regroupements bien qu'ayant élargi progressivement leur mission, dans des domaines tels que la paix et la sécurité, ont été fondamentalement crées pour promouvoir une intégration économique et le développement des peuples africains. Malgré ces

129 Article 2 de la charte de l'Organisation de l'Unité Africaine du 25 mai 1963.

130 Article 3(a) de l'Acte Constitutif de l'Union Africaine, Lomé, 2000.

131 Il s'agit de : la défense de la souveraineté des États ; l'intégration politique et socio-économique ; la défense des positions communes Africaines ; la promotion de la paix et de la sécurité ; la promotion des principes de démocratie... Les domaines d'intérêts communs sont aussi nombreux que divers : commerce extérieur ; énergie ; industrie et ressources minérales ; alimentation ; agriculture ; ressources animales...

132 Toutes ces politiques sont contenues dans le Projet Cadre de Politique Sociale Africaine de juin 2008.

133 CEEAC, CEDEAO, UMA, CEN-SAD, SADC, EAC, IGAD, CEPGL.

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tentatives de spécialisation en interne à l'UA. Nous constatons que toutes ces institutions et organes bien qu'étant chargés de s'occuper des questions socio-économiques, demeurent fortement politisés et coordonnés par les autorités politiques. Or, le diplomate et universitaire Britannique a bien voulu disqualifier le politique qui est par essence égoïste et conflictuel pour laisser la place à des autorités supranationales ayant des compétences transversales sur les questions d'intérêts communs. Il est conscient de ce que la voie politique vers l'intégration est trop ambitieuse, il faut nécessairement passer par l'économique et l'intégration économique constituera les fondements d'une union politique garante de paix.

3) Une intégration dépolitisée

La théorie fonctionnaliste ne concerne pas spécifiquement la construction européenne. MITRANY semble réticent à l'idée de constructions régionales qui ne feraient selon lui que déplacer la compétition entre les États vers les oppositions entre unités régionales ou continentales plus vastes134. Cependant, les principes et l'articulation de la théorie fonctionnaliste sont importants pour comprendre l'intégration régionale africaine. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle l'UA et le NEPAD ont mis sur pied des politiques sociales pour renforcer l'interdépendance des États africains et pacifier leurs relations. L'étude de la CECA par exemple réalisée par Ernst HAAS confirme le projet de Jean MONNET de créer une entité politique à partir d'une intégration économique. A cet effet, il affirme : « As compared with conventional international organizations, the supranational variety clearly facilitates the restructuring of expectations and attitudes far more readily. Though not federal in nature, its consequences are plainly federating in quality merely because it activates socio-economic processes in the pluralistic-democratic milieu in which it functions, but to which conventional international organizations have no access. And to this extent the version of Jean MONNET has been clearly justified by events135». C'est dans cette logique que la Communauté Économique Africaine a vu le jour en 1991. Toute fois, le fonctionnalisme initial tend à se distinguer de l'approche constitutionnelle selon laquelle l'intégration des États et la convergence des intérêts impliquent une construction politique globale.

134 David MITRANY, op. cit. p.27.

135 Ernst HAAS, The Uniting of Europe: Political, Social, and Economic Forces: 1950-195, Stanford (Calif), Standfort University Press, 1958, p.527.

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Dans une perspective purement fonctionnaliste, l'Afrique devra renforcer la coopération technique entre ses unités constitutives par la création d'agences techniques au grand bonheur d'intérêts communs. L'amélioration du programme frontière de l'Union Africaine ne vise pas à changer les frontières des États mais à les rendre insignifiantes grâce à une coopération fonctionnelle136. Le processus d'intégration régionale en Afrique devra de plus en plus s'appuyer sur des intérêts communs pour former une société transnationale effective137, qui consolide les intérêts communs de ses membres.

II- L'enracinement de la théorie néofonctionnaliste au sein de l'intégration régionale africaine : une intégration au service des intérêts fonctionnels communs

L'universalisme du néofonctionnalisme au regard de la réalité africaine passe par la coordination des activités-économiques par les autorités politiques (1) et par la possibilité d'engrenage à partir d'un secteur donné (2). L'intégration régionale africaine vue sous cet angle est au service des intérêts fonctionnels communs des États (3)

1) La coordination des activités socio-économiques par les autorités politiques

La combinaison des déterminants fonctionnels et socio-politiques signifie que la résolution des problèmes concrets des peuples est indissociable au volontarisme des autorités politiques. Cette idée a été traduite en Europe par la mise en commun des productions de base (charbon et acier) et par l'institution d'une haute autorité dont les décisions liaient tous les États membres.

En Afrique, que l'on soit dans le cadre de la Commission de l'UA ou dans celui du NEPAD, nous observons cette prise en compte à la fois des aspects fonctionnels et socio-politiques dans les priorités identifiées par ces organes. Autant, la commission de l'UA s'occupe des questions

136 Guy MVELLE, op. Cit. p. 49.

137 Paul HERAULT, Ibid. p. 32.

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strictement politiques, autant elle est également préoccupée par les aspects à caractère socio-économique138, en démontre la dénomination de ses portefeuilles.

Pour le NEPAD, le fait d'avoir des missions fondamentalement socio-économiques, nous renvoie au caractère fonctionnel de ce programme. Mais à partir du moment où ces activités sont coordonnées par des autorités politiques, nous sommes en droit de dire qu'il y a enracinement des thèses néo fonctionnalistes dans ce programme. Pour les néo fonctionnalistes, la politisation est l'une des propriétés de l'intégration ; la réalisation des objectifs sociaux est conditionnée par la volonté politique139. Au sommet de Lusaka (Zambie) de juillet 2001, il a ainsi été convenu de la création du comité de mise en oeuvre des Chefs d'État et de Gouvernement, ce comité est devenu le comité d'orientation des Chefs d'État et de Gouvernement, lequel a créé à son tour le comité de pilotage et le secrétariat du NEPAD, devenu agence du NEPAD.

Autant dire que la coordination des activités du NEPAD est faite par un organe politique même si le schéma institutionnel n'est pas encore aussi complet que celui qu'on a connu avec la CECA140. À ce stade, nous ne pouvons parler que d'un enracinement embryonnaire de l'idée selon laquelle les activités socio- économiques sont coordonnées par les autorités politiques. Mais au-delà du NEPAD, il est aisé d'observer une omniprésence du politique dans tout le processus d'intégration initié dans le cadre de l'UA. La seule analyse du processus décisionnel démontre la forte dépendance et la soumission des organes de l'UA à la volonté des Chefs d'État et de Gouvernement, car presque tous les organes et institutions d'intégration africaine sont sous l'emprise de la Conférence des Chefs d'État et de gouvernement.

2) La possibilité d'engrenage à partir d'un secteur donné

Si les néofonctionnalistes étudient les conditions de l'intégration, ils la considèrent également comme un processus qui commence par un secteur modeste à partir duquel s'enclenchera un engrenage. Il s'agit de commencer par un secteur le plus souvent de nature socio-économique afin d'envisager l'hypothèse d'une intégration politique plus large. En

138 Le Projet Cadre de Politique Sociale Africaine de juin 2008 le démontre à suffisance.

139 Posado. E. VIEIRA, « Développements régionaux d'espaces sous -régionaux, transfrontaliers et transnationaux :

une option pour l'intégration l'Amérique latine », Pontificia Universidad Javeriana,
http://book.google.fr/book?id=YS5jonUC&Printsec, 2006, p.156.

140 Guy MVELLE, cours sus cité.

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examinant le cas du NEPAD, nous observons que plus de 10 ans après son lancement, un début d'effort a été entrepris pour que les projets socio-économiques entrainent à moyen terme une intégration plus large en Afrique. Il en est ainsi dans le domaine de l'éducation et de la formation ; dans celui des sciences ; celui de la technologie et de l'innovation ou encore celui des biosciences.

Dans le domaine de l'éducation et de la formation par exemple, le NEPAD a procédé au perfectionnement des ressources humaines pour les infirmiers et sages-femmes. Dans le cadre de ce projet, un certain nombre d'étudiants ont pu mener à terme, des programmes du niveau de maitrise et ont acquis de l'expérience professionnelle sur le terrain141.

Dans le domaine des biosciences, nous notons la réalisation des recherches portant sur les remèdes traditionnels contre le VIH/SIDA ; le SF-2000 est un remède à base de plante utilisé par un herboriste Zambien sous forme de capsule et qui fait l'objet d'expérimentations précliniques grâce au NEPAD. D'autres projets dans le même ordre d'idée portent sur la culture des champignons et le transfert de la technologie d'aquaculture aux communautés locales, notamment aux femmes. Ces différents projets dont la teneur est plus socio-économique que politique sont mis en oeuvre par le NEPAD dans l'espoir qu'ils pourraient facilement rapprocher les acteurs africains secteur par secteur pour qu'à terme soit réalisée l'intégration globale souhaitée en Afrique : c'est l'idée de Spill over fonctionnel, laquelle postule que la coopération entretenue dans un secteur d'activité est susceptible d'entrainer des effets d'entrainement dans d'autres secteurs. C'est ainsi que, beaucoup d'autres aspects du néo fonctionnalisme restent en suspens dans l'intégration régionale africaine; c'est le cas du rapprochement entre les élites nationales; c'est également le cas de la réalisation du transfert définitif des loyautés du niveau national au niveau supra national142.

En dépit de cet enracinement limité de la théorie néofonctionaliste sur l'intégration régionale africaine, nous pouvons néanmoins affirmer que, cette dernière est au service de la consolidation des intérêts fonctionnels des États membres.

141 NEPAD, Newsletter, juin 2013, p.4.

142 Guy MVELLE, cours sus cité.

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3) Une intégration au service des intérêts fonctionnels communs

La notion de « spill over » permet au néofonctionaliste d'expliquer le passage de l'intégration économique à l'intégration politique. L'idée étant que toute coopération, en accroissant les interdépendances, nécessite un renforcement de la coopération dans de nouveaux domaines et ainsi de suite jusqu'à la constitution d'une entité politique. HAAS affirme exactement à cet effet : « Spillovers occur when experience gained by one integrative step reveals the need for integration in functionally related areas143». La prolifération d'agences techniques coordonnées par le politique permet de consolider les intérêts communs des acteurs en lieu et place des intérêts égoïstes des États membres. Même s'il exister à un décalage entre les politiques fonctionnelles « déterritorialisées » et menées à l'échelon régional et des « intérêts qui restent solidement ancrés dans des territoires, nationaux ou infranationaux. »144, l'intérêt commun reste supérieur à l'intérêt égoïste d'une entité isolée. C'est la raison pour laquelle les agences spécialisées de l'UA sont coordonnées généralement par le politique qui assure la prééminence d'un intérêt national favorable à l'intégration régionale africaine.

Quoiqu'il en soit, l'enracinement de l'approche de l'internationalisme libérale dans la réalité de l'intégration régionale africaine est au service de l'intérêt national altruiste ; car cette approche postule la suprématie des institutions d'intégration sur les États. Ces institutions étant au service des États membres contribuent à l'exaltation d'un tel 'intérêt national. En examinant les théories d'intégration à tendance libérale, il nous a été donné de constater au moins partiellement que les besoins sociaux concrets des peuples étaient des préoccupations des acteurs de l'intégration africaine. Bien plus, au sein de l'UA. Nous observons une sorte de spécialisation interne des institutions qui ont été créées par l'acte constitutif. Le néofonctionnalisme, quant à lui, est venu permettre d'appréhender cette intégration à partir de la coordination qui est faite par les autorités politiques tant au sein du NEPAD qu'au sein d'une autre institution hors UA comme l'ASECNA.145 Cette idée de coordination des activités les plus diverses par les autorités politiques est d'ailleurs présente dans les écrits des auteurs africains de l'intégration. Ainsi : « les liens économiques effectifs ne peuvent être créés sans une saine

143 Ernst HASS, Ibid. p. 98.

144 Christian LEQUESNE, L'Union Européenne : du terrain à la théorie, Cité par Paul HERAULT, Ibid. p. 33.

145 La Conférence des Chefs d'État est l'instance suprême de coordination des organes et institutions de l'union.

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direction politique qui leur donne force et raison d'être146 » Autant les théories fonctionnalistes et néo fonctionnalistes sont enracinables au moins partiellement, autant peuvent l'être les théories de l'inter gouvernementalisme.

SECTION II : L'INTÉRÊT NATIONAL DANS LE PROCESSUS D'INTÉGRATION RÉGIONALE EN AFRIQUE VU SOUS LE PRISME DES THÉORIES DE L'INTERGOUVERNEMENTALISME

Pour ressortir la nature de l'intérêt national contenu dans le processus d'intégration régionale africaine pensé sous le prisme de l'approche de l'intergouvernementalisme, il importe au préalable de définir ladite approche (PARAGRAPHE.I) afin de l'opérationnaliser sur ledit processus (PARAGRAPHE.II)

PARAGRAPHE I : Les théories de l'intergouvernementalisme

Si le fonctionnalisme et le néo fonctionnalisme sont deux approches libérales permettant de comprendre et d'expliquer l'intégration, l'intergouvernementalisme appartient au courant réaliste, lequel met en avant l'État et son rôle dans le processus de l'intégration. Il vient donc mettre au goût du jour l'importance de l'État-nation dans le processus d'intégration, ce qui introduit une combinaison entre les pouvoirs des États-nations et le pouvoir des institutions d'intégration.

Initié dès les années 1960 par Stanley HOFFMANN, qui sera suivi de Robert KEOHANE et bien après dans les années 1990, d'Andrew MORAVCSIK147, l'inter gouvernementalisme considère que les décisions des organisations internationales résultent d'un marchandage entre les États rationnels. Stanley HOFFMANN, parle de mise en commun de la souveraineté au sein des organisations internationales qui sont des multiplicateurs de puissance.

En analysant le cas de la construction européenne148, Ernst Haas prévoyait déjà la possibilité d'un retour aux actions nationales de la part de certains gouvernements qui seront tentés de combattre, ignorer ou saboter les décisions de l'autorité fédérale. Cette manière de voir

146Kwame NKRUMAH, L'Afrique doit s'unir, paris, Payot, 1964, p. 201.

147 Dario BATTISTELLA, op.cit. p. 382.

148 Cette analyse est faite dans la deuxième édition de The Uniting of Europe de 1968.

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se rapproche ainsi de la vision des acteurs que se réclame l'intergouvernementalisme. Ceux-ci viennent réinterpréter le processus d'arrangement institutionnel de la communauté européenne en caractérisant cette dernière comme étant une organisation qui partage la souveraineté sans la céder ou la partager149. La communauté européenne va certes plus loin qu'une simple organisation internationale, qui est soumise au principe de spécialité et qui ne peut statuer que dans les domaines qui lui ont été confiés par l'acte constitutif. Mais pour les intergouvernementalistes, nous sommes en faveur d'une structure plus proche d'une fédération, laquelle se fonde sur la réalisation des négociations inter gouvernementales comme condition préalable au succès de l'intégration. Car la où les intérêts nationaux vitaux sont en jeu, les États « préfèrent les certitudes, ou les incertitudes auto-contrôlées, de l'indépendance nationale, aux incertitudes non contrôlées d'une fusion qui nulle part encore n'a fait ses preuves 150 ». Présentée sous diverses formes, l'intergouvernementalisme se distingue par une approche dite originelle ou classique (I) d'une part et par une approche dite libérale d'autre part (II).

I- L'intergouvernementalisme classique de Stanley HOFFMAN

Si les théories fonctionnalistes et néo fonctionnalistes soutiennent que les organisations internationales ont vocation à se substituer progressivement à l'État, notamment sous l'effet des groupes de pression, l'inter gouvernementalisme classique affirme que ces organisations institutionnalisent plutôt la négociation-marchandage entre États; « ce sont les autorités étatiques, qui restent maîtres du processus d'intégration151 ». Dans sa forme la plus pure, cette théorie postule la primauté du politique sur l'économie152. Contrairement au fonctionnalisme, l'intergouvernementalisme originel pense que la décision de taire certaines questions comme des questions techniques est elle-même une décision politique. L'intégration passe en cela par l'intégration des unités politiques. Par là même, cette approche de l'intégration reconnait le rôle que peuvent jouer les acteurs de la société civile et autres mouvements transnationaux, mais tout en reconnaissant la marge de manoeuvre de ceux-ci, elle les considère comme des phénomènes secondaires. Les actions et les contacts que mènent ces acteurs non gouvernementaux ou non

149 Dario BATTISTELLA, op.cit. p. 379.

150 Standley HOFFMANN, «Obstinate or Obsolete? The Fate of the Nation-State and the Case of West Europe»(1966), dans Standley HOFFMANN, The European Sisyphus. Essays on Europe 1964- 1994, Boulder, Westview, 1995, p. 71-106. Cité par Dario BATTISTELLA, Op. Cit. p.379.

151 Dario BATTISTELLA, op.cit. p. 380.

152 Standley HOFFMANN, Op. Cit. pp. 71-106.

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politiques sont alors des épis phénomènes en comparaison avec la densité des interactions inter gouvernementales. Ce qui rompt avec les thèses fonctionnalistes qui postulent la primauté de l'économie sur le politique ; rompt également avec le néo fonctionnalisme qui espère voir les autorités fonctionnelles et les autorités politiques fusionner en une autorité acquérant une assise territoriale sans laquelle il ne saurait y avoir d'intégration légitime. Cette maitrise du processus d'intégration par les souverainetés étatiques est une idée certes défendue par tous les intergouvernementalistes, mais ceux de tendance libérale mettent en avant la satisfaction des revendications des acteurs sociaux et les comportements stratégiques des États.

II- L'intergouvernementalisme libéral de Andrew MORAVCSIK

Cette approche reconnait avec l'intergouvernementalisme originel que le politique reste la clé de l'intégration. Mais MORAVCSIK refuse de considérer les États comme des boules de billard ou des boites noires dont les positions seraient rigides153. Pour lui, les intérêts que défendent les États sur la scène internationale proviennent bien des marchandages inter gouvernementaux qui ont lieu entre les autorités étatiques et les acteurs sociétaux internes154. Ici est postulée la rationalité de l'acteur étatique, car l'intégration est la résultante d'un marchandage stratégique entre États et l'hypothèse libérale de la formation des préférences nationales au niveau sociétal155.

L'intégration chez MORAVCSIK dépend ainsi de deux variables : la pression que les acteurs sociétaux exercent sur leurs gouvernements, lesquels peuvent mieux satisfaire leurs intérêts que le niveau régional; et le marchandage entre autorités étatiques au sein des institutions régionales. C'est dire d'après ce dernier que, l'intégration est comparable à un « jeu à deux niveaux 156 ».

153Andrew MORAVCSIK, «Negociating the Single European Act. National interests and Conventional Statecraft in the European Community», International Organization, 45 (1), hiver 1991, p. 19- 56.

154 Andrew MORAVCSIK, «Negociating the Single European Act. National interests and Conventional Statecraft in the European Community», International Organization, 45 (1), hiver 1991, p. 19- 56. Cite par Dario BATTISTELLA, op.cit. p. 382.

155 Dario BATTISTELLA, op.cit. p. 383.

156 Robert PUTNAM, «Diplomacy and Domestic policy. The Logic of Two-Level Game», cite par Dario BATTISTELLA, op.cit. p.384.

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En étudiant le traité de Rome, le marché commun, l'intégration monétaire, MORAVCSIK conclut que ces réalisations ont été possibles grâce au pouvoir relatif des États membres et à la convergence de leurs préférences politiques nationales157. MORAVCSIK présente donc une approche de l'inter gouvernementalisme dite libérale qui est une sorte de synthèse entre l'approche néofonctionnaliste qui est une fusion entre unités fonctionnelles et unités politiques et l'intergouvernementalisme originel dont les décisions techniques impliquent pour être légitimes, les décisions politiques. Il (re)politise donc l'intégration régionale en observant la construction européenne. A partir de ce qu'il appelle le cadre d'analyse rationaliste de la coopération internationale, il identifie à chaque fois trois étapes dans un processus d'intégration : la formation des préférences nationales, les négociations interétatiques, enfin, les choix des institutions supranationales158.

