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Master « Lettres, Arts, Sciences humaines et
sociales » Mention `sciences sociales'- Spécialité
`recherche' SYSTEMES TERRITORIAUX, DEVELOPPEMENT DURABLE, AIDE A LA
DECISION
Patrimoine Hanséatique et Emergence d'une
région baltique : Brème, Gdansk et Riga
(M1)
Réalisé au Laboratoire Géophiles-ENS
LSH Mémoire soutenu le Lundi 16 Juin 2008 par Nicolas Escach
Devant la commission d'examen constituée de
: Directeur de mémoire : Mme Lydia Coudroy de Lille, Maître de
conférences Université Lumière-Lyon II Examinateur :
Mme Emmanuelle Boulineau, Maître de conférences ENS-LSH
ANNEE 2007-2008
1
Remerciements
Un grand merci, bien sûr, à ma directrice, Lydia
Coudroy de Lille pour son aide, ses conseils, sa disponibilité, sur le
terrain, comme à Lyon.
Je tiens à remercier tout particulièrement mon
amie Verena pour son soutien sans faille, mes parents Pierre et Pascale qui ont
relu patiemment ces pages et m'ont encouragé, mes grands parents, et
tous mes amis notamment Thomas et Benoît qui m'ont accompagné sur
le terrain et avec lesquels j'ai beaucoup échangé ainsi que mes
colocataires Irène, Jana, Mallorie, Geneviève et Seck.
Un grand merci aux acteurs qui, à Brème, Gdansk,
ou Riga sont parfois allés au-delà d'un simple entretien, le
temps d'un repas, d'une visite, d'une exposition d'art contemporain ou à
l'occasion d'un échange régulier de mails : Jolanta Murawska pour
sa gentillesse et son engagement, Magdalena Zakrzewska-Duda pour son aide
précieuse, Peter Oliver Loew qui a toujours répondu au plus vite
à mes interrogations, Jens Joost-Krüger, enfin, qui, malgré
les difficultés, a rendu possible notre entretien. Merci à
l'ambassade de France en Lettonie.
Merci également à ceux qui, sur le terrain,
m'ont accompagné, ou m'ont aidé à préparer en amont
mon travail : Gauthier Graslin pour son accueil chaleureux à Varsovie,
Pascal Orcier pour son aide tout au long de l'année, Denys, pour son
regard letton...
Je pense bien entendu à tous mes professeurs. D'abord
à ceux qui m'ont accompagné dans cette année de master
à l'ENS-LSH dans les différents modules. Ensuite à ceux
des classes préparatoires, qui m'ont donné envie de travailler
sur la Baltique et m'ont soutenu dans mes projets : Michel Cardine, Luc
Daireaux, Philippe Derule, Philippe Reversat et Anne Raynaud, Jean-Louis
Noël...
Photo de Couverture : La place de la
mairie de Riga sur laquelle on trouve la maison des Têtes Noires qui
abritait jadis une gilde de marchands. On peut apercevoir sur la photo la
statue de Roland de Riga ainsi que l'église St Pierre. Cet ensemble,
s'inscrit dans le vieux centre de Riga classé au patrimoine mondial de
l'UNESCO (photo prise le Dimanche 17 Février 2008 par Nicolas
Escach).
2
Sommaire
Introduction 3
I) Peut-on parler d'une patrimonialisation commune de
l'héritage hanséatique à Brème, Gdansk
et Riga ? 5
1. Brème, Gdansk et Riga : quel cadre
géographique? 5
2. Brème, Gdansk et Riga de l'histoire dans la Hanse
à l'histoire de la Hanse 8
3. La Hanse : un patrimoine ou une ressource territoriale ?
18
II) La Hanse dans les représentations des acteurs
à Brème, Gdansk et Riga : les enjeux de
l'instrumentalisation d'un imaginaire 23
1. La « Nouvelle Hanse » : la (re)création
politique d'une région ? 23
2. Les représentations des acteurs publics et la Hanse
26
3. Les représentations des acteurs privés et la
Hanse 38
III) Au-delà des représentations, parler de
la Hanse aujourd'hui fait-il encore sens dans les
pratiques ? 41
1. A l'échelle locale, quelle place de l'héritage
matériel hanséatique dans une stratégie
touristique ? 41
2. A l'échelle régionale, quelle place de
l'héritage immatériel de la Hanse dans l'émergence d'un
nouveau réseau urbain ? 49
3. Un réseau inachevé : le constat d'une
régionalisation impossible ? 63
Conclusion 72
Bibliographie 74
Liste des entretiens menés sur le terrain
82
Annexes 84
Table des Illustrations 88
Table des Sigles 89
Glossaire 90
Table des Matières 91
Résumés en langues étrangères
93
3
Introduction
«Le patrimoine n'est pas un donné mais un
construit. L'identification d'un lieu comme patrimonial (patrimonialisation)
procède bien d'une opération intellectuelle, mentale, et sociale
qui implique des tris, des choix donc des oublis : que conserver? Selon quel
critère?»1 (Lévy, Lussault, 2003). Une
réflexion sur le patrimoine en géographie nous invite donc
à déceler ce que l'on fait de l'héritage2,
comment on l'utilise et dans quel contexte il y est fait
référence dans le présent. Ce dialogue entre le
passé et le présent est au fondement pour François
Durand-Dastès (Rey, St Julien, 2005) de la distinction entre
passé et mémoire. Le passé est l'ensemble des
phénomènes qui se sont enchaînés les uns
après les autres, la mémoire se concentre sur ce qui est actif
dans le présent. La mise en patrimoine d'un lieu comporte un fort volet
social et politique et il est essentiel de se poser la question des enjeux du
construit, du sens et des acteurs de la (re)construction.
Il peut être prolifique d'associer cette
thématique à un cadre géographique (celui des villes du
pourtour de la mer Baltique) et à un contexte (la période
contemporaine des quinze dernières années). En effet, depuis 1990
et la chute du rideau de fer, dans la perspective d'une intégration
réalisée en 2004, la région baltique est en recherche
d'unité. Nathalie Blanc-Noël nomme dans son ouvrage La
Baltique, une nouvelle région en Europe cette déconstruction
de la frontière Ouest/Est «processus de
régionalisation». La régionalisation serait l'un des
phénomènes majeurs de la recomposition géopolitique
territoriale de la région baltique. Il faut ici entendre par
régionalisation «une forme d'intégration
multidimensionnelle qui inclut des aspects économiques, politiques,
sociaux et culturels [...] C'est l'ambition politique d'établir une
cohérence et une identité régionale qui semble ici de
première importance»3. Certes des
coopérations entre les pays de la mer Baltique existaient dès les
années 1980 mais sans les villes de l'Est lesquelles espéraient
tôt ou tard rejoindre l'espace européen.
La régionalisation dans l'Europe baltique est souvent
présentée associée, à l'aide d'une
référence, à la Hanse : il est question de "Nouvelle
Hanse", des "Journées de la Hanse ». La « Hanse »4 est
une association de marchands dont la genèse est à trouver dans
une première Hanse de commerçants allemands qui s'est
formée vers 1161 à Visby, sur l'île de Gotland, dans le but
de développer le commerce maritime en Baltique, sur des bases
régulières, plus sûres, en luttant contre la piraterie.
(Champonnois, 2002), Cette première Hanse se déplaça
à Lübeck vers 1241 lorsque celle-ci conclut un accord avec Hambourg
et la ville prit un rapide essor comme point de concentration des marchandises
destinées à l'Est et comme point de départ des colons vers
Riga et vers la Russie. En 1259, les cités de Wismar et de Rostock
rejoignirent la Hanse puis, en 1281, Cologne et d'autres villes
1 LEVY, J., LUSSAULT M., 2003, Dictionnaire de
la Géographie et de l'espace des sociétés, Paris,
Éditions Belin, pp.693
2 Ce que l'on tient de ses
prédécesseurs
3 HETTNE, B., «The New Regionalism : A
Prologue», in : HETTNE, B., INOTAL, A., SUNKEL, O., (edit.), (1999),
National Perspectives on the New Regionalism in the North, Londres,
Mac Millan, pp.16
4 D'un vieux mot allemand Hansa qui
signifiait gilde
4
germaniques de l'Ouest se groupèrent à leur
tour. Ces deux associations se réunirent pour former en 1358 la Ligue
Hanséatique allemande qui devint rapidement une puissance commerciale et
politique dans toute l'Europe du Nord et spécialement dans la Baltique.
L'union reposait principalement sur les privilèges que les villes
s'accordaient mutuellement pour la protection et l'exercice du commerce. 1280
marque pour beaucoup d'auteurs notamment Dollinger le passage de « la
Hanse des marchands » à « la Hanse des villes
»5.
La référence à la Hanse dans les
pourtours de la Baltique amène un questionnement essentiel : quelle
place occupe la patrimonialisation de l'héritage hanséatique dans
le processus de régionalisation qui semble se développer sur les
rives de la Baltique? Cette question peut-être renversée :
à contrario, quelle est la place de la régionalisation de
l'espace Baltique dans l'enjeu d'une patrimonialisation de l'héritage
hanséatique?
Cette problématique peut donner lieu à la mise
en place de quatre hypothèses : le processus de régionalisation
s'appuierait sur un héritage hanséatique matériel et
immatériel patrimonialisé. Il serait généré
par un ensemble de représentations et par des pratiques spatiales. Les
représentations de la Hanse que diffusent les acteurs serviraient
surtout une argumentation autour du projet de régionalisation baltique
et feraient consensus au sein des espaces riverains. En pratique, les liens
historiques hanséatiques seraient encore fonctionnels dans le
fonctionnement d'un réseau de villes autour de la Baltique.
Afin de traiter cette question et de valider ces
hypothèses, nous nous appuierons sur les exemples de Brème,
Gdansk et Riga. Dans le choix des villes, il fallait d'emblée exclure
Lübeck, Visby et Hambourg car leur rôle dans la Hanse historique
avait été trop fort et cela risquait de tronquer l'analyse.
Puisque la problématique choisie est celle d'une éventuelle
intégration régionale, il était préférable
de prendre des villes issues des anciens blocs de l'Est (Gdansk et Riga) et de
l'Ouest (Brème). Il fallait aussi choisir une ville allemande
(Brème) et des villes influencées par la culture germanique
(Gdansk et Riga). La répartition sur les pourtours de la Baltique devait
être relativement large (Brème, Gdansk et Riga sont
équidistantes). Les trois villes sont de taille relativement proche :
Gdansk comptait, en 2003, 461 400 habitants contre 739 232 pour Riga et 550 000
pour Brème. De plus, elles partagent une situation similaire: elles sont
situées sur un fleuve, près de l'embouchure : Riga sur la
Daugava, Gdansk près de la Vistule et Brème sur la Weser. Elles
possèdent des avant-ports ou ports de référence :
Klaïpeda ou Venspils, Gdynia, Bremerhaven. Il est donc intéressant
de se demander en quoi les villes de Brème, Gdansk et Riga, dans une
étude, qui plus que de décompter "les différents" et "les
mêmes" cherche à s'approcher d'un modèle théorique
peuvent être les révélateurs du lien qui se crée ou
non dans les pourtours de la baltique, et qui cherche à déboucher
sur un processus de régionalisation.
Nous avons suivi une méthodologie multipliant les
sources (études bibliographiques,
5 DOLLINGER, P., 1998, Die Hanse, Stuttgart,
Alfred Kröner Verlag, Titre du chapitre I, pp. 17 à pp.116
5
entretiens et interviews, observations de terrain, petites
enquêtes, études statistiques et cartographiques). Le travail
bibliographique a pris en compte un large panel de courants
géographiques comme par exemple des auteurs issus de la
géographie culturelle ou de la géographie des
représentations tel Jean Gottmann. Lors des trois stages de terrain
effectués à Brème, Gdansk et Riga6, nous avons
cherché à interroger un panel le plus large possible
d'acteurs7 (universitaires, élus pour ou contre l'utilisation
de la Hanse8, architectes, services de restauration des monuments
historiques, agences marketing). Les entretiens ont eu lieu en allemand ou en
anglais. Nous nous sommes vite aperçus que l'entretien guidé par
un questionnaire strict ne nous apportait pas de résultats
satisfaisants. En effet, il « enfermait » les interlocuteurs dans des
catégories que nous avions définies sans bien connaître la
région. Or il s'agit dans l'optique de notre travail de tenter de
comprendre un ressenti face à une période mais aussi
d'étudier un discours et une représentation politique au moins
autant que des faits. Il fallait donc laisser au politique la
possibilité de déployer son discours et non le démasquer.
Pourtant, le thème même de notre travail a surpris de nombreux
interlocuteurs : si le concept de « Nouvelle Hanse » est très
populaire en Allemagne et commence, modestement, à être
travaillé par des chercheurs français, il paraît
anecdotique en Lettonie et Pologne pour beaucoup d'acteurs dans tous les
domaines (politique, économique, social).
Notre travail, se déroulera selon une analyse en trois
étapes :
Peut-on parler d'une patrimonialisation de l'héritage
hanséatique commune à Brème, Gdansk et Riga? Quel
héritage matériel et immatériel fait alors l'objet d'un
processus de patrimonialisation ?
Quelle est la place de cet héritage dans les
représentations des acteurs de la régionalisation à
Brème, Gdansk et Riga ? Quels aspects en sont valorisés ?
La référence à l'héritage
hanséatique contribue-t-elle alors « pratiquement » à
créer du réseau au sein des villes de la mer Baltique et donc du
territoire ?
I) Peut-on parler d'une patrimonialisation commune de
l'héritage hanséatique à Brème, Gdansk et Riga ?
1. Brème, Gdansk et Riga : quel cadre
géographique?
Avant d'entamer une étude de la patrimonialisation de
l'héritage hanséatique à Brème, Gdansk et Riga
encore faut-il replacer ces villes dans un contexte géographique
multiscalaire.
Brème est un véritable port intérieur,
à 70 kilomètres de la mer, sur la Weser, disposant d'un avant
port en mer du Nord nommé Bremerhaven. Brème et Bremerhaven
constituent une ville-état, un Land autonome, tout comme Hambourg, mais
l'espace qui les sépare appartient au Land de Basse-Saxe (Reitel, 1995).
Entre les deux villes, sur la rive Ouest de la Weser, se succèdent
plusieurs
6 Octobre 2007, Février et Mars 2008
7 Dans la limite du possible : nous n'avons pas eu
d'entretiens avec des acteurs privés
8 Pour déterminer la position des
élus, nous avons regardé avec attention les élus
présents dans les réunions de la « Nouvelle Hanse » et
nous les avons considérés comme plutôt favorables à
une référence à cette période
6
agglomérations portuaires qui forment une
véritable rue industrielle, un complexe urbain et portuaire
d'importance. (Lebeau, 1989).
A l'échelle nationale, le Land de Brème est le
plus petit des 16 Länder d'Allemagne. Un tiers des emplois
dépendent des activités des ports de Brème et Bremerhaven,
ce dernier étant le 2e port allemand après Hambourg et
une véritable plaque tournante de l'Allemagne exportatrice. Le Land est
également un lieu d'implantation pour les industries dans de nombreux
domaines (automobile, électronique, navigation
spatiale...)9.
A l'échelle régionale, la chute de la R.D.A a
permis au port de Brème de retrouver un arrière pays perdu.
Ainsi, comme à Hambourg, les liens avec l'Allemagne de l'Est et l'Europe
centrale ont pu être renoués (Brunet, 1996).
A l'échelle européenne, Bremerhaven appartient
à la « Northern Range » (Subra, 1999), façade maritime
allant du Havre à Hambourg en passant par Rotterdam, Anvers qui, avec
44% du trafic européen, constitue une véritable porte de sortie
maritime pour l'Isthme. Bremerhaven, 14e port européen en
2000, constitue l'un des plus grands complexes de transbordement de conteneurs
d'Europe avec des équipements très modernes : il était en
2005 le 4e port pour le transport de conteneurs. Les ports de
Brème sont également des plaques tournantes mondiales pour
l'import/export d'automobiles. Comme beaucoup de ports de la « Northern
Range », les ports de Brème jouent donc le rôle de hubs ce
qui les distingue des ports régionaux que sont Gdansk, Gdynia et
Riga.
Gdansk, situé à proximité du
débouché de la Vistule, dans le golfe de Gdansk et
administrativement dans la Voïvodie de Poméranie, fait partie d'une
conurbation de 750 000 habitants appelée la Triville10.
Gdynia constitue l'avant-port de Gdansk.
A l'échelle nationale, Gdansk, 4e ville du
pays, a longtemps constitué la porte de sortie des produits industriels
en provenance du « coeur méridional » de la Pologne (Katowice,
Haute-Silésie, Cracovie). Elle se trouve sur les axes Varsovie/Gdansk et
surtout £ód·/Gdansk. (Foucher, 1998) Mais aujourd'hui, ces
deux axes ne sont plus les axes majeurs de la vie de relations polonaise :
depuis l'entrée de la Pologne dans l'Union Européenne, l'axe
Varsovie-Poznañ-Berlin est plus stratégique. Pourtant, Gdansk
reste, d'après les chiffres de 2006, le 1er port polonais
avec 22 millions de tonnes et Gdynia occupe la seconde place avec 12,6 millions
de tonnes. L'acheminement des marchandises est permis par des voies
ferrées orientées Nord/Sud reliant Gdansk et Gdynia à leur
Hinterland11
A l'échelle régionale, le port de Gdansk et
celui de Gdynia constituent, en 2005, le 4e complexe portuaire de la rive Sud
de la Baltique (après Saint-Pétersbourg, Tallinn, Ventspils) et
le 2e du point de vue de la capacité de transbordement. La Triville est
l'une des plus grandes agglomérations de la Baltique (Serrier, 2006).
9 Site de l'ambassade de France en Allemagne :
http://www.botschaft-frankreich.de/article.php3?id_article=569
(Consulté le 12/02/2008)
10 LaTriville rassemble les agglomérations de
Gdansk, de Sopot et de Gdynia
11 D'après «Yearbook of maritime
economy», 2007
7
A l'avenir, Gdansk pourrait devenir un nouveau carrefour
européen, en tant que noeud sur la « via Hanseatica » reliant
Saint-Pétersbourg à Lübeck. S'y ajoutent un projet
paneuropéen d'autoroute (Corridor n°6) et de voie ferrée
connectant Gdansk, Brno, Bratislava et Vienne et un projet de voie rapide
nommée « Axe mer Baltique-mer Noire » ou « Corridor de
transport Gdansk/Gdynia-Odessa/Ilychevsk » rapprochant Gdansk d'Odessa via
Varsovie (Corridor n°9). Ces projets inscrivent bien Gdansk dans l'Europe
médiane (Foucher, 1998) et pourraient permettre au port d'élargir
son Hinterland à l'Europe centrale (Slovaquie, République
Tchèque, Hongrie, Roumanie). La construction d'un port conteneur
pourrait bien stimuler une ouverture internationale plus grande.
Source : Pan European Transport corridors, Wikipédia
(consulté le 01/06/2008)
Carte n°1 : Corridors de transport
paneuropéens
Riga se situe au coeur d'une agglomération de 1 150 000
habitants occupant le golfe du même nom et au débouché de
trois fleuves différents : la Daugava, le Lielupe, la Gauja (Orcier,
2005).
8
A l'échelle nationale, on peut vraiment parler de
macrocéphalie à propos de Riga. La ville concentre, en 2004, 1/3
des habitants avec ses 747 000 habitants, 80% des étudiants, 1/2 des
entreprises et 54% du PIB de Lettonie. C'est également une capitale
culturelle et universitaire essentielle (Orcier, 2005).
A l'échelle régionale, la ville se trouve au
centre de la région formée par les trois états baltes.
Riga est, en 2004, le deuxième port de Lettonie après Ventspils
et le 5e port de la Baltique orientale. La ville, plus qu'un centre,
est un véritable carrefour. Elle est au coeur des axes Nord/Sud (que
sont en train de créer la « via Baltica » et la « via
Hanseatica »), des axes Ouest/Est (Riga/Jekabpils/Rezekne/Ludza/Moscou,
Riga/Jekabpils/Daugavpils/Poltsk/Vitebsk, Riga/Pskov/St-Pétersbourg) qui
forment de véritables corridors de transit acheminant les marchandises
de l'Hinterland russe vers les ports lettons. La ville est également au
coeur de l'hypothétique axe mer Baltique/mer Noire
(Riga/Minsk/Kiev/Odessa).
A l'échelle européenne, cependant, la Lettonie
et Riga ne constituent-elles pas une marge ou un angle mort ? En effet, le pays
se situe à la limite de l'Union Européenne et depuis 2004 la
frontière avec la Russie est devenue, encore plus qu'auparavant,
frontière barrière d'un point de vue politique.
2. Brème, Gdansk et Riga de l'histoire dans la
Hanse à l'histoire de la Hanse
2.1 Quels furent le rôle et la place de Brème,
Gdansk et Riga dans la ligue hanséatique ?
L'ouvrage de Raoul Zühlke, Bremen und Riga, zwei
mittelalterliche Metropolen im Vergleich, avait déjà
amorcé un travail de comparaison historique à propos des villes
de Brème et de Riga montrant que, pour bien comprendre la place de la
Hanse dans ces villes aujourd'hui, il fallait saisir la place qu'elle occupait
au Moyen âge.
Le rattachement des villes de Brème, Gdansk et Riga
à la Hanse a été facilité par des contextes
économiques propices. Les relations entre les villes
étudiées sont antérieures à la Hanse.
L'évêque de Brème, Albert de Buxhövden, envoie, en
1201, dans la future Riga, une mission constituée de marchands et de
missionnaires, y fonde un siège épiscopal, créé
l'ordre des chevaliers Porte-Glaive et construit un port fixe sur le Rigebach
(Bracker, Henn, Postel, 1999). Pour attirer des citoyens dans sa ville, il
accorde dès 1211 des privilèges commerciaux. Les premiers colons
affluent alors de la communauté de l'île de Gotland et, en 1229,
un contrat signé entre les princes de Smolensk (Russie) et des marchands
allemands engendre une vague d'immigration en provenance de nombreuses villes
allemandes dont Brème. Les « étrangers»
dépassent rapidement en nombre les « locaux »12,
ont le monopole des activités commerciales et dirigent les institutions
politiques et financières de la ville alors que ces derniers ne
pratiquent que des activités peu lucratives et peu nobles (Misans,
1999).
L'histoire de Gdansk est, elle aussi, marquée par ce
mouvement du Drang nach Osten. Au XIIe
12 Les étrangers ou Frequentates
s'opposent aux originaires du lieu, les Manentes ou en allemand
Ortansässig (Misans, 1999)
9
siècle, des marchands allemands établissent un
comptoir à proximité du débouché de la Vistule qui
se développe si vite que le souverain Herzog Swantopolk donne en 1225
son accord pour fonder à cet endroit une ville de droit allemand. Cette
fondation13 se fait non loin d'une base de colonie slave
antérieure14. Un port est aussi construit sur la Motlawa.
Politiquement, Gdansk se libère dès 1454 de l'autorité
Teutonique, reconnaissant le roi polonais comme seul souverain. La couronne
polonaise donne à Gdansk la plupart de ses privilèges commerciaux
notamment le roi Casimir IV en 1454 et 1457 (Bracker, Henn, Postel, 1999).
Cette situation modifiera l'image de la Hanse dans la ville : à Gdansk
prospère encore aujourd'hui, dans les milieux nationalistes,
l'idée que le développement économique de la ville aurait
pu exister sans la Hanse : elle n'est qu'un élément de plus dans
un contexte d'expansion commerciale créé par les rois polonais.
En revanche, l'apogée de Riga, sous domination Teutonique jusqu'en 1581,
ne peut être attribué à une autre entité que la
Hanse.
Les privilèges attribués à Brème,
enfin, sont très anciens et datent d'Otto Ier qui accorde en 888 le
droit de monnaie, de marché et de douane. Ils se poursuivent jusqu'au
XIIIe siècle.
Si l'on considère à présent
l'adhésion à la ligue hanséatique proprement dite, trois
niveaux se détachent nettement : Brème et l'insoumission, Gdansk
et une adhésion partielle, Riga et une adhésion
totale15.
« L'entrée de Brème en 1358 dans la
Hanse fut problématique »16. Certes, les bourgeois
de Brème dès le milieu du 14e siècle rendent
possible le commerce des biens du piratage sur leur marché... (Bracker,
Henn, Postel, 1999). Mais l'orientation spatiale de la ville, dépendant
d'un commerce Nord/Sud, est contraire aux objectifs commerciaux
hanséatiques se concentrant sur les échanges Ouest/Est comme le
confirme Philippe Dollinger : « Trois fois, elle est exclue de la
communauté (hanséatique) en 1285, 1427 et 1563 (...) La raison de
cette exclusion est à trouver dans le fait que la
prospérité de Brème venait moins du commerce Ouest/Est que
des relations qu'elle avait construites dès le 11e
siècle avec la Norvège, l'Angleterre et le Nord des Pays Bas tout
comme avec l'Hinterland de la Weser, la Saxe, une partie de la Westphalie.
(...) Brème était avec les villes du Rhin prise dans des routes
commerciales situées en « Avant de la Hanse » [Vorhansisch] du
Sud vers le Nord et a toujours eu des difficultés à participer
à l'extension allemande en mer Baltique17 ». En
1358, à Lübeck, la ville doit rejoindre, contrainte et
forcée, pour la deuxième fois la ligue hanséatique
après
13 Appelée Rechtstadt
14 Appelée Suburbium
15 Au moins au début de son histoire
hanséatique
16 SCHWERDTFEGER, H. (2004), Die Hanse und Ihre
Städte, Delmenhorst, Aschenbeck und Hostein Verlag, pp. 71 :
«Bremens Beitritt zur Städte-Hanse 1358 war problematisch».
17 DOLLINGER, P. (1998), Op.cit. pp.159 :
«Dreimal wurde sie aus der Gemeinschaft ausgeschlossen, 1285, 1427 und
1563, das erste Mal anscheinend länger als 70 Jahre; ein einzigartiger
Fall. Der Grund war, dass der Wohlstand Bremens weniger auf dem Ost-Westhandel
als auf den seit dem 11. Jahrhundert sehr lebhaften Verbindungen mit Norwegen,
England und den nördlichen Niederlanden, sowie mit dem Hinterland der
Weser, Sachsen und einem Teil Westfalens, beruhte. Kurzum : Bremen war zusammen
mit den rheinischen Städten an dem vorhansichen Handelsverkehr von
Süden nach Norden beteiligt und hatte immer einige Mühe, sich auf die
neuen, durch die deutsche Ausdehnung in den Ostseeraum geschaffenen Bedingungen
einzustellen».
10
qu'un commerçant de Brème ait refusé de
reconnaître l'embargo qu'avait lancé la Hanse contre la Flandre
(Bracker, Henn, Postel, 1999). Brème quitte la communauté en 1563
mais n'en abandonne pas entièrement le titre : Lübeck, Brème
et Hambourg fondent en 1630 une ligue qui, après la fin historique de la
Hanse (Schwerdtweger, 2004) et jusqu'au siècle dernier, continuera
d'exister et en 1646, la ville est élevée au rang de Ville libre
d'Empire par Ferdinand II. Ces événements couronnent une
liberté politique de Brème qui sera confirmée lorsqu'elle
se déclarera « Ville libre Hanséatique » en 1806 et
qu'elle sera intégrée dans l'Empire Allemand en tant que «
Ville libre Hanséatique » en 1871. Les plaques d'immatriculation
à Brème et Hambourg et le statut de Land se
réfèrent plus aujourd'hui à cette liberté politique
qu'à un passé hanséatique
médiéval18.
L'appartenance de Gdansk (1350-1669) à la Hanse est
moins problématique. La ville fait partie de la Ligue depuis 1350 et
dès 1351 elle participe à l' « Assemblée de la Hanse
»19 à Lübeck. En 1669, des représentants de
Gdansk participent à la dernière « Assemblée de la
Hanse ». Ses forces économiques et financières lui
permettent de participer à des conflits comme la guerre
hanséatico-anglaise en 1469/1470 (Bracker, Henn, Postel, 1999). Cela
n'empêche pas la ville de poursuivre ses propres intérêts
refusant en 1417 l'interdiction de faire transporter des marchandises par des
marchands non associés à la Ligue et accueillant les marchands et
navires hollandais en très grand nombre20.
L'adhésion de Riga (1282-1570) n'est pas non plus
conflictuelle du moins au début. Dès 1282, Riga conclut une
alliance avec Lübeck et Visby et se positionne comme la ville
hanséatique la plus influente de toute la Livonie. Ses tentatives,
à la fin du XVe siècle, d'interdire ou de limiter l'influence des
marchands étrangers dans son commerce engendrent quelques conflits qui
restent sans conséquence. Ses relations avec la Hanse se
dégradent dans la deuxième moitié du 16e
siècle et elle quitte la Ligue en 1570. Elle sera pourtant
invitée en 1669 à la dernière « Assemblée de
la Hanse » mais déclinera l'invitation.
Pendant ces périodes, en tant que membres de la Ligue
Hanséatique, quelle était la place de Riga, Gdansk et
Brème dans les réseaux économiques hanséatiques
?
18Interview du 12 /02/08 avec Heinz Gerd Hofschen,
directeur du Focke Museum de Breme
19 Appelée Hansetag ou Hanseatic
Days
20 Informations tirées d'une visite
attentive du musée maritime de Gdansk et de la lecture des panneaux
d'interprétation.
11
Carte n°2 : Les routes
hanséatiques
Dans le cas de Brème, on distingue le commerce au long
court Nord/Sud du commerce de proximité21. En effet,
Brème, « centre majeur »22, disposait d'un
Hinterland immense et élargi entre le XIVe et le XVIe siècle.
