République Algérienne
Démocratique et Populaire
Ministère de l'enseignement
supérieur et de la Recherche Scientifique
Université El Hadj Lakhdar-
Batna
Faculté des Lettres et des Sciences
Humaines
Département de français
Ecole Doctorale de Français
Antenne de Batna
Approche titrologique de l'oeuvre romanesque
de Malek Haddad
Cas de : -L'Elève et la leçon
-Le Quai aux Fleurs ne répond plus
|
Mémoire élaboré en vue de
l'obtention du diplôme de Magistère
Option: Sciences des textes
littéraires
Sous la direction du:
Présenté et soutenu par:
Dr.Rachida SIMON
Halima Benmerikhi
(Epouse Bensid)
Membres du jury:
Président:Dr. Said Khadraoui,
M.C., Université de Batna.
Rapporteur: Dr. Rachida SIMON, M.C.,
Université de Batna.
Examinateur: Dr. Jamel Ali-Khodja, M.C.,
Université de Constantine.
Examinateur: Dr. Rachid Raïssi,
M.C., Université de Ouargla.
Année académique
2004 / 2005
Dédicace
A la mémoire de mon père.
A ma Mère - Courage.
A ma chère soeur Khadîdja.
A mes frères - Amis : Mustapha, Mohamed et Adnane
A mon mari, l'âme-soeur et l'ami.
A toutes mes amies, surtout Moulida-la Délicatesse et
Hassina - la Passionnée.
A tous ceux qui en écrivant se brûlent
Remerciements
Tout d'abord, je tiens à adresser mes plus vifs
remerciements à mon directeur de thèse le Dr Rachida Simon qui
m'a soutenue tout au long de ce travail et dont les conseils m'ont
été d'un précieux secours.
Je désire aussi remercier toute ma famille pour la
patience qu'elle a consentie devant les changements d'humeur
occasionnés par ce travail.
Je souhaite également présenter mes
remerciements à mon enseignant M. Saïd Khadraoui qui a
attiré mon attention sur cette discipline (la titrologie) dont
j'ignorais l`existence.
Que soient aussi remerciés ici, l'Inspecteur de la
langue française du cycle secondaire Monsieur Mohamed Lamine Sriti et
l'étudiante en magistère Mademoiselle Saïda Hariza, l'autre
amoureuse de Malek Haddad, pour leur aide documentaire.
Je témoigne toute ma reconnaissance au Dr Jamel
Ali-Khodja, maître de conférences, poète et
écrivain, neveu préféré du romancier feu Malek
Haddad.
Mes remerciements vont également au Dr Rachid
Raïssi maître de conférences à l'université de
Ouargla d'avoir accepté d'examiner ce modeste travail.
Enfin, je ne saurai remercier assez tous les enseignants
ainsi que le Directeur de l'Ecole Doctorale de français, antenne de
Batna, pour les efforts qu'ils ont déployés durant ces deux
années.
Introduction
1
Présentation du sujet :
L'apparition d'une discipline s'intéressant aux titres
des oeuvres littéraires (roman, poésie, film...) porte le nom de
titrologie". Celle-ci a été célébrée par
Léo. H.Hoek en 1982 dans son ouvrage "La Marque du titre", dans lequel
il offre une étude d'ensemble des problèmes théoriques du
titre. Puis en 1987, Gérard Genette publie "Seuils" une étude
sur le paratexte, ou le titre est abordé en profondeur et de
façon systématique à partir de la détermination de
son emplacement, de sa date d'apparition, de son mode d'existence verbal, des
caractéristiques de son instance de communication et de ses
fonctions.
Depuis, trois décennies se sont écoulées
et les recherches sur ce petit élément, polyédrique
apparemment insaisissable, se sont enrichies grâce à l'apport de
la linguistique du texte, l'esthétique de la réception, la
pragmatique et la sémiotique...
Si le texte a toujours été le centre
d'intérêt de nombreuses disciplines la nécessité
d'étudier le titre - élément du paratexte dont la
présence reste indéniable pour la plupart des textes - n'est pas
inutile pour diverses raisons.
D'abord, le titre ouvre le texte et en constitue le point de
départ naturel. Il sera dans l'analyse du roman (co-texte) un moyen
privilégié d'entrer dans le texte-une clef-, dans la mesure
où il est aussi "jugement" de l'auteur sur son roman. Le titre implique
la lecture ou la non-lecture du roman et donc l'ouverture ou pas sur ce
dernier.
En ce sens, la lecture du roman correspond à une
volonté d'explication du titre. En réalité, ce dernier
participe de façon non négligeable à une entrée en
littérature. C'est en lui que se manifeste déjà le sens du
texte, comme le signale Josette Rey-Debove en 1979 dans son "Essai de
typologie sémiotique des titres d'oeuvres". Donc, le titre influence
l'interprétation du texte.
Ensuite, l'appareil titulaire représente cette partie
du texte par laquelle
2
celui-ci s'affiche et s'offre ouvertement à la lecture,
généralement dès la couverture ou dès le dos du
volume. En ce sens, l'oeil du lecteur ne peut pas le manquer.
Enfin, le titre est l'élément le plus important
de la page de titre, qui doit être considérée
comme "L' "état civil" d'un texte : cette
page de titre, qui peut en marquer le " nom " (le titre), la " profession " (
la fonction du titre qui prélude au contenu du texte),le"domicile"(la
marque de l'éditeur ), la"date de naissance " ( l'année de
publication ) et l'"autorité émettrice" (le nom
d'auteur)."(1) rappelle Léo. H.
Hoek.
Négliger les problèmes que pose le titre n'est
rien d'autre que sous estimé son rôle important. Composé de
sèmes bien limités, par rapport au texte qui est plus long, le
titre est un élément bien complexe. C'est ce qui rend son
étude et son interprétation rude et épineuse, mais fort
passionnante.
Comme l'intitulé le montre, nous ambitionnons
d'entreprendre une approche titrologique de l'oeuvre romanesque de
l'écrivain Algérien Malek Haddad et précisément
l'étude de deux titres "L'Elève et la leçon" et "Le Quai
aux Fleurs ne répond plus".
Nous résumons la problématique en une seule
interrogation : Que nous apprend de pertinent l'approche titrologique de "
L'Elève et la leçon " et " Le Quai aux Fleurs ne répond
plus" ?
(1) Léo.H.Hoek, La Marque du titre, La Haye,
Mouton, 1982, p.3 3
Hypothèses :
Quatre hypothèses seront mises à
l'épreuve :
Premièrement, l'étude du fonctionnement
sémiotique des deux titres romanesques et leur typologie participent
à l'éclairage du lien qu'ils entretiennent avec le co-texte.
Ensuite, le corpus d'étude exerce une autorité
sur le lecteur et invoque une certaine idéologie.
Aussi, l'analyse des éléments du paratexte tel
que la couverture des romans (couplets, photographie, synopsis...) et le nombre
de syllabes composant les titres peuvent contribuer à leur
interprétation.
Enfin, les deux titres sont dotés d'une structure ayant
une signification symbolique; à travers le choix des mots et des
sonorités.
- Méthodes mises en oeuvre
:
Notre approche fera appel à différentes
méthodes. En premier lieu, l'apport de la sémiotique du titre
(Léo. H. Hoek, Gérard Genette, et d'autres) nous permettra
l'analyse du fonctionnement des deux titres romanesques de Malek Haddad. Elle
sera conjuguée à la linguistique et à la pragmatique qui
permettent l'analyse des mécanismes de l'acte d'énonciation dans
les titres. La théorie de la réception, elle, permettra
l'étude de la place réservée au le lecteur par Malek
Haddad lors de la conception de ses titres.
Ensuite, la sociocritique avec les travaux de Claude Duchet,
Henry Mitterrand et d'autres serviront d'outil pour le décryptage de
l'idéologie et de l'autorité existant dans les titres de
l'écrivain.
Par la suite, nous aurons recours à l'apport
de la chromatique pour l'analyse et l'interprétation des couleurs de la
couverture de chaque roman, ayant une relation parfois explicative avec les
titres.
4
La numérologie, elle, servira pour l'explication de la
symbolique du chiffre présent dans les deux titres.
Finalement, la syntaxe, la rhétorique et la stylistique
nous aideront à l'étude de la structure des deux titres; dans le
but d'apprécier leur originalité et leur valeur
esthétique.
Ces méthodes serviront de garde-fou à notre
étude organisée entre quatre chapitres.
Plan de travail :
Dans le premier chapitre nous proposerons une
présentation biographique et bibliographique de
l'écrivain Malek Haddad; étant donné qu'il est
inconcevable d'étudier l'oeuvre sans connaître les détails
sur la vie de son créateur. Nous évoquerons le " Drame du langage
" qui est un élément marquant dans la vie et dans l'oeuvre de
notre écrivain. Puis nous tenterons de parler de la place occupée
par son oeuvre romanesque dans la littérature algérienne
d'expression française.
Dans le deuxième chapitre, nous entreprendrons,
après un aperçu historique sur la titrologie, la
définition du titre et nous proposerons une liste de synonymes au mot "
Titre ", afin de découvrir le lien existant entre eux.
Les fonctions sémiotiques: appellative,
référentielle, conative et métalinguistique seront
expliquées, puis nous évoquerons les types de titres selon le
classement de Léo. H. Hoek et Gérard Genette.
Nous consacrerons le troisième chapitre à
l'étude du contexte socio-historique qui a vu naître les deux
romans de Malek Haddad, après une brève présentation des
thèmes des deux récits. L'étude des fonctions
sémiotiques sera envisagée et sera suivie par un essai de
classification des titres.
5
Nous indiquerons l'autorité exercée sur le
lecteur par les titres et décèlerons, vers la fin du chapitre,
l'idéologie que nous avons pu dégager.
Dans le quatrième chapitre, dernière phase de
notre travail, nous examinerons la couverture des deux romans ainsi que ses
composantes, dans le seul objectif d'établir un lien de
complémentarité entre eux et notre corpus. Par le biais de la
numérologie, nous expliquerons la symbolique du chiffre présent
dans chacun des titres les nombres 06 et 08. Enfin, l'analyse syntaxique
(constituants des deux titres) puis stylistique (rythme et musicalité)
seront entreprises à leur tour.
Telles sont les préoccupations qui traversent le
présent travail, dans le but de découvrir ce que nous promettent
les deux titres de romans de l'écrivain Malek Haddad, que nous avons
retenus.
6
Chapitre 1
Présentation de l'auteur
7
A. Biographie de l'auteur
« Suis-je né dans l'exil et dans mon
habitude
À chercher au métro le couloir
étranger
Suis-je né prisonnier de cette servitude
(...) Hôtel tout n'est qu'hôtel pour allonger
la nuit
Ah ! La fiche à remplir testament des
escales. »
Malek Haddad, Ecoute et je t'appelle.
Venir au monde, vivre, puis mourir c'est l'ordre de notre
existence. Mais mourir en laissant une belle oeuvre, c'est le rêve de
tout être humain sensé et à plus forte raison de tout
artiste, poète ou écrivain. C'est le cas de notre auteur :
l'Algérien nostalgique, Malek Haddad. Bien que mal connu ou peu connu,
cet auteur existe réellement dans la mémoire des hommes. Surtout
dans la mémoire de ceux qui, éblouis par son talent de
poète, récitent ses vers et relisent ses romans, témoins
d'une période dramatique : la colonisation française.
8
Malek Haddad naquît le 5 juillet 1927 à
Constantine, une année avant l'écrivain Kateb Yacine. Son jour de
naissance coïncide avec une date mémorable qu'allait vivre trente
cinq ans plutard toute l'Algérie : le Jour de
l'Indépendance. Son enfance fut bercée par la tendresse et la
courtoisie d'une maman qui s'appelait Hmama. Cette dernière ne
savait ni lire ni écrire, toutefois elle avait l'art de bien parler avec
tous ceux et celles qui la côtoyaient. Son père, instituteur puis
directeur d'école, l'avait inscrit dans une école primaire pas
loin de la sienne l'école « Sidi
Jlisse ».Très jeune, Malek lisait énormément. Sa
carrière d'écrivain ne se dessinait pas clairement. Il se fixait
aux bonnes lectures que lui recommandait son père avec des morceaux
choisis qui servaient de modèle pour ses rédactions. Malek Haddad
goûta à Daudet, Dickens, Maupassant, Balzac, Mérimée
et h Stendhal.
Dans son adolescence, il apprécia et
découvrit les auteurs russes, Gorki, Pouchkine, Tolstoï, Pasternak,
Dostoïevski... A cette époque, le beau et séduisant jeune
adolescent rêvait de créer une grande fresque romanesque.
En 1946, au lycée Rédha Houhou-appelé
jadis lycée D'Aumale-Malek décrocha son baccalauréat,
filière philosophie et lettres .Il enseigna pendant un court moment puis
il s'inscrivit à la faculté de droit d'Aix-en-Provence.
Il en était aux poèmes de Baudelaire et de
Verlaine. Deux rencontres lui furent bénéfiques, en cette
période; celles de Aragon et de George Mounin.
9
Mais il n'a pu achever ses études à cause de la
guerre de Libération Nationale qui venait d'éclater.
II travailla comme ouvrier agricole, en compagnie de Kateb
Yacine, dans le nord de la Camargue, puis dans le désert d'un pays
voisin, la Libye. A Paris, une autre expérience l'attendait.
Grâce à son extrême talent de journaliste,
il se retrouva employé à la radiodiffusion française.
Voyageur infatigable, il foulera le sol de plusieurs capitales telles que
Tunis, le Caire, New-Delhi, Berne, Moscou où il effectuera des
émissions pour le compte du Front de Libération Nationale
(F.L.N).
L'engagement politique et patriotique de Malek Haddad
était clair et sans équivoque. Il était l'un des premiers
écrivains de langue française engagé pour la cause de son
pays, dès le déclenchement de la Révolution. Dans
« Le Malheur en danger » -un recueil de
poèmes- on retrouve des vers mordants et une poésie qui se meut
entre engagement et liberté, exil et nostalgie du pays. Il faut savoir
que Haddad s'est révélé d'abord poète, puis
romancier. Son premier roman paru en France fut « La
Dernière Impression ». De 1958 à 1961, notre
écrivain publie un roman chaque année.
Après l'indépendance, Malek Haddad dirigea
à Constantine la page culturelle du quotidien An-Nasr, de 1965 à
1968. Il fut directeur de la culture, au ministère de l'information et
de la culture de 1968 à 1972 et organisa le 1er colloque
culturel national, ainsi que du 1er festival culturel panafricain en
1969. A cette même date, le Prix Rédha Houhou fut crée,
pour la meilleure oeuvre littéraire écrite par un jeune.
10
Par la suite, la revue
« Promesses » naquît grâce aux
recommandations de Malek Haddad et fut éditée sous l'égide
du ministère de l'information. L'année 1974 marque sa nomination
comme secrétaire général de l' Union des Ecrivains
Algériens.
En outre, à la fin des années 1970, il eut
à superviser El-Moudjahid-Culturel. Entre autre, il
écrit plusieurs poèmes et de nombreux articles littéraires
et culturels dans des périodiques algériens, surtout dans
An-Nasr. Sans oublier la réalisation d'un album de photos en
1967 qu'il intitula « Les Femmes
Algériennes », édité par le
ministère de l'information.
Le 02 juin 1978, à l'hôpital Mustapha d'Alger
Malek décède des suites d'un cancer aux poumons, entouré
par son épouse Zahia, son fils Nadim, sa soeur Louiza et quelques amis.
Lui qui, auparavant, souhaita mourir dans sa patrie le voilà
exaucé. « Ami -implore Malek- regardez la
Montagne et permettez mon rêve/ j'irai mourir en
Algérie ».((*)1)
Poète, romancier et journaliste de talent, il nous
légua une oeuvre qui, bien qu'inachevée, reste exemplaire dans sa
manière de parler de l'Algérie avec tant d'amour, de
fierté et de nostalgie. D'autres oeuvres de Malek Haddad restent
inédites. Il s'agit de : -
- Les Premiers Froids (poèmes)
- La Fin des Majuscules (essai)
- La Légende de Salah Bey (roman)
- Un Wagon sur une île (roman
inachevé)
- Les Propos de la quarantaine (Chronique), ainsi que
son Journal intime.
L'auteur a souhaité que ses oeuvres soient
publiées par les parties qui les détiennent. Nous nous sommes
demandés pour quelle raison Malek Haddad a peu publié ? C'est
que, comme il le déclare dans un entretien datant de
1977 ``...écrire est un acte important, (....) publier
est un acte grave !,, (2)
Au terme de cette esquisse biographique, quel bilan
pouvons-nous faire? Malek Haddad doit à ses origines l'amour de la
patrie, une imagination débordante et une sensibilité très
vive. Ce qui le caractérise aussi, c'est un idéalisme à
l'épreuve des assauts de la réalité et d'une vie
aventureuse, si foisonnante qu'elle submerge la cruauté du
réel.
Pendant la révolution nationale, son errance à
travers tant de pays l'avait doté malgré lui d'une apparence
inquiète. En réalité, dans ses entrailles se cachait une
âme émotive et tourmentée.
Sa malheureuse expérience familiale
marquée par plusieurs divorces, l'exil, la mort d'un de ses
frères et de beaucoup de ses amis, le spectacle de la misère
régnant dans l'Algérie colonisée et l'affrontement en lui
de deux cultures ont réussi à le perturber, lui, ainsi que les
hommes les plus solides de l'époque « L'écrivain
est plus le produit de l'histoire que de la
géographie»(3) confie Malek Haddad dans
l'un de ses entretiens journalistiques. Nous croyons que notre auteur a
été façonné par ces deux éléments
réunis.
(3). Jean, Déjeux, La Littérature
Maghrébine d'expression française, CCF a Alger, 1969.Tome 1,
p69 12
B. L'oeuvre romanesque de Malek Haddad et sa place
dans la littérature Algérienne
d'expression française.
« Un artiste est un homme, il écrit pour
des hommes,
Pour prêtresse du temple, il a la
liberté
Pour trépied 1`univers; pour élément
la vie;
Pour encens la douleur, l'amour et l`harmonie,
Pour victime son coeur »Alfred De
Musset.
Depuis qu'il était adolescent, Malek Haddad
rêvait d'une grande fresque romanesque. Lui qui -tel un rat de
bibliothèque- passait des journées entières à
dévorer les grands chefs-d'oeuvres de la littérature
française, anglaise et russe, pouvait-il échapper à sa
destinée de poète et de romancier ? Il avait tout pour le devenir
: le talent, l'imagination, la sensibilité, l'intelligence et le
sérieux; car écrire est un engagement sérieux comme il
avait l'habitude de le rappeler à son entourage familial et à ses
amis. Une oeuvre romanesque est née sous la plume de Malek Haddad,
malheureusement inachevée mais, si attachante quand nous la
découvrons et savons bien écouter l'écho des voix
profondes, graves caverneuses baignées de rêveries,
d'idéalisme et de douleur qui la traversent « les chants
désespérés sont les chants les plus
beaux »((*)4)
L'oeuvre qui se compose de quatre romans parus en France, au
cours de la période 1958 1961, a été traduite en plusieurs
langues : arabe, italien, chinois, espagnol, russe; pourtant elle demeure
étrangement méconnue par le grand public algérien. En
effet, nous avons constaté que la plupart des lycéens que nous
avons interrogés au sujet de Malek Haddad, ne le connaissaient pas et
étaient incapables de citer rien qu'un seul de ses romans! Trois d'entre
ces romans ont pour cadre la France et des villes où Malek Haddad a
vécu, avec une préférence pour Paris. Seul son premier
roman La Dernière Impression paru en 1958 se situe
en Algérie (voir le tableau ci-dessous). Ce dernier fut interdit de
diffusion en Algérie sur ordre du général Massu,
étant donné qu'il contenait « des
écrits considérés comme étant de nature à
nuire au rétablissement de l'ordre et à la sauvegarde du
territoire de l'Algérie » ((*)5) Ce roman fut le premier roman
algérien à traiter de manière directe de la guerre de
libération nationale. Dans l'ensemble, toute la fresque romanesque de
Malek Haddad est imprégnée d'un quotidien blessant : la
guerre, les amours déçues, le mal du pays et la solitude.
Oeuvre romanesque
|
Contexte
socio-historique
|
La femme
aimée
|
Le héros du roman
|
Villes
|
La dernière impression
|
La guerre
|
Lucia
|
Said, ingénieur
|
Constantine
|
Je t'offrirai une gazelle
|
//
|
Gisèle Duroc
|
Un écrivain
(Sans nom)
|
Paris/Le Sud
Algérien
|
L'élève et la leçon
|
//
|
Germaine + Sâadia
|
Dr.Salah Idir
|
Paris/Constantine
|
Le quai aux Fleurs ne répond
|
//
|
Ourida +
Monique
|
Un écrivain
khaled Bentobal
|
Paris/Aix-en Provence
|
L'une des ambitions de l'auteur était de faire
entendre à la communauté internationale, la voix d'un peuple
moribond qui refusait d'être écrasé et espérait un
monde nouveau, et une vie nouvelle.
Il nous faut signaler, que l'oeuvre de Malek Haddad est
enseignée partout dans le monde. A l'université de Princeton dans
le New Jersey, par exemple elle apparaît dans le programme
d'études de littérature maghrébine
« Littérature et Colonialisme ».((*)6) Cette oeuvre marquée
par l'omniprésence de l'école, demeure paradoxalement absente du
programme d'enseignement algérien.
La lecture des quatre romans, révèle des traits
frappants; l'écriture sur les mêmes thèmes: le sens du
bonheur et l'engagement, l'amour de la patrie, l'exil, Dieu, la mort,
l'amitié.