Les préférences nationales renvoient aux objectifs des groupes sociaux qui ont une influence sur l'État : syndicats, les regroupements catégoriels divers à l'instar des associations de défense de l'environnement et des minorités de toutes natures. Les négociations inter étatiques ont pour but non seulement de répercuter les préférences nationales au niveau communautaire, mais également de négocier la redistribution des gains au sein du processus d'intégration. Elles ont enfin pour but de faciliter l'adoption des mécanismes contraignants et incitatifs favorisant l'intégration. Le choix des institutions supra nationales concerne la délégation des pouvoirs faite par l'État-nation après les négociations. A cet effet, les États choisissent entre le partage de la souveraineté avec l'instance communautaire et la cession. L'Afrique, inscrite dans un processus d'intégration, ne peut se passer de cette approche; c'est pourquoi il est important de confronter cette approche à la réalité africaine pour ressortir la nature de l'intérêt national qu'elle laisse émerger.

PARAGRAPHE II : L'intérêt national dans la pensée intergouvernementaliste de l'intégration régionale africaine : un intérêt national égoïste

La détermination de la nature de l'intérêt national contenu dans la pensée

intergouvernementaliste de l'intégration régionale africaine consiste à démontrer son

157 Ibid.

158 Andrew MORAVCSIK, Ibid.

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enracinement dans cette réalité à travers le rôle et la place des gouvernements nationaux dans les grandes négociations politiques en Afrique (I) et à démontrer que l'intégration régionale africaine est aussi la formulation et la prise en compte des préférences sociétales (II).

I- Le rôle et place des gouvernements nationaux dans les grandes négociations politiques en Afrique

La création du NEPAD nous semble être le résultat de marchandages intergouvernementaux entre États africains venant faire prévaloir la vision du développement et de l'intégration africaine. En effet, le NEPAD est issu de trois initiatives gouvernementales parallèles. La première est le partenariat du millenium pour le redressement de l'Afrique conduit par l'ancien Plan OMEGA conçu par le Président du Sénégal d'alors Abdoulaye WADE. Les deux ont été fusionnées pour donner naissance à une troisième initiative appelée la Nouvelle Initiative pour l'Afrique laquelle a abouti au NEPAD en 2001 avec le concours de 3 autres gouvernements que sont l'Algérie, l'Égypte et le Nigéria. Toutes les 3 initiatives avaient en commun d'accélérer le rythme du développement et de l'intégration de l'Afrique.159 Elles présentaient certaines similitudes mais comportaient également des différences reflétant les priorités régionales et les intérêts de leurs concepteurs. Ce qui nous fait dire que les cinq gouvernements avaient à coeur la défense de leurs intérêts et que le processus d'adoption du NEPAD a été le fait d'autorités étatiques qui n'ont laissé la place à la communauté de l'UA qu'en dernière instance. Il a donc fallu faire des compromis entre les différents initiateurs pour fusionner ces trois propositions en une seule initiative. A cet effet, le NEPAD est la traduction des tractations intergouvernementalistes lesquelles ont permis d'aboutir à une initiative continentale. C'est d'ailleurs ce qui a amené Lennie GENTLE160 à affirmer que le NEPAD était une voie pour l'impérialisme Sud -Africain161

159 African Labour Research Network, Le NEPAD face à ses défis. Alternatives à la mondialisation néo-libérale , Johannesbourg, NALEDI, 2004, pp.11et 58.

160 Il est chercheur au groupe international de la documentation et d'information sur le travail, (ILRIG), situé au Cap, en Afrique du Sud.

161 Lennie GENTLE, « Le NEPAD et l'impérialisme Sud -Africain », dans le rapport de African Labour Research Network intitulé : Le NEPAD face à ses défis. Alternatives à la mondialisation néo-libérale, Johannesbourg, NALEDI, 2004, pp. 53et54.

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En dehors de l'intégration au sein de l'UA, les ententes intergouvernementales sont également perceptibles au sein des CER. C'est le cas au sein de la CEEAC dans le processus actuel de création des pôles d'excellence technologique universitaire (PETU) entre les dix membres de la région. En lieu et place d'une dynamique impulsée par les instances communautaires de la CEEAC, nous voyons plutôt en première ligne quatre États de la région162. Parmi ces États, le Cameroun est le véritable moteur de cette initiative. C'est cet État qui a accepté d'accueillir et d'organiser en moins de six mois deux réunions dont les résultats ont été indispensables au processus de création des PETU en zone CEEAC. C'est également le Cameroun qui a saisi l'UNESCO pour accomplir dans l'organisation de cette série de concept et bien plus à l'observation de la création des PETU, il ressort une prépondérance des autorités gouvernementales qui doivent répondre au préalable à une déclaration commune d'engagement avant que la CEEAC n'adopte une directive en la matière. Ceci nous montre à quel point les États sont en première ligne dans le processus d'intégration face à des institutions communautaires plutôt passives pour ne pas dire sans poids majeur tant que le partage du pouvoir ou sa cession n'est pas encore décidée par les gouvernements des États163.

II- La formulation et de la prise en compte des préférences sociétales

Cet aspect de l'intergouvernementalisme libéral est difficile à établir en Afrique. S'il est vrai que plusieurs mesures prises au niveau continental correspondent à la satisfaction des besoins concrets des peuples, il est néanmoins difficile d'établir un lien entre les revendications faites au plan interne par les groupes organisés et l'inscription de ces revendications dans l'agenda de l'UA. Non seulement il est difficile de dire que le NEPAD est la résultante des préférences nationales portées au niveau continental, en plus des priorités retenues, dans le cadre de l'agenda de sa mise en oeuvre semblent être le fait de l'imagination des seuls gouvernants.

Qu'il s'agisse des questions de paix et de sécurité, du développement, des TIC, de l'éducation et de la santé, il est difficile de dire que ces priorités ont été établies à partir des revendications sociétales formées au plan interne et portées au niveau continental par les

162 Ces États sont : le Cameroun, la RCA, la RDC et le Tchad.

163 Guy MVELLE, cours sus cité.

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gouvernants. La question de l'influence de la société civile sur les pouvoirs africains reste encore un grand débat.

En revanche dans le domaine politique il est aisé de dire qu'un certain nombre de normes adoptées au plan continental répondent aux aspirations formulées par la classe politique de l'opposition ces dernières années. C'est le cas du Protocole à la Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples relatif aux droits des femmes adopté à Maputo en juillet 2003. Ce protocole apporte des réponses à une longue tradition de revendications féministes. Nous pouvons également citer le cas de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance adoptée en 2007 et entrée en vigueur en 2012 qui, est l'une des réponses aux différentes revendications à caractère politique formulées depuis le début des années 90 en Afrique. Cette prédominance du rôle des États dans la mise sur pieds des institutions d'intégration est en faveur de l'intérêt national égoïste; car les États jouant le rôle de pilier du processus ne peuvent promouvoir que ce type d'intérêt.

Quoiqu'il en soit, l'intérêt national contenu dans la vision intergouvernementaliste de l'intégration régionale est un intérêt national égoïste, car comparativement à l'Union Européenne, certains analystes observent que l'État-nation reste l'unité politique en termes d'allégeance, d'identité et de citoyenneté. C'est pourquoi, Stanley HOFFMANN pense que l'État-nation reste le référentiel majeur des citoyens en termes d'allégeance et de sécurité164. Cette vision laisse entrevoir l'importance de l'État dans la construction régionale africaine et cerne cette dernière comme un « régime international 165 » consenti par les États-membres, et non comme un processus d'intégration conduisant à la formation d'une entité supranationale. Les régimes ne peuvent se maintenir que si les États en tirent en termes de promotion de leurs intérêts égoïstes ; ils n'acceptent la contrainte, les concessions que dans l'espoir de profiter d'une réciprocité différée166. Dans une telle vision, la poursuite de l'intérêt national égoïste reste le principe d'action de la construction de l'intégration régionale en Afrique.

164 Stanley HOFFMANN, «Reflexions on the Nation-State in Western Europe Today», Journal of commun market studies, September 1982, vol21, p.21-38.

165 Ensemble de normes et de comportements, de règlements et de politiques.

166 Stanley HOFFMANN, art. Suscité, p. 34.

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L'opérationnalisation des théories générales de l'intégration à la réalité de l'intégration régionale en Afrique nous a permis de constater que l'intégration régionale africaine cernée sous le prisme de l'approche de l'internationalisme libéral exalte un intérêt national altruiste. Sous la vision intergouvernementaliste, l'intégration régionale en Afrique est au service des intérêts égoïstes des États.

Nous constatons qu'il existe en définitive un continuum entre l'intérêt national et l'intégration régionale en Afrique. En effet, l'intérêt national, quelque soit sa conception est la principale motivation de l'adhésion des États aux processus d'intégration. Aussi, la conception de l'intégration régionale en Afrique en fonction des approches de l'internationalisme libéral et de l'intergouvernementalisme permet de déterminer la nature des intérêts qu'exalte cette intégration. C'est ce que l'opérationnalisation des théories générales de l'intégration régionale sur la réalité de l'intégration régionale africaine nous a permis de constater. De cette analyse, il ressort que la notion d'intérêt national est ambivalente et ses conceptions influencent distinctement le processus d'intégration régionale en Afrique.

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DEUXIÈME PARTIE : L'AMBIVALENCE DE LA NOTION D'INTÉRÊT NATIONAL A L'ÉPREUVE DE L'INTÉGRATION RÉGIONALE EN AFRIQUE

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Si les auteurs sont unanimes sur la définition de l'intérêt national comme ce qui importe le plus à un État, ce qui constitue l'enjeu par excellence pour lui et guide son action politique167, ils ne s'accordent pas sur la signification substantielle de cette notion. C'est pour quoi l'intuition d'Arnold WOLFERS, estimant que la popularité dont jouit la notion d'intérêt national tend à démontrer qu'elle peut ne pas avoir la même signification pour tout le monde reste d'actualité. C'est une notion polysémique par excellence, car après sa conception réaliste longtemps prédominante, se sont succédées les conceptions libérale et constructiviste168. C'est une notion qui est populaire et est présente dans plusieurs domaines y compris celui de l'intégration régionale.

La notion d'intérêt national est aussi ambivalente : alors que les réalistes et les libéraux la définissent de façon égoïste, les constructivistes la cernent de façon altruiste. A l'épreuve de l'intégration régionale en Afrique, cette ambivalence exerce une influence considérable. Les États africains participent aux processus d'intégration régionale pour satisfaire leur intérêt national qui, par nature est la principale motivation de ceux-ci sur la scène internationale. De la nature de ces intérêts dépend la dynamique ou les freins au processus d'intégration régionale. Pour mieux cerner les contours de l'influence de l'ambivalence de l'intérêt national sur le processus d'intégration régionale, nous démontrerons que l'intérêt national égoïste est un frein à l'intégration régionale africaine (CHAPITRE III), alors que l'intérêt national altruiste lui, constitue un facteur de dynamisation de cette intégration (CHAPITRE IV).

167 Marie-Claude SMOUTS, Dario BATTISTELLA, Pascal VENNESSON, Op. Cit. p. 298.

168 Ibid.

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CHAPITRE 3 : L'INTÉRÊT NATIONAL ÉGOÏSTE : UN FREIN A L'INTÉGRATION RÉGIONALE EN AFRIQUE

La défense de l'intérêt national est traditionnellement classée parmi les fonctions régaliennes de l'État. Elle est la principale motivation de l'État sur la scène internationale. Selon l'approche réaliste des relations internationales, l'objectif de la politique extérieure d'un État est la défense des intérêts de l'État, compris en « termes de puissance 169». En effet, partant du principe selon lequel l'État est un acteur rationnel animé par un instinct de survie, la puissance militaire, démographique et économique qui lui permet de garantir sa sécurité, fait figure d'éléments déterminants de son comportement vis-à-vis des autres États. Il importe de retenir de cette approche que tous les États sont supposés être guidés par les mêmes motivations tant que l'organisation du système international repose sur l'anarchie, c'est-à-dire l'absence d'autorité supérieure à celle des États. Il en découle une unité de la défense de l'intérêt national quels que soient le moment historique et le lieu de son action, tous ses protagonistes s'inscrivant dans une quête de puissance. Ainsi les agissements, les comportements stratégiques des États africains depuis le début du processus d'intégration régionale en Afrique pourraient s'analyser comme la conséquence des tentatives répétées des États visant le renforcement de leurs intérêts nationaux égoïstes.

En fait, l'intérêt national égoïste qui a pour corollaires la consécration de l'autorité suprême d'un État sur un territoire et l'exclusion de toute ingérence d'un autre État sur ses décisions. Cette conception de l'intérêt national est profondément enracinée dans le processus d'intégration régionale en Afrique. Elle a longtemps été considérée comme le rempart juridique permettant aux États faibles de résister à la volonté des plus puissants170. Cependant, l'intérêt national, aussi étroitement associé à la préservation de la souveraineté au sens classique, peut difficilement être réconcilié avec la construction d'espaces d'intégration régionale où s'opèrent des transferts de souveraineté en faveur d'une instance supranationale171. Cet intérêt national qui

169 Hans MORGENTHAU, Op. Cit. p. 5.

170 Gianpiero LEONCINI, La formulation et la mise en oeuvre de la Politique Extérieure Commune de la

Communauté Andine, mémoire de master en administration publique, ENA, Paris, Mai 2007, p. 10.

171 Ibid.

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stipule un système de chacun pour soi signifie que sa satisfaction par un État ne saurait tenir compte des intérêts nationaux d'autres États172.

A travers les stratégies de certains États africains (SECTION I) et l'étude de quelques cas pratiques (SECTION II), nous démontrerons que l'intérêt national égoïste est un frein au processus d'intégration régionale en Afrique.

SECTION I : LES MANIFESTATIONS DE L'INTÉRÊT NATIONAL ÉGOÏSTE DANS LE PROCESSUS D'INTÉGRATION RÉGIONALE AFRICAINE

L'intérêt national égoïste est perceptible dans le processus d'intégration régionale en Afrique à travers l'égoïsme des États membres au processus (PARAGRAPHE I) et les comportements stratégiques de certains États africains face à l'action collective entreprise par l'UA (PARAGRAPHE II).

PARAGRAPHE I : L'égoïsme des États africains dans le processus d'intégration régionale

L'intégration régionale dans les pays en développement est perçue depuis fort longtemps comme un facteur accélérateur du développement économique. Elle permet en effet de créer un marché plus vaste et apparaît comme une solution à l'étroitesse de la taille des marchés intérieurs qui constituent aux yeux de nombreux spécialistes, l'un des principaux obstacles à l'industrialisation dans les pays en développement en général et en Afrique en particulier. L'intégration régionale est aussi de nos jours considérée comme un des principaux moyens d'insertion des pays en développement dans une économie mondialisée. Cependant, dans la réalité nous observons qu'en Afrique les nombreuses tentatives de constitution formelle d'un processus d'intégration régionale font face aux querelles de leadership (I) et aux velléités souverainistes des États (II).

172 Marie-Claude SMOUTS, Dario BATTISTELLA, Pascal VENNESSON, Op. Cit. p. 299.

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I -Les querelles de leadership

La problématique du leadership dans le processus d'intégration régionale découle de la contestation du rôle de moteur de l'intégration d'un État par les autres. Ce rôle favorise une croissance économique rapide173de la région ou de la sous région. Le leadership peut être fondé sur une dimension «historique ». Certains États n'hésitent pas à tirer de leur statut de membres fondateurs d'une organisation, la reconnaissance d'un rôle de «dépositaire de l'ambition originaire», qui leur confèrerait une autorité politique sur les autres. Mais le leadership historique peut aussi résulter d'un point de vue plus personnel de la participation du dirigeant politique d'un État à la création de l'organisation d'intégration. Le leadership peut également s'affirmer d'un point de vue «militaire». L'État concerné se prévaudra alors soit de sa capacité à régler des conflits dans la zone, soit de son aptitude (non affirmée mais éprouvée) à «déstabiliser» potentiellement la zone ou une partie de celle-ci. L'implication du Tchad dans les conflits de RCA et du Nord Mali, l'érige en interlocuteur politique de premier ordre de la RCA et du Mali, avec néanmoins des implications certaines sur sa position au sein de la CEMAC et de l'UA. Il en est de même de L'Afrique du Sud dans ledit conflit centrafricain. Le critère démographique a en outre son importance dans certaines organisations d'intégration. Il revêt une dimension économique notable, mais peut aussi, dans certains cas, être un facteur de leadership politique institutionnalisé. Nous pouvons aussi envisager une hypothèse de leadership « démocratique », car l'émergence dans l'un des États de la région d'un pouvoir démocratique peut être un facteur d'influence au sein des institutions régionales.

Au niveau des Communautés Économiques Régionales qui constituent des préalables à la réalisation du marché commun continental, cette quête du leadership est plus visible. C'est ainsi qu'au niveau de la CEMAC par exemple le rôle de moteur de l'intégration du Cameroun a été longtemps contesté par le Gabon, et l'est actuellement par la Guinée Équatoriale174. Les querelles de leadership apparaissent même comme une des caractéristiques principales de la plupart des accords d'intégration régionale en Afrique. Ainsi à l'image du Cameroun en zone CEMAC, le Kenya est le leader de la Communauté de l'Afrique de l'Est (EAC), la Côte d'Ivoire est celui de

173 Fweley DIANGITUKWA, Géopolitique, intégration régionale et mondialisation. Plaidoyer pour la création d'une communauté économique des pays côtiers de l'Afrique centrale, Paris, l'Harmattan, 2006, p. 61.

174 Anderson OUAMBA-DIASSIVY, Op. Cit. p.31.

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l'UEMOA et l'Afrique du sud se présente comme le bras séculier de la Communauté de Développement de l'Afrique Australe (SADC). A ce sujet, il faut dire que nombre de projets intégrateurs en Afrique n'aboutissent pas à cause de ce phénomène. Au lieu de repenser la manière dont la communauté devra décoller, la réflexion est portée plutôt sur la manière dont tel ou tel autre État envisage d'être leader de la sous-région, sur les réclamations du leadership.

II-Les velléités souverainistes des États

Les frontières contribuent à ce que chaque État se perçoive comme un tout, distinct des autres États et souverain175. L'Afrique n'est pas en marge de cette réalité. En général, les chefs d'État africain se considèrent comme des « princes » à l'intérieur de leurs territoires. Ils sont jaloux de leur souveraineté, même au prix du sacrifice de l'intégration régionale. L'État reste en Afrique l'intelligence personnifiée de la collectivité, il reste omniprésent et n'est point contourné, encore moins remplacé par des entités fonctionnelles176. La présidence reste le seul

lieu de vrai pouvoir177. L'intégration en Afrique est bâtie sous le primat de
l'intergouvernementalisme car une part importante des traités et des projets est soit le fait de « grand marchandages» entre États au sens de l'État- nation Westphalien, soit des administrations nationales qui les contrôlent178. En effet, l'Afrique est l'une des régions du monde dans laquelle l'histoire du pouvoir politique est celle de la confiscation, de la privatisation et de la sacralisation par un individu ou un groupe d'individus. Cet état de chose est de nature à renforcer un micro nationalisme latent, avec pour conséquence une prédominance des intérêts nationaux égoïstes sur l'esprit communautaire179. Cette prédominance des intérêts nationaux égoïstes est perceptible au niveau de l'intégration des marchés. Ici la crainte des États de perdre des recettes budgétaires du fait de la libéralisation des échanges et des inquiétudes sur la libre circulation des personnes sont accentuées. L'exemple du slogan « le Gabon ne sera pas la vache

175 Philippe MOREAU DEFARGES, Introduction à la géopolitique, Paris, édition du Seuil, 2005, p. 33.

176 Parlant du cas spécifique de la CEMAC, lire Guy MVELLE, « La CEMAC à la recherche d'une nature théorique », Revue africaine d'études politiques et stratégiques, UY II, FSJP, n°6, 2009, p.73. Cette situation est vraie pour toute l'Afrique.

