Sommaire
Introduction 3
I) Peut-on parler d'une patrimonialisation commune de
l'héritage hanséatique à Brème, Gdansk
et Riga ? 5
1. Brème, Gdansk et Riga : quel cadre
géographique? 5
2. Brème, Gdansk et Riga de l'histoire dans la Hanse
à l'histoire de la Hanse 8
3. La Hanse : un patrimoine ou une ressource territoriale ?
18
II) La Hanse dans les représentations des acteurs
à Brème, Gdansk et Riga : les enjeux de
l'instrumentalisation d'un imaginaire 23
1. La « Nouvelle Hanse » : la (re)création
politique d'une région ? 23
2. Les représentations des acteurs publics et la Hanse
26
3. Les représentations des acteurs privés et la
Hanse 38
III) Au-delà des représentations, parler de
la Hanse aujourd'hui fait-il encore sens dans les
pratiques ? 41
1. A l'échelle locale, quelle place de l'héritage
matériel hanséatique dans une stratégie
touristique ? 41
2. A l'échelle régionale, quelle place de
l'héritage immatériel de la Hanse dans l'émergence d'un
nouveau réseau urbain ? 49
3. Un réseau inachevé : le constat d'une
régionalisation impossible ? 63
Conclusion 72
Bibliographie 74
Liste des entretiens menés sur le terrain
82
Annexes 84
Table des Illustrations 88
Table des Sigles 89
Glossaire 90
Table des Matières 91
Résumés en langues étrangères
93
3
Introduction
«Le patrimoine n'est pas un donné mais un
construit. L'identification d'un lieu comme patrimonial (patrimonialisation)
procède bien d'une opération intellectuelle, mentale, et sociale
qui implique des tris, des choix donc des oublis : que conserver? Selon quel
critère?»1 (Lévy, Lussault, 2003). Une
réflexion sur le patrimoine en géographie nous invite donc
à déceler ce que l'on fait de l'héritage2,
comment on l'utilise et dans quel contexte il y est fait
référence dans le présent. Ce dialogue entre le
passé et le présent est au fondement pour François
Durand-Dastès (Rey, St Julien, 2005) de la distinction entre
passé et mémoire. Le passé est l'ensemble des
phénomènes qui se sont enchaînés les uns
après les autres, la mémoire se concentre sur ce qui est actif
dans le présent. La mise en patrimoine d'un lieu comporte un fort volet
social et politique et il est essentiel de se poser la question des enjeux du
construit, du sens et des acteurs de la (re)construction.
Il peut être prolifique d'associer cette
thématique à un cadre géographique (celui des villes du
pourtour de la mer Baltique) et à un contexte (la période
contemporaine des quinze dernières années). En effet, depuis 1990
et la chute du rideau de fer, dans la perspective d'une intégration
réalisée en 2004, la région baltique est en recherche
d'unité. Nathalie Blanc-Noël nomme dans son ouvrage La
Baltique, une nouvelle région en Europe cette déconstruction
de la frontière Ouest/Est «processus de
régionalisation». La régionalisation serait l'un des
phénomènes majeurs de la recomposition géopolitique
territoriale de la région baltique. Il faut ici entendre par
régionalisation «une forme d'intégration
multidimensionnelle qui inclut des aspects économiques, politiques,
sociaux et culturels [...] C'est l'ambition politique d'établir une
cohérence et une identité régionale qui semble ici de
première importance»3. Certes des
coopérations entre les pays de la mer Baltique existaient dès les
années 1980 mais sans les villes de l'Est lesquelles espéraient
tôt ou tard rejoindre l'espace européen.
La régionalisation dans l'Europe baltique est souvent
présentée associée, à l'aide d'une
référence, à la Hanse : il est question de "Nouvelle
Hanse", des "Journées de la Hanse ». La « Hanse »4 est
une association de marchands dont la genèse est à trouver dans
une première Hanse de commerçants allemands qui s'est
formée vers 1161 à Visby, sur l'île de Gotland, dans le but
de développer le commerce maritime en Baltique, sur des bases
régulières, plus sûres, en luttant contre la piraterie.
(Champonnois, 2002), Cette première Hanse se déplaça
à Lübeck vers 1241 lorsque celle-ci conclut un accord avec Hambourg
et la ville prit un rapide essor comme point de concentration des marchandises
destinées à l'Est et comme point de départ des colons vers
Riga et vers la Russie. En 1259, les cités de Wismar et de Rostock
rejoignirent la Hanse puis, en 1281, Cologne et d'autres villes
1 LEVY, J., LUSSAULT M., 2003, Dictionnaire de
la Géographie et de l'espace des sociétés, Paris,
Éditions Belin, pp.693
2 Ce que l'on tient de ses
prédécesseurs
3 HETTNE, B., «The New Regionalism : A
Prologue», in : HETTNE, B., INOTAL, A., SUNKEL, O., (edit.), (1999),
National Perspectives on the New Regionalism in the North, Londres,
Mac Millan, pp.16
4 D'un vieux mot allemand Hansa qui
signifiait gilde
4
germaniques de l'Ouest se groupèrent à leur
tour. Ces deux associations se réunirent pour former en 1358 la Ligue
Hanséatique allemande qui devint rapidement une puissance commerciale et
politique dans toute l'Europe du Nord et spécialement dans la Baltique.