On peut aussi lire, l'affrontement entre un passé
rassurant avec ses beaux souvenirs et un présent dramatique en raison de
la colonisation et de ses conséquences.
L'oeuvre romanesque de Malek Haddad rappelle beaucoup le
terroir, les racines réelles et l'Algérie profonde. Il y
évoque la magie du désert comme dans Je t'offrirai une
gazelle, le maître et le disciple dans L'Elève et la
leçon, Constantine dans La
Dernière Impression, le Chikh Benbadis, le pont de Sidi-Rached, le
Djebel-Ouahch et la galette dans Le Quai
aux Feurs ne répond plus; des symboles d'une culture
fossilisée et bafouée par l'ordre établi.
D'autre part, l'oeuvre de cet écrivain se
caractérise par la présence permanente de deux femmes
complètement différentes:I'algérienne et la
française. Par exemple, dans L'Elève et la
1eçon, Il y a Germaine et Sâadia, dans Le
quai aux Fleurs ne répond
plus » Monique et Ourida, alors qu'il n'y a
qu'une seule femme dans La Dernière
Impression qui est Lucia et dans
«Je t'offrirai une
gazelle » Gisèle Duroc. Aussi le
héros de Haddad est-il toujours déchiré entre sa
bien-aimée et sa patrie. Comme c'est le cas de Khaled Ben Tobal dans
Le quai aux Fleurs ne répond plus, Said dans La
Dernière impression, l'écrivain dans
Je t'offrirai une gazelle et Dr Idir dans
L'élève et la leçon.
L'explication à ce déchirement serait-selon les
critiques- souvent lié au propre vécu de Malek Haddad. Ce dernier
fut écartelé entre deux langues : le français et
l'Arabe, deux cultures : culture d'origine et culture imposée et
deux modes de vie algérien et européen.
II ne faut pas omettre, que malgré l'atmosphère
grave et pessimiste qui ronge les quatre romans, il s'échappe de temps
à autre une note d'espérance faisant survivre les coeurs et
illuminant les visages par un sourire. « L'espoir est
la manière de nier les imbéciles et
l'imbécillité (........) L'espoir est une
autodéfense »(7) « Tu es sot de ne
pas sourire »(8) aimait à nous rappeler
l'auteur.
16
Dans la littérature algérienne
d'expression française, Malek Haddad a longtemps été
considéré comme le créateur d'un style de roman
appelé « poétique ». Son oeuvre romanesque
est classée dans, ce que Jean Déjeux nomme « La
Littérature de combat »; orientée contre la
présence européenne durant la période 1958 à 1968.
Ce dernier estime que Malek Haddad est un véritable témoin de sa
société et de son temps. Ceci nous pousse à le qualifier
d'écrivain engagé. Il est à signaler, que dans
l'anthologie de Jean Déjeux, il est tout de même malheureux de
constater l'existence d'à peine quelques lignes sur Malek Haddad.
De son côté l'essayiste Christiane
Achour le fit figurer dans la liste des auteurs dits « Porte-Parole
de l'émigration » et déclare que « Cet
auteur ne consacre pas un roman à l'émigration, mais elle
intervient par touches dans le cours de la vie de ses personnages, car elle est
bien une réalité constante de la vie algérienne (...) dans
la Dernière Impression nous avons une image fugitive
d'émigré : Saïd, venu à
Aix-en-Provence »(09)
____________
(7). Malek, Haddad, L'élève et la
leçon, U.G.E, Paris, 1973, p.49
(8). Malek, Haddad, Le quai aux Fleurs ne répond
plus, U.G.E, Paris, 1982, p.78
(9) Christiane, Achour, Anthologie de littérature
d'expression française,
E.N.A.P/Bordas, Paris, 1990, p78
17
Bien qu'elle note la sincérité se
dégageant de l'oeuvre littéraire de Malek Haddad, nous nous
sommes demandée pour quelle raison l'oeuvre poétique mordante de
cet auteur ne figure pas dans le chapitre trois de son
anthologie « Rime au poing ».Il ne faut pas oublier,
que Haddad a été d'abord un poète de qualité ainsi
que l'a reconnu Louis Aragon.
Selon l'expression de Ghani Merrad, l'oeuvre de Malek
Haddad est :
« Une Quête du
Moi-pensant-sentant-agissant, d'où un retour aux racines pour
marquer l'opposition a l'Autre (le colonisateur). Il s'agit d'un simple
cheminement a travers l'histoire et la sociologie pour redécouvrir le
tronc commun symbolisant le groupe, tronc-caché par les diverses greffes
imposées par les vicissitudes historiques»((*)10).
On dit de l'oeuvre en général qu'elle est riche
de renseignements et d'enseignements aux plans littéraire, sociologique,
historique et politique. Nous sommes de cet avis, surtout que les romans de
Malek Haddad ont fait époque. Pour la jeune génération,
elle pourrait être aujourd'hui, comme un document sur un moment
donné de l'Histoire où le temps semblait arrêté et
les évènements violents.
Pour l'auteur critique soviétique Irina Nikiforova
l'oeuvre romanesque de notre écrivain
« Peut servir d'exemple. De brusque changement
caractérise le roman algérien de la période de la guerre
d'indépendance, changement qui concerne non seulement la
problématique mais l'expression artistique »((*)11)
Pour sa part, René Lacote ((*)12) la qualifie
«...d'admirable » et le poète Nourredine Aba
pense que notre écrivain possède
« Des dons réels »((*)13). Signalons, que Malek Haddad
confessait un jour « J'ai choisi le roman comme un poète
peut le choisir, pour la musique et la suggestion du
verbe... »((*)14) A. Wurmser a aussi souligné « la
préciosité et la luxuriante
poétique »((*)15) présentes dans ses romans. Quant à
Charle Bonn il fait remarquer que Malek Haddad habitait :
« la tragédie de son acculturation
d'intellectuel colonisé comme Khaled BenTobal, dans Le Quai aux Fleurs
ne répond plus, entre son univers culturel d'écrivain et ses
racines profondes constantinoises ».((*)16)
Albert Memmi conclut que l'homme apparaît comme
« un être extrême lucide en même temps que
généreux, tolérant et sensible ».((*)17)
Quoiqu'on en dise, nous pensons que la fresque romanesque de
Malek Haddad est un hymne à la Patrie. Elle nous apprend à
être fiers de notre Algérienneté où que nous soyons,
sans pour autant hair ceux qui sont différents de nous. N'a-t-il pas
écrit « personne n'a le droit de se sentir orphelin ou
bâtard quand il se sent Algérien »((*)18), et il ajoute
« L'Algérie est ma mère »((*)19).
A travers ses romans, nous découvrons un homme simple,
sincère et honnête, croyant à I'égalité entre
les peuples du monde. Pour lui l'Algérie n'est pas mineure. C'est un
pays plein de richesses. Ecoutons-le :
« Je ne préjuge pas de
cet instant où la France pourrait devenir la soeur de ma mère.
Une soeur ni aînée, ni cadette, ni plus riche, ni plus pauvre, ni
plus bête ni plus intelligente. Je ne préjuge pas, moi Khaled Ben
Tobal, homme de coeur et de petite dimension, que ma mère puisse
écrire à sa soeur de ses cartes postales dont la
simplicité m'émerveille, avec des mots qui se disent en arabe et
en français : Bons baisers, tout va bien...Entre ta mère et la
mienne, il n'y a pas de sang commun, mais du sang en commun.
A mon sens, elles ne devraient pas être que de
simples belles-soeurs.
A mon sens............
Mais je veux, moi Khaled Ben Tobal, homme de coeur et de
petite dimension, que ma mère sente les fleurs d'orange, comme la tienne
la lavande, souveraine, totalement souveraine dans sa cuisine. Mais je veux que
ta mère dise qu'elle a beaucoup de choses à apprendre de la
mienne et que ma mère a plus souffert de la tienne que la tienne de la
mienne... ».((*)20)
Un passage très significatif, a notre sens, qui
résume les convictions profondes de l'auteur et qui sont
peut être : l'humanisme et la fraternité au-delà des
différences entre les peuples.
Nous concluons, que l'oeuvre romanesque de Malek Haddad tient
une petite place au sein du royaume de la littérature algérienne
d'expression française. Seulement elle attend encore des universitaires
curieux et passionnés par ses qualités et non par sa
quantité. Elle attend aussi un travail de synthèse sur
l'imaginaire de son créateur. A ce jour, l' oeuvre de l'écrivain
demeure un terrain vierge. Peu de travaux lui ont, en effet, été
consacrés.
Auteur
|
Intitulé
|
Diplôme
|
Soutenue
|
Années soutenance
|
Jamel Ali-
Khodja
|
L'itinéraire de Malek Haddad:
Témoignage et proposition
|
D3
|
Aix-en-Provence
|
1981
|
Tahar Bekri
|
Pour une poétique de la littérature
Maghrébine d'expression française.
Recherches sur l'oeuvre romanesque
de Malek Haddad.
|
D3
|
Paris 3
|
1981
|
Abdelaziz
Bechiri
|
La contestation dans « L`élève et la
leçon » de Malek Haddad
|
Magister
|
Université de Constantine
|
1995
|
Mahdia
Benguessmia
|
Le royaume de l'exil chez Malek Haddad et l'Exil et le
Royaume d'Albert Camus.
|
TDE
|
Annaba
|
Non soutenu((*)21)
|
Le cas de Malek Haddad offre un exemple
privilégié des mutations qui peuvent bouleverser le cours d'une
destiné littéraire. Après un début fracassant, cet
écrivain reste a ce jour marginal, ignoré du grand lectorat
algérien, considéré avec méfiance et
condescendance.
Dans ses quatre romans, il a donné le meilleur de
lui-même, tout en essayant d'être fidèle à son
Algérie. Dans le tourbillon de l'exil il chercha ses racines,
« il était algérien parce qu'il se savait
algérien. Il était Algérien parce qu'il était
Algérien »((*)22) nous confie t-il dans son roman Le Quai aux
Fleurs ne répond plus. Il voulait être humain, en
s'adressant à ses semblables et leur rappelle
qu' « il n'est rien d'être un homme. Rien absolument
rien. Mais, être humain, voilà le plus difficile, voilà
l'essentiel. » ((*)23)
Sa fresque romanesque, par les interrogations qu'elle pose,
ainsi que par les solutions inachevées qu'elle apporte, nécessite
davantage de profondeur dans l'analyse, afin de découvrir ses
qualités ignorées.
Malek Haddad confia un jour à son neveu Jamel
Ali-khodja «... personne ne m'a compris
...»(24).C'était à l'université
d'Alger, après la fin d'une conférence donnée par un des
professeurs et qui avait pour sujet l'oeuvre de notre écrivain.
C. Le drame de la langue chez Malek
Haddad
« Je suis en exil dans la langue
française, car personnellement mon coeur et mon stylo sont
sollicités par une seule nostalgie : la langue qu'on parle dans ce que
j'appelle avec une triste obstination : La Rue des Arabes ».
Malek Haddad.
Dans l'oeuvre littéraire de Malek Haddad, la plupart
des critiques ont noté l'omniprésence de ce que l'auteur
lui-même appelle « Le drame de la langue ». Drame,
tragédie sont des termes à notre sens, très proches et
greffent dans l'âme de notre auteur un malaise et une souffrance
insupportables. Après l'indépendance, le silence de Haddad
était la conséquence d'un malaise insupportable. Mais a quelle
époque remonte ce drame? Quelle est la position de Malek Haddad
vis-à-vis de la langue française et de la littérature
a1gérienne de langue française? A-t-il raison de se sentir,
exilé en son sein? Y- a t- il une explication à ce drame
linguistique?
Pendant l'été 1961 Malek Haddad reçut une
invitation de la part du ministère syrien de la Culture et de
l'Orientation Nationale, afin de parler de la littérature
algérienne. Il donna deux conférences devant un public arabe,
composé de grands penseurs et d'écrivains de talent.
23
L'intitulé de la première conférence
étais « Grandeur et misère de la littérature
Algérienne de langue française » et la deuxième
« L'écrivain Algérien devant le problème de la
liberté ».
Au cours de ses interventions, Haddad exprima sa position au
sujet de la langue française et son malaise et sa déchirure
apparaissaient sur son visage et dans le timbre de sa voix. Il avait
exprimé sa désolation de ne pas pouvoir parler en langue arabe,
qu'il ne maîtrisait pas.
Peiné devant la douleur d'un frère
algérien, le poète syrien Soulayman El-Aissa composa un
poème((*)25) qu'il
dédia à Malek Haddad. En voici un extrait traduit en
français par nous même et que nous ferons suivre de la version
arabe, pour plus d'authenticité et pour que le poème ne perde pas
son âme :
J'écrirai de toi, avec la braise.
|
ÓßÊÈ Úäß
邇틄
|
J'écrirai de toi, en langue arabe
assoiffée de vengeance.
|
ÓßÊÈ Úäß
ÈÇáÚÑÈíÉ
ÇáÚØÔì Åáì
ÇáËÑ
|
J'écrirai pour toi
« Malek ».
|
ÓßÊÈ áß
íÇ " ãÇáß "
|
je me précipiterai avec de verdoyantes lettres
toute la soif de tes espoirs.
|
ÓÚÌá
邇ꄾ
ÇáÎÖÑ ßá
ÚØÇÔ
ÂãÇáß
|
j'écrirai de toi, un hymne vibrant avec les
lettres coraniques dans les Aurès.
|
ÓßÊÈ Úäß
äÔæÏÉ ÊÑä
ÈÍÑ ÇáÞÑÂä
ÈÇáæÑÇÓ.
|
j'écrirai de toi, pas de tristesse, pas de
souffrance, pas d'exil
|
ÓßÊÈ Úäß
áÇ ÍÒä áÇ áã
áÇ ãäì.
|
Bien qu'orfèvre dans cette langue, Haddad
déclarait être, ainsi que ses lectures «en exil »
dans la langue française. Courageusement, il avoua qu'en tant qu'arabe
écrivant pour des arabes, il ne pouvait le faire qu'en français
«Je suis incapable de raconter en arabe ce que je
sens en arabe »((*)26) plus loin il ajoute « J'ai
songé a ce lecteur idéal, à ce fellah aujourd'hui
occupé à d'autre besogne, à ce fellah qui ne me lit pas et
pour lequel j'écris, ce fellah d'amour, de colère et de
démesure que la nuit coloniale frappe de la plus atroce des
cécités : L'Analphabétisme »((*)27)
Donc, pour Malek Haddad le « Drame de la
langue » est essentiellement celui de la communication avec son
peuple. Etre coupé de ce dernier était pour lui sa hantise, son
exil intérieur. En fait, c'est un double exil se situant dans la langue
française et la langue arabe qui est ressenti tragiquement chez lui. A
cet égard, ses personnages sont des intellectuels frustrés et
tourmentés, qui se sentent surtout exilés au milieu des leurs et
séparés d'eux par la barrière de la langue.
Sur le plan littéraire, la langue utilisée n'est
pas en soi un choix idéologique mais plutôt une arme à
utiliser en effet, il déclare
«... elle est devenue un instrument redoutable
de libération. C'est en français que j'ai prononcé la
première fois le mot Indépendance »((*)28)
Haddad estime, qu'outre le fait qu'il a été
formé dans la langue française, il n'a jamais cessé de
clamer qu'elle n'est pas neutre puisqu'elle véhicule la culture du
colonisateur.
Nous pensons que sur ce point, l'auteur a tout à fait
raison, car une langue n'est jamais neutre, elle raconte obligatoirement la
culture et l'histoire du peuple qui l'a vu naître et la faite
prospérer. Si le français privilégie les zones
d'influences de la culture française, l'Arabe véhicule
nécessairement les valeurs et la culture arabo-musulmane. En ce sens,
pour Malek Haddad on ne parle pas une langue, on la pense, on la vit. Elle
détermine et élabore des formes de sensibilité
spécifique.
«Le mot Automne, précise l'auteur, n'a pas
la même musicalité, le même contenu en français,
en arabe ou en chinois ».((*)29)
Nous comprenons par-là, que chaque langue exige un
comportement précis. Aussi Malek Haddad dénonce le fait d'avoir
été expulsé de sa propre langue, étant donné
que la colonisation française avait toujours relégué au
dernier plan la langue arabe et l'avait sur plantée par le
français. L'écrivain tient à nous préciser :
« Je crois que nous sommes
condamnés à la langue française à
perpétuité (...). Nos amis français s'inquiètent
dès que nous abordons le problème de la langue française
(..). Ils ont raison, elle est si belle. Je suis sur que cette
inquiétude leur fera mieux comprendre notre attachement et la nostalgie
que nous avons pour notre langue maternelle perdue et que les
générations qui lèvent ont le devoir de
retrouver». (30)
Haddad reconnaît la beauté de la langue
française et son attirance.
Nous croyons sérieusement qu'au delà
de son déracinement et du malaise ressenti vis à vis de la langue
de Molière, il est conscient de cette impossibilité de rester
monolingue, dans un monde si grand et ou le plurilinguisme demeure
inévitable. il nous confie
« La langue française
qu'on le veuille ou non, qu'on l'admette ou non, fait désormais partie
de notre patrimoine national »((*)31)
II ajoute « la langue française m'a
donné mes premières émotions littéraires, a
permis la réalisation de ma vocation professionnelle. Il m'est un
devoir agréable de la saluer »((*)32) En ce qui concerne sa
position vis-à-vis de la littérature a1gérienne de langue
française, il parait pessimiste et pense qu'elle n'a pas d'avenir. II
qualifie les écrivains de langue française de
« Bâtards et princes de
bâtards ».
D'après J.E.Bencheikh c'était dans le but de
faire ressortir « l'ambiguïté dénaturante qui
pèse sur leur oeuvre et trouve sa cause dans le problème
linguistique ».((*)33) Par ailleurs, Haddad pense que les
écrivains algériens de langue française restent
« des 1eçons. Je crois que nous sommes et serons des
exemples typiques du gâchis et de l'aberration
coloniale »((*)34) Tout simplement, car ils écrivent dans la
langue de l'ennemi et lui ressent cela comme une trahison vis-à-vis de
ces siens.
Discrètement, après l'indépendance,
Haddad décide de se taire et cela n'a pas eu l'adhésion d'un bon
nombre d'écrivains .II faut savoir qu'il fut écarté par
l'idéologie délirante de l'époque (1962-1965). Contraint
au chômage, il vécut dans le dénuement et pour survivre, il
travailla pour la R.T.A et la générosité de ses amis
l'aida à supporter cette dure étape de sa vie.
Nous estimons que la position de Malek Haddad est
contradictoire. Tantôt, il semble déchirer par son utilisation de
la langue française, comme outil d'expression, tantôt il la
loue.
Son rapport à la langue française nous semble
ambigu. Ce qui est confirmé par Rachida Simon dans sa thèse
« ...Le rapport à une langue autre, tel qu'il est
vécu par ces écrivains (de langue française) occupe de
manière symptomatique l'espace de leurs oeuvres et situe leur
écriture dans une zone ambiguë, entre attirance et
répulsion, parfois entre amour et haine et qui tourmente leur
parole. »((*)35)
Oui, la parole de Malek Haddad auteur d'expression
française, est celle d'un homme tiraillé entre deux pôles;
Le Maghreb et l'Europe, deux langues, deux cultures, deux façons de
penser. Situation conflictuelle lourde de drames. N'a-t-il pas confié
à ses lecteurs par la voix de l'un de ses personnages
« L'histoire a voulu que j'ai été a cheval sur deux
époques, sur deux civilisations ».((*)36)
L'auteur a conscience de son acculturation et il se doit
d'assumer sa double appartenance. Il se peut qu'il éprouve de la
culpabilité envers sa patrie. Ecrivant en français, il ressent
cela comme une trahison. Il l'avoue dans son roman Le quai aux Fleurs ne
répond plus :
« Dans les romans, on
améliore. On embellit. On triche. En fin de compte, c'est une
manière de s'excuser »((*)37)
Dans ce même roman, il nous livre son angoisse et sa
peur pour son avenir d'auteur s'exprimant dans la langue du colonisateur. En
empruntant la voix d'un journaliste Suisse, il s'interroge «
D'après vous quelle place aura la langue française dans
l'Algérie de demain? »((*)38).
Nadjet Khadda nous explique que cette culpabilité
relève de l'ordre, du pouvoir. « On a mis en demeure les
gens de langue française de s'expliquer. Les écrivains ont
été acculés à une position défensive.
Aujourd'hui la culpabilisation vient du pouvoir au nom de l'unicité, de
l'unité de pensée, d'une certaine conception de la
pensée».((*)39)
Le sentiment de culpabilité((*)40) a été le
sujet de réflexion de la part de nombreux philosophes et psychologues.
Pour Freud, par exemple, la culpabilité est un thème
« embrouillé » c'est pour cette raison qu'il s'est
contenté d'en relever l'existence en littérature (son
étude sur Dostoïevski) dans les mythes, la religion, l'art, et
d'affirmer que nous sommes tous coupables.
Pour lui, la culpabilité n'est ni bonne, ni mauvaise,
c'est la source qui l'alimente qui la rend destructrice ou non. Il estime que
le sentiment de culpabilité est ambivalent: il peut être morbide
et naître du refoulement, mais aussi être sain, valable et moral,
s'il est l'expression de ce (je) qui est en nous et qui exerce un
véritable pouvoir d'examen, de jugement. II n'existe pas, pour Freud, de
moyen direct de combattre la culpabilité. On peut seulement en faire
progressivement un sentiment conscient. Pour ce qui concerne Malek Haddad, nous
pensons qu'il s'est senti coupable devant son ignorance de la langue arabe et
cet état de fait était, en quelque sorte, la source qui
alimentait sa culpabilité refoulée. Petit à petit, cette
dernière s'est transformée en une vraie force destructive. Elle a
réussi à le forcer à garder le silence et cela juste
après l'indépendance de l'Algérie.