177 Jean-Yves CALVES, Tiers monde... un monde dans le monde, Paris, les éditions ouvrières, 1989, p.92.

178 Guy MVELLE, Op. Cit. p. 69.

179 Yanick Jacquinos JANAL LIBOM, Harmonisation et rationalisation des Communautés Économiques Régionales (CER) en Afrique : le cas de l'Afrique Centrale (1991-2010), mémoire de master en histoire des Relations Internationales, UY I, FALSH, 2011, p. 128.

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à lait » prononcé par Léon MBA lorsqu'il était question de décider de la formule par laquelle les colonies devaient accéder à l'indépendance180.

En Afrique Centrale par exemple, les expulsions massives des ressortissants des autres pays sont récurrentes en Guinée Équatoriale et au Gabon ces dernières années. Les craintes de la perte de souveraineté l'emportent sur l'intégration régionale en Afrique181. C'est ainsi que la Guinée Équatoriale a évoqué l'envahissement de son territoire par ses voisins pour boycotter l'entrée en vigueur de la libre circulation des personnes, biens et services en zone CEMAC prévue pour le 1er janvier 2014. L'Afrique dans cette posture renvoie à un collectif de princes aux stratégies et aux attentes spécifiques182. Ils ne souhaitent pas déléguer la moindre parcelle de leur souveraineté aux entités régionales183. Dans ce contexte, il est très difficile de créer « un nouveau centre de pouvoir supplantant les États membres et reléguant leur nationalisme au rang des pièces de musée 184». Le postulat selon lequel « il n'y pas d'État sans souveraineté185 » est dominant chez les dirigeants africains, certains ont à coeur l'intangibilité et la sacralité de la figure de l'État. L'intégration pour eux ne signifie pas l'union ou la fusion dans un creuset fédéral186. Cela se vérifie à travers l'option prise dès 1963 à Addis Abéba avec le compromis donnant naissance à l'OUA. Dans le processus d'intégration régionale en Afrique, les velléités souverainistes se manifestent par la sacralisation de la souveraineté de l'État et le primat de l'intérêt national sur l'intérêt régional. Cette manifestation de l'intérêt national égoïste constitue autant une entrave au processus d'intégration régionale que les comportements stratégiques des États africains dans le cadre de l'action collective entreprise par l'UA.

180 Régis Vanacio LOUMINGOU-SAMIBOU, « Le principe du respect de l'identité nationale des États membres de la CEMAC », in Ethnicité, identités et citoyenneté en Afrique centrale, études et documents de l'APDHAC, cahier africain des droits de l'Homme, n°6-7, mars 2002, p. 148.

181 CEA /ONU, État de l'intégration en Afrique II. Rationalisation des communautés économiques régionales, 2006, p.74.

182 Yves Alexandre CHOUALA, Désordre et ordre dans l'Afrique Centrale actuelle : démocratisation, conflictualisassions et transitions géopolitiques régionales, thèse de Doctorat de 3è cycle en relations internationales, UY II, IRIC, 1999, p. 22.

183 Philippe DECRAENE, Vieille Afrique, jeunes nations, Paris, PUF, 1982, p.262.

184 Alain DIECKHOFF, Christophe JAFFRELOT, « De l'État- nation au post nationalisme », in Marie Claude SMOUTS (éd), Les nouvelles relations internationales, pratiques et théories, Paris, Presses de la Fondation Nationale de Science Politique, 1998, p. 70.

185 Olivier BEAUD, La puissance de l'État, Paris, PUF, 1994, p. 15.

186 Narcisse MOUELLE KOMBI, « L'intégration régionale en Afrique Centrale : entre interétatisme et supranationalité », in Hakim BEN HAMMOUDA et al. (dir.), L'intégration régionale en Afrique centrale, bilan et perspectives, Paris, Karthala, 2003, p. 211.

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PARAGRAPHE II : Les stratégies de certains États africains face à l'action collective entreprise par l'UA

L'intérêt national égoïste est perceptible dans le processus d'intégration régionale en Afrique à travers les stratégies de certains États africains face à l'action collective. En effet, l'un des facteurs qui explique le faible poids de l'UA devant les grands enjeux africains et internationaux est la dispersion des positions de ses membres187. Pourtant, pour les pères fondateurs, les africains doivent êtres guidés par « la vision partagée d'une Afrique unie et forte, ainsi que par la nécessité d'instaurer un partenariat entre les gouvernements et toutes les composantes de la société civile, en particulier les femmes, les jeunes et le secteur privé, afin de renforcer la solidarité et la cohésion entre nos peuples188 ». Mais les divisions sont souvent plus visibles que l'unité depuis la création de l'OUA et les stratégies des États priment sur les positions de l'organisation continentale engagée officiellement dans des actions collectives. Les stratégies sont ici considérés comme les « écarts, c'est-à-dire des comportements qui ne correspondent pas à l'idée initiale que l'on peut avoir des motifs des acteurs189 ». Les conduites des États ne doivent pas être vues comme la simple résultante, prévisible, stéréotypée et donc reproductible des déterminants structurels, financiers ou psychologiques. Elles sont inventées par les États, dans un contexte, construites en vue de certains buts. D'après l'analyse de Michel CROSIER et Erhard FRIEDBERG190, les acteurs sont inscrits dans un système d'action concret où il existe un ensemble de jeux structurés, où ils sont interdépendants, mais également où il existe des intérêts qui peuvent être divergents, voire contradictoires. Les stratégies des acteurs sont non seulement fonction de leurs intérêts mais aussi de leurs ressources. Dans ce système, l'intérêt égoïste est l'unique justification de l'action des acteurs. Ce type de comportement a été plusieurs fois observé au sein de l'UA. Mais pour démontrer l'impact négatif de ces comportements stratégiques des États africains face à l'action collective de l'UA, nous mettrons en exergue les comportements observés de la part de certains États aussi bien lors de la crise postélectorale survenue en Côte d'Ivoire en novembre 2010 (I) que lors de la Résolution 1973

187 Guy MVELLE, L'union Africaine face aux contraintes de l'action collective, Paris, L'harmattan, 2013, p. 7

188 Préambule de l'Acte Constitutif de l'Union Africaine.

189 Erhard FRIEDBERG, Le pouvoir et la règle. Dynamique de l'action collective, Paris, Le Seuil, 1993, p. 218.

190 Michel CROSIER et Erhard FRIEDBERG, L'acteur et le système. Les contraintes de l'action collective, Paris, Seuil, 1981.

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autorisant le recours à la force contre le régime de Mouammar KADHAFI (II); car ces évènements marquent les deux dernières grandes crises de l'action collective au sein de l'UA.

I- La crise ivoirienne de novembre 2010

La crise postélectorale de Côte-d'Ivoire a été le théâtre de la manifestation des stratégies des États face à l'action collective entreprise par l'UA. En effet, lors de cette crise, plusieurs chefs d'État se sont manifestement écartés de la position adoptée par le panel des cinq chefs d'État désignés par l'UA191. L'objectif de ce panel était de soumettre aux protagonistes ivoiriens une solution contraignante de sortie de crise. Après examen de la situation, le panel a reconnu Alassane OUATTARA comme seul président légitime de Côte d'Ivoire. Cette position sera entérinée par le Conseil de Paix et de Sécurité de l'Union Africaine le 28 janvier 2011. Pourtant, au moins sept chefs d'État africains192 étaient favorables au maintien de Laurent GBAGBO et donc contre une intervention de l'UA en faveur de OUATARA. L'Afrique du Sud qui, manifestement soutenait le maintien de GBAGBO et était plutôt en faveur d'une solution diplomatique et non militaire s'est comportée comme un acteur rationnel qui cherchait « à faire en sorte que les échanges qui le lient aux autres acteurs lui soient plus profitables possibles193 ». Derrière le « double jeu » joué par l'Afrique du Sud dans le conflit ivoirien, se cachait de multiples intérêts pour ce pays dans sa relation avec Laurent GBAGBO, notamment la perspective des contrats dans les domaines du pétrole et de la banque194.

Pretoria s'est écarté de la structure d'autorité formelle et est entré en coalition avec GBAGBO sur la base d'intérêts communs, affichant ainsi un comportement stratégique au service de ses intérêts propres. Ce type de comportement qui contribue à freiner l'action collective de l'UA et partant du processus d'intégration régionale en Afrique a été aussi perceptible lors du vote de la Résolution 1973.

191 Ce panel était constitué des présidents sud-africain Jacob ZUMA, mauritanien Mohamed OULD ABDEL AZIZ, tanzanien Jakaya KIKWETE, tchadien Idriss DEBI et burkinabé Blaise COMPAORE. Il faut tout de même remarquer que Blaise COMPAORE n'a pas pu effectuer le déplacement d'Abidjan à cause de l'hostilité manifestée à son égard par les partisans de Laurent GBAGBO.

192 Il s'agit des chefs d'État de : Angola, Gambie, Guinée Équatoriale, Ghana, République Démocratique du Congo, l'Afrique du Sud et l'Ouganda.

193 Stéphane DION, « Erhard FRIEDBERG et l'analyse stratégique », Revue française de science politique, 43è année, n°6, 1993, p. 995.

194 Guy MVELLE, Op. Cit. p. 25.

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II- Le vote de la Résolution 1973

Le vote de la Résolution autorisant le recours à la force contre le régime de Mouammar KADHAFI a aussi permis de constater le détachement vis-à-vis de la position officielle de l'UA et la manifestation de stratégiques, notamment de la part du Nigeria, de l'Afrique du Sud et du Gabon. En effet, en consultant le rapport du Conseil de Sécurité sur le vote de ladite Résolution, il apparait que ces trois pays ont voté en faveur de l'adoption de ladite résolution. Pourtant, l'UA avait pris position pour un règlement pacifique du conflit et un dialogue entre les parties en conflit. Le conseil de paix et de sécurité avait réaffirmé « fermement que l'UA se tient au côté du peuple libyen, et encourage toutes les parties prenantes libyennes à se mettre ensemble et à négocier un processus pacifique qui conduira à la démocratie195 ». Tout comme la crise ivoirienne, l'UA avait institué un panel composé des chefs d'État sud africain, congolais, malien, mauritanien et ougandais pour proposer une solution à la crise.

La position de l'organisation continentale articulée en trois points à savoir : le cessez-le feu immédiat, les questions humanitaires, la transition et les réformes politiques, économiques et sociales nécessaires, a été ignorée par les trois pays cités plus haut et le Sénégal, lesquels ont suivi la ligne de certaines grandes puissances non africaines comme la France et les États Unis196. D'après les analystes de la politique internationale, les dirigeants du Nigeria et d'Afrique du Sud, deux pays candidats potentiels à un poste de membre permanent du Conseil de Sécurité, ont voté la Résolution 1973 pour « plaire » à ceux qui pourraient le moment leur favoriser l'entrée197. Cette stratégie de Chefs d'État signifie que les concepts d'intérêt et de pouvoir n'ont rien perdu de leur pertinence dans les relations internationales et continuent à dicter la politique des États à l'égard des régimes de sécurité collective198. Les Président Ali BONGO ODINGBA et Abdoulaye WADE quant à eux n'ont suivi que la volonté de la France, initiatrice de la Résolution 1973, pays avec lequel ces Chefs d'État entretiennent des relations très étroites dans les domaines de l'aide publique au développement mais aussi de la protection militaire. A l'analyse, nous constatons que certains dirigeants africains se comportent comme des homo oeconomicus, c'est-à-dire des êtres rationnels et égoïstes qui ajustent leurs comportements

195 Décision du conseil de paix et de sécurité de l'Union Africaine lors de sa 291ème réunion tenue, le 26 août 2011 au niveau des chefs d'États et de gouvernement.

196 Guy MVELLE, Op. Cit. p. 27.

197 Ibid.

198 Ibid. p.28.

199 Ibid. p.3o.

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aux fins individuelles recherchées199. Cette recherche de l'intérêt égoïste est de nature à entraver le processus d'intégration régionale en Afrique comme le retrait du Maroc de l'OUA et le non respect des textes communautaires sur la libre circulation des personnes par les États.

SECTION II : L'IMPACT DE L'INTÉRET NATIONAL ÉGOÏSTE SUR LE PROCESSUS D'INTÉGRATION RÉGIONALE EN AFRIQUE : ÉTUDE DE CAS

La recherche de l'intérêt national égoïste constitue un frein à l'intégration régionale africaine. Ainsi, le retrait du Maroc de l'Union Africaine (PARAGRAPHE I) et le non respect des textes sur la libre circulation par les États membres des CER africaines (PARAGRAPHE II) sont des exemples qui éclairent notre démonstration sur le sujet.

PARAGRAPHE I : Le retrait du Maroc de l'UA

Le retrait du Maroc de l'OUA est lié à la recherche effrénée de son intérêt national. Ceci a quelque peu paralysé le processus d'intégration régionale en Afrique.

I- La recherche de l'intérêt national égoïste : mobile du retrait du Maroc de l'OUA

Colonie espagnole depuis la fin du XIXème siècle, la pacification des régions du Sahara occidental ne fut effective qu'en 1934. La présence espagnole fut très discrète, essentiellement sise dans quelques fortins du littoral. L'Espagne, surtout intéressée par les richesses halieutiques de la colonie, pratiquait l'indirect rule. A la fin des années 50, l'Espagne dut faire face aux revendications territoriales de Moctar OULD DADDAH, le futur président mauritanien qui, à la veille de l'indépendance, réclamait l'unification de tous les territoires peuplés par des Maures, ce qui incluait évidemment les territoires du Rio de Oro et la Saguiet el Hamra. MOHAMED V, le souverain marocain, revendiquait le rattachement de ces territoires au nom de droits historiques. En effet, il considérait, tout comme la majorité de ses sujets et le puissant parti de l'Istiqlal, que

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le royaume était un « État démembré » victime de la période coloniale, divisé en sept zones200 et qu'une indépendance pleine et entière signifiait le retour de ces entités dans le makhzen.

Des officines marocaines créèrent alors l'Armée de Libération du Maroc du Sud, regroupant essentiellement des combattants sahraouis, qui concentra ses attaques contre les Espagnols durant les années 1956 et 1957. Cette armée fut mise hors d'état de nuire par une action franco-espagnole d'envergure, « l'opération écouvillon » où l'on usa de bombardements aériens. Un autre mouvement, cette fois- ci indépendantiste, allait naître en 1967, le Front de Libération du Sahara, qui allait devenir, en 1973, le Front Populaire de libération du Saguiet el Hamra et du Rio de Oro, plus connu sous son acronyme Front Polisario.

Le 17 septembre 1974, le Maroc et la Mauritanie saisissent la Cour Internationale de Justice pour lui poser deux questions201 : « Le Sahara occidental était-il terra nullius à l'arrivée des Espagnols ? S'il ne l'était pas, quels étaient les liens juridiques de ce territoire avec le Royaume du Maroc et l'ensemble mauritanien ? ». Dans sa volonté de contenter les deux parties, la cour répondit clairement à la première question en disant que le « Sahara n'était pas un territoire sans maître, mais donna en revanche une réponse inutilisable à la seconde puisqu'elle déclara qu'il existait des liens d'allégeance entre le Sultan du Maroc et les tribus sahariennes, mais sans aucun lien de souveraineté entre le territoire du Sahara occidental et le Maroc 202 ».

Alors que parallèlement, les négociations bipartites et tripartites avec l'Espagne et la Mauritanie s'enlisaient dans des méfiances réciproques, le roi HASSAN II décida de précipiter l'issue de la crise en initiant en octobre 1975 une action éminemment symbolique, la Marche Verte, qui engendra une énorme mobilisation populaire puisque 350 000 personnes suivirent le roi. L'Espagne, préoccupée par la fin de règne de Franco et par sa succession, se retirait en février 1976 sans qu'aucune solution n'ait été avalisée par toutes les parties et par les instances

200 Le projet dit du « Grand Maroc » affirmait que le royaume était divisé entre : 1 - Tanger (zone internationale) 2 - Le Rif, Ifni et la province de Tarfaya (protectorat espagnol) 3 - Entre le rif, le sud de l'Anti-Atlas, y compris Tindouf et l'Ouest de l'Algérie (colonie française) 4 - Le Rio de Oro (colonie espagnole) 5 - Le Saguiet el Hamra (occupation militaire espagnole) 6 - La Mauritanie et une partie du Mali (colonie française) 7 - Ceuta et Mellila (presides espagnoles)

201 Mohsen-Finan KHADIJA, Sahara Occidental. Les enjeux d'un conflit régional, Paris, CNRS, 1996, p.41.

202 Ibid.

203 Thérèse BENJELLOUN, Visages de la diplomatie marocaine depuis 1844, Rabat, Éditions EDDIF, 1991, p.66.

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internationales. Le Maroc et la Mauritanie se partagent alors la colonie espagnole et affrontent le Front Polisario. Face aux revers infligés par les combattants sahraouis, aguerris, motivés et lourdement armés par la Libye puis l'Algérie, les marocains allaient progressivement construire un mur de défense pour protéger la zone conquise par les très redoutables attaques sahraouies. La Mauritanie, militairement incapable de répondre aux menaces sahraouies, entra vite dans un cycle de crises politique et économique. Une junte militaire aux positions neutralistes, voire plus favorables au Polisario, déposa le président Moctar OULD DADDAH en 1978. En effet, durant les premières années du conflit, les sahraouis avaient concentré leurs attaques sur le maillon faible, c'est-à-dire, la Mauritanie. Les attaques répétées contre le train minéralier Zouérat-Nouadhibou avaient lourdement hypothéqué la première ressource du pays, l'exportation du fer. Quelques mois après, les nouveaux dirigeants de Nouakchott déclaraient leur neutralité dans le conflit qui allait désormais opposer le Polisario à Rabat. Le Maroc se déployait alors rapidement sur le Tiris el Gharbia, partie du Sahara occidental laissée vacante par la Mauritanie, et y achevait un mur isolant les « zones rebelles » des zones « pacifiées ». L'épineux problème du Sahara eut pour conséquence d'isoler le royaume sur le plan diplomatique. Après que la Mauritanie se fut retirée du conflit saharien (1978), le Maroc eut à affronter seul les critiques des pays progressistes. Comme le souligne Khadija MOHSEN-FINAN, c'est en Afrique Noire que la politique saharienne du Maroc fut le plus sévèrement jugée dans la mesure où l'occupation du Sahara occidental allait à l'encontre de deux principes sacralisés par l'OUA, le droit des peuples à s'autodéterminer et l'acceptation des frontières héritées du colonialisme203. En 1981, 26 pays africains avaient déjà reconnu la RASD.