Deux quais différents existent : les Schlachte pour les bateaux
venus de la mer du Nord23, les Balge pour ceux venus de
l'Hinterland. Avec la Frise de l'Est, la Westphalie, les villes du
Rhin24, l'Elbe inférieur, les villes de Hanovre,
Osnabrück, et d'autres de ses possessions territoriales, la ville
échange de la bière, du poisson, de l'huile de poisson, du vin,
des étoffes et des fourrures contre du grès, du bois, du calcaire
et des céréales25. Ce commerce se fait principalement
par la Weser, la Werra et la Fulda. A plus petite échelle, ses
partenaires commerciaux sont le Danemark26, la
Norvège27 avec laquelle le commerce du hareng et des poissons
séchés est très important, l'Islande, l'Angleterre et
l'Ecosse28, les Pays Bas, la Flandre29 et quelques villes
de la mer Baltique. Les produits
21 En allemand et dans la littérature
Fernhandel et Nahhandel
22 Oberzentrum d'après la typologie
de Thomas Hill qui différencie trois types de centre en fonction de leur
importance stratégique : Oberzentrum, Mittelzentrum et
Unterzentrum
23 Les Kogge ou en français
«Cogge»
24 Brème fait partie de la ligue Rhénane
depuis 1225
25 Issus du commerce de long cours
26 Notamment les villes de Ripen, Kolding, Haderslev,
Actuelles Ryppen, Kolding et Haderslev
27 Notamment les villes de Bohuslen, Bergen
28 Notamment les villes de Londres, Yarmouth
29 Notamment les villes de Harderwijk, Zwolle,
Deventer, la région de l'Ijssel et de la Zuiderzee, les villes de Brugge
et d'Anvers
12
importés sont des harengs, du poisson
séché, des peaux de bête, du sel et quelques
vêtements, les produits exportés sont de la bière de
Brème, des métaux, du lin, des céréales et de la
farine (Hill, 2004)
Gdansk se situe en juste milieu associant les axes Nord/Sud et
Ouest/Est. Dans le commerce de la Vistule et de la Lituanie, Gdansk prend en
1400 une place dominante. Les routes les plus importantes drainant l'Hinterland
du port de Gdansk le relient à Kovno, mais aussi à Lernber,
Breslau30 et Cracovie, via la ville de Thorn. La Prusse, la Pologne
et la Lituanie représentent donc pour l'ancienne Danzig un Hinterland
étendu31 (Bracker, Henn, Postel, 1999). Mais les
intérêts commerciaux de Gdansk se construisent, dès le
15e siècle, sur l'agrandissement et sur la protection du
commerce Ouest/Est : la ville veut se positionner en intermédiaire
cherchant à instaurer un accès direct à des pays de l'
« Ouest ». Auparavant, l'exportation des produits de Lituanie, de
Prusse et de Pologne transitant par Gdansk se faisait via le port de
transbordement de Lübeck, véritable rupture de charge avant les
Pays Bas ou la France... Mais peu à peu, Gdansk livre directement
à Brugge, Bergen ou Oslo tout comme elle le faisait pour l'Est. C'est
ainsi que la part des importations venues de Lübeck à Gdansk tombe
de 20% en 1460 à 3.6% en 1475 (Dollinger, 1998). Le commerce du grain et
des céréales (blé, seigle) est l'un des points essentiel
pour la prospérité de la ville. La ville livre surtout vers
l'Ouest des céréales et du bois, de la cire, de la cendre de
Pologne et de Prusse, du lin, du chanvre, du cuir, des peaux de Lituanie.
Gdansk exporte aussi plus loin du poisson local ou du cuivre et du plomb de
Slovaquie. Venus de l'Ouest, elle reçoit du sel, de la bière, du
vin, des harengs, des étoffes et pièces de tissus, des peaux et
des fourrures et elle conduit ces produits jusqu'à son Hinterland
(Bracker, Henn, Postel (1999).
Riga, entièrement tournée vers le commerce
Ouest/Est, est, quant à elle, le principal port de transbordement pour
le commerce avec la Russie32 (Bracker, Henn, Postel, dir., 1999)
grâce aux fleuves qui la traversent. Les routes hanséatiques
passant à Riga mènent vers le Sud-ouest par Memel vers
Königsberg et Elbing, vers le Sud en direction de Kovno et Wilna, vers
l'Est par Polock vers Vitebsk et Smolensk et vers le Nord par Dorpat vers
Reval, Narwa, Novgorod33 (Dollinger, 1998). De Polock sont conduits
surtout des fourrures, de la cire, des produits à base de bois comme du
goudron ou de la cendre, du suif et du cuir pendant que de l'Europe de l'Ouest
viennent du sel, des harengs, du vin, de la bière des épices et
des métaux que l'on importe (Bracker, Henn, Postel, 1999). Des liens
historiques avec l'île de Gotland expliquent que les marchandises venues
de Riga, Reval, Novgorod y effectuent une halte avant de repartir vers l'Ouest
(Dollinger, 1998). Visby et Gdansk jouaient donc toutes les deux un rôle
de centre, entre l'Ouest et l'Est, Visby pour l'angle Nord-est de la Baltique
et Gdansk pour l'angle Sud/Sud-est.
30 Kovno = Kaunas, Breslau =
Wroclaw
31 Au sein duquel seules les villes de
Elbing, de Thorn ou de Königsberg (actuelle
Kaliningrad) sont actives
32 Titre de l'article sur Riga : «Riga,
Hauptumschlagplatz für den Russlandhandel»
33 Wilna = Vilnius, Pernau =
Pärnu, Reval = Tallinn, Dorpat = Tartu.
13
Ce commerce a profondément irrigué ces villes et
a changé leur topographie. A Brème, « la Hanse des villes
» suit celle des marchands et les vagues de construction se font pendant
les périodes de prospérité économique. Entre 1350
et les années 1390-1395, Brème connaît de fortes crises et
des troubles intérieurs. Mais en 1400, une prospérité
économique retrouvée voit naître les monuments que l'on
retient aujourd'hui : la statue de Roland (1404), un symbole pour la
liberté des citoyens et les droits de marché ou l'Hôtel de
ville gothique (1405-1410). Le nouvel Hôtel de ville exhibe le dualisme
entre le quartier spirituel et épiscopal des aristocrates et le quartier
des marchands. Cette période correspond à l'apogée de la
ville. Tout comme à Riga, le centre de Brème est remodifié
in situ au fil des années. L'évêque Albert avait
édifié la vieille ville en forme de demi-cercle sur le
modèle allemand au bord du Rigebach et à cet endroit se trouvait
la vieille cathédrale, la maison de l'évêque mais
dès 1211, la ville se densifie vers la Düna. Les marchands
étrangers jouent un rôle essentiel dans les constructions
notamment des cours ou Stuben de Münster et de Soest. A Gdansk en
revanche, les influences diverses ont créé une situation
multipolaire. En 1400, la ville possède 7 unités de colonisation
nommées Rechtstadt, Neustadt, Altstadt, Jungstadt, Vorstadt,
Hakelwerk, Langgarten. Du noyau formé du château et de la
banlieue slave (plus tard appelée Altstadt car la banlieue fut
colonisée par les Allemands et le maître de l'ordre Winrich von
Kniprode en 1377 donna à ce quartier un droit de ville), la
Rechtstadt est édifiée par les Allemands. L'Altstadt
ne deviendra jamais une ville hanséatique mais on trouve
aujourd'hui au sein de la Rechtstadt et de l'Altstadt la
plupart des monuments qualifiés d'«hanséatiques».
2.2 L'histoire de la reconstruction de la Hanse aux XIXe et
XXe siècle
Sur ce passé hanséatique, se construit à
Brème, Gdansk et Riga un véritable mythe, mot employé dans
le titre de l'exposition réalisée à Hambourg en 1989 :
« La Hanse, réalité et mythe »34. Un mythe
est une « représentation qu'un ensemble d'individus, en
fonction de ses croyances, de ses valeurs se fait d'une période
(historique), d'un fait, d'une idée, d'un personnage. Ceux-ci ont
été idéalisés par l'imagination populaire
»35 Il faut donc revenir sur l'histoire de la construction
d'une représentation de la Hanse dans les trois villes.
A Brème, Gdansk et Riga, la reconstruction de la Hanse
a lieu au XIXe siècle comme par exemple dans la littérature
allemande. Le 24 Mai 1870, l'historien Karl Koppmann fonde une revue qui
rassemble des textes de l'époque hanséatique36. Suit
en 1903 Die deutsche Hanse de Dietrich Schäfer (Grassmann, 2001).
Un consulat commun associant les villes de Lübeck, Hambourg et
Brème représente ces villes à l'étranger et
constitue une première forme de coopération (Fiebig, 2005).
34 «Die Hanse, Lebenswirklichkeit und
Mythos»
35 Dictionnaire de l'académie
française
36 Hansische Geschichtverein
14
Mais cette reconstruction de la Hanse est aussi populaire :
elle est instrumentalisée par l'état afin de développer
l'idée d'une nation allemande unie, de reconstruire l'histoire d'une
Allemagne conquérante et colonisatrice grâce notamment à
une flotte exceptionnelle le tout dans un contexte de guerre (1870) et
d'unification. De plus, le XIXe siècle est une période de
prospérité économique pour l'Allemagne ce qui invite
à la continuité historique37.
A Brème, très vite, la Hanse prend un
écho résolument positif (alors que Brème l'avait
refusé) et romantique et la confusion est très vite faite entre
Hanse économique et liberté politique des siècles
suivants. Se forge l'adjectif Hansisch par opposition à
Hanseatisch38 ainsi que le nom
Hanseat39 (Wegner, 1999). Dire de quelqu'un qu'il est
Hanseatisch, c'est lui attribuer toutes sortes de qualités :
l'ouverture aux autres, la fiabilité, l'ouverture au monde, la
tolérance40, la capacité à gagner de l'argent
sans montrer ouvertement sa richesse, la modestie calviniste, l'esprit froid,
rationnel et distant, la haine de la vulgarité « Nouveau riche
», une expérience de la liberté politique et de
l'autodétermination, de la démocratie. Les Hanseaten
sont également dotés de l'esprit de mécénat
qui aurait aussi régné pendant la Hanse. Brème
connaît une forte tradition jusqu'à aujourd'hui de don : le
musée d'art de la ville a été en grande partie
financé par des citoyens qui ont souvent souhaité rester
anonymes. Le mot Hansisch fait lui référence à la
Hanse historique
A Riga, le XIXe siècle est également un
siècle de redécouverte de la Hanse qui vient des « Allemands
baltes »41. Ceux-ci ont un quartier propre nommé
Meschaparks42 et possédant de nombreuses rues
à la toponymie hanséatique. La fin du XIXe siècle et
début XXe siècle est une période là encore de forte
prospérité. Les « Allemands baltes » cherchent alors
à réunir les habitants allemands de tous les pays afin de
maintenir leur position de force dans les provinces de la Baltique (Aschmanis,
2007). Dès le XIXe siècle sous le régime russe, ces «
Allemands baltes » jouent un grand rôle et la région de Riga
est une région administrative qui possède une certaine autonomie
renforcée par un fort sentiment d'autodétermination, ayant
même une forme propre de représentation à
Saint-Pétersbourg43
En Pologne, on assiste à un phénomène
équivalent et Peter Oliver Loew parle d'un mythe de la «
Germanité » (1848-1939)44. Ce mythe se base sur
l'idée que sous la domination de l'ordre teutonique et de la Hanse, la
ville de Danzig était puissante économiquement et culturellement.
Les éléments polonais de l'histoire sont niés dans une
reconstruction totale : la ville aurait même tenté de se
défendre contre un trop grand contrôle polonais. Les Allemands de
Danzig se sentent investis d'une
37 Interview du 12/02/08 avec Heinz Gerd Hofschen,
directeur du Focke Museum de Brème
38 Hansisch et Hanseatisch
peuvent en français tout deux être traduits par «
Hanséatique » mais il existe bien une différence de sens en
allemand entre les deux termes
39 Hanseat signifie quelqu'un qui a un
caractère hanséatique.
40 La Hanse serait une époque d'ouverture
religieuse puisque, dans ces villes, protestants et catholiques ont parfois
réussi à vivre ensemble dans une certaine harmonie
41 Deutschbalten
42 Construit au début du XXe siècle
43 Entretien du 20/02/08 avec Zaiga Krisjane,
maître de conférences à la faculté de
Géographie de Lettonie
44 Ou Deutschtum
15
mission : être les dignes héritiers de leurs
ancêtres porteurs des moeurs allemandes. La ville est décrite
comme « un avant poste de la culture allemande dans un environnement
de barbares slaves »45. L'espoir, notamment à
l'époque de la révolution de Mars, d'une inclusion de l'Ouest de
la Prusse et de Danzig dans la Nation allemande grandit. Peter Oliver Loew
rappelle que cette histoire allemande est un mythe dans une ville fondée
à partir d'une colonie slave (Loew, 2003, a).
Le XXe siècle fonde une distinction entre les deux
villes de l'Est et celle de l'Ouest. A Brème, le souvenir de la Hanse
reste constant et est utilisé à plusieurs reprises dans
différents contextes comme sous le IIIe Reich, par exemple, pour appuyer
les notions hitlériennes d'espace vital, de concept germanique, d'Europe
médiane, l'idée d'une « Nouvelle Hanse » étant
alors portée par Heinrich Hunke proche de Goebbels : «La Hanse
vit, elle rayonne, éclatante de
réalité»46. Après 1945, le concept de
« Nouvelle Hanse » devient synonyme de force créatrice,
entrepreneuriale et marchande, de solidarité dans une Allemagne prise
dans la croissance économique. Cette continuité n'apparaît
pas à Riga et Gdansk où dominent les ruptures.
Graphique n°1 : Composition de la population
de Riga en 1844 et 1935
Composition en 1844 Composition en
1935
Source : Aschmanis, 2007
Conception et réalisation : Escach, 2008
En réalité, l'histoire allemande des derniers
siècles a été interrompue à Riga de nombreuses fois
et trois périodes ont été déterminantes : la
première à la fin du 19e siècle est
caractérisée par un élan économique
accompagné d'une vague d'immigration en masse, de salariés et
chefs d'entreprises venant des régions où la Hanse était
peu connue. La deuxième période est celle de la Première
Guerre
45 PRUTZ Hans (1866), «Die Katastrophe des
Danziger Bürgermeisters Conrad Letzkau», APrM, n°3, pp.
615. Mitten in slawische Barbarei hinausgeworfene Vorposten deutscher Kultur
»
46 HUNKE, H., (1942), Hanse, Rhein und Reich,
Berlin, Haude und Spener, 2e tomme, pp.105 : «Die Hanse lebt, sie
wird leuchtende strahlende Wirklichkeit»
16
mondiale, des révolutions : ces
événements ont provoqué l'émigration massive de
beaucoup d'Allemands et seuls quelques uns reviennent dans les années
d'après guerre au pays. Ceux qui sont partis sont remplacés par
des habitants d'autres pays où la Hanse ne signifiait rien. La
troisième période essentielle est le rapatriement des Allemands
au début de la Seconde Guerre mondiale, la fuite et l'expulsion d'une
bonne partie de la population de Riga pendant la guerre et tout de suite
après, le développement rapide de la ville sous le pouvoir
soviétique qui est lié à une immigration forte de toute
l'Union soviétique, de l'Asie centrale et de Sibérie. Au cours de
ces trois périodes, les traditions collectives et familiales des
Allemands de Riga47 se sont perdues. La minorité allemande
passe de 40.80% en 1844 à 10% en 1935 (Mikelis Aschamanis, 2007) comme
en témoigne le graphique ci-dessus.
A Gdansk, les ruptures sont du même ordre comme en
témoigne la nouvelle de Pawel Huelle Le
déménagement. L'émigration forcée allemande
laisse place à l'arrivée de populations de Biélorussie, de
Lituanie, de Pologne et de Russie qui n'ont pas de rapport avec le passé
hanséatique48 (Foucher, 1998).
Ces ruptures sociales s'accompagnent de ruptures politiques
comme à Riga, avec l'arrivée au pouvoir de Karlis Ulmanis, en
1934. (Loew, Pletzing, Serrier, 2006). Il cherche à montrer par la
destruction des formes non lettones de la culture que le peuple a pris seul son
destin en main et le remaniement du patrimoine hanséatique est l'un des
moyens utilisé. L'architecte Nikolais Voits prévoie ainsi un
nouvel Hôtel de ville, doté d'une tour de 140 m de haut, qui
aurait dominé la place de la mairie et la Maison des Têtes Noires
montrant la supériorité des bâtiments lettons face aux
bâtisses hanséatiques, considérées comme basses,
situées dans des rues sales et sombres, tortueuses. Pour Riga, la
période communiste qui suit est plutôt une période de
latence pendant laquelle le mythe national trouve tout de même une place
très importante. A l'époque soviétique,
l'élargissement de la Kalku Iela, avenue qui débouche
sur la place et la construction dans son axe d'un monument soviétique
pour la libération de Riga imprègnent un univers letton à
la place. Mais les débats naissant dès 1970-1980 sur la
reconstruction de la Maison des Têtes Noires marquent une
détente.
A Gdansk où selon Peter Oliver Loew, la «
Polonité »49 remplace le mythe de la «
Germanité» (Loew, 2003, a) l'histoire de plusieurs siècles
d'occupation, de domination, de colonisation allemande en Pologne y compris
pendant la Hanse est racontée et l'idée de prolétaires
polonais attendant avec patience et détermination la Libération
et résistant avec courage est lancée. Une continuité est
ainsi reconstruite : l'exil de 1945 est un retour aux origines. Peter Oliver
Loew, qualifie la « Polonité » de mythe puisque les polonais
n'étaient que minoritaires dans l'histoire de la ville (entre le
16e et le 18e siècle, ils représentaient
entre 0.5 et 2%). Ces positions politiques se retrouvent dans les
bâtiments : la reconstruction du passé hanséatique est un
débat essentiel dans les années 1950-1960. Si le
47 Ou Rigenser en allemand balte
48 Accords de Potsdam, 2 Août 1945
49 Polonität en allemand
17
nationalisme polonais voulait reconstruire Gdansk avec des
mains polonaises, plus belle qu'elle n'a jamais été, certains
étaient contre, voyant les monuments sous le prisme de la
familiarité (des monuments polonais) et de l'étrangeté
(des monuments allemands). Barbara Bossak cite les mots durs du journaliste
Edmund Osmanczyk en 1945 qui parle de la folle joie qu'il ressent à
l'idée qu'on ne puisse pas reconstruire le vieux centre de Gdansk, ses
rues et greniers détruits appartenant au passé noir de la
domination teutonique. Il appelle à ne pas verser de larmes sur ses
ruines (Loew, Pletzing, Serrier, 2006)
La redécouverte de la Hanse s'effectue donc
après 1990 à Gdansk et Riga50. A Gdansk, une nouvelle
reconstruction de l'histoire locale naît alors et fonde le mythe de la
« Multiculturalité »51. (Loew, 2003, a) La ville
aurait été, à l'époque de la Hanse, un lieu
multiculturel, de tolérance, d'ouverture au monde et à l'Europe,
de prospérité et de richesse, un genius
loci52. C'est autour du Millenium de Gdansk
réalisé en 1997, qu'un problème d'identité majeur
se pose (Rexheuser, 2001) : cette histoire reconstruite d'une ville
européenne et ouverte, n'est qu'un compromis fade afin de ne pas
froisser les relectures polonaises et allemandes de l'histoire. Les Allemands
ne sont pas surreprésentés puisqu'ils font partie des multiples
peuples qui ont traversé la ville et l'exil de ceux-ci n'est pas
cité. A l'occasion des festivités, des livres teintés de
nationalisme polonais reprenant des propos de l'époque soviétique
aussi bien que des livres regardant avec nostalgie la Danzig allemande ont
été édités. L'auteur montre que ce
ménagement intervient dans un contexte de deuil difficile
côté polonais : les immigrants de 1945 se sentent trahis. Pour
faciliter leur installation dans une ville nouvelle et rendre facile
l'acclimatation, on leur avait présenté la ville comme
historiquement polonaise. Le choc identitaire ressenti par des Polonais qui
avait appris une histoire simple et continue et qui découvrent que les
traces allemandes présentes dans la ville sont des témoins
authentiques de leur passé est grand. Ce qui semblait un retour des
Polonais sur une de leurs terres s'avère être une conquête,
la victime devient bourreau.
Si la Hanse est donc associée à un creuset vague
à Gdansk, elle est une réponse à la peur à Riga.
Après 1990, la ville connaît une période de
dépression économique : les relations économiques avec la
Russie sont réduites et les produits de l'industrie de Riga, peu
concurrentiels, sont délaissés par les marchés de l'Ouest.
L'idée d'une Hanse Nouvelle apparaît alors comme une solution pour
répondre à cette question : qui va participer avec son capital,
ses relations et son énergie à un nouveau souffle de
l'économie ? (Aschmanis, 2007).
De son côté, Björn Engholm, en Allemagne,
fait revivre le concept de « Nouvelle Hanse » dès la fin des
années 1980 (Grassmann, 2001)
50 La date de 1990 ne doit pas être prise
comme une rupture absolue cependant. En effet, des les années 1980,
à Gdansk, selon les propos de Peter Oliver Loew, la rédaction
d'une nouvelle histoire locale avait été préparée
par les élites libérales dans l'opposition.
51 Multikulturalität en allemand ou
Wielokulturowosc en polonais
52 Un «lieu béni»
18
2.3 L'image de la Hanse à Brème, Gdansk et
Riga
Quelle image de la Hanse demeure donc dans l'esprit des
habitants des villes de Brème, Gdansk et Riga ?
A Brème, la Hanse a un écho résolument
positif car la ville est marquée par la continuité : elle
évoque l'ouverture, l'esprit d'entreprise, la tolérance.
Cependant cette vision positive de la Hanse est aussi et surtout liée
à l'acquisition de droits et de libertés politiques que ses
monuments symbolisent et non à une quelconque prospérité
économique comme à Gdansk ou Riga.
A Riga et à Gdansk, en revanche, l'image de la Hanse
est multipolaire selon qu'elle est imprégnée de mythes
nationalistes, allemands ou multiculturels. Elle peut encore être
synonyme de « germanisation » ou de « colonisation » pour
certains et cet argument est utilisé par des partis populistes ou
nationalistes. Pour d'autres, elle a pu perdre son caractère
exclusivement allemand53 pour devenir une influence parmi d'autres
dans un lieu multiculturel. La Hanse rappelle donc la richesse culturelle de la
ville. Chacun a en somme un rapport plus personnel aux héritages qui ne
sont plus réfléchis en termes
d'«étrangeté» et de «familiarité»
(Loew, Pletzing, Serrier, 2006).
Un sondage a été réalisé à
Riga auprès d'étudiants et de professeurs d'université
(Aschmanis, 2007). Parmi les Lettons interrogés, 43,9% ont
répondu avoir une émotion positive face au mot Hanse et aucun n'a
répondu avoir une émotion négative. Pour 56.1% d'entre
eux, ils n'étaient pas nés à Riga. Pour 52.2% des
interrogés, la Hanse représentait l'unité culturelle et
historique de la Baltique alors que pour 5.6%, elle était le symbole de
l'expansion germanique. Cela signifie aussi que le mythe du joug allemand a
été réduit considérablement même s'il est
encore présent. A Riga, cela est d'autant plus vrai que des
communautés allemandes même restreintes demeurent autour de la
«Société des Allemands baltes » et que la langue
allemande reste la langue du commerce (Aschmanis, 2007).
3. La Hanse : un patrimoine ou une ressource
territoriale ?
3.1 De la notion de patrimonialisation à celle de
« ressource territoriale »
Les héritages matériels54 et
immatériels55 de la Hanse ont-ils fait l'objet d'une «
patrimonialisation » ? En effet, ce processus semble être un
préalable à l'utilisation d'un héritage dans une optique
de « régionalisation ». Le concept de patrimoine entretient un
lien étroit avec le concept de territoire. Or l'élément
territorial fait partie des quatre éléments qui pour Paasi sont
constitutifs d'une région56(Paasi, 2001).
La patrimonialisation peut se définir comme la
reconnaissance sociale et / ou politique de la fonction patrimoniale d'un bien,
se traduisant généralement par sa protection. Di Méo
53 La Hanse devenant une époque de pluralisme
culturel où les Allemands sont un peuple parmi d'autres
54 Monuments, vieilles villes issus de l'histoire
hanséatique
55 Mythe reconstruit depuis le XIXe siècle
56 Paasi distingue un fond symbolique ou
symbolic shape, un fond institutionnel ou institutionnal shape,
une conscience régionale ou regional consciousness et un fond
territorial ou territorial shape
19
définit ainsi le processus : « Le passage
générationnel implique tout de même un minimum de
sélection. La formulation de ses règles obéit à une
procédure assez classique de construction sociale. C'est leur
définition et leurs modalités d'application, mais aussi celle des
procédures de sauvegarde, de conservation et de valorisation des
patrimoines que nous appellerons, dans ces pages, processus de
patrimonialisation»57.
L'auteur attribue six étapes principales à la
patrimonialisation dont la première est la prise de conscience
patrimoniale (Di Méo, 2007). La deuxième est marquée par
des jeux d'acteurs dans un certain contexte. Il n'existe pas de processus de
patrimonialisation sans acteurs collectifs ou individuels. Mais ceux-ci ne
peuvent rien sans un minimum d'idéologie ambiante, favorable à
l'intervention patrimoniale. La troisième étape est la
sélection et la justification patrimoniale. La justification
patrimoniale consiste en un mode de discours sur les raisons présidant
au choix de tel ou tel objet patrimonial : la patrimonialisation raconte une
histoire, mythique ou historique et vise à valoriser une séquence
passée de la vie sociale58 dans un but d'édification.
Pour Di Méo : « Il est bien évident qu'un tel genre
narratif participe activement à la construction sociale (...) Il se
prête également à merveille à d'innombrables
manipulations. C'est un vecteur important d'idéologies
»59. Ce point est également étudié
par Michel Rautenberg60 : le projet institutionnel
sélectionne et transforme la mémoire lors de l'opération
de métamorphose en patrimoine. En décontextualisant l'objet
patrimonial, la patrimonialisation construit, entre un groupe social et son
passé mis à distance une relation souvent mythique mais
néanmoins créatrice de lien social. Suivent ensuite, pour achever
un processus de patrimonialisation, les trois dernières étapes de
la conservation, de l'exposition et de la valorisation des patrimoines.
Ces quatre dernières étapes font le lien entre
territoire et patrimoine (Di Méo, 1998). Le territoire pour exister a
besoin de la médiation des valeurs patrimoniales. Il contraint les
hommes à médiatiser leurs rapports aux lieux par la
multiplication d'outils qui sont aussi bien des savoirs, des formes de relation
humaine que des objets. Françoise Choay, évoquant la ville dit
qu'elle a toujours « joué le rôle mémorial de
monument, (...) objet qui possédait le double pouvoir d'enraciner ses
habitants dans l'espace et dans le temps ». 61 Ce passage
du patrimoine au territoire est permis par une proximité de sens : pour
la patrimonialisation comme pour la territorialisation, le groupe qui se
l'approprie (le territoire ou le patrimoine) non seulement en comprend la
signification mais s'identifie avec lui (Di Méo, 1998). Mais la
patrimonialisation n'est pas l'apanage des populations résidentes et les
étrangers sont souvent à l'origine des phénomènes
de patrimonialisation (Gravari-Barbas, dir.,
57 DI MEO, G., (2007), « Processus de
patrimonialisation et construction des territoires », Colloque 12-14
septembre 2007, Poitiers-Châtellerault, pp.2
58 Il s'agit de montrer la grandeur des populations
passées, de choisir une séquence glorieuse de l'histoire
59 DI MEO, G., (2007), ibidem, pp.12
60 RAUTENBERG M (2003)., La rupture
patrimoniale, Grenoble, Editions A la Croisée, 173 p.
61 CHOAY, F. (1992), L'allégorie du
patrimoine, Paris, Editions Seuil, pp.140
20
2005). Ce sont les acteurs qui font la médiation entre
patrimoine et territoire. La patrimonialisation est donc la rencontre entre une
appropriation sociale de l'espace (territorialisation) par la médiation
du patrimoine et une stratégie d'acteurs issus de différents
milieux62. Cette dernière serait pour certains auteurs
à la naissance même du territoire : l'espace serait la
réalité matérielle préexistant à toute
connaissance et à toute pratique dont il serait l'objet dès qu'un
acteur manifesterait une visée intentionnelle à son égard.
Une fois que l'espace serait l'objet d'un projet d'appropriation de la part
d'un acteur (individuel ou collectif), il deviendrait territoire. Mais le
projet ne suffirait pas à rendre l'espace territoire. Ce projet devrait
adopter la forme d'une stratégie qui n'est autre chose qu'une succession
de tactiques en vue d'atteindre un objectif donné. (Raffestin, 1980).
Le terme qui décrit le mieux l'élaboration de
cette stratégie des acteurs dans un projet et une dynamique de
territoire autour d'un objet patrimonial est le terme de « ressource
». Une « ressource » est une richesse potentielle ou ce qui sert
à produire des richesses. Elle n'a pas de valeur en elle-même mais
en acquiert si elle est perçue comme ayant une valeur d'usage par les
acteurs et/ou par la société. Une « ressource patrimoniale
» est une ressource « patrimonialisée » ou un patrimoine
érigé en ressource. Maria Gravari-Barbas montre bien par des
expressions comme « vague patrimonialisatrice »63,
l'expansion du patrimoine et sa marchandisation : réinvesti de valeurs
symboliques, identitaires, sociales, le patrimoine n'en est pas moins devenu
une véritable industrie gérée par des acteurs hautement
spécialisés (Gravari-Barbas, 2005)
Dans un contexte territorial, le mot ressource a un sens
essentiel et amène à l'idée de « ressource
territoriale » (CERNOSEM, 2004). Une ressource territoriale
présente des caractéristiques spécifiques à un
territoire et est liée à un espace particulier, à sa
culture et à son histoire car elle est la découverte et
l'actualisation d'une valeur latente du territoire, matérielle ou
immatérielle, par une partie d'une société humaine qui la
reconnaît et l'interprète comme telle à l'intérieur
d'un projet de développement local. Elle sert à l'identification
du territoire par le choix d'un « Marqueur territorial ».
Le « Marqueur territorial » peut être
perçu comme une ressource territoriale dans la mesure où il
permet à un groupe social de développer son territoire. Une fois
que ce groupe révèle ce marqueur, l'aménage, le met en
valeur et/ou créé du discours sur lui, le marqueur permet en
retour de conférer une image au territoire le différenciant des
autres. C'est par ses marqueurs que le territoire « dessine un champ
symbolique semé d'objets patrimoniaux, de hauts lieux
emblématiques, investis par la mémoire collective
»64. Le marqueur est un des outils de l'identité
collective caractérisée par un discours que les groupes tiennent
sur eux-mêmes et sur les autres pour donner sens à leur
existence.
62 Pour Maria Gravari-Barbas (2005),
l'enchevêtrement des acteurs qui produisent du patrimoine s'est
compliqué depuis les années 1990
63 Denis Chevalier reprend ce constat en reprenant
l'expression de Marc Guillaume, économiste, « Tout devient
patrimoine »
64 GARNIER E., (2004), «Une
contribution à l'approche du territoire et de la ressource territoriale
: le cas du marqueur territorial, notamment pour les populations
déterritorialisées », in : CERNOSEM, (2004), « La
notion de ressource territoriale », Grenoble, Montagnes
Méditerranéennes, N°20, pp. 28.
21
L'enjeu identitaire est étroitement lié au
patrimoine : ce dernier renvoie à l'identité et à la
mémoire des groupes sociaux (Gravari-Barbas, 1996). Le patrimoine permet
aussi un transfert de valeur de la ressource aux individus qui y sont
associés.
Or dans ce processus, la ville joue un rôle majeur :
« La plupart des identités affichent une composante
géographique (...) Elles s'expriment donc, souvent, par ces
médiations du social et du spatial que forment les lieux, les
territoires, les paysages...Ceux de la ville s'avèrent
particulièrement aptes à jouer ce rôle, parce qu'ils
s'imprègnent d'un sens social très puissant tenant à la
forte densité humaine et mémorielle de ces espaces. En retour,
les identités contribuent activement à toutes les constructions
sociales d'espaces et de dispositifs urbains, réels ou
sensibles65 ». L'assise territoriale, campée sur
des éléments patrimoniaux visibles, renforce l'image identitaire
de toute collectivité. Elle lui dresse une scène et la pourvoit
d'un contexte discursif de justification particulièrement efficace en
ville où des lieux très denses, soigneusement et anciennement
dénommés, s'inscrivent dans une totalité territoriale
représentée, à la fois symbolique et fonctionnelle (Di
Méo, 2007). Mais la ville est aussi souvent le lieu d'un Turn
Over important (volontaire ou imposé) et c'est pourquoi, il est
possible de distinguer le patrimoine fondé sur la loi du sang (ce qui
nous vient de nos ancêtres) qui assure ainsi le rôle de ciment
identitaire du groupe par une démarche d'identification des
héritiers et le patrimoine transmis par le territoire lui-même
à un groupe qui ne se reconnaît pas dans l'héritage du
groupe créateur (patrimoine sol). C'est alors la cohésion du
groupe qui est menacée (Gravari-Barbas, 1996).