L'union reposait principalement sur les privilèges que les villes
s'accordaient mutuellement pour la protection et l'exercice du commerce. 1280
marque pour beaucoup d'auteurs notamment Dollinger le passage de « la
Hanse des marchands » à « la Hanse des villes
»5.
La référence à la Hanse dans les
pourtours de la Baltique amène un questionnement essentiel : quelle
place occupe la patrimonialisation de l'héritage hanséatique dans
le processus de régionalisation qui semble se développer sur les
rives de la Baltique? Cette question peut-être renversée :
à contrario, quelle est la place de la régionalisation de
l'espace Baltique dans l'enjeu d'une patrimonialisation de l'héritage
hanséatique?
Cette problématique peut donner lieu à la mise
en place de quatre hypothèses : le processus de régionalisation
s'appuierait sur un héritage hanséatique matériel et
immatériel patrimonialisé. Il serait généré
par un ensemble de représentations et par des pratiques spatiales. Les
représentations de la Hanse que diffusent les acteurs serviraient
surtout une argumentation autour du projet de régionalisation baltique
et feraient consensus au sein des espaces riverains. En pratique, les liens
historiques hanséatiques seraient encore fonctionnels dans le
fonctionnement d'un réseau de villes autour de la Baltique.
Afin de traiter cette question et de valider ces
hypothèses, nous nous appuierons sur les exemples de Brème,
Gdansk et Riga. Dans le choix des villes, il fallait d'emblée exclure
Lübeck, Visby et Hambourg car leur rôle dans la Hanse historique
avait été trop fort et cela risquait de tronquer l'analyse.
Puisque la problématique choisie est celle d'une éventuelle
intégration régionale, il était préférable
de prendre des villes issues des anciens blocs de l'Est (Gdansk et Riga) et de
l'Ouest (Brème). Il fallait aussi choisir une ville allemande
(Brème) et des villes influencées par la culture germanique
(Gdansk et Riga). La répartition sur les pourtours de la Baltique devait
être relativement large (Brème, Gdansk et Riga sont
équidistantes). Les trois villes sont de taille relativement proche :
Gdansk comptait, en 2003, 461 400 habitants contre 739 232 pour Riga et 550 000
pour Brème. De plus, elles partagent une situation similaire: elles sont
situées sur un fleuve, près de l'embouchure : Riga sur la
Daugava, Gdansk près de la Vistule et Brème sur la Weser. Elles
possèdent des avant-ports ou ports de référence :
Klaïpeda ou Venspils, Gdynia, Bremerhaven. Il est donc intéressant
de se demander en quoi les villes de Brème, Gdansk et Riga, dans une
étude, qui plus que de décompter "les différents" et "les
mêmes" cherche à s'approcher d'un modèle théorique
peuvent être les révélateurs du lien qui se crée ou
non dans les pourtours de la baltique, et qui cherche à déboucher
sur un processus de régionalisation.
Nous avons suivi une méthodologie multipliant les
sources (études bibliographiques,
5 DOLLINGER, P., 1998, Die Hanse, Stuttgart,
Alfred Kröner Verlag, Titre du chapitre I, pp. 17 à pp.116
5
entretiens et interviews, observations de terrain, petites
enquêtes, études statistiques et cartographiques). Le travail
bibliographique a pris en compte un large panel de courants
géographiques comme par exemple des auteurs issus de la
géographie culturelle ou de la géographie des
représentations tel Jean Gottmann. Lors des trois stages de terrain
effectués à Brème, Gdansk et Riga6, nous avons
cherché à interroger un panel le plus large possible
d'acteurs7 (universitaires, élus pour ou contre l'utilisation
de la Hanse8, architectes, services de restauration des monuments
historiques, agences marketing). Les entretiens ont eu lieu en allemand ou en
anglais. Nous nous sommes vite aperçus que l'entretien guidé par
un questionnaire strict ne nous apportait pas de résultats
satisfaisants. En effet, il « enfermait » les interlocuteurs dans des
catégories que nous avions définies sans bien connaître la
région. Or il s'agit dans l'optique de notre travail de tenter de
comprendre un ressenti face à une période mais aussi
d'étudier un discours et une représentation politique au moins
autant que des faits. Il fallait donc laisser au politique la
possibilité de déployer son discours et non le démasquer.
Pourtant, le thème même de notre travail a surpris de nombreux
interlocuteurs : si le concept de « Nouvelle Hanse » est très
populaire en Allemagne et commence, modestement, à être
travaillé par des chercheurs français, il paraît
anecdotique en Lettonie et Pologne pour beaucoup d'acteurs dans tous les
domaines (politique, économique, social).
Notre travail, se déroulera selon une analyse en trois
étapes :
Peut-on parler d'une patrimonialisation de l'héritage
hanséatique commune à Brème, Gdansk et Riga? Quel
héritage matériel et immatériel fait alors l'objet d'un
processus de patrimonialisation ?
Quelle est la place de cet héritage dans les
représentations des acteurs de la régionalisation à
Brème, Gdansk et Riga ? Quels aspects en sont valorisés ?
La référence à l'héritage
hanséatique contribue-t-elle alors « pratiquement » à
créer du réseau au sein des villes de la mer Baltique et donc du
territoire ?
|