Le 12 novembre 1984 lors du 20e sommet de l'OUA à Addis-Abeba, le Maroc et la République arabe sahraouie démocratique (RASD) ont siégé ensemble pour la première et dernière fois pendant trois heures. À 17h 50, la délégation sahraouie, conduite par son président, Mohamed ABDELAZIZ, fait son entrée dans la salle des séances de l'Africa Hall et prend place entre ses pairs du Rwanda et de São Tomé e Príncipe. La délégation marocaine, conduite par le conseiller du roi HASSAN II, Ahmed Réda GUÉDIRA, s'installe derrière son pupitre. Après l'ordre du jour, le Maroc demande la parole. GUÉDIRA donne alors, sur un ton très calme, lecture d'un message du roi HASSAN II: «Voilà, et je le déplore, l'heure de nous séparer. En

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attendant des jours plus sages, nous vous disons adieu et nous vous souhaitons bonne chance avec votre nouveau partenaire204 » relate Jeune Afrique qui retrace les tractations ayant abouti à l'admission de la RASD depuis le sommet de Tripoli en 1982. Ce nouveau partenaire, c'est la RASD, État autoproclamé en 1976 par le Front Polisario et qui siège pour la première fois en tant que membre de l'OUA. Avant de se retirer, GUEDIRA réaffirme avec ferveur que la présence du drapeau chérifien sur le sol saharien est « conforme à l'Histoire et à la loi internationale ». Le ministre zaïrois des Affaires étrangères lui emboîte le pas, accusant l'OUA d'accueillir en son sein « un État fantôme et de violer ainsi la charte de l'Organisation », qui stipule que seuls des pays indépendants et souverains sont habilités à y siéger. En fin de journée, au pied du grand escalier de l'Africa Hall, les 140 membres de la délégation marocaine - dont une bonne partie est d'ailleurs d'origine sahraouie - quittent le sommet avec fracas, scandant d'une seule voix: « Le Sahara est marocain et le restera205 ».

II- Le retrait du Maroc et la paralysie du processus d'intégration régionale en Afrique

L'Union Africaine est depuis 1984 divisée sur la question de la reconnaissance de la République sahraouie. Les pays qui refusent de reconnaître la RASD, parmi lesquels la Tunisie ou la Guinée, souhaitent le retour du Maroc au sein de l'organisation. Pour les autres, Rabat paie le prix de ses tergiversations dans ses négociations avec le Front Polisario, refusant en cela le principe de l'auto-détermination des peuples au profit d'une autonomie du territoire sous souveraineté marocaine. En effet, plus de trente pays dans le monde, dont les Seychelles, le Malawi, le Bénin ou encore le Tchad, sont revenus sur leur reconnaissance de la RASD. Les relations entre le Maroc et l'Organisation de l'Unité Africaine ont été affectées par le problème du Sahara, depuis les années 70. Cette situation a engendré des tensions dans le voisinage Maroco-Algérien, qui ont influencé les travaux de l'Organisation, des années durant. Dans une Afrique idéologiquement diversifiée, surtout pendant la période de la guerre froide, et avec l'accentuation du conflit du Sahara, après 1975, les pays africains ont vite perçu la complexité et l'influence de ce dossier sur les travaux de l'Organisation de l'Unité Africaine, qui réglementait

204 http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAJA_2496_p055.xml0/ consulté le 07 novembre 2013 à 23h. 30.

205 Texte intégral consulté en ligne sur le site

http://saharadumaroc.net/spage.asp?rub=14&Txt=97&parent=&parent1=1. Le 8 novembre 2013 à 10h. 15.

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alors et ce jusqu'à 1984, le cadre de son dénouement. Une rétrospective du conflit démontre la réussite du Polisario à rallier plusieurs pays à sa cause avec l'appui de la Libye et de l'Algérie aux dépens de la politique marocaine. Avec l'acceptation de la "République Sahraouie" en tant que membre à part entière de l'Organisation, le Maroc s'est retiré en protestation contre cette décision qui, d'après lui, est contraire aux dispositions de la Charte d'Addis-Abeba, instituant l'Organisation de l'Unité Africaine en 1963. La position marocaine se fonde sur l'article 4 de l'organisation qui énonce que «chaque État africain indépendant et souverain peut devenir membre de l'organisation». La Charte stipule que la territorialité des États est une condition sine qua non pour leur adhésion ; d'autant plus que le Polisario, dont émane la pseudo "République Sahraouie", n'a jamais été sur la liste des mouvements de libération africains accrédités d'après les thèses marocaines.

En réaction à la position de l'Union Africaine hostile au Maroc, le ministre marocain des Affaires Étrangères a déclaré : « nous ne sommes ni contre l'Organisation de l'Unité Africaine dont le Maroc est fondateur, ni contre l'Organisation de l'Union Africaine, nous sommes avec tous ceux qui oeuvrent pour l'union du continent africain, et pour l'unification des efforts africains. Sauf que nous ne pouvons pas appartenir à une organisation qui compte parmi ses membres une entité ne jouissant ni de la légitimité ni de la souveraineté ni des éléments constitutifs de l'État ». Le président du Sénégal Abdou DIOUF (1980-2000) a défendu le Maroc et l'a soutenu dans sa position en soulignant que « Le Sénégal ne conçoit pas une Union Africaine sans le Maroc. ». Dans le même cadre, le Sénégal et la Gambie ont demandé l'adhésion du Maroc à l'Union Africaine pendant le Sommet de Lusaka (juillet 2002), auquel le Maroc n'avait pas assisté. Cependant l'Algérie et l'Afrique du Sud ont refusé cette requête sous prétexte que c'est au Maroc d'introduire sa propre demande. Cette position a perduré pendant le Sommet de Durban en Afrique du Sud, sous le poids du lobbying de la diplomatie algérienne, lorsqu'elle a introduit « l'Entité présumée » pour représenter le groupe des États Nord-Africains206.

La diplomatie algérienne a persévéré pour établir sa notoriété au sein de l'Organisation, à travers sa position contre les preuves juridiques et historiques irréfutables prouvant l'appartenance du Sahara au Maroc. En même temps, l'Algérie a introduit la prétendue « Affaire

206Dr Adil MOUSSAOUI cité par le site Internet

http://saharadumaroc.net/spage.asp?rub=14&Txt=97&parent=&parent1=1. Consulté le 8 novembre 2013 à 12h. 15.

207 Ibid.

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du peuple sahraoui » parmi les affaires internationales. Elle a aussi influencé plusieurs États pour qu'ils reconnaissent la « République Sahraouie », et ce par la propagande menée pour le prétendu « droit du peuple sahraoui à l'autodétermination ». La lutte diplomatique maroco-algérienne au niveau africain n'a jamais cessé sur le plan pratique. De plus, l'Algérie a fourni des efforts diplomatiques considérables, pour rallier à sa cause les pays modérés en usant de ses importants atouts énergétiques. D'un autre côté, le Maroc a adopté une politique sélective en se limitant à certains aspects particuliers dans les relations avec ces pays, à cause du manque de ressources. En conséquence, le rôle joué par le Maroc en Afrique était limité. Ce qui a permis à la diplomatie algérienne de gagner suffisamment de sympathie en ce qui concerne l'affaire du Sahara.

Ainsi la grande majorité des pays Africains voyaient dans l'attention qui leur a été portée par le Maroc, un moyen de les rallier à sa cause. Ce qui explique que l'Algérie n'a pas rencontré de difficultés à ternir l'image du Maroc en ce qui concerne l'affaire du Sahara, son but étant d'élargir le clivage entre le Maroc et les pays africains. Le dossier du Sahara exerce une grande influence sur la rivalité régionale maroco-algérienne, suite à l'enlisement du conflit. Malgré la proposition du Maroc relative à l'autonomie des provinces du Sud et la négociation directe avec le Polisario, sous l'égide des Nations Unies, l'Algérie a maintenu son opposition à l'Initiative marocaine, préconisant l'autodétermination par le référendum. Le conflit maroco-algérien autour du Sahara mobilise la diplomatie algérienne qui, par des manoeuvres et des subterfuges, tente d'empêcher le Maroc de réintégrer l'Union Africaine. Cette situation relative à la position de l'Union Africaine vis-à-vis du conflit du Sahara, justifie une analyse des perceptions et de l'approche de la diplomatie marocaine concernant le traitement de ce dossier et les alternatives pour surmonter cette situation de fait207.

L'absence du Maroc, a privé l'Union Africaine d'un cadre important de concertation et d'intervention. Cette situation a profité à l'Algérie via l'axe relié à Abuja et Pretoria, qui guide l'Union Africaine, pour essayer d'isoler le Maroc des efforts collectifs entrepris dans le cadre de l'Union. Comme indiqué précédemment, bien que le Maroc ne soit pas membre de l'Organisation régionale, il a néanmoins réussi à se créer des alternatives. Son refus d'adhérer à l'Union n'a constitué un obstacle ni pour l'adoption d'une politique ouverte, ni pour le respect de ses engagements basés sur le principe de la solidarité africaine dans divers domaines : politique, militaire et économique. Cette réalisation s'est concrétisée grâce aux efforts déployés pour mettre

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en valeur l'intérêt et les orientations du Maroc vis-à-vis de l'Afrique, et convaincre certains pays africains de retirer leur reconnaissance de la présumée « République Sahraouie ». Le Maroc profite, par ailleurs, de certains forums et groupements sous-régionaux africains pour exprimer sa solidarité et son appartenance africaine. La réactivation de la diplomatie marocaine, via notamment l'établissement d'alliances politiques contre l'axe triangulaire hostile au Maroc, représenté par le Nigeria, l'Afrique du Sud et l'Algérie, et son implication pour la résolution de certains conflits régionaux, a engendré un déficit stratégique du Polisario. Ainsi et à titre d'exemple, le Kenya a retiré récemment sa reconnaissance de la présumée « République Sahraouie ». Parmi les États qui maintiennent leur reconnaissance, nous citons : l'Afrique du Sud, le Nigeria, l'Angola et bien évidement l'Algérie. Ainsi, le retrait du Maroc de l'OUA peut être interprété comme une attitude égoïste qui freine le processus d'intégration régionale en Afrique ; car le Maroc a préféré sacrifier l'OUA pour revendiquer l'appartenance de la « République Sahraouie » à son territoire. Il en est de même pour le non respect des textes sur la libre circulation des personnes par les États africains.

PARAGRAPHE II : Le non respect des textes sur la libre circulation des personnes par les États africains

Les diverses CER ont accompli d'importants progrès, notamment l'adoption du protocole sur la libre circulation des personnes, de la main-d'oeuvre, des services, ainsi que le droit d'établissement et le droit de résidence. Cependant, l'application demeure l'une des questions les plus controversées.

I- État des lieux des textes sur la libre circulation en Afrique

Achever les étapes du Traité d'Abuja incombe aux CER. La CEMAC, le COMESA, la CAE, la CEDEAO, la SADC et l'UEMOA ont avancé, en adoptant des protocoles sur la libre circulation des personnes, de la main-d'oeuvre, des services, ainsi que le droit d'établissement et le droit de résidence. Concernant l'Afrique Centrale, le protocole sur la libre circulation des personnes au sein de la CEMAC a fait l'objet du Traité du 16 mars 1994 et révisé le 25 juin 2008. Une loi de 2005 a été votée sur la libre circulation des personnes dans la région CEMAC, en mars 2010, une réglementation a fixé les conditions de gestion et de délivrance du passeport

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de la CEMAC. Aujourd'hui, quatre208 des six États de la communauté ont supprimé le visa d'entrée à leurs ressortissants. Au sommet extraordinaire des Chefs d'État de la CEMAC tenu à Libreville au Gabon en juin 2013, les deux autres Chefs d'États (Gabon et Guinée Équatoriale) ont décidé d'ouvrir leurs frontières aux citoyens communautaires d'Afrique Centrale à partir du 1er janvier 2014. Les articles 4 et 40 du Traité de 1983 de la CEEAC et le protocole déclarent que les ressortissants de tout État membre peuvent librement et à tout moment entrer dans le territoire d'un autre État membre, se rendre dans cet autre pays membre, s'y établir et en sortir. Le droit d'établissement donne aux autres ressortissants des États membres de la CEEAC accès aux activités non rémunérées et aux activités traditionnelles de même qu'aux métiers, ainsi que la possibilité de créer et de gérer une entreprise conformément à la charte des investissements du pays hôte.

De textes similaires ont été adoptés dans la CEN-SAD, le COMESA, la CAE et la SADC. Le paragraphe 2 de l'article premier du traité portant création de la CEN-SAD a prévu des mesures susceptibles de garantir la libre circulation des personnes, des biens et des capitaux ; l'intérêt des ressortissants des États membres ; la liberté de résidence, la propriété et l'exercice de l'activité économique ; et le libre exercice du commerce et la libre circulation des biens, des produits et des services en provenance des pays signataires. En tant que premier pas vers la mise en place d'un marché commun et en définitive d'une communauté économique des États de l'Afrique de l'Est et de l'Afrique australe, le protocole sur l'assouplissement graduel et l'élimination définitive de l'exigence de visas au sein du COMESA a été adopté en 1984. En 2001, les États membres du COMESA ont adopté un protocole sur la libre circulation des personnes, de la main-d'oeuvre et des services, les droits d'établissement et de résidence, et décidé de lever progressivement toutes les restrictions dans un délai convenu. Les États membres de la CAE ont récemment signé le Protocole du Marché commun sur la libre circulation des personnes, des biens, de la main-d'oeuvre, des services et des capitaux. Les articles 7 à 9 du protocole pour la mise en place d'un marché commun de l'Afrique de l'Est, qui est entré en vigueur en juillet 2010, stipulent que les États partenaires garantissent, au sein de leurs territoires, la libre circulation des personnes qui sont ressortissants du marché commun. La SADC a adopté en juin 1995 le projet de protocole sur la libre circulation des personnes dans la

208 Il s'agit du Cameroun, du Tchad, de la RCA et de la République populaire du Congo.

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SADC, qui a été remplacé en janvier 1997 et encore par le Protocole de 2005 sur la facilitation de la circulation des personnes au sein de la SADC. Il vise à faciliter l'entrée, dans un but licite et sans visa, dans le territoire d'un autre État membre pour une période maximale de 90 jours par an, pour une visite de bonne foi et conformément aux lois de l'État membre concerné ; la résidence permanente et temporaire dans le territoire d'un autre État partie ; et l'établissement de l'intéressé lorsqu'on travaille dans le territoire d'un autre État partie. En juin 2007, les États de la SADC ont également adopté le Protocole de la SADC sur le commerce des services pour six secteurs essentiels209. Ces États ont conclu divers protocoles et memoranda d'accord contenant des dispositions visant à libéraliser les secteurs des services et à harmoniser les réglementations pour ces secteurs, ainsi que l'éducation et la santé. Les États membres de la SADC sont convenus en mars 2008 de mettre en service le visa unique à l'intention des touristes qui visitent l'Afrique australe, visa qui serait calqué sur le visa Schengen européen. Les États partenaires de la SADC sont obligés, conformément à leurs lois nationales, de garantir la protection des ressortissants des autres États partenaires vivant ou séjournant dans leurs territoires.

Les États membres de la CEDEAO ont adopté en mai 1979 le Protocole sur la libre circulation des personnes, la résidence et l'établissement. Ledit Protocole garantit aux ressortissants des États membres de la CEDEAO, entre autres choses, le droit d'entrer, de résider et d'établir des activités économiques dans le territoire des États membres. L'article 2 du Traité de l'UMA signé en 1989 déclare que les États membres s'efforcent progressivement de mettre en oeuvre la libre circulation des personnes, des services, des biens et des capitaux. À l'article 3, le Traité envisage l'accord au niveau culturel, ce qui laisse entendre la coopération visant à développer l'éducation à différents niveaux, à préserver les valeurs spirituelles et morales inspirées des enseignements généraux de l'Islam et à sauvegarder l'identité nationale arabe.

II- Le non respect des textes sur la libre circulation des personnes comme un blocage du processus d'intégration

Le principe de la libre circulation des personnes prévu par le traité d'Abuja à la quatrième étape du processus d'intégration en Afrique n'est pas encore effectif dans certaines CER. C'est ainsi que l'obligation du visa d'entrée subsiste encore dans celle-ci. En Afrique Centrale par

209 Le bâtiment et les travaux publics, les communications, les transports, l'énergie, le tourisme et les finances.

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exemple l'agenda de l'intégration sous-régionale au sein de la CEMAC et de la CEEAC intègre la réalisation d'une intégration complète et par conséquent la libre circulation des personnes, des biens et des services qui constitue une condition pour la mise en place d'un marché commun. Que ce soit au sein de la CEMAC ou de la CEEAC, la libre circulation des personnes n'est pas effective en Afrique Centrale nonobstant les engagements et les décisions pris par les chefs d'État. Malgré l'intention manifestée à travers les textes, dans les faits il semblerait qu'elle ne soit pas toujours en vigueur210. Le rendez-vous manqué du 1er Janvier 2014 de la libre circulation en zone CEMAC du fait des oppositions manifestes de la Guinée Equatoriale et du Gabon est à cet effet illustratif. En raison des disparités économiques qui existent dans la région, certains États manifestent l'inquiétude d'être envahis par les populations des autres pays. Omar BONGO résumait dans une déclaration les problèmes que rencontrerait son pays si la libre circulation des personnes devenait effective : « nous sommes partisans du maintien des visas et des autorisations de séjours... Si en plus des arrivées clandestines, nous ouvrons les vannes, nous gabonais, serons submergés211 ». Au sein de la CEEAC, le constat fait par les experts de la CEA en 2005 à ce sujet est fort illustratif : « la Décision n°03/CCEG/VI/90, adoptée à Kigali le 26 janvier 1990, la plus importante de toutes, n'a pas toujours abouti, malgré sa réactivation et modification le 17 juin 2002 à Malabo, par les chefs d'État et de Gouvernement : la carte de la libre circulation pour les frontaliers et le carnet de libre circulation pour les autres ressortissants ne sont pas encore en circulation ; les couloirs CEEAC dans les aéroports ne sont pas encore créés dans tous les pays et là où ils existent, ils ne sont pas encore opérationnels, et les ressortissants de la communauté ont toujours besoin de visas pour voyager d'un État membre à un autre212 ». Jusqu'en 2013, on en est encore à des projections de l'effectivité de la libre circulation des personnes213alors que le Traité de la CEMAC la consacrait déjà ; depuis lors cette mesure est restée très peu effective dans la sous région214. Dans la CEEAC la libre circulation des personnes, est très peu encrée et seuls quatre États appliquent le principe. Dans la CEDEAO, ce principe est un peu avancé mais demeure entravé par le harcèlement sur les routes, au grand

210 Yanick JANAL LIBOM, Harmonisation et rationalisation des communautés économiques régionales (CER) en Afrique : le cas de l'Afrique centrale (1991-2010), Mémoire de Master en Histoire, Université de Yaoundé 1, 2011, p.83.

211 Claude N'KODIA, L'intégration économique : les enjeux pour l'Afrique centrale, Paris, L'Harmattan, 1997.

212 CEA/BSR-AC, Document de la réunion sur l'harmonisation des CER tenue à Douala, CEA/BSR-AC, 2007.

213 A l'issue du sommet des Chefs de l'État de la CEMAC tenu à Libreville le 14 juin 2013, la suppression des visas en zone CEMAC pour tout citoyen sera consacrée d'ici la fin de l'année.

214 Seuls quatre États de la sous-région appliquent le principe de la libre circulation.

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nombre de barrières routières et aux barrières illégales, ainsi qu'au problème de l'insécurité sur les routes. Le non respect des textes sur la libre circulation des personnes dans les CER constitue un blocage pour la réalisation du marché commun africain et partant de l'intégration régionale.

A l'analyse, il ressort que l'intérêt national égoïste est perceptible en Afrique à travers l'égoïsme des États et les stratégies des États face à l'action collective de l'Union Africaine. Aussi, le retrait du Maroc de l'OUA et le non respect des textes sur la libre circulation des personnes dans les CER nous ont permis de constater que la recherche effrénée de l'intérêt national égoïste est un obstacle au processus d'intégration régionale en Afrique. Par contre, l'intérêt national altruiste qui dépasse la conception individuelle de l'intérêt national pour intégrer l'intérêt national de l'autre, constitue un catalyseur pour le processus d'intégration régionale en Afrique.