Ces notions de patrimonialisation, de ressource territoriale,
de marqueurs territoriaux seraient à première vue pertinentes
pour une étude des processus latents dans les villes hanséatiques
mais ils posent le problème majeur de la traduction : le
néologisme patrimonialisation est intraduisible en letton, en allemand
ou en polonais. Quelle est donc la vision lettone, allemande ou polonaise de
tels processus ?
3.2 La patrimonialisation, quelle application à
Gdansk, Brème et Riga ?
En français, le terme « patrimonialisation »
est fortement contesté. Certains chercheurs préfèrent le
mot de « Construction patrimoniale » ou de « Mise en patrimoine
». Voyons à présent quel est l'écho de ce terme dans
des contextes lettons, allemands ou polonais.
Au cours de nos entretiens, réalisés en allemand
ou anglais, est ressorti de multiples fois la notion d'«utilisation du
patrimoine». En Pologne, le mot patrimonialisation qui unifie, nous
l'avons vu, six étapes de gestion du patrimoine semblait éclater
en autant de termes : « adaptation à l'idéologique
nationale», «incorporation dans le développement local
contemporain de l'idée
65 DI MEO, G., « Identités et
territoires : des rapports accentués en milieu urbain ? »,
Métropoles, 1, Varia, [En ligne], mis en ligne le 15 mai 2007.
URL :
http://metropoles.revues.org/document80.html.
Consulté le 11 avril 2008.
22
hanséatique ». En Lettonie, il répondait
à la question « Comment utiliser l'héritage culturel ?
». En Allemagne, les mots « Utilisation », « Utilisation du
passé », « Hommage aux ancêtres, prise de conscience
», « Application » ou « Appropriation » étaient
souvent cités66.
Mais ces mots tournant autour de l'idée
d'utilité, ne constituent en réalité qu'une traduction du
mot patrimonialisation que nous devions expliciter en langue
étrangère. Nous sommes donc allés voir dans les textes
proposés par les personnes rencontrées sur place les mots
utilisés pour parler de patrimonialisation. En Allemagne, le mot «
Mise en Valeur »67 semble être prédominant. Il est
à prendre aussi bien au sens restrictif d'exposition (montrer quelque
chose) qu'au sens large et il est utilisé aussi pour l'activation d'un
potentiel inhérent à quelque chose, en somme sa
«valorisation »68. En Pologne et en Lettonie, deux mots
ont été donnés. Le mot polonais Udziedziczenie
formé sur la racine Dziedzictwo qui signifie
héritage, legs, hérédité a été
cité à Gdansk tandis qu'à Riga le mot Mantojums
signifiant « héritage » et le mot Mantots qui
signifie un bien ancestral paraissent important. Le mot Mantots
semble, étymologiquement, faire référence à
des biens de grande valeur (car transmis par les ancêtres). Le mot valeur
a donc été répété plusieurs fois. Mais, en
réalité, en Pologne et Lettonie, dans le discours des acteurs, le
mot patrimonialisation semble être souvent synonyme de restauration, de
réhabilitation dans une vision historique linéaire. Il faut
garder l'héritage, le transmettre et cela passe par deux attitudes :
conserver et protéger le patrimoine et faire prendre conscience en
même temps aux générations futures grâce à une
formation pédagogique du devoir de conservation en état.
En Allemagne, en Lettonie et en Pologne, le mot
patrimonialisation semble donc adopter une forme restrictive qui ne recouvre
pas les 6 étapes présentées par Di Méo. En Lettonie
et en Pologne, la mise en valeur et la notion de ressource n'est que peu
présente dans les discours sur le patrimoine qui insistent surtout sur
la conservation. En Allemagne, la patrimonialisation comprend la mise en valeur
mais s'arrête à ce stade. Le mot « patrimonialisation »
paraît donc peu approprié pour évoquer l'utilisation de la
Hanse dans un projet de région.
En revanche, les différentes étapes du processus
que Di Méo nomme « patrimonialisation » appliquées
à un héritage matériel et immatériel ont permis aux
acteurs de développer des représentations autour de «
Marqueurs » puisés dans le passé de la Hanse. Dans un
processus de « régionalisation », la création de
territoires à l'échelle de la ville va servir de relais à
ceux-ci. La
66 Adaptation and assimilation in a national
ideology, incorporation in the contemporary local development of
hanseatic idea, Wie dieses Kulturerbe nutzen ?, Die
Nützung der Vergangenheit, die Würdigung (l'hommage au
sens de prise de conscience d'un héritage, de continuité
historique, d'hommage aux ancêtres), die Anverwendlung , die
Aneignung
67 Formé sur le mot Wert qui
signifie valeur, Inwertsetzung pourrait être traduit en
français par le mot « Mise en valeur ».
68 Le mot a semble-t-il d'après nos lectures
une connotation marxiste faisant référence à sa conception
de la valeur, dictionnaire Dulden.
23
régionalisation va pourtant de fait dépasser la
simple dimension territoriale pour se fixer sur une logique de projet. Pour
François Durand-Dastès, l'espace n'est pas qu'un héritage,
il assure la fonctionnalité du présent et le passé qui lui
est incorporé devient matrice active du devenir. Chaque présent
recompose sa mémoire, et son histoire en relation avec son projet (Rey
Violette, Saint Julien Thérèse, 2005). Le processus de
régionalisation ou l'idée d'une « Nouvelle Hanse »
n'apporte-t-il pas ce projet ? Comme pour tout projet, l'acteur de la
régionalisation doit d'abord justifier, présenter, ou
représenter avant de (peut-être) réaliser son dessein.
II) La Hanse dans les représentations des
acteurs à Brème, Gdansk et Riga : les enjeux de
l'instrumentalisation d'un imaginaire
1. La « Nouvelle Hanse » : la
(re)création politique d'une région ?
Les acteurs de la régionalisation doivent donc pour
faire adhérer les populations à leur projet justifier ce dernier
par des représentations : la régionalisation comporte une grande
part de symbolique. Encore faut-il définir plus
précisément ce qu'on entend par régionalisation (Dobrot,
2004).
Les années 1980 voient le retour du concept de
région permis par la fin d'un monde bipolaire. Hubel définit une
région comme « une unité d'aspects géographiques,
politiques, économiques ou culturels et/ou une identité
régionale qui sont caractérisés par un certain
degré d'homogénéité et/ou de fonctionnalité
»69. Marko Lehti va dans ce sens mais donne à la
construction régionale la forme d'une construction politique en la
définissant comme « un processus politique où images et
truismes sont construits politiquement »70 En somme, des
particularités culturelles, économiques, géographiques et
ou des événements historiques sont choisis consciencieusement
pour imaginer sur leur base une identité temporelle et spatiale autour
de l'unité ou de la communauté (Neumann, 1994).
Hilde Dominique Engelen (Gotz, Hackmann, Hecker-Stampehl,
2006) reprend cette idée d'une origine politique de la
région71 en l'appliquant à l'exemple baltique. Les
acteurs politiques doivent fonder leurs projets sur deux éléments
: l'élément idéel (les représentations) et
l'élément réel (la pratique). Une région doit
être construite par des actes objectifs et visibles par les populations
qui y habitent mais elle est aussi un objet et un produit des discours et est
définie par des actes de langages (Neumann, 1992). Les acteurs se
mettent d'accord sur des limites pour la région au sein desquelles la
69 HUBEL, H., GANZLE, S. (2001), The Council of
the Baltic Sea States (CBSS) as a subregional Organisation for « soft
security risk management» in the north-east of Europe, Jena, Report
to the Presidency of CBSS 18.May 2001, Friedrich-Schiller-Universität
Jena, pp. 7 : «Eine Einheit geographischer, politischer, ökonomischer
und kultureller Aspekte und/oder einer regionalen Identität, die durch
einen gewissen Grad von Homogenität und/oder Funktionalität
ausgezeichnet ist».
70 LEHTI, M. (1999), « Competing or
Complementary Images : The North and the Baltic World from the Historical
Perspectives», in : HAUKKALA, H. (1999), Dynamic Aspects of the
Northern Dimension, Turku, Turku University Press, pp. 21 : «A
political process whereby images and truisms are created politically».
71 Nous sommes conscients que la façon dont
l'auteur présente la régionalisation n'est pas partagée
par tous. La région vient-elle d'en bas (de la population) ou d'en haut
(des politiques) ? En réalité, Une région est un
mélange complexe de pratiques sociales et politiques.
24
rhétorique sur la région s'insère
parfaitement. Ensuite les porteurs de cette rhétorique utilisent un tour
de magie social en s'accordant la capacité de parler de la région
car ils ont le pouvoir de créer le contexte qui rend possible son
existence. La région va être alors, peu à peu,
perçue par les populations comme naturelle et le caractère
artificiel de celle-ci ne sera plus visible. Autrefois vision, elle sera
à présent réalité et commencera à influencer
le caractère des habitants : ceux-ci utiliseront les motifs
régionaux dans leurs activités (« Régionalisation
»72) et s'identifieront avec ceux-ci (« Identité
Régionale »)73. L'identification est d'autant plus
facile dans le cas de la mer Baltique que les mers sont les sources primaires
de l'Identité (Wulff, Kerner,1994). Le processus que décrit Hilde
Dominique Engelen peut donc être transposé à l'exemple de
la Baltique où le concept de Hanse est le produit d'une politique.
Quelles sont les bases historiques de la recréation
stratégique du concept de « Nouvelle Hanse » autour de la
Baltique ? Le terme « Nouvelle Hanse » a deux sens : il
désigne toutes formes de réseaux faisant explicitement
référence à la Hanse et une organisation faisant partie de
ceux-ci nommée « Nouvelle Hanse » ou « Hanse des Temps
Nouveaux »74. L'idée d'une « Nouvelle Hanse
»75 n'est pas nouvelle mais dans les années 1980, elle
est réactivée (Grassmann, 2001). Le 31 Octobre 1978, la ville de
Zwolle lance un appel à 57 villes hanséatiques dont Bergen et
Londres rappelant que les valeurs de la Hanse sont importantes car elles
promeuvent une coopération économique qui dépasse toute
frontière. Du 23 au 27 Août 1980, elle organise les premiers
« Jours de la Hanse »76 auxquels Brème participe,
et la presse titre : « La Hanse vit à nouveau ». Lors d'une
visite des villes de Basse Saxe à Stade en 1981, l'archiviste de la
ville s'exprime ainsi : « Nos villes rassemblées sont unies
dans la conscience de la valeur de leur tradition hanséatique pour la
naissance, le développement et le futur de leurs coopérations et
sont d'accord pour garder et renforcer les éléments positifs de
leur histoire commune »77. Mais le vrai créateur du
concept de la « Nouvelle Hanse » est l'allemand Björn Engholm en
1988. L'homme, président du Land Schleswig Holstein, parmi les plus
pauvres d'Allemagne, doit construire des intérêts en mer Baltique
indépendamment de Bonn ou Berlin. (Wulff, Kerner, 1994). La structure
fédérale du pays est un atout pour cette construction. Il a peur
que sa région ne devienne une périphérie en Europe et
souligne que 20% du commerce mondial passe par la Baltique et que 70 millions
de producteurs et de consommateurs vivent dans la région. Le travail de
coopération et d'échange de compétence pourrait permettre
de concurrencer les états du sud de
72 Regionalisierung
73 Regionale Identität
74 Neue Hanse ou Hanse der
Neuzeit
75 Au sens large
76 Hansetag en allemand ou Hanseatic
Days en anglais, événement organisée par la «
Hanse des Temps Nouveaux »
77 Propos recueillis par BOHMBACH J., « Die
Neue Hanse, Mythos und Realität » in : GRASSMANN, A., (2001),
Ausklang und Nachklang der Hanse im 19. Und 20. Jahrhundert, Trier,
Porta Alba Verlag Trier, pp. 9293 : « Die versammelten Städte sind
sich einig in dem Bewusstsein des Wertes, den die gemeinsame hansische
Tradition für das Entstehen, die Entwicklung und die Gegenwart ihrer
Gemeinwesen hat, und sie sind gewillt, die positiven Elemente dieser
gemeinsamen Geschichte (...) zu bewahren und zu verstärken.»
25
l'Europe qui sont en ascension en terme économique et
touristique. Le concept d'Engholm assisté par Wulff est travaillé
par un « groupe de réflexion »78 et dans un
contexte de chute du mur à l'Est en 1989/1990, il trouve un écho
important : le maire79 de Lübeck se met à prendre des
engagements en faveur de la Hanse et Heide Simonis, le successeur de Engholm,
poursuit ce travail. (Wulff, Kerner, 1994).
Pourtant aujourd'hui, le concept de « Nouvelle Hanse
» n'est plus utilisé officiellement par les élus du
Schleswig Holstein depuis 1994 même si l'idée d'une
coopération se basant sur un fond historique est toujours latente et le
mot n'est plus employé que par les journalistes. Partout, l'idée
de la « Nouvelle Hanse » est controversée. En Scandinavie, la
Hanse est surtout synonyme de domination allemande. De plus, le
caractère iconique de l'histoire hanséatique conduit à une
perte d'authenticité historique. Thomas Hill (Grassmann, 2001) citant
Björn Engholm montre comment sa vision de la Hanse se fonde sur des
éléments historiques totalement faux : Hanse est pour lui
synonyme de démocratie patriarcale, de liberté alors qu'elle
n'était pas plus qu'une communauté d'intérêt entre
villes concurrentes. Au sein de celles-ci régnait ce que certains
historiens appellent une « Aristocratie du consentement ». Le concept
de « Nouvelle Hanse » est utilisable s'il n'est qu'une image mettant
en avant les possibilités de coopération. Aujourd'hui, les
élus veulent vider les discours sur la régionalisation des mythes
romantiques et nazis. Néanmoins, une vague avait été
lancée autour de la Baltique et l'idée de la Hanse devenait
vivante. Il est donc intéressant de se poser la question d'une
survivance de ce concept de « Nouvelle Hanse » dans les
représentations des acteurs des réseaux baltiques à
Brème, Gdansk et Riga qu'ils soient privés ou publics. Ils sont
considérés à l'échelle de la ville mais par
l'utilisation de la Hanse dans leurs stratégies, ils participent
à l'élaboration concertée ou non, consciente ou
inconsciente d'une image de la Hanse dans les espaces riverains de la mer
Baltique. Si certains coopèrent dans des réseaux, d'autres
semblent isolés mais adoptent un discours dominant. Voyons donc les
représentations (les emblèmes, l'iconographie, les discours sont
autant de représentations80) véhiculés par ces
acteurs.
Ces derniers, en effet, qu'ils soient privés ou
élus publics utilisent l'image aussi bien que le mot pour rappeler
l'époque hanséatique. Si nous insisterons surtout sur les
discours et les emblèmes portés par les acteurs sur la Hanse, il
ne faut pas omettre l'iconographie qui est un élément essentiel.
L'image du Kogge est notamment reprise par de nombreuses organisations
et acteurs privés tout comme des images rappelant un aspect maritime
(mer, vagues), la topographie de la ville (remparts ou vues de la ville), des
monuments emblématiques ou constituant de véritables
métaphores (les racines de la coopération
représentées par un arbre sur un site internet avec en sous titre
« la Hanse, racines de
78Appelé Denkfabrik
79Ou le Ministerpräsident du Land de
Lübeck
80Définition de Guérin et Gumuchian
(1985) : « Création sociale et individuelle de schémas
pertinents du réel ». Guérin, J.P. & Gumuchian, H. (Eds)
(1985). Les représentations en actes : Actes du Colloque de
Lescheraines. Grenoble, France : Institut de Géographie Alpine,
Université Joseph Fourier
26
la coopération »). Ces images sont reprises sur
des « Powerpoint » de présentation, outils de communication,
logos.
Photo n°1 : Exemples d'utilisation
iconographique de la Hanse par des organisations de coopération
régionale
A gauche, le programme des « Journées de la Hanse
» de Riga (2001) met en évidence la Maison des Têtes Noires.
Au centre, le carton d'invitation des « Journées de la Hanse de
Gdansk » arbore un Kogge hanséatique. Un même
Kogge, emblème également du « Hanse Parliament
», est intégré dans le logo d'un programme de
coopération nommé « Hansa Network ». (Images 1
et 2 remises par Jolanta Murawska lors de notre entretien, Image 3 recueillie
sur internet sur ce site :
http://www.nnu.dk/hansa/sverige.htm
(Consulté le 22 Mai 2008))
2. Les représentations des acteurs publics et la
Hanse
2.1 Les élus des institutions de la « Nouvelle
Hanse » ou la suprématie du mythe
Ces élus défendent le plus souvent les
réseaux construits sur un passé hanséatique. Ils sont
adjoints au maire, chargés des relations internationales, membres des
offices de tourisme ou élus travaillant pour l'agence marketing de la
ville, pour le département de la culture ou du développement.
Parfois, les maires eux même s'engagent dans la voie de ces
réseaux. Ces élus peuvent en être eux-mêmes membres
ou participer une fois par an aux « Journées de la Hanse ».
Afin de déterminer la position des élus
soutenant les mouvements de la « Nouvelle Hanse »81 dans
les villes de Brème, Gdansk et Riga, l'étude des discours des
délégués de chaque ville au cours des «
Journées de la Hanse » organisées par la « Hanse des
Temps Nouveaux82 en 1997 à Gdansk et en
81 A prendre ici au sens large
82 Cette organisation Die Hanse der Neuzeit
consiste en une communauté formée de 100 villes
hanséatiques.
27
2001 à Riga a été pour nous un outil
précieux. Au cours de ces journées, les élus de ces villes
mettent en scène l'idée d'une Hanse nouvelle. Riga et Gdansk
participaient à ces journées mais pas Brème qui fait
partie de peu de réseaux de coopération baltique.
Le discours de ces acteurs, utilisant la Hanse, cherche
souvent à mettre en avant l'intérêt de la
coopération à l'échelle régionale, de
l'échange de compétence entre les pays les plus avancés
(Scandinavie, Allemagne) et les nouveaux pays émergents (pays baltes,
Pologne) afin de faire face à des défis à des
échelles plus petites : la construction européenne et la
mondialisation.
L'entrée de pays comme la Pologne ou les pays baltes
dans l'Union Européenne et dans la mondialisation, ce qui suppose
d'être capable d'attirer les flux et les investisseurs, n'est pas
naturelle et a besoin d'être justifiée. La Lettonie par exemple,
après la transition de 1990, a subi une importante crise
financière (Wulff, Kerner, 1994). La devise nationale (Lats) connut une
forte inflation qui perdure jusqu'à aujourd'hui (16.8% en
2008)83. Le pays a du faire face à une minorité
russophone qu'elle a privée de ses droits de citoyenneté. En
conséquence de cette privation, pour faire valoir leurs
intérêts, certains russes ont été amenés
à recourir à la corruption. Ces éléments,
ajoutés à 45 ans de communisme expliquent l'image instable que
dégagent ces pays aujourd'hui encore. Mais ce besoin de créer des
contacts avec l'Ouest par la Hanse vient aussi de deux autres
éléments : d'abord, l'impression d'avoir été
détournés d'une Europe à laquelle ils avaient toujours
appartenu et, ensuite, la peur de revoir après 1990 les autorités
russes revenir (Jacob, 2004). Ainsi, les pays de l'ancien bloc de l'Est
voulurent tisser des liens très étroits avec l'Ouest pour que
leur crainte ne se réalise pas. La deuxième raison est la peur de
rester une périphérie dans l'Europe qu'ils veulent rejoindre et
le besoin de montrer à l'Europe la particularité et la
spécificité de la Baltique en créant une entité
régionale qui compte d'où l'initiative finlandaise de la «
dimension septentrionale » (Blanc-Noël, 2002)
Le premier défi que doit affronter une partie non
négligeable de la Baltique est donc la construction européenne.
Celle-ci suppose un respect des règles de cohérence et de
cohésion de l'UE. « La déclaration de Gdansk
»84, montre comment ce défi peut être
assumé par la construction régionale : « Les
différences économiques mais aussi sociales entre les villes de
l'Est, du centre et de l'Ouest de l'Europe sont encore très grandes.
Afin d'abattre ces différences, de la force et du temps sont
nécessaires. Pour réduire cet espace-temps, la Hanse doit, pas
seulement en capital, investir dans la Hanse et en premier lieu dans le savoir
et l'expérience » (...) les villes historiquement
hanséatiques démontrent par là leur disposition à
participer activement aux mesures prises par leurs gouvernements pour
créer les possibilités les plus rapides à une
intégration dans l'Union
Chaque année, l'ensemble des villes se réunit
pour les « Journées de la Hanse» (ce qui fait
référence aux anciens rassemblements des villes de la Hanse
historique). Cette rencontre est l'occasion pour les
délégués de chaque ville de siéger en
assemblée plénière. Mais c'est aussi une véritable
fête populaire.
83 Article du Monde « Les pays baltes font le
deuil de leur " miracle économique " », Le Monde, Mardi 22
Avril 2008.
84 Document produit pour les « Journées de
la Hanse » de Gdansk et signé par toutes les villes en 1997
28
Européenne. »85. La Hanse
n'offre pas seulement des moyens de rejoindre l'Europe mais également
une légitimité à rentrer dans l'Europe. Il s'agit de
rappeler l'esprit de la Hanse, sa vocation à la liberté, au
capitalisme ou à la démocratie puis d'effectuer un transfert
passé-avenir : puisque ces villes ont un passé riche en valeurs,
elles peuvent mobiliser ces mêmes valeurs dans l'avenir. Ainsi les
acteurs insistent sur le caractère européen de la Hanse à
l'époque comme en témoigne la brochure-programme du Millenium de
Gdansk : « Danzig, une ville tolérante et ouverte,
développa une atmosphère particulière issue de la
civilisation Ouest-Européenne qui s'est formée sous l'influence
de différents éléments économiques, de moeurs et de
tendances culturelles provenant de plusieurs nationalités et religions.
Ici, se rencontrèrent et habitèrent des Allemands, des
Hollandais, des Anglais, des Scandinaves et des Français ».
L'idée que la Hanse serait un modèle pour l'Europe est
même développée dans la littérature : Hartmut
Schwerdtfeger s'interroge sur la Hanse comme Europe du
Moyen-âge86 alors que Albert d'Haenens voit dans la Hanse un
véritable moteur pour l'Europe : « Le monde de la Hanse est un
des premiers prolongements de l'Occident (...) Les mémoires
hanséatiques constituent une part indispensable à
l'accomplissement des projets européens. Car, les projets fondateurs
pour aboutir ont besoin de visées mobilisatrices. (...) C'est cela
l'objet de ce livre : évoquer en quoi l'entreprise hanséatique
est constitutive de l'originaire européen ; re-susciter, en somme, de
quoi enraciner le projet occidental »87.
Dès lors, les acteurs mettent en avant le
caractère central de leur ville à l'époque du Moyen
âge. Gdansk et Riga, accueillant diverses influences, au croisement des
routes hanséatiques, étaient au coeur de l'Europe. Par cette
même transposition passé/futur, les villes hanséatiques
deviennent centrales dans les échanges actuels. Il est ainsi possible de
rapprocher deux phrases du discours d'ouverture des « Journées de
la Hanse » de Riga mené par G.Bojars : « Au Moyen
âge, avec l'aide de la ligue hanséatique, Riga devint une
métropole régionale pour le commerce (...) Au vu de son
importance politique, Riga est à n'en pas douter la ville leader des
pays baltes »88 La tradition de tolérance de ces
villes rassure les investisseurs et leur titre de métropole,
dotée d'une situation centrale, les attire : la Hanse devient ressource
dans une stratégie métropolitaine. Gdansk met aussi en avant cet
objectif
85 Die Danziger Erklärung : «
Die Wirtschafltichen und auch sozialen Unterschiede zwischen den Städten
Ost-Mittel und Westeuropas sind noch sehr gross. Zum Abbau dieser Unterschiede
sind viel Kraft und auch Zeit notwendig. Um diesen Zeitraum abzukürzen,
sollte die Hanse nicht nur Kapital sondern auch und in erster Linie Wissen und
Erfahrung in die Hanse investieren». (...) «Die historischen
Hansestädte erklären in diesem Sinne ihre Bereitschaft zur aktieven
Teilnahme an den Massnahmen der Regierung ihrer jeweiligen Länder zur
Schaffung beschleunigter Möglichkeiten für die Aufnahme in die
Europäische Union».
86 SCHWERDTFEGER, H. (2004), Op.Cit.,
pp.123, « Hat Brüssel als politisches Zentrum der Europaïschen
Union etwas gemeinsam mit Lübeck, dem Machtzentrum der mittelarterlichen
Städtegemeinschaft der Hanse?», « Est-ce que Bruxelles comme
centre politique de l'Union Européenne a quelque chose en commun avec
Lübeck, le centre de la communauté des villes
médiévales hanséatiques ?»
87 D'HAENENS, A. (1984), L'Europe de la Mer du
Nord et de la Baltique. Le monde de la Hanse, Paris, Albin Michel, pp
419-420.
88 SPARITIS. O., (dir), (2001), Conference of
the XXI International Hanseatic Days, Riga, pp.9 : «Since the 13th
century, the city of Riga has been a signifiant centre for the integration of
the Baltic countries in the economic, political and cultural processes of
Europe» (...) «For its political significance Riga undoubtedly is the
leading city of the Baltic States».
29
comme en témoigne le discours de Jolanta Murawska,
membre du comité de pilotage ou Präsidium en 1997 :
« Le business, aujourd'hui, n'est pas motivé par des
considérations sentimentales ou historiques. Le sentiment ne peut
être qu'un argument supplémentaire quand se présente un
choix entre des offres équivalentes et des contractants
équivalents. C'est vital donc, surtout dans des pays postcommunistes de
créer une sorte d'environnement propice au business qui pourra servir
à encourager les partenaires étrangers. Cela servirait
l'intérêt des villes hanséatiques (...) qui ont toujours
des difficultés considérables à trouver des investisseurs.
Des partenaires de l'Ouest y trouveront des bénéfices en
augmentant leurs projets d'expansion dans de nouveaux marchés, dans les
futurs pays de l'UE ».89 Le contexte de globalisation
revient très souvent dans les textes des élus de la «
Nouvelle Hanse ». Lydia Coudroy de Lille montre avec l'exemple de
£ód· comment la ville dans un contexte métropolitain
cherche à retrouver ou reconstruire une identité capable
d'être mobilisée ensuite comme ressource territoriale
spécifique par les acteurs (Coudroy de Lille, 2005). Dans le monde
instable de la globalisation, en somme, seule la constitution d'une
société politique solide peut résister aux influences
néfastes et transformer les flux de circulation en atouts
économiques et culturels. La capacité d'autodéfense des
sociétés métropolitaines est essentielle. Or cette
capacité dépend de la force de leurs iconographies
(Prévélakis, 1999). L'iconographie territoriale étant pour
Jean Gottmann l'ensemble des symboles, des représentations, qui unissent
un peuple et conduisent à la définition d'un territoire,
étatique ou autre (Gottmann, 2007).
Deux questions viennent immédiatement à l'esprit
au regard de ces définitions : comment les villes de Riga et de Gdansk
peuvent trouver cette « spécificité » dont parle Lydia
Coudroy de Lille dans une patrimonialisation de la Hanse commune à
toutes les villes de la Baltique ? La ressource n'a-t-elle pas besoin
d'être complétée (l'Art nouveau à Riga,
l'Universum à Brème, Solidarnooeæ
à Gdansk) ? Pour justifier l'entrée commune dans l'UE,
certes, un projet commun régional est compréhensible mais dans un
univers mondialisé ?
Pourtant, le principe de la « Nouvelle Hanse » est
bien de monter en commun une forme d'univers culturel propre à attirer
les investisseurs pour résister ensemble à la mondialisation.
C'est autour de ce thème que se centre par exemple toute la
communication du « Hanse Parliament » qui sur ses outils de
communication montre comment l'échange de compétence et l'union
font la force dans un contexte mondialisé. Ce travail de mise en valeur
d'un univers culturel à des fins économiques dans un univers
globalisé est bien celui des agences marketing des villes.
89 Discours de Jolanta Murawska realisé lors
de l'ouverture des jours de la Hanse de Gdansk le 26 Juin 1997,
prêté par Jolanta Murawska elle-même et intitulé :
« The opportunities for working together within the Framework of the
Hanseatic League » : « Business today is not motivated by sentimental
or historical considerations. Sentiment can only be seen as an additional
argument when it comes to a choice between equivalent offers and contractors.
It is vital therefore, especially in postcommunist countries, to create the
kind of business environment which will be effective in encouraging foreign
partners. This will serve the interests of those Hanseatic towns» (...)
«which still have considerable difficulty in finding investors. Western
partners would also benefit by increasing their prospects for expansion into
new markets in the future EU countries»
30
2.2 Marketing urbain et emblèmes hanséatiques
: la Hanse et ses images
Avant de présenter les différentes
stratégies marketing auxquelles les acteurs de Brème, Gdansk et
Riga ont recours, encore faut-il définir ce que l'on appelle «
marketing urbain ».
Pour Muriel Rosemberg-Lasorne, le marketing est «
l'ensemble des moyens mis en oeuvre pour promouvoir l'image de la ville. Il
apparaît comme une démarche stratégique et comme le
résultat de cette démarche, c'est-à-dire ce que produit le
marketing : les images publicitaires, les textes promotionnels, les
événements médiatisés »90.
Elle l'associe au concept de projet de ville qui est l'ensemble des actes
volontaires de transformation de la ville, actes qui peuvent se
présenter sous la forme d'opérations urbaines d'importance qu'on
appelle « projets urbains ».
L'enjeu de cette « démarche stratégique
» est clair : dans l'espace mondialisé, espace de concurrence, il
consiste pour les villes à attirer les hommes et les capitaux pour
conforter leur croissance, à « attirer des capitaux externes et
inciter au développement d'actions culturelles, socio touristiques
adressées à différents clients cibles (entreprises,
visiteurs, nouveaux résidents, touristes) »91. Le
marketing urbain rend donc la ville « consommable » et ce dans
plusieurs secteurs dont l'économie et le tourisme où le
patrimoine culturel devient un produit standardisé disponible sur le
marché (Morvan, 2005).
Le marketing afin d'atteindre ces buts utilise un certain
nombre de moyens. La sphère symbolique est ainsi détournée
et reprise par des acteurs qui ont des représentations de l'espace
concerné. (Rosemberg-Lasorne, 1997). Cette instrumentalisation de
l'univers symbolique dans la structure même des opérations de
marketing urbain a été parfaitement montrée par
André Vant qui avait déjà choisi de parler d'images de
marque et de ses supports. Pour lui, les villes d'Europe occidentale ont
découvert qu'elles pouvaient se vendre mal ou bien et qu'elles avaient
une image négative ou positive. De là sont nées des
techniques de marketing urbain destinées à faire, de ces images,
des images de marque. L'image d'une ville est une construction qui, lorsqu'elle
a été appropriée par les politiques, reprise dans les
guides touristiques et d'autres sources, exposée au cours
d'événements sportifs ou culturels (les événements
jouent un rôle essentiel car c'est le moment où la ville se
glorifie et acquiert un éclat international) devient image de marque.
Celle-ci doit être « forte pour susciter le désir de
vivre dans la ville évoquée ou de la découvrir,
spécifique pour être concurrentielle car elle peut influencer le
choix des décisionnaires »92 Or cette image de
marque exige un support : « la mise au point d'une image de marque
urbaine (...) implique le choix d'une cible
90 ROSEMBERG-LASORNE, M., « Marketing urbain
et projet de ville : parole et représentations géographiques des
acteurs », Cybergeo, Aménagement, Urbanisme, article 32,
mis en ligne le 23 octobre 1997, modifié le 15 mai 2007. URL :
http://www.cybergeo.eu/index1977.html.
Consulté le 31 janvier 2008.
91 INGALLINA, P., JUNGYOON, P. (2005), « Les
nouveaux enjeux de l'attractivité humaine », Urbanisme,
N°344, pp.64
92 BALDINI, P., MELKA, F., « Le graphisme urbain
», Métropolis, 1975, n°1, pp.52-59
31
privilégiée et la création de
supports chargés de véhiculer les thèmes retenus pour
atteindre l'objectif fixé»93.
Certains chercheurs soulignent une différence
croissante entre cette image de marque et l'image que se font les habitants de
leur ville. En somme, l'écart serait croissant entre le marketing
à destination des décideurs urbains et celui centré sur
les habitants, leurs besoins et leurs attentes (Morvan, 2005).
En termes de marketing urbain, un léger décalage
temporel entre les villes de l'Est et celles de l'Ouest existe94.
Ainsi le processus de marketing urbain le plus abouti est visible à
Brème alors que Gdansk et Riga disposent d'outils marketing en voie de
création ou de recomposition.
A Brème, l'agence marketing de la ville95
date de 1997. Son but a été d'unifier les images et
stratégies de l'ensemble des acteurs de la ville96 et qu'ils
utilisent le même support. Les acteurs du marketing urbain peuvent
être des spécialistes des médias, des économistes,
des spécialistes des sciences sociales97, des
spécialistes de la communication.
L'image de marque de Brème se construit sur un mythe et
sur un moyen de rappeler ce mythe appelé support ou, par les
employés de l'agence de Brème, médium. Le mythe, c'est le
souvenir d'une ville « ouverte » et « particulière
»98. « Ouverte », dans le passé, aux
religions, aux bateaux de tous les horizons, la ville l'est, à
présent, à la recherche, à la science, à la
politique du savoir, aux conteneurs du monde entier. La ville serait
prête à construire de nouveaux réseaux, ouverte
internationalement et à la pointe de la technologie. «
Particulière », elle a toujours vécu comme une ville-Etat,
une république indépendante encore symbolisée par la
statue de Roland ou la mairie. Afin de mettre en avant ces deux aspects, deux
« supports » existent : l'Universum99
(représentant la ville comme centre scientifique et de recherche) et le
Kogge hanséatique, véritable messager de Brème,
ville maritime.
Le Kogge de Brème, baptisé Der
Roland von Bremen , a été utilisé deux fois par le
marketing urbain de Brème de manière spectaculaire : en 2004, il
a été transporté à Berlin, devant la
cathédrale, afin de promouvoir la candidature de Brème au titre
de capitale européenne de la culture 2010 et en
93 VANT, A. (1981), Imagerie urbaine et
urbanisation, recherches sur l'exemple stéphanois, St Etienne,
PUSE, pp.238
94 Même si les entreprises de marketing
urbain dans l'Ouest de l'Europe ne datent que des années 1970-1980.
Elles sont apparues dans un contexte de mondialisation accrue et de crise
économique : les villes cherchèrent alors un positionnement
stratégique et une image de marque chargée de battre les
concurrents.
95 Bremen Marketing Gesellschaft . La
société fait l'objet d'un partenariat et d'un financement
public/privés. Il existait un département marketing dans la ville
avant la création de cette agence sous forme de département
auprès de la mairie. L'agence est aujourd'hui à 75%
financée par la ville et à 25% par des fonds privés.
96 Office de tourisme, société
portuaire, entreprises organisant les événements. Pour
André Vant, cette unification constitue le premier niveau dans la
formation d'un marketing urbain
97 Socialwissenschaftler
98 Interview du 12/02/08 avec Jens Joost-Krüger,
responsable du marketing de la ville de Brème
99 Une sorte de « Cité des Sciences
», un musée ludique consacré aux nouvelles technologies
à la forme très design
32
mai 2007 à Cologne, ville des « 32e
Journées évangéliques allemandes »100 pour
faire la promotion du même événement à Brème
en 2009. Cette présentation du Kogge a fait l'objet de nombreux
articles dans les journaux et s'est accompagnée de ces mots : «
Brème est consciente de ses traditions et innovatrice,
hanséatique et cosmopolite, protestante et ouverte au monde ».
L'utilisation du Kogge au cours d'événements
médiatisés va beaucoup plus loin que ce que l'on pourrait penser.
Le Kogge suscite l'attention, permet d'attirer public et média.
Or lorsque l'attention du public (venu découvrir un objet à la
fois fascinant et rare, impressionnant et chargé en émotion) est
là et que les media sont aussi présents, la ville peut
communiquer sur ce qu'elle souhaite, même sur des sujets assez lointains
de l'ouverture hanséatique, le Kogge ne devenant qu'un
prétexte. Ainsi au cours des Journées évangéliques
de Cologne, la ville a communiqué sur son potentiel en termes de
technologie, d'aéronautique101. Attirer investisseurs et
clients et conquérir des marchés sont bien les finalités
dernières. Le Kogge est un support de communication, un
emblème et une marque de fabrique tout comme Hambourg et son port,
Berlin et la tour de Brandebourg, Munich et l'Allianz Arena,
Brème expose son Kogge. Le Kogge rappelle le
passé hanséatique de la ville en fait sa
spécificité, et devient ressource.
Mais il ne peut être le seul élément d'un
marketing urbain à Brème car le Kogge n'a de sens que
dans les pays où la Hanse est connue, soit sur le pourtour de la
Baltique. Même le sud de l'Allemagne connaît mal la Hanse.
Voilà pourquoi l'Universum tient une place importante dans le
marketing de la ville.
L'agence marketing de Brème n'a aucune relation avec
les organismes et institutions de restauration et ne s'est pas
intéressé à l'histoire du Kogge, comme elle le
dit elle-même. Ce qui l'intéresse, c'est d'instrumentaliser et de
détourner le support de son contexte (une rupture patrimoniale ?). C'est
pourquoi sur le schéma joint en annexe, nous avons isolé cet
acteur de l'acteur «Service de restauration des monuments historiques
»102 . De plus, un outil peut agir sur l'héritage
hanséatique afin de remplir des objectifs mais en même temps aller
à l'encontre d'autres objectifs. Ainsi l'utilisation du Kogge
nuit à la diffusion d'une éducation historique en
entretenant une image fausse historiquement même si cette forme de
marketing comme d'ailleurs les événements autour de la
Hanse103 pourrait donner envie à une population de relire son
histoire dans les livres. A Brème, la population est prête
à accueillir ce passé, car elle en est fière.
A Gdansk et Riga, l'expérience du marketing est plus
récente. Gdansk connaît une agence marketing en cours de
composition mais nous n'avons pas pu obtenir d'entretiens ni plus
d'informations. L'agence marketing de Riga existe depuis 2004. Elle a pris les
fonctions du département de la mairie chargé du
développement. Là encore, le but est de trouver une
stratégie commune à tous les acteurs pour rendre la ville plus
attirante et plus cohérente. Riga, qui avait gardé
100 32e Deutsche Evangelische Kirschentag
101 L'entreprise EADS est fortement implantée à
Brème
102 Landesamt für Denkmalpflege
103 Interview du 18/02/2008 avec Ilgvars Misans, professeur
d'histoire à la faculté d'histoire de Lettonie, docteur.
33
comme symbole un ancien fanion de la ville, a lancé un
processus de concertation pour renouveler son emblème. Elle a
réuni à cet effet les départements de la culture, du
développement et du transport, des experts historiens, des personnes du
musée de l'histoire et de la navigation, et une commission sur
l'utilisation de la symbolique. Le cahier des charges104
prévoie que le nouveau symbole ait une assise historique. A l'heure
actuelle, la symbolique de la ville n'est pas encore
unifiée105
La ville de Riga célèbre la Hanse surtout
à l'occasion des « événements »106
comme les « Journées de la Hanse». Elle y envoie alors trois
employés de l'agence marketing et deux de l'office de tourisme. Le
marché médiéval est l'occasion de vendre les produits de
la ville : du fromage, de la bière. La ville envoie des groupes
culturels. De plus, depuis 2006 et les « Journées de la Hanse
» d'Osnabrück, des séminaires et des conférences ont
lieu ce qui permet un réel échange d'expérience (en termes
d'innovation, de transports publics, de services des téléphones
mobiles). Elle a aussi participé aux « Journées de
l'économie » à Hambourg.
Dans tous ces événements, Riga se montre, me
semble-t-il, « hanséatique », coordinatrice des villes de
Lettonie, ville de 800 ans, pont entre l'Est et l'Ouest, parfaitement
située : un paradoxe pour une ville qui a connu tant de ruptures et
où la Hanse a si peu de place dans le coeur des habitants. Peu importe,
le mythe de la Hanse est dégermanisé ou
banalisé107, vidé de son contenu, et il n'est plus
qu'un contenant prêt à accueillir toutes sortes de formes. La
Hanse est un mot derrière lequel on peut tout cacher :
stéréotypes, clichés. On peut même y placer des
éléments qui n'ont rien à voir avec l'histoire ou
promouvoir les produits agricoles lettons. La Hanse devient une image
montée artificiellement pour l'extérieur, pour les investisseurs
allemands, pour les touristes allemands ou danois : peu importe si elle
n'emporte pas l'adhésion à l'intérieur de la ville. Le
principal est que le cadre soit suffisamment vague pour être rempli par
les représentations que l'on souhaite transmettre à
l'extérieur. Les habitants finiront bien par s'accoutumer à cette
image construite pour les partenaires extérieurs et capable d'accueillir
leurs propres représentations. Cela explique que Riga parvienne à
attirer les investisseurs allemands malgré un mythe de la Hanse
dégermanisé ou atteint par des mythes nationalistes : les
Allemands calquent leur propre vision de la Hanse sur celle qu'on leur propose,
celle d'une Hanse libérale, entrepreneuriale.
De toute façon, et nous le verrons, alors qu'à
Riga et Gdansk, l'image de la Hanse est la plus fragile (du fait de ruptures
historiques), ces villes sont celles qui paradoxalement en ont le plus besoin.
Elles doivent en effet tout justifier (l'entrée dans l'UE...).
Brème, en revanche, peut se passer de la
104 Interview du 21/02/2008 avec Evija Kotlere, cadre à
l'agence marketing de la ville de Riga
105 Le département de la culture n'utilise pas le
fanion mais les mots City of Inspiration et un panorama vu de la
rivière montrant les différents clochers de la ville
106 Dont nous avons souligné toute l'importance
107 L'Allemagne fait partie des multiples pays qui ont
participé à la Hanse ce qui explique que le terme soit si bien
accepté par les populations de Gdansk et de Riga, en somme sous
influence du mythe de la multiculturalité.
34
Hanse et comprend, parmi ses élus, de nombreux
réticents (presque plus qu'à Gdansk et Riga) à
l'idée de « Nouvelle Hanse » alors même qu'elle est
très vivante dans la ville108.
Ces considérations expliquent qu'à Brème,
ville mondiale avant d'être baltique les acteurs se
désintéressent de la Hanse et qu'à Riga et Gdansk,
certains dénoncent un outil inadapté.
2.3 Les élus partisans du pragmatisme ou le principe
de réalité
Un certain nombre d'élus des villes de Gdansk,
Brème et Riga sont sceptiques quant à un quelconque discours
utilisant la mythologie hanséatique. Ils sont élus au conseil du
Land, au Sénat, à la mairie, ou au sein du Voïvodie. Deux
arguments principaux sont convoqués par ces acteurs : le manque de
visibilité du mot « Hanse » et le caractère
périphérique des villes hanséatiques dans un contexte
européen ou mondial.
Le premier argument de ces élus est le manque de
visibilité du mot Hanse. Il faut prendre ici le mot visibilité
dans tous ses sens : la Hanse ne serait pas visible dans la ville et son sens
n'apparaîtrait pas comme évident.
Ainsi à Gdansk et à Riga, certains
spécialistes et élus109 affirment que la Hanse ne
serait pas un héritage qui aurait une trace dans le développement
contemporain de la ville. Le nom de « Hanse » serait peu
utilisé y compris pour le patrimoine et l'on préférerait
parler d'âge d'or du développement de la ville, de traditions
historiques. La Hanse ne serait plus qu'un élément
décelable dans le style de l'architecture, dans le paysage urbain et
dans le pouvoir économique représenté par ce paysage. Si
la Hanse serait si absente de ces villes, c'est qu'elle ne pourrait pas
être à la base d'un nouveau développement de celles-ci :
l'efficacité même du concept de Hanse dans le domaine de l'action
est mise en question. La « Nouvelle Hanse » peut certes être
une bonne idée mais elle mérite d'être
matérialisée : or, est ce que les entrepreneurs, investisseurs
partagent l'opinion que l'histoire peut jouer un rôle important, ont-ils
le souvenir de ce qu'était la Hanse autrefois ? Cet avis est
partagé par Peter Oliver Loew. Pour lui, la Hanse si elle a un sens dans
les pays de la Baltique laissant ainsi apparaître un horizon et une
sensibilité pour l'espace historique, ne doit pas être
surestimée : elle est un capital symbolique pour les villes et
régions qui ont appartenu à la Hanse historique. Mais ce capital
doit être validé par des actes. Il prend l'exemple de Gdansk : la
Hanse serait trop présente dans la ville qui aurait souffert de sa
mythologie. La ville des narrations n'est pas la ville où l'on vit.
La
108 Cette réticence risque à terme de mettre en
danger l'effervescence du mythe de la Hanse dans la ville car c'est par
l'emploi que se construit l'habitude (c'est sans doute l'emploi qui a aussi
construit une forme d'habitude à Gdansk et Riga) et donc la mythologie.
En somme, le couple représentations/pratiques fonctionne dans les deux
sens.
109 Interview du 24/10/07 avec Iwona Sagan, maître de
conférences et du 29/10/2008 avec Ewa Jagodzinska, élue,
responsable du service de la coopération internationale auprès de
l'office du maréchal du Voïvodie de Poméranie. Interview du
20/02/2008 avec Zaiga Krisjane, maître de conférences à la
faculté de Géographie de Lettonie
35
rhétorique politique n'engendrerait aucune dynamique,
pire, elle comblerait un manque de développement. Il serait facile pour
les politiques de rappeler un passé glorieux qui éviterait une
remise en question, comblerait un manque et cacherait de vraies questions sur
la nécessité d'un plan urbain ou d'infrastructures de transport.
Cette supériorité d'une sphère symbolique expliquerait que
l'ancienne Danzig possédant de nombreux atouts soit en stagnation
économique face à des villes telles Poznañ, Wrocaw ou
Varsovie au « coeur de l'Europe » qui auraient su développer
une conscience citadine.
A Brème, les élus110 soulignent
également l'inutilité des rencontres hanséatiques,
qualifiées de « rencontres folkloriques ». Ce serait en somme
une réunion de maires aimant à se retrouver une fois par an.
Certains élus ont même été « irrités
» que le débat tourne autour du passé hanséatique
lors de nos interviews. En effet, Brème voulant défendre l'image
d'une ville à la pointe de la technologie111souhaite le faire
en tournant le dos au passé hanséatique perçu comme
désuet : la ville a d'ailleurs rédigé un document
récemment afin d'expliquer les raisons pour lesquelles elle refusait
depuis 8 années de participer aux « Journées
Hanséatiques » : celles-ci n'aboutissent pas sur des pratiques
économiques même si des forums sur le thème de
l'économie ou du commerce sont organisés pendant les
festivités et les entreprises les plus importantes pour la ville ne
participent pas à ces forums. Brème organiserait elle-même
des forums économiques qui seraient plus utiles pour construire des
partenariats à l'international et non pas seulement à
l'échelle régionale. Les échanges entre les villes
baltiques dès 1970-1980 ne se seraient d'ailleurs pas construits
principalement sur le thème de la Hanse mais sur d'autres thèmes
essentiels. Les réseaux dans lesquels Brème est active ne
feraient pas en majorité référence à la Hanse et ne
concerneraient pas forcément des régions hanséatiques. En
somme, les rencontres hanséatiques n'auraient de sens que d'un point de
vue touristique or les touristes ne viennent pas à Brème pour les
monuments hanséatiques finalement assez rares mais pour
l'Universum, ou pour le Kunsthalle112. La Hanse
aurait un impact plus important dans les petites villes, qui se raccrochent
à cet héritage comme à une ressource, susceptible de
favoriser leur développement.
A Brème, Gdansk et Riga, l'aspect trop flou du concept
de « Hanse » est également souligné113. A
Gdansk, les acteurs dénoncent la liste des villes de l'organisation
« Hanse des Temps Nouveaux» qui s'allonge d'année en
année et qui ne correspond plus précisément à une
carte médiévale. En réalité, la carte de
l'organisation occupe peu à peu l'ensemble de l'aire de drainage de la
mer Baltique, prenant en compte toutes les villes situées sur la Weser,
sur l'Elbe ou sur la Vistule. Cela n'aurait rien à voir avec
l'idée originale de la Hanse historique consistant à créer
un réseau économique autour d'un intérêt commun : la
sécurité du transport des marchandises. Aujourd'hui, la
110 Interview du 08/02/2008, avec Andrea Frohmader,
chargée des relations internationales auprès du Senatkanzlei
qui nous a parlé de son travail avec les élus du
Senatkanzlei
111Grâce notamment à son secteur
aéronautique
112 Musée d'art de la ville
113 Par les mêmes acteurs
36
Hanse serait plus politique qu'économique et chaque
membre d'un réseau de coopération aurait une idée
différente de sa possible application. Un article du « Berner
Zeitung » en vient à poser la question « Qu'est-ce donc
qu'une ville hanséatique ? »114.
Les élus s'opposent également à une
utilisation intempestive de la Hanse car la région qu'elle recoupe
serait aujourd'hui périphérique.
A Gdansk, on parle de l'impossibilité d'être fier
de s'affirmer comme périphérique115. En effet, pour
l'Union Européenne dont le centre économique se situe dans la
Dorsale, la Baltique est une périphérie. Avec
l'intégration de 2004, les centres économiques pour les villes
étudiées ont changé et d'autres aires économiques
que la Baltique sont apparues. Le projet baltique doit être
considéré à présent à égalité
avec d'autres projets internationaux, européens ou non, dans un contexte
mondialisé. Ainsi ces acteurs insistent sur la présence, à
Gdansk, d'investisseurs indiens, américains, japonais, français.
Le nouveau port conteneurs de Gdansk, actuellement en construction a
été financé par des anglais et australiens à
hauteur de 250 000 000 d'euros116. De plus, dans un monde
globalisé, Gdansk doit être compétitive et elle est, pour
cela, en concurrence avec Brème ou Riga. Si la coopération entre
les villes peut être administrative, économiquement, c'est la
concurrence qui domine. Mais la compétition se fait aussi à
l'échelle des pays. Or dans cette course à la
compétitivité, la Baltique n'est pas forcément une
solution viable pour les exportations polonaises hors de la Baltique : Une
entreprise située à Poznañ ou à Cracovie
préférera rejoindre Hambourg en 2 jours de transport car le
réseau polonais est encore assez lent (même si celui-ci
s'améliore) sachant que le réseau allemand est très rapide
plutôt que de passer par Gdansk avec des détroits danois
ralentissant encore un peu plus le temps de trajet.
A Riga, le discours est le même et les élus
arguent de relations avec la Chine et l'Afrique du Sud. L'Europe
n'apparaît d'ailleurs que comme un but parmi d'autres.
Même constat à Brème : le réseau
européen est privilégié face au réseau baltique et
la ville cherche à conformer ses thèmes aux thèmes
européens et non aux motifs hanséatiques. Or est-ce bien vu au
temps de la mondialisation de faire référence à des
particularités régionales ? La ville a construit des relations
avec la Chine, avec l'Amérique ou avec Toulouse sur le thème de
l'aéronautique et, dans ces réseaux mondiaux, la Hanse
apparaîtrait là encore comme périphérique surtout
depuis la guerre de 1939-1945 qui aurait complètement modifié
l'ensemble du système économique.
Trois conclusions possibles peuvent être tirées, me
semble-t-il de ces discours.
Il est d'abord frappant de remarquer que les arguments
développés par ceux qui se disent contre le concept de la «
Nouvelle Hanse » sont les mêmes que ceux qui revendiquent ce
même
114 « Was bitte ist eine Hansestadt? »
115 Mêmes acteurs
116 C'est le plus grand investissement à Gdansk
37
concept. La seule différence est qu'ils sont
retournés : la Hanse irait contre l'attraction des investisseurs et
contre les logiques européennes. Alors que les élus de la «
Hanse des Temps Nouveaux » pensent une Hanse permettant
l'intégration européenne et l'attraction des investisseurs par la
coopération, les élus allant contre cette idée, opposent
Europe et Hanse, limitant la Hanse à la Baltique et montrant comment la
référence historique peut empêcher un ancrage à
l'Ouest.
Le deuxième élément qui peut être
relevé de cette analyse est l'importance d'une réflexion spatiale
dans l'étude de la mythologie hanséatique. L'espace est au coeur
des débats sur le concept de Hanse chez les deux partis. Chaque acteur a
une vision de la Hanse qu'il défend. L'espace sert à montrer le
manque de clarté du terme Hanse117, il est utilisé par
les acteurs pour mettre en évidence le caractère
périphérique ou central des réseaux hanséatiques
renouvelés dans les réseaux européens. Mais dans ces
raisonnements, à aucun moment, une carte de l'ancienne Hanse n'est
utilisée. Tout se fait selon une appréciation mentale de la
Hanse. Pour certains, elle se limite à l'espace maritime baltique et
l'espace qu'elle représente est donc périphérique. Pour
d'autres, elle est prise selon une acception large, englobant l'Angleterre, les
Pays Bas, la France118 , la Belgique et ses principaux axes
apparaissent donc centraux dans une Europe élargie.
Enfin, au-delà de l'espace recouvré par la
Hanse, le caractère même spatialisé ou non du mot Hanse
dans les trois villes est essentiel. A Brème, le mythe de la Hanse est
très peu spatialisé119. On utilise le concept de Hanse
comme l'affirmation d'une valeur individuelle liée à la
dénomination Hanseat : des entrepreneurs de Hambourg
travaillant à Singapour120 pourront être
qualifiés de Hanseaten. Or l'aspect spatial du mythe de la
Hanse, c'est bien la Baltique en tant que mer mais aussi la région
baltique, à prendre au sens large des espaces riverains de la mer
Baltique. Il en est de même à Gdansk, où le mythe de la
Hanse est associé à la multi-culturalité, non à
l'espace baltique. Là encore, la Hanse est déspatialisée.
En revanche, à Riga, le mythe garde sa teneur spatiale. La Hanse est
l'époque où Riga se trouvait au coeur des relations Est/Ouest et
constituait la métropole de la Baltique de l'Est. Or c'est cette place
qu'elle brigue aujourd'hui. La ville s'ouvre donc à l'espace baltique.
Ces éléments montrent comment un mythe hanséatique peut
être vivant dans une ville sans que celle-ci place la Baltique au coeur
de sa politique (Brème en est un exemple frappant).
Ces éléments sont aussi à rapprocher
d'une situation : Brème est proche du coeur de l'espace européen,
des grands ports de la « Northern Range » et est situé en mer
du Nord de l'autre côté des détroits danois. Quant à
Gdansk, elle est relativement proche de la frontière allemande. Ces deux
villes peuvent plus facilement « tourner le dos » à la
Baltique et donc à la Hanse que Riga.
117 Par une extension spatiale trop grande des admis dans le
réseau de la «Hanse des Temps Nouveaux»
118 La « Hanse des Temps Nouveaux » voulait inclure la
Rochelle dans les villes hanséatiques
119 Sauf à l'époque nazie pour justifier
l'idéologie hitlérienne de l'espace vital.
120 Donc assez loin des côtes hanséatiques
38
3. Les représentations des acteurs privés
et la Hanse
3.1 Le mot Hanse dans le nom des entreprises et des
commerces
A Riga, une boulangerie portant le nom Hanzas et une
banque au nom de Hansabanka (photos prises par Nicolas Escach, le 22
Février 2008).
Photo n°2 : Le mot « Hanse » à
Riga.
Les acteurs publics n'ont pas le monopole de l'utilisation de
la mythologie hanséatique et de nombreux acteurs privés sont
également les porteurs du concept de « Nouvelle Hanse »
En se promenant dans les rues de Brème, Gdansk ou Riga,
on constate que la Hanse est partout. Elle s'affiche sur les devantures des
commerces et des magasins : une pharmacie nommée Hanseaten Apotheke
à Brème, une boulangerie Hanzas ou une banque
Hansabank à Riga, un hôtel de luxe nommé Hanza
Hotel à Gdansk. Les entreprises adoptent également des noms
rappelant le passé hanséatique comme en témoigne
l'entreprise de management maritime Hanseatic Lloyd à
Brème.
Cette profusion de noms faisant référence
à la Hanse est bien visible dans les pages jaunes de l'annuaire de
Brème : presque deux cents références y déclinent
l'ensemble des dérivés du mot Hanse121 : Hansa
, Hanse, Hanseat, Hanseaten,
Hanseatic, Hanseatische, Hansen. Les mots
Hanseatisch et Hansa sont les deux termes les plus
employés. La référence à la Hanse est souvent
appliquée à des entreprises ou commerces ayant un lien de
parenté avec l'époque hanséatique. Le mot est aussi bien
employé dans le secteur tertiaire que secondaire même si le
tertiaire est majoritaire. Des entreprises de transport, d'import/export, de
management, liées à des activités utilisant l'eau
(Hanse Wasser Bremen GmbH) ou à des activités portuaires
sont nombreuses à l'utiliser. A Brème, le terme étant
associé à une tradition d'entreprenariat et de
libéralisme, les atouts du capitalisme sont eux aussi
121 Exemples : Hansa Hausgeräte-Service GmbH,
Hanse-Merkur General Agentur, Hanseat Reisebüro GmbH, Hanseaten
Naturprodukte GmbH, Hanseatic Agrar und Baustoffhandel GmbH, Hanseatische
Facility Management GmbH
39
affublés du mot Hanse : les banques, les entreprises
financières, les assurances. L'aspect architectural de la Hanse n'est
pas à négliger et les entreprises immobilières peuvent
aussi tirer parti de la « Hanse des villes ». De nombreuses
entreprises liées au tourisme arborent également le nom
(croisières, agences de voyage). Malgré certains rapprochements
possibles, de multiples boutiques et entreprises semblent dans leurs
activités bien loin de la réalité hanséatique.
Certes, la Hanse était une période au cours de laquelle
fleurissaient de nombreux artisans, mais comment trouver un rapport entre le
commerce hanséatique et une boulangerie, une entreprise fabriquant des
engins agricoles ou un magasin bio ?
Cette profusion insensée du mot Hanse est
également décrite dans la littérature comme par Mikelis
Aschmanis qui parle de Riga à l'époque hanséatique comme
d'un lieu sûr et bien développé avec des règles de
marché stables, image qui est reprise par un grand nombre de
sociétés dans la ville (Aschmanis, 2007). Thomas Hill fait le
même constat pour le cas de Brème montrant la continuité
entre l'après guerre, symbole du miracle économique allemand, et
la période actuelle : « La Hanse était et est encore
synonyme de force créatrice entrepreneuriale et marchande, de
solidité, de sérieux comme de nombreuses firmes et entreprises
qui utilisent le mot « Hanse » ou « Hansisch » le montrent
: l'entreprise d'assurance «Hanse Merkur
»...»122. Ces auteurs nous invitent à parler
d'un « écho positif » du mot Hanse.
3.2 Pourquoi peut-on parler d'un « écho positif
» du mot Hanse ?
Pourquoi une entreprise ou un commerce à Brème,
Gdansk et Riga choisit-il le mot Hanse ?
La première raison de ce choix, est que ces entreprises
peuvent bien sûr être situées dans des rues portant le nom
Hanse123 ou être situées dans un ancien quartier
hanséatique. Ces boutiques ou entreprises peuvent être aussi la
propriété d'Allemands ou de Suédois (c'est le cas de la
Hansabank dont l'actionnaire majoritaire est suédois).
La deuxième raison est que le mot Hanse, lorsqu'il est
repris par une entreprise ou un commerce devient un « label » qui
peut être le signe d'une meilleure qualité ou d'un travail
sérieux. Mais il a surtout un impact chez le consommateur/client. Pour
Peter Oliver Loew124, la Hanse est un nom intéressant pour
les entreprises car il est connoté très positivement mais est en
même temps suffisamment vague pour que le consommateur, le client puisse
mettre en liaison avec ce nom sa propre analyse, sa propre
représentation et son imagination individuelle. En somme, le nom sonne
creux, peut tout vouloir dire, peut donc être utilisé de multiples
façons, et peut susciter chez le consommateur toutes sortes de
représentations. C'est aussi vrai pour les commerces. Dans des villes
122 HILL., T « Vom öffentlichen Gebrauch der
Hansegeschichte », in : GRASSMANN, A., (2001), Op.Cit., pp.87:
«Hanse war und ist geradezu ein Synonym für kaufmännische und
unternehmerische Leistungskraft, Solidität und Seriosität, wie die
zahlreichen Firmen und Produktnamen zeigen, die das Wort «Hanse» oder
«hansisch» enthalten, z.B. das Versicherungsunternhemen
«Hanse-Merkur»...»
123 Interview du 20/02/2008 avec Zaiga Krisjane, maître de
conférences
124 Echanges de mail du 28/02/2008 avec Peter Oliver Loew
40
42
touristiques comme Gdansk et Riga, il se peut que, la
clientèle allemande ou danoise soit visée. Peteris Blums rappelle
qu'un pain d'une boulangerie Hanzas sera préféré
des Allemands face à un pain d'une boulangerie portant un nom letton,
inconnu. Ce propos peut être corroboré avec la situation des
magasins et des boutiques portant le nom Hanse. On en trouve dans les vieux
centres, dans les gares (la boulangerie Hanzas est située dans
la gare de Riga), les aéroports et de nombreux hôtels utilisent le
mot Hanse également125. Ces lieux sont les lieux
d'arrivée et de départ des touristes.
Le mot Hanse a un troisième avantage126.
Lorsqu'on crée une entreprise, il faut à la fois attirer
l'attention des clients mais aussi adopter un nom qui soit une véritable
« marque de fabrique ». Ce nom doit tout de suite dire et montrer
d'où vient l'entreprise, il doit ancrer l'entreprise dans son
environnement, ou dans l'espace. Or le mot Hanse est lié à
l'espace baltique et même à Brème de manière
viscérale.
En même temps, cet espace est suffisamment large : c'est
son quatrième avantage. Ainsi, dans les pays de la Baltique et dans
certains pays d'Europe du Nord, le mot Hanse est
compréhensible127 et peut trouver un écho chez des
clients/consommateurs potentiels. Cette caractéristique internationale
du mot Hanse rend le concept facilement « exportable ». Une
entreprise choisissant ce nom et visant des marchés étrangers
pourra le faire grâce à un terme compréhensible partout et
pas seulement en Lettonie, Pologne ou Allemagne, comme cela aurait
été le cas avec un nom à connotation nationale. Des
partenariats peuvent être plus facilement construits avec d'autres pays
baltiques. Cet aspect a d'autant plus de poids pour des entreprises de l'Est
cherchant un financement à l'Ouest : à Riga, on cherche à
renforcer les partenariats avec des ports comme Hambourg. A Gdansk et à
Riga, de nombreuses entreprises ont choisi le mot « Hanse »
après 1990 alors qu'elles devaient trouver un nouveau nom à la
fin de la période communiste.
3.3 Les difficultés d'usage du mot Hanse dans la
toponymie
Mais le choix du mot Hanse présente également un
certains nombre de contraintes qui sont aussi le revers de ses
qualités.
Il n'est utilisable que dans les pays baltiques128
et le terme est peu connu en France et inconnu en Espagne. En clair, une
entreprise portant un nom lié à l'univers de la Hanse pourra
avoir des ambitions régionales mais pas internationales. Pour Ojars
Sparitis, c'est l'une des raisons pour lesquelles cette mode du label «
Hanse » va s'estomper dans l'avenir. L'autre raison étant que ce
symbole n'appartient pas à la symbolique nationale.
C'est d'ailleurs un paradoxe qu'un symbole concentrant encore
de nombreux stéréotypes puisse malgré tout être
intégré comme « label » dans la ville. L'idée
est trop vague, arbitraire même et le
125 Cette affirmation découle d'une étude des
adresses de l'annuaire et d'une observation de terrain
126 Interview du 12/02/08 avec Jens Joost-Krüger,
responsable du marketing de la ville de Brème
127 Interview du 18/02/2008 avec Peteris Blums, architecte
à Riga
128 Interview du 19/02/08 avec Ojars Sparitis, ancien
directeur de la Maison des Têtes Noires, actuel directeur de
l'académie des Arts de Lettonie
41
signe ne ramène plus à la chose. Le nom Hanse,
trop souvent utilisé, n'a plus aucune teneur historique : les habitants
se sont habitués à un terme qu'ils pensent maîtriser mais
qu'ils ne maîtrisent pas. C'est ce que montre Alexander Sologubov
à propos de Kaliningrad/Königsberg dont il étudie la «
Logosphère » (Bart, 1994). Il analyse les symboles qu'il nomme
Zeichnungen utilisés dans les noms des magasins129 :
« Le symbole « Kant » » est pour les habitants de
Kaliningrad devenu une routine et est utilisé de manière
automatique. Les touristes réagissent souvent avec étonnement
face à ce que les habitants considèrent comme normal. Voici la
réaction d'un visiteur : la personne la plus importante est Kant ! C'est
fou, combien de personnes ont lu Kant dans ce pays ? »130
La Hanse est donc présente chez les acteurs publics et
privés de la régionalisation à l'échelle de la
ville et est partagée partiellement par les villes de Brème,
Gdansk et Riga. Mais au-delà des représentations, peut-on
observer des pratiques permettant d'évoquer une utilisation
concrète du concept de « Hanse » ? Barbara Bossak
considère que les monuments mobilisent les actions collectives (Loew,
Pletzing, Serrier, 2006). Pour relancer la question posée par Peter
Oliver Loew, la mythologie hanséatique peut elle être un support
à l'action ou reste-t-elle enfermée dans la sphère des
représentations ? Quelles sont ces formes « d'actions
collectives » que la Hanse peut mobiliser ?
III) Au-delà des représentations, parler
de la Hanse aujourd'hui fait-il encore sens dans les pratiques ?
1. A l'échelle locale, quelle place de
l'héritage matériel hanséatique dans une stratégie
touristique ?
1.1 Quel patrimoine matériel à Brème,
Gdansk et Riga ?
A l'échelle de la ville, l'une des pratiques
liée au mot Hanse la plus présente dans les préoccupations
des acteurs est la valorisation touristique du patrimoine bâti
hanséatique.
Mais le concept de « monument hanséatique »
est très controversé. La Hanse a-t-elle un style architectural
qui, au-delà des plans de ville, lui est propre ? Iwona
Sagan131 répond par la négative : certes, des
bâtiments ont été utilisés pendant l'époque
de la Ligue Hanséatique ou pour des activités hanséatiques
mais cela en fait-il des « monuments hanséatiques » ?
Pourtant, il y a bien une similitude évidente et notamment l'usage du
gothique en brique132. Mais la spécificité de la Hanse
peut venir
129 Comme par exemple l'ambre, la mer, le port, l'image de
Kant
130 SOLOGUBOV, A., ««Kaliningrad, unsere
Heimat». Ausgewählte Themen örtlicher Diskurse», in : LOEW,
P.O., PLETZING, C. SERRIER, T., (dir.) (2006), Wiedergewonnene Geschichte.
Zur Aneignung von Vergangenheit in den Zwischenräumen Mitteleuropas,
Wiesbaden, Harrassowitz Verlag, coll. Veröffentlichungen des Deutschen
Polen-Instituts, pp.104. « Das Symbol ist für die Kaliningrader zur
Routine geworden und wird von ihnen schon ganz automatisch verwendet.
Gäste reagieren allerdings oft mit verwunderung auf etwas, was für
die Einheimischen normal ist. Hier die Bremerkungen eines Besuchers über
dieses Symbol : «...aber die wichtigste Person der Stadt ist Kant! Das ist
schon irrsinnig. Wieviele Menschen in diesem Land haben Kant
gelesen?»»
131 Entretien mené le 24/10/2007 à Gdynia avec
Iwona Sagan (département de Géographie)
132 Entretien mené avec Peteris Blums le 18/02/2008
à Riga (Centre diocésain).
également d'une « vue d'ensemble » :
l'architecte letton Peteris Blums défend l'idée de «
Panorama » qu'il voulait voir classé au Conseil Européen. En
effet, la silhouette de la ville montre l'appartenance de celle-ci à une
identité régionale et à une identité propre. La
culture urbaine est inscrite dans ses formes : on peut apercevoir les
dominantes religieuses (églises, temples), politiques (ville libre,
ville royale). Une condition de la lecture de ce panorama est que la ville soit
située près d'un fleuve et que l'espace entre le fleuve et la
ville soit libre or, au temps de la Hanse, les villes étaient
entourées de grandes esplanades qui empêchaient les ennemis
éventuels de se cacher. Mais au XIXe siècle, avec la
densification des villes, le panorama disparaît. Celui de Riga, visible
dès 1515, l'est encore aujourd'hui. Cet élément
incontestablement est à prendre en compte comme « patrimoine
matériel » de la Hanse.
Ces panoramas sont constitués d'éléments
du patrimoine bâti qui, faute d'être « hanséatiques
» rappellent l'histoire de la Hanse. A Brème, on peut
évoquer l'hôtel de ville, la statue de Roland133, le
Schütting134 situés sur la place du
marché ou encore le Staatwaage135. A Riga, il est
possible de citer la Maison des Têtes Noires136, la Grande et
la Petite Gilde137, les « Trois Frères
»138. A Gdansk, l'hôtel de ville, la cour
d'Arthus139, la maison des échevins, l'église Notre
Dame, le Grand Moulin sont des éléments intéressants. La
particularité de Gdansk vient surtout de sa grue
médiévale, la plus grande d'Europe qui servait au transbordement
et au dressage des mâts sur les navires.
133Dates de construction : 1405-1410 pour le premier
et 1404 pour la statue de Roland
134 Le Schütting (1537-1538) abritait la gilde
des marchands de Brème Der Kaufmann zu Bremen, gilde qui
était située au départ près des Balge mais
qui rejoint au XVIe siècle la place centrale. Le Schütting
abrite encore aujourd'hui la chambre de commerce (Elmhäuser,
Hoffmann, Manske, 2002)
135 Edifiée en 1588, située à
proximité des Schlachte, l'ancienne maison de pesage officielle
des produits exportés ou importés. Ces bâtiments se
retrouvent dans toutes les villes hanséatiques : Staatwaage
(Osnabrück, Allemagne), hôtels de ville typiques (Stralsund,
Allemagne)...
136 Edifiée en 1344, elle abritait les célibataires
de la Grande Gilde de passage dans la ville.
137 La grande et la petite gilde, datent, elles, du XIVe
siècle : la grande Gilde était la résidence des marchands
alors que la Petite Gilde abritait les artisans.
138 Les « Trois Frères » est un ensemble de
bâtiments datés du XVe, XVIIe et XVIIIe siècle. Les
étages inférieurs de ces maisons étaient habités
alors que les étages supérieurs étaient utilisés
comme entrepôts. Des leviers et des poulies permettaient de monter les
charges
139 Siège des confréries marchandes de la ville de
Danzig
Photo n°3 : Deux exemples du patrimoine
bâti hanséatique à Riga et Brème
La Maison des Têtes Noires et la Maison Schwabe (à
droite), l'hôtel de ville classé au patrimoine mondial de
l'UNESCO, photos prises par Nicolas Escach, le Lundi 18 Février 2008
.
43
1.2 La gestion de la « ressource »
hanséatique, premier pas vers son exploitation touristique ?
Ces bâtiments constituent donc le patrimoine
matériel de Brème, Gdansk et Riga. Sa gestion est susceptible de
générer une activité touristique. La gestion
intégrée d'une ressource patrimoniale140 comprend
quatre éléments qui doivent être en interaction : la
protection et la connaissance de la ressource, l'exploitation de la ressource,
l'information sur la ressource.
A Brème, la guerre a fait d'énormes
dégâts et le Schütting et le Stadtwaage ont
du être en grande partie reconstruits. L'hôtel de ville n'a, par
contre, subi que peu de dommages. En revanche, dans les villes de Gdansk et de
Riga, endommagées par la guerre, les restaurations effectuées ont
été très controversées. Le terme même de
« restauration 141» doit être évité :
il s'agit souvent d'une reconstruction. Elle débute de manière
surprenante dès l'époque communiste ce qui peut sembler paradoxal
pour un régime qui est loin de faire la promotion de la Hanse. Les
reconstructions entamées entre 1950-1960 et 1989 se sont poursuivies
ensuite. Nous n'allons pas revenir sur la controverse de la reconstruction de
la vieille ville de Gdansk qui débute dès
1945-1946142. La reconstruction de la Maison des Têtes Noires
prévue dès 1976, mise en place à partir de 1991 et
inaugurée en 1999-2000 a fait, elle aussi, scandale143. Les
travaux effectués sont alors vivement critiqués : la sauvegarde
des
140 Nous avons vu que le mot « patrimonialisation »
devait être proscrit car il n'était pas répandu dans les
régions de l'Est de l'Europe. L'emploi du mot ressource est donc
préférable.
141 Sanierung
142 Dans les années qui suivent, les défenseurs
de la théorie du XIXe siècle contre la reconstruction des
bâtiments, affrontent ceux qui croient en cette reconstruction, les
défenseurs du patrimoine allemand affrontent les plus fervents
nationalistes, les défenseurs d'une reconstruction du Gdansk d'avant
guerre, s'opposent à ceux qui veulent la reconstruire comme dans les
années 1920, comme au XIXe siècle, ou même comme à
l'époque médiévale.
143 Les deux dates sont d'ailleurs indiquées sur sa
façade
44
bâtiments encore debout serait plus importante que celle
des bâtiments détruits144, cette reconstruction
nommée « rénovation » serait un mensonge, la
qualité serait basse, le bâtiment appartiendrait à une
culture étrangère à la culture lettone, plutôt
agricole qu'urbaine, utilisant plutôt le bois145que la pierre,
elle privilégierait la façade, véritable décor de
théâtre, à l'intérieur. Pourtant, un sondage
réalisé à Riga montre que la population a choisi la Maison
des Têtes Noires comme ce qu'elle appréciait le plus dans les
reconstructions des dernières années, faisant d'elle une pierre
de voûte de la conscience de la ville.
A Gdansk et à Riga, la reconstruction, y compris
à l'époque communiste, s'est faite avec des documents
d'époque. Des photos, des images, des tableaux, ont été,
par exemple, collectés par Marian Pelczar à Gdansk.
Le classement à l'UNESCO de ce patrimoine
restauré ou reconstruit le connecte avec la possibilité d'un
tourisme de grande ampleur : la vieille ville de Riga a été
classée en 1997 et l'hôtel de ville et la statue de Roland de
Brème en 2004. Certes, la place de la Hanse dans ces classements est
très modeste. A Brème, les raisons du classement avancées
montrent que la liberté politique acquise par la ville a
été privilégiée. La Hanse n'apparaît dans les
rapports que lors de rappels historiques ou lors d'une mise en situation de sa
place dans un patrimoine plus large. A Riga, la référence
à la Hanse est plus explicite mais est noyée au milieu d'autres
références146. L'étude de l'ICOMOS rappelle le
principe de représentativité unique de l'UNESCO qui ne peut faire
de Riga un centre hanséatique : « En tant que cité
hanséatique, il est impossible de comparer Riga en termes de
globalité et d'authenticité à Lübeck (Allemagne) ou
Visby (Suède), (villes déjà inscrites sur la liste du
patrimoine mondial) ou bien Tallinn (Estonie) f...], si l'on évalue
cette ville par rapport à son importance dans l'histoire architecturale
européenne (en tant qu'ensemble d'édifices de l'Art
nouveau/Jugendstil), il est impossible de nommer une cité susceptible
d'être comparée à Riga »147. Le
rapport parle d'une valeur exceptionnelle de l'architecture « Art Nouveau
» et de l'architecture en bois du 19e, ces deux styles
d'architecture ayant poussé au classement.
Mais le label est un catalyseur qui permet aux professionnels
de changer leur regard sur leur territoire, de prendre conscience d'un
potentiel et de construire une nouvelle offre. C'est une forme de
reconnaissance internationale qui engendre une retombée
médiatique. Encore faut-il le gérer et communiquer sur son
obtention pour qu'il accompagne les stratégies de promotion touristique.
Cette communication passe par une mise en valeur, une exploitation et de
l'information sur le patrimoine.
144 Il n'y a pas assez d'argent, en effet, pour tout
reconstruire
145 Le style letton s'inspirant des Gutshöfen
allemandes
146 La variété des réalisations
esthétiques émanant de tous les courants de l'histoire est
soulignée comme les nombreux édifices, véritables
empreintes des trois groupes nationaux qui furent impliqués dans sa
création : les Lettons, les Allemands et les Russes mais aussi d'autres
groupes comme les Suédois, Juifs, Ukrainiens. Riga est un point de
convergence entre les réalisations culturelles de l'Ouest et de
l'Est.
147 UNESCO (1996), Evaluation des Organisation
consultatives, procédure de classement UNESCO, pp.12, document
téléchargeable à l'adresse suivante :
http://whc.unesco.org/archive/advisory_body_evaluation/852.pdf
(consulté le 01/05/2008).
45
A Brème, « les panneaux d'interprétation
», organisés en circuits, sont nombreux et ont été
réalisés par le Service des monuments historiques en
étroite collaboration avec le centre de Brème pour la culture
bâtie148 qui a proposé une base de données
rassemblant divers monuments à protéger et mettre en valeur. Les
monuments sélectionnés l'ont été en fonction de
leur valeur historique, artistique et symbolique. Les premières plaques
ont été posées en 1990 et la dernière en 2006. Sur
chaque panneau, l'histoire du bâtiment, sa fonction et ses formes
artistiques sont décrites et le logo officiel de la ville est
présent. Le label de l'UNESCO figure en bonne place sur les plaques
situées sur la place de la Mairie. Des brochures disponibles à
l'office de tourisme représentent, sur un plan de la ville, le circuit
à suivre et un système de fléchage dans la ville conduit
les visiteurs vers les différents monuments.
Photo n°4 : La mise en valeur des monuments
hanséatiques à Brème et la revendication du Label
UNESCO. Sur cette photo apparaissent la clé de la
ville, en haut à droite, symbole de Brème, ainsi que le sigle
UNESCO, en bas du panneau d'interprétation, photo prise par Nicolas
Escach, Dimanche 10 Février 2008.
A Gdansk et Riga, la mise en valeur touristique est partielle
et en cours de réalisation. Les panneaux d'interprétation
manquent : les monuments ne sont pas décrits, expliqués,
éclairés.
Certes à Riga, il existe une agence d'état
chargée de la protection des monuments, un office de tourisme et une
agence lettone de développement chargée de la promotion mais ces
deux derniers points sont encore faibles.
A Gdansk, Ewa Jagodzinska,149regrette que la Hanse
ne fasse pas encore l'objet d'une exploitation touristique : la ville aurait
beaucoup à gagner à prendre conscience de cet héritage.
Certes, du temps est nécessaire mais il faut profiter de cet
héritage qui est présent dans la mentalité des touristes
qui viennent visiter Gdansk car la Hanse est plus présente à
l'étranger qu'en Lettonie. Il
148 Bremen Zentrum für Baukultur
149 Interview réalisée le 29/10/2007 à
Gdansk avec Ewa Jagodzinska, responsable du service de la coopération
internationale auprès de l'office du maréchal du Voïvodie de
Poméranie
faudrait que des livres, des cartes postales portent le nom
« Hanse », qu'on crée des produits dérivés pour
répondre à une demande touristique.
Quelles sont donc les raisons de s'appuyer sur un classement
UNESCO et de mettre en avant la Hanse dans ces villes ?
1.3 Les raisons de chercher une « valorisation
patrimoniale » de l'héritage hanséatique
Cette question porte sur la notion de « valorisation
patrimoniale ». La valorisation patrimoniale est la
révélation et la présentation d'un élément
du patrimoine au public en état de demande sociale : c'est en quelque
sorte la rencontre mise en scène d'un patrimoine avec son public. Or
quel public peut rechercher une « ambiance hanséatique » sinon
un public régional, allemand notamment ?
L'étude des nuitées dans le land de Brème
de 2003 à 2006150 par pays d'origine peut nous
éclairer sur ce point. A Brème, en 2006, 76.25% des personnes
passant au moins une nuit dans le Land de Brème étaient
allemandes. Ce chiffre montre donc, même si toutes les personnes
effectuant une nuitée ne sont pas des touristes, la prédominance
des touristes allemands dans la ville. Mais parmi les 23.75% restant, les
nationalités sont très diffuses : chaque pays ou groupe de pays
avoisine les 1 ou 2% et les touristes asiatiques sont les seuls à
atteindre les 3%. La part de touristes des principaux pays européens
faisant une nuitée à Brème à l'exception des
Allemands montre une prédominance de la France, du Danemark, du Royaume
Uni, des Pays Bas, de l'Italie et de la Suède. La composante
régionale est donc représentée par de grands pays
(Danemark, Suède) assez proches géographiquement (c'est vrai pour
le Danemark) mais n'est pas exclusive. L'évolution des nuitées
entre 2003 et 2006 par pays d'origine est claire : la part des Allemands dans
le nombre de personnes effectuant une nuitée à Brème tend
à diminuer. Ainsi en 2003 leur part était de 79.73% et en 2004 de
78.63%. Brème doit donc diversifier son offre et ne pas miser
entièrement sur la Hanse, inconnue pour des touristes asiatiques ou
français. C'est pourquoi l'Universum, ou la combinaison avec
des îles proches comme Helgoland ou Wangeroog peut être une
solution. Malgré tout, la grande part de touristes allemands permet de
fonder une offre touristique sur ces références.
46
150 D'après le « Statistisches Jahrbuch 2007 »,
Brème
47
Graphique n°2 : Part des touristes à
Gdansk en 2006 (%)
Source : Information on social and economic situation of Gdansk,
2007 Conception, réalisation : Nicolas Escach, 2008
A Gdansk, la demande touristique est beaucoup moins diffuse et
quelques provenances ciblées peuvent être soulevées. Elle
est presque exclusivement, si l'on excepte les Américains,
régionale. En tout cas, c'est ce que les statistiques de la ville,
incomplètes, semblent dire151. En réalité le
constat est plus nuancé et pour les années de 2000 à 2006,
on trouve une majorité de touristes faisant partie des groupes suivants
: Suédois, Allemands, Danois, Norvégiens, Américains,
Anglais. On peut même pour la plupart des années relever à
Gdansk une majorité absolue des touristes « régionaux »
: ils sont 57.18 % en 2000, 56.76% en 2001, 74.96 % en 2003 et 60.60% en 2006
à être Suédois, Danois, Norvégiens ou Allemands.
Cette clientèle peut donc être en demande de patrimoine
hanséatique même si les pays scandinaves gardent une image assez
négative de la Hanse. Il faut donc se pencher sur le pourcentage de
touristes allemands. De 2001 à 2005, si les Suédois sont les plus
nombreux à visiter Gdansk représentant près de 25 % des
touristes (si l'on excepte l'année 2003 où les Danois sont les
plus nombreux avec 35%), les Allemands sont toujours en deuxième
position avec une moyenne de 15%. Mais la tendance semble s'inverser et, selon
les statistiques, de 2005 à 2006, la part des Allemands est
passée devant celle des Suédois. En 2006, ils représentent
35% des touristes et sont les plus nombreux des étrangers à
entrer dans la Voïvodie de Poméranie représentant 1/3 des
étrangers entrants152. Si cette tendance n'est pas
conjoncturelle, elle justifierait, à elle seule, une mise en avant de la
Hanse qui ne doit pas, là encore, être exclusive.
Nous possédons peu de statistiques pour Riga, mise
à part une brochure du marketing de la ville153 donnant le
nombre de touristes en 2005 et mettant en évidence la prégnance
des touristes baltes (29%
151 D'après le « Information on Social and Economic
Situation of Gdansk 2007 »
152 D'après le « Bulletin of SO de Gdansk 2007
»
153 D'après le «Wirtschaftliche Umfeld der Stadt Riga
2007»
48
de Lituaniens et d'Estoniens) et des Allemands (10%). En
revanche, il est possible de prendre des statistiques à l'échelle
de toute la Lettonie étant donné que la majorité des
touristes ne visitent que Riga154. Or les statistiques des non
résidents voyageant en Lettonie par pays d'origine en 2006 montrent une
provenance européenne de ces non résidents et notamment
régionale. Se détachent les pays baltes. Puis l'Allemagne, la
Suède, la Finlande, la Pologne, la Russie suivent. Les Russes sont
nombreux mais, bien entendu, ce chiffre est faussé par le contexte
particulier à Riga et la forte minorité russe : tous les non
résidents ne sont pas forcément là dans une optique
touristique. L'Allemagne, de 1996 à 2006, a envoyé, en nombre
absolu, toujours plus de personnes en Lettonie mais la part des Allemands dans
les non résidents est restée à peu près stable,
autour de 5%-6%.
A Gdansk et à Riga, le nombre de touristes ou de non
résidents total a en effet augmenté entre 2000 et 2006 et a
été multiplié par 2 voire 3. Ces villes connaissant donc
une véritable croissance touristique à dominante
régionale. Cependant il est faux de dire que les Allemands sont les
seuls contributeurs de cette dynamique : les statistiques le montrent (les
Suédois sont un bon exemple). La Hanse peut donc être une
ressource, mais il faut diversifier les offres155 d'autant plus que
les Allemands eux-mêmes ne viennent pas que pour la Hanse (tourisme
nostalgique à Gdansk et à Riga, visites familiales dans les
anciennes villes allemandes, retour généalogique...).
D'un point de vue touristique, il est donc possible d'observer
un certain phénomène de régionalisation. Des circuits
existent sur le thème de la Hanse rassemblant plusieurs villes autour de
réseaux communs. C'est le cas d'EUROB ou « Route Européenne
du Gothique de Brique », projet financé par l'Union
Européenne et qui pourrait bientôt figurer parmi les
itinéraires culturels européens156. Le projet comprend
plusieurs villes hanséatiques classées par pays et fait
collaborer ensemble les offices de tourisme de ces villes qui échangent
compétences et expériences dans un cadre commun. Voici son but :
« Dans le cadre du programme Interreg III B-projet EuRoB I, une route
touristique des monuments architecturaux en gothique et en brique a
été créé entre 2002 et 2004 au sein de l'espace
baltique. A côté d'une documentation et d'offres touristiques sur
les monuments en question, c'est un véritable cadre stratégique
marketing pour la route qui a été construit, des produits
marketing et des produits d'informations édités, des
investissements pilotes dans le management hôtelier effectués
».157 Riga et Gdansk en font partie, pas Brème,
signe encore de son détachement face au passé hanséatique.
Des agences de voyages proposent également des circuits aux noms
154 D'après les chiffres de la « Latvijas Statistikas
»
155 En utilisant l'Art Nouveau à Riga,
Solidarnooeæ à Gdansk, l'Universum à
Brème
156 C'est du moins ce que souhaite la ville de Gdansk
157 Site de référence du projet :
http://www.eurob.org/index.php5/Homepage;1/1
(Consulté le 01/05/2008), «Im Rahmen des Interreg III B-Projektes
EuRoB I wurde zwischen 2002 und 2004 im Ostseeraum eine auf
Backsteingotik-Denkmäler ausgerichtete Tourismusroute entwickelt. Neben
der Erfassung und Dokumentation der jeweiligen Baudenkmäler und
touristischer Angebote wurden ein strategischer Rahmen zur Vermarktung der
Route aufgebaut, Informations- und Marketingprodukte entwickelt,
Pilotinvestitionen umgesetzt sowie Schulungen zum Qualitätsmanagement des
Hotel- und Touristikgewerbes durchgeführt»
49
hanséatiques : « Le Danemark et les villes
hanséatiques » (voyages rive gauche), « Berlin et la Hanse en
9 jours » (Air France, Clio voyages). La volonté de mettre en place
une stratégie commune est forte : les « Journées de la Hanse
» peuvent aussi servir à élaborer une stratégie
touristique. En 1997, à Gdansk, des échanges entre membres du
BTC-Büro158, qui participent également activement
à la coopération touristique eurent lieu. Mais la
coopération régionale est plus large que le seul domaine du
tourisme.
2. A l'échelle régionale, quelle place de
l'héritage immatériel de la Hanse dans l'émergence d'un
nouveau réseau urbain ?
2.1 Les notions de réseau, de réseau de
ville, de polycentrisme
Que recouvre exactement le mot réseau ? Les
dictionnaires français retiennent la métaphore du filet : «
tissu à mailles très larges, filet »159.
Géographiquement, Roger Brunet définit un réseau comme un
« ensemble de lignes ou de relations aux connexions plus ou moins
complexes »160. L'encyclopédie de la géographie
complète cette définition : « un ensemble de
lignes161 qui relient les divers points162 de l'espace
qu'ils desservent »163. Le réseau peut être
matériel (infrastructures de communications, réseaux
aériens) ou immatériel (flux, échanges culturels ou
scientifiques) (Pumain, 1996). Un réseau peut être
caractérisé par ses propriétés topologiques (Dupuy,
1986). La connectivité permet d'évaluer les possibilités
alternatives d'atteindre les divers sommets. Un réseau dans lequel il
existe une liaison directe entre tous les noeuds bénéficie d'une
connectivité maximum. La connexité d'un réseau indique
s'il est possible à partir de n'importe quel noeud de rejoindre les
autres noeuds. Un graphe est fortement connexe si, à partir de n'importe
quel sommet, il est possible d'atteindre tous les autres sommets, soit par un
arc direct, soit en passant par d'autres sommets. La nodalité est un
concept qui permet de caractériser voire de hiérarchiser les
sommets d'un réseau du point de vue de leurs capacités
relationnelles. Un réseau peut enfin être défini par sa
forme (Bailly, Ferras, Pumain, dir., 1992). Le réseau peut être
maillé ou réticulaire et renvoie alors à la forme d'un
pavage. Le réseau maillé peut être
hiérarchisé ou non. Le réseau peut être
également polaire et est constitué alors de rayons
organisés autour d'un centre. Un réseau en arbre, en revanche,
correspond à une logique de concentration ou de diffusion des flux vers
ou à partir d'un lieu unique. Le réseau « hub and
spoke» prend une forme spéciale : sa structure est un réseau
en forme d'étoile établissant des relations entre un centre (hub)
et des points périphériques par l'intermédiaire de rayons
(spokes). Dans un réseau « hub and spoke », toute relation
doit passer par le hub164 (Dupuy, 2002).
158 Baltic Sea Tourism Commission
159 Le Grand Robert de la Langue Française
160 Article « Réseau », BRUNET, R (2005),
Les mots de la géographie, Paris, La documentation
française.
161 Appelées aussi liens, canaux, arcs ou segments, selon
les disciplines
162 Appelés noeuds, pôles ou sommets, selon les
disciplines
163 BAILLY, A., FERRAS R., PUMAIN D. (1995),
Encyclopédie de Géographie, Paris, Economica, pp.518
164 Appelé aussi « pivot »
50
La notion de réseau est utilisée dans des champs
de la géographie comme la géographie des transports, la
géographie urbaine et l'aménagement du territoire. Elle n'est pas
seulement un objet de recherche mais aussi un élément important
de l'analyse spatiale telle qu'elle peut être pratiquée par des
spécialistes comme Peter Aguet.
Outre l'analyse des réseaux de transports ou
treillages, l'étude des réseaux urbains nous intéresse
particulièrement pour mener une réflexion sur la Hanse. Un
réseau urbain peut être défini comme : « un
ensemble de villes reliées entre elles d'une manière durable et
structurante par des interactions et des flux d'échanges
matériels ou immatériels »165. Les villes
peuvent se mettre en réseau d'une façon spontanée et
passive ou bien de manière volontaire et active. Dans le premier cas, le
réseau urbain est le résultat des relations habituelles qui se
nouent entre des acteurs localisés dans les villes mêmes (flux
d'acheteurs et de marchandises, coopérations et échanges entre
organisations). Dans sa version active le réseau urbain prend
plutôt le nom de « réseau de villes » et se
présente comme une construction volontaire mise en place par des accords
entre les villes qui réalisent ensemble des programmes de
coopération. (Lévy, Lussault, 2006). Dans ce sens on parle de
politique de « réseaux de villes ». Roger Brunet (Pumain,
1996) évoque la logique des réseaux qui a plusieurs fondements :
une relation de compétence166 entre des villes de même
nature et de même fonction, un groupe d'intérêts entre des
villes dont les acteurs estiment avoir des intérêts communs, un
réseau de projet dont la finalité est la mise en place d'un
projet défini.... Les systèmes de villes comme «
ensemble national ou régional de villes qui sont
interdépendantes »167 pour Denise Pumain tendent
à se répandre car les villes ne dépendent plus
exclusivement de leurs relations avec un hinterland rural qu'elles polarisent.
Or ces réseaux urbains sont « largement influencés dans
leur configuration par les voies naturelles de circulation et les formes prises
par les échanges »168.
La réflexion géographique toute entière
se fait à présent à l'échelle des réseaux
urbains169, notamment dans le domaine de l'aménagement du
territoire comme en témoigne Jean-Louis Guigou : « le capital
se concentre, transformant radicalement l'espace. Celui-ci était
constitué d'une surface, de frontières et de distances. L'espace
devient un graphe, c'est-à-dire un réseau de points, de noeuds,
de pôles entre lesquels la circulation est de plus en plus rapide et
fréquente »170. Le Schéma de
Développement de l'Espace Communautaire (SDEC) part d'un constat : la
globalisation financière et l'internationalisation de l'économie
privilégient spontanément les régions les plus
avancées171 (Allain, Baudelle, Guy, 2003). L'Europe est
menacée par le modèle centre/périphérie y compris
dans le domaine du transport : les noeuds majeurs des régions centrales
puissamment interconnectées
165 Article « réseau urbain », LEVY, J.,
LUSSAULT, M. (2006), Op.Cit., pp.797
166 Les semblables qui sont aussi des rivaux, ont bien plus
à échanger entre eux qu'avec des laboratoires qui travaillent sur
d'autres sujets.
167 BAILLY, A., FERRAS R., PUMAIN D. (1995), Op. Cit.,
pp.638
168 BAILLY, A., FERRAS R., PUMAIN D. (1995), Ibidem,
pp.640
169 Cette idée que le réseau est partout date des
années 1990
170 Propos de Jean-Louis Guigou cité par Jean Louis
Carrière dans ALLAIN, R., BAUDELLE, G., GUY, C. (2003), Le
polycentrisme, un projet pour l'Europe, Rennes, Presses Universitaires de
Rennes, pp.145.
171 Le polygone Londres, Paris, Milan, Munich, Hambourg
notamment
51
délaissent les espaces interstitiels
marginalisés. En somme, la mono centralité autour du pentagone
des villes européennes de la « banane bleue » qui concentre
une part jugée trop importante de la population et des activités
jusqu'à la congestion est dénoncée. Le mot « centre
» devient alors synonyme de monolithisme, de monocentrisme, de
centralisation, de dissymétrie des flux, d'injustice à
l'égard des territoires périphériques ce qui est contraire
aux objectif de l'UE de cohésion économique, sociale,
territoriale, de cohérence et de convergence (objectif 2007-2013). Le
mot polycentrisme apparaît172 alors comme un modèle de
développement associé aux mots : équilibre spatial,
partage des pouvoirs de décision, émulation et coopération
(Baudelle, Castagnède, 2002). Il s'agit de se concentrer sur les
régions considérées comme périphériques pour
agir. Or l'application du concept de polycentrisme passe par la mobilisation de
deux outils : « le développement d'une armature urbaine
relativement décentralisée qui permet de valoriser le potentiel
économique de toutes les régions de l'UE
»173 et « la promotion de schémas de
transports et de communications intégrés qui favorisent le
développement polycentrique du territoire de l'UE et qui
représentent un préalable important pour une intégration
active des villes et régions européennes dans l'UEM
»174. C'est ainsi que les réseaux
transeuropéens contribuent à raccorder les zones centrales et les
zones périphériques. La coopération interrégionale
et les projets transnationaux et transrégionaux facilitent la mise en
place de ces deux outils175. Avec l'initiative communautaire
INTERREG II C, l'UE a lancé, dès 1996, une approche novatrice
pour une politique intégrée de développement spatial
à l'échelle transnationale. La région de la Baltique fait
partie de ce programme comme d'autres régions176.
Le réseau va de pair avec l'intégration spatiale
et donc, une forme de régionalisation : « Nous pouvons parler
d'intégration spatiale à propos des processus de rapprochement
fonctionnel des territoires par abaissement des obstacles qu'ils soient
physiques, ou comme c'est le cas à l'Est de l'Europe, politiques ou
idéologiques. L'intégration désigne donc la connexion des
territoires, c'est-à-dire le développement de réseaux et
de flux»177.
Quelles sont donc ces formes de coopérations
institutionnelles et ces infrastructures, véritables réseaux, qui
favorisent à la fois à l'échelle de l'UE, un
développement équilibré et durable et à
l'échelle de la Baltique, une intégration spatiale ?
172 Ce mot est d'abord apparu chez des aménageurs dans les
années 1990 en Allemagne.
173 Commission européenne (1999), Schéma de
Développement de l'Espace Communautaire, Luxembourg, Office des
Publications Officielles des Communautés européennes, pp.21
174 Commission européenne (1999), Loc.Cit.
175 « Pour contribuer à renforcer et à
rééquilibrer la structure urbaine sur l'ensemble du territoire,
il faudra trouver de nouvelles méthodes et de nouvelles solutions qui
permettent aux villes et aux régions de se compléter et de
coopérer », Commission européenne (1999), Ibidem,
pp.22
176 Comme la mer du Nord, la façade Atlantique.
177 SERRY, A., (2006), La réorganisation portuaire
de la Baltique orientale - L'émergence d'une nouvelle région en
Europe, thèse soutenue à l'université du Havre le 24
novembre 2006, pp.9
52
2.2 Les réseaux institutionnels, du Jumelage
à la construction de réseaux économiques
Les réseaux immatériels constituent la
première forme de réseau en Baltique. Depuis 1992, une multitude
d'organismes a vu le jour dans la région. On estime aujourd'hui à
plus de 70 le nombre de réseaux coopératifs existant dans et
autour de la région et certains critiquent déjà ce qu'ils
nomment une saturation. Cette coopération est observable à toutes
les échelles (locale, communale, régionale) et concerne tous les
acteurs (privés, semi privés, publics). Cet échange
institutionnel est une forme complète d'intégration : La
régionalisation est en effet plus complexe qu'une seule
régionalisation de l'économie qui mettrait simplement en avant
l'importance des productions et des flux d'échanges (Serry, 2006)
Souvent, ces réseaux de coopérations font
référence explicitement à la Hanse dans leur nom ou leurs
représentations. Mais ces réseaux s'éloignent des modes de
coopérations hanséatiques historiques. La coopération ne
se fait plus seulement entre des villes. Elle se voudrait plus politique
qu'économique. Les acteurs coopérants définissent un
thème ou des axes prioritaires sur lesquels coopérer qui peuvent
toucher des domaines variés (environnement, culture). Enfin, comme le
confirme Pawel Zaboklicki, elle prend des dimensions moindres : « La
Ligue Hanséatique peut être un modèle pour nous, mais elle
était beaucoup plus importante à l'époque (...) Pour tous
les grands projets d'infrastructures qui contribueront à dynamiser la
région, ce sont les gouvernements et éventuellement des
sociétés privées qui décident, pas les villes
»178. Pourtant, et là encore, parler de nouveaux
réseaux hanséatiques est contestable, rappelons que la Hanse
n'était en rien politique. « Le contraste est frappant entre
l'ampleur de ses réalisations et l'inconsistance de sa structure,
assemblée plus ou moins formelle de villes qui ne sont jamais pleinement
souveraines, et que nul ne peut recenser avec exactitude
»179.
Ces réseaux de coopération institutionnelle sont
présents à Gdansk, Brème et Riga sous trois formes : les
jumelages entre villes, les échanges de délégations et les
réseaux de coopération se construisant sur des thèmes
définis.
178 BARON, A., « Passé Hanséatique et
désir d'Europe », La Tribune, 26 Août 1998
179 RAUGLAUDRE, Pascal (de), « Le littoral
méridional de la Baltique. De Copenhague à
Saint-Pétersbourg : renaissance d'un littoral oublié », in
GIBELIN B., (dir), (1998), Géohistoire de l'Europe
médiane, Paris, La Découverte/Livres, Hérodote,
pp.70-71
Photo n°5 : Les Stadtmusikanten et la statue
de Roland....à Riga,
symbole des jumelages et des échanges entre
les deux villes
Ici apparaît bien l'intensité du jumelage
Brème/Riga, photo prise le Lundi 18 Février 2008 par Nicolas
Escach.
53
La pratique des jumelages laisse apparaître un fort lien
entre Brème, Gdansk et Riga. Brème est en effet la ville jumelle
de Gdansk depuis 1976 et de Riga depuis 1985 aux côtés de Dalian,
Rostock, Haifa, Bratislava (villes non baltiques). Brème est ainsi
présente dans les deux villes à travers l'existence de
reproductions des Bremer Stadtmusikanten ou de la statue de Roland. Le
Jumelage entre Gdansk et Brème est symbolique et participe à la
réconciliation entre Pologne et Allemagne. En décembre 1970, la
RFA et la république populaire de Pologne signent un des contrats les
plus importants entre les deux pays. Les bases d'un jumelage sont
élaborées par Hans Koschnik, maire de Brème, avec Andrzej
Kaznowski, maire de Gdansk à Varsovie. Un nouvel élan vient, en
1975, de la conférence d'Helsinki sur la sécurité et le
travail commun en Europe. La coopération entre les habitants des
différents états est perçue comme un élément
important de la politique de détente. Ainsi le 12 Avril 1976, le contrat
de jumelage entre Brème et Gdansk est signé. Ce jumelage est le
premier de la république populaire de Pologne avec l'Allemagne. Il doit
permettre la réconciliation et le pardon180. Le Jumelage avec
la ville de Gdansk est encore aujourd'hui l'un des plus importants pour
Brème. Les travaux communs ont été depuis 1970 de diverses
natures : symboliques (reconstruction des cloches de l'église Ste
Catherine et des orgues de l'église Ste Marie), économiques
(séminaires bilatéraux sur le management d'entreprise,
échange de compétences, ouverture du Bremen Business Bureau
à Gdansk , organisation des « Journées
économiques de Brème » à Gdansk pendant lesquelles
des représentants de 40 entreprises de Brème ont rencontré
90 entreprises polonaises),
180 Entretien du 11/02/2008 avec Jamshid.Saberi chargé
des jumelages et des échanges culturels auprès du
département culture du Sénat de Brème. Etude de son
article « Die Entstehung, Hintergründe und die Erfahrung der
Städtepartnerschaftlichen Beziehungen Bremens und die alternativen
Vorschläge für die Erweiterung der Beziehung »
54
environnementaux (dépollution de l'île de
Sobieszewska), politique (soutien à Solidarnooeæ pendant
la lutte) (Riechel, 1996). Le contrat entre Brème et Riga est
également essentiel. La signature du contrat intervient le 15
Février 1985. La coopération là encore recherche les
échanges économiques181. Le comptoir de la
Hanse182 de Brème/Rostock est fondé à Riga. Il
doit en plus d'une intensification des relations et échanges culturels
avec Riga faire une place pour les entreprises de Brème. Le travail des
deux chambres de commerce, un travail commun des deux ports, et les
activités des entreprises de Brème à Riga sont importants.
Bien entendu, les échanges culturels et scolaires sont aussi essentiels.
Riga et Gdansk sont également jumelées avec des villes baltiques
(Stockholm, Tallinn, Vilnius pour Riga, Kalmar ou Turku pour Gdansk) mais ces
villes sont cependant sous-représentées et ne constituent pas la
majorité des villes jumelées (7/16 à Gdansk, 7/31 à
Riga). A Riga, les jumelages avec les villes de l'ex- CEI sont importants
(Minsk, Kiev). De même, les voyages de promotion de Gdansk et Riga
à l'étranger ne font pas une place majeure aux villes
hanséatiques (en 2001, Gdansk s'est rendu à Utrecht, Bruxelles,
Berlin, Prague, Paris, Göteborg, Gosiar, Riga, Lipsk, Cologne,
Londres183).
Carte n°3 : Villes Jumelles de Brème,
Gdansk et Riga
Source : Sites internet des mairies de Gdansk, Brème et
Riga Conception et Réalisation : Escach, 2008
On peut se poser alors la question de la place de la Hanse
dans la fondation de ces jumelages. Les acteurs sur ce point sont
partagés. Pour Andrea Frohmader184, elle est minime. Il faut
mettre en
181 A partir de l'Entretien avec J.Saberi
182 Hansekontor
183 Source : Fot Kosycarz, Niezwykle Zwykle Zdjecia, Kosycarz
Foto Press, Gdansk 2006
184 Entretien du 08/02/2008 avec Andrea Frohmader,
chargée des relations internationales auprès du
Senatkanzlei
55
avant la présence de liens familiaux dans les villes
concernées, la volonté de réconciliation. Arnaud Serry
préfère mettre en avant un besoin longtemps réprimé
de contacts. Jamshid Saberi185 lui, établit une filiation
directe entre les relations médiévales et les jumelages. A
Brème, le mot « Jumelage » ou Partnerschaft a
été remplacé par le mot Rahmenvereinbarung
186 qui englobe plus que de simples échanges entre
délégations mais qui signifie une proximité des citoyens
et la création de réels projets communs. Or cette étroite
liaison est historique et remonte à l'époque de la Hanse. Il
avoue que dans le jumelage entre Gdansk et Brème, le maintien des
traditions allemandes à Gdansk a joué un rôle dans la
signature du contrat. L'étude des discours des acteurs politiques lors
des 20 ans du jumelage Brème/Gdansk est essentiel : le maire de Gdansk,
Pawel Adamowicz, insiste sur une base hanséatique : « Les vingt
ans de travail commun entre Brème et Gdansk peuvent sembler peu au
regard de 1000 ans d'histoire commune »187. Pour
Brème, la problématique est la même comme le suggère
un article du Journal of Baltic Studies : «Dans le cas de
Brème, certes, c'est le régime soviétique qui
suggéra Riga comme ville jumelle. Brême trouva cette suggestion
particulièrement intéressante en raison de l'histoire commune des
deux villes. L'histoire consistait en plusieurs siècles trouvant leur
point d'orgue pendant la période de la Ligue Hanséatique
»188. Les jumelages pourraient représenter «
l'opportunité d'exposer une identité régionale
à l'étranger ». Pour autant, et contrairement à
ce que l'on a souvent dit, les jumelages ne constituent pas la forme la plus
évidente d'un réseau régional fort.
Les autres coopérations institutionnelles sont plus
essentielles. Il apparaît que Brème participant à la fois
à des réseaux de coopération liés à la mer
du Nord, à la mer Baltique et à des réseaux internationaux
dépend moins des réseaux baltiques que Gdansk ou Riga. La ville
est moins présente voire absente dans ceux-ci ce qui peut s'expliquer
par sa situation (en mer du Nord).
De nombreux réseaux baltiques pourraient être
cités comme l'«Union des Cités de la Baltique » ou
UCB189, l' « Organisation des Ports de la Baltique » ou
BPO190, le « Parlement Hanséatique » qui promeut
les transferts de technologie et de savoir faire comme une réponse
à la mondialisation191, la « Nouvelle Hanse
»192, l'«Ars Baltica » ou encore l' «
Association des Chambres
185 A partir de l'Entretien avec J.Saberi 186Contrat
« Cadre »
187 Discours tenu par Pawel Adamowicz lors des 20 ans du
Jumelage entre Gdansk et Brème, receuillis à la
bibliothèque universitaire de Brème : die zwanzig Jahre der
Zusammenarbeit zwischen Bremen und Danzig mögen angesichts der über
tausendjährigen Geschichte der beiden Städt als kein allzu langer
Zeitabschnitt erscheinen »
188 PUSYLEWITSCH, T., BALTAIS, M., (1988), «The city
partnerschips Tallinn-Kiel, Riga-Bremen and Vilnius-Duisburg as vehicles for
the representation of regional identity abroad», Kiel, Journal of
Baltic Studies, Vol.XIX, N°2, pp.157 et pp.162 : «In the case of
Bremen, however, it was the Soviet side that suggested Riga as a partner city.
Bremen found this particularly pleasing suggestion in view of the common
history of the two cities. The history spans several centuries finding its high
point during the period of hanseatic league» (...) «the opportunity
to represent a regional identity abroad»
189 Réseau auquel participent Riga et Gdansk
190 Réseau auquel participent Riga, Gdansk et Gdynia
191 Réseau auquel participent Riga et Gdansk
192 Réseau auquel participent Riga et Gdansk
56
de Commerce de la mer Baltique »193. La
plupart de ces organisations dépendent de près ou de loin du
« Conseil des Etats de la Baltique » (CEB) et sont financés
par les programmes INTERREG, initiative européenne d'aide à la
coopération interrégionale dans l'espace européen. La
région de la mer Baltique est l'une des régions
européennes du programme de coopération européen INTERREG
III-B pour la période 2000-2006.
La place d'une histoire commune dans ces organisations
institutionnelles a été étudiée par Hilde Dominique
Engelen (Gotz, Hackmann, Hecker- Stampehl, 2006), qui a réalisé
un tableau à double entrée : les organisations dessinent les
lignes alors que les colonnes sont occupées par les raisons de leur
création : une histoire commune, un espace économique actuel ou
futur, des similitudes culturelles et/ou politiques, des menaces
sécuritaires ou des défis écologiques communs. Or pour les
cas de l'« Ars Baltica » et de l'UCB, l'histoire commune a
joué un rôle important. Anders Engström, le premier
président de l'UCB évoque cette continuité historique :
« Les villes de la Baltique ont tellement en commun une longue
histoire et un futur prospère que l'on peut les utiliser pour
résoudre quelques uns de nos problèmes
contemporains»194. Or ces organisations agissent dans la
pratique, toutes dans des domaines différents (culture, management
portuaire...).
Le « Hanse Passage » est un exemple de
coopération institutionnelle à l'échelle des
régions financée par Interreg III-C et à laquelle
participent Brème, Gdansk et Riga. Ce projet est né de la
création en 1991 de la région transfrontalière Neue
Hanse Interregio à Brème. La ville avait cité les
processus de coopération comme une priorité de sa politique, dans
un contexte de mondialisation, comme une réaction à la
concurrence croissante entre les villes (ARBEITSKAMMER Bremen,
ANGESTELLTENKAMMER Bremen, 1995). La région transfrontalière
comprenait alors le Land de Brème, le Land de Basse-Saxe (Allemagne), la
Province de Fryslan, la Province de Drenthe, de Groningen et d'Overijssel (Pays
Bas). Ces 6 régions coopérèrent et
échangèrent. Face au succès de la Neue Hanse
Interregio , les acteurs cherchent alors à élargir la
coopération et en 1999, ils évoquent la possibilité de
mise en place du programme « Hanse Passage », qui a lieu en 2002,
ouvrant leur porte à de nouvelles régions dont la Voïvodie
de Poméranie, la région de Riga et la région
Haute-Normandie (le Havre). 23 projets sont définis et
réalisés entre 2003 et 2007 suivant trois axes principaux
(intitulés « Cluster A, B, C ») : les nouvelles formes de
gouvernance, la planification sociale et économique, l'innovation et les
ressources humaines195. Le programme est à présent
terminé et a connu un certain succès : cela a permis aux acteurs
de Brème de se confronter à une ouverture internationale et de
se
193 Réseaux auxquels participent Riga et Gdansk
194 Cité par ENGELEN, H.D., in : GOTZ, N., HACKMANN,
J., HECKER-STAMPEHL, J. (dir.), (2006), Op. Cit., pp.79 : «The
cities of the Baltic Sea will have so much in common the long history and a
prosperous future, if we can manage to solve some of our present problems
», discours lors de la conference inaugurale de l'Union des villes de la
Baltique, Gdansk, 19-20 septembre 1991.
195 Site du « Hanse passage »
57
remettre en question196. Si Brème cherchait
surtout à échanger des points de vue sur des questions
générales (transport des malades et des médicaments,
gestion des rues piétonnes), Riga souhaitait par ce programme chercher
les meilleurs moyens de construire une liaison entre la ville et son
aéroport. Le but dans les thèmes définis par le «
Hanse Passage » est donc d'échanger idées,
compétences et de construire des réseaux d'experts. Un travail a
par exemple été fait pour mieux connecter activités
portuaires et villes.
Le projet du Cluster A nommé A08 « La Hanse
allemande, le reflet du miroir » qui cherche à étudier
l'histoire de la Hanse afin de construire de nouveaux réseaux
régionaux est l'un des projets les plus intéressants pour notre
sujet. (Brand, 2007). Voici en quoi il consiste : «Ce projet
contribuera à un dialogue entre historiens, sociologues et politiciens.
Des recherches sur les principes basiques de la Hanse allemande (...)
produiront des indicateurs sur les modalités d'une nouvelle forme de
gouvernement régional. Le projet pointera l'importance des connaissances
historiques dans le processus moderne d'intégration
»197. Cette question est essentielle et a fait l'objet
d'une querelle entre historiens que synthétisent les travaux de Hanno
Brand. Elle étudie ces indicateurs «qui ne consistent pas en
une solution claire », mais qui « dérivent
d'analogies entre les événements contemporains et le passé
hanséatique » et qui obligent les acteurs « à
se poser de nouvelles questions sur l'innovation, l'adaptation,
l'intégration, la diversification, la communication...
»198. Mais la place que doit prendre l'histoire dans
l'action en termes de coopération a été
relativisée. La reconduction du « Hanse Passage » autour du
thème de l'innovation est en discussion et sera décidée
cet été.
2.3 Les réseaux matériels
Les réseaux d'infrastructures constituent, par
opposition aux organismes de coopération, les réseaux
matériels. Ce sont les échanges matériels et
immatériels qui, rappelons le, forment les réseaux de villes.
Ceux-ci, la plupart du temps, suivent les voies naturelles de circulation et la
forme des échanges. L'intégration économique accrue qui se
profile dans la région baltique exige et suppose des réseaux
d'infrastructures et de transports qui soient placés sous le signe de la
durabilité199 (Serry,
196 Entretien du 12/02/08 avec Horst Seele Liebetanz,
co-responsable du projet Hanse Passage«
197 Voir sur le site du «Hanse Passage» : «This
project will accept this challenge as it desires to contribute to a dialogue
between historians, sociologists and political planners. It will offer a long
term comparative analysis of a series of indicators laying at the basis of a
long lasting interregional networks. Research into the basis principles of the
German Hanse will point to such long term developments and produce indicators
for modalities of new forms on rergional government». (...) «It will
point to the importance of historical knowledge for modern integration
processes»
198 BRAND, H., (2007), The German Hanse in past and
present Europe, Groningen, Hanse Passage Castel international Publisher,
des extraits de l'ouvrage sont disponibles sur internet :
http://www.hanse-passage.net/hansepassage/projectax.phtml?content=Cluster%20A%20Projects&id=23
(Consulté le 05 Juin 2008).
199 Bien entendu, nous avons conscience que cette affirmation
pose la question des effets structurants : la réalisation de nouvelles
infrastructures est-elle à même de susciter ou
d'accélérer le développement économique dans les
régions concernées ?
58
2006). Trois réseaux infrastructurels sont essentiels
en Baltique : les réseaux aériens, les réseaux routiers et
ferroviaires et les réseaux maritimes de ferries.
Les réseaux aériens ont connu depuis une
quinzaine d'années de profondes modifications.
Carte n°4 : Les liaisons aériennes au
départ de Riga, Brème et Gdansk
Le réseau aérien au départ de Riga
dessine une étoile parfaite en termes de liaisons. Mais les liaisons les
plus régulières se font vers l'Ouest de l'Europe (Allemagne,
Angleterre) et le Nord de l'Europe (Danemark, Suède, Finlande). C'est ce
que constate Pascal Orcier : « La Lettonie a effectué depuis le
retour à l'indépendance un redéploiement de ses
échanges aériens vers l'Ouest (...) Riga est reliée aux
capitales européennes grâce aux hubs aériens de Stockholm,
Copenhague, Francfort,
59
Amsterdam, Londres, Munich, Prague ou Berlin
»200. L'Europe occidentale est donc très
présente ce qui fait dire à Frank Tétart que, dans son
ensemble, « le réseau aérien letton apparaît plus
équilibré que celui de l'Estonie car moins centré sur
l'espace baltique et davantage orienté vers les grandes villes
européennes »201. Ce propos doit être
nuancé et l'espace baltique (hors Allemagne) représente tout de
même une part importante des vols (48.4% des vols202).
L'Allemagne occupe une place non négligeable (11% des vols) et ce pays
est la destination pour laquelle il existe le plus de liaisons (une soixantaine
par semaine dans de multiples villes). Ceci s'explique bien entendu par des
relations économiques essentielles, l'Allemagne étant l'un des
principaux investisseurs en Lettonie. Mais Riga est également, dans une
moindre mesure, connecté avec l'espace ex-soviétique (14.7% des
vols) notamment la Russie, la Biélorussie et l'Ukraine.
L'aéroport joue en effet le rôle de hub balte pour la compagnie
SAS. Le maintien de vols fréquents avec l'espace ex-soviétique
s'explique par la présence dans le pays de 35% de russophones dont 30%
de russes et par les intérêts économiques forts qui
continuent de lier Russie et Lettonie. L'ouverture internationale est
assurée par la mise en place en 2004 de la ligne Tachkent-Riga-New York.
Cette ligne ouvre aux états baltes les portes de l'Amérique et de
l'Asie du Sud-est puisque « Uzbekistan Airlines » dessert depuis
Tachkent de nombreuses métropoles asiatiques (Delhi, Kuala Lumpur).
Le réseau aérien au départ de
Gdansk203 forme un demi-cercle. Les liaisons aériennes
semblent dans leur ensemble vouées à l'Europe de l'Ouest et
surtout à l'Allemagne (32.7% des vols) et l'Angleterre (22% avec
l'Irlande des vols) si l'on excepte les liaisons intérieures (28.5% des
vols). L'espace baltique hors Allemagne ne collecte que 16% des vols. Les hubs
de Stockholm et Copenhague sont bien sûr desservis mais les pays
baltiques représentent une partie minime des vols.
A Brème204, le réseau prend comme
à Riga la forme d'une étoile. Mais outre les liaisons vers
l'Angleterre et les liaisons intérieures, les liaisons vers le Sud de
l'Europe et notamment vers les destinations de vacance comme l'Italie et
l'Espagne sont les plus régulières. Ainsi de nombreuses
destinations sont proposées vers les côtes espagnoles et les
Baléares. L'aéroport accueille en effet des Low Cost
(Ryanair) et de nombreux charters. Hors vols intérieurs, la Baltique
représente par semaine 16 vols sur 236 vols soit 6.7%.
200 ORCIER, P. (2005), La Lettonie en Europe, Paris,
Belin, pp.91
201 TETART, F. (2005), «L'envol européen des Etats
Baltes», in : « L'espace Baltique Isthme russo-européen
», Le courrier de l'Est, Paris, La documentation
française, n°1048, Mars-Avril 2005, pp.55
202 Pour le calcul de ce pourcentage, nous avons pris le
nombre de vols à destination de villes baltiques (c'est à dire
d'un des pays riverains de la Baltique) et nous l'avons rapporté au
nombre de vols total. Lorsqu'il y a deux vols par semaine pour Stockholm, nous
comptons deux vols.
203 D'après le site internet de l'aéroport de
Gdansk et les documents marketing de la ville
204 D'après le site internet de l'aéroport de
Brème et les documents marketing de la ville
60
A l'issue de cette analyse, on peut conclure que : la
dépendance des pays de la Baltique envers l'Allemagne (ici Brème)
est plus forte que la dépendance de l'Allemagne envers la Baltique, que
Brème, Gdansk et Riga présentent une composante régionale
dans leurs destinations loin d'être exclusive et que les villes
régionales desservies servent souvent de hubs (Stockholm, Copenhague).
Ainsi, on retrouve ici le schéma des « hubs and spoke » que
l'on observera pour les échanges maritimes.
Carte n°5 : Un réseau routier baltique
: Outil de l'intégration spatiale ?
Un réel réseau régional est-il plus
visible dans le tracé des infrastructures routières ? Dans ce
domaine, l'action de l'Union Européenne a été très
forte notamment en termes de financement. La planification spatiale en
matière de transport en Baltique205 suit un programme
voté en 1994 par les ministres de l'environnement et de la planification
territoriale des pays riverains intitulé « VASAB 2010
»206. L'idée est de connecter entre elles les «
perles de la Baltique » à savoir les villes maritimes par des
réseaux intermodaux d'infrastructures de transport. En 2001 à
Wismar, des actions concrètes sont proposées et collectées
dans un document appelé « Vasab 2010 PLUS Spatial Development
Action Programme » classées en 6 thèmes clés (la
coopération des régions urbaines, l'identification de zones de
développement stratégiques pour l'intégration
transnationale, les transports transnationaux, la
205 D'après le site de Vasab 2010 :
http://www.vasab.org/ (Consulté le 15/05/2008)
206 «Visions and Strategies Around the Baltic Sea until
2010»
61
diversification et le renforcement des aires rurales, la
création de réseaux transnationaux concernant les paysages
naturels et les paysages culturels, un développement
intégré des zones côtières et des îles).
« Vasab 2010 » permet donc la création d'un véritable
réseau de villes en favorisant un modèle polycentrique, faisant
émerger plusieurs villes reliées par un système de
transport. Le projet reprend ainsi, en considérant les Réseaux
Transeuropéens de Transport (RTE-T) comme l'une de ses priorités,
les documents programmatiques de l'UE, tels que le SDEC et la décision
n° 1692/96/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet
1996 sur les orientations communautaires pour le développement du «
Réseau Transeuropéen de Transport ». Cette loi avait
été complétée en 2004 par une liste de 30 «
projets transeuropéens prioritaires » qui reprenait les «
Réseaux Transeuropéens de Transport » mais qui est à
mettre aussi en regard avec les « corridors de transports
paneuropéens prioritaires » définis en Crète et
à Helsinki en 1999.
Parmi ces 30 projets207, on trouve, outre une
autoroute et une voie ferrée partant de Gdansk208, les
autoroutes de la mer209 définissant des voies maritimes pour
l'échange de fret notamment entre les pays riverains de la mer Baltique,
et un projet de « Rail Baltica »210 devant relier Helsinki
à Varsovie211 via Tallinn, Riga et Kaunas212. Les
« via Baltica » et « via Hanseatica » n'ont pas, en
revanche, été retenus parmi les 30 projets prioritaires et
avaient été définis comme « corridors
paneuropéens prioritaires » à Helsinki. La « via
Baltica »,213dont la réalisation intégrale est
prévue vers 2015-2020 et dont les travaux sont déjà bien
avancés, doit relier Helsinki, Tallinn, Riga, Kaunas, Varsovie et Berlin
(Marin, 2004). La « via Hanseatica »214 permettra, quant
à elle, de rejoindre Lübeck depuis Saint-Pétersbourg via
Narva, Tartu, Riga, Valga, Ñiauliai, Kaliningrad, Gdansk, Szczecin,
Rostock.
Les projets de « via Baltica », « via
Hanseatica » et « Rail Baltica » sont fortement orientés
Nord/Sud. En effet, l'UE et les acteurs de « Vasab 2010 », sont
partis d'un constat : dans le système soviétique, les trois pays
baltes et Kaliningrad formaient une même région économique,
bien que sans réalité administrative et les réseaux
terrestres servaient à acheminer les marchandises entre les ports et les
grands centres de population ou de production situés en Union
Soviétique. Dans ces réseaux, l'accent était donc mis sur
les relations Est-Ouest alors que les relations Nord-Sud et leurs
infrastructures étaient souvent négligées (Hyzy, 1996). Le
but des axes « via Baltica/Rail Baltica » et
207 Financés par les fonds TACIS, PHARE et INTERREG
208 Projets RTE prioritaires n°23 et n°25 (2004)
reliant Gdansk à Varsovie, Brno, Bratislava et Vienne, voir site
internet :
http://ec.europa.eu/ten/transport/projects/doc/2005_ten_t_fr.pdf
(consulté le 05/06/2008)
209 Projet « RTE prioritaire » n°21 (2004) Ces
autoroutes de la mer sont au nombre de quatre : l'une relie les golfes de
Botnie et de Finlande à la Suède puis à l'Atlantique, la
deuxième assure la connexion avec le Portugal et longe les côtes
françaises, la troisième, orientée Est/Ouest, permet la
traversée de la méditerranée et la quatrième
atteint la mer du Levant et la mer Noire
210 Projet « RTE prioritaire » n°27 (2004)
211 D'après l'article « De Varsovie à
Helsinki : « Rail Baltica », un projet imaginatif, stratégique
et durable », Inforegio, Panorama, N°18, pp.23
212 A Kaunas et à Riga, des liaisons en correspondance
avec la ville de Vilnius et les villes lettones permettront une parfaite
connexité de l'ensemble des villes baltiques
213 Définie en 1999 comme corridor paneuropéen
d'Helsinki I
214 Définie en 1999 comme corridor paneuropéen
d'Helsinki IA
62
« via Hanseatica » est donc bien de mettre les
villes de Riga et de Gdansk en liaison rapide avec le coeur de l'Union
Européenne, plus que de relier les trois états baltes entre eux,
même si cet élément compte également. La liste des
« projets transeuropéens prioritaires » le précise bien
: le « Rail Baltica » pourra « favoriser
l'intégration (...) dans la future Union élargie »,
favoriser « les échanges avec l'ensemble des pays
européens »215.
La « via Baltica » et la « via Hanseatica »,
reprennent en partie les anciennes routes terrestres hanséatiques
(notamment entre Riga et Tallinn, entre Riga et Tartu, ou entre Gdansk et
Kaliningrad)216 L'Union Européenne a également mis en
place deux projets nommés « Sebtrans » et « Sebtrans Link
» (Serry, 2006). Ceux-ci cherchent à adopter une vision globale en
connectant entre eux les réseaux transeuropéens et
paneuropéens baltiques, en utilisant la multi-modalité, et en
cherchant à transformer les axes de transport régionaux en zones
de développement transnationales. Ils cherchent à utiliser les
atouts de chaque pays et les infrastructures de transport pour proposer un
développement économique intégré et cohérent
ainsi que durable. Tel était également l'objectif du projet
« Baltic Palette » qui a donné lieu à deux rapports
« Baltic Palette I et II » en 2001.
Riga et Gdansk font partie du réseau Sebtrans,
réseau « en arbre » autour de la Suède. Il est certain
que ces projets créent un véritable réseau autour de la
Baltique et entre les trois villes, d'autant plus que Brème est
relié à Berlin et Lübeck par un dense réseau
d'autoroutes. Cependant, Brème, situé sur la Mer du Nord, n'est
pas pris en compte directement dans ces projets.
Mais, bien entendu, la mer Baltique crée une
discontinuité donc un manque de connexité dans le réseau
routier. L'un des réseaux les plus abouti est donc apparemment le
réseau de ferries qui a été inclus dans le projet «
Sebtrans Link ». Arnaud Serry le confirme « la mer Baltique est
le support du trafic de ferry le plus intensif du monde » (...) « Le
trafic de passagers en mer Baltique est sans aucun doute le meilleur exemple
des échanges intra-baltiques. Il peut de fait être perçu
comme le révélateur d'une nouvelle organisation spatiale
régionale »217.
Une carte des liaisons ferries218 de la mer
Baltique met en évidence une inégalité entre l'Ouest et
l'Est de la Baltique (gradient Ouest/Est). Le trafic de ferries est
concentré sur quatre aires principales : des liaisons entre le Danemark
et la Suède, le Danemark et l'Allemagne, la Suède et la Finlande
et la Finlande et l'Estonie. Le réseau est donc plus dense à
l'Ouest qu'à l'Est de la Baltique.
Les trois villes étudiées possèdent
cependant des connexions en ferries219. Ainsi si Brème et
Bremerhaven sont plutôt des ports de départ pour les îles de
la mer du Nord (Helgoland, Wangerooge),
215Fiche technique des projets disponible à
cette adresse :
http://ec.europa.eu/ten/transport/revision/hlg/2003_report_kvm_annex_fr.pdf
(Consulté le 05/05/2008)
216 Entretien du 20/02/08 avec Zaiga Krisjane, maître de
conférences à la faculté de Géographie de
Lettonie
217 SERRY, A., (2006), Op.Cit., pp.129-130-131
218 Voir le site de Virtu Ferries :
http://www.virtuferries.com/index.aspx
(Consulté le 16/05/2008)
63
Gdansk est relié à Nynäshamn en
Suède, Gdynia à Karlskrona en Suède, et Riga à
Stockholm et Nynäshamn.
La Suède est le pays centralisant le plus les lignes de
ferries en provenance des villes de la Baltique méridionale et
orientale. L'Allemagne centralise les lignes en provenance de Norvège ou
du Danemark. Peut-on alors parler vraiment de réseau réticulaire
ou est-on devant un réseau « bipolaire » ?
Sans aller jusque là, il existe en effet peu de
liaisons entre Pologne, Lettonie et Lituanie. Certes, ces axes sont pris en
charge par le trafic routier. Mais il est intéressant de constater que
les lignes ferries suivent également des intérêts
économiques. Et pour cause, « Le transport par ferries ne se
limite pas aux personnes, ainsi, en 1998, plus de 40 millions de tonnes de
marchandises ont été transportées sur ces
navires220 ce qui signifie environ 1.8 millions de camions et 350
000 wagons221 ».
Quels sont donc ces flux économiques, cette «
infostructure », qui s'appuyant sur les infrastructures de transport rend
concrète l'intégration spatiale Baltique ? Une intégration
régionale est en effet synonyme de renforcement du maillage du
réseau mais également d'intensification des flux : « Le
commerce extérieur est l'un des champs les plus remarquables de
l'intégration régionale qui forme une source non
négligeable de revenu et de bien être économique (...)
Alors que l'on insiste souvent sur la réorientation des flux [baltiques]
commerciaux vers l'Union Européenne renforcée par les
délocalisations, depuis 1994, les flux intra-régionaux se
montrent très dynamiques et évoluent même plus rapidement
que les échanges avec l'UE. (...) A l'aube du XXIe siècle, les
courants commerciaux ont sensiblement augmenté et un réseau
intensif se met en place dans la région »222.
3. Un réseau inachevé : le constat d'une
régionalisation impossible ?
3.1 Etat des flux économiques à Gdansk,
Brème et Riga
Tableau n°1 : Trafic portuaire de
Gdansk/Gdynia en 2006
Ports
|
Gdansk
|
Gdynia
|
Gdansk/Gdynia
|
Partie du Monde
|
Milliers de tonnes
|
%
|
Milliers de tonnes
|
%
|
Milliers de tonnes
|
%
|
Europe
|
13 480
|
61,2
|
10 462
|
85,6
|
23 942
|
70,4
|
Afrique
|
1 535
|
7,0
|
327
|
2,7
|
1 862
|
5,5
|
Asie
|
3 658
|
16,6
|
150
|
1,2
|
3 808
|
11,2
|
Amérique
|
3 091
|
14,0
|
1 276
|
10,4
|
4 366
|
12,8
|
Océanie
|
28
|
0,1
|
0
|
0,0
|
28
|
0,1
|
Total
|
22 034
|
100
|
12 218
|
100
|
34 006
|
100
|
Source : Latvijas Statistikas
Conception, réalisation : Nicolas Escach, 2008
220 Ici il est question des ferries effectuant des liaisons entre
les villes de la Baltique
221 SERRY, A., (2006), Op.Cit., pp.130-131
222 SERRY, A., (2006), Ibidem., pp.275
64
Les échanges économiques intra régionaux
en Baltique sont le fait de deux phénomènes : les flux maritimes
de natures diverses et les investissements directs à l'étranger.
Observons donc ces flux économiques pour les exemples de Brème,
Gdansk et Riga.
Un premier angle d'analyse peut être le relevé
des pays de destination ou de provenance des importations et exportations de
toutes natures223. A Gdansk 61.2% du trafic maritime se fait avec
l'Europe et à Gdynia, 85.6%. Le port de Gdansk apparaît donc
d'emblée plus international que celui de Gdynia, commerçant avec
l'Asie (16.6%) ou l'Amérique (14%). L'échelle européenne
semble donc bien adaptée pour analyser le trafic des ports de
Gdansk/Gdynia. Deux cartes des importations et exportations à
l'échelle de l'Europe permettent donc une mesure plus fine.
Carte n°6 : Principaux partenaires commerciaux
du port de Gdansk en 2006
Source : Yearbook of maritime economy 2007
Conception et réalisation : Escach, 2008 (logiciel
Wincarto)
Carte n°7 : Principaux partenaires commerciaux
du port de Gdynia en 2006
Source : Yearbook of maritime economy 2007
Conception et réalisation : Escach, 2008 (logiciel
Wincarto)
223 D'après le «Yearbook of Maritime Economy
2007»
65
A l'échelle de l'Europe, les importations/exportations
du port de Gdansk montrent une composante régionale très forte
mais pas exclusive. Le partenaire commercial le plus important est par exemple
les Pays-Bas avec 2 386 200 tonnes échangées en 2006. Suivent le
Danemark, le Royaume-Uni, l'Allemagne et la Suède (dans l'ordre).
L'Allemagne est donc loin d'être le seul partenaire commercial. Les
importations/exportations du port de Gdynia font apparaître une
omniprésence beaucoup plus évidente des partenaires commerciaux
régionaux. L'Allemagne occupe une place prépondérante
captant 34.9% du trafic avec 3 420 000 tonnes échangées en 2006.
Suivent la Suède avec 1 620 000 tonnes et la Finlande avec 1 618 000
tonnes. Entre les volumes échangés avec les pays scandinaves et
les volumes échangés avec l'Allemagne, on est donc dans un
rapport du simple au double.
Si l'on entre maintenant dans le détail qualitatif des
échanges, on voit que le trafic conteneurisé représente
2.45% du trafic de Gdansk mais 30.6% du trafic de Gdynia. Gdynia est le port
majeur d'entrée des conteneurs en Pologne (rappelons que les ports de
Gdansk et de Gdynia sont les deux premiers ports polonais en termes de trafic
en 2006). Si l'on représente cartographiquement les pays partenaires de
Gdynia dans le trafic de conteneurs, le résultat est clair : l'Allemagne
occupe une suprématie totale avec 3 257 200 tonnes sur les 3 738 700
tonnes échangées soit 87.7%. C'est sans doute parce que le trafic
de conteneurs représente une part importante de l'ensemble du trafic de
Gdynia et parce que ce trafic se fait plutôt vers l'Allemagne que le
trafic total de Gdynia s'oriente plus nettement vers la région baltique
et particulièrement vers les ports allemands.
Graphique n° 3 Part des IDE cumulés
(1990-2006) par origine des investissements
Source : Memorandum of the Pomeranian Metropolis, Gdansk Banking
Academy, Gdansk 2006 Tiré de : Atlas of the Gdansk Metropolitan Area
2007
Conception et réalisation : Nicolas Escach, 2008
66
Si l'on considère les statistiques des investissements
directs à l'étranger, dans le cas de la ville de
Gdansk224, comme à l'échelle de l'ensemble de la
Poméranie225, l'Allemagne domine nettement par son apport de
capitaux constituant environ 21% des IDE. En revanche, les pays suivants
investissant à Gdansk et en Poméranie ne sont pas que des pays
baltiques. La France ou les Pays-Bas occupent une place au moins aussi
importante que la Suède, le Danemark ou la Norvège. Certes la
composante régionale est présente (16.5% des IDE à Gdansk
et 18.5% en Poméranie hors Allemagne) mais elle est assez faible.
Pour l'exemple de Gdansk et de Gdynia, il est donc possible de
conclure que : la régionalisation se fait surtout par les flux maritimes
et peu par les IDE, le port de Gdynia paraît plus régional que le
port de Gdansk et plus axé sur le trafic de conteneurs, les partenaires
commerciaux régionaux principaux sont l'Allemagne et les pays
scandinaves.
Le port de Riga ne peut être traité aussi
précisément que les ports de Gdansk et de Gdynia car peu de
statistiques à l'échelle du port ont pu être
trouvées. Faute de mieux, nous avons retenu des chiffres à
l'échelle de la Lettonie dans son ensemble226. Concentrons
nous donc sur les importations et exportations de Lettonie (maritimes et non
maritimes). L'Europe représente pour la Lettonie 93.4% de son
trafic227 soit quasiment la totalité. Si l'on prend en compte
les flux entrant et sortant de Lettonie en 2006, on constate que la composante
régionale est très forte. Les partenaires commerciaux les plus
importants sont les autres pays baltes (Lituanie, 2e, Estonie, 3e) et
l'Allemagne (1er partenaire commercial). L'importance des pays
baltes peut être attribuée ici à la présence de
tronçons de la « via Baltica » et de la « via Hanseatica
» qui ont pu créer un effet structurant. En revanche, il est
possible de supposer que l'importance de l'Allemagne est pleinement due aux
flux maritimes. La Suède, la Finlande et la Pologne occupent une place
essentielle mais ce qui est remarquable, ce sont les liens avec les pays de
l'ex-CEI (Russie, Biélorussie, Ukraine). Si l'on sépare à
présent les flux entrants des flux sortants, on remarque que les
importations viennent principalement d'Allemagne, des pays baltes et de
Pologne, Suède, Finlande ainsi que des pays de l'ex CEI, très
présents. Pour les flux sortants, les pays baltes, l'Allemagne, la
Suède, la Russie et le Royaume-Uni se détachent nettement. Le
Royaume-Uni est le premier marché d'exportation pour les produits
lettons, notamment le bois (Orcier, 2005).
Si l'on affine cette lecture quantitative par une lecture
qualitative, on s'aperçoit que la Lettonie échange avec la Russie
surtout des produits minéraux, avec l'Allemagne et la Suède
surtout des conteneurs. Le trafic de conteneurs qui était l'un des
éléments les plus importants du port de Riga sous l'Union
Soviétique est aujourd'hui en chute libre dans ce port passant de 24%
avant 1990 du trafic à 10% en 1995 (Serry, 2006). Les liens avec
l'ex-CEI sont en revanche toujours très importants. Si l'activité
des ports polonais repose pour une grande partie sur les ressources de
l'économie nationale,
224 D'après «Atlas of the Gdansk Metropolitan Area
2007»
225 D'après « Pomorskie Region Economy 2007 »
226 D'après « Statistikas Latvijas »
227 Moyenne exportations et importations
67
le cas des ports lettons dont les trafics portuaires
relèvent en grande partie des flux d'échanges en provenance ou en
direction de la Communauté des Etats Indépendants diffère.
Les ports lettons, libres de glace, sont en effet des ports de transit au coeur
du trafic Est/Ouest entre les pays de l'ex-CEI et l'Union Européenne.
Dans ces échanges de transit qui représentent 80% du volume de
marchandises traitées dans le port de Riga (Orcier, 2005), la Russie
prend une part importante. Les ports baltes se livrent une intense concurrence
pour capter les trafics russes (de pétrole raffiné amené
vers les ports baltes par voie ferrée, et de pétrole brut
amené par oléoduc). La situation est en effet favorable : L'Union
Européenne compte pour 35% dans le commerce extérieur russe. Mais
la Russie n'est pas le seul hinterland de ces ports de transit. Pour la
Lettonie, le développement des relations avec les Etats de l'ex-CEI
permet de diversifier ses fournisseurs pour réduire sa dépendance
à l'égard de la Russie. Cela d'autant plus que, depuis quelques
années, la Russie cherche à gagner en autonomie en construisant
ses propres ports dans le golfe de Finlande (ports de Vyborg et de Vysotsk,
projet portuaire de Batareïnaïa, port de Primorsk). Pour des
états « enclavés » comme la Biélorussie ou le
Kazakhstan, les ports lettons peuvent constituer une porte de sortie (Orcier,
2005). L'importance de l'axe Mer Baltique-Mer Noire est à cet
égard à noter. Cet axe faisait partie des corridors
paneuropéens d'Helsinki (corridor IX) et reprend l'ancienne route de
commerce médiévale dite « des Varègues aux Grecs
» (Serry, 2006)
Les investissements directs228 à
l'étranger peuvent aussi être un important
révélateur. Or près de 60% des IDE en Lettonie proviennent
de pays riverains de la Baltique. L'Allemagne, la Suède, le Danemark et
l'Estonie occupent une place importante. Les IDE contrairement à
l'exemple de Gdansk/Gdynia participent bien ici à un processus de
régionalisation économique.
Pour l'exemple de Riga et de la Lettonie, il est donc possible
de conclure que : la régionalisation se fait par les flux maritimes et
par les IDE, l'intégration régionale et au sein de l'UE prend
encore majoritairement la forme d'un transit entre l'Est et l'Ouest
malgré l'importance que revêt l'axe Nord/Sud autour de la «
via Baltica » à travers l'apparition de plates-formes logistiques
et multimodales. Le transit se fait principalement entre la Russie et les pays
de l'Europe de l'Ouest (Allemagne, Danemark) et Scandinaves (Suède)
alors que les produits lettons sont exportés plutôt vers le
Royaume Uni.
L'exemple de Brème est un cas à
part229. En effet, Brème n'est pas situé sur la
Baltique. Seul 51.4% du trafic des ports de Brème/Bremerhaven se fait
avec l'Europe. La vocation internationale de Brème est donc nettement
plus affirmée que celle de Gdansk ou de Riga. Les villes asiatiques et
américaines constituent des partenaires privilégiés. A
l'échelle de l'Europe, en revanche, la composante régionale
baltique est très forte. Les principaux partenaires commerciaux outre
les ports allemands sont les pays scandinaves (Norvège, 1er
partenaire commercial, Suède, 4e, Finlande 3e),
La
228 D'après « Statistikas Latvijas »
229 D'après « Hafenspiegel Bremen/Bremerhaven 2006
»
68
Russie (2e partenaire), la Pologne (5e)
et les Pays Bas (6e). Si l'on distingue à présent
importations et exportations, la situation est quelque peu différente.
Les importations viennent principalement de Norvège avec 4 570 473
tonnes débordées en 2006 dont seulement 740 053 tonnes de
conteneurs, de Finlande et des Pays Bas. Les exportations s'orientent
principalement vers la Russie avec 2 055 903 tonnes dont 1 961 381 tonnes de
conteneurs, la Finlande avec 1 072 978 tonnes dont 747 727 tonnes de conteneurs
et la Pologne avec 1 033 208 tonnes dont 1 022 354 tonnes de conteneurs.
Russie, Finlande, Suède et Pologne sont les pays européens les
plus importants en termes de trafic de conteneurs pour
Brème/Bremerhaven. Le port de Saint-Pétersbourg concentre en
effet une bonne partie du trafic baltique de conteneurs. La répartition
du trafic conteneurisé entre les ports de la région a
été considérablement remaniée au cours des
dernières années. Alors que jusqu'en 1998, les conteneurs
empruntaient moins les ports russes que finlandais et baltes, les années
2000 voient ce trafic se réorienter sur ceux-ci. La moitié des
conteneurs est traitée dans les ports russes aujourd'hui, celui de
Saint-Pétersbourg essentiellement (Serry, 2006). Le port de Brème
soumet alors les autres pays à une certaine dépendance, exportant
ses conteneurs vers la Russie. Prenons l'exemple de la Lettonie : dans le
classement des partenaires commerciaux de Brème, le pays est le
29e pays vers lequel Brème/Bremerhaven exporte, le
15e pays duquel Brème/Bremerhaven importe et le
25e pays en termes de trafic de conteneurs.
Pour l'exemple de Brème, Bremerhaven, il est donc
possible de conclure que : la dépendance des villes baltiques à
l'égard de Brème est plus grande que la réciproque. Les
relations commerciales de Brème sont pour une part modeste
européenne mais ces relations européennes sont surtout baltiques.
Brème exporte surtout vers la Russie mais importe beaucoup des pays
scandinaves.
3.2 Quelle forme de réseau économique autour
de la Baltique ?
Si l'on cherche à faire la synthèse de ces
éléments, au regard de la question de la régionalisation,
la réponse doit être nuancée et en réalité
deux types d'échanges maritimes se profilent : des lignes entre les
ports de la Baltique et les ports de la rangée Nord européenne
dont surtout Rotterdam, Hambourg, Brème/Bremerhaven et Anvers. Ces
lignes, dévouées au trafic de conteneurs s'insèrent dans
une logique de « hub and spoke ». Les conteneurs en provenance de
l'Amérique, du Sud-est asiatique sont transportés par des
porte-conteneurs vers les grands ports de la « Northern Range ». Dans
ces ports, les biens sont chargés sur des navires plus petits et
transportés vers les ports de la Baltique comme Riga ou Gdynia ou
vice-versa et plus loin par rail ou par route vers les pays d'Europe centrale
ou de l'est. Le pré et le post acheminement sont donc effectués
par « feedering » entre la Baltique et ces ports pivots situés
en mer du Nord et prenant le titre de « hub » (Serry, 2006). Soit ce
« feedering » se fait par axes, soit il prend la forme d'une
rotation, les feeders passant alors dans plusieurs ports et dessinant une
boucle. Dans ce premier type de liaison, les marchandises ne font que «
transiter » par la Baltique. Les autres liaisons les plus présentes
sont, quant à elles, des relations « intra-baltiques » et qui
sont essentiellement de type ferry ou « ro-ro ». Ces
69
relations connectent véritablement les espaces
riverains et les échanges se font entre des « Suds » (Pologne,
Pays Balte) et des « Nords » (Suède, Finlande, Allemagne,
Danemark). Dans cette seconde situation, le poids de l'Allemagne n'est plus
aussi fort.
Ce point est essentiel pour déterminer si, en Baltique
se dessine ou non un réel réseau de villes et plus encore une
véritable régionalisation. Tom Schumacher insiste sur
l'importance de la politique étrangère de l'Allemagne dans
l'espace baltique mais précise que « d'un point de vue
géographique, l'espace baltique ne présente pas un
intérêt primordial pour la politique étrangère
allemande. L'Allemagne diffère en cela de la plupart des autres pays
riverains de la Baltique surtout de la Suède »230.
Bien que pour beaucoup de voisins, l'Allemagne soit le plus important ou le
deuxième plus important partenaire commercial, il n'est pas
contesté que les intérêts de l'Allemagne les plus
importants se trouvent hors de la Baltique. Seuls des petits pays comme les
pays baltes sont fortement dépendants du commerce régional. Or
« la mer Baltique ne peut pas exister comme une entité
économique cohérente si son principal acteur n'est pas
complètement intégré à la
région231 ». Cet élément est
essentiel pour comprendre la différence qui existe entre Brème et
Gdansk, Riga. Au-delà de cet élément, peut-on
véritablement parler de réseaux des flux baltiques au regard des
cartes autrement qu'en utilisant la notion de réseau « polaire
» ou éventuellement en « arbre » et en parlant de faible
connectivité ? En réalité, cela est partiellement vrai :
le trafic de conteneurs suit cette logique et fait de la Baltique le support
d'axes et non d'un réel réseau mais il ne représente que
7% du volume des échanges en Baltique. Il révèle cependant
la restructuration actuelle des échanges dans les ports baltiques. Mais
il faut nuancer et le système des rotations permet déjà
une forme de liaison intra-baltique. Les trafics ferries ou de type ro-ro sont
véritablement la forme la plus aboutie de régionalisation. Or
dans ce type de transport, il apparaît que Brème est relativement
exclu.
230 SCHUMACHER, T., « La politique
étrangère de l'Allemagne dans l'espace baltique », in :
AUCHET, M., BOURGUIGNON A. (2001), Aspects d'une dynamique
régionale: Les pays nordiques dans le contexte de la Baltique,
Nancy ,Presses Universitaires de Nancy, pp.281
231 GOTZ, N., HACKMANN, J., HECKER-STAMPEHL, J. (dir.),
(2006), Op.Cit., pp.87 : «Die Ostseeregion kann nicht als eine
kohärente wirtschaftliche Einheit existieren, wenn ihr Hauptakteur nicht
voll innerhalb des Gebietes integriert ist»
Carte n°8 (Chorème) : Quelle forme de
réseau économique autour de la Baltique ?
70
3.3 Réseaux baltiques, Réseaux
européens, Réseaux hanséatiques
En mettant ces résultats, enfin, au regard des
réseaux européens et des réseaux hanséatiques, il
existe des exemples où réseaux européens, réseaux
baltiques et hanséatiques s'accordent parfaitement. C'est le cas de
Brème. Brème entretient des relations fortes avec la
Norvège, la Scandinavie et les Pays Bas qui étaient ses
partenaires historiques. L'axe Nord/Sud n'a pas disparu. Au coeur de la «
Northern Range », il est également port européen et port
allemand avant tout.
Gdansk peut également rappeler les axes
hanséatiques. Les connexions avec l'Allemagne sont fortes et si Hambourg
ou Brême ont remplacé Lübeck, l'axe Baltique-Allemagne est
toujours présent. L'autoroute transeuropéenne qui devrait relier
Gdansk à Brno conforte l'axe Nord/Sud qui autrefois passait par Thorn et
Elbing et qui menait jusqu'en Slovaquie. La « via Hanseatica » relie
à nouveau Gdansk à Kaliningrad, l'ancienne Königsberg
reprenant ainsi un axe historique. Gdansk veut se doter bientôt d'un
nouveau terminal conteneurs et d'un nouveau centre logistique et a la
prétention de devenir un « hub » en Baltique comme Danzig
l'était à l'époque de la Hanse : « Par son
passé hanséatique Gdansk a joué un rôle majeur dans
les relations commerciales entre l'Europe du Nord et de l'Ouest, ainsi que pour
les pays d'Europe centrale et de l'Est. C'est par ailleurs le port de la Mer
Baltique hors glace le plus profond. Cet atout et sa localisation
géographique sont autant d'arguments
71
sur lesquels les autorités du port s'appuient pour
faire de Gdansk un centre de distribution pour la Pologne, la région
baltique et les pays d'Europe centrale et de l'Est. Il constituera
également un élément clé du corridor
transeuropéen de transport n°6 qui connectera Gdansk avec l'Europe
du Sud (principalement les régions de l'Adriatique et de la Mer noire)
»232
A Riga, en revanche, réseaux baltiques, réseaux
européens et réseaux hanséatiques ne s'accordent pas.
Depuis 2004, et l'élargissement à l'Est, les frontières de
l'Union Européenne ont évolué. Or l'espace Schengen, s'il
accorde une liberté à l'intérieur de l'Europe, crée
une barrière entre l'Europe et les pays périphériques.
Cette nouvelle frontière, bien entendu, pénalise le transit
Ouest/Est économique entre la Lettonie et la Russie : l'apparition de
frontières est synonyme de restriction de liberté de circulation
des personnes ou des biens et de taxes douanières peu propices aux
échanges (Serry, 2006). De, plus, l'UE semble privilégier l'axe
Nord/Sud à travers une « via Baltica » et une « via
Hanseatica » qui ne prennent que partiellement en compte les voies
historiques hanséatiques plutôt tournées, elles aussi, vers
le transit entre la Russie et l'Allemagne. Arnaud Serry reprend cette
idée : « Malgré ces obstacles, il est important de
souligner que l'essentiel du transit reste Est-Ouest alors que les flux
méridiens aujourd'hui intra européens restent modestes (...) La
perception qu'a l'UE de l'espace balte serait elle erronée ?
». Pertti Joenniemi va dans ce sens et espère que les pays
nordiques et baltiques sauront défendre leurs valeurs et la vision de
l'Europe à laquelle ils sont attachés (Joenniemi, 1998). Le
centre de gravité de l'UE s'est déplacé et l'UE doit en
prendre conscience. Bien entendu, la coopération avec la Russie et la
place de la Russie pose question.
En somme, l'étude des anciennes voies
hanséatiques pose une nouvelle fois la question d'un modèle pour
l'Europe (Schymik, Henze, Hille, 2006). Deux modèles d'Europe s'opposent
: Jan Zielonka oppose deux alternatives pour la gestion des frontières
de l'Europe. Les frontières qu'il nomme « néo-Westphaliennes
» (ou Neo-Westphalian) se réfèrent à un
espace clos alors que les frontières «
néo-médiévales » promeuvent l'ouverture et la
variété des formes. Soit les frontières extérieures
de l'UE dans le futur continueront à évoluer vers un
modèle néo-Westphalien, synonyme de concentration, de
souveraineté absolue, de politique commune et de hiérarchie
régionale, soit elles suivront un régime
néo-médiéval caractérisé par des
frontières flexibles, une souveraineté partagée, des
identités variées et multiples. Il est évident que les
frontières entre états baltes et Russie sont concernées
tant elles restent « hautement problématiques
»233. Le mot régionalisation n'a pas le même
sens, prononcé par des acteurs européens et par des acteurs
baltes. A Riga, la région baltique inclut la Russie, A Bruxelles, la
région baltique coopère avec la Russie. La Hanse aide alors
à comprendre la spécificité de ces régions, et peut
être un support afin de définir des programmes de
coopération avec
232 Voir le site de l'AIVP :
http://www.aivp.org/index.html
(Consulté le 23/05/2008)
233 MIOSO, S., « In what sense a region ? The limits of
Baltic Sea Integration», SCHYMIK C., HENZE, V., HILLE, J., (dir.) (2006)
Go North! Baltic Sea Region Studies: Past - Present - Future, Berlin,
Berliner Wissenschafts Verlag, pp 95
72
la Russie. Il faudrait, en somme, couper la séparation
qui semble apparaître à Riga entre économie et politique en
renouant avec une Hanse spatiale234.
Conclusion
Les hypothèses que nous avions établies au
départ ne sont que partiellement validées. Les discours et
pratiques se fondant sur la période hanséatique ne s'appuient que
sur une patrimonialisation incomplète. Les discours des acteurs
utilisant la ressource hanséatique ne servent pas uniquement à
soutenir un projet de régionalisation mais s'inscrivent dans des
desseins plus larges (rempart contre la mondialisation, rattachement à
l'Europe) ce qui peut les rendre aux yeux de certains peu réalistes.
Cette référence à la Hanse n'est pas partagée par
tous et peut même, contre toute attente, donner lieu à des «
conflits d'acteurs ». Chaque acteur a sa vision de la Hanse, ce qui n'est
pas nouveau puisque les historiens, eux-mêmes, ne se sont pas
accordés sur l'espace que recouvrait l'organisation. Celle-ci
possédait un pouvoir central faible et n'a pas connu de
législation ou de liste officielle de ses membres qui entraient et
sortaient de l'organisation relativement rapidement, parfois plusieurs fois
(comme Brème). De plus, les villes de la Hanse étaient
connectées à l'ensemble de l'Europe du Nord, et donc à
l'Italie et à l'Europe dans son ensemble. Ainsi l'idée même
que l'Europe se fait de la Baltique (le SDEC livre des cartes des programmes de
coopération), excluant une bonne partie de la Russie et se limitant aux
régions les plus littorales, n'est pas la même que celle que les
acteurs des réseaux de la « Nouvelle Hanse » se font de la
Baltique hanséatique qu'ils étendent jusqu'au Pays Bas,
jusqu'à la France ou la Belgique. Ceux-ci prennent en compte la liste
des villes qui ont été à un moment de leur histoire un
comptoir hanséatique. Les acteurs s'opposant à une quelconque
référence à la Hanse se font de cette organisation une
toute autre idée (se limitant aux ports de la Baltique). Les
représentations spatiales de la Hanse sont donc des
éléments essentiels permettant de comprendre la position des
acteurs dans l'utilisation du concept de Hanse. Ainsi les pratiques spatiales
mettent en avant un réseau qui manque de cohérence car pris entre
des logiques diverses et parfois contradictoires (les logiques de l'Union
Européenne et les logiques historiques, plus locales par exemple). Cet
enchevêtrement de logiques fait du réseau baltique un
réseau qui ne peut aboutir mais ce n'est pas l'unique argument appuyant
une régionalisation incomplète....
Une question centrale empêche de parler de
régionalisation sur les pourtours de la Baltique : la question de
l'appropriation. Bien sûr le poète lituanien Tomas Venclova disait
: « Pour l'Occident, le passé chaque jour davantage se perd
dans le passé. Personne ne considère que les intrigues
menées par les Plantagenêts ou par Louis XIV peuvent servir de
leçons à la société. Personne ne croit vraiment
à l'utilité des modèles anciens quand il s'agit de trouver
le bon chemin dans le labyrinthe de la vie contemporaine. Il en est tout
autrement en Europe centrale et à l'Est. Là-bas, le passé
est
234 Entretien du 20/02/08 : Zaiga Krisjane, maître de
conférences à la faculté de Géographie de
Lettonie,
73
vivant, actuel, s'insinue quotidiennement dans les
journaux (...) influe sur le comportement des gens (...)
»235. Mais à propos de la Hanse, il manque une
conscience régionale. Sami Mioso l'a bien vu : « la lacune
majeure dans la région de la mer Baltique est le manque de conscience
régionale de ses habitants et l'absence d'idée de région.
Il n'apparaît pas un phénomène comme une identité
baltique »236. Il est vrai que les historiens critiquent
le concept même de « civilisation hanséatique »
(Blanc-Noël, 2002) : les pays ont gardé des cultures très
diverses jusqu'à aujourd'hui. Si l'on reprend le sondage qu'avait
réalisé Mikelis Aschamanis à Riga (Aschmanis, 2007), on
constate que parmi la population peu de personnes savaient ce qu'était
la Hanse et l'auteur a du réaliser un deuxième sondage parmi les
étudiants en sciences humaines afin d'obtenir des réponses plus
précises. Certes, 43.9% d'entre eux avaient une vision positive de la
Hanse mais 56.1% avaient une vision neutre ou étaient
indifférents. 32.9% des interrogés avaient déclaré
que l'on ne pourrait plus construire quelque chose de semblable à la
Hanse aujourd'hui. A Gdansk, le phénomène est le même si
l'on en croit les chiffres de Peter Oliver Loew qui rapporte le résultat
d'un sondage sur la mémoire de l'histoire locale réalisé
en 1996. Les habitants devaient classer les événements et
personnages les plus importants pour eux : 91% ont répondu le combat de
Solidarité et la personnalité de Lech Walesa, 26% les
débordements de la Seconde Guerre mondiale, 19% l'annexion de Gdansk
à la Pologne sous Kazimierz Jagellon, 14% la ville libre d'entre deux
guerres. Suivaient les grèves de décembre 1970, le voyage de St
Adalbert en 997 puis la Hanse qui récoltait moins de 10% (Loew, 2003).
Il est certain qu'à Brème, la Hanse est mieux connue même
s'il n'existe pas de sondage véritablement. Mais pour combien de temps
encore ? Car c'est l'usage de la Hanse qui maintient la Hanse en vie. Or
faut-il souhaiter d'une référence historique qui brouille la
compréhension du présent plus qu'elle ne la facilite ? L'absence
d'assise populaire, transforme pour l'instant la « Nouvelle Hanse »
en une régionalisation qui ne peut aboutir.
235 Cité par SERRY, A., (2006), Op.Cit, pp.62
236 SCHYMIK C., HENZE, V., HILLE, J., (dir.) (2006),
Opt.Cit., pp.83-97 : «The major insufficiency in the Baltic Sea
region is the lack of regional consciousness of its inhabitants and the
shapelessness of the idea of the region. There does not appear a phenomenon
such as a Baltic identity».
74
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diffusion le 2 Janvier 2003.
Documents remis par les acteurs :
Brochure-programme des 17e jours internationaux de la «
Hanse der Neuzeit » (Gdansk, 1997) intitulé Gdansk 23-29.06.1997 :
17. Internationaler Hansetag«, non publié, prêté par
Mme Jolanta Murawska elle-même.
Déclaration de Gdansk ou Deklaracja Gdanska
traduite également en allemand sous le titre Danziger
Erklärung, document réalisé en 1997, signé par
tous les participants et délégués des jours de la Hanse de
Gdansk non publié prêté gracieusement par Mme Jolanta
Murawska.
Discours du maire de Lübeck Michael Bouteiller, lors de
la cérémonie d'ouverture de Gdansk, 26 Juin
1997, disponible sur internet à l'adresse suivante :
http://www.luebeck.de/incl/pressedienstarchiv/jun97/970344r.html
consulté le 20 Janvier 2008.
Discours de Jolanta Murawska réalisé lors de
l'ouverture des jours de la Hanse de Gdansk le 26 Juin 1997, prêté
par Mme Jolanta Murawska elle-même intitulé : « The
opportunities for working together within the Framework of the Hanseatic League
», non publié.
Discours de Jolanta Murawska pour la préparation du
Millenium de Gdansk, réalisé en 1996, en présence de Mr
Bouteiller et Mr Mayer, non publié, aimablement prêté par
Jolanta Murawska.
Journal des Journées de la Hanse de Riga 2001, brochure
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document collecté auprès de la mairie de Gdansk, non disponible
à ma connaissance sur internet.
Bulletin of SO Gdansk 2007, document collecté
auprès de la mairie. Consultable et disponible sur internet à
l'adresse suivante :
http://www.stat.gov.pl/gdansk/22_ENG_HTML.htm
(Consulté le 03/03/2008)
Hafenspiegel Bremen/Bremerhaven 2006, Livre rassemblant
l'ensemble des statistiques sur les ports de Brème et de Bremerhaven,
édité chaque année. Consultable et disponible sur internet
à l'adresse suivante :
http://www.bremen.de/fastmedia/36/hafenspiegel_2006.pdf
(Consulté le 03/03/2008).
Information on Social and Economic Situation of Gdansk, 2007,
document collecté auprès de la mairie de Gdansk, non disponible
à ma connaissance sur internet.
Statistical Yearbook of Maritime Economy 2007, Livre rassemblant
l'ensemble des statistiques sur les ports polonais, édité chaque
année. Consultable et disponible sur internet à l'adresse
suivante :
http://www.stat.gov.pl/cps/rde/xbcr/gus/PUBL_yearbook_of_maritime_economy_2007.pdf
(Consulté le 02/05/2008).
Statistisches Jahrbuch Bremen 2007, détaillant les
principaux indicateurs pour la ville de Brème. Disponible sur internet
à l'adresse suivante :
http://www.statistik.bremen.de/sixcms/detail.php?gsid=bremen65.c.2044.de
(Consulté le 02/02/2008).
The Pomorskie Region Economy, 2007 Livre rassemblant les
statistiques du Voïvodie de Poméranie, document collecté
auprès de Ewa Jagodzinska, non disponible à ma connaissance sur
internet.
Wirtschaftliche Umfeld der Stadt Riga 2007«, Livre
rassemblant les chiffres économiques principaux concernant Riga,
document remis par l'agence marketing de la ville.
82
Liste des entretiens menés sur le terrain
Du Mercredi 24 Octobre au Lundi 5 Novembre 2007 :
Gdansk
24/10/07 : Iwona Sagan, maître de conférence et
les doctorants de l'Université (Maja Grabhowska) de Gdansk-Gdynia
(département de Géographie), rencontre à Gdynia au
département de Géographie.
27/10/07 : Jolanta Murawska, Vice présidente de la
Ligue Hanséatique (Hanse der Neuzeit), adjointe au maire de
Gdansk chargée des relations internationales, rencontre à Gdansk
à l'hôtel Holiday Inn.
29/10/07 : Magdalena Zakrzewska-Duda, chargée des
relations internationales auprès du Baltic Sea Cultural Center,
rencontre dans les bâtiments d'Ars Baltica à Gdansk, ul Korzenna
33/35, 80-851 Gdansk.
29/10/07 : Ewa Jagodzinska, responsable du service de la
coopération internationale auprès de l'office du maréchal
du Voïvodie de Poméranie, rencontre au siège de l'office,
Dlugi Targ 8/10, 80-828 Gdansk.
29/10/07 : Jolanta Murawska pour la seconde fois, rencontre
à la mairie de Gdansk, Urzad Miejski w Gdansku, ul. Nowe Ogrody 8/12,
80-803 Gdansk.
30/10/07 : Karol Polejowski, chargé de la communication
et de l'information auprès du maire de Gdansk, rencontre à la
mairie de Gdansk, ul. Nowe Ogrody 8/12, 80-803 Gdansk.
30/10/07 : Robert Domzat, chercheur auprès du
Musée maritime de Gdansk, historien, manager de projets, rencontre au
musée maritime sur l'île aux greniers, Polish Maritime
Museum, ul Olowianka 9/13, 80-751 Gdansk.
Du Jeudi 7 Février au Jeudi 14
Février : Brème
08/02/08 : Andrea Frohmader, chargée des relations
internationales auprès du Senatkanzlei , rencontre à
l'hôtel de ville de Brème, Rathaus, Am Markt 21, 28 195 Bremen.
11/02/08 : Georg Skalecki, conservateur pour le Landesamt
für Denkmalpflege (l'administration du Land chargée de la
protection des monuments historiques), docteur, rencontre au Landesamt
für Denkmalpflege, Sandstrasse 3, 28 195 Bremen.
11/02/08 : Rolf Kirsch, conservateur pour le Landesamt
für Denkmalpflege, docteur, rencontre au Landesamt für
Denkmalpflege, Sandstrasse 3, 28 195 Bremen.
11/02/08 : Jamshid Saberi, chargé des jumelages et des
échanges culturels auprès du département culture du
Sénat de Brème, rencontre dans les bureaux du département
de la culture du Sénat de Brème, Senat der Freien Hansestadt
Bremen, Der Senator für Kultur, Freiberger Strasse 52, Bremen.
12/02/08 : Konrad Elmshäuser, directeur des archives de
Brème, historien et docteur, rencontre aux archives de Brème,
Staatsarchiv, Am Staatarchiv 1, 28 203 Bremen.
12/02/08 : Jens Joost-Krüger, responsable du marketing de
la ville de Brème, à l'agence marketing de Brème, Bremen
Marketing GmbH, Tiefer 2, D-28195 Bremen.
12/02/08 : Heinz-Gerd Hofschen, directeur du Focke Museum
de Brème, rencontre au Focke Museum, Bremerlandesmuseum,
Schwachhauser Heerstrasse. 240, D-28213 Bremen.
83
12/02/08 : Horst-Seele Liebetanz, co-responsable du projet
Hanse Passage«, rencontre au bureau du Hanse Passage«,
Ansgaritorstrasse, 22, 28 195 Bremen.
Du Samedi 16 Février au Samedi 23
Février : Riga
18/02/08 : Peteris Blums, architecte, rencontre dans le
diocèse de Riga, Mazapilsiela, 6, Riga Lv 1050.
18/02/08 : Ilgvars Misans, professeur d'histoire à la
faculté d'histoire de Lettonie, docteur, rencontre dans la
faculté d'histoire, Latvijas Universitate, Brivibas bulvaris 32/30,
Riga, Lv 1050.
19/02/08 : Ojars Sparitis, ancien directeur de la Maison des
Têtes Noires, actuel directeur du centre des Arts de Lettonie ou Latvian
Academy of Arts, organisateur des Journées de la Hanse de Riga en 2001,
rencontre au siège de la Latvian Academy of Arts, Melngalvjunams,
Ratslaukums, 7, Riga, Lv 1050.
19/02/08 : Andris Sne, assistant auprès de la
faculté d'histoire de Lettonie, historien, Latvijas Universitate,
Brivibas bulvaris, 32/30, Riga, LV-1050.
20/02/08 : Zaiga Krisjane, maître de conférence
à la faculté de Géographie de Lettonie, docteur, rencontre
dans la faculté de Géographie, Latvijas Universitate, Alberta
Iela, 10, room 407.
21/02/08 : Evija Kotlere, cadre à l'agence marketing de
la ville de Riga, coordinatrice de projets, délégué
auprès des Journées de la Hanse, rencontre au siège de
l'agence, Amatu Iela, 4, Lv-1050
Autres rencontres
19/09/07 : Pascal Orcier, doctorant, ancien attaché
culturel auprès de l'ambassade de Lettonie, auteur de l'Atlas de
Lettonie, rencontre au laboratoire Géophile, ENS LSH.
21/01/08 : Benjamin Seck, vice président de
l'Université du Havre, directeur du CIRTAI, à l'Université
de Haute-Savoie, Chambéry.
26/02/08 : Peter Oliver Loew, docteur, chercheur au
Deutsches Polen Institut de Darmstadt, directeur des recherches
scientifiques, auteur notamment de Danzig und seine Vergangenheit,
spécialiste de la ville de Gdansk et de son identité, rencontre
au Deutsches Polen Institut de Darmstadt, Mathildenhöhweg, 2,
D-64287 Darmstadt, Deutschland.
84
Annexes
a!
Héritage matériel
I léritage immatériel
Contexte Post 1990 Ouverture du rideau de fer
Candidatures puis Intégrations à l'Est dr
l'Europe
4
Stadtinarketing
Service restauration monuments UNESCO
Panneau d'interprétation Circuits, Valorisation
Office de tourisme (Service de restauration)
Villes Elus
Nouveaux Réseaux Evénements, jumelages
t 'ne Histoire commune 14 Hanse
Une Conscience XIXe D'être Hanséatique
Mythification Création d'une tradition
Les mots u Hanseahsch/Hanseat r Connotation Positive
de la hanse
Label Unesco Restauration, Protection
Choix du Kogge comme seule emblème
Utilisation de l'écho positif du mot Hanse
Rendre visible l'histoire si Authenticité e
Attirer les touristes Donner une bonne image
MIME
Attirer investisseurs et clients durablement
Conquérir des marchés à l'Est de
l'Europe
·
·
Une Culture,
Le droit de Lubeck
Construire des Réseaux Europe
S'acquitter d'une dette à t'Est
Une Conscience XIXe D'être Hanséatique
Mythification Création d'une tradition
85
La Gestion du patrimoine hanséatique à
Riga/Gdansk, la (re)création politique d'un imaginaire? (Nicolas Escach,
2008)
+
rc commune Une Culture, kt."'
...a...........".....vv......~...~..vv..........~~~\\
lause La Hanse des villes
1 /
Héritage matériel
Inc I listoi
La I
Réaslivation duntydie depuis 1990, vidé de
Sr connotation allemande, aux côtés des mythes
nationaux
Elarglssement dr Mal 1007, Volontarisme politique 'r9'99y
Contexte Post 1990 Ouverture du rideau de fer
Attirer les touristes baltiques Dormer une bonne image
Rendre visible l'histoire , a Authenticité »
r
I
Jumelages, Réseaux a Nouvelle Hanse e
I Agence pour la protection du pate. UNESCO
(Rica'
1 Restauration, Protection e polémique
»
Circuits, brochures Peu de panneaux
I Office(s) de Tourisme
Institut letton ou polonais
Agence Marketing 14 Agence
développement
$
Définition de stratégies en cours,..
Attirer, Rassurer les investis seurs'clients baltiques
Survivre dans un monde global
Se montrer o européen
Villes, Elus Nouvelle Hanse
Construire des Réseaux Europe
Utilisation de l'écho positif du mot Hanse
..
Par les allemmnds
Exil des allemands
La Gestion du patrimoine hanséatique à
Brème, la marchandisation d'un imaginaire? (Nicolas Escach, 2008)
86
87
88
Table des Illustrations
Table des Cartes
Carte n°1 : Les corridors de
transport paneuropéens ..p.7
Carte n°2 : Les routes
hanséatiques p.11
Carte n°3 : Les villes jumelles
de Brème, Gdansk et Riga p.54
Carte n°4 : Les liaisons
aériennes au départ de Brème, Gdansk et Riga p.58
Carte n°5 : Un réseau
routier baltique : outil de l'intégration spatiale ? .p.60
Carte n°6 : Principaux
partenaires commerciaux du port de Gdansk en 2006 p.64
Carte n°7 : Principaux
partenaires commerciaux du port de Gdynia en 2006 .p.64
Carte n°8 (Chorème) :
Quelle forme de réseau économique autour de la Baltique ?
.p.70
Table des Graphiques
Graphique n°1 : Composition de la
population de Riga en 1844 et 1935 p.15
Graphique n°2 : Part des
touristes à Gdansk en 2006 p.47
Graphique n°3 : Part des IDE
cumulés (1990-2006) par origine des investissements à Gdansk
p.65
Table des Tableaux
Tableau n°1 : Trafic portuaire de
Gdansk/Gdynia en 2006 .p.63
Table des photos
Photo n°1 : Exemple d'utilisation
iconique de la Hanse par des organisations de coopération
régionale .p.26
Photo n°2 : Le mot Hanse à
Riga p.38
Photo n°3 : Deux exemples de
patrimoine bâti hanséatique à Riga et Brème p.43
Photo n°4 : La mise en valeur des
monuments hanséatiques à Brème p.45
Photo n°5 : Les «
Stadtmusikanten » et Roland à...Riga, symbole du Jumelage entre les
deux
villes p.53
89
Table des Sigles
BPO : Organisation des Ports de la Baltique
BTC ou CTB : Commission du Tourisme de la mer
Baltique CEB ou CEMB ou CBSS : Conseil des Etats de la
mer Baltique EUROB : Route Européenne du Gothique de Brique
RTE-T : Réseaux Transeuropéens de
Transport
SDEC : Schéma de Développement de l'Espace
Communautaire UBC ou UCB : Union des cités de la
Baltique
UE : Union Européenne
90
Glossaire
Altstadt (Allemand) : vieille ville, à Gdansk
désigne l'ancienne banlieue slave dès 1377 Balge
(Allemand) : les quais qui, à Brème, accueillaient les
bateaux reliant la ville à l'Hinterland Deutschbalten
(Allemand) : les « Allemands Baltes », Allemands habitant les
trois états baltes Frequentates (Latin) : les marchands
étrangers dans les comptoirs de la Hanse au Moyen-âge
Germanität (Allemand) : « Germanité », terme
utilisé par Peter Oliver Loew à propos de Gdansk Hansisch
(Allemand) : adjectif signifiant hanséatique mais pour parler d'une
réalité historique
Hanseatisch (Allemand) : adjectif signifiant
hanséatique mais pour parler du caractère d'une chose ou d'une
personne
Hanseat(en) (Allemand) : les individus ayant un
caractère « hanséatique »
Hansetag (Allemand) : Journées de la Hanse,
rencontres des villes hanséatiques au Moyen Age, rencontres qui ont
encore lieu aujourd'hui chaque année
Hanse der Neuzeit ou Neue Hanse (Allemand) :
Réseau de coopération d'anciennes villes hanséatiques se
rencontrant chaque année au cours des Journées de la Hanse. Le
mot Neue Hanse peut également désigner tout
réseau de coopération faisant référence à la
Hanse ou reprenant ses anciens traits.
Hanza (Polonais) : Hanse
Inwertsetzung (Allemand) : Mise en valeur au sens large
du terme
Kogge (Allemand) ou Cogge (Français) : bateau
à voile carrée et à fond plat et haut de bord,
utilisé en Europe du Nord au Moyen Age, il a les traits d'un navire de
guerre et est idéal pour le transport sécurisé des
marchandises.
Manentes (Latin) ou Ortansässig (Allemand) :
dans les comptoirs de la Hanse, les marchands originaires du lieu
Mantots (Letton) : bien ancestral donc d'une grande
valeur ; Mantojums : héritage
Multikulturalität (Allemand),
Wielokulturowosc (Polonais ) : « Multiculturalité »,
mot utilisé par Peter Oliver Loew à propos de Gdansk.
Polonität (Allemand) : « Polonité
», mot utilisé par Peter Oliver Loew à propos de Gdansk.
Rahmenvereinbarung (Allemand) : Contrat « cadre
», accord définissant un certains nombre d'éléments
sur lesquels il sera possible de coopérer
Schlachte (Allemand) : Quais qui à Brème
accueillaient les Cogge venus de toute l'Europe. Udziedziczenie
(Polonais) : de dziedzictwo, héritage
Universum (Allemand) : « Cité de la
Science » située à Brème, musée d'une grande
fréquentation à l'architecture très moderne tout comme le
Kunsthalle, le musée des beaux arts de Brème.
91
Table des Matières
Introduction 3
I) Peut-on parler d'une patrimonialisation commune de
l'héritage hanséatique à Brème, Gdansk
et Riga ? 5
1. Brème, Gdansk et Riga : quel cadre
géographique? 5
2. Brème, Gdansk et Riga de l'histoire dans la Hanse
à l'histoire de la Hanse 8
2.1 Quels furent le rôle et la place de Brème,
Gdansk et Riga dans la ligue hanséatique ? 8
2.2 L'histoire de la reconstruction de la Hanse aux XIXe et XXe
siècle 13
2.3 L'image de la Hanse à Brème, Gdansk et Riga
18
3. La Hanse : un patrimoine ou une ressource territoriale ?
18
3.1 De la notion de patrimonialisation à celle de «
ressource territoriale » 18
3.2 La patrimonialisation, quelle application à Gdansk,
Brème et Riga ? 21
II) La Hanse dans les représentations des acteurs
à Brème, Gdansk et Riga : les enjeux de
l'instrumentalisation d'un imaginaire 23
1. La « Nouvelle Hanse » : la (re)création
politique d'une région ? 23
2. Les représentations des acteurs publics et la Hanse
26
2.1 Les élus des institutions de la « Nouvelle Hanse
» ou la suprématie du mythe 26
2.2 Marketing urbain et emblèmes hanséatiques : la
Hanse et ses images 30
2.3 Les élus partisans du pragmatisme ou le principe de
réalité 34
3. Les représentations des acteurs privés et la
Hanse 38
3.1 Le mot Hanse dans le nom des entreprises et des commerces
38
3.2 Pourquoi peut-on parler d'un « écho positif
» du mot Hanse ? 39
3.3 Les difficultés d'usage du mot Hanse dans la toponymie
40
III) Au-delà des représentations, parler de
la Hanse aujourd'hui fait-il encore sens dans les
pratiques ? 41
1. A l'échelle locale, quelle place de l'héritage
matériel hanséatique dans une stratégie
touristique ? 41
1.1 Quel patrimoine matériel à Brème,
Gdansk et Riga ? 41
1.2 La gestion de la « ressource » hanséatique,
premier pas vers son exploitation touristique ? 43
1.3 Les raisons de chercher une « valorisation patrimoniale
» de l'héritage hanséatique 46
2. A l'échelle régionale, quelle place de
l'héritage immatériel de la Hanse dans l'émergence d'un
nouveau réseau urbain ? 49
2.1 Les notions de réseau, de réseau de ville, de
polycentrisme 49
2.2 Les réseaux institutionnels, du Jumelage à la
construction de réseaux économiques 52
2.3 Les réseaux matériels 57
3. Un réseau inachevé : le constat d'une
régionalisation impossible ? 63
3.1 Etat des flux économiques à Gdansk,
Brème et Riga 63
92
3.2 Quelle forme de réseau économique autour de
la Baltique ? 68
3.3 Réseaux baltiques, Réseaux européens,
Réseaux hanséatiques 70
Conclusion 72
Bibliographie 74
Liste des entretiens menés sur le terrain
82
Annexes 84
Table des Illustrations 88
Table des Sigles 89
Glossaire 90
Table des Matières 91
Résumés en langues
étrangères 93
93
Résumés en langues
étrangères
Mots clés : Hanse, Baltique,
Patrimoine Ressource, Représentations, Régionalisation,
Réseaux, Europe, Lettonie, Pologne, Allemagne.
Résumé :
Depuis les années 90 et la chute du rideau de fer, la
région de la Baltique est en pleine recomposition géopolitique.
Le phénomène majeur de cette nouvelle donne est un processus de
régionalisation intense et rapide. Souvent, cette régionalisation
est présentée comme la recréation de liens historiques
anciens, comme l'émergence d'une « Nouvelle Hanse ». Les
villes de la Baltique semblent redécouvrir l'héritage
matériel et immatériel de la Hanse du Moyen Age et chercher
à l'ériger en ressource afin de fonder des réseaux
économiques, politiques, institutionnels. Il s'agit ici de
recréer une unité si longtemps perdue. Mais quelle place occupe
véritablement une patrimonialisation de l'héritage
hanséatique dans le processus de régionalisation qui semble se
développer sur les pourtours de la Baltique ? A l'inverse, quelle est la
place de la régionalisation de l'espace baltique dans l'enjeu d'une
patrimonialisation de l'héritage hanséatique ? L'étude des
villes de Brème, Gdansk et Riga peut esquisser des ébauches de
réponse. Brème, ville de l'ancien bloc de l'Ouest et Gdansk et
Riga, villes de l'ancien bloc de l'Est répondent dans ce domaine
à des logiques différentes. Pourtant, dans ces trois villes, les
acteurs, publics ou privés, économiques ou politiques, paraissent
justifier, parfois, leur politique régionale par une
référence au passé hanséatique. Cette
référence est-elle partagée par tous ?
N'agrémente-t-elle que les discours, les représentations ou
donne-t-elle lieu à une véritable pratique spatiale ? La
redécouverte de la Hanse n'est-elle seulement que le retour d'une
mythologie ou a-t-elle créé un véritable réseau
entre l'ensemble des rives de la Baltique ? Peut-on véritablement, d'un
point de vue spatial, parler de « Nouvelle Hanse » ?
Schlüsselbegriffe: Hanse,
Ostseeraum, Überbleibsel der Inwertsetzung des Kulturguts,
Repräsentationen, Netzwerke, Europa, Lettland, Polen, Deutschland
Zusammenfassung:
Seit den 90er Jahren und dem Zerfall des eisernen Vorhangs
befindet sich die Ostseeregion in einem geographischen
Umstrukturierungsprozess. Dieses Phänomen lässt sich auf die immer
rasanter werdende Regionalisierung zurückführen. Des Öfteren
wird in diesem Zusammenhang von einer Wiederaufnahme der alten
Handelsbeziehungen gesprochen und dafür wird nun der Begriff der
«neuen Hanse» verwendet. Es scheint, als ob die Ostseestädte das
alte materielle und geistige Erbe der mittelalterlichen Hanse wiederaufleben
lassen wollten, um neue wirtschaftliche, politische und institutionelle
Netzwerke zu gründen. Eine bereits lange in Vergessenheit geratene
Handelsgemeinschaft bekommt neue Relevanz. Aber welchen Stellenwert nimmt die
Inwertsetzung des hanseatischen Kulturerbes, die im Ostseeraum vonstatten geht,
in Zusammenhang mit der Regionalisierung ein? Oder anders gefragt, welche Rolle
spielt dabei die Entstehung der Region Ostseeraum im Zusammenhang mit dem
hanseatischen Kulturgut? Mögliche Antwortansätze auf diese
Fragestellung ergeben sich, wenn man die Städte Bremen, Danzig und Riga
näher untersucht. Bremen, Stadt des ehemaligen Westblocks, sowie Danzig
und Riga, beides Städte des ehemaligen Ostblocks, beantworten diese Frage
auf unterschiedliche Art und Weise. Dennoch scheinen die Akteure aus dem
öffentlichen oder privaten Bereich, aus Wirtschaft und Politik in diesen
drei Städten ihre
94
Regionalpolitik mit Bezug auf die hanseatische Vergangenheit
zu begründen. Nehmen wirklich alle Akteure Bezug auf die hanseatische
Vergangenheit? Handelt es sich hierbei nicht nur um leere Worte oder findet die
Hanse tatsächlich eine praktische Umsetzung? Kann die Wiederbelebung des
hanseatischen Kulturerbes mit der Rückkehr eines Mythos gleichgesetzt
werden oder lässt sie wahrhaftig ein neues Netzwerk zwischen den Akteuren
des Ostseeraums entstehen? Ist es möglich, geographisch von einer
«Neuen Hanse» zu sprechen?
Key words: Hanseatic League, the Baltic
region, resource heritage, representations, regionalisation, networks, Europe,
Lettony, Poland, Germany.
Abstract:
Since the 1990s and the fall of the Iron Curtain, the Baltic
region has been undergoing a full geopolitical reorganisation. The major factor
in the new deal is a process of intense and fast regionalisation. This
regionalisation is often presented as the revival of old time historical links
- the emergence of a new Hanseatic League. The cities of the region seem to be
rediscovering both the material and the non-material heritage of the mediaeval
Hanseatic League and to be trying to establish it as a resource, in order to
create economic, political and institutional networks. The idea here is to
recreate a long-lost unity. However, we can wonder if and to what extent the
patrimonisation of the Hanseatic heritage plays a role in the process of
regionalisation which seems to be developing around the Baltic region. We can
also wonder if and to what extent regionalisation plays a part in the
patrimonisation of the Hanseatic heritage. A study of the cities of Bremen,
Gdansk and Riga can help find tentative answers to these questions. Bremen, a
city of the former western block, Gdansk and Riga, cities of the former eastern
block, follow contrasted logics. However, the economic and political actors in
these three cities, both in the private and the public sectors, seem to
sometimes justify their regional policies through references to their Hanseatic
past. Does this only appear in speeches or representations, or does it really
lead to a real policy of space management? Is the newly rediscovered Hanseatic
Leage but a reborn myth, or has it created a real network between countries in
the Baltic region? Is there such a space as a "new Hanseatic League»?
-Pour la traduction des résumés, merci à
Verena Hock et Anne Raynaud pour leur aide-
Nous nous excusons pour les erreurs qui se seraient
malencontreusement glissées dans ce mémoire de master, et nous
invitons les personnes découvrant des erreurs éventuelles
à nous contacter à l'adresse suivante : nicoescach@
free.fr ou à se
reporter à la feuille d'Errata qui pourra être jointe à
cette édition.
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