Francophonie et médiation des crises politiques en Afrique francophone: le cas de Madagascar( Télécharger le fichier original )par Rodrigue TASSE MOTSOU Institut des Relations Internationales du Cameroun et en cotutelle avec l'Université Jean Moulin de Lyon III en France - Master II en Science politique option Relations Internationales 2012 |
Paragraphe II : Le savoir-faire francophone en faveur de la médiation des crises politiquesLa Francophonie a mené plusieurs actions en faveur de la médiation des crises politiques dans de nombreux pays. Forte de cette expérience, elle a mobilisé une expertise d'excellence (A) pour un retour à l'ordre constitutionnel en Mauritanie, au Burundi, en RDC. L'exemple des crises Centrafricaines et Comoriennes peuvent être présenté comme expression du savoir-faire francophone (B). A-La mobilisation d'une expertise d'excellenceNombreuses et multiples ont été, depuis 2000, les applications pratiques de ce dispositif normatif et institutionnel enrichi de façon consensuelle par les Etats et les Gouvernements, au sein desquelles les actions de médiation menées ou mandatées par le secrétaire général, et en particulier Abdou Diouf connaitront un regain d'intensité, en concordance d'ailleurs avec la déclaration qu'il avait prononcée lors de son élection au sommet de Beyrouth : « La démocratie nous renvoie tout naturellement à la déclaration de Bamako qu'il s'agit d'appliquer avec intelligence, persévérance et détermination pour faire de notre communauté francophone un espace d'excellence en ce qui concerne le respect des droits et des libertés, la prévention et le règlement des conflits, la pratique de l'Etat de droit, la promotion et la sauvegarde des droits de l'Homme. Pour réussir pleinement ce travail passionnant mais considérable, je ne négligerai aucun concours ». Au cours de son évolution la Francophonie s'est faite un vaste réseau de compétence où se trouve des anciens présidents, anciens premiers ministres, ambassadeurs, chercheurs, représentant de la société civile, chefs des partis politiques de la majorité et de l'opposition, des représentants des médias, des parlementaires, des institutions juridiques pour ne citer que ceux-là. Les experts francophones jouissent d'un accueil chaleureux sur le terrain. Leur proximité culturelle et linguistique leur facilite les contacts et les échanges sur le terrain de la médiation. C'est ainsi que de nombreuses missions ont été dépêchées dans le but d'un retour à l'ordre constitutionnel dans plusieurs Etats francophones. Il en sera ainsi de la Mauritanie69(*), suite au coup d'Etat perpétré le 3 août 2005 par des militaires regroupés au sein du Conseil militaire pour la justice et la démocratie (CMJD) et dirigé par le colonel Ely Ould Mohamed Vall, le CPF s'est réuni en session extraordinaire, à Paris, le 23 août 2005 et a condamné ce coup de force conformément au chapitre V alinéa 3 de la déclaration de Bamako, la suspension provisoire de la coopération avec la Mauritanie, à l'exception des programmes bénéficiant directement aux populations civiles et ceux susceptibles de concourir au rétablissement de la démocratie. Compte tenu des intentions proclamées par le CMJD en faveur de la mise en place de conditions propices à la tenue d'élections libres, fiables et transparentes devant conduire à un retour à la légalité constitutionnelle, le CPF a souligné que la Francophonie était disposée à accompagner la transition et a demandé de dépêcher en Mauritanie une mission d'information et de contacts pour évaluer la portée des engagements pris par les nouvelles autorités. C'est ainsi que le Secrétaire Général de la Francophonie a envoyé à Nouakchott du 8 au 10 septembre 2005, une mission dirigée par l'ambassadeur Jean-Pierre Vettovaglia. La Francophonie a également participé aux journées nationales de concertation avec les partis politiques et la société civile organisées à Nouakchott du 25 au 29 octobre 2005. Les travaux de ces journées de concertation étaient basés sur les rapports soumis par les trois comités interministériels, mis en place par le CMJD en août 2005, et portant sur la justice, le processus démocratique et la bonne gouvernance. C'est à la suite de ces journées que furent prises les décisions tendant d'une part, à mettre en place une Ceni ainsi qu'une commission nationale consultative pour la reforme du secteur de la presse et de l'audiovisuel, et d'autre part, à apporter les amendements nécessaires à la constitution, de manière à abroger l'article 104 dénoncé par l'opposition, à ramener le mandat présidentiel de six à cinq ans, et à faire en sorte que le mandat présidentiel ne soit renouvelable qu'une seule fois. Dans le cadre de la poursuite du soutien apporté par la Francophonie au processus de réconciliation nationale et de paix au Burundi70(*), la Francophonie a marqué son soutien lors du referendum constitutionnel de février 2005, en dépêchant une mission d'information à Bujumbura, composée d' Albert Bourgi, professeur de droit public et de Abraham Zinzindohoue, député à l'Assemblée nationale du Bénin, ancien président de la cour suprême. Cette mission a permis de constater les conditions de tenue de ce scrutin notamment par les entretiens qu'elle a eu avec les principaux acteurs et partenaires impliqués dans ce processus électoral : gouvernement, commission électorale nationale indépendante (Ceni), Assemblée nationale de transition, Sénat de transition, société civile, coordination des partenaires extérieurs d'appui au processus électoral, opérations des Nations Unies au Burundi. En prévision d'un éventuel déploiement d'une équipe de la Francophonie pour l'observation des élections, cette mission a aussi recueilli les informations sur l'évolution de la préparation des scrutins présidentiels, législatifs et communaux. La Francophonie a contribué au renforcement des capacités de la Cour constitutionnelle du Burundi par une dotation documentaire ainsi qu'en matériels informatiques. Outre cette attention à la préparation des élections, la Francophonie a envoyé une mission d'observation des élections législatives organisées en juillet 2005. Le Secrétaire général a, dans ce cadre, mandaté Agathe AnnyOkumba d'Okwatsegue, présidente honoraire des femmes juristes et conseiller au conseil national de la communication du Gabon, pour conduire la délégation francophone. Dans la poursuite du renforcement des capacités des institutions burundaises, monsieur Paul Ngarambe, ancien président de la Ceni du Burundi, a été associé à plusieurs événements organisés par la Francophonie. Il a ainsi pris part aux rencontres sur les pratiques constitutionnelles et politiques en Afrique : les dynamiques, qui se sont tenues à Cotonou, en octobre 2005, en partenariat avec l'UA. En janvier et mai 2006, il a été impliqué dans l'animation de deux séminaires d'échange et d'appropriation des textes, organisés sous les auspices de l'OIF, en vue d'une contribution au renforcement des capacités des membres du conseil constitutionnel et de la commission électorale indépendante (CEI) de Mauritanie. En RDC71(*), la Francophonie et la Monuc ont appuyé l'Observatoire national des droits de l'Homme (ONDH) et la Haute autorité des médias (HAM) dans l'organisation en décembre 2004, d'un forum sur l'état des pratiques des droits de l'Homme qui a réuni depuis la fin de la guerre , des représentations de l'administration, des organisations non gouvernementales (ONG) et de la société civile venant de l'ensemble du pays. La Francophonie a également apporté une contribution à l'élaboration des textes fondamentaux, en mettant, tout au long de l'année 2005, jusqu'à l'adoption et à la promulgation de la loi électorale du 9 mars 2006, une expertise de haut niveau à la disposition des structures compétentes : comité mixte composé d'experts internationaux, de représentants de l'Assemblée nationale et du Sénat, et de représentants de la CEI, chargé de la rédaction de l'avant-projet de loi ;commission interministérielle chargée de la préparation du projet de loi ; et le parlement. Ayant opté, par ailleurs, pour une implication spécifique dans le domaine sensible et déterminant du règlement des contentieux électoraux, la Francophonie en étroite collaboration avec le PNUD a élaboré à la demande des partenaires internationaux et des institutions concernées un programme de formation et d'assistance juridique en faveur des juridictions congolaises. En février 2006, la Francophonie a organisé à Kinshasa un séminaire d'appropriation des textes et d'échanges d'expériences, qui a permis aux magistrats de la cour suprême de justice et aux présidents des cours d'appel de se familiariser avec les questions liées au règlement des contentieux. S'inspirant de son expérience en République centrafricaine en 2005, la Francophonie a mis en outre à la disposition de la Cour suprême et des cours d'appel une cellule d'assistance juridique constituée d'experts de haut niveau et de responsables des institutions homologues, en vue de les appuyer dans l'examen d'éventuels recours concernant les candidatures, ainsi que des contestations portant sur les résultats des consultations. Dans ce même esprit, trois membres de la cour suprême ont été invités par l'Organisation internationale de la francophonie à suivre les dispositions retenues par la cour constitutionnelle du Bénin pour la proclamation des résultats du 2 ème tour de l'élection présidentielle, le 19 mars 2006. Conformément à l'engagement pris dans la déclaration de Bamako, le Secrétaire général a dépêché en République Démocratique du Congo une importante mission d'observation du premier tour des élections présidentielles et législatives de juillet 2006. * 69 Organisation Internationale de la Francophonie, « Rapport du Secrétaire Général de la Francophonie de : Ouagadougou à Bucarest 2004-2006 », Paris, OIF, 2006, p.23 * 70 Organisation Internationale de la Francophonie, « Rapport du Secrétaire Général de la Francophonie de : Ouagadougou à Bucarest 2004-2006 », Paris, OIF, 2006, p.16. * 71 Organisation Internationale de la Francophonie, op.cit. p.18. |
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