Francophonie et médiation des crises politiques en Afrique francophone: le cas de Madagascar( Télécharger le fichier original )par Rodrigue TASSE MOTSOU Institut des Relations Internationales du Cameroun et en cotutelle avec l'Université Jean Moulin de Lyon III en France - Master II en Science politique option Relations Internationales 2012 |
CHAPITRE II : ACTIONS ET STRATEGIES DE LA FRANCOPHONIE DANS LA CRISE MALGACHELa grande île de l'océan indien, Madagascar, connait depuis plusieurs années une crise politique dont elle ne semble pas pouvoir sortir. Les affaires Daewoo74(*), Boeing75(*) et Viva76(*) ont été les éléments déclencheurs de la crise malgache77(*). En janvier 2009, le maire d'Antananarivo, AndryRajoelina, réunit entre 30 000 et 50 00078(*) personnes dans la capitale sur la très symbolique place du 13 mai, et lance un appel à la grève générale « jusqu'à ce que le gouvernement parte »79(*), tout en dénonçant les dérives du président Marc Ravalomanana pour attirer une partie de la population. Formant rapidement une alliance de circonstance, la plupart des partis d'opposition, et une partie de la société civile se rallient à lui. Le 26 janvier, la situation dégénère et des pillages importants ont lieu dans plusieurs villes du pays80(*). Près de 70 personnes perdent la vie81(*). Le 31 janvier, Rajoelina s'autoproclame chef de l'Etat,82(*) et annonce la création d'une « Haute Autorité de Transition » (HAT). Il emmène ensuite la foule prendre le palais présidentiel le 7 février. La garde présidentielle tire sur les manifestants et fait près de 30 morts et plus de 200 blessés83(*). Des dizaines de manifestants sont arrêtés au cours des semaines de protestation, les manifestations interdites et Ravalomanana qui annonce la fin de l'anarchie. Les forces de l'EMMONAT (Etat-major mixte opérationnel national) en charge de la sécurité nationale en temps de crise sont dispersées à travers la ville et procèdent à une répression musclée. Acculé, Ravalomanana remet le pouvoir à un directoire militaire le 17 mars, qui à son tour le transmet quelques heures plus tard à Rajoelinaqui va aussitôt prêter serment le 21 mars pour devenir le nouveau président de la HAT84(*). La communauté internationale réagit rapidement aux évènements de mars. La SADC85(*), et l'Union Africaine86(*) condamnent la passation de pouvoir et suspendent Madagascar de leurs organisations en réclamant un retour à l'ordre constitutionnel. Le Secrétaire Général de la Francophonie convoque en session extraordinaire, le 2 avril 2009, le CPF qui examine l'ensemble du processus ayant conduit à un changement de pouvoir à Madagascar et conclut que celui-ci constitue une rupture de l'ordre constitutionnel et de la démocratie. Le CPF suspend Madagascar de l'organisation conformément aux dispositions du chapitre V de la déclaration de Bamako. Les membres du CPF vont cependant réaffirmer la disponibilité de la Francophonie à accompagner le processus de retour à un ordre constitutionnel démocratique et en particulier la tenue d'élections libres, fiables et transparentes dans les délais les plus rapides.87(*)Ayant pris acte de la volonté manifestée par les autorités de fait, le Secrétaire Général de la Francophonie va rapidement dépêcher monsieur EdemKodjo, ancien secrétaire général de l'OUA, ancien Premier Ministre du Togo, en tant qu'Envoyé spécial dans le cadre d'une médiation aux côtés de l'Union Africaine ( Amara Essy), de l'ONU ( HaileMenkerios, assistant du Secrétaire Général aux affaires politiques) et plus tard de la SADC ( Joachim Chissano) pour tenter de rapprocher les différents protagonistes.Pour une sortie de crise à Madagascar, la Francophonie va mener plusieurs actions et stratégies visant un retour à l'ordre constitutionnel.Ces actions s'organisent autour du soutien au processus de transition et de sortie de crise à Madagascar (Section I), et l'accompagnement du processus électoral et de sortie de crise à Madagascar (Section II). Section I : Le soutien au processus de transition et de sortie de crise à* 74 Le gouvernement malgache aurait conclu un accord avec Daewoo Logistics, une société sud-coréenne pour lui louer la moitié des terres cultivables du pays soit 1,3 millions d'hectares pendant 99 ans, alors que la grande île n'arrive pas à produire suffisamment de denrées alimentaires pour sa propre consommation. C'est l'annonce de cet accord qui choque la population. Voir International Crisis Group, Madagascar : sortir du cycle de crises, Rapport Afrique no. 156, 18 mars 2010, p.3. * 75 « L'affaire Boeing » éclate lorsque la presse rend public l'achat d'un nouvel avion présidentiel, Air Force One II, pour un montant de 60 millions de dollars. Cet achat suscite immédiatement d'intenses débats sur l'utilisation des fonds publics. Si l'achat d'un premier avion présidentiel en 2002 n'avait guère généré de protestations, l'acquisition du second a lieu après six ans de présidence de Ravalomanana marqué par une patrimonialisation progressive de l'appareil d'Etat qui va de pair avec un fort mécontentement populaire. Cet achat fait également réagir la Banque mondiale et le Fonds Monétaire International. Voir International Crisis Group, Madagascar : sortir du cycle de crises, Rapport Afrique no. 156, 18 mars 2010, p.3. * 76 Le président Ravalomanana ordonne la fermeture de la télévision Viva de Rajoelina, après diffusion d'un entretien avec l'ancien président Didier Ratsiraka en exil à Paris, lequel aurait émis des « propos susceptibles de troubler l'ordre publique ». Voir International Crisis Group, Madagascar : sortir du cycle de crises, Rapport Afrique no. 156, 18 mars 2010, p.3. * 77 Mathieu Pellerin, « Madagascar : un conflit d'entrepreneurs ? », politique africaine, no.113, mars 2009.p.152 * 78 « Madagascar : chronologie d'une révolte annoncée », TV5 Monde, http://www.tv5.org consulté le 7 mai 2012 * 79 « A AnalakelyRajoelina appelle à la grève », L'Express de Madagascar, 26 janvier 2009, www.allafrica.com/stories/200901260100.html , consulté le 7 mai 2012 * 80 « Des centaines de milliards de pertes pour les opérateurs », Midi Madagasikara du 28 janvier 2009, www.allafrica.com/stories/200901280100.html consulté le 7 mai 2012 * 81 « Au moins 68 morts à Madagascar depuis lundi », Liberation.fr du 29 janvier 2009, www.liberation.fr/monde/0101315618-au-moins-68-morts-a-madagascar-depuis-lundi, consulté le 7 mai 2012 * 82 « Le maire d'Antananarivo défie l'autorité du président », Reuters, 31 janvier 2009, www.infomag.ma/index.php/2001-Le.html consulté le 7 mai 2012 * 83 « Madagascar s'enfonce dans la crise, le bilan de la fusillade s'alourdit » Agence France Presse, du 7 février 2009, www.google.com/hostednews/afp/article/ALeqM5gDgoklii90f716nuAijyFxsiH1bq consulté le 7 mai 2012 * 84 International Crisis Group, Madagascar : sortir du cycle de crises, Rapport Afrique no. 156, 18 mars 2010, p.6 * 85 « Le bloc régional d'Afrique australe suspend Madagascar et invite Rajoelina à partir », TopMada.com, du 30 mars 2009, www.zinfos974.com/le-bloc-regional-d-afrique-australe-suspend-Madagascar-et-invite-TGV-a-partir_a5301.html, consulté le 2 décembre 2012. * 86 « Communiqué de la 181 ème réunion du Conseil de paix et de sécurité », Union Africaine, 20 mars 2009 * 87 Organisation Internationale de la Francophonie, « Rapport du Secrétaire Général de la Francophonie : de Québec à Montreux 2008-2010», Paris, OIF, 2010. |
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