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CHAPITRE 4 : L'INTÉRÊT NATIONAL ALTRUISTE : UN FACTEUR DE DYNAMISATION DE L'INTÉGRATION RÉGIONALE EN AFRIQUE

Le dépassement de la souveraineté de l'État au sens classique215et l'acceptation de sa conception limitée et « rassemblée216 », ou la culture du compromis avec les partenaires du même bloc régional est la condition d'une politique extérieure plus forte pour l'ensemble, sont des facteurs de dynamisation du processus d'intégration régionale en Afrique. Dans l'approche réaliste, la question de la limitation de la souveraineté pour construire un espace d'intégration régionale est soumise au dilemme de la coopération internationale. En effet, tant que l'anarchie demeure le principe d'organisation du système international, les gains relatifs pèsent plus que les gains absolus aux yeux des États, et la coopération n'est intéressante pour eux que s'ils sont sûrs d'en tirer davantage profit que leurs partenaires. L'intégration régionale, en tant que forme la plus avancée de coopération internationale, doit par conséquent bénéficier d'un environnement particulier pour permettre aux États concernés de contourner ce dilemme. Pour les réalistes, cela s'apparente essentiellement à la formation d'une alliance. Ainsi, la construction européenne pendant la Guerre froide n'aurait été possible que par l'existence de la menace soviétique, qui a incité les États d'Europe de l'ouest à s'unir, tout en bénéficiant de l'hégémonie américaine au sein de l'Alliance atlantique, qui a mitigé la conflictualité entre eux217. Dans ce cas de figure, la distribution de la puissance aurait permis à ces États de se préoccuper davantage de leur prospérité économique que de leur sécurité, garantie par un acteur extérieur.

Une autre interprétation réaliste de l'intégration régionale présente ce phénomène comme un effort visant l'insertion d'une puissance hégémonique dans un cadre institutionnel favorable au renforcement de l'interdépendance. L'hégémon voit dans l'intégration la possibilité d'étendre son influence politique et économique par des moyens pacifiques (on dit alors qu'il s'agit d'une

215 Celle-ci fait état d'une séparation étanche entre les sphères interne et externe de la vie d'une nation, où la consécration de l'autorité suprême d'un État sur un territoire (souveraineté interne) a pour corollaire l'exclusion de toute ingérence d'un autre État sur ses décisions (souveraineté externe).

216Robert KEOHANE, « Ironies of Sovereignty: The European Union and the United States », Journal of Common Market Studies. 2002, vol. 40, p. 748.

217John MEARSHEIMER, « Back to the Future: Instability in Europe after the Cold War », International Security. 1990, vol. 15, n°1, p. 47.

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« puissance bénigne »), tandis que les États faibles de la région trouvent leur compte à maîtriser la puissance de leur voisin par l'adoption de normes communes qui rendent prévisible son comportement218. Ce serait le cas du sous-système unipolaire existant en Afrique australe, normalisé par l'intégration de l'Afrique du Sud dans la SADC.

La conception « limitée et rassemblée » de la souveraineté constitue en effet le corollaire de l'intérêt national altruiste qui est à la faveur de l'intégration régionale en Afrique. L'exaltation de cet intérêt national est fréquente en Afrique. C'est pour quoi, En 1994, Nelson MANDELA affirmait dans un discours devant l'Assemblée Générale des Nations Unies que «le défi majeur qui se pose à nous est de savoir, compte tenu de l'interdépendance du monde actuel, ce que nous pouvons faire et ce que nous pourrons faire pour asseoir partout la démocratie, la paix et la prospérité219 ». Ce discours était la confirmation de celui du ministre des Affaires étrangères les 8 et 11 août au Cap, sur la présentation de la nouvelle diplomatie sud-africaine. L'intérêt national sud-africain s'articule ainsi avec celui du continent africain et peut s'analyser en un intérêt national construit par la culture internationale220. Ce positionnement, à la suite du discours de Nelson MANDELA en 1994, a été souligné par le ministre des Affaires étrangères, Nkosazana DLAMINI ZUMA en 2004 : « Au cours des dix dernières années, notre implication dans les affaires internationales s'est fondée sur la vision selon laquelle la puissance (force) de notre nation dépend de la force de notre continent entier221». Une telle construction extensive de l'intérêt national en articulation avec l'Afrique est au service de l'intégration régionale.

218Luc SINDJOUN, et Pascal VENNESSON. « Unipolarité et intégration régionale : l'Afrique du Sud et la renaissance africaine ». Revue française de science politique. 2000, vol. 50, no. 6, p. 925.

219 Bulletin d'Afrique du Sud, 23 novembre 1994, cité par Pierre-Paul DIKA ELOKAN, La politique étrangère de la nouvelle Afrique du Sud : les défis de la conciliation entre intérêt national, intérêt continental et mondialisation, Thèse de doctorat en Droit public soutenue le 25 juin 2007 de l'Université de Reims Champagne-Ardennes, p. 20.

220 D'après les constructivistes, l'intérêt national d'un pays est un construit social qui trouve son origine dans l'identité des États, c'est-à-dire de la représentation qu'ils se font d'eux-mêmes, d'autrui et du système international. En ce sens, l'intérêt national est donc moins construit par l'État qu'il n'est façonné par les normes et valeurs qui, partagées internationalement, structurent la vie politique internationale et lui donnent signification. Et lorsque ces valeurs évoluent, l'intérêt national est susceptible d'être re-généré et transformé avec pour conséquence l'émergence possible d'un intérêt national défini de façon altruiste. Voir à cet effet, Martha FINNEMORE,Op. Cit.

221 « Over the past ten years, our involvement in world affairs has been premised on the view that the strength of our nation depends of the entire continent ». Nkosazana DLAMINI ZUMA, présentation du Budget du ministère des Affaires étrangères, Le Cap, 3 juin 2004.

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L'intérêt national altruiste vise la conduite d'une politique étrangère satisfaisant en même temps l'intérêt national des États amis222. Ainsi, en ressortant les manifestations de cette conception de l'intérêt national dans le processus d'intégration régionale en Afrique (SECTION

I), et en démontrant l'impact de cette conception sur l'intégration régionale à travers l'adhésion de l'Afrique du Sud dans la SADC et l'adhésion de la Guinée Équatoriale dans l'UDEAC/CEMAC (SECTION II), nous serons convaincus de ce que cette conception est à la faveur de la dynamique d'intégration régionale en Afrique.

SECTION I : LES MANIFESTATIONS DE L'INTÉRÊT NATIONAL ALTRUISTE DANS LE PROCESSUS D'INTÉGRATION RÉGIONALE EN AFRIQUE

Le processus d'intégration régionale en Afrique constitue le réceptacle de l'articulation entre l'intérêt national et l'intérêt continental. Les manifestations de l'intérêt national altruiste y sont perceptives à travers le processus de création du NEPAD (PARAGRAPHE I) et l'institution des programmes de coopération technique au sein de l'UA (PARAGRAPHE II).

PARAGRAPHE I : Le processus de création du NEPAD comme une manifestation

de l'intérêt national altruiste

I- Les concepteurs du NEPAD

Adopté en 2001 par les chefs d'État de l'OUA, et ratifié en 2002 par l'Union Africaine, cette oeuvre continentale a été soutenue et défendue essentiellement par deux anciens Présidents aux philosophies différentes. Il s'agit de Thabo MBEKI, ancien Président Sud-Africain et de l'ancien Chef d'État sénégalais, Abdoulaye WADE. Mais, des pays comme l'Algérie, l'Égypte, le Nigeria figurent aussi parmi les fondateurs du NEPAD223.

D'une part, Thabo MBEKI a défendu l'idée que le NEPAD doit se donner pour finalité, dans sa structure et son fonctionnement, de promouvoir la gouvernance politique et économique au niveau de tout le continent; et même initier de nouvelles relations internationales entre

222 Marie- Claude SMOUTS, Dario BATTISTELLA, Pascal VENNESSON, Op. Cit. p. 303.

223 Rapport du Haut Conseil de la Coopération Internationale de France, Les priorités de la coopération pour l'Afrique subsaharienne et le nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD), Avril 2002, p. 3.

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l'Afrique et des partenaires économiques et financiers étrangers, qui ont pour objectif de participer volontairement et avec équité au développement réel des États africains et non de les spolier de leurs richesses naturelles et ouvragées224. A cette fin, et suivant cette politique économique, le NEPAD doit être un organon dont l'objectif implicite est de réaliser le progrès économique, social par la réduction de la pauvreté endémique, la bonne gouvernance au niveau de chaque État membre. Ceci sous-entend la nécessité de réformes politiques pour chacun de ces États, et l'instauration effective de la démocratie et des enjeux de multipartisme ; et, inversement, la fin de l'autocratie des Chefs d'État et le monopole des partis uniques qu'on pourrait qualifier de Parti-État. Figurent en outre, dans le cadre de ces réformes institutionnelles, la décentralisation des structures politiques, avec une exigence visant le fonctionnement éthique d'une bonne gouvernance locale. A tous les niveaux, le NEPAD doit donc être le pilier de l'arrêt de la paupérisation des peuples, le moteur de la croissance économique et de la productivité à tous les échelons de la vie active225.

D'autre part, la perspective d'Abdoulaye WADE consiste à conférer au NEPAD des moyens importants pour faciliter l'aide au développement économique et social à la construction des infrastructures nationales et interafricaines, comme les routes, par exemple ; et même une contribution substantielle au développement de l'agriculture, au progrès de la santé, de l'éducation, etc.

Ces perspectives opposées dérivent, elles-mêmes, de deux écoles des pensée de l'édification de l'Afrique moderne, dans le but de l'ériger au statut d'une grande puissance économique, politique autonome qui compterait dans le monde contemporain, de telle sorte que l'idée de la « panafricanité » ne reste pas un vain mot et que l'idéologie politique du « panafricanisme » puisse se réaliser concrètement226. La « renaissance africaine » initiée par Thabo MBEKI, Abdoulaye WADE, Olesegun OBASANJO, voire Mouammar KADHAFI (ce dernier visait même à créer rapidement « les États-Unis d'Afrique »), s'inspire, dans les grandes lignes, des Pères fondateurs du Panafricanisme, comme Sylvester WILLIAM, Burghart DUBOIS et Marcus GARVEY à la fin de la Deuxième Guerre Mondiale ; et, plus tard, dans les années

224 Préface de l'ouvrage de Patrice MOUNDOUNGA MOUITY, Le NEPAD, Histoire, défis et bilan 10 ans après,

Paris, l'Harmattan, 2013.

225 Ibid.

226 Ibid.

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1960, tels que Hailé SELASSIE, Jomo KENYATTA, Kwamé NKRUMAH, Nelson MANDELA.

II- L'adoption du NEPAD comme une attitude altruiste des chefs d'État africain

Le NEPAD est issu de trois initiatives parallèles. Pendant que l'ancien Président Sud Africain Thabo MBEKI conduisait le Partenariat du Millénium pour le Programme de Redressement de l'Afrique ou Millenium Partnership for African Recovery Program (MAP), révélé au Forum Economique Mondial de Davos en Janvier 2001, le chef de l'État sénégalais Abdoulaye Wade proposait le plan Omega, présenté au Sommet de la Francophonie au Cameroun, en Janvier 2001. Le plan de MBEKI était axé sur la gouvernance politique et économique au niveau continental et au besoin de redéfinir les relations entre l'Afrique et les partenaires au développement pendant que son homologue WADE insistait sur l'augmentation de l'aide au développement, les infrastructures, l'agriculture, la santé et l'éducation. La fusion des plans MAP et Omega a donné naissance à la Nouvelle Initiative Africaine (NIA), devenue, le 23 octobre 2001, le NEPAD. La fusion de ces deux initiatives en un plan unique donna naissance à « la Nouvelle Initiative Africaine » (NIA), qui sera plus tard baptisée « Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Afrique » (NEPAD), traduction de l'appellation anglaise New Partnership for African Developpment.

Bien que similaires, ces initiatives comportaient aussi des différences reflétant les priorités régionales et autres de leurs concepteurs, il fallait des compromis pour fusionner ces trois propositions en une seule initiative227. Le NEPAD traduit donc ces compromis dynamiques qui ont permis d'aboutir à une seule initiative228. Le Sommet des Chefs d'État de Lusaka adopta la Nouvelle Initiative Africaine et élargit la direction politique à dix autres Chefs d'État, à raison de deux par région229. Les pays fondateurs du NEPAD sont l'Afrique du Sud, l'Algérie, l'Egypte le Nigéria et le Sénégal. Ces derniers présentent ce partenariat international au développement comme une « promesse faite par des dirigeants africains, fondée sur une vision commune ainsi qu'une conviction ferme et partagée [qui vise à] éradiquer la pauvreté, placer leurs pays,

227 Ibid.

228 Moustapha KASSE, « Le NEPAD dévoyé ou l'éclipse d'une grande espérance », disponible en ligne sur www.mkassé.com.

229 UA, Nouveau Partenariat Pour le Développement de l'Afrique (NEPAD), octobre 2001, p. 62.

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individuellement et collectivement, sur la voie d'une croissance et d'un développement durable tout en participant activement à l'économie et à la vie politique mondiale230 ». Pour parvenir à la réalisation de ces objectifs à l'horizon 2015, le NEPAD propose une stratégie «inédite» dans trois grands domaines : l'économie, le social et la politique à travers plusieurs initiatives visant toutes une bonne gouvernance. Pour distinguer ce programme des anciennes initiatives, une espèce d'agence de surveillance inspirée du modèle du mécanisme de contrôle de l'organisation de coopération et de développement/Comité d'aide au développement (OCDE/CAD) : le mécanisme africain d'évaluation par les pairs (MAEP) ou African Peer Review Mechanism (APRM)231. Ce mécanisme est présenté comme une alternative à la mauvaise gouvernance et comme une réponse à la démocratie « bloquée » : un moyen concret d'exploser les bases de la légitimité gouvernante après l'insuccès des plans précédents mis en oeuvre successivement depuis les indépendances autour des approches développementalistes et dépendantistes des années 1960-1970 et des programmes d'ajustement structurel (PAS) dans les années 1980.

Avec l'avènement du NEPAD, les États africains tentent de promouvoir une nouvelle philosophie de Renaissance africaine et une nouvelle idéologie développementaliste, en mettant en perspective un nouveau cadre pour le Développement de l'Afrique comme : garantie d'intégration à la mondialisation ; stratégie et méthodologie novatrices en matière de financement du développement ; et mécanisme privilégié de renforcement de l'intégration régionale. L'Afrique avait pris conscience de plusieurs enjeux à relever. Le premier défi, c'est la sécurité. Sans cela il n'y a pas d'État ni de bases pour construire un État fort et réellement gouverné. Ensuite, la démocratisation de l'Afrique est un enjeu important, puisqu'à la suite de la période de décolonisation, entre 1960 et 1990, les pays africains ont fait face à des régimes autoritaires dévastateurs. C'est ainsi que finalement, la question du développement est devenue aussi primordiale.

Les Africains ont compris qu'ils devaient aller vers des processus d'intégration. Malgré que plusieurs projets n'aient pas réussi dans le passé, il faut poursuivre l'initiative. En effet, la

230Ibid. p.1.

231 Document de base du Mécanisme Africain d'Évaluation Entre Pairs (MAEP) adopté lors du 6ème sommet de la comite des Chefs d' État et de Gouvernement chargé de la mise en oeuvre du NEPAD, Abuja, Nigéria 9 mars 2003.

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mise en place en 2001 du NEPAD a marqué un tournant décisif dans l'intégration africaine. En dépit de son caractère d'abord essentiellement économique, cette avancée a envoyé un signal politique très fort aux citoyens africains et au reste du monde : l'Afrique est capable de prendre des décisions de grande envergure visant à jeter les bases d'un avenir commun et prospère pour un continent qui a trop souvent souffert de la corruption des processus, des conflits, des guerres civiles et de l'instabilité économique et politique. Le compromis autour de cette initiative est une véritable manifestation de l'intérêt national altruiste en Afrique ; car les Chefs d'État qui ont pensé cette initiative recherchaient l'intérêt national de leur État mais aussi celui de tous les États africains. C'est pourquoi le compromis autour du NEPAD a connu un succès aussi remarquable que l'institution des programmes de coopération technique au sein de l'Union Africaine.

PARAGRAPHE II : L'institution des programmes de coopération technique comme une manifestation de l'intérêt national altruiste

L'idée de « programme de coopération technique » en Afrique trouve sa source dans la convention interafricaine portant établissement d'un programme de coopération technique signée à Kampala en Ouganda le 1er août 1975 sous l'égide de l'OUA. Cette convention part de l'idée fondamentale selon laquelle, « la coopération des pays africains dans l'utilisation de leurs ressources humaines est essentielle et contribuera à l'instauration d'une solidarité plus étroite et au développement économique de leurs peuples232 ». Cette convention a entre autres pour objectif de « permettre aux pays africains qui possèdent suffisamment de cadres qualifiés d'en mettre à la disposition de ceux des pays africains qui en ont besoin233 ». Elle est essentiellement limitée aux ressources humaines.

L'Union Africaine reprenant l'esprit et une partie de la lettre de cette convention en l'élargissant et en mettant sur pied des programmes de coopération technique, sortes d'appuis ponctuels qu'elle apporte aux États pour résoudre des problèmes transversaux que connaissent les pays africains dans divers domaines234. La contribution des États à ces programmes de coopération technique est une manifestation de l'intérêt national altruiste dans la mesure où ces

232 Préambule de la convention interafricaine portant établissement d'un programme de coopération technique, 1er

aout 1975, Kampala, Ouganda.

233 Ibid.

234 Guy MVELLE, Op. Cit. p. 48.

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programmes appellent aux partages de compétences entre les États dans plusieurs domaines. Au nombre de ces programmes, nous citons le Programme Frontière de l'Union Africaine235, le Conseil Phytosanitaire Interafricain236 et le Programme Détaillé pour le Développement de l'Agriculture africaine237. De ces programmes, le Programme Frontière de l'UA connait un début de réalisation. C'est ainsi qu'en janvier 2010 la démarcation des 413 kilomètres de frontière qui sépare le Mali et le Burkina Faso a été achevée avec la pose de la 1072e borne symbolique238. Dans la même lancée, les Comores, le Mozambique et la Tanzanie ont procédé le 5 décembre 2011 à la signature de quatre accords sur la délimitation de leurs frontières maritimes communes; première délimitation des frontières maritimes dans le cadre du PFUA239. Ces Quatre accords sont : l'accord sur la délimitation de la frontière maritime entre la République du Mozambique et l'Union des Comores; l'accord sur la délimitation de la frontière maritime entre la République Unie de Tanzanie et la République du Mozambique (qui abroge l'accord conclu le 28 décembre 1988 entre ces deux États) et enfin l'accord entre l'Union des Comores, la République du Mozambique et la République Unie de Tanzanie sur le point triple de l'océan Indien240.

Le début de réalisation de ce programme est non seulement au service des intérêts des États membres mais aussi contribue à la consolidation du processus d'intégration régionale en Afrique. Car il laisse entrevoir une manifestation de la volonté des États de mettre en application les programmes de coopération technique de l'UA. L'institution des programmes de coopération technique est une manifestation concrète de l'intérêt national altruiste dans la mesure où elle connait l'assentiment des États comme le montrent les programmes cités ci-haut. Les programmes de coopération technique constituent pour le processus d'intégration régionale en Afrique des construits d'intérêt national altruiste.

235 Ce programme fait l'objet d'une déclaration adoptée par la Conférence des ministres africains chargés des questions de frontières à Addis-Abeba le 07 juin 2007 a pour objectif la prévention structurelle des conflits et la promotion de l'intégration régionale et continentale.

