II.2.4. LE DOMAINE DU CHEF OU
DE « MABII GONG »
Le Gong de Léré possède son propre
domaine qui est représenté par le « Mabii
gong » c'est-à-dire les « eaux du Gong »
où la pêche y est ordinairement interdite. Ces eaux sont bien
délimitées et reconnues de tous les riverains. L'autorisation de
pêcher n'est accordée que par lui à une période de
l'année. Cette pêche est collective et prend une nature rituelle.
Le Gong fait envoyer un message dans tous les villages relevant de son ressort
territorial. Il les informe de la date du déclenchement de
l'opération de la pêche, quelques jours d'avance pour ainsi
permettre aux participants de préparer les outils et matériels
nécessaires. Ce sont des dizaines de villages qui se mobilisent pour la
circonstance.
Le déclenchement de la pêche est
précédé par des cérémonies rituelles de
« Pah bii » (chef de bord) qui tient à la main des
fétiches, invoquant les dieux des ancêtres afin de leur accorder
la paix, la santé, la bonne pluviosité et une bonne
récolte. Après ce rite, le chef de bord envoûtera tout ce
qui est susceptible de perturber la pêche tels que les crocodiles,
les hippopotames, les serpents... Il ordonne par la suite la pêche.
Cette pêche collective peut durer 3 jours à une semaine selon
l'abondance des captures. Les participants de certains villages lointains
passent parfois leurs nuits sur le site durant toute l'opération. Les
goumiers du Gong effectuent des prélèvements de la quote-part du
Gong en fonction de la quantité prise par chaque participant. A la
clôture (fermeture) de celle-ci, le « Pah bii » lance
un signal mettant terme à l'activité de pêche et personne
n'a le droit de remettre les pieds dans l'eau.
II.2.5. LES ZONES TAMPON AUX
ACTIVITÉS AGROPASTORALES.
Les zone tampons sont des zones de couverture des lacs autour
des quelles se livrent les activités agro-pastorales. Ces zones sont
inondables en période de crue et constituent des potentialités
pour les cultures maraîchères, le pâturage des animaux, la
fabrication des briques, le prélèvement du sable... en
période de décrue. Il va sans dire que l'exploitation de ces
zones ne présente aucun risque écologique notamment la
dégradation des berges sous l'effet de la fabrication des briques et les
couloirs transhumance du bétail.
Photo 2 : Champs de berbéré,
sur les abords du lac de Léré (cliché
PRODALKA)
Elles font l'objet d'une zone de convoitise entre les
principaux acteurs que sont les agriculteurs, les pêcheurs, les
éleveurs et les agro éleveurs. Les modes d'exploitation des
ressources (sols, pâturage) de ces zones sont fortement
influencées par la chefferie traditionnelle à travers son
représentant le « Sarkissanou cantonal», Ministre
d'élevage et du pâturage du Gong. Pour limiter la surexploitation
et la dégradation de ces zones, des directives ont été
édictées :
v Interdiction de fabriquer les briques sur les
berges ; créant une prolifération
effrénée des carrières, ruinant la topographie des abords
et entraînant une dégradation des berges suivie d'un ensablement
des cours d'eau causé par l'érosion hydrique
Photo 3 : les carrières des briques sur les
berges des lacs de Lére. (Cliché
Béakgoubé).
v Utilisation règlementé du
pâturage ; pour prévenir les conflits
d'intérêts et les crises parfois sanglantes, la gestion des
pâturages dans les plaines lacustres fait partie du trésor des
gongs et est gérée par une législation foncière
rigoureuse. L'accès aux pâturages dans les plaines est gratuit
pour les troupeaux autochtones, mais payant pour les bétails
transhumants. Le taux de taxation est fonction de la taille du troupeau et de
la superficie attribuée. Les pâturages reconstitués par
anthropisation font l'objet d'une clause entre l'éleveur et le
propriétaire terrien qui peut demander un paiement en nature ou en
espèce
v Interdiction de mettre le feu dans la
plaine ; la pratique des feux est sévèrement punie
selon les règles édictées en faveur de la réserve
de faune Binder-Léré. Le feu de brousse constitue un
délit écologique car il ravage tout sur son passage. En cas
d'incendie dans la plaine le pyromane est vivement recherché pour
être puni.
v Interdiction de cultiver sur les berges des
Lacs : Les cultures de berges constitue une menace pour certains
végétaux non ligneux dont les touffes buissonneuses douées
d'un important appareil racinaire permettent de garantir au sol une certaine
résistance contre l'érosion hydrique.
v Interdiction de couper les herbes protégeant
les berges contre l'érosion hydrique, l'andropogon gayanus,
le mimosa pigra etc. sont des essences floristiques protectrices de
berges.
Mais l'application et le respect de toutes ces mesures sont
mitigés, car des cas de déviances sont constamment
observés.
Tableau 5 : le type d'activité
menée dans chaque zone.
Zones
|
Activités menées
|
Personnes concernées
|
Pression sur la zone
|
Zone banale
|
Pêche quotidienne
|
Pêcheurs
|
Forte
|
Zone de protection intégrale
|
Aucune activité humaine
|
-----
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Cas de fraude
|
Zone de mise en défens
|
Zone de reconstitution avec pêche réglementée
localement
|
Pêcheur et Groupement des pêcheurs
|
Faible
|
Zone tampon à l'activité agropastorale
|
Culture maraîchère
Pâturage des animaux
Fabrication des briques
Prélèvement du sable, lessive etc.
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Agriculteurs
Eleveurs
Pêcheurs
Agro éleveurs
|
Forte
|
Zone du chef « Mabii Gong »
|
Pêche rituelle
|
Gong et ses administrés
|
Faible
|
|