Pour Alfred Adler, la culpabilité est liée au
sentiment d'infériorité qui nous habite tous, et au désir
de tout-puissance compensatoire.
Nous pensons que cela peut s'appliquer dans le cas de Malek
Haddad car à travers divers articles et conférences, il laisse
croire que tous les auteurs s'exprimant tel que lui en français n'ont
pas d'avenir et qu'ils vont disparaître tôt ou tard. Affirmation,
que nous jugeons, hâtive! et ne provenant probablement, que d'un
sentiment d'infériorité par rapport aux auteurs de langue
arabe.
L'avis de Jacque Lacan est différent de celui d'Adler
.1l attache la culpabilité au désir. D'après lui, le sujet
se sent coupable toutes les fois ou il en vient à
« Céder sur un désir ». Pour nous, i1 est
possible, que Malek Haddad ait éprouvé ce sentiment, chaque fois
qu'il était pris par le besoin urgent de s'exprimer en français
au lieu de le faire en langue arabe. Lacan ajoute que la culpabilité est
l'expression du manque, le « signifiant » de la finitude,
et notre auteur algérien avait reconnu, à maintes reprises, sa
non-maîtrise de la langue arabe.
C.G.Jung préfère parler de culpabilité
vis -à- vis de soi, du refus de s'accepter soi-même. Quelque part,
la culpabilité de Haddad est ressentie, d'abord envers lui même,
d'où sa grande nostalgie pour l'arabe. Ensuite, elle est suivie par un
refus de s'accepter en tant qu'auteur algérien d'expression
française. Situation peu confortable pour un auteur qui ne vivait que
pour écrire et pour vibrer avec les mots de cette dernière.
Pour Lewis Engel et Tom Ferguson, psychologues, c'est
l'altruisme excessif et mal dirigé qui est la source de la
culpabilité.
30
Nous avons tous, selon eux, un besoin inné de venir en
aide aux autres, une tendance à être sauveteur. Un enfant peut se
rendre malheureux par empathie avec ses parents qu'il voit tristes. Il se sent,
il se croit responsable de ce qui leur arrive (maladie, Conflits...) et se
croit obliger de les aider et n'y arrivant pas, il culpabilise. La formule :
pas capable/coupable se vérifie aussi pour les adultes dans la vie
quotidienne, et elle fonctionne aussi en sens inverse coupable/pas -capable.
Expliquons-la: quand une personne ne se sent pas capable de faire quelque
chose, elle se sent coupable de son incapacité. Inversement lorsqu'elle
se sent coupable, cela la rend souvent incapable d'agir. Ceci ressemble, nous
le pensons au cas de notre auteur. Il se sent coupable, car il sait qu'il est
incapable d'écrire en langue arabe.
Du côté des philosophes, Henry Bergson, penseur
spiritualiste, tient à signaler que la liberté est l'accord d'une
conscience avec ses actes, et la culpabilité est le rapport des actes
à la conscience. Le souvenir de la chute est ce qu'il y a de plus ancien
dans l'humanité. L'acte d'écrire en français contredit
peut être la conscience de Malek Haddad, qui estime qu'un algérien
devrait automatiquement écrire en arabe.
Mais le penseur catholique Jean Guitton parle de la
culpabilité de ce qu'il nomme «L'inachevé» en nous, du
relatif, du non-épanouissement, voire de la trahison de soi, de ses
convictions, de sa vocation.
II ajoute que pour certains même c'est un désir
de toute-puissance qui les culpabilise, car c'est toujours plus difficile
d'accepter la réalité de leur finitude que l'imaginaire de leur
toute-puissance.
31
La nostalgie de la langue arabe est pour Malek Haddad une
position de force donc d'identification et l'incapacité de
rédiger dans cette langue est une finitude, dure à accepter.
Pour sa part, Paul Ricoeur, le philosophe protestant,
auteur de Finitude et Culpabilité, distingue la
culpabilité réelle et la culpabilité irréelle et
fait remarquer qu'il y a quelque chose en nous « le
péché originel » qui toujours
précède la défaillance individuelle. En ce sens, il est
probable que Haddad conçoive la langue par laquelle il s'exprime comme
un péché .Le terme « Bâtards » qu'il a
utilisé dans l'une de ses conférences, pour qualifier les auteurs
d'expression française, nous pousse directement à penser à
l'idée de « péché ».
Il est vrai que Malek Haddad a exprimé
honnêtement son sentiment de déchirure linguistique mais nous
trouvons qu'il a le mérite de nous avoir éclairés,
très tôt, sur une vraie situation de bilinguisme ou de
plurilinguisme.
II nous a aussi averti -pendant une période où
l'Algérie se cherchait et se construisait -qu'une langue est un
être vivant en perpétuel développement et qui peut
influencer ou changer les mentalités de ses utilisateurs.
«Le plurilinguisme linguistique je crois, est tout ce
qu'il y a de plus naturel. Partout, il n'y a pas un seul pays qui soit
monolingue» déclare Najet Khadda dans un de ses articles sur
ce problème. ((*)41)
En somme, Malek Haddad nous a révélé
l'existence d'une situation d'aliénation tristement vécue par
lui, et nous le considérons comme l'initiateur d'un débat sur les
langues, qui commença une année avant l'indépendance.
La question de la langue dans la littérature a
été et demeure une question délicate en Algérie et
au Maghreb. Et la polémique n'est pas prête de finir .Il semble
même qu'elle s'aiguise.
Nous pensons que ce débat sur les langues, en
Algérie et ailleurs, restera stérile tant que la passion
l'emportera sur une réflexion mure et objective. Il n'y a qu'à se
rappeler les événements qui ont marqué le pays depuis le
drame de Malek Haddad. La question de la langue chez Malek Haddad, a
réveillé en nous une série d'interrogations auxquelles,
nous ne sommes pas prêts de trouver une réponse. Nous
préférons laisser cela aux sociolinguistes et aux
psycholinguistiques. Ecrire dans la langue de l'autre implique t-il de se
perdre soi-même ? Est-on moins algérien moins nationaliste parce
qu'on s'exprime en français plutôt qu'en arabe?
D'un autre côté, on ne s'exprimant pas dans la
langue maternelle, peut on réellement parler et toucher son peuple?
Peut-on exprimer 1'ame des gens dans la langue qui n'est pas la leur ?
Pour cette dernière question nous osons dire oui et Malek Haddad en est
la preuve avec tant d'autres écrivains algériens d'expression
française comme : Mohamed Dib, Kateb Yacine, Mouloud Féraoun,
Henri Kréa.
33
Chapitre 2
Eléments
sémiologiques
pour une approche titrologique
34
1. Aperçu historique sur la
titrologie
Depuis l'avènement de la sémiologie, celle-ci
s'est largement intéressée au titre dans les oeuvres
littéraires. Le titre est un signe linguistique permettant d'approcher
n'importe quel texte littéraire, dans le but de l'interpréter et
de le connoter. Pour la plupart des sémiologues, ce petit
élément représente une clé pour
pénétrer dans l'univers complexe du texte.
Saussure a eu le mérite de nous rappeler, que la langue
est un système de signes traduisant les pensées de l'homme. Il
insiste sur le fait que le signe se compose de deux éléments
nécessaires; le signifiant et le signifié. De son côte,
Peirce a introduit la logique dans le domaine de la sémiotique en
divisant le signe en trois catégories : le symbole, l'indice et
l'icône.
Il considérait le signe linguistique comme une
entité symbolique. Avec les travaux de R. Barthes, la sémiologie
s'est vue élargie pour porter le nom de la sémiologie de la
signification. Elle s'intéressait aux interprétations du
signifié.
Nous pensons, qu'à travers le temps, le
développement de la sémiotique, devait tôt ou tard donner
naissance à cette nouvelle discipline qu'on appelle La
titrologie.
L'étude du titre pose avec plus d'acuité des
problèmes inhérents à toute analyse littéraire. Le
titre comme tout énoncé publicitaire, doit se distinguer de la
masse des écrits. S'il est vrai que cela vaut également pour le
roman, le nombre de sèmes limités du titre donne lieu à
une précipitation de cette originalité. En fait, cette
brièveté fait également écho à une
pauvreté théorique, puisqu'il faut attendre après 1970
pour que des théories descriptives soient développées,
entre autres par des sémioticiens tels que Léo Hoek et
Gérard Genette et des sociocritiques comme Claude Duchet et Charles
Grivel.
35
Dans Pour une sémiotique du titre, Hoek posait
en 1973 les premiers jalons d'une théorie qui rendait compte de la
relation entre le titre et le roman. Puis en 1983, il fait paraître un
important ouvrage sur un modèle de lecture du titre qui s'intitule
La Marque du titre : Dispositifs sémiotiques d'une pratique
textuelle. Ce dernier reste de nos jours une référence
intéressante pour l'initiation à la titrologie. En 1972, Genette
publie Figures III où il s'intéresse pour la
première fois au titre et en 1987 avec son ouvrage Seuils, il
traite le sujet du titre à travers son étude des seuils ou des
incipits de romans. Il a pu démontrer le rôle du paratexte dans
l'explication et la lecture des titres.
Du côté des sociocritiques, Duchet fait
paraître en 1973 un article important s'intitulant
Eléments de titrologie Romanesque où il
attire l'attention sur la codification du titre, qui selon lui est double :
social et littéraire. Quant à Grivel, en 1973, avec son ouvrage
La production de l'intérêt romanesque, il emprunte
à Hoek les quatre fonctions du titre : identificationnelle
illocutoire, perlocutoire et contractuelle.
Par la suite, plusieurs noms tels que : Roland Barthes,
Maurice Mouillaud , Teun.A.Van Dijk, Jean Ricardou, Richard Sawyer,
François Furet, I. Mardh se sont intéressés au titre et
à son rôle pour approcher le discours romanesque. Ils se sont
même intéressés aux titres journalistiques, qui
représentent beaucoup de similitudes avec les titres romanesques, comme
les travaux de Mardh en 1980.
En somme, il nous est fort difficile de réaliser cet
aperçu historique sur une jeune discipline qui a à peine la
trentaine. Les ouvrages théoriques sont rares et introuvables. Mais ne
choquons pas les mentalités, disons plutôt que la
brièveté de cet aperçu relève de celle du titre.
36
2. Qu'est ce qu'un titre?
Il faut commencer l'étude du
texte par celle de son titre
L.H.Hoek(4(*)2).
Les détails de la vie ne nous paraissent souvent petits
et insignifiants que parce qu'on les observe de trop loin, ou de très
haut. Une fois changé le point de vue, le sens se trouve
également déplacé. Il en va ainsi, par exemple, de
l'importance accordée, ou non, par le lecteur au titre d'un texte, quel
qu'il soit, poème ou prose, partie ou tout, littéraire ou pas. Le
rapport que nous entretenons dans tous les aspects de notre vie avec le nom, le
titre, est essentiel et incontournable. Il s'agit d'une facette de notre
quotidien et d'un aspect du langage qui confinent parfois au
déterminisme : le nom agit sur la chose. Ne faisons-nous jamais
rien que nommer les choses de notre vie? Un objet existe-t-il s'il n'est pas
nommé?
Il faut comprendre en littérature, le titre comme
faisant partie intégrante, indissociable du texte. Il est bien plus
qu'une adjonction au texte, élément marginal qui serait
englobé dans les manifestations du paratexte. Vu son importance, on lui
prête plusieurs fonctions sémiotiques. Mais n'est-il pas utile de
définir ce qu'est un titre?
Voyons d' abord comment Le Larousse nous le
définit :
« Inscription en tête d'un livre, d'un
chapitre, pour en indiquer le contenu »4(*)3.
Il parait clair que le titre tient automatiquement place
au-dessus du texte.
Le dictionnaire Larousse 2006 le définit comme
Mot, expression, phrase, etc., servant à designer un
écrit, une de ses parties, une oeuvre littéraire ou artistique,
une émission, etc. (4(*)4)
Pour le titrologue Léo Hoek, Le titre
désigne, appelle et identifie un texte(4(*)5). De ce fait, le titre est
tout procédé utilisé dans le but de préciser et de
montrer une chose afin de pouvoir la distinguer des autres choses.
Selon Barthes. C'est « un
apéritif », insistant sur son rôle d'ouverture au
texte Une contrainte interprétante et donc un index qui dirige
l'attention sur l'objet du texte, en donnant sur lui plus ou moins
d'informations(4(*)6). Nous comprenons qu'il ouvre l'appétit du
lecteur et c'est grâce à lui que va se faire ou non, la lecture du
texte qui le suit un peu plus loin dans la seconde ou troisième page du
roman.
Pour Claude Duchet, le titre est défini autrement
C'est un déjà dit d'une existence
préexistante au roman(4(*)7). Nous aurons d'une part, donc un discours social,
parole investie de la fonction de dire le réel, de le construire, et de
l'autre un discours littéraire, parole du seul roman.
L'écrivain Jean Giono, lui affirme
qu' Il faut un titre, parce que le titre est cette sorte de
drapeau vers lequel on se dirige; le but qu'il faut atteindre; c'est expliquer
le titre(4(*)8). D'autre part, le titre serait obligatoire, c'est
lui qui dirige et attire l'attention du lecteur et c'est par lui que doit se
faire la compréhension. Comprendre le titre serait une
compréhension de l'oeuvre. Chose qui n'est pas aisée, à
notre sens.
Hazard Adams, nous propose une définition assez
intéressante : L`origine du mot titre serait le mot latin Titulus
qui veut dire parole écrite, nom, remarque, titre d'honneur, la
célébrité et la preuve. Il ajoute c'est les
paroles ajoutées autour d'un sujet pour lui donner un nom ou une
qualité4(*)9.
Anne Ferry définit le titre comme étant
Une parole écrite au dessus du texte (..) dans l'espace qui
lui a été réservé, depuis l'avènement de
l'impression(5(*)0).
Dans l'un de ses articles, Genette propose une
définition pertinente dans laquelle il souligne l'importance au lecteur
Le titre est une construction et une chose, construites dans le but
de la réception et de la connotation(5(*)1).
Par conséquent, le titre serait chose insignifiante
s'il n'était pas adressé au lecteur, car ce dernier le rend
vivant par les sens qu'il lui attribue.
Cette définition rejoint l'idée avancée
par l'essayiste Christiane Achour.
Elle considère le titre comme un
Aimant( 5(*)2) mais sans trop s'étaler dans son
idée.
Et selon Mardh il n`existe pas de définition
non ambigüe du terme titre: c'est un terme que l'on emploie
intuitivement (5(*)3).
Nous pensons que ce dernier essaie de faire sortir le titre de
son cadre mystérieux, puisqu'avec les sémiologues, nous avons
appris qu'un titre demande une certaine compétence interprétative
de la part du lecteur.
En définitive et après que nous ayons
présenté toutes ces tentatives de définitions, nous
pouvons avancer que le titre est cette parole écrite au dos d'un roman,
d'un poème, d'une nouvelle, d'une chanson ou d'un tableau, qu'un auteur
a choisi seul ou avec l'aide de son éditeur, afin de nommer son
invention, comme Dieu a crée le premier homme sur terre et l'a
nommé Adam .
En donnant un nom à son oeuvre, l'auteur prend en
considération le lecteur et d'autres objectifs qui restent
cachés, mais peuvent être devinés même
partiellement.
3. Les synonymes du titre:
II nous a paru nécessaire de consacrer une petite
partie aux synonymes du titre, dans la mesure où cela permet de cerner
au maximum l'essence de ce vocable. Nous avons donc effectué un
regroupement des termes qui constituent ce que nous pouvons baptiser
« Les synonymes du titre ». Il s'agit des mots suivants :
Intitulé, nom, incipit, tête, coiffure bijou, clé, aimant.
Par ailleurs, il est impossible d'énumérer tous les termes
à probable connexion avec le titre.
Voici la liste des mots ainsi que leurs définitions
d'après le dictionnaire Larousse 2004.
· Intitulé: titre d'un livre, d'un chapitre,
d'une loi, d'un jugement, etc.
· Nom: mot servant à designer une personne, un
animal ou une chose et à les distinguer des êtres de même
espèce.
· Incipit: mot latin qui
veut dire, il commence. En littérature, Premier mot d'un ouvrage.
· Tête : Partie supérieure de quelque
chose « tête d'un arbre », boîte
crânienne de l'homme.
40
· Coiffure : coupe ou arrangement des cheveux ou ce
qui sert à couvrir la tête.
· Bijou objet de parure, d'une matière ou d'un
travail précieux.
· Clef ou clé pièce métallique
servant à ouvrir ou à fermer une serrure.
· Aimant : minéral, oxyde de fer qui attire
naturellement le fer et quelques autres métaux.
Effectivement, les termes de cette liste présentent une
certaine affinité sémantique. D'abord, les mots intitulé,
nom, incipit peuvent être synonymes de Titre; car leur point commun est:
la dénomination. Quant aux autres termes tête et coiffure, ils ont
comme similitude la position de la supériorité et la
qualité de l'ornement tel que le titre. Enfin, les derniers de la liste
indiquent la matière de fabrication de l'objet qu'ils
représentent et les uns permettent l'attraction tandis que les autres
l'ouverture. Le titre à ce pouvoir d'attirer vers lui le lecteur, pour
lui offrir une petite ouverture sur l'univers du roman.
Pour terminer, nous pensons que l'essence du mot titre
s'éloigne remarquablement des mots précédemment
cités, par sa forme qui est l'écriture l'alphabet. Sans les
lettres de l'alphabet bien inscrites sur la couverture du roman, le titre ne
serait que néant.
4. L `écrivain, Le titre et le lecteur
:
L'existence du titre revient à l'auteur qui est en
quelque sorte son créateur. Mais ce titre, selon les théoriciens,
est un court message chargé de significations. Le lecteur, comme
l'auteur, participe à l'invention de ce petit élément par
la production d'un ou de plusieurs sens qu'il lui attribue. Nous pouvons
avancer que le titre naît d'un double effort, celui d'un auteur et celui
d'un lecteur. Que disent les titrologues sur le travail réel de l'auteur
et celui du lecteur ?
41
John Levinson(5(*)4 ) et Hazard Adams(5(*)5) insistent sur l'idée qu'un titre
original est celui que l'écrivain choisit
délibérément et sans l'aide d'autrui.
L'écrivain connaissant profondément l'univers de
son roman serait le plus apte à proposer un titre adéquat. Il le
choisit en se basant sur des objectifs et des intentions personnel,
présents au moment du choix. Mais qu'en est-il de ce moment?
Généralement, la plupart des romanciers avouent qu'ils
connaissent le titre de leurs livres bien avant de les avoir écrits,
contrairement à d'autres qui laissent parfois à leur
éditeur le soin de baptiser leurs oeuvres. Il est à signaler,
qu'il n'est pas aisé de découvrir si le titre est la production
de l'écrivain ou de quelqu'un d'autre, surtout - après le
décès de celui-ci ou de son éditeur, comme c'est les cas
de notre auteur Malek Haddad. Une question nous interpelle, la titrologie,
serait elle une science des probabilités? Pas moyen de le savoir
à moins que dans les années à venir, les
spécialistes en la matière trouvent une réponse
convaincante.
Pour ce qui est du travail du lecteur, certains le limitent
à une simple action de lecture, mais ils omettent ce qui est important :
la lecture doit s'effectuer en même temps sur le titre et sur le contenu
de l'oeuvre comme le fait remarquer G.Genette. Pour ce dernier, le vrai lecteur
visé par l'écrivain est celui qui lit le livre dans sa
totalité, c'est-à-dire le titre et le roman, en cherchant
à établir les relations existant entre les deux.
Pourtant, nous ne sommes pas sans savoir que la
lecture/interprétation n'est pas à la portée de tout le
monde. Dominique Maingueneau estime que le lecteur modèle
Résulte d'un ajustement instable entre les
contraintes imposées par le genre et celles imposées par le cadre
d'énonciation définie par l'oeuvre (5(*)6).
Donc le lecteur modèle devrait avoir une certaine
compétence d'analyse et des connaissances pour réussir la
lecture, du titre et du contenu de l'oeuvre. Ce qui est logique à notre
avis.
De ce fait, il est clair qu'écrire un titre et lire un
titre sont deux actions bien complexes et dépendant en grande partie, du
génie et de l'imagination de l'écrivain d'un côté et
du lecteur idéal de l'autre.
5. Les fonctions du titre :
L'étude des fonctions du titre a suscité
l'intérêt de plusieurs théoriciens tels que Claude Duchet,
Léo H. Hoek, Roland Barthes et Umberto Eco. En dépit de la
diversité terminologique des fonctions prêtées à
l'appareil titulaire, on s'entend généralement au moins sur
quatre fonctions : appellative, référentielle, conative et
métalinguistique.
Déterminer les fonctions de n'importe quel titre n'est
pas une mince affaire, du fait que la relation entre ce dernier et le texte est
ambiguë.
Essayons, pour commencer de définir chaque fonction et
le rôle qu'elle joue dans le processus d'assimilation du titre et de
l'oeuvre dans sa totalité.
1. La fonction appellative:
Le titre sert à identifier le livre, à
désigner l'ensemble du texte qui le suit. En ce sens, il nomme l'oeuvre
et peut désigner le contenu et/ou dénoter la forme. Il revient
à Hoek le mérite de la subdiviser en trois fonctions :
- Fonction déictique au cas où le
titre renvoie au livre-objet.
- Fonction thématique quand le titre identifie le
contenu de 1'oeuvre.
- Fonction générique lorsque l'intitulé
dénote la forme de l'oeuvre.
Ajoutons à cela, que certains auteurs utilisent pour
cette fonction d'autres dénominations, telles que appellative (Grivel
1973), dénominative (Mitterrand 1979), distinctive pour(Goldenstein
1990).
2. La fonction référentielle:
Le titre signifie quelque chose en soi. Ce quelque chose peut
être considéré en soi (en tant que locution) ou à
travers sa relation au titre. Cette fonction est souvent confondue avec la
fonction appellative.
3. La fonction conative:
L'appareil titulaire tend à agir sur le lecteur, c'est
là son emploi proprement rhétorique. Cette fonction a le
mérite de caractériser plus nettement la composante incitative de
l'intitulé. Furetière en 1666, déclarait
« Un beau titre est le vrai proxénète d'un
livre »(5(*)7). Donc, c'est sur le titre que repose le
succès immédiat de l'oeuvre. L'ambiguïté,
l'incomplétude, l'énigme, les figures de style, sont autant de
procédés mis en oeuvre afin de séduire le lecteur et le
convaincre de lire. Enfin, elle peut s'avérer positive, négative
ou nulle selon les récepteurs. Il s'agit donc d'une fonction subjective.
Pour Roland Barthes, elle est nommée Fonction
apéritive car le titre ouvre l'appétit du lecteur.
4. La fonction métalinguistique:
La présence du titre n'est pas due à un simple
hasard, elle est plus que cela ; étant donné qu'il lie
l'auteur au lecteur, le titre est le médiateur entre le lecteur, le
texte et son auteur, il oriente la lecture lorsqu'il est introduit
anaphoriquement au texte. Dans ce cas, il opère même une mise en
relief de la matière et dit au lecteur voici de quoi, il sera
question. On conclut, que le titre enseigne à lire le texte. Cette
fonction sert à montrer à quel point le titre partage un rapport
de réciprocité avec le texte. Il est possible de
considérer le texte comme un labyrinthe et le titre comme un guide
jetant de la lumière sur lui.
6. Les types de titres:
En 1973, dans son article « Pour une
sémiotique du titre », Hoek fut le premier à
établir une surprenante distinction entre deux types de titres. Plutard,
celle-ci va à être reprise par G.Genette toutefois sous une autre
appellation.
Selon Hoek, il ya un titre subjectival et un autre
objectival.
En voici l'explication:
-le titre subjectival : c'est celui qui sert
à désigner le sujet du texte ainsi que son acception la plus
générale. Exemple: Le Père Goriot, Le Rouge
et Le noir. Selon Genette ce sont les titres
thématiques.
-Le titre objectival: c'est celui qui désigne
le texte en tant qu'objet, c'est-à- dire, en tant qu'appartenant
à une classe donnée de récits. Ce type de titre
débute souvent par l'Histoire de......, Aventure de
.....etc. Il s'apparente donc à une indication plus ou moins
générique ou formelle du texte.
45
Rappelons ce que Hoek dit « Les titres objectaux
sont des titres qui désignent l'objet, le texte lui même (...)
[ils] se rapportent aux titres subjectivaux comme la forme de l'expression
à la substance de l'expression ».(5(*)8)
Dans la terminologie de Genette c'est le titre
rhématique.
Enfin, il nous faut signaler que Hoek fait remarquer que ces
deux types de titres peuvent se mêler et que cette ambivocité
assure au titre du roman sa fonction conative, incitative ou publicitaire.
Chapitre 3
Fonctionnement sémiotique,
typologie,
autorité et
idéologie
des deux titres
de Malek Haddad
47
Il est nécessaire de rappeler que les deux romans:
L'élève et la leçon, Le quai aux
Fleurs ne répond plus, écrits en exil, ont été
pour la première fois publiés respectivement en 1960 et 1961 aux
éditions Julliard en France.
Réédités plusieurs fois, ils ont
été aussi traduits en arabe et en allemand (voir le tableau
ci-dessous).
Romans
|
Réédition
|
Traduction
|
L'élève et la leçon
|
UGE en 1973
Editions Julliard en 1978
Edition Publisud en 1983
Editions Média plus en 2004
|
en arabe (SNED, 1978)
|
Le quai aux Fleurs ne répond plus
|
UGE 1973
Julliard en 1978/1982
Editions Média plus 2004
|
en arabe (SNED, 1979)
en allemand (ED Donato Kinzelbach, 1990)
|
L'élève et la leçon est le
troisième roman de Malek Haddad.
Se composant de trente et un chapitre et de cent vingt cinq
pages, il présente la particularité d'être le seul roman
écrit à la première personne du singulier (je). Aussi
l'auteur y fait-t-il une déclaration déchirante par la voix de
son personnage Salah Idir "L'histoire a voulu que j'ai toujours
été à cheval sur deux époques, sur deux
civilisations"(1(*)).
Sa date de parution coïncide avec la sixième
année de la révolution algérienne.
Quand au roman Le quai aux Fleurs ne répond
plus, comportant 29 chapitres, répartis sur cent
vingt quatre pages, c'est le dernier dans la fresque romanesque de Malek
Haddad. Sa première parution eut lieu une année avant
l'indépendance de l'Algérie (1961).
En dépit de leur petit format en livre de poche, ne
dépassant pas les cent vingt cinq pages, leur lecture représente
pour le lecteur, qui découvre par la première fois Malek Haddad,
une séduisante perdition. Confronté à une forme hybride
mi-poésie, mi-roman, le lecteur se perd dans cette imbrication qui en
fait de belles oeuvres dignes de découverte.
Passons à présent aux thèmes des romans,
au contexte socio-historique de leur publication puis aux fonctions
sémiotiques assurées par les deux titres représentant
notre corpus d'étude. Enfin, nous les classerons en types et
décèlerons leur autorité et l'idéologie qui y est
dissimulée.
49
- Les thèmes des
romans :
1. Dans L'élève et la
leçon:
Paisiblement et loin de l'Algérie, Salah Idir soixante
ans exerce son métier de médecin. Un jour, l'apparition de sa
fille Fadila qu'il a abandonnée à l'âge de huit ans,
bouscule son univers. Elle revient et lui demande de l'aider à avorter
et à cacher son amoureux, Omar militant de la cause
Algérienne.
Une seule nuit suffit à Salah Idir pour descendre aux
enfers du passé s'apercevoir de l'immensité de son drame ainsi
que celui de sa fille qu'il ne reconnaît plus. Dans cette rencontre, deux
générations s'affrontent et deux réalités
s'opposent.
Une leçon s'inscrit, un élève
réapprend et tout cela dans une atmosphère violente où la
culpabilité et le remord bouleversent l'âme du Docteur Idir.
2. Dans Le quai aux Fleurs ne répond
plus :
Dans Le quai aux Fleurs devait avoir lieu la
rencontre entre deux amis d'enfance, Khaled Ben Tobal, journaliste et
écrivain exilé et Simon Guedj, avocat à la cour. Mais le
rendez-vous est manqué; ce dernier ne viendra pas. La vie de luxe
menée par Simon le transforme en être indifférent qui
déçoit Khaled.
Aucun d'eux ne se doutait de l'attirance qu'éprouvait
Monique, épouse de Simon, pour cet écrivain algérien
Khaled .Quoi qu'en mettant en valeur toute sa beauté, celle-ci se voit
rejetée par ce dernier. C'est qu'il est fidèle à son
épouse, Ourida restée en Algérie avec leurs trois
enfants.
L'exil pour l'écrivain devient trop lourd à
supporter, le jour où il apprendra la trahison de sa femme. Alors, ce
sera la chute de tant de valeurs auxquelles lui et cette dernière
croyaient. Le suicide, dès lors, devient la solution idéale pour
mettre fin à son désespoir et Khaled se jette d'un train
en marche.
50
- Contexte socio-historique de la publication des
deux romans:
En replaçant les deux romans de Malek Haddad dans leur
contexte socio-historique de publication, nous apprenons que la période
entre 1960 et 1961 était riche d'évènements sur le plan
politique. Encore sous le joug du colonialisme français,
l'Algérie souffrait des manoeuvres du gouvernement dirigé par le
général Charles de Gaulle.
Si le souhait des Algériens était "une
Algérie algérienne et bien indépendante" ceci
déplaisait à De Gaulle et rendait la réalisation de ce
légitime souhait presque impossible, vu les obstacles
créés volontairement du côté français.
Cette période de l'histoire algérienne
était l'une des plus chaude: (manifestations, explosions de bombes,
assassinats de harkis, de français ainsi que de juifs).
L'année 1960 était marquée par les
Pourparlers préliminaires de Melun. Le gouvernement Provisoire de la
République Algérienne accepte les négociations
proposées par De Gaulle et les premiers entretiens se dérouleront
le 25 juin 1960, mais furent un échec.
Quelques mois plutard, précisément le 04
Novembre 1960, le général De Gaulle affirme que l'Algérie
aura son gouvernement, ses institutions et ses lois. Il glisse même les
deux mots explosifs « La République Algérienne », pour
dire que si elle n'a encore jamais existé, elle existera un jour.
Un mois après, son voyage en Algérie est
accompagné de violentes manifestations européennes, puis de
contre-manifestations musulmanes aux cris de « Vive l'Algérie !
». Nul ne peut plus entretenir de doute sur la politique
Algérienne, et c'est à cette époque que se nouent les
premiers contacts en vue d'un putsh militaire en Algérie.
51
En 1961, la nécessité d'une solution
négociée au conflit algérien s'est imposée. Des
négociations ont été officiellement ouvertes entre le
gouvernement français et le gouvernement Provisoire de la
République Algérienne le 20 Mai 1961 et les discussions portaient
sur l'indépendance. Le 21 Mai était la première
journée des négociations d'Evian. En gage de bonne
volonté, la France décide le cessé le feu pour ses
soldats. Le FLN déclara qu'il ne respecterait pas, et, effectivement la
France le respecta et le FLN non. Cette mesure hardie permettait à ce
dernier de retrouver des militants et de reprendre en main la population.
Cette même année est aussi marquée par
l'ouverture à Tripoli du congrès FLN qui s'est tenu le 05
Août et qui durera jusqu'à 22 Août et verra s'affronter les
factions rivales au sein du parti. Ce n'est que le 27 Août de la
même année que l'annonce officielle du remaniement du gouvernement
Provisoire de la République Algérienne (GPRA) eut lieu.
- Les fonctions des deux titres de Malek
Haddad :
1. La fonction dénominative et la fonction
référentielle:
Les titres "L'élève et la leçon"
et "Le quai aux Fleurs ne répond plus" servent à
première vue, à dénommer les romans en tant qu'objet
(livre). Si désigner, c'est choisir un roman, il est difficile, avant la
lecture de ces romans, d'expliquer pourquoi l'auteur a choisi ses formules
titulaires plutôt que d'autres.
En fait, s'il arrive que le lecteur ouvre le premier roman au
premier chapitre rien ne l'éclaire. Au deuxième chapitre les mots
(arithmétique, zéro et nombre) le font penser à une
leçon de mathématiques. Ce qui n'est pas le cas, une fois la
lecture achevée. En plus de cela, l'identité de
l'élève ainsi que sa qualification restent inconnues du lecteur
et la synopsis en verso de la couverture le confirme.
52
C'est la même chose pour le deuxième titre
" Le quai aux Fleurs ne
répond plus ". S'il est indicateur de l'appellation du roman, le
lecteur ne réalise pas des le premier contact pour quelle raison
l'auteur ajoute "ne répond plus". Donc si la formule "Le quai aux
Fleurs" le renvois à un lieu le reste du titre le place dans une totale
ambiguïté.
Nous avançons donc, que les deux titres remplissent une
fonction dénominative puisqu'il fallait que Malek Haddad trouve un nom
à ses romans comme tout romancier.
Dans leur fonction référentielle, les deux
titres sont indicateurs d'un contenu global du texte. Ils annoncent des
thématiques auxquelles s'attachent les romans: l'un le récit
(d'un élève et d'une leçon), l'autre celle d'un endroit
(le quai aux fleurs). Certes, les titres nous permettent une
appréhension globale du tout qu'est le roman mais une
appréhension qui reste kaléidoscopique, équivoque et
confuse.
Enfin, une vérité indéniable se
présente, si la fonction appellative est assurée par les deux
précédents titres, la fonction référentielle l'est
aussi, seulement elle diminue graduellement dans Le quai aux Fleurs ne
répond plus; puisque la forme métaphorique de ce dernier
laisse le lecteur dérouté et sur sa faim.
2. La fonction conative :
A/Dans L'élève et la
leçon :
Pour séduire le lecteur-client, l'hypnotiser et
l'amener à l'acte de lire, Malek Haddad use de nominalisation. Nous
supposons qu'il a opté pour cette forme en vue de susciter la
curiosité intellectuelle et transformer "le lecteur du titre" en
"lecteur du texte".
53
En fait, la découverte du statut de
l'élève, la signification de cette leçon et la
qualité du magister, n'est découverte qu'après la lecture
du roman.
En ce sens, les éléments
précédents éveillent l'intérêt et la
curiosité du lecteur.
Richard Sawyer(6(*)0) considère le titre nominal comme
étant moins expressif que le titre verbal, car il force un lecteur
topique. Pour répondre aux diverses interrogations qu'éveille ce
titre, le lecteur n'a d'autres possibilités que de
pénétrer dans l'univers du texte. La forme nominale fait
naître, en lui plusieurs lectures et nous savons que les connotations
sont bien évidemment très diverses puisqu'elles sont propres
à chaque lecteur.
Pour ce qui nous concerne, il nous semble que ce titre est
polysémique et suscite en nous plusieurs interprétations que nous
traiterons un peu plus loin.
B/ Dans Le quai aux Fleurs ne répond
plus:
Contrairement au premier titre, celui-ci se présente
sous forme de phrase verbale. Face à lui, le lecteur-client est
complément dérouté par le choix de l'auteur pour une
écriture poétique, inaccessible aux non- initiés à
la poésie. Citons à ce sujet ce que pense M. Hadj Naceur sur
l'usage de la poésie chez les écrivains Africains d'expression
française:
" Le recours à la poésie permet de
dénoncer une situation jugée intolérable et d'exprimer
l'attachement des émigrés à la terre
natale."(6(*)1)
Il est fort possible que se soit le cas de notre
écrivain exilé en France, à une certaine époque.
Dans ce titre, la fonction conative l'emporte sur les
fonctions précédentes : appellative et
référentielle. En effet, ce dernier a une force d'une
rhétorique textuelle ressemblant à celle des surréalistes
françaises; Eluard, Apollinaire, Aragon...etc. Le réel
invoqué par l'écriture se mélange parfois au rêve.
Les objets s'animent, deviennent vivants, créant une atmosphère
féerique. Pour cela Haddad fait appel à la technique de la
métaphore qui abonde dans le titre comme le roman. La métaphore
rend le titre allusif. Son mutisme et son esthétique stimulent
l'appétit du lecteur-client pour réaliser l'acte de lire.
Il est probable que se soit l'intention de Malek Haddad. Ceci
nous rappelle les propos de Chérifa Bakhouche Lire Haddad, c'est se
rapprocher des étoiles.(6(*)2)
C'est pourquoi, nous comprenons qu'il est habituel et tout a
fait naturel d'user de métaphore chez Malek haddad surtout qu'il a
été d'abord poète puis romancier.Si la métaphore et
ses effets esthétiques assurent la fonction conative, il faut ajouter
l'utilisation du nom propre (quai aux Fleurs). La majuscule dans ce
lexème accroche l'attention du lecteur en suscitant en lui plusieurs
interrogations. Ce lieu naturel l'oblige à se référer
à ses connaissances extratextuelles.
Dans Apostille au Nom de la Rose,
Eco met l'accent sur un fait important " Le titre
doit embrouiller les idées "(6(*)3) et Le quai aux Fleurs produit de nombreux
effets sémantiques parmi lesquels les effets connotatifs qui ne font
rien pour amener le lecteur à la vérité.
Donc, outre l'effet esthétique exercé par ce
titre, son ambiguïté laisse le lecteur sur sa faim. D'après
P.Charaudeau L'ambiguïté est un phénomène
lié à la mise en discours d'un
énoncé(6(*)4) .
Ce phénomène se produit lorsqu'une même
phrase présente plusieurs sens et est donc susceptible d'être
interprétée de diverses façons. Il ajoute qu'en analyse du
discours, on peut parler d'ambiguïté discursive lorsque celle-ci ne
porte pas sur le sens des mots du lexique ou la construction phrastique, mais
sur le sens implicite. En effet, un même énoncé peut avoir
une signification différente selon l'inférence que l'on est
conduit à produire pour l'interpréter.
3. La fonction
métalinguistique:
A/Dans L'élève et la
leçon
Précédemment, nous avons vu qu'au premier
contact avec ce titre, sa forme apparaît anodine et innocente. Cet effet
provient de sa structure nominale. Néanmoins, devant ce titre le lecteur
reste insatisfait en raison de son incomplétude. En
réalité L'élève et la leçon est un
titre incomplet, beaucoup d'éléments lui manquent comme: De quel
élève s'agi-t-il ? Est-il jeune ou vieux ? De sexe féminin
ou masculin ? Algérien ou étranger ? Studieux ou non ? De quelle
leçon s'agit-t-il ? Est-ce une leçon de calcul ou de musique ?
Différentes interrogations se dressent dans l'esprit du
lecteur et il ne trouve refuge que dans le texte. C'est ce dont Hoek a
parlé dans son ouvrage La Marque du titre. Ce
titrologue reconnaît que le titre ne peut pas exister
indépendamment du texte il en fait partie " C'est un microcosme d'un
macrocosme" (6(*)5)
tel est le cas de L'élève et la leçon.
Après la lecture, nous avons pu en donner quelques
interprétations qui restent personnelles.
1. Première lecture interprétative:
L'élève à une double identité, il
est à la fois le personnage du Docteur Salah Idir et le personnage de
Fadila (sa fille).
Commençons d'abord par le Dr salah Idir, il
est l'élève d'une part, car ses créations et son
comportement ne sont, en vérité que ceux d'un
élève. Dès le premier chapitre, il commence par
décliner son identité "Je m'appelle Idir, Idir salah, je suis
le docteur Idir et j'habite la petite ville de
France..."(p.11). Tel un nouveau élève qui
se présente dans une classe devant ses camarades. Idir est même
angoissé comme le serait l'élève "La minute est
grosse, lourde, longue il faudra la franchir il faudra enjamber la
minute " (p10).
D'autre part, le silence de ce personnage nous fait penser aux
élèves disciplinés et parfois timides qui n'osent pas
prendre la parole. Tout au long du roman, Idir garde le silence. Il ne fait
qu'écouter sa fille Fadila "j'écoute ma fille"
(p.14)" je n'ai rien dit je n'ai rien prononcé" (p.14)
" je me suis mis à écouter " (p.16) " mais je ne le
dirais pas. Je ne dirai rien "(p.18) " à cet instant j'aimerais
dire" (p.19)." je fais non de la tête" (p.27). "
J'aurais ajouté" (p.29). Fadila insiste " mais
parle ! Dis un mot " (p.45) "ce soir
j'écoute ma fille" (p.53) "je m'entoure de silence"
(p.53) " j'ai donné ma langue aux chats"
(p.54).
Ajoutons à cela, les gestes du personnage sont
identiques aux gestes d'un élève "
Je croise les bras et je regarde ma fille " (p.45)
"Je croise toujours les bras sur mon bureau" (p.47).
Idir est cet élève discipliné qui ne parle pas mais son
entêtement à garder le silence face à sa fille qui
s'adresse à lui est une sorte d'insolence. Durant tout le roman, c'est
la fille qui parle à son père.
Quand au personnage de Fadila, nous supposons qu'il a tout
pour être l'élève. D'abord, l'aspect. Elle porte un
cartable vert contenant un cahier où sont écrites des
leçons " Sur le bureau, le petit cartable
de Fadila (...) dans ce cartable, il y a un cahier...)
(p.112) ensuite le comportement.
57
L'insolence de Fadila envers son père : l'obliger
à l'aider à avorter puis à cacher son amoureux Omar.
Cela ne s'arrête pas là. Oser fumer devant lui
sans avoir honte, alors qu'il est connu que dans la société
Algérienne cet acte est propre à l'homme.
" Fadila fumait quand je fus de retour " (p.16).
Cette dernière a tout l'aspect de l'élève
insolent et révolté. Mais elle est surtout cette
élève naïve, qui ne distingue pas ce qui est vrai de ce qui
est faux, puisque la leçon rédigée dans son cahier
d'écolier est pleine d'erreurs sur des faits historiques. " Le
cahier de Fadila contient l'absurde et toute l'ingénuité du
monde" (p.115) dit Idir.
Quand à la leçon, le lecteur découvre sa
qualité et son domaine vers la fin du roman, c'est-à-dire au
chapitre vingt neuf, en raison peut être de sa falsification. En fait, la
leçon d'histoire figurant sur le cahier de Fadila est pleine de
mensonges. L'auteur dénie cette leçon, la dénonce et ne
trouve de solution de la contester que de diminuer sa valeur en la
plaçant vers la fin de son roman. Nous supposons que c'est une forme de
contestation chez Malek Haddad.
Aussi, la leçon peut être une leçon de
courage. Fadila refuse le fait d'avoir un enfant et de mener une vie paisible
de couple avec Omar, à cause des circonstances de la guerre de
libération " elle n'a pas fait de politique comme de petits
merdeux à l'occasion d'un militantisme pubertaire
remplissent leur oisiveté et leur romantisme glandulaire en collant des
affiches en rêvant souvent de changer la face du monde. Elle souffrait
plus qu'elle n'agissait elle était en colère " (p.26). Cette
leçon est dictée par Fadila à un père qui l'a
abandonnée, en quittant l'Algérie, au début de la
guerre.
58
C'est aussi une leçon de foi. Foi en la nouvelle
génération, en la jeunesse et ses pouvoirs. Car en
vérité, le Dr. Idir a foi en celle-ci"un enfant bien au
contraire simplifie tout. Il ramène l'idée à sa dimension
première. Il s'avançait " (p.54) "c'est justement dans
les circonstances actuelles qu'il faut faire des enfants comme on relève
le défi dans ce monde en folie ou en gestation, rien ne rassure
plus qu'un visage d'enfant" (p.49) Idir ajoute
aussi..."mon petit fils recommence et continue les
forêts". Il a confiance en la nouvelle génération et
veut convaincre sa fille Fadila de cela. L'histoire du Fellah et son lopin de
terre n'est citée par Idir que pour lui faire apprendre à
être courageuse et à espérer. Idir intervient, à ce
moment, en jouant le rôle de l'instituteur ou de l'enseignant.
Enfin, c'est aussi une leçon de morale donnée
par le Dr. Idir à sa fille ; constatant qu'elle a subi
une profonde aliénation culturelle qu'elle ne soupçonne
même pas. Sa tenue extravagante, les cigarettes qu'elle fumait et son
ignorance des penseurs qui défendent la nationalité
algérienne sont la preuve de son acculturation. Idir estime que pour
qu'elle soit algérienne, Fadila se doit de connaître Mohammed Dib,
Kateb Yacine et le Cheikh Benbadis. Ces derniers sont l'emblème de la
culture Algérienne dont il est fier.
II. Deuxième lecture interprétative
:
Durant la lecture du roman, nous avons pu constater combien le
personnage du Dr. Salah Idir présente de similitudes avec
l'écrivain Malek Haddad. Maintes fois, on peut croire que les
confessions du héros sont celles de l'auteur. En ce sens, ce dernier se
confondait avec son personnage principal. Ceci nous rappelle que pendant
plusieurs décennies, la critique freudienne, de René Laforgue
à Marie Bonaparte, va suivre la voie de la pathographie, traitant le
récit comme un symptôme et rapportant les caractères de
l'oeuvre, parmi lesquels les personnages à la personnalité de
l'écrivain.
59
En effet, nous suggérons que L'élève
et la leçon renvoie à Malek Haddad. Il est
L'élève car nous pensons que derrière cette
déclaration de Idir "je me souviens surtout des cigognes et d'une
école blanche. Il y a toujours eu une école entre
mon passé et moi" (p.55) ce n'est que Haddad qui se
remémore une période de sa vie lorsqu'il était
écolier. Bien qu'élève studieux, il était surtout
le produit d'une école coloniale, faisant de lui- et de tant d'autres-
un être déchiré entre deux univers différents
" En vérité, je crois n'avoir
jamais été à ma place. Je me suis trompé
d'époque. C'est à force de monter à cheval qu'on va se
dandinant. Or l'histoire a voulu que j'aie été à cheval
sur deux époques, sur deux civilisations.
(p.64).
Comme Idir, l'écrivain est conscient du
déracinement subi, lorsqu'il était écolier.
Résultat, une identité défigurée par le
colonisateur et par la stratégie suivie dans les programmes.
Elève, Malek était coupé de son passé et de son
histoire. On lui avait enseigné l'histoire de France dans son propre
pays, au lieu de l'histoire de l'Algérie. On lui avait enseigné
la langue française et non la langue arabe qu'il aurait voulu apprendre
"Nous écrivains d'origine arabo-bérbère, avons
été amené à chanter dans une langue merveilleuse
entre toute, mais qui historiquement n'est pas notre langue maternelle"
(6(*)6) nous confie-t-il.
Il tient à ajouter "Quoi que je fasse, je suis
appelé à dénaturer ma pensée"(6(*)7) l'écrivain est
conscient de sa situation de déracinement.
Aussi la haine ressentie par Idir envers l'histoire " je
hais l'histoire parce que l'histoire complique tout. Dans sa forme subalterne,
servile et servante, la politique essaie tente, pauvre petite gamine, de la
conduire par le bout du nez(6(*)8) nous rappelle celle ressentie par Malek
Haddad lorsqu'il témoigne pour lui et pour les écrivains
algériennes d'expression français "En
vérité, l'histoire les avait devancés, les avait
délogés de leurs habitudes (...) Je le répète je
trouve tragique qu'il ait fallut plus de six années de
guerre et des centaines de milliers de morts". (6(*)9)
Il est vrai que la guerre est source de mort, de misère
bien plus encore d'angoisse. Malek Haddad en est témoin et
dénonce ses horreurs sur le plan psychologique "Le colonialisme,
cette névrose historique était un foyer d'inquiétude,
d'angoisse". (7(*)0)
D'autre part, le silence d'Idir tout au long du roman "mon
silence est le contrat que j'ai signé avec mon impuissance" (7(*)1) "je ne sais pas
écrire de là procède mon injustice" (7(*)2) nous laisse directement
penser au silence gardé par l'auteur, une fois l'Algérie
indépendante. Le drame du langage évoqué par ce dernier,
en est la preuve. Sa déclaration montre combien Haddad est
attristé "je suis incapable de raconter en arabe ce que je sens en
arabe"(7(*)3) comment le saurait-il alors qu'on ne le
lui a jamais enseigné?
Enfin, Malek Haddad est surtout la leçon dans ce roman
il s'adonne à une sorte d'introspection faisant le point sur toute une
vie. Amer, plein de remord, telle est l'image qui nous apparaît du
héros, au point de s'interroger si ce roman n'est pas une
autobiographie.
Il est la leçon et il l'a avoué dans un de ses
poèmes en 1961 "Je suis l'élève
et la leçon"(7(*)4) et l'a
répété tant fois dans son essai Les zéros
tournent en rond "je pense à ces lettres adressées des prisons,
à ces messages venus d'Algérie, de France , d'Europe, ces
lettres, ces messages qui étaient autant de bons-point et de billets de
satisfaction pour les élèves et les leçons que nous sommes
( les écrivains algériens de langue
française(7(*)5))...en ce sens il ajoute "nous
restons comme des leçons. Je crois surtout que nous sommes et serons des
exemples typiques du gâchis et de l'aberration
coloniale".(7(*)6)
En somme, nous estimons que l'écrivain Malek Haddad se
considère comme une leçon dictée par le colonialisme et il
est possible qu'il ait souhaité l'inscrire dans un roman, afin que les
générations à venir s'en servent et s'en souviennent
à jamais. Voir le schéma ci-dessous.
Tableau synoptique
Aspect (+)
L'élève
La leçon
MalekHaddad
Fadila
Dr. Idir
D'histoire, de courage
de foi
de morale
Malek
Haddad
-
-
+
Aspect (-)
+ -
(+) Pour la jeunesse
* Calme * Indifférent * Courageuse *
Coléreuse * Produit de l'école coloniale
* Taciturne * Inactif * Militante *
Bavarde * Ignorant l'histoire de son pays
* Discipliné
* Insolente * Ignorant la langue arabe
* Attentif
* Fumeuse
Nous pouvons avancer ce qui suit:
- Avant la lecture du co-texte, la forme nominale du titre
laisse apparaître sa complétude.
- La lecture du roman montre que le titre remplit parfaitement
sa fonction de condensation.
- Il est probable que Malek Haddad n'a pas ajouté
d'autres éléments dans le titre comme des adjectifs, afin
d'inciter le lecteur du titre à devenir lecteur du texte.
II. Dans le quai aux Fleurs ne répond
plus:
A la différence du premier titre, celui-ci
présente des traits particuliers. D'abord, c'est un énoncé
verbal se présentant sous forme d'une métaphore et donc
esthétique. En analyse du discours(7(*)7) on attribue à la métaphore trois
fonctions parmi lesquelles la fonction esthétique. Cette dernière
est reconnue comme "un ornement brillant" (Crevier 1767 : 89)
du discours et dégageant « une force
imageant » très attirante dans sa réception.
Enfin sur le plan sémantique, ce titre pose problème au lecteur
qui s'égare dans son ambiguïté. Cette formule titulaire
crée l'incertitude dans son absence de simplicité. De ce fait, le
lecteur est forcé de recourir à la lecture du cotexte. L'aspect
métaphore du titre Le quai aux Fleurs ne répond
plus incite, dès le début, le lecteur à la
prudence ainsi qu'à la vigilance durant la lecture, car il va s'agir de
connotations. Après la lecture du roman, l'assimilation du titre devient
possible et un peu plus claire.
A/première lecture
interprétative:
Le quai aux Fleurs ne répond plus symbolise
Simon Guedj, ami de khaled Ben Tobal héros du roman. Il est ce quai
amical depuis l'adolescence "notre amitié est
historique" (p10) nous confie Khaled .Mais il est surtout
ce quai qui, dorénavant ne dit plus rien "...car pendant presque dix
ans, maître Simon Guedj, avocat à la cour, quand il n'était
pas encore maître Simon Guedj avocat à la cour avait chanté
son pays, ses malheurs et son espoir. Car des jeunes d'Algérie avaient
récité ses poèmes. Car Khaled avait raconté
à sa mère, qui ne savait pas lire, des nouvelles de Simon
Guedj" (p.17). En plus de cela Simon n'avait même pas pris la peine
d'attendre son vieil ami Khaled, à la gare de Lyon, alors que ce dernier
lui avait envoyé un télégramme lui annonçant sa
venue.
Dès le premier chapitre, l'image que nous donne
l'écrivain sur Simon est celle d'un traître. Il a trahi un ami
d'enfance en ratant le rendez-vous de l'amitié. Aussi son
indifférence à l'égard de la guerre d'Algérie
déçoit profondément khaled.
" Et pourtant, Le Quai aux Fleurs ne fait pas
sérieux. Maître Simon Guedj, avocat à la cour y avait un
très bel appartement. Et pourtant; maître Simon Guedj, avocat
à la cour, disait sa réussite sur une plaque de cuivre que la
femme de ménage faisait reluire chaque matin. Et pourtant maître
Simon Guedj, avocat à la cour, venait de changer de voiture et d'acheter
une villa à saint-Lunaire, dans sa Bretagne qui n'était pas
natale, pour ses vacances. Et pourtant maître Simon Guedj, avocat
à la cour, était marie à une jolie Monique aux yeux
pervenches, dont la famille avait compté un amiral et deux
procureurs "(p17).
64
Menant une vie de riche et ayant une belle carrière devant
lui, Simon oublie la guerre et la misère des Algériens
restés en Algérie. A ceux là, la guerre ne peut rien
offrir mais à ceux qui sont comme Simon, elle leur offre tout, constate
Khaled.
En se sens, Simon Guedj est le quai qui n'a plus de fleurs
odorantes.
"L'amitié venait de partir. Le silence qui suivit
fut pareil à celui des forêts" (p74).
Il n'a plus rien à donner à l'Algérie, ni
même à Khaled puisqu'il s'est vendu en appréciant la vie
paisible qu'il mène loin de l'Algérie. Son égocentrisme
répugne à Khaled et la guerre d'Algérie n'a pas besoin
d'un tel fils, d'ailleurs il le déclare "
de ceux là l'histoire se fiche" (p17).
Couper les ponts avec l'Algérie, Simon l'avait fait.
Là où il mène sa vie (en France) il ne répondra
jamais plus à l'appel de la mère patrie. Comment le pourrait-il,
si loin ! Au Quai aux Fleurs, Khaled perd un ami "
De toute façon, le quai aux Fleurs ne
répondrait plus (...) un homme n'y avait pas reconnu son ami"
(p.101).
B/ Deuxième lecture
interprétative
Le Quai aux Fleurs ne répond plus, laisse
sous-entendre qu'un projet amoureux est en échec. Les fleurs ne
sont-elles pas le symbole de l'amour et de la vie amoureuse et leur
éclosion n'est-elle pas la preuve du grand amour? En
vérité, deux récits d'amours existent dans ce roman.
Le premier, celui de Monique l'épouse de Simon pour
Khaled Ben Tobal " Monique venait d'embrasser la
main droite de Khaled. Elle avait de la suite dans les
idées" fait remarquer l'auteur. Khaled refuse cet
amour idyllique et pense que "ce qui peut arriver de pire à l'homme,
c'est la satisfaction de ses désirs" (p.22). Khaled est
fidèle à sa femme. Bien que loin d'elle, il ne cesse jamais de
penser à cette "Ourida, sa rose, sa petite rose, qui fleurissait
tous les sommets".
65
L'amour de Monique échoue et son appel impudique reste
ignoré; puisque Khaled est empli d'amour nostalgique pour son
épouse Ourida.
"puisque j'aime Ourida " (p.110). Il
l'imagine dans les bonnes actions et croit à sa fidélité
"je n'ai jamais douté d'Ourida. Ma confiance est totale,
incassable"(p.110).
Mais voilà qu'il apprend son infidélité
avec un lieutenant parachutiste français, dans le journal acheté
par Monique " A Constantine, boulevard de l'Abîme des
terroristes ont assassiné une femme musulmane et un lieutenant
parachutiste. La malheureuse victime avait affirmé sa croyance en une
Algérie française en participant à une tournée avec
la générale X. Elle avait rompu depuis plusieurs mois avec son
mari, le pseudo-écrivain Khaled ben Tobal, à qui
seule une carence des autorités permet encore
de s'exprimer" (p.116) Ourida, la rose se fane et devient fade et
même méconnaissable pour Khaled.
Bouleversé par son échec et emporté par
sa révolte, ce dernier préfère la descente aux enfers. Et
c'est en se jetant d'un train en marche qu'il met fin à sa douleur et
à son désespoir.
En réalité, Le quai aux Fleurs ne
répond plus nous laisse entendre que Khaled ben Tobal s'obstine
à ne pas répondre aux avances de Monique, la française,
mais Ourida aussi dans sa trahison ne répond plus à l'amour de
son mari exilé.
C/ Troisième lecture
interprétative
Nous supposons que Malek Haddad est ce Quai aux Fleurs qui ne
répond plus. En réalité, le personnage de
l'écrivain Khaled porte en lui, l'âme les décisions et le
drame du langage de l'auteur Malek Haddad.
D'abord parce que les questions posées à Khaled
Ben Tobal par le journaliste suisse (pp.36-37) :
66
· Comment doit-on comprendre le titre de votre
dernier livre ?
· D'après vous, quelle place aura la langue
française dans l'Algérie de demain?
· Existe-t-il des écrivains algériens
de langue arabe ?
· Pensez-vous que si vous aviez à choisir
d'autres formes de lutte...?
· Les écrivains algériens ont-ils tous
comme vous la hantise de ce que vous appelez "le drame du
langage" ?
Ne sont en fait que les interrogations personnelles que s'est
posées Malek Haddad, peu de temps avant l'indépendance de
l'Algérie.
Le silence de Khaled devant le journaliste, nous fait penser
au silence de l'écrivain Malek une fois l'Algérie
indépendante, d'où sa décision de ne plus écrire en
langue française. "La langue française est mon exil, mais
langue française est l'exil de mes lectures. Le silence n'est pas un
suicide un hara-kiri. Je crois aux positions extrêmes.
J'ai décidé de ma taire, je n'éprouve aucun regret, ni
même aucune amertume à poser mon stylo".(7(*)8)
Quand au suicide de Khaled Ben Tobal vers la fin du roman,
nous renvoie au suicide littéraire de l'écrivain Malek Haddad.
Malek Haddad avec ses écrits (poèmes et romans)
ressemblant aux fleurs, est ce Quai qui ne répond plus à l'appel
et l'amour qu'il vouait à la langue de Molière " tu
écris puisque tu aimes, si tu n'aimes plus poses ton stylo"(
7(*)9) puisqu'un amour plus
noble, plus fort l'habite, sa nostalgie pour la langue arabe. En fait, Malek
Haddad aurait souhaite l'apprendre lorsqu'il était jeune
écolier, mais malheureusement il en a été privé par
l'école coloniale.
Après cette interprétation qui reste
personnelle, des conclusions s'imposent :
1. Malek Haddad a employé, dans ce titre, le
procédés de la personnification il a fait d'un être
inanimé (le quai) une espèce d'être réel, physique,
doué de sentiments de vie et capable d'une action (répondre).
C'est une personnification qui a eut lieu par métaphore
et comme appellera Pierre Fontannier (8(*)0) une métaphore physique d'une chose
animée (l'humain) à une chose inanimé (le quai). Ajoutons
dans ce sens, que c'est une métaphore qui porte seulement sur le verbe
(répondre), et nous distinguons une incompatibilité
sémantique entre ce verbe et le sujet (le quai).
2. L'auteur use dans ce titre de métaphore pour les
raisons suivantes:
- Il est poète dans l'âme.
- La métaphore a plus de noblesse et plus propre
à toucher, émouvoir et pénétrer. Donc, la
métaphore rend le titre esthétique ce qui assure la fonction
conative.
- La métaphore a une force persuasive, en fournissant
une analogie condensée. Elle est capable de concision, ce qui assure au
titre sa fonction dénominative et référentielle.
- Enfin et surtout, par cette métaphore, Malek Haddad
voulait peut être exprimé un sentiment et le faire partager. Il
est vivement frappé par l'idée de son silence et cette
dernière s'est présentée à lui, en image.
L'utilité de cette dernière est de nous faire
mieux sentir ce qu'il sent.
Tableau synoptique des sens relatifs
Au titre "Le Quai aux Fleurs ne répond
plus"
Le Quai aux Fleurs
|
Ne répond plus
|
Simon Guedj
|
- Au rendez-vous de l'amitié
- Aux malheurs des Algériens
- Dans son éloignement de l'Algérie
|
Khaled Ben Tobal
|
- Son indifférence vis-à vis des avances de
Monique
|
Ourida
|
- A l'amour de son époux Khaled et sa trahison avec un
soldat français
|
Malek Haddad
|
- A son amour pour la langue française (silence
après l'indépendance de l'Algérie)
- Drame du langage
|
-Typologie des titres de Malek
Haddad :
Nous considérons l'élève et la
leçon comme étant un titre subjectival et fictionnel, selon
l'expression de Hoek, puisqu'il désigne le sujet du texte. En ce sens,
il est thématique. Ce titre entretient un rapport métonymique
avec son co-texte en résumant de manière efficace l'idée
maîtresse du roman.
D'autre part, nous avons pu distinguer qu'à travers
cette formule titulaire Malek Haddad critique sévèrement
l'école coloniale dont les procédés
privilégiés sont l'amalgame et la falsification pour
conditionner les enfants algériens qui n'ont pas encore la
maturité d'esprit, pour saisir l'énormité de ces
mensonges. 69
Enfin la nominalisation de ce titre, le rend moins
dépendant de son co-texte. Ce procédé est
fréquemment utilisé chez Malek Haddad (voir le tableau
ci-dessous). Sur sept titres romanesques, il n'y en a que deux qui sont
verbaux:
La fresque romanesque
|
Titre nominal
|
Titre verbal
|
La dernière Impression
|
+
|
|
Je t'offrirai une gazelle
|
|
+
|
L'élève et la leçon
|
+
|
|
Le quai aux Fleurs ne répond plus
|
|
+
|
La Fin des majuscules (inédit)
|
+
|
|
Un wagon sur une île (inédit)
|
+
|
|
La légende de Salah Bey (inédit)
|
+
|
|
Le deuxième titre Le Quai aux Fleurs ne
répond plus est objectival; car il désigne le texte comme
objet. Il est rhématique et métafictionnel selon les expressions
de G.Genette, car il indique au lecteur une grille de lecture spécifique
au roman. Ce titre décrit le co-texte de manière ambigu et
complexe, d'où le retour incessant au co-texte. Les mots existant dans
le titre sont des symboles que le lecteur doit interpréter, une fois la
lecture terminée, en fournissant beaucoup plus d'attention et
d'énergie.
Par ce titre, l'écrivain voulait peut être
extériorisé de très pénibles sentiments (le
désespoir et l'échec de l'amour) qu'il désirait
sûrement partager avec son lecteur. Aussi la forme verbale assure t-elle
au titre une certaine autonomie par rapport à son co-texte.
Nous nous sommes intéressées aux titres
romanesques de l'époque entre 1953 et 1965 et nous avons pu rassembler
cette liste 70
Romanciers
|
Titres
|
Mohammed Arabdiou
|
-La Pièce d'argent (1959)
|
Mohammed Dib
|
-L'Incendie (1954)
-Le Métier à tisser (1957)
-Un été africain (1959)
-Qui se souvient de la mer (1962)
|
Assia Djebar
|
-La Soif (1957)
-Les Impatients (1958)
-Les Alouettes naïves (1962)
-Les enfants du nouveau monde (1962)
|
Mouloud Feraoun
|
-Le Fils du pauvre (1950)
-La Terre et le Sang (1953)
-Les Chemins qui montent (1957)
|
Mouloud Mammeri
|
-L'Opium et le Bâton (1965)
-Le Sommeil du juste (1955)
|
Yacine Kateb
|
-Nedjma (1956)
|
Frantz Fanon
|
-Les Damnées de la terre (1961)
|
Réda Falaki
|
-Le Milieu et la marge (1964)
|
Malek Ouary
|
-Le Grain dans la meule (1956)
|
Mourad Bourboune
|
-Le Mont des genets (1962)
|
Louis Marguerite Taous Amrouche
|
-La Table ronde (1960)
|
A première vue, L'élève et la
leçon semble conforme aux titres romanesques de l'époque,
car sa structure syntaxique se rapproche beaucoup de trois titres de la
précédente liste:
71
- La Terre et le sang (1953)
- L'Opium et le bâton (1965)
- Le Milieu et la marge (1964)
Quant au deuxième titre Le Quai aux fleurs ne
répond plus, il se distingue de la liste non pas par sa structure
verbale mais plutôt par l'emploi de la métaphore, pour laquelle
Malek Haddad a opté.
Par conséquent, nous considérons l'auteur comme
étant l'initiateur de ce type de titre pendant la période entre
1953-1965.
- L'Autorité des deux titres de Malek
Haddad:
Comme tous les titres romanesques existant sur le
marché, ceux de Malek Haddad exercent leur autorité sur le
lecteur par leur place sur la couverture et par leur forme. En effet, cette
autorité est présentée de manière innocente;
puisqu'il est admis que le titre ne ferait pas autre chose qu'annoncer le
sujet du co-texte.
Aussi, placé en tête, au milieu d'un blanc,
isolé du co-texte sur une page spéciale et écrit en
majuscule, parfois le titre s'affirme comme dirigeant le co-texte: il programme
d'avance la lecture et impose au lecteur la valeur de son énoncé.
Il est évident que le titre n'exerce cette fonction dirigeante que dans
la mesure où le lecteur se souvient de l'intitulé et le prend en
considération pendant la lecture.
Derrida, paraphrasant Mallarmé, caractérise le
titre comme suit" le titre qui, comme la tête, le capital,
l'oraculeux, porte forme haut, parle trop haut, à la fois parce qu'il
élève la voix, en assourdit le texte conséquent et parce
qu'il occupe le haut de la page, le haut devenant ainsi le centre
éminent, le commandement, le chef, l'archonte".(8(*)1)
Cette autorité n'est pas si innocente qu'elle le
paraît. En fait, la forme et la structure des deux titres nous ont
incité à lire et nous ont jeté dans le texte, afin de
découvrir leur signification partielle. Il est clair que les intentions
réelles de l'auteur sont toujours méconnues.
Les deux titres de Haddad dépassent la place qu'ils
occupent en haut de la page, pour agir au coeur même du texte. Chaque
fois que nous avons rencontré des mots dans le texte qui étaient
aussi présents dans les deux titres, nous étions forcées
de les mettre en relation, ou à les confronter, afin de voir si le choix
des titres est judicieux ou non.
Une fois la lecture du co-texte terminée, les deux
titres agissaient encore sur nous, car nous y revenions toujours. Le retour
incessant vers les deux titres constitue la vraie autorité exercé
par L'élève et la leçon et Le quai aux
Fleurs ne répond plus.
-Idéologie des deux
titres :
"Il n'y a aucun titre qui ne porte les traces de son
idéologie"
Léo. H.Hoek, La Marque du titre, p.281
Toute une idéologie est dissimulée dans les
titres de Malek Haddad. En réalité sous la forme anodine du
premier titre, l'auteur fait le procès de l'enseignement de l'histoire
assuré par l'école coloniale. Aussi par la métaphore et la
personnification, il nous fait partager un sentiment profond, celui du silence
devant l'horreur d'un échec amoureux.
Si pour Hoek l'idéologie est définie comme
étant
" la forme imaginaire de la représentation des
rapports réels des individus à leurs conditions
d'existence".(8(*)2)
Pour Macherey(8(*)3) et Grivel(8(*)4), elle se manifeste avant tout dans les structures
linguistiques et discursives du texte. Donc, le texte, lui-même, est une
pratique idéologique et l'idéologie du texte est
caractérisée par la dissimulation de sa propre pratique.
En fait, découvrir l'idéologie du texte signifie
en même temps dénoncer l'imposture du titre qui voudrait
innocenter, (fonctionnaliser) le co-texte. Le titre réussit à
s'imposer au co-texte par "dissimulation et simulation" d'après Jean
Ricardou "Le titre fait semblant de simuler le co-texte, en le
réduisant à ses éléments
fictionnels".(8(*)5) Donc le titre ne se limite pas
à proposer un résumé partiel de la fiction; mais s'efforce
de dissimuler par la fictionnalisation l'impact idéologique du co-texte.
Ricardou fait remarquer que "même la dissimulation ne suffit pas
encore, il faut que cette dernière soit elle-même cachée"
(8(*)6)
Malek Haddad a bien choisi ses deux titres ainsi que leurs
formes, afin de dissimuler son idéologie durant une époque
(1960-1961) où l'Algérie était encore sous l'âpre
colonialisme français. Ajoutons à cela, que ses deux romans
étaient publiés en France et donc devaient respecter les
exigences du marché du livre.
Bernard Valette suggère une définition de
l'idéologie dans une intéressante étude
idéologique du conte Cendrillon :
"L'idéologie désigne en effet des
réalités hétérogènes, aussi disparates que
la manipulation politique volontairement effectuée et de tous les temps
à l'aide des arts et des belles lettres, la religion de la morale et de
la culture, la signification inconsciente supposée plu importante que le
discours de surface qui le véhicule tout en la dissimulant, les
rapports qui doivent
exister entre les productions de l'esprit individuelles et les
contraintes matérielles de l'environnement
social".(8(*)7)
Il souligne de ce fait, le caractère subjectif de
l'idéologie et l'influence de la société sur sa
signification.
A la fin, Bernard Valette avance une vérité
indéniable "force est reconnaître que si idéologie il
y a, il ne s'agit guère alors que de celle du
lecteur".(8(*)8) Il a tout de même
raison puisque, comme nous l'avons précédemment dit, les vraies
intentions de l'auteur restent méconnues du lecteur.
En réalité, Bernard Valette avance l'idée
que l'idéologie découverte par le lecteur n'est rien d'autre que
celle qu'il construit tout seul, en fonction de son vécu, de son
histoire ainsi que de sa culture et de sa connaissance de tel ou tel
écrivain. Nous sommes d'accord avec lui, du fait que
l'interprétation d'un texte ou d'un titre diffère d'un lecteur
à un autre.
Chapitre 4
Portée symbolique
dans les titres
76
- Paratexte et titrologie chez Malek
Haddad:
"La couverture est aussi cet
écran très surveillé
où se déploie le titre" Jean Ricardou.
Dans cette partie, nous nous proposons
d`étudier les formules paratextuelles accompagnant les deux titres
romanesques de Malek Haddad et qui sont : Les couleurs de chaque couverture, la
photographie, la synopsis et le sigle de la maison d'édition. Nous
tenterons de dégager s'il existe ou non un lien entre la titrologie de
Malek Haddad et le paratexte.
De ce fait, nous essayerons de répondre à un
certain nombre d'interrogations : Qu'est ce que le paratexte ? Est-ce que
l'appareil paratextuel contribue à expliquer notre corpus ?
La notion de Paratexte a été
l'objet de plusieurs questionnements de la part des critiques J.Derrida,
J.Dubois, A. Compagnon et G.Genette.Si en 1972, Derrida(89) parle du
" Hors-texte afin de désigner le paratexte Dubois(90) en 1973 propose le
terme de " Métatexte " pour designer cette limite, ce "seuil". Pour sa
part, Compagnon (91) décrit la périgraphie du texte
comme " une zone intermédiaire entre le hors-texte et le texte " en
1979. Toute fois, Genette a été le seul à consacrer un
ouvrage complet à cette dimension importante de l'objet-livre en 1979,
1982 et surtout en 1987.
(89).Jean,Derrida, " Hors-livre, préfaces ", in
La Dissémination, Seuil, 1972, pp.9-67
(90).Jacques, Dubois, L'assommoir de Zola,
société, discours, idéologie, Larousse, 1973,
p.129
(91) Antoine, Compagnon, La seconde main,
Seuil, 1979, p.15
77
"La paratextualité est la relation d'un
texte avec ce qui l'accompagne (titres préfaces, épigraphes,
illustrations, prière d'insérer) et l'un des lieux
privilégiés de l'action de l'oeuvre sur le
lecteur"(92) déclare G.Genette. Dans son ouvrage
Seuils, deux objectifs ont été tracés par lui par son
étude de l'appareil paratextuel; d'un côté, observer la
récurrence de certaines formes et certaines fonctions du paratexte,
dépendamment des genres, des époques; de l'autre pour
démontrer la force illocutoire du message, orienté
essentiellement vers un destinataire à convaincre.
G. Genette souligne que le paratexte
"est le versant éditorial et pragmatique de l'oeuvre
littéraire et le lieu privilégié de son rapport au public
et par là au monde"(93). Ceci nous rappelle les propos
de B.Bernestein, qui dans son ouvrage "Langage et classes sociales" attirait
l'attention sur un fait d'une grande importance : "Apprendre à ne
pas se ruer sur le texte comme seul lieu dépositaire de sens convie
à exercer ce que l'on pourrait appeler sa sensibilité
sémiotique". En ce sens, les signes codifiés de l'appareil
paratextuel ne sont pas toujours très perceptibles étant
donné que les lecteurs-clients ne sont pas égaux par la
sensibilité et l'imagination.
Passons maintenant à l'étude
de la forme de chaque titre sur la jaquette des deux romans, car nous pensons
que cela peut nous permettre d'obtenir des résultats pour la
compréhension du corpus.
(92). Gerard, Genette, Seuils, Paris,
Seuil, 1987, p.388
(93). B.Bernestein, Langage et classes socials,
PUF, 1990, p.56
78
A- Disposition du titre sur la
couverture:
1- Dans L'élève et
la leçon :
Le titre apparaît au
recto de la couverture, sur un fond bleu ciel, comme un ensemble
hiérarchisé par le jeu des caractères typographiques. Nous
retenons une opposition entre la typologie du titre et celle du nom de
l'auteur. Cette dernière prime nettement en valeur, le titre de l'oeuvre
ne contient aucune majuscule sauf à la première lettre du premier
mot.
Ajoutons à cela deux bandes vertes, l'une
large et l'autre mince disposées sous le nom de l'auteur. Le même
phénomène est repéré sur le rabat de couverture.
Quand aux caractères typographiques du titre,
ils sont de couleur blanche.
2- Dans Le quai aux Fleurs ne répond plus :
Ce titre s'oppose au premier dans la présence
d'une majuscule au mot (Fleurs), alors que sur le rabat une autre majuscule
est ajoutée pour le mot(Quai). Deux bandes imprimées en rose
d'une taille semblable à celle vues sur la couverture du premier roman,
mettent en valeur le prénom et le nom de l'auteur.
Si la brièveté du premier titre lui
à épargné le découpage, le deuxième se
dispose sur deux lignes. Comme Claude Furet (94) et H. Staumann
(95) nous pensons que le découpage doit être
logique.
(94).Claude, Furet, Le titre .Pour donner
envie de lire, Paris, C.F.PJ, 1995 (communication)
(95).H.Staumann, "Newspaper headlines": a study,
in Linguistique method, London: Allen et Cloud
edition, 1935, p24
79
En fait, le nombre de syllabes de la première
ligne est égal à celui de
la seconde (4/4): Le/ quai /aux /Fleurs
1 2 3 4
ne / ré/ pond/ plus
1 2 3 4
Ce qui nous encourage à avancer qu'il y a une
symétrie dans ce titre.
Enfin, nous remarquons que les deux titres ne sont pas
ponctués puisque souvent il n'y a pas de signes de ponctuation dans le
titre, sauf peut être des points d'interrogation ou d'exclamation.
En 1995, A.Dugas (96) note en effet que
"Le point n'est pas nécessaire dans les titres
parce que ce sont des phrases isolées, donc on n'a pas besoin de
séparateur. Mais on trouve les points d'interrogation, d'exclamation
pour ne pas confondre l'interprétation avec le cas non marqué
".
B- Analyse de la couverture et de ses
composantes:
J.P.Goldenstein (97) signale que, commercialement,
la couverture d'un livre-objet de vente tache d'attirer l'attention, de
séduire et d'informer le lecteur. Toute une rhétorique
conditionne la fabrication du produit livre. Ces premiers critères
apparemment premiers accessoires se révèlent en fait de toute
première importance quant à l'horizon d'attente et au pacte de
lecture qui nous est proposé.
(96) .A Dugas, "ponctuation et syntaxe", in Cooper et
Greenbauman, 1995, pp.143-149
(97).J-Pierre, Goldenstein, "Entrée en
littérature"Hachette, 1990, p.56
80
81
- Les couleurs:
Certaines couvertures de romans sont
agrémentées de multiples couleurs tantôt choisies au
gré du hasard, tantôt choisies afin d'exprimer l'idée
maîtresse du récit. En fait, la couleur peut être
utilisée pour véhiculer une certaine signification telle qu'un
message d'avertissement (rouge), de prudence (jaune), de sécurité
(vert) etc.
La symbolique des couleurs est issue de
différentes sources, aussi bien de l'histoire, des traditions de
différents pays et des religions mais nous constatons une
universalité même si les interprétations peuvent varier. La
publicité recourt beaucoup aux symboles. En effet, l'image peut
suggérer l'inexprimable. Elle est donc un fort contenu symbolique. C'est
pourquoi nous essayerons de comprendre ce que nous disent les couleurs de
chacune des couvertures de Malek Haddad. Y a t-il un lien quelconque entre ces
couleurs et la titrologie de cet écrivain?
a- Dans L'élève et la
leçon:
1-Le bleu ciel:
Il constitue l'un des onze champs
chromatiques. Couleur du ciel, qui représente selon J.G.Jung
(98), la fonction psychique de la pensée. Le bleu est la plus
profonde des couleurs, la plus froide et la plus pure qui évoque la
rêverie et suggère l'éternité et l'infini.
Agrémentant le recto de la couverture, cette
couleur est récurrente dans le roman "En amont le lac d'un bleu
pastel s'étend" (p.58) "une lumière bleue et timide" (p.66).
Elle symbolise l'eau de la mer ou le ciel(99).
(98). J.G, Jung, Couleurs, in Langage et
publicité, Paris, Ed Bréal, 1998, p.46
(99) . www.paintcafe.com
82
Nassira Azzouz déclare que "Cette couleur à
tout temps hanté les poètes romantiques et symbolistes tels : V.
Hugo, A. Rimbaud. Le bleu attire Malek Haddad aussi bien que les autres
poètes vers l'infini et éveille en eux le désir de
pureté et une soif de surnaturel. Il connote le spirituel, l'euphorie,
l'espoir en un monde meilleur...".(100)
En réalité, le bleu est la
couleur favorie de Malek Hadddad. Dans sa thèse, Jamel Ali-Khodja
(101) note que l'adjectif "Bleu" revient constamment dans l'oeuvre
romanesque ou poétique de notre écrivain.
Un autre fait le confirme, de son vivant, Malek aimait s'entourer
de bleu c'est pourquoi en 1977, il a peint la villa de ses parents en bleu.
Enfin, notons que cette couleur est la
cinquième couleur du charka, symbolisant la communication, l'expression
de soi, de la créativité et de la tranquillité. C'est
aussi la sixième couleur constituant l'arc-en-ciel.
2-Le vert :
Cette couleur est repérée à
trois endroits sur la couverture. Deux fois sur le recto (les deux bandes sous
le nom de l'auteur et le sigle de la collection) et une fois sur le verso de
celle-ci. Dans le co-texte le cartable de Fadila est vert "De son petit
cartable vert, elle sort un cahier..."(p.75)
En réalité, nous supposons que la couleur verte
dont parle Malek Haddad est associée à l'Islam et les mots "
Islam " p.76 et le mot "pèlerinage" p.113 le confirment. Le vert peut
symboliser la nature, la verdure et la jeunesse. Mais, il est aussi
l'Algérie car le vert constitue l'une des couleurs du drapeau
algérien.
(100).Nassira, Azzouz, Le Poète
funambule, in Revue Expression, univ, de Constantine, 1995, pp.103-105
(101).Jamel Ali-khodja, L'itinéraire de Malek
Haddad: témoignage et proposition.D3, 1981, p.162
83
Dans la symbolique orientale (102), le
vert correspond à l'Islam, alors que pour l'occident cette couleur est
associée à: l'espoir, le hasard, les feuilles naissantes, la
verdure du printemps.
Ajoutons à cela, que le vert est la
quatrième couleur du charka symbole de l'équilibre, du renouveau,
de l'amour, de l'acceptation, de la compassion et de l'harmonie. Avec le vert,
la culpabilité est chassée .Dans le co-texte, Le personnage
Khaled Ben Tobal se culpabilise, en se traitant de traître puisqu'il a
quitté sa famille et le pays dans le moment où ces derniers
avaient le plus besoin de lui.
3- Le violet :
Seuls les chiffres 10/18 sont
teintes de violet, sur un fond vert. Cette couleur évoque des souvenirs
d'enfance en nous. Il est connu qu'à l'école on utilisait une
encre violette pour écrire. L'écrivain le confirme "une plume
qui appuie trop à l'encre violette" (p.114). Elle symbolise
l'écriture. Vers la fin du récit l'écrivain avoue la
falsification de l'Histoire de l'Algérie, survenue pendant un cours
donné à Fadila.
En occident, cette couleur peut signaler
l'autorité et pour l'église chrétienne elle est
portée par les évêques. Elle est la septième du
charka, symbole de la spiritualité, relation au père et au
père spirituel à l'autorité (103).
4-Le Blanc :
Le nom de l'auteur ainsi que le
titre du roman sont écrits en blanc peut être pour symboliser
l'inexistence et l'absence. Malek Haddad vivait un drame qu'il a nommé
lui même "Le drame du langage". Cet écrivain se sent inexistant
mais aussi ses romans du fait que le simple fellah algérien est
incapable de lire en français.
(102) .http://pourpre.com/
(103).ibid
84
Si dans la symbolique occidentale (104), le blanc
est associé à la pureté, à la chasteté, il
est aussi la couleur de la neige et du lait maternel. Mais il peut indiquer la
vieillesse, la mauvaise santé (l'hôpital), la mort (le linceul,
les os) et l'angoisse devant la fameuse "feuille blanche" des étudiants
lors des examens ou de l'écrivain lorsqu'il débute son oeuvre.
Nous notons, enfin, que dans certaines religions, porter le blanc permet de se
purifier et de se débarrasser de sa culpabilité. En
rédigeant L'élève et la leçon, Malek
Haddad souhaite peut être se débarrasser de ses pénibles
souvenirs d'écolier déculturé par l'école coloniale
française, afin de retrouver sa vraie identité : celle d'un
citoyen Algérien et d'un musulman.
b- Dans Le quai aux Fleurs ne répond
plus:
1- Le Bleu -vert:
Le bleu agrémentant le recto
de la couverture est un bleu-vert par rapport à celui retrouvé
sur la première couverture. En associant le bleu et le vert, il se peut
que Malek Haddad et son éditeur voulaient exprimer l'entraide et la
tolérance souhaitées entre l'Algérie et la France.
La symbolique du bleu-vert(105) nous apprend que cette
couleur est la tentative de réconcilier deux choses
opposées. Sur la couverture existe aussi un bleu-clair
qui est associé au rose. Il peut constituer l'amour
timide et confus de Khaled Ben Tobal pour Monique; l'épouse de Simon
Guedj mais aussi l'attirance qu'avait Malek Haddad pour la langue
française.
(104).www.paintcafe.com
(105) .http://pourpre.com
85
86
2 Le Blanc:
Apparaissant dans le nom de
l'auteur et le titre du roman, en haut de la couverture, il évoque le
renouveau et la renaissance. Un nouveau départ, une nouvelle page pour
l'auteur. Mais le blanc dans le titre peut rappeler la mort, la fin d'une
étape et l'adverbe (plus) renforce cette idée. Le récit se
termine par le suicide de Khaled Ben Tobal et donc le blanc signifie la mort,
le linceul et les os. Ainsi lorsqu'on gomme des phrases inscrites sur une page,
ne reste t-il pas du blanc, du néant ?
3-Le rose:
Le rose bonbon nous fait penser aux
roses printanières dans leur fraîcheur et leur beauté. Dans
le co-texte, l'écrivain Malek Haddad fait la description du corsage de
Monique "...son corsage est rose. Les cerises sont roses (...) La robe de
chambre disait des fleurs..." (p.13).
Cette couleur peut symboliser Ourida, la femme de Khaled Ben
Tobal prénom arabe ayant le sens de Rose. Le terme de (rose) peut
être synonyme du mot Fleurs existant dans le titre du roman. Cette
couleur est la plus féminine, elle incite à la tendresse, la
douceur, la délicatesse et la volupté nous apprend la chromatique
(106). Le rose associé au blanc et bleu exprime l'amour
d'après cette dernière. Cette couleur prend le sens de l'amour
timide ressenti par Khaled envers Monique.
4- Le noir:
Il est présent sur la
synopsis et dans une partie de la photographie. Sa brillance manifeste
l'élégance et le luxe. Symboliquement, cette couleur est celle de
la mort et du désespoir. Selon C.G.Jung, le noir renvoie aux origines et
au commencement.
(106) .http://pourpre.com
87
II- La photographie:
Une photographie de
l'écrivain Malek Haddad est remarquée, avant même, de lire
le co-texte. Elle est un élément non négligeable dans le
paratexte.
- La photographie dans " L'élève et la
leçon" :
Elle est
disposée sur un fond bleu-ciel. Notre attention est retenue par le
regard sérieux de l'écrivain, dont la main ouverte tient une
cigarette allumée. Seul le pouce est sous le menton de Malek Haddad. En
costume et cravate, l'air attentif, il nous fait penser à un
élève angoissé. Selon certains tabagistes, fumer
atténue le stress des moments pénibles de la vie. Aussi le
barreaudage à côté de l'auteur, nous rappelle la prison.
Nous estimons que Malek Haddad éprouvait une gêne et une certaine
honte à voir ses lecteurs en face. Sa nature sensible et son
éloignement de l'Algérie, durant la guerre (1960), était
considéré par lui comme une trahison.
Autre élément paratextuel d'une grande
pertinence, la main qui apparaît sur la photographie est
récurrente dans le co-texte. "Je me souviens surtout des mains du Dr
Coste un chirurgien de mes amis" (p.15) c'est la main guérisseuse.
"Maintenant le Dr Coste a rejeté sa main, cette main qui sans le bon
dieu n'était rien..." (p.17) C'est la main opérante.
Enfin, la cigarette sur la photographie nous renvoie
au co-texte ou le personnage central soliloque "Moi, je pense aux autres
tous les jours. En allumant ma première cigarette, je pense aux autres"
(p.45).
-La photographie dans "Le quai aux Fleurs ne
répond plus"
Le fond bleu-vert sur
lequel est imprimée la photographie, nous invite à
découvrir Haddad, vu de profil. Moins élégant, en tenue
décontractée, par opposition à la photographie du premier
roman, l'auteur nous semble calme et serein " Le Quai aux Fleurs
baignait dans la sérénité (...) oui, chez nous! Le quai
aux fleurs, ça ne fait pas sérieux" (p.16).
88
La tête de l'écrivain est au centre
de la photo, entre le ciel et la terre comme pour nous dire qu'il est à
cheval entre deux univers opposés. Enfin, aucun indice sur la photo ne
peut nous éclairer sur la deuxième partie du titre (ne
répond plus) et le recours au co-texte s'avère indispensable dans
ce cas là.
III- Le sigle de la collection:
Nous constatons que nous n'avons
pas à faire à un sigle composé de lettres ou d'initiales
désignant des organisations ou des clubs comme il est courant, mais de
chiffres entrant dans sa composition, indiquant le petit format du roman.
Nous repérons l'inscription 10/18 en violet,
au dessous de la photo sur une couleur de fond verte. Ce même sigle est
imprimé au verso de la jaquette du premier ainsi que du second roman,
mais à droite et sous la synopsis avec l'indication du nom (Christian
Bourgois) comme directeur de la collection 10/18.
IV-La synopsis:
En verso de la jaquette, nous rencontrons d'autres
stratégies publicitaires telles une synopsis vraisemblablement
rédigée par le directeur de la collection 10/18. Pour ce qui est
du premier roman ou du second le récit est présenté en
noir sur un fond blanc.
En réalité, la synopsis dote les
romans de Malek Haddad d'une identité archétypale, tout en
répondant aux questions cardinales de chaque récit (qui ?
où ? Quand ? Quoi ? ) questions qui ont pour fonction de produire
l'intérêt romanesque chez le lecteur-client, sans dévoiler
le thème réel.
89
Romans
|
Où ?
|
Qui ?
|
Quoi ?
|
L'élève et la leçon
|
Hors de l'Algérie
|
Dr .Salah Idir
|
Affrontement entre un père et sa fille
|
Le quai aux Fleurs ne répond plus
|
En exil
|
Khaled Ben Tobal(poèteAlgérien)
|
Retrouvailles ratées avec un ami d'enfance, amour
interdit et trahison de l'épouse de ce poète.
|
De tout ce qui
précède, quelques conclusions peuvent à présent
être dégagées :
1-Les deux romans sont agrémentés de couvertures
très parlantes et s'avérant intéressantes pour
l'analyse.
2-Les formules paratextuelles recouvrent et
répètent la plupart du temps le titre, ainsi que le co-texte,
dans les deux oeuvres romanesques de Malek Haddad.
3-Le paratexte expliquait quelque fois notre corpus.
4-Le choix des couleurs, surtout le bleu nous laisse croire
à la participation de l'écrivain dans l'élaboration des
jaquettes de ses deux romans. Toute son oeuvre romanesque et poétique
est en général imprimée en bleu comme nous l'avons
noté.
90
- Numérologie et titrologie chez Malek
Haddad
"L'interprétation des nombres est le plus haut
degré
de la connaissance et l'essence de l'harmonie
cosmique
et intérieure". Platon
Si la numérologie est la science des nombres
dont le père reconnu est Pythagore, elle est aussi un art divinatoire
basé sur l'attribution de propriétés à des nombres
à travers les "rapports vibratoires". Nous tentons de l'aborder pour
savoir si elle est capable de nous ouvrir une voie vers la compréhension
des titres de Malek Haddad. Donc, Que nous apprend la numérologie sur la
titrologie de ce dernier ?
1- Le nombre six dans "L'élève et la
leçon " :
Nous constatons que le titre se
compose de six syllabes:
L'é/lèv/e et / la/ le/çon
1 2 3 4 5 6
Le nombre (6) apparaît à plusieurs
endroits dans le paratexte et le co-texte. D'abord, dans le paratexte nous le
rencontrons dans l'utilisation de la couleur bleue-ciel sur la couverture,
constituant la 6eme couleur de l'arc-en ciel.
D'autre part, dans la synopsis nous apprenons que
l'age de Salah Idir est 60 ans. Donc, apparition flagrante du chiffre (6).
Aussi sur la photographie de Malek Haddad si l'on ajoute aux cinq doigts de sa
main, la cigarette dans la longueur peut servir de 6ème
doigt.
Pour ce qui est du co-texte, nous avons
découvert avec stupeur l'importance que revêt ce nombre.
Commençons par la dédicace de l'auteur dans "
L'élève et la leçon ". En vérité Haddad
inscrit une dédicace pour six personnes:
91
- Pour Suzon et mon frère Rachid
- Pour Pierre - mon Grand
- Pour Safia - ma jolie
- Pour Nadia - ma poupée
- Pour Malek - mon fils
Ensuite, la phrase du récit " Ils ont
voté les pouvoirs spéciaux " est retrouvée six fois
de suite. De plus, ce nombre est mis en évidence par l'auteur quand il a
choisi pour ses personnages des prénoms comportant six lettres; Fadila,
Sâadia. Puis il est aussi évoqué à la page 23 ".
Le 63 qui vient de la Muette, les pigeons sur la place ". Six lettres
composent le mot (Muette). L'écrivain met en scène six
personnages : Sâadia, Fadila, Germaine, Omar , Dr Coste et Salah Idir.
Ajoutons, que l'importance du mot (cahier) qui est
formé en six lettres n'est pas moindre dans le co-texte puisqu'il
contient tous les mensonges sur l'Histoire de l'Algérie.
D'emblée, l'apparition de ce nombre peut être associée
à l'année de la publication de ce roman (1960).
Enfin, le chiffre (6) correspond dans l'alphabet
arabe à la lettre (Í) qui signifie " Liberté ". En
français, elle correspond à la lettre (F) telle que le mot
(France) qui contient six lettres. Il est nécessaire de signaler que la
symbolique des nombres attribue au six plusieurs connotations que nous
pouvons mettre en relation avec le récit.(107) Ce nombre est
celui de la responsabilité et du service rendu, du conseil, de la
famille, du foyer, du devoir, de la justesse des choix et de l'amour. Salah
Idir, en père aimant avait ressenti combien il s'est conduit en
traître vis-à-vis de sa propre famille et sa patrie.
(107).www.numérologie.ch/main.asp
92
2-Le nombre (8) dans"Le quai aux Fleurs ne
répond plus":
Huit syllabes constituent ce
titre:
Le/ quai/ aux/ Fleurs/ne /ré/pond /plus
1 2 3 4 5 6 7 8
Nous retrouvons ce nombre dans le sigle de la
collection 10/18 et dans le nom du personnage central: Khaled Ben Tobal. La
récurrence du huit est apparente dans certain mots du roman: Ecrivain,
Algérien, solitude, Français, Histoire.
Dans l'alphabet arabe, le (8) correspond à la
lettre ( Ï ) comme le mot Dzaier et en français à la lettre
( H ), initiale de Huit, Haddad et
Houriya. En symbolique, ce nombre signale l'échange
perpétuel alternatif de deux polarités. Il
évoque(108) aussi le sacrifice, l'amour, l'amitié,
thèmes présents dans le co-texte. Selon Pythagore, le (8) indique
la prudence et la réflexion. Outre cela, le noeud entre les deux boucles
de son graphisme symbolise les difficultés de communication
intérieure entre la raison et la Coeur, comme le cas de Khaled Ben Tobal
et comme celui de l'écrivain Malek Haddad, ce qui a engendré chez
lui "Le drame du langage".
Nous pouvons conclure que le chiffre existant dans
chacun des titres est mis en valeur dans le co-texte qui le
répète.
(108). ibid
93
Analyse syntaxique des titres
Dans cette partie, nous nous intéresserons
à l'analyse syntaxique du corpus. Donc, comment se présentent les
deux titres romanesques ? Et peut-on dégager quelques
caractéristiques de l'écriture romanesque chez Malek Haddad ?
Explorons, ses titres de plus près:
A. Structure syntaxique de L'élève
et la leçon:
Le titre est agencé en phrase nominale. Cette
forme apparaît comme la plus naturelle du titre, si bien que Léo H
Hoek en fait l'archétype syntaxique, le "Moellon" (109) selon
son mot. Nous savons que pour le titre, la règle principale est de faire
le plus d'effet possible avec le moins de mots possibles et il semble que
l'écrivain ait compris cela; puisqu'il a choisi la
brièveté dans ce titre par opposition au second.
Si Emile Benveniste (110) définit
la phrase nominale du titre comme un prédicat nominal sans copule.
Kristeva (111) lui trouve une fonction prédicative,
indépendamment de la catégorie morphologique des termes assumant
cette fonction.
Observons la présentation de ce titre :
P
GN
GN
D N conj de
coort D N
L' élève et (copule)
la leçon
(109). Léo, H, Hoek, Pour une
sémiotique du titre, Univ de Urbino, 1973, p.18.
(110).Cf. Emile, Benveniste, Problèmes de
linguistique générale, Paris, Galimard, 1966, p.151
(111). cf, Julia, Kristeva, Polylogue, Paris,
Seuil, 1977, pp.325-329
94
L'arbre nous montre l'existence de deux syntagmes
nominaux coordonnés à l'aide d'une conjonction de coordination
(et). D'après Pierre Fontanier la coordination est une figure qui
multiplie en quelque sorte les objets en insistant sur chacun d'eux en
particulier et elle les rend plus présents, plus distincts, que s'ils
étaient offerts en groupe, et comme n'en faisant qu'un .
En fait, le (et) relie des mots de même nature
(nom +nom) en indiquant un rapport d'addition et de liaison. Grâce
à la lecture du co-texte nous apprenons que (l'élève) et
(la leçon) sont liés l'un à l'autre par un même
destin (la falsification de l'Histoire d'un peuple). Si la leçon
était fausse, l'élève était crédule, ce qui
met les deux entités sur le même pied d'égalité
étant donné leur négativité.
Ajoutons à ceci que l'emploi de l'article
défini (L') article élidé et (le), dirige l'attention du
lecteur sur une certaine "pré-information"(112) et
suggère la particularité(113) ou bien la
généralité. Nous suggérons que les articles
employés dans le titre, font croire avant la lecture du roman que
(l'élève) et (la leçon) sont employés dans un sens
général. Pour la vérification de ses connaissances, le
lecteur se doit de retourner au co-texte. Ceci amène Leo Hoek a
"Considérer l'article comme signifiant de
premier ordre puisqu'il détermine avant tout les relations qu'entretient
le syntagme nominal avec le contexte, et qu'entretient le titre avec le
roman" (114)
(112). Pierre, Fontanier, Les Figures du
discours, Paris, Flammarion, 1968, p.393
(113).Christien, Moncelet, Essai sur le titre en
littérature et dans les arts, Le Cendre, Bof, 1972, p.92
(114). Léo, H, Hoek, La Marque du
titre, Paris, Mouton, 1982, p.270
95
Enfin, "L'élève et la leçon"
entretient une relation cataphorique avec son co-texte; puisqu'il renvoie
explicitement à ce dernier. Avant même la lecture du roman, le
lecteur pose l'hypothèse qu'il va s'agir de l'histoire d'un
élève et d'une leçon.
B. Structure syntaxique de Le quai aux Fleurs ne
répond plus:
Le titre est
structuré en phrase verbale, de type déclaratif et de forme
négative. Nous pouvons le représenter par cet arbre:
P
SN
SV
SN/S Comp N
D N art contracté
N nég V
adv
Le quai aux Fleurs ne
répond plus
Les deux articles Le, aux servent à
définir et préciser les noms qu'ils désignent. Aussi, il
est à noter que la majuscule dans le nom Fleurs nous laisse
croire qu'il s'agit d'un nom propre. Ce dernier est d'une grande importance;
d'ailleurs Roland Barthes met l'accent sur son "Hypersémanticité"
et reconnaît.
"Qu'un nom propre doit être toujours
interrogé soigneusement, car le nom propre est, si l'on peut dire, le
prince des signifiants"(115) Ceci impliquerait la
possibilité d'obtenir
(115) .www,semiotics/nom-propre.fr
96
plusieurs sens de l'oeuvre grâce au nom propre. Outre
son fonctionnement en tant que signe indexial (un index) servant à
singulariser des sujets de discours, il est symbolique car il peut
dépasser la particularité et arriver à la
généralité.
Il a aussi une dimension iconique quand il est motivé. Le
nom propre (Fleurs) prend la fonction d'un index par rapport au terme (quai).
Il acquiert le statut de signe iconique étant donné sa
motivation; puisque l'existence d'un "Quai aux Fleurs" à Paris marque le
signe (Fleurs) d'une légitimité historique et d'une charge
culturelle.
Ce titre a la particularité de mettre en
lumière la position de son énonciation. D'abord, par l'emploi
d'un verbe conjugué au temps présent de l'indicatif
(répond) dont la valeur est l'expression d'une action qui vient
d'être achevée. Il est possible que l'écrivain Malek Haddad
l'ait choisi afin d'accrocher l'attention du lecteur par la simplicité
de cette forme et pour le rapprocher d'une action réelle. Ajoutons
à ceci ,l'aspect du verbe(répondre) est accompli, et pour preuve,
l'utilisation de l'adverbe (plus) marquant la cessation effective et
définitive de cette action.
Enfin, ce titre à structure verbal est
dépendant et demande une détermination ultérieure
procurée par le co-texte. Nous proposons de qualifier le lien qui le lie
avec son co-texte d'anaphorique. En réalité, le co-texte renvoie
syntaxiquement au titre. Cet enchaînement anaphorique s'est produit par
une reprise directe littérale du titre vers la fin du premier chapitre
(p.8) puis à plusieurs endroits dans le co-texte.
Pour terminer notre analyse syntaxique, nous pouvons
saisir la figure de l'itinéraire de l'écriture de Malek Haddad
à travers le paradigme des titres de ses romans publiés mais
aussi ceux inédits:
97
- La Dernière impression.
1958
- Je t'offrirai une gazelle.
1959
- L'élève et la
leçon. 1960
- Le quai aux Fleurs ne répond
plus. 1961
- La légende de Salah
Bey.
- La Fin des Majuscules.
Inédits
- Un Wagon sur une île.
Nous pouvons classer ces derniers en trois
groupes:
a- Le premier groupe se caractérise par la longueur et
la structure verbale du titre:
- Le quai aux Fleurs ne répond
plus
- Je t'offrirai une gazelle
b- Le deuxième groupe présente la
particularité de la présence d'un article définie:
- La Dernière impression
- L'élève et la
leçon
- Le quai aux Fleurs ne répond
plus
- La légende de Salah Bey
- La Fin des Majuscules
c- Le troisième groupe attire l'attention par la
présence de cinq paradigmes:
1er paradigme de la rapidité et la
vitesse:
- Je t'offrirai une
gazelle
- Un Wagon sur une
île
2ème paradigme du voyage:
- Le quai aux Fleurs ne
répond plus
- Un wagon sur une
île
98
3ème paradigme de l'école et
l'enseignement:
- L'élève et la
leçon
- Le quai aux Fleurs ne
répond plus
- La Fin des Majuscules
- La légende de Salah
Bey
4ème paradigme de la position:
- La Dernière
impression
- La Fin des Majuscules
5ème paradigme de l'humain animé au
non humain inanimé et du non humain inanimé à l'humain
animé
- L`élève = la
leçon
- Légende = Salah Bey
- Quai =Fleurs
ou de l'humain animé à le non humain
animé
- je = gazelle
-Analyse stylistique des deux
titres:
"Le rythme dans un discours peut avoir plus de sens que le
sens des mots"
Henry Meschonnic.
Les titres sont des structures phrastiques
dont les techniques de style utilisées sont possibles d'être
examinées. Nous allons nous pencher sur l'étude du rythme et de
l'harmonie dans les deux titres "L'élève et la leçon" et
"Le quai aux Fleurs ne répond plus".
99
Selon Maurice Grammont le rythme "...est
constitué par le retour à intervalles sensiblement égaux,
des temps marqués ou accents rythmiques"(116) .Nous
comprenons que le rythme est réalise par le retour à intervalles
égaux des quatre temps marqués, et, si l'un des intervalles
était plus court ou plus long que les autres, il serait détruit.
Le changement de vitesse suffit pour être sensible, et pour que les temps
marqués semblent, à l'oreille, tomber à intervalles
égaux. De ce fait, nous pouvons considérer le rythme comme une
technique de style visant surtout à atteindre l'oreille pour toucher la
sensibilité du lecteur.
Henry Malding avance que "Le rythme est
l'essence de l'art et il est son existence, étant l'acte du
style"(117) Donc, le rythme fait partie de l'art et nous
savons bien que ce dernier est personnel. Le lecteur des deux titres de Malek
Haddad remarque d'emblée plusieurs traits les caractérisant.
1. Dans L'élève et la leçon:
/ /
a- Six syllabes composent ce titre: L'
é/lèv/e et/ la/ le/çon
1 2 3 4 5 6
Le choix des accents est bien réfléchi, Malek
Haddad a réglé leur nombre et les a disposé correctement
en donnant de l'harmonie et de la régularité au titre. A savoir
que l'accentuation de ces pieds détermine une cadence de lecture .Ainsi
les syllabes peuvent être groupées de la manière suivante:
12, 3, 45, 6
(115) .Maurice, Grammont, Petit traité de
versification française, Paris, Armand Colin, coll"U", 1978,
p.49
(116).Henry, Malding, "L'esthétique du
rythme"in Les Rythmes, Paris, Seuil, 1982, p.243
100
B-L'existence d'une coupure entre la 2eme et la 3eme syllabe,
marquant un temps de repos.
C-Le titre peut avoir ce schéma mélodique qui
laisse la phrase s'articuler avec pente mélodique générale
montante jusqu'à (et) puis descendante générale
jusqu'à (leçon)
et
L'élève
la leçon
d- L'écrivain a recours à une assonance ou
répétition d'une sonorité vocalique:
L'élève et la
leçon
é è
é a e on
Si le dictionnaire de la linguistique et des
sciences du langage définit l'harmonie comme suit "On donne
parfois le nom d'harmonie phonétique à l'ensemble des
phénomènes d'assimilation qui ont pour but de rapprocher le
timbre d'un phonème ( consonne ou voyelle) du timbre d'un phonème
contiguë ou voisin"(118), nous pouvons avancer que le
titre
(118). Jean, Dubois, Dictionnaire de linguistique et
des sciences du langage, Paris, Larousse-Bordas/HER,
1999, p.23
101
L'élève et la leçon contient un
certain degré d'harmonie. Le groupe de voyelles ( é, e`, é
) est plus agréable à entendre que le groupe (a , e, on) pour
notre oreille, Si le son [a] est classé comme voyelle orale, le son
[on] est grave et voilé. Aussi , la récurrence de la voyelle (
é) peut avoir un lien avec le désir de mettre l'accent sur
l'importance de l'élève pour l'écrivain. Par le terme de (
L'élève ) Haddad a probablement voulu nous décrire la
naïveté et l'innocence de l'élève algérien
durant la période du colonialisme français . Le son [on] dans le
mot (leçon) évoque la gravité et le danger puisque c'est
un son grave, voilé et nasalisé.
e- Malek Haddad fait usage d'allitération, le
L en sa qualité de consonne vibrante exprime selon Maurice
Grammont la fluidité.
2- Le quai aux Fleurs ne répond plus :
a- Titre formé en huit syllabes et que
l'accentuation marquée dans le 2ème,
4ème, 7 ème et 8 ème
pieds le rend harmonieux.
/ /
/ /
Le/ quai/ aux /Fleurs/ ne/
ré/pond/ plus
1 2 3
4 5 6 7
8
Nous obtenons les groupes de syllabes suivants: 1,
2, 3, 4, 5 6, 7, 8
b- Le lecteur de ce titre remarque,
dès le départ, qu'une césure existe entre le 4e et le 5e
pied, signalant un moment de repos et produisant un découpage du titre,
en deux parties. La première partie (Le quai aux Fleurs) et la seconde
(ne répond plus).
102
c- Le schéma mélodique suivant,
peut correspondre à ce titre:
aux Fleurs
Le quai
ne répond plus (chute)
d- L'expressivité est renforcée par la
succession des voyelles e e et é é
Le quai aux Fleurs ne répond
plus
E É O EU E
É ON U
Maurice Grammont fait remarquer que les voyelles graves c'est
à dire éclatantes et sombres de même que les idées
gaies ou gracieuses s'accommodent de voyelles claires. En
réalité, nous nous sommes aperçue que la valeur expressive
des sons ne vient en lumière, que poussée en avant par la
signification des mots. Le ( é ) dans ( quai )
exprime le mouvement et la rapidité et aussi dans (
répond ). Le ( e ) dans ( Le ) et (
ne ) peut désigner un sentiment négatif . En
fait, le silence du quai aux fleurs provoque dans le texte du roman, la
colère et le désespoir chez le personnage de Khaled Ben Tobal.
D'un autre côté, les sons O, Oe ,
, Y conviennent au titre pour la description. L'auteur parle d'un quai
aux fleurs dont le silence le révolte
et le déçoit en même temps.
e- La présence d'une allitération (LL, RR, PP)
dans ce titre peut avoir un lien sémiotique avec la nature
intrinsèque des sons. En leur qualité de consonnes le L et le R
sont sonores par rapport au P sourd.
L'allitération peut être liée au
désir de Malek Haddad de mettre l'accent sur l`état alarmant du
quai. Le rapprochement des deux P dans
(répond 123 plus) peut signifier
l'insistance et aussi pour le R dans (fleurs répond).
103
En fait, dans les deux cas les consonnes P et P, R et R sont
séparées par trois lettres.
A ce stade, nous pouvons tirer des
conclusions:
1- Il est probable que l'écrivain ait choisi des
mots pour ses titres en fonctions de leur qualité sonore, afin de
produire un effet expressif et esthétique.
2- Malek Haddad a réfléchi
sérieusement au rythme de ses deux titres. Ainsi, par un simple artifice
rythmique il nous force à pénétrer au fond des sentiments
les plus intenses et à les sentir, les percevoir avec plus de
précision .Mais tout dépend de la sensibilité du lecteur.
IL est évident que l'ont n'a pas tous le même degré de
sensibilité.
3- Les deux titres sont plein de musicalité
et donc sont euphonique.
4- Comme tout poète et romancier, Malek
Haddad est sensible à la musique. Dans chacun de ses romans
poétiques, on retrouve la présence d'un instrument de musique
appartenant à l'univers occidental tel qu'un orgue dans
L'élève et la leçon "Le bruit des pages que je
tourne fait une musique d'orgue..." (p.114) ou un accordéon dans
Le quai aux Fleurs ne répond plus "C'est pourtant Paris qui valait
une messe, un village pour accordéon "(p. 47)
Si l'orgue produit des sonorités graves, et
souvent utilisé pendant les grandes cérémonies, des
manifestations solennelles, l'accordéon avec ses sons clairs exprime la
joie et la gaieté, pendant les fêtes villageoises en France.
104
Conclusion
105
L'approche des deux titres romanesques de Malek
Haddad " L'élève et la leçon " et " Le quai aux Fleurs ne
répond plus " nous a appris qu'il n'est pas sans intérêt de
les étudier étant donné qu'ils constituent une ouverture
ou bien une entrée au co-texte.
Outre les différentes interprétations
des deux titres, nous avons pu voir qu'ils assurent les fonctions appellative
et référentielle. Cette dernière diminue graduellement
dans le deuxième titre; pour cause d'utilisation de la métaphore.
Cette figure rhétorique permet au titre de remplir la fonction
conative.
En réalité, l'ambiguïté
et l'obscurité du deuxième titre éveillent la
curiosité et l'intérêt du lecteur-client pour le
transformer ensuite, en lecteur du co-texte. Aussi rend t-elle le titre plus
pertinent et plus esthétique par rapport au premier. En fait, l'usage de
titre métaphorique est habituel chez notre écrivain qui est
à l'origine un grand poète.
Indépendamment de l'aspect informatif des
deux titres, le deuxième nous touche et remue notre sensibilité;
en suscitant en nous la surprise et l'intrigue. Quant à la fonction
métalinguistique, les deux titres influent sur l'attitude du lecteur
vis-à-vis du co-texte et sur la façon de lire les romans. Nous
avons pu découvrir que le lien unissant le premier titre au co-texte
n'est pas le même que celui reliant le deuxième à son
co-texte.
Après la classification des titres en
types, nous avons pu déceler qu'ils exercent tous les deux une grande
autorité sur le lecteur en lui proposant une grille de lecture et c'est
vers eux que revient le lecteur.
Au fond, derrière la forme anodine du premier titre est
dissimulé le grand procès de l'école coloniale
française. Ajoutons à cela, l'examen des formules paratextuelles
(couleurs des deux couvertures, emplacement du titre, photographie,
synopsis,..) a permis de nous rendre compte de la participation de Malek Haddad
à l'élaboration des couvertures, ce qui explique la relation de
complémentarité entre quelques éléments
paratextuels avec chacun des titres. 106
Le paratexte répète les titres et recouvre les
co-textes de manière partielle.
Nous avons pu proposer à l'aide de
quelques exemples la présence de la numérologie dans le processus
de l'écriture des deux titres, notamment l'étude de la symbolique
des nombres six et huit. Vers la fin nous sommes arrivées à une
vérité indéniable que le choix de la structure verbale et
nominale ainsi que des mots les constituants ont été
mûrement pensés par Malek Haddad. Le rythme et la
musicalité se dégageant des deux titres sont voulus par ce
dernier.
Si les fonctions des divers
éléments du paratexte ne se réalisent pleinement que dans
leur fusion, leur interaction, leur unité avec les idées et les
images proposées par les titres, il est difficile, voir impossible de ne
"toucher" le lecteur qu'au rythme ou au vocabulaire, sans que cela se
répercute sur les autres composantes du style. Chez Malek Haddad, tout
dans le titre est lié, comme les pièces d'un jeu
d'échec.
Pour terminer, nous dirons que le titre
comme le texte, est la formulation d'une pluralité de signifiants et
quoi qu'on en dise, il est destiné à l'éternité. De
ce fait, notre conviction reste que, seul le génie de Malek Haddad
saurait expliquer, à merveille, les titres de ses romans.
107
Bibliographie
I-Oeuvres de Malek Haddad
A- Romans:
- La dernière impression, éds
Bouchène, Alger, 1989
- Je t'offrirai une gazelle, U.G.E, coll.10/18,
N°770, 1978
- L'élève et la
leçon,U.G.E,coll.10/18,N°769,1973
B-Recueils de poésie:
- Le malheur en danger, Réed: Alger,
Bouchène, 1988.
- Ecoute et je t'appelle, Maspéro, 1961.
C- Essai :
- Les zéros tournent en rond, Paris,
Maspéro, 1961
D-Articles, conférences:
- "La littérature algérienne", in
Al-Afkar, N°6, novembre 1961
- "Le problème de la langue dans la littérature
maghrébine contemporaine",
Colloque reproduit dans Confluent N°47, 48,
49, janvier-février-mars
1965
- " Il faut crever l'abcès ", in Al Djazair, N°28,
4 mars1965
- " L'école du souvenir ", in An-Nasr, 17 juin 1965
- " Grandeur et misère de la littérature
algérienne ", conférence donnée à
Constantine en Janvier 1966, reproduite dans An-Nasr 3,
4,5,6,7 et 8
février 1966
- " La culture, problème national, in An-Nasr, 16 mars
1968
II- Ecrits sur Malek Haddad
- Abdou, L,"Une clé pour la mémoire", in
El-Acil-Mercredi 1er juin 2005
- Abdou, L, "Constantine retrouve son poète", in
El-Acil-Mercredi 8
Juin2005
108
- Belloula, Nassira, "Le poète Funambule", in
L'Observateur du 19 au 25
Juin 1991
- Belloula, Nassira, "Pour la mémoire de Malek Haddad",
in Liberté 03
Juin 2004
- Benmalek, Samir, "Les oeuvres de Malek Haddad
rééditées", in Le Matin
04 mars 2004
- Leiner, Jacqueline, "Le problème du langage chez
Frantz Fanon, Malek
Haddad et Albert Memmi", in Présence
francophone, N°8,1974
- Mouloud, Achour, "Malek Haddad, l'un des plus grands", in
Africasie,
N°170, 18 septembre1978
- Remita, Ali, "Un grand homme peu médiatisé",
in El Acil, mardi 6juin
2006
B- Thèses sur Malek Haddad:
- Ali-khodja, jamel, L'itinéraire de Malek Haddad:
Témoignage et
proposition, D3, Aix-Marseille 1, Raymond Jean, 1981
- Bechiri, Abdelaziz, La contestation dans
"L'élève et la leçon"de Malek
Haddad, Magistère, Constantine, 1995
- Bekri, Tahar, Pour une poétique de la
littérature maghrébine de langue
française. Recherches sur l'oeuvre romanesque de
Malek Haddad, D3,
Paris3, Roger Fayolle, 1981
- Benguesmia, Mahdia, Le Royaume en exil chez Malek Haddad et
l'Exil
et le royaume d'Albert Camus. Convergences et divergences
autour de
deux concepts: la langue et la patrie. TDE, Annaba, Saddek
Aouadi.
C- Numéros spéciaux de revues:
- Actualité de l'émigration, spécial
hommage à Malek Haddad, Paris,
Amicale des Algériens en Europe, 1988
- Expression, revue de l'Institut des langues
étrangères, univ. de
Constantine, spécial colloque Malek Haddad-Janvier
1994
109
III-Anthologies et dictionnaires
A-Anthologie:
- Achour, Christiane, Anthologie de la littérature
algérienne de langue
française, E.N.A.P/Bordas, Paris,1990
- Arnaud Jacqueline, Déjeux Jean, Anthologie des
Ecrivains Français du
Maghreb, Paris, Présence Africaine, 1969
- Déjeux, Jean, La littérature maghrébine
d'expression française,
conférences données au CCF (Octobre 1969 a
juin 1970)
- Sénac, Jean, Petite anthologie de la jeune
poésie algérienne, Alger, CCF,
25 Mars 1969
B-Dictionnaires:
- Charaudeau, Patrick, Dictionnaire d'analyse du discours,
Editions du
Seuil, 2002
- Dubois, Jean, Dictionnaire de la linguistique et des
sciences du langage,
éd Larousse-Bordas/HER, 1999
- Molinié, Georges, Dictionnaire de rhétorique,
Paris, Les Usuels de poche,
1992
- Morier, Henri, Dictionnaire de Poétique et de
rhétorique, Paris, PUF,
1989
- Maurice, Grevisse, Le Bon usage, Pris-Gembloux, Ducrot,
1988
- Dictionnaire de français, éd Larousse/SEJER,
2004
- Dictionnaire de français, éd Larousse/SEJER,
2006
- Dictionnaire des symboles, éditions Robert
Laffont/Jupiter, Paris, 1986
110
IV- Ecrits sur le titre
- Adams, Hazard, "Titles, Titling, and Entitlement",
élément de titrologie
romanesque", in The Journal of Aesthetics and Art
Criticism, Vol XI,VI,
N°1, automne 1987,p.7-21.
- Adams, Hazard, "La signification du titre dans la
poésie lyrique", Journal
de l'Esthétique et de la critique d'Art, 1987
- Barthes, Roland, "Par où commencer?" in
Poétique N°1, 1970, p.3-9.
- Bokobza, Serge, Variation sur le titre: Le rouge et le noir,
Paris, Droz,
1986
- Derrida, Jacques, "Hors-livre", in La dissémination,
Paris, Seuil, 1972
- Duchet, Claude, "La fille abandonnée" et "La
bête humaine", éléments de
la titrologie romanesque", in Littérature N°12,
décembre 1973, p.49-73.
- Ferry, Anne, The title of the poem, Stanford University
Press, 1996
- Furet, C, "Le titre, pour donner envie de lire", Paris,
C.F.P.J
(communication), 1995
- Genette, Gérard, Seuils, Paris, Seuil,
1987
- Genette, Gérard,"La structure et les fonctions du
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- Grivel, Charles, Production de l'intérêt
romanesque, La Haye, Mouton,
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- Léo, H, Hoek, Pour une sémiotique du titre,
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- Léo, H, Hoek, La Marque du titre, a Haye,
Mouton, 1982
- Levinson, Jerrold," Titles ", in The journal of Aesthetics
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111
- Mallarmé, Stephane,"Quand au livre", in Oeuvres
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- Mitterrand, Henri,"Les titres des romans de Guy Des Cars",
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- Mouillaud, M,"Grammaire et idéologie du titre de
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- Sueur, Pierre,"Etude de la structure syntaxique des titres
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- Vigner, Gérard, "Une unité discursive
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pp.30-40 et 57-60.
V-Ouvrages Généraux:
- Abab, Valérie, Lexique de communication
publicitaire, in Langage et
publicité, éd Bréal, 2002
- Achour, Christiane, Convergences Critiques, OPU,
1990
- Bernestein, B, Langage et classe sociales,
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- Compagnon, Antoine, La Seconde Main, Seuil, 1979
- Derrida, Jacques, La double séance I, in Tel
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- Dubois, Jacques, L'Assommoir de Zola, Seuil,
1973
- Duchet, Claude, Une écriture de la
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- Dugas, A, "Ponctuation et syntaxe", in Cooper et
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- Eco, Umberto, Apostille au nom de la Rose, Grasset,
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- Furetierre, Pierre, Le roman bourgeois, Ed .Seuil,
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littérature, Hachette, 1990
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- Hadj-Naceur, M.Littérature Africaine d'expression
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- Koklberg, Jean, Les techniques du style, Nathan,
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- Léon, Pierre, Précis de
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- Ricardou, Jean, Nouveau problème du roman,
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- Suhamy, Henri, Les figures de style, Paris, PUF,
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- Valette, Bernard, Cendrillon et autres contes: lecture et
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Sitographie
- www.paintcafe.com
- http://pourpre.com
- www.numerologie.ch/Main.asp
113
* (1) Malek Haddad, Ecoute
et je t'appelle, p75
(2). Entretien avec l'Ecrivain, in An-Nasr ,
24 novembre 1977. 11
* (4).Alfred De Musset,
Nuits de Mai, in Les Nuits de Musset, SEDES, 1980, p79,
13
* (5) Taher, Bekri, Malek
Haddad : L'oeuvre romanesque. Pour une poétique de la
littérature maghrébine de langue française,
L'Harmattan, Paris, 1986, P19. 14
* (6) CF. le programme du cours
in Oeuvre et Critique, Vol IV n°2, Edition Jean-Michel Place,
Paris, 1979,
P22.
15
* (10) A.Ghani, Merrad «La
littérature maghrébine l'expression
française:perspectives »,
in An-nasr
* (11)
G.Djougachvili, « Critiques Soviétiques sur la
littérature Francophone du Maghreb »in oeuvre et critique, op
.cit,P22. 18
* (12) oeuvre et critique, op
.cit,P54 in Confluent, N° 47,49,Jan/Mars 1965,P56.
* (13)
N.Aba, « Panorama socio-historique de la littérature
algérienne d'expression française »,in Mondes et
cultures,XI.3/4 Décembre 1980,P737.
* (14) Journal
« An -Nasr » du 3 juin 1967.
* (15) oeuvres et critiques,
Op.cit,P86.
* (16) Charle, Bonn, Le
Roman algérien de langue française, Ed, L'Harmattan, Paris,
1960, P27.
* (17) Albert, Memmi,
Ecrivains Francophones du Maghreb(Anthologie), Seghers, Paris, 1979,
P22.
* (18) Malek.Haddad,
L'élève et la leçon U.G.E, Paris, 1973, P41.
* (19) Malek.Haddad, Le
quai aux Fleurs ne répond plus, U.G.E, Paris, 1982, P112.
19
* (20)Pages 112-113 Le quai aux
Fleurs ne répond plus.
20
* (21)Selon la banque de
données « Limag » dirigée par C Bonn.
* (22) Malek, Haddad, Op-cit,
PP.28-29 21
* (23) Malek, Haddad, Op-cit,
P29..
(24).Jamel Ali -Khodja ,Op-cit,p09.
22
* (25) Cf . «Malek Haddad,
l'écrivain artiste» de Badis Foughali, Ed. Ministère de la
culture, 2005, P.25. 24
* (26) Revue « La
nouvelle Critique », n°112, 1960, P24.
* (27) Revue
« Confluent », n°47, JanV-Mars 1965, P98.
* (28)
« Confluent », op.cit, P80. 25
* (29) Interview dans Journal
El Moudjahid du 03 juin 1969.
(30) Cf. thèse de Jamel Ali-khodja,
L'itinéraire de Malek Haddad, p.78
26
* (31) M.Haddad,
« La liberté et le Drame de l'expression chez les Ecrivains
Algériens, in confluent, n=47,
PP.07-17.
* (32)
M.Haddad, « Grandeur et misère de la littérature
algérienne », in An -Nasr n°3, 4, 5,
6,7février1966.
* (33) M. Haddad, Ecoute et
je t'appelle, paris, Maspéro, 1961, P11.
* (34) Malek .Haddad, Les
zéros trouvent en rond, Paris, Maspéro, 1961, P132.
27
* (35) Rachida Simon, La
poétique « du liseron Epineux » Mystique et
écriture chez
Mohamed Dib, TDE, 2002, p.214
* (36) L'élève et
la leçon, op.cit, P64.
* (37) Le quai aux Fleurs,
op.cit, P.34.
28
* (38) Le quai aux Fleurs ne
répond plus, op.cit, P.36.
* (39) Journal
« El-Watan » du 29 Mars 1994.
* (40)
WWW.relation-aide.com (nous
sommes limitées à quelques avis que nous avons jugés
applicables au cas de Malek.Haddad
29
* (41)
« L'Algérie plurilingue » in journal
« Algérie- actualité » du 02 au 08
avril 1992
32
* (42) Léo.H.Hoek, La
Marque du titre. La Haye, Mouton, 1981, P1.
* (43) Larousse /SEJER, 2004,
deuxième édition, P42.
37
* (44) Larousse 2006,
édition Hachette, P.287
* (45) Léo H.Hoek, op.
cit, P.292
* (46) Roland Barthes,
« Analyse textuelle d'un conte d'E.Poe », dans L'aventure
sémiologique, Seuil, 1985.
pp.329-359
* (47) Claude Duchet,
« Une Ecriture de la socialité », in Poétique
10; 1973, P.453
* (48) Jean Giono, cité
par C.Duchet.
38
* (49) Hazard Adams.
« Les titres et les intertitres » in journal de
l'Esthétique et de la critique d'Art.1987,
P46.
* (50) Anne Ferry, The Title of
the poem. Stanford: Stanford University Press, 1996, P1.
* (51) Gérard, Genette,
« La structure et les fonctions du titre dans la
littérature »in Critique n=14, 1988,
pp.692-693
* (52) Christiane,Achour,
Convergences Critiques,O.P.U,1990,p.28
* (53) I, Mardh,
«Headlines: on the grammar of English front page headlines» (Lund
Studies) in English,
1980, P.14.
39
* (54) H.Adams,
« La Signification du titre dans la poésie
lyrique », in journal de
l'Esthétique et de la Critique
d'Art », 1987, PP.09-12.
* (55) J, Levinson,
« Titre », Journal de l'Esthétique et de la
Critique d'Art », 1985,
PP29-39.
42
* (56) Dominique Maingueneau,
Dictionnaire d'analyse du discours, ed. Seuil, 2002,p.339.
43
* (57)
Antoine.Furetière, Le roman bourgeois, Paris, Seuil, 1974, p.65
44
* (58) Léo. H.Hoek,
op.cit, P.189.
46
* (1) Malek Haddad,
L'élève et la leçon, P.64
48
* (60) Richard, Sawyer,
«Fonctionnel titles; a classification», university of Toronto
Quartely, vol,60, N°3, p.374-388
* (61) M. Hadj Naceur,
Littérature Africaine d'expression française, portait
d'émigré OPU;
1987, P31
54
* (62) Chérifa
Bakhouche, « A propos de l'espace chez Malek Haddad dans je
t'offrirai une gazelle » in
Cahiers de la recherche du SLAD N= 01 décembre,
2000e
* (63) Eco. Umberto,
Apostille au nom de la rose, Grasset, 1988, P.12
* (64) Dictionnaire
d'analyse du discours, éditions du Seuil, Paris 2002, P.33
55
* (65) Léo Hoek, OP
cite P73 56
* (66 ) Les zéros
tournent en rond, p,.32
* (67 ) OP, cit P.36
* (68) OP CIT P.98
60
* (69) OP, cit, p.31
* (70) OP cit p.40.
* (71) L'élève et
la leçon p, 40 et p 104
* (72) Op cit, p 32
* (73) Op, cit p, 10
* (74) Op, cit, p.10
(75) Op, cit, p 37
* 61
* (76) Op, cit, p 42
62
* (77) P. Charaudeau, et
D.Mainguenneau, Dictionnaire d'analyse du discours, Ed. Du Seuil, 2002, p
380
63
* (78) Revue confluent, 1963,
P7978
* (79) Le malheur en danger,
p13 67
* (80) Pierre Fontannier, les
figures du discours éd, Flammarion, 1968
68
* (81) Jacques Derrida, "La
double séance I" in : tel Quel N° 41; 1970, P.3-43
72
* (82) Léo. H. Hoek, La
Marque du titre, Dispositifs sémiotiques d'une pratique textuelle, la
haye, Mouton,
1982, P 28
73
* (83) Pierre Macherey, Pour
une théorie de la production littéraire, Maspéro, 1970, P
06.
* (84) Charles, Grivel,
Production de l'intérêt romanesque, Mouton, 1973, PP. 299-300
* (85) Jean Ricardeau, Pour une
théorie du nouveau roman, Seuil, 1971, P.288
* (86) Jean Ricardou, Nouveaux
problèmes du roman, Seuil, 1978, P.145
74
* (87) Bernard Valette,
Cendrillon et autres contes: lectures et idéologie, in socio-critique,
Nathan, 1979, P85
* (88). ibid, P86
75
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