236 Le conseil Phytosanitaire interafricain est une organisation régionale de protection des végétaux, qui met à la disposition des pays membres de l'UA des informations sur la protection des produits végétaux et veille sur la situation phytosanitaire de l'Afrique.

237 Ce programme a été conçu pour faire face aux défis majeurs posés à l'agriculture en Afrique.

238 Guy MVELLE, Op. Cit. p.49.

239 Ibid. p. 50.

240 Ibid.

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SECTION II : L'IMPACT DE L'INTÉRET NATIONAL ALTRUISTE SUR L'INTÉGRATION AFRICAINE : ÉTUDE DE CAS

La recherche de l'intérêt national sur la scène régionale peut être catalyseur du processus d'intégration régionale. Les exemples de l'adhésion de la Guinée Équatoriale et de l'Afrique du Sud respectivement à l'UDEAC (PARAGRAPHE I) et à la SADC (PARAGRAPHE II) nous permettent de mieux comprendre comment un État à la recherche de son intérêt national peut booster le processus d'intégration régionale.

PARAGRAPHE I : L'adhésion de la Guinée Équatoriale à l'UDEAC/ CEMAC : de la recherche de l'intérêt national à la consolidation de l'intégration régionale en Afrique centrale

La Guinée Équatoriale fut pendant longtemps isolée en Afrique Centrale par ses voisins. Dans l'optique de sortir de l'autarcie dans sa sous-région et de valoriser son intérêt national, elle a adhéré à l'UDEAC en 1983 (I). La Guinée Équatoriale à la recherche de son intérêt national a subsidiairement permis la revalorisation et l'évolution de l'UDEAC/ CEMAC (II)

I- La recherche de l'intérêt national comme facteur d'adhésion de la Guinée Équatoriale à L'UDEAC

L'adhésion de la guinée Équatoriale à l'UDEAC a été favorisée par un certain nombre de facteurs liés à la pauvreté de cet État et à son isolement géographique et linguistique. Ces mobiles combinés l'ont amené à obtenir des gains de son adhésion à l'organisme sous-régional

1- Les mobiles de l'adhésion de la Guinée Équatoriale à l'UDEAC

Depuis la période précoloniale, plusieurs facteurs amènent les peuples de la Guinée Équatoriale à coopérer avec ceux du Cameroun et du Gabon241. Mais avec la prise de pouvoir par

241 Il s'agit des affinités ethniques, du désir de regroupement des populations des trois pays, des différentes migrations transfrontalières pendant la période coloniale. Cf. chapitre 2 Charly Delmas NGUEFACK TSAFACK, La Guinée Équatoriale et ses voisins francophones de 1960 à 1983 : des relations conflictuelles à la coopération, Mémoire de Master en Histoire des relations internationales, Université de Dschang, Dschang, 2011.

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Obiang NGUEMA MBASOGO, l'idée de coopération entre les trois États fut accélérée par la pauvreté du petit État et l'isolement de ce dernier par ses voisins.

a) La Guinée Équatoriale, pays pauvre de la sous-région dans les années 70 et 80

La pauvreté de la Guinée Équatoriale à la fin des années 70 et au début des années 80 est l'un des facteurs, voire le principal, qui l'oblige à négocier son entrée dans l'UDEAC. Il s'agissait pour le régime d'Obiang NGUEMA d'échapper à l'isolement et aux difficultés économiques en cherchant la survie dans l'intégration sous-régionale242. Les difficultés économiques de la Guinée Équatoriale pendant les années 70 sont dues en grande partie à la rupture des relations avec l'ex-métropole et l'isolement du petit État par ses voisins francophones.

La dictature nguémiste avait provoqué le départ des investisseurs espagnols et internationaux, le rapatriement de la main d'oeuvre nigériane et l'exil des intellectuels. La baisse de la production due au départ des nigérians et à l'abandon des plantations coloniales espagnoles favorisa à partir de 1977 le recul des échanges commerciaux avec les voisins et l'Espagne. L'Espagne avait aussi négligé le marché équato-guinéen à cause de son adhésion à la CEE (actuellement Union Européenne). La Guinée Équatoriale vivait désormais dans une dépendance financière de l'Espagne.

Le 12 mai 1969, des accords de paiement et de documentation furent signés entre l'Espagne et la Guinée Équatoriale. Ces accords garantissaient la convertibilité de la Peseta équato-guinéenne sur une parité fixe avec la peseta espagnole. Ils stipulaient qu'en contrepartie, la Guinée Équatoriale devait vendre à l'Espagne au moins 50% de son cacao, 6 000 tonnes de café et 215 000 tonnes de bois. Avec ces accords, la balance commerciale équato-guinéenne restait déséquilibrée en faveur de l'Espagne243. Sur le plan financier, la Guinée Équatoriale souffre de l'inconvertibilité de l'Ekwélé et de l'élévation des taxes douanières par les voisins

242 Jean KOUFAN, Casimir TCHUDJING, « Un exemple de blocage du processus d'intégration en Afrique Centrale : la persistance des facteurs conflictuelles entre la Guinée Équatoriale et ses voisins francophones depuis 1979 » in Daniel ABWA ., Jean Marie ESSOMBA, Martin NJEUMA. Charles de la RONCIERE (dir.), Dynamiques d'intégration régionale en Afrique Centrale, actes du colloque de Yaoundé, 26-28 Avril 2000 Tl, Yaoundé, PUY, 2001, p.327.

243 Paul Gérard NSAH-VOUNDY, Le petit État dans les Relations internationales : la Guinée Équatoriale et ses voisins, Thèse de doctorat du 3e cycle en Relations Internationales, IRIC, Yaoundé, 1990, pp. 136 ; 137.

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francophones. A partir de 1973, la Guinée Équatoriale exige à l'Espagne le paiement de ses exportations en Dollars et crée sa propre monnaie en 1975, l'Ekwélé, abandonnant la parité avec la peseta espagnole. Mais cette monnaie n'était pas convertible. Les crises économiques et monétaires équato-guinéennes obligèrent le pays à se rapprocher de ses voisins francophones dès le début des années 80.

b) L'isolement géographique et linguistique de la Guinée Équatoriale

Avant 1982, la Guinée Équatoriale était isolée géographiquement et linguistiquement dans la sous-région Afrique Centrale. Cet isolement ne lui permettait pas de décoller économiquement ; ses relations étant tendues avec l'Espagne. Or, avec l'avancée du monde, aucun pays ne peut s'en sortir s'il vit en autarcie. Les deux voisins francophones jadis ennemis de l'État hispanophone étaient les premiers qui pouvaient l'aider à sortir de son isolement géographique. La Guinée Équatoriale constitue « une enclave244 » en Afrique Centrale et dans les relations internationales contemporaines, les États voisins forment régulièrement des communautés économiques pour assurer leur prospérité. Étant donc limitrophe du Cameroun et du Gabon, son adhésion à l'UDEAC était une occasion à saisir. L'une des raisons qui aurait amené la Guinée Équatoriale à adhérer à l'UDEAC est l'emprise du voisinage245. Dans un ouvrage publié en 1985, Obiang NGUEMA reconnaît que « compte tenu de notre situation géographique qui nous impose un voisinage commun, nous avons décidé de développer la coopération et les échanges avec les États de la sous-région, en dépit des obstacles artificiels ou factices, conscients qu'un déséquilibre dans la sous-région nous affecterait246 ». L'autre raison pour laquelle la Guinée Équatoriale adhère à l'UDEAC est la peur d'annexion de son territoire par ses deux voisins francophones. Comme le note NSAH-VOUNDY, « pour échapper à l'annexion, un petit État peut adhérer à des instituions d'intégration fonctionnelle car l'appartenance à des instituions communes atténue les conditions d'antagonisme dans une sous-région ; les États étant liés par les règles de coopération en vigueur dans les institutions247 ».

244 Ici le terme enclave est utilisé dans un sens figuré. Il signifie que la Guinée Équatoriale était isolée entre le Cameroun et le Gabon.

245 Charly Delmas NGUEFACK TSAFACK, La Guinée Équatoriale et ses voisins francophones..., Op. Cit., p.100.

246 Theodoro Obiang NGUÉMA MBASOGO, Guinea ecuatorial : un pais joven, Malabo, Ediciones Guinea, 1985, p.321.

247 Paul Gérard NSAH-VOUNDY, Le petit État dans les relations internationales..., op. cit., p.291.

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La Guinée Équatoriale était aussi isolée sur le plan linguistique en Afrique Centrale. Elle est le seul pays hispanophone de la sous-région. Sa langue et sa culture ne lui permettent pas de collaborer franchement avec ses voisins francophones. C'est l'une des raisons pour lesquelles le pays s'est battu pour adhérer à l'UDEAC et adopter le français comme deuxième langue officielle. En poursuivant son intérêt national, la Guinée Équatoriale négocia son intégration à l'UDEAC qu'elle intègre en 1982 afin d'y adhérer définitivement en 1983.

2- Les gains de la Guinée Équatoriale pour son adhésion à l'UDEAC

L'adhésion de la Guinée Équatoriale à l'UDEAC a eu des incidences politiques et économiques. Le pays jadis excentré, isolé de son environnement immédiat par la langue officielle, la monnaie, le régime politique, les alliances extérieures, tire des avantages de son entrée à l'UDEAC. La Guinée Équatoriale, soucieuse de maîtriser cet environnement, qui à la veille de son indépendance lui paraissait hostile créa par son entrée dans l'UDEAC des conditions de coopération dans la sous-région. Elle mit fin à son isolement politico-culturel, et traduisit par son adhésion à l'institution, une rupture avec la politique isolationniste de Macías NGUEMA. NKOU Anatole, en envisageant en 1976 l'entrée de la Guinée équatoriale à l'UDEAC affirme que l'adhésion à l'institution permettait « d'écarter le spectre de l'isolationnisme qui plane sur lui ; pris comme il l'aurait été entre deux blocs d'inégales puissances, il est vrai le Nigeria d'un côté et les pays francophones de l'autre248 ».

L'adhésion à l'UDEAC a conféré une visibilité politique à la Guinée Équatoriale. Elle lui a permis d'échapper à l' « insignification » car on pourrait appliquer spécialement à ce pays les caractéristiques dégagées par Georges NGANGO sur les États de la région : « non viabilité économique des espaces, potentialités limitées en ressources humaines ; pouvoir de négociation limité entre l'État et les conglomérats étrangers opérant dans plusieurs nations prises dans leur globalité (...) Le salut réside, pour échapper à l'isolement et à l'exploitation, dans l'intégration249 ».

248 Anatole Marie Fabien NKOU, Le Cameroun et ses voisins, Thèse de doctorat troisième cycle en Relations internationales, IRIC, Yaoundé, juin 1996, p.118.

249 Georges NGAONGO, « Notes de cours de planification et de stratégie du développement » cité par CHUNGONG AYAFOR, The political dimension of regional economic integration in Africa : the UDEAC case, Thèse de doctorat troisième cycle en Relations internationales, IRIC, Yaoundé, 1976, p.22.

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II- L'adhésion de la Guinée Équatoriale à l'UDEAC/CEMAC et les implications subséquentes sur l'intégration régionale en Afrique Centrale

La Guinée Équatoriale en poursuivant son intérêt national sur la scène régionale a permis la consolidation et le renforcement du processus d'intégration régionale. Ce qui a permis à d'autres États d'accéder à des postes qui auparavant ne leur revenaient pas. Devenue membre de l'UDEAC, la Guinée Équatoriale était dépourvue des postes de responsabilité dans la sous-région. Avec la découverte du pétrole sur son territoire, elle s'est développée d'une manière exponentielle et a commencé à revendiquer des postes de responsabilité au sein des institutions, organes et institutions spécialisées de la CEMAC. Cette quête de leadership l'a amenée à revendiquer et obtenir la fin du Consensus de Fort-Lamy. La fin de ce consensus a permis aux autres États de la CEMAC d'accéder aux postes de responsabilité.

1) Le Consensus de Fort-Lamy remis en cause par la Guinée Équatoriale

Adopté en 1975, le consensus de Fort-Lamy (de l'ancienne appellation de la capitale du Tchad, N'Djamena) est un accord conventionnel non écrit de l'ordre de la coutume, rompu lors du sommet de Bangui en 2010. Par cette entente tacite, la répartition des postes au sein des institutions communautaires disposait que le Cameroun, abritant le siège de l'institut d'émission monétaire communautaire, ne pouvait pas aspirer à la direction de la BEAC, laquelle revenait à un gabonais pour un mandat de sept ans renouvelable. Un ressortissant congolais devait présider aux destinées de la Banque de développement des États de l'Afrique centrale (BDEAC) qui vit le jour cette même année. Le secrétariat exécutif de la CEMAC (devenu la Commission en 2007) revenait à un camerounais, tandis que le siège se trouverait à Bangui en RCA. Le poste de secrétaire général de la BEAC était occupé par un ressortissant tchadien.

Le consensus de Fort-Lamy rappelle les accords de Bretton Woods à la suite desquels, selon une règle non écrite, c'est un Américain qui préside toujours aux destinées de la Banque mondiale, tandis que le FMI est dirigé par un Européen. Il rappelle également celui qui prévaut aux Nations Unies et qui fait que le secrétariat général est dirigé par un État non membre permanent du Conseil de Sécurité. Lors du sommet de janvier 2010 en République centrafricaine, les Chefs d'État des pays membres de la CEMAC ont remis en cause le consensus de Fort-Lamy. Ce changement du rapport de force est le fruit de l'activité de la Guinée

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Équatoriale qui, du fait de son enrichissement, a travaillé à imprimer sa marque et ses préférences au sein de la CEMAC250. Ici, on est en présence du postulat gilpinien de l'enrichissement qui induit le changement d'hégémonie dans un système donné251.

Les acteurs, pense GILPIN, ont tendance à considérer que leurs intérêts seront mieux servis par un nouveau type d'arrangement institutionnel. Car les institutions reflètent en général les intérêts de l'acteur le plus puissant d'un système. C'est ce qui explique que les changements d'ordre économique, technologique... affectent le comportement des États au sein de certains systèmes internationaux. Nous pouvons penser que, sur la foi de cette conviction, la Guinée équatoriale, ayant acquis une puissance économique relative du fait de ses hydrocarbures, aura eu le souci de modifier un ordre qui lui était défavorable depuis ses origines. Et ipso facto, elle a travaillé à instaurer un arrangement institutionnel allant dans le sens de la préservation de ses intérêts, mais aussi ceux de la communauté. Ainsi, ce qui se joue au sein de la CEMAC depuis 2006 est la traduction des changements induits par le fait des avancées économiques de la Guinée Équatoriale. On assiste alors à un « changement systémique252 », c'est-à-dire à une redistribution des rôles au sein du système CEMAC, causée par l'influence d'un État qui connaît un certain succès dans la redéfinition de la configuration du pouvoir dans l'institution communautaire. Aussi la description de la situation, en obéissant au souci de répondre à l'interrogation relative au pourquoi de la condescendance et de l'activisme observés dans le comportement de la Guinée Équatoriale, permet-elle de lire son enrichissement important comme le déclencheur fondamental des réformes institutionnelles et l'élément explicatif de la posture et des positions adoptées par cet État à certains moments de l'histoire communautaire.

2) La poursuite de l'intérêt national de la Guinée Équatoriale comme facteur d'assainissement de la CEMAC

Loin de penser que la mise en oeuvre du programme de réformes institutionnelles de la CEMAC en 2006 est un prétexte, nous pouvons considérer à l'observation que la Guinée Équatoriale, à partir de cette année et à la faveur de ce programme, s'est illustrée par une « prise

250 Paul Elvic BATCHOM, « La rupture du consensus de Fort-Lamy et le changement du rapport de force dans l'espace CEMAC », Études internationales, volume XLIII, no 2, juin 2012, pp.147-167.

251 Robert GILPIN, War and Change World Politics, Cambridge, Cambridge University Press, 1981, p.41.

252 Robert GILPIN, War and Change World Politics, Cambridge, Cambridge University Press, 1981, pp.42-43.

253 Kathryn SIKKINK et Martha FINNEMORE, 1998, « International Norms Dynamics and Political Change », International Organization, vol. 52, n° 4 : 887-917.

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de parole » au sens de Michel de CERTEAU. C'est-à-dire une somme de positions et de postures qui, par rapport à des questions fondamentales de la sous-région, frise une « rupture instauratrice » ; une attitude qui, en rompant avec l'orthodoxie CEMAC, signifie en même temps l'avènement d'une période nouvelle où la Guinée Équatoriale entend affirmer son droit au chapitre. Son engagement multiforme à faire de la sous-région une communauté qui fonctionne s'est traduit par la commission d'un audit institutionnel des institutions communautaires. Ainsi, en février 2006, la Guinée équatoriale s'est attaché les services du cabinet international d'audit Performances Management Consulting auquel elle aurait versé 2 milliards FCFA d'après un cadre de l'administration camerounaise fortement impliqué dans le processus d'intégration régionale ; même si les autorités guinéennes affirment n'avoir versé que 700 millions FCFA à ce cabinet. Quelle que soit la raison qui nourrit cette bataille de chiffres, le fait est que, sans concertation avec les autres États membres et sans leur demander une contribution pour cet audit, la Guinée a pris l'initiative de le commanditer dans le but de faire reposer son programme de réformes de la CEMAC sur un diagnostic concret et crédible.

Le diagnostic qui a conduit à la mise sur pied du programme de réformes institutionnelles en zone CEMAC révèle trois domaines majeurs de dysfonctionnement : la gouvernance au sein des institutions communautaires, une intégration effective des populations qui passerait notamment par la libre circulation des biens et des personnes. Et le passeport CEMAC est de ce point de vue une solution au problème. Enfin, le décollage de la compagnie communautaire Air CEMAC constitue le troisième aspect. Comme le disent SIKKINK et FINNEMORE253, tout entrepreneur de norme a besoin d'une plateforme, c'est-à-dire, d'une instance institutionnelle où l'on débat légitimement d'une norme. Si nous considérons le programme de réformes comme la plateforme où la Guinée Équatoriale fait montre d'entreprise de normes, il convient de considérer plus abondamment la posture de cet État qui, en prenant cette initiative, s'affirme comme un acteur sous-régional avec qui il faut désormais compter, c'est-à-dire, qui sort du silence longtemps imposé par son statut de « petit pays ».

Ainsi, la gouvernance des institutions CEMAC est devenue l'un des piliers de la bataille au point que, dès la mise sur pied du comité de pilotage des réformes institutionnelles, la Guinée

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en a pris le contrôle. Par un effet de coalition avec certains États faibles de la communauté, tels que le Tchad et la RCA, le président Obiang NGUEMA est devenu le président dédié au programme de réformes institutionnelles de la CEMAC. Grâce à ce statut qui autorise à la condescendance, sa position va gagner en autorité sur certains dossiers, tels que la circulation des biens et des personnes, le passeport et la compagnie aérienne communautaire « Air CEMAC », la gouvernance des institutions, etc. Les prises de position véhémentes et la pression de la Guinée Équatoriale dans le cadre du pilotage du comité de réformes institutionnelles vont provoquer une prise de conscience des problèmes de la CEMAC et montrer sous un jour nouveau les différents scandales, notamment au bureau extérieur de Paris254. Cependant, dès avril 2007, le comité de pilotage publie son premier rapport dans lequel, de façon explicite, le comité recommande le remplacement du secrétariat exécutif par une commission, la création de trois directions générales de la BEAC et de douze directions techniques. À l'occasion du sommet tenu à N'Djamena, le comité, sous la houlette de la Guinée équatoriale qui pilote le comité de réformes de la CEMAC obtient que M. Jean-Félix MAMALEPOT soit relevé de ses fonctions de gouverneur et remplacé à titre intérimaire par M. Roger Rigobert ANDELY, de nationalité congolaise. La Guinée Equatoriale a donc ainsi tapé le pied dans la fourmilière en proposant la fin du consensus de Fort-Lamy. En effet, chose inimaginable jusque-là, le président Obiang NGUÉMA envisageait que la rotation par ordre alphabétique soit imposée à la tête des institutions communautaires, notamment à la Commission de la CEMAC pour un mandat de quatre ans renouvelable une fois et à la BEAC pour sept ans non renouvelables. Dans une sous-région dont le Gabon et le Cameroun ont été pendant longtemps les maillons forts, le premier étant un État pétrolier important et le second étant considéré comme la locomotive économique, le ton et la position de la Guinée équatoriale sur ces sujets et consensus gardés silencieux sont un signe d'irrévérence par rapport aux autres États255. Cette analyse nous montre que la recherche de l'intérêt national de la Guinée Équatoriale a permis à la CEMAC de connaître des évolutions inattendues et inespérées. Cela est un exemple de la recherche de l'intérêt national altruiste, car la Guinée Équatoriale en recherchant son intérêt national a impulsé le processus d'intégration

254 Entre 2004 et 2008, il y a eu des détournements massifs de fonds au bureau extérieur de la BEAC à Paris, avec la complicité manifeste de certains hauts cadres des services de Yaoundé. L'interpellation d'Armand Brice NDZAMBA, ex-comptable au BEP, et de certains membres de sa famille en octobre 2009 a permis de découvrir la gravité d'une affaire qui va révéler au public le détournement de plus de 16,5 milliards de francs CFA.

255 Paul Elvic BATCHOM, « La rupture du consensus de Fort-Lamy..., op.cit, p.158.

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régionale en zone CEMAC. Cette quête de leadership a aussi profité aux autres États membres de la CEMAC qui n'avaient pas voix au chapitre en ce qui concerne certains postes de responsabilité.

PARAGRAPHE II : L'Afrique du Sud dans la SADC : une adhésion motivée par l'intérêt national et un facteur d'impulsion de l'intégration régionale

Depuis la fin du régime de l'Apartheid et l'arrivée au pouvoir de l'ANC en République d'Afrique du Sud en 1994, le continent africain connaît une transition de puissance. L'Afrique du Sud joue aujourd'hui un rôle majeur et souvent grandissant dans de nombreux domaines. Alors que la démocratisation du pays et ses difficultés internes (pauvreté, criminalité, persistance de la discrimination raciale, conséquences économiques de la crise asiatique) ont retenu l'attention des observateurs, la diffusion de sa puissance, ses actions extérieures et leur impact sur l'intégration régionale ont été plus négligées. La présence et l'implication de l'Afrique du Sud ont pourtant modifié la distribution de la puissance et transformé les logiques de l'intégration régionale en Afrique australe et au-delà. L'impact de l'Afrique du Sud sur l'intégration ne date naturellement pas de l'élection de Nelson MANDELA à la présidence. La Southern Africa Customs Union (SACU), constituée en 1910 était avec la zone franc un des rares régimes d'intégration sectorielle exerçant une réelle influence en Afrique australe. Mais depuis 1994, le mouvement s'est accéléré et a pris en réalité une toute autre ampleur256. L'Afrique du Sud dans la recherche de ses intérêts (A) a favorisé le développement de l'intégration régionale en Afrique australe (B).

256 Les banques sud-africaines dominent largement le continent les fournisseurs de biens de grande consommation en Afrique sont souvent sud-africains un des cinq plus importants brasseurs au monde par exemple est la SouthAfrican Breweries Ltd La Southern African Development Co-ordination Conference SADCC) transformée en août 1992 en Southern African Development Community SADC) pour objectif de consolider et de préserver une communauté de paix et de sécurité dans la région tout en favorisant la coopération sectorielle et intégration régionale comme illustre le corridor de Maputo La volonté des dirigeants sud-africains de diversifier économie régionale et instituer une zone de libre-échange horizon 2004 concerne directement des enjeux couramment considérés comme transnationaux tels les transports les communications et la météorologie.

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I- La volonté de puissance comme motif de l'adhésion de l'Afrique du Sud à la SADC

La puissance militaire constitue un des aspects importants de l'intégration régionale sur le plan institutionnel (organe de la SADC chargé de la politique de la défense et de la sécurité) sur celui des armements conventionnels (ventes et achats d'armes) ainsi que pour ce qui concerne la dimension nucléaire (même si l'Afrique du Sud a officiellement décidé de démanteler son programme). Ce régionalisme n'est pas à proprement parler transétatique mais profondément influencé par la République d'Afrique du Sud. L'emprise du régionalisme sous différentes formes est liée aux ressources de l'État sud-africain. La restructuration et la recomposition régionales proviennent de la puissance exercée par un État. De plus une stratégie régionale est officiellement légitimée par les dirigeants du pays notamment par le président Thabo MBEKI (dont Nelson MANDELA s'était dit en ce domaine le disciple). Celui-ci a développé la notion de renaissance africaine qui fournit une idéologie assez lâche mais efficace permettant d'articuler différentes dimensions du panafricanisme tel qu'il est conçu par les dirigeants sud-africains. Le thème de la renaissance africaine identifie et légitime différentes formes transnationales de la puissance par exemple le rôle des intellectuels et de la culture. Ce travail de légitimation est à examiner dans le contexte particulier d'une tradition de culpabilisation de l'Afrique du Sud assimilée par les États de la région à l'oppression interne et à l'agression externe. Dès lors les dirigeants sud-africains, s'ils tiennent compte des déséquilibres de la puissance hésitent à mobiliser explicitement un répertoire de légitimité fondé sur la puissance257.

De plus cette intégration régionale est liée au système international dans son ensemble et aux aspects régionaux de la politique extérieure des États-Unis. L'Afrique du Sud apparaît comme un « État-pivot258 ». Les relations entre l'Afrique du Sud et l'Union Européenne permettent de poser la question des relations entre blocs régionaux. À la fin du XIXe siècle, le banquier Cecil RHODES (1853-1902), exploitant les mines de diamant du Transvaal rêvait une Afrique unie sous la domination britannique du Cap au Caire. Ce n'est pas le moindre paradoxe de la situation actuelle que son rêve semble devenir réalité sous impulsion de la République

257 Pascal VENNESSON, Luc SINDJOUN, « Unipolarité et intégration régionale : l'Afrique du Sud et la «renaissance africaine », Revue française de science politique, 50e année, n°6, 2000. pp. 915-940.

258 Robert CHASE, Emily HILL and Paul KENNEDY (eds), The Pivotal States. A New Framework for U.S Policy in the Developing World, New York, Norton, 1999, pp.1-11.

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d'Afrique du Sud. Quoi il en soit, la relation entre puissance et intégration régionale mérite un examen approfondi pour comprendre quelques-unes des dynamiques essentielles des relations internationales aujourd'hui.

Le choix par la République Sud-Africaine d'une diplomatie internationale par le biais du multilatéralisme est guidé par trois vecteurs. Le premier réside dans la complexité croissante de l'interaction internationale sur toutes les sphères de la vie humaine259 et le rôle des organisations internationales dans la réconciliation et l'harmonisation des intérêts divergents. Le second est son statut de puissance moyenne qui aspire à l'instar des autres puissances moyennes, à un environnement international stabilisé, puisque la caractéristique d'une puissance moyenne ou émergente, encore plus pour la République Sud-Africaine, est le rapport entretenu avec les organisations internationales multilatérales. Aussi, l'exercice de l'influence au niveau multilatéral apparaît comme le socle selon Robert COX et Timothy SINCLAIR de la «responsabilité » et de la « citoyenneté globale »260. Le troisième vecteur est la volonté du pays en vertu de ses ambitions internationales de jouer un rôle non négligeable sur le plan continental et international. Cette perception du rôle que peut jouer la République Sud-Africaine sur le plan international a été mise en lumière par des hommes politiques américains. Ainsi, l'ancien ambassadeur des États-Unis en Afrique du Sud, Princeton LYMAN parle de « destinée sud-africaine ». De même, les propos de Warren CHRISTOPHER, ancien Secrétaire d'État américain sous la première administration CLINTON, sont sans ambigüité : « Dans le monde, je vois peu de pays avec un grand potentiel que la Nouvelle Afrique du Sud pour aborder le 21ème siècle »261. La prégnance des facteurs politiques et économiques qui ont caractérisé le début des années 1990, de même que l'intérêt national sud-africain, ont rendu nécessaire une redéfinition des relations entre la République Sud-Africaine et ses voisins. La traduction est la contribution sud-africaine à la revitalisation politique, sociale et économique régionale262.

259 La mondialisation, caractérisée par la montée du terrorisme, l'écart économique entre le Nord et le Sud, l'immigration en hausse dans les pays développés et les guerres civiles, sont autant de facteurs qui militent en faveur d'une restructuration de l'architecture globale.

260 Robert W. COX & Timothy J. SINCLAIR, (eds), Approaches to World Order, Cambridge University Press Cambridge, 1996.

261 Warren CHRISTOPHER, «The US View of South Africa », International Update, 19, 1996.

262 Pierre-Paul DIKA ELOKAN, « La politique étrangère de la nouvelle Afrique du Sud : les défis de la conciliation entre intérêt national, intérêt continental et mondialisation », Thèse de Doctorat en Droit public, Université de Reims Champagne-Ardennes, 2007, p.299.

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II- L'adhésion de l'Afrique du Sud à la SADC : une contribution à la reconstruction de l'architecture supranationale de l'organisation régionale

La zone australe du continent, espace économique privilégié de la RSA, laissait le champ libre, en vertu des ambitions internationales du pays, à un espace de coopération politique par la voie d'une intégration poussée, à travers notamment la participation de la RSA à la réactivation, l'amélioration et la restructuration des institutions de la SADC. L'entrée de la RSA dans la SADC a eu pour corolaire la recherche de légitimation géopolitique, historique ou culturelle. De même, cette institution régionale apparaissait, à la différence de l'APEC (Asian Pacific Economic Co-operation) et de l'IOR (Indian Ocean Rim) plus tard qui fonctionnent sur la base d'un régionalisme « ouvert »263 comme le premier ensemble régional et l'organisation la plus à même de permettre l'intégration de la RSA dans une architecture institutionnalisée.

L'adhésion à la SADC s'est faite dans la lignée de la SACU (Union douanière d'Afrique australe et dont les pays sont membres de la SADC)264 qui existe depuis 1910 avec pour chef de file la RSA. La SADC est la seconde organisation régionale à avoir été intégrée par le pays265. Dans le cadre de la reconstruction de l'architecture régionale, l'optique d'une meilleure efficacité d'action en était le corollaire. A cette fin, la RSA s'est appuyée sur la SADC, sur la base des critères politiques, pour institutionnaliser l'Organe Politique de Défense et de Sécurité (OPDS).

263 Ces deux organisations ont la particularité d'être interrégionales. L'IOR est une organisation de coopération sectorielle dont la RSA est membre, avec notamment un fort développement du commerce, et en ligne de mire une zone de libre échange. En effet, en vertu du nombre (14) et à la taille (les pays riverains de l'Océan indien, plus des pays candidats comme la France, l'Iran, l'Égypte et le Japon), cette organisation (IOR) est destinée à fonctionner à la carte, sur la base de projets présentés lors de réunions ministérielles et de forums internationaux. Ce qui témoigne d'une souplesse institutionnelle puisque son fonctionnement et l'adhésion de nouveaux membres ne répond pas à un critère géographique. Il s'agit de créer un environnement propice aux investissements croisés, et aux entreprises d'améliorer les moyens de communication et l'échange régulier entre États.

264 La Southern African Custom Union est en effet une Union douanière originale et l'une des plus anciennes au monde. Composée des pays BNLS (Botswana, Namibie, Swaziland et Lesotho), toute son organisation repose sur le parrainage de l'Afrique du Sud. Elle a pour fondement, à l'instar de toutes les unions douanières, la libre circulation des marchandises, un tarif extérieur commun et un produit de recettes communes. Cet accord douanier est unique puisqu'il protège les industries de production des pays membres les moins développés. Il existe un mécanisme de compensation financière de l'Afrique du Sud. De même, cette union a une monnaie commune qui est le rand sud-africain. C'est la seule existant sur le continent africain avec le franc CFA. C'est la Banque centrale sud-africaine, la South African Reserve Bank qui centralise les devises et garantit la couverture des monnaies, bien que depuis 1993, la Namibie ait sa propre monnaie, le dollar namibien.

265 Sommet de Gaborone, (Botswana) 29 août 1994.

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1- La SADC, vecteur de la politique de coopération de la RSA

Cette politique se combine aux objectifs de la SADC. Elle implique en effet un haut degré de coopération économique, une assistance mutuelle, ainsi qu'une planification cohérente, en ce qui concerne les réalités socio-économiques, environnementales et politiques266. Dès lors, à l'intérieur de la région, la SADC sera et demeurera le premier vecteur de la politique et l'action du pays pour parvenir à un développement économique régional. La vision de l'État sud-africain se combine avec celle de la SADC. En effet, l'objectif principal de la SADC, comme son nom l'indique, est d'arriver à un développement et à une croissance économique, à la réduction de la pauvreté, à l'amélioration du niveau de vie des populations de l'Afrique australe au soutien de ceux qui sont socialement désavantagés par l'intégration régionale. C'est pourquoi la réalisation de ces objectifs doit passer par une intégration régionale poussée, et se fonder sur des principes démocratiques, un développement équitable et soutenu267. Aussi, les domaines de coopération adoptés par les 14 États membres de la SADC, reflètent assez bien la vision et les objectifs de la politique sud-africaine. Trois grands domaines forment la charpente de la coopération interétatique de la région. Le premier se focalise sur une profonde coopération économique et l'intégration, sur la base d'un équilibre, l'équité et le bénéfice mutuel, la promotion d'un accroissement de l'investissement et du commerce, un libre mouvement de facteurs de production à travers les frontières nationales.

Le second se focalise sur des valeurs économiques, politiques, sociales communes, à travers l'accroissement des entreprises et la concurrence, la démocratie et la bonne gouvernance, le respect de la règle de droit et la garantie des droits de l'Homme, la participation populaire et la réduction de la pauvreté. Et enfin, le troisième a trait à la solidarité régionale, la paix et la sécurité, dans l'objectif de permettre aux populations de la région de vivre et de travailler ensemble dans la paix et l'harmonie268. Ainsi, le développement concerté est à la base des relations entre les pays de la SADC, but somme toute logique du fait de la rupture avec le passé et au choix de la dénomination de la nouvelle architecture régionale dans la SADC qui met en lumière le mot communauté de développement. Ce développement concerté constitue en fin de

266 South Africa Year book, Foreign relations, 2003/2004, p. 315.

267 Article 5 du traité de la SADC amendé en 2001.

268 Article 5 du traité amendé en 2001 de la SADC et aussi, pour une présentation de la SADC, Notes et Études documentaires, n°5170-71, mai-juin 2003, pp.114-120.

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compte l'expression et le socle du tissage de la nature des relations avec la RSA. A cet égard, la position et la vision de la RSA témoignent de la place qu'occupe la RSA dans la SADC, en vertu de sa volonté d'immersion du pays dans le marché mondial par une diversification de ses partenaires. Elle se traduit par l'appui sur les organes déjà existants, leur restructuration afin de les rendre opérationnelles et les adapter à la mondialisation. L'action de la RSA, dans la vitalisation et la restructuration de l'architecture de la SADC, s`est opérée principalement à travers le comité de révision. En effet, la nécessité de la transformation de l'organisation sous-régionale pour la rendre en adéquation avec ses objectifs, doublée de la volonté sud-africaine de donner un nouveau sens à ses relations avec cette structure, a mis en orbite un comité de révision composé outre de cette dernière, du Mozambique, du Zimbabwe, le Malawi et la Namibie. La légitimité de ce comité résultait de son origine, c'est-à-dire d'une décision des chefs d'État et de gouvernement de la SADC, donnant mandat au conseil des ministres « d'entreprendre un examen critique des opérations des institutions de la SADC, incluant l'OPDS en vue de faire de la SADC un instrument plus effectif et efficace dans la construction de la communauté »269.

2- La contribution sud-africaine à l'institutionnalisation de l'OPDS et à son intégration dans la SADC

Cette intégration est la conséquence de la vision sud-africaine et de la volonté des États membres de se doter d'un organisme chargé de conduire et de gérer des actions de diplomatie préventive. Elle revêt de ce fait une importance capitale vers la construction d'une communauté de la sécurité270. Cet organe, qui a acquis une légitimité consécutive au protocole finalisant son lancement271 à l'occasion du sommet de la SADC le 14 août 2001 à Blantyre (Malawi), est l'expression du poids politique de la RSA et l'aspect politique de la gestion de la paix et de la sécurité en Afrique australe, de la rationalisation de l'outil de la SADC et de la politique régionale de la RSA. La mise en valeur de cet organe, sa place cardinale, tout comme son intégration à la SADC en 1996, résulte du poids politique de Nelson MANDELA. Elle est en effet la conséquence d'un processus qui s'est initié en 1996, deux ans après l'entrée de la RSA

269 SADC Secretariat: «Report on the review of Operations of SADC Institutions», Gaborone, p. 1.

270 Naison NGOMA, "SADC towards a security community?", African Security Review, vol.12, n°3, 2003, p.18-28.

271 Protocol on Politics, Defense, and Security, site de laSADC, http://www.sadc.int . et le site de l'ISS, http://www.iss.org.za/AF\RegOrg/unity_to_union/SADC.html. (En anglais, accédé le 26/04/2004.) Le protocole fut signé par 13 des 14 pays, l'Angola n'ayant pas signé pour des raisons administratives.

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dans la SADC272. La création de l'OPDS est le point de départ de la mise en place d'une approche globale de la sécurité en Afrique australe, qui est l'expression de la volonté de donner une structure institutionnelle à la construction et au maintien de la paix dans la région. Cette structure se compose de deux branches, l'une relative aux questions de défense et de sécurité, et l'autre relative aux questions politiques et diplomatiques. La volonté sud-africaine d'en faire un organe central dans la structure opérationnelle de la SADC résultait des oppositions politiques à l'intérieur de la SADC.

En effet en 1996, elle était présidée par Robert MUGABE273 désireux d'en faire une institution au fonctionnement autonome (capable de convoquer des sommets et prendre des décisions ad hoc) par rapport au secrétariat de la SADC qui était présidé par Nelson MANDELA274. Cette rivalité, qui était sous-tendue par des intérêts politiques et la volonté zimbabwéenne de retrouver l'influence régionale, a rendu difficile une politique commune de défense et de sécurité, ponctuée par des oppositions entre groupes de pays275. Les exemples les plus marquants du fonctionnement parallèle de l'organisme ont été en 1998, lors de la seconde guerre en RDC, l'intervention armée du Zimbabwe, de l'Angola et de la Namibie pour soutenir le régime en place, privilégiant la solution militaire au détriment de la solution diplomatique prônée par la RSA. Cette dernière de son côté est intervenue militairement et de façon calamiteuse en

272 Le traité instituant la SADC en 1992 prévoyait parmi d'autres, la coopération dans les domaines politiques, diplomatiques, les relations internationales, la paix et la sécurité. A cet égard, les résolutions et les recommandations de l'atelier sur la démocratie, la paix et la sécurité, qui ont eu lieu à Windhoek (Namibie) en juillet 1994, ont mis sur pied une réflexion et la volonté de s'engager formellement sur la voie de la coordination de la sécurité, la médiation dans les conflits, voire une coopération militaire. C'est la réunion à Gaborone (Botswana) des ministres des Affaires étrangères, de la Défense et de la Sécurité en janvier 1996 qui mit en orbite cet organe.

273 Ancien leader des pays de la ligne de front, il semble qu'il ait obtenu cette fonction par soucis de compromis, le Botswana, alors Président de la S.A.D.C et hôte du siège du secrétariat de la SADC, voulait empêcher ce dernier de devenir le nouveau président de la SADC, le lui ont confié en compensation.

274 Qui fut à l'origine de la présidence tournante de la S.A.D.C, poste qu'il occupa jusqu'en 1999.Le président zimbabwéen avait par ailleurs proposé en 1995 la création de l'association des États d'Afrique australe (ASAS) l'Association of Southern African States. Cette association devait avoir vocation à succéder aux pays de la ligne de front. Une réunion avait eu lieu à Harare le 03 mars 1995 afin d'harmoniser les propositions de l'A.S.A.S et de la SADC. Comme l'OPDS, L' ASAS devait se composer de deux sous-comités, l'un sur les affaires politiques, l'autre sur les questions de défense et sécurité, avec une présidence tournante de deux ans. Cette association se voyait être le bras armé de la SADC. Cette question ne fut pas prise en considération lors du sommet des chefs d'État de la SADC en 1995 à Johannesburg.

275 Lire particulièrement à ce propos, Mark MALAN, « SADC and Subregional Security. Unde venis et quovadis ? », ISS Monograph 19, Halfway House, Institute For Security Studies, 1998; ainsi que Maxi VAN AARDT, « The Emerging Security Framework in Southertn Africa. Regime or Community ? », Strategic Review for Southern Africa, vol.19, n° 1, 1997, p. 1-30.

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septembre de la même année, au Lesotho aux cotés du Botswana sous l'égide de la SADC. L'éclatement des structures de sécurité, doublé de logiques divergentes a ainsi été un obstacle aux tentatives de solution276. Néanmoins, la nécessité d'une rationalisation de l'appareil régional de paix et de sécurité, apparaissait aux yeux de la RSA indispensable, voire capitale277. Aussi, la rationalisation de la structure duale, qui était source de dissensions a été corroborée par l'activation du projet politique. L'adhésion de l'Afrique du Sud à la SADC a contribué à la dynamique du processus d'intégration au sein de cette sous région.

Comme nous le constatons, l'intérêt national altruiste dans le processus d'intégration régionale a été perceptible lors du processus d'adoption du NEPAD. Cet intérêt national est aussi visible dans l'exécution des programmes de coopération technique de l'UA. Les exemples de l'adhésion de la Guinée Équatoriale dans l'UDEAC/CEMAC et de l'adhésion de l'Afrique du Sud dans la SADC nous ont permis de constater que l'intérêt national altruiste est catalyseur de l'intégration régionale en Afrique.

En définitive, à la lumière des cas pratiques ci haut énumérés, l'ambivalence de l'intérêt national exerce une double influence sur le processus d'intégration régionale en Afrique. En effet, alors que l'intérêt national égoïste qui est caractérisé par l'égoïsme des États et leurs stratégies est un obstacle audit processus, l'intérêt national altruiste démontré à travers l'adhésion de la Guinée Équatoriale à l'UDEAC/CEMAC et l'adhésion de l'Afrique du Sud à la SADC constitue un facteur de dynamisation. Pour parachever ledit processus, les États doivent s'inscrire dans la logique de la recherche de l'intérêt national altruiste.

276 En septembre 1998, lors du sommet de la SADC à Maurice, la commission tripartite (Mozambique, Namibie et Malawi), désignée pour faire son rapport sur le futur de cet organisme ne l'a pas rendu.

277 En août 1999, le sommet des Chefs d'État et de gouvernements de la SADC de Maputo (Mozambique) décida de réviser par l'entremise du Conseil des ministres (dont le nombre de réunions annuelles passa de deux à quatre en 2001), l'organe chargé de la supervision de toutes les institutions de la SADC, surtout cet organe, et de faire un rapport dans un délai de six mois sous la direction de Robert MUGABE.

CONCLUSION GÉNÉRALE

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Notre préoccupation centrale dans cette réflexion était d'élucider l'influence de l'intérêt national sur le processus d'intégration régionale en Afrique. Nous avons eu recours aux approches analytique, explicative et comparative, qui imposent l'interdisciplinarité et un examen critique des sources d'information. Ces approches nous ont permis de rendre compte non seulement de la relation entre l'intérêt national et l'intégration régionale mais aussi, de l'influence de l'ambivalence de l'intérêt national sur le processus d'intégration régionale qui a cours en Afrique depuis les indépendances.

En effet, l'ubiquité de la notion d'intérêt national fait d'elle une notion équivoque et ambivalente. Elle a évolué de sa vision égocentrique des réalistes et des libéraux pour recouvrir de nos jours une vision altruiste selon les constructivistes. Tous les courants de pensées sont unanimes sur la fonction de l'intérêt national comme le principe d'action de l'État sur la scène internationale, y compris de sa participation à un processus d'intégration régionale. C'est pourquoi les tentatives de rapprochement des théories de l'intérêt national à l'intégration régionale en Afrique ont permis de constater que chaque théorie de l'intérêt national favorise une perception particulière du processus d'intégration régionale en Afrique. Ainsi selon les réalistes et les libéraux, les États participeraient aux processus d'intégration régionale en Afrique pour rechercher leur intérêt national, qui est exclusive de l'intérêt national d'un autre État. Pour les constructivistes, les États adhèreraient audit processus pour la recherche des intérêts communs.

L'opérationnalisation des théories générales de l'intégration à la réalité de l'intégration régionale en Afrique nous a permis de constater que l'intégration régionale africaine cernée sous le prisme de l'approche de l'internationalisme libéral exalte un intérêt national altruiste. Cette conception de l'intégration régionale est au service de la résolution des problèmes concrets du peuple comme nous avons pu le démontrer avec les réalisations du NEPAD. Elle est aussi une intégration dépolitisée du fait de la prolifération des institutions spécialisées. L'application de l'approche de l'internationalisme libéral nous a permis de constater que cette vision favorise la formation des intérêts communs et est au service de l'intérêt national altruiste. L'opérationnalisation de la vision intergouvernementaliste à la réalité africaine de l'intégration régionale nous a permis de constater que l'importance du rôle et la place des gouvernements nationaux dans les grandes négociations en Afrique, et la prise en compte des préférences sociétales sont au service des intérêts égoïstes des États.

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A l'analyse, il nous a été donné de constater qu'il existe un continuum entre l'intérêt national et l'intégration régionale en Afrique. Autrement dit, l'intérêt national est le principe d'action et de participation des Etats au sein des organisations d'intégration en Afrique. En effet, l'intérêt national, quelque soit sa conception est la principale motivation de l'adhésion des États aux processus d'intégration. Aussi, la conception de l'intégration régionale en Afrique en fonction des approches de l'internationalisme libéral et de l'intergouvernementalisme permet de déterminer la nature des intérêts qu'exalte cette intégration.

L'ambivalence de l'intérêt national exerce une influence considérable sur le processus d'intégration régionale en Afrique comme nous l'avons constaté à l'épreuve des faits. L'intérêt national égoïste au regard de quelques manifestations que nous avons ressorties à savoir l'égoïsme des États membres et les comportements stratégiques de certains États face à l'action collective de l'UA, constitue un obstacle au processus d'intégration régionale en Afrique. Pour mieux illustrer l'impact de l'intérêt national égoïste sur ledit processus, les exemples de l'attitude du Maroc à l'occasion de son retrait de l'OUA et des États africains qui ne respectent pas les textes communautaires sur la libre circulation des personnes nous ont été d'un grand apport. L'intérêt national altruiste quant à lui, constitue un facteur de dynamisation du processus d'intégration régional en Afrique. En effet les différentes manifestations d'un tel intérêt national dans le processus d'intégration régionale en Afrique ont été perceptibles dans le passé à travers le processus d'adoption du NEPAD, et le sont actuellement dans la mise en oeuvre des programmes de coopération technique de l'UA. Pour démontrer l'importance de l'exaltation de l'intérêt national altruiste dans le processus d'intégration régionale en Afrique, nous avons pris le cas de l'adhésion de la Guinée Équatoriale au processus d'intégration régionale en Afrique Centrale CEMAC et l'adhésion de l'Afrique du Sud à la SADC. A l'étude de ces cas pratiques, il ressort que l'intérêt national altruiste est un facteur d'impulsion du processus d'intégration régionale.

En définitive, la réussite du processus d'intégration régionale qui est une alternative pour le développement de l'Afrique dépend aussi de la perception qu'ont les États dudit processus. Sans doute les aspérités des égoïsmes nationaux, des particularismes tenaces, des velléités

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hégémoniques et des querelles de leadership continuent d'entraver ledit processus278, mais les États doivent renoncer à une instrumentalisation autarcique et introvertie de leur souveraineté, créer les conditions optimales d'une osmose entre leurs intérêts individualistes et intérêts communs. Car « la volonté politique d'un État de soutenir une organisation est à la mesure de l'utilité qu'elle représente pour la conduite de sa politique nationale. Et les États cherchent par leur stratégie de participation aux organisations, à maximiser le profit qu'ils peuvent en attendre, dans le domaine normatif, opérationnel ou politique 279». Comme l'intérêt national égoïste est le principe d'action des États sur la scène internationale, dans le processus d'intégration régionale ceux-ci doivent rechercher la conciliation entre leur intérêt national et l'intérêt commun. C'est de la recherche de l'intérêt national altruiste que naîtrons des initiatives qui impulsent ledit processus. De la perception de l'intérêt national dépend la lenteur ou la dynamique du processus d'intégration régionale. Pour dynamiser le processus d'intégration régionale en Afrique, les États doivent opter dans ledit processus pour la recherche de l'intérêt national altruiste; car dans un environnement mondial complexe, encore marqué par l'anarchie, sans autorité internationale, les États rationnels doivent choisir néanmoins l'intégration. Car, les institutions d'intégration au sein desquelles les États négocient leurs intérêts leur permettent d'accroître leurs gains, leur ouvrent de nouvelles perspectives de développement et de paix280.

278 Narcisse MOUELLE KOMBI, « Les aspects juridiques d'une union monétaire : l'exemple de l'Union Monétaire de l'Afrique Centrale (UMAC), Afrilex n°4 disponible sur http://www.afrilex.u-bordeaux4.fr.p. 129.

279 Jonathan-COHEN, « L'État face à la prolifération des organisations internationales », contribution au colloque de Strasbourg (mai 1987) de la SFDI sur les organisations internationales contemporaines : crise, mutations. Développement, Paris, Pedone, 1988, p.386.

280 Gérard DUSSOUY, Op. Cit. p 106.

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· www.mkassé.com.

119

TABLE DES MATIÈRES

DÉDICACE i

REMERCIEMENTS ii

SOMMAIRE iii

LISTE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS iv

RÉSUMÉ vii

ABSTRACT viii

INTRODUCTION GÉNÉRALE 1

I-Présentation du sujet de recherche 2

II- Délimitation du champ d'analyse du sujet 3

1- Définition des concepts 3

2- Délimitation temporelle 3

III- Objet de l'étude 4

VI- Intérêt de l'étude 4

V- Revue de littérature 5

VI-Problématique 9

VII-Hypothèses de travail 10

VIII-Choix théoriques et méthodologiques 10

1-Choix théoriques 10

2-Méthode 13

3- Analyse des données récoltées 13

VIII- plan de travail 14

120

PREMIÈRE PARTIE : INTÉRÊT NATIONAL ET INTÉGRATION RÉGIONALE EN

AFRIQUE : CADRAGE ET ANALYSE CONCEPTUELS 16

CHAPITRE 1 : DES THÉORIES DE L'INTÉRÊT NATIONAL À LA DYNAMIQUE

D'INTÉGRATION RÉGIONALE EN AFRIQUE 19

SECTION I : LES THÉORIES RÉALISTES DE L'INTÉRET NATIONAL ET

L'INTÉGRATION RÉGIONALE EN AFRIQUE 20

PARAGRAPHE I - LA CONTROVERSE RÉALISTE DE L'INTÉRET NATIONAL 21

I- L'intérêt national comme moteur des relations internationales 21

II- La remise en cause d'une définition de l'intérêt national en termes de puissance 23

PARAGRAPHE II- L'INTÉRÊT NATIONAL DES RÉALISTES ET L'INTÉGRATION

RÉGIONALE EN AFRIQUE 26

SECTION II : LA THÉORIE CONSTRUCTIVISTE DE L'INTÉRÊT NATIONAL ET

L'INTÉGRATION RÉGIONALE EN AFRIQUE 29

PARAGRAPHE I- LA THÉORIE CONSTRUCTIVISTE DE L'INTÉRÊT NATIONAL 29

I- Les précurseurs et l'économie de l'approche constructiviste de l'intérêt national 29

II- Le rôle des identités dans la formation de l'intérêt national des constructivistes 30

PARAGRAPHE II- L'ANALYSE DE L'INTÉGRATION RÉGIONALE EN AFRIQUE

SOUS LE PRISME DE L'INTÉRÊT NATIONAL DES CONSTRUCTIVISTE 33

CHAPITRE II : L'INTÉRÊT NATIONAL DANS LE PROCESSUS D'INTÉGRATION RÉGIONALE EN AFRIQUE À LA LUMIÈRE DES THÉORIES GÉNÉRALES DE

L'INTÉGRATION 37

SECTION I : L'INTÉRÊT NATIONAL DANS LE PROCESSUS D'INTÉGRATION RÉGIONALE EN AFRIQUE PENSÉ SOUS LE PRISME DE L'APPROCHE

INTERNATIONALISTE LIBÉRALE DE L'INTÉGRATION 37

PARAGRAPHE I : L'approche internationaliste libérale de l'intégration régionale 38

I- Le fonctionnalisme 38

II- Le néofonctionnalisme 40

121

PARAGRAPHE II : L'intérêt national dans la pensée de l'internationalisme libéral de

l'intégration régionale africaine : un intérêt national altruiste 42

I- L'enracinement de la théorie fonctionnaliste au sein de l'intégration régionale africaine :

une intégration dépolitisée 42

1- Les politiques d'intégration et la résolution des problèmes concrets des peuples 43

2) La prolifération d'institutions transnationales spécialisées 45

3) Une intégration dépolitisée 47

II- L'enracinement de la théorie néofonctionnaliste au sein de l'intégration régionale

africaine : une intégration au service des intérêts fonctionnels communs 48

1) La coordination des activités socio-économiques par les autorités politiques 48

2) La possibilité d'engrenage à partir d'un secteur donné 49

3) Une intégration au service des intérêts fonctionnels communs 51

SECTION II : L'INTÉRÊT NATIONAL DANS LE PROCESSUS D'INTÉGRATION RÉGIONALE EN AFRIQUE VU SOUS LE PRISME DES THÉORIES DE

L'INTERGOUVERNEMENTALISME 52

PARAGRAPHE I : Les théories de l'intergouvernementalisme 52

I- L'intergouvernementalisme classique de Stanley Hoffman 53

II- L'intergouvernementalisme libéral de Andrew Moravcsik 54

PARAGRAPHE II : L'intérêt national dans la pensée intergouvernementaliste de

l'intégration régionale africaine : un intérêt national égoïste 55

I- Le rôle et place des gouvernements nationaux dans les grandes négociations politiques en

Afrique 56

II- La formulation et de la prise en compte des préférences sociétales 57

DEUXIÈME PARTIE : L'AMBIVALENCE DE LA NOTION D'INTÉRÊT NATIONAL

A L'ÉPREUVE DE L'INTÉGRATION RÉGIONALE EN AFRIQUE 60

SECTION I : LES MANIFESTATIONS DE L'INTÉRÊT NATIONAL ALTRUISTE

DANS LE PROCESSUS D'INTÉGRATION RÉGIONALE EN AFRIQUE 83

122

CHAPITRE 3 : L'INTÉRÊT NATIONAL ÉGOÏSTE : UN FREIN A L'INTÉGRATION

RÉGIONALE EN AFRIQUE 62

SECTION I : LES MANIFESTATIONS DE L'INTÉRÊT NATIONAL ÉGOÏSTE DANS

LE PROCESSUS D'INTÉGRATION RÉGIONALE AFRICAINE 63

PARAGRAPHE I : L'égoïsme des États africains dans le processus d'intégration régionale

63

I -Les querelles de leadership 64

II-Les velléités souverainistes des États 65

PARAGRAPHE II : Les stratégies de certains États africains face à l'action collective

entreprise par l'UA 67

I- La crise ivoirienne de novembre 2010 68

II- Le vote de la Résolution 1973 69

SECTION II : L'IMPACT DE L'INTÉRET NATIONAL ÉGOÏSTE SUR LE

PROCESSUS D'INTÉGRATION RÉGIONALE EN AFRIQUE : ÉTUDE DE CAS 70

PARAGRAPHE I : Le retrait du Maroc de l'UA 70

I- La recherche de l'intérêt national égoïste : mobile du retrait du Maroc de l'OUA 70

II- Le retrait du Maroc et la paralysie du processus d'intégration régionale en Afrique 73

PARAGRAPHE II : Le non respect des textes sur la libre circulation des personnes par les

États africains 76

I- État des lieux des textes sur la libre circulation en Afrique 76

II- Le non respect des textes sur la libre circulation des personnes comme un blocage du

processus d'intégration 78

CHAPITRE 4 : L'INTÉRÊT NATIONAL ALTRUISTE : UN FACTEUR DE

DYNAMISATION DE L'INTÉGRATION RÉGIONALE EN AFRIQUE 81

123

PARAGRAPHE I : Le processus de création du NEPAD comme une manifestation de

l'intérêt national altruiste 83

I- Les concepteurs du NEPAD 83

II- L'adoption du NEPAD comme une attitude altruiste des chefs d'État africain 85

PARAGRAPHE II : L'institution des programmes de coopération technique comme une

manifestation de l'intérêt national altruiste 87

SECTION II : L'IMPACT DE L'INTÉRET NATIONAL ALTRUISTE SUR

L'INTÉGRATION AFRICAINE : ÉTUDE DE CAS 89

PARAGRAPHE I : L'adhésion de la Guinée Équatoriale à l'UDEAC/ CEMAC : de la recherche de l'intérêt national à la consolidation de l'intégration régionale en Afrique

centrale 89

I- La recherche de l'intérêt national comme facteur d'adhésion de la Guinée Équatoriale à

L'UDEAC 89

1- Les mobiles de l'adhésion de la Guinée Équatoriale à l'UDEAC 89

a) La Guinée Équatoriale, pays pauvre de la sous-région dans les années 70 et 80 90

b) L'isolement géographique et linguistique de la Guinée Équatoriale 91

2- Les gains de la Guinée Équatoriale pour son adhésion à l'UDEAC 92

II- L'adhésion de la Guinée Équatoriale à l'UDEAC/CEMAC et les implications

subséquentes sur l'intégration régionale en Afrique Centrale 93

1) Le Consensus de Fort-Lamy remis en cause par la Guinée Équatoriale 93

2) La poursuite de l'intérêt national de la Guinée Équatoriale comme facteur

d'assainissement de la CEMAC 94

PARAGRAPHE II : L'Afrique du Sud dans la SADC : une adhésion motivée par l'intérêt

national et un facteur d'impulsion de l'intégration régionale 97

I- La volonté de puissance comme motif de l'adhésion de l'Afrique du Sud à la SADC 98

II- L'adhésion de l'Afrique du Sud à la SADC : une contribution à la reconstruction de

l'architecture supranationale de l'organisation régionale 100

1-

124

La SADC, vecteur de la politique de coopération de la RSA 101

2- La contribution sud-africaine à l'institutionnalisation de l'OPDS et à son intégration

dans la SADC 102

CONCLUSION GÉNÉRALE 105

BIBLIOGRAPHIE 109

TABLE DES MATIÈRES 119






